Les nouvelles locomotives électriques CC de conception américaine des Chemins de Fer Néerlandais par M. Albert G. NYMEYER M. Nymeyer donne aux lecteurs de "Chemins de Fer" la primeur d'une description en langue française des CC de conception américaine construites par Heemafsur plans Westinghouse. L'exposé des thèses qui ont présidé à l'étude de ces engins peut choquer nos habitudes d'Européens et il nous parait nécessaire de bien préciser notre point de vue. Nous avons la conviction qu'en ce qui concerne la partie mécanique des machines électriques, la construction européenne a beaucoup travaillé ces quinze dernières années et a abouti à des réalisations remarquables. C'est ainsi que l'on peut affirmer que les moteurs complètement suspendus de nos locomotives récentes ne coûtent pas plus cher à l'achat ou à l'entretien que des moteurs suspendus par le nez. Nos locomotives équipées de tels moteurs ne sont pas plus lourdes que celles de conception américaine pour des puissances pourtant supérieures : CC. 7101 - 105t., 4.000 ch., CC. 1200 des NS 105 t., 3.000 ch. C'est un fait qu'aux U.S.A. il n'existe aucune transmission moderne pour moteurs suspendus comparable à la transmission Alsthom à silent-blocs ou à la transmission Brown-Boveri à disques ou à ressorts quant aux références de parcours prolongés et de prix d'entretien ultra-réduits. Il est de ce fait difficile à la construction américaine de prôner la solution du moteur suspendu alors que sur ce point les constructeurs européens ont acquis une avance certaine. Par ailleurs l'emploi en Europe de moteurs à la fois puissants et légers et suspendus par le nez, même quand il se réfère à l'expérience américaine, n'a pas conduit à des résulats vraiment concluants quant à la tenue mécanique des collecteurs, tandis que nos transmissions des types signalés ne donnent aucun souci en service. Les conceptions américaines ont leur origine dans ce qui leur est propre, voie très armée, lourdes charges paresssieu, etc... et ne peuvent être transportées dans nos normes sans de très grosses précautions. Nos charges d'entretien des voies sont déjà lourdes et la prudence s'impose quant aux solutions entraînant fatalement leur accroissement. Indiquons aussi que c'est précisément l'expérience qui nous a conduit en France à substituer le volant du manipulateur aux divers systèmes, manettes ou autres, précédemment employés. Ce sont les soucis donnés par l'emploi de fusibles même de calibre modeste (chauffage) qui nous ont conduit à généraliser le disjoncteur. Enfin c'est notre conviction profonde que le patinage est la meilleure protection d'un moteur contre la surcharge, un moteur \qui cale se voit traversé par des intensités atteignant vite des chiffres le condamnant à une mort rapide. Rappelons qu'en France des engins équipés de moteurs trop faibles pour faire patiner leurs essieux (motrices Nord-Sud par exemple) sont ceux qui ont de ce fait le plus d'incidents de moteurs. Le patinage intervient alors comme un véritable fusible de protection. (N.D.L.R.) I. -
INTRODUCTION
Les Chemins de fer néerlandais (N.S.) viennent de mettre en service leur première machine électrique de conception américaine. Comme nous l'avons déjà remarqué dans un article précédent de cette revue, les Chemins de fer
néerlandais, bien que poursuivant avec beaucoup de ténacité l'électrification de leur réseau, ne possèdent des locomotives électriques que depuis quelques années. Cette absence d'engins de traction était surtout due au fait que Ile trafic de voyageurs en Hollande est nettement plus important que le trafic marchandises et
de plus présente tous les caractères de l'exploitation d'une grande banlieue. L'automotrice électrique avec sa puissance massique élevée est parfaitement adaptée à ce genre de service; aussi les Chemins de fer néerlandais ont-ils pu réaliser et mettre au point des rames d'automotrices électriques constituant un modèle du 65
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Le schéma en élévation de la CC 1 200 N.S. a déjà été publié dans notre numéro 166. Comme ce dernier est maintenant épuisé nous avons cru bien faire en le reproduisant de nouveau. (N.D.L.R.). 3
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Légende du schéma en plan. 1 2 3 A 5 6 7 8 9 10 11
Compresseur. Relais pneumatique et homme-mort. Boîtes à sable. Boîtes à bornes. Tableau de mesure principal. Tableau de mesure auxiliaire. Manipulateur principal. Manipulateur de manoeuvres. Robinet du frein continu. Robinet du frein direct. Manette de commande du sablage.
