Définir la transition énergétique, décrypter un « consensus ambigu » Une comparaison franco-allemande Aurélien Evrard Université Paris 3 – ICEE / Sciences Po – CEE Congrès de l’ACFAS, Montréal, 14-15 mai 2014
La transition énergétique à l’agenda politique • En France – Nouveau ministre, projet de loi annoncé pour l’été (texte longtemps repoussé). Un « nouveau modèle énergétique » encore flou malgré un débat national (DNTE). – Enjeux : nucléaire (50%?), fiscalité carbone, prix de l’électricité, renouvelables, maîtrise de la demande
• En Allemagne : – Un consensus politique depuis Fukushima (évolution de A. Merkel), transition concertée/planifiée (Energiekonzept 2050) – Enjeux : sortie du nucléaire, dvpt des ENR, efficacité énergétique. Plus récemment : « coût de la transition », décentralisation ou non?
Malgré les apparences, il reste des ambigüités dans les deux pays / projets de transition énergétique
Définir la transition énergétique • Conception « traditionnelle » de la transition énergétique (Cf. Melosi, 2006 ; Miller et al. 2013) – Idée qu’une source (ou un groupe de sources) d’énergie domine le marché pendant une période donnée avant d’être contestée puis remplacée par une (ou d’autres) source(s) – Centrée sur la technologie / les sources d’énergie – conception « quantitative » qui distingue des « ères énergétiques » (bois pétrole chabon)
Limites de cette conception classique • Repose sur une conception quantitative – Indicateurs classiques : part des différentes sources dans la production ou la consommation – Oublie les ressorts politiques et sociétaux des sources d’énergie Une même source peut correspondre à des modèles de société différents
• Etablit des barrières rigides entre les « ères énergétiques » – Plutôt voir la transition comme un « processus fluide » – Superposition des « séquences » / « frictions », y compris entre différents modèles de société – Exemple : « Soft energy path » Vs « Hard energy path » (Lovins, 1977)
La transition énergétique comme consensus ambigu • La notion de « consensus ambigu » (Palier 2005) – Consensus ≠ accord entre tous les acteurs sur les buts – Au contraire : succès d’un dispositif = chaque acteur peut y trouver une interprétation acceptable
• Différents modèles / différentes directions pour la transition énergétique – – – –
Réduire la dépendance au pétrole Réduire le prix de l’énergie Décarboner la production d’énergie Changer de paradigme / Nouveau modèles d’organisation sociale
Une transition inscrite dans des trajectoires nationales différentes • Contexte français – Prestige technologique, grandeur de la France, conception centralisée de l’énergie / approche par l’offre / Nucléaire – Processus décisionnel centralisé, rôle des élites technocratiques – Secteur électrique monopolistique (changement modéré avec libéralisation du secteur via l’UE)
• Contexte allemand – Fondements intellectuels : offre / production centralisée – Rôle du charbon et du nucléaire (y compris symbolique) – Secteur électrique oligopolistique (renforcé avec la libéralisation) – Processus décisionnel relativement fermé Mais ce paradigme allemand s’effrite peu à peu à partir des années 1980 (Tchernobyl, Climat)
Comparer les transitions énergétiques • Image d’une transition allemande plus avancée et précise – Energiewende dès 1998, relancé par A. Merkel en 2011 : sortie du nucléaire, développement des énergies renouvelables, efficacité énergétique. – Scénarios énergétiques à horizon 2050 / Consensus politique
• Scepticisme quant à la transition française – Baisser la part du nucléaire de 75 à 50% dans la production d’électricité ; Réticences de l’administration (et des élites technocratiques) – Rattrapage avec le développement de l’éolien offshore (3 appels d’offre) Image déformée de la réalité / Focalisation sur les sources
Les énergies renouvelables (ENR) comme révélateur des ambigüités de la TE • Une même source peut être porteuse de transitions énergétiques différentes • Cohabitation de deux modèles de développement des ENR – Un modèle décentralisé (projets collectifs en biomasse, éolien « participatif/citoyen », solaire PV). Implique des changements bcp plus radicaux (réseau, organisation du secteur, usages de l’énergie) = Soft Energy Path – Un modèle centralisé (éolien offshore, Desertec, etc.). Conception classique de la TE : d’une « ère énergétique » à une autre = Hard Energy Path (ajusté)
Conclusion : enseignements d’un regard comparatif franco-allemand • Constat de cohabitation vaut surtout pour le cas allemand : développement de l’éolien participatif. 800 en Allemagne (x2 en 2012) ; quelques cas en France • Les deux modèles sont-ils compatibles ? • Impact différents sur les territoires (acteurs locaux comme acteurs de la transition?) • Peut-on encore penser la transition énergétique nationalement (cf. influence de l’UE) • Besoin de penser la transition énergétique au-delà de la question des ressources.
Merci de votre attention !
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