genre. Cependant, les progrès constants de l'électrification rendaient possible et même désirable le recours à la traction électrique pour le trafic marchandises, et d'autre part la longueur accrue des lignes électrifiées permettait une exploitation plus économique des trains express en substituant du matériel remorqué par une locomotive électrique aux rames d'automotrices accouplées. L'industrie hollandaise n'était pas à même, pour des causes diverses, d'entreprendre l'étude et la construction de locomotives électriques, et les N.S. durent ainsi recourir à l'importation pour disposer dans un court délai d'un parc d'engins répondant au programme envisagé. Pour des raisons diverses, d'ordre économique les N.S. ont trouvé, pour les trois commandes placées à l'étranger, trois fournisseurs différents, et finalement le parc de machines électriques des N.S. sera constitué par trois lots de machines entièrement dissemblables dans leur conception et leur réalisation. Le premier lot de 10 machines a été étudié dans les bureaux d'études d'Oerlikon et de la S.L.M. sauf pour les premières machines venant de Zûrich-Winterthur. Cette série a été construite sous licence en Hollande. Ces machines, du type 1'DJ' série 1001-1010, ont été étudiées pour une vitesse maximum de 1 60 km/h. ; elles comportent deux essieux-moteurs logés dans le châssis et deux bogies comportant chacun un essieu-moteur et un essieu-porteur. Dans leur partie mécanique elles dérivent très nettement des machines analogues pour courant monophasé série 1 0801-1 081 2 de la ligne du Gothard mises en service dix ans plus tôt ; cette partie mécanique se comporte en service
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Interrupteur de contrôle et clef de déverrouillage. Frein à main. Tableau de commande batterie et circuit auxiliaire. Relais à mercure ventilateur. Ventilateur moteurs de traction. Génératrice courant de contrôle, Régulateur de pression. Contacteur de mise à la terre, Armoire à contacteur de courant de contrôle et fusibles HT. 21 Fusible principal.
22 Fusible chauffage du train. 23 Batterie. 24 Ventilateur moteurs de traction avec son moteur et le ventilateur des résistances. 25 Pompe à air à main. 26 Réchaud électrique. 27 Réservoir «air liquide». 28 Réservoir du frein à air. 29 Electrovalves pantos. 30 Armoire HT (bloc central). 31 Boîtes à bornes HT.
sur les lignes de plaine des N.S. d'une manière analogue à celle que l'on enregistre sur cette célèbre percée alpine. Le deuxième lot de 50 machines a été commandé en France à la Société Alsthom; les machines de cette série 1101-1150 sont à bogies du type Bo'Bo' et en conséquence à adhérence totale. Ces machines dérivent des récentes machines à bogies construites par le même constructeur pour la S.N.C.F. ; elles ont été conçues pour soutenir une vitesse max. de 140 km/h. Ce deuxième lot sera suivi par une commande de locomotives du même genre mais avec des bogies à trois essieux, correpondant dans leur conception générale aux machines CC 7000 et 7100 de la S.N.C.F., machines beaucoup plus puissantes et plus lourdes dont nous parlerons plus tard. Enfin, pour leur troisième lot de machines les N.S. reçurent une proposition de la S.A. Heemaf, travaillant en Hollande sous licence Westinhgouse, pour la construction de 25 machines du type Co' Co', et après l'adaptation du projet américain à un certain nombre d'exigences de la part des N.S. cette proposition fut finalement adoptée. Bien que les machines de cette série 12011225 répondent évidemment aux besoins exprimés par les N.S., leur conception est intégralement américaine. Ceci, ajouté au fait que les N.S. possèdent déjà des machines de conception suisse et de conception française présente un intérêt incontestable pour les comparaisons. On sait que les conditions d'exploitation des chemins de fer américains sont tout-à-fait différentes des conditions que l'on rencontre en Europe; c'est certainement une
des raisons de la rareté relative du matériel américain en Europe. En matière de locomotives électriques, nous ne connaissons qu'un seul exemple, la E-601 de l'ancien P.O., et cette machine prototype ne paraît pas avoir donné beaucoup de satisfaction, puisqu'elle fut complètement reconstruite en 1930. Evidemment, cette unique réalisation en traction électrique n'est pas une référence, puisqu'il s'agissait alors d'un prototype destiné à un service express sur lequel on n'avait pratiquement pas d'expérience à cette époque. L'éclatant succès obtenu par les autres prototypes mis en service à la même époque, donnant naissance à la célèbre famille des 2D2 françaises, a fait oublier en Europe les ressources d'Outre-Atlantique dans ce domaine. Evidemment il ne faut pas oublier de mentionner ici l'apparition dans un autre domaine, celui de la traction à vapeur, de la grosse série de locomotives du type 141 R. Ces machines de conception américaine adaptée aux normes françaises ont prouvé très nettement les avantages à tirer en Europe de quelques caractéristiques de la construction américaine. Dans le même domaine, il faut signaler les locomotives canadiennes du type 140, série 29, des chemins de fer belges, qui ont témoigné comme les 141 R françaises des remarquables qualités de robustesse de la construction américaine. Enfin on doit signaler les locomotives dieselélectriques Baldwin de 600 ch. mises en service en France et dans l'Afrique du Nord dont le comportement en service est absolument remarquable. Ainsi les domaines de la traction à vapeur et diesel ont déjà vu apparaître en Europe du
matériel typiquement américain, mais pour la traction électrique les nouvelles machines néerlandaises sont les premières unités électriques modernes conformes aux « canons » d'outreAtlantique. Elles correspondent sensiblement auj même programme d'étude que les BB Alsthom de la série 1100 : pour le service voyageurs la machine doit pouvoir remorquer en palier un train de 520 t. à 125 km/h., et'dans le service marchandises elle doit pouvoir éventuellement remorquer en palier un train de 1.650 t. à 60 km/h. Cependant, pour la machine américaine des démarrages plus énergiques sont prévus, du fait du poids adhérent plus élevé. Les nouvelles machines de la série 1 200 se distinguent de la contruction européenne classique par les caractéristiques suivantes : 1. Châssis de bogie monobloc en acier moulé. 2. Suspension des moteurs de traction par le nez. 3. Robustesse surabondante de la caisse due à un châssis très largement dimensionné et une superstructure donnant une rigidité supplémentaire. 4. Grande simplicité des procédés de construction tant dans la partie mécanique que dans la partie électrique. 5. Cabine de conduite extrêmement confortable assurant les meilleures conditions de travail à l'agent chargé de la tâche si importante de la conduite. 6. Caisse présentant de grands « nez » aux extrémités, abritant les compresseurs, et une construction très rigide, assurant ainsi une protection efficace du personnel en cas de choc violent. Les principales caractéristiques sont les suivantes : Type Co' Co'. Poids en ordre de marche 108 t., dont 68 t. pour la partie mécanique, 22 t. pour l'équipement électrique (sauf moteurs) les moteurs de traction prenant 1 8 t . Longueur hors tampons : 18.085 mm. Empattement total : 13.870 mm. Empattement rigide total d'un bogie : 4.725 mm. Diamètre des roues (état neuf) : 1.100 mm. Nombre et type des moteurs : 6 xTM 94 à demi-tension. Puissance continue par moteur, à la jante : 490 ch. (absorbé 396 kW), à plein champ, 72,4 km/h., 1.285 t/min., 675 volts, 585 A. ou 500 ch. (absorbé 405 kW) au champ minimum (42%) à 123 km/h., 2.180 t/min., 675 V. 597 A.
Vue d'ensemble de la machine
Vitesse max. en service normal 125 km/h., dans le cas de retards 140 km/h. II. LA PARTIE MÉCANIQUE ET LE MOTEUR
La caisse repose sur deux bogies identiques. Le châssis des bogies est du type monobloc en acier moulé, comportant toutes les attaches pour la timonerie du frein, les éléments de la suspension, etc... Venus de fonderie, ces châssis, fabriqués par la General Steel Casting Co. possèdent une très grande robustesse, dont ont déjà témoigné en France les 1 41 R équipées de châssis réalisés d'une manière identique. Il est remarquable que ces châssis qui constituent une pièce de fonderie très compliquée sont obtenus dans leurs dimensions définitives à quelques mm. près; ils demandent très peu d'usinage. Le sens pratique américain est nettement en évidence sur le degré de finition de ces châssis. En effet aucun travail de finition n'est fait là où cela n'est pas nécessaire. Ainsi
Fig. 4. — Châssis d'un bogie en acier moulé avec la traverse danseuse en H mise en place
(photo Heemaf).
voit-on encore partout les traces des spatules des ouvriers chargés de la confection des moules de coulée! Le châssis repose sur les boîtes d'essieux par l'intermédiaire de groupes de ressorts en hélice et de balanciers en col de cygne (fig. 5), selon la construction bien connue du bogie dit « Pennsylvania ». Ce bogie est réputé pour ses excellentes qualités de suspension et de tenue de voie, aussi bien dans son exécution à deux essieux pour les voitures que sous la forme de bogie moteur à trois essieux sur un très grand nombre de locomotives diesel-électriques américaines. Les boîtes sont à roulements Bogie de la machine avec ses moteurs de traction, mais sans fa traverse danseuse. (photo Heemaf)
(photo Heemaf)
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Photo Nymeyer.
Photo Nymeyer. Détail de la suspension primaire du bogie
doubles à barillets S.K.F Chaque essieu est muni d'un moteur de traction type TM 94 dont nous venons de donner la puissance; le poids du moteur avec pignon est de 2.800 kg.; avec train et boîte d'engrenages complet le poids est de 3.100 kg. Les firmes américaines ne donnent que la puissance continue des moteurs; la puissance unihoraire est d'environ 20% supérieure à la puissance continue. Chaque moteur possède 4 pôles principaux et 4 pôles de commutation; le moteur n'est pas compensé. Les sections des encoches de l'induit, suivant la tradition Westinghouse, ont un profil tout spécial; on utilise des balais en 3 parties. Les lames du collecteur sont en alliage spécial de cuivre; elles sont constamment serrées par un ressort circulaire. La carcasse du moteur est en acier moulé; de larges ouvertures sont prévues pour l'entretien. L'induit tourne dans des roulements à rouleaux. Le moteur est analogue aux moteurs de traction utilisés en grande série sur les machines diesel-électriques BaldwinWestinghouse. Comme sur toutes ces machines américaines le moteur est suspendu par le nez; il attaque l'essieu par un train d'engrenages rigides droits avec un rapport de 71 : 20. Il peut paraître étonnant que l'on utilise un moteur de traction suspendu par le nez sur une machine autorisée à rouler à 140 km/h., surtout lorsque l'on compare ces machines avec les machines Alsthom de la série 1100 qui ont leurs moteurs entièrement suspendus. Les Américains estiment cependant que la simplicité et le prix plus bas de la suspension par le nez justifient son application partout où la suspension intégrale ne s'impose pas. La pratique américaine montre en effet que cette dernière condition ne s'impose que dans le cas de moteurs lourds et relativement délicats tels ceux utilisés en traction à courant monophasé aux U.S.A. Tous les moteurs à courant continu des diesel-électriques américaines sont à suspension par le nez sans que l'on enregistre aucun ennui imputable à cette suspension et pourtant ces trains roulent'à des vitesses atteignant 160 km/h. Evidemment il faut tenir compte ici de deux conditions fondamentales : 1. Les Américains ne dépassent pour ainsi dire jamais des puissances continues de 500 ch. par essieu, et cela même sur les lignes autorisant des charges par essieu 68
Le train de présentation à la presse de la CC. 1201.
jusqu'à 30 tonnes. Ces puissances par essieu fois aux deux difficultés mentionnées plus haut : relativement faibles s'expliquent par les moteur assez puissant, relativement lourd d'une conditions spéciales du démarrage sur lespart, locomotive roulant à grande vitesse quelles nous reviendrons. En tout cas, on d'autre part. On voit que la question de la a toutes les facilités pour donner au moteur suspension par le nez, fortement discutée la robustesse désirée, sans être limité par depuis lontemps, soulève des arguments pour des restrictions de place ou de poids. Il et contre; on doit remarquer cependant qu'il faut ajouter que la voie américaine, partin'existe pas en toute rigueur d'expérience culièrement armée, résiste bien aux chocs cruciale prouvant incontestablement que la verticaux comme ceux que provoque la suspension totale s'impose dans ce cas; c'est suspension par le nez de moteurs pesant souvent seulement sur l'insistance du construc2,8 t. teur que les administrations ferroviaires l'ont 2. Sur les machines diesel-électriques les ten- acceptée. Il est donc très intéressant qu'un sions maxima sont de l'ordre de 600 volts, constructeur aussi expérimenté que la Société et dans la plupart des cas les circuits élecWestinghouse ait bien voulu exécuter la sustriques ne sont nulle part mis à la terre. pension par le nez pour une importante série Sur ces moteurs il n'y a donc pratiquement de machines de vitesse, en accord avec les pas de conditions difficiles d'isolement dans chemins de fer néerlandais. Si l'expérience se les enroulements d'excitation, ce qui est montre favorable à l'égard de cette suspension nettement différent du cas de la traction simple et bon marché, on peut penser qu'elle électrique à 1.500 V. continu, où les élépourrait concurrencer sur une échelle plus vaste ments électriques du moteur doivent être les systèmes de suspension complète plus chers, entièrement isolés pour pouvoir supporter plus lourds, et pouvant entraîner une augmenune tension par rapport à la terre de 4.000 V. tation des frais d'entretien. Les essais faits en au moins. Belgique avec des moteurs suspendus par le nez Nous voyons donc que la suspension par le sur la rame prototype rapide 21 et la mise en nez sur les machines diesel-électriques amériservice des trois locomotives de vitesse Bo' Bo' caines présente bien moins d'aléas que sur une du type 1 20 montrent également l'intérêt pramachine électrique européenne, et ne peut tique qu'on porte à cette suspension après une donc pas être prise comme référence. D'autre expérience de 15 ans avec du matériel à part on doit signaler cependant les performoteurs entièrement suspendus suivant une mances entièrement satisfaisantes d'un grand technique il est vrai, qui est peut-être dépassée. nombre de moteurs suspendus par le nez La réalisation des moteurs suspendus par le nez d'automotrices et de locomotives mixtes, tant sur les machines de vitesse du type 120 est en France et aux Pays-Bas que dans beaucoup même audacieuse puisqu'il s'agit de moteurs d'autres pays. Evidemment on se trouve ici destinés à une tension à la caténaire de 3000soit dans le cas d'un moteur léger tournant à 3600 V., ce qui pose des problèmes extrêmegrande vitesse (rames aérodynamiques hollanment difficiles d'isolement. Cependant, il ne daises), soit dans le cas d'un moteur puissant s'agit ici que de trois machines qui ont peu et lourd mais ne dépassant alors pas une vitesse roulé à grande vitesse tandis que l'expérience de 105 km/h, (machines mixtes françaises). Il hollandaise portera sur 25 engins. Il est regretest évident que les moteurs dans les deux cas table que les faibles longueurs de parcours du doivent supporter — et supportent! — des réseau hollandais et les tronçons de marche chocs parfois considérables; il est aussi certain rapide vraiment très courts ne permettent pas que l'élasticité de la voie— merveilleux élément d'assujettir les machines à un service aussi dur de « suspension » trop souvent négligé —joue que ceux si fréquemment rencontrés en un rôle important pour les amortir convenableFrance; ces machines, du fait de leur poids ment. Il est vrai qu'alors un entretien soigné adhérent élevé, seront employées plus partidoit maintenir l'horizontalité rigoureuse de culièrement à la remorque des trains de marla voie. chandises roulant à faible vitesse et ceci est La suspension par le nez : Sur les nouvelles une autre raison pour laquelle l'expérience locomotives de la série 1 200 on se heurte à la faite avec ces machines en Hollande ne sera pas
Moteur de traction type TM 94. Remarquer la connexion de retour du courant entre les paliers d'essieu du moteur. Photo Heemaf.
concluante vis-à-vis des conditions françaises. Il aurait été extrêmement intéressant que quelques machines hollandaises aient pu être utilisées à titre d'essai dans un service rapide en France, mais malheureusement le gabarit hollandais, auquel ces machines sont adaptées, est assez généreux dans les parties hautes, du fait de l'absence totale de tunnels sur le réseau des N.S. Ces difficultés de gabarit rendront impossible un essai qui aurait pu être passionnant. Les moteurs TM 94 ont été soumis à des essais au banc extrêmement durs; nous en reparlerons à la fin de cet article, pour poursuivre ici la description du bogie. Les trois essieuxmoteurs sont identiques mais l'essieu médian a ses boudins amincis; ils n'ont pas de déplacement latéral. Chaque roue a son propre cylindre de frein, actionnant 4 sabots, groupés par deux. La caisse repose sur les bogies par l'intermédiaire d'une traverse .danseuse en forme de H ; la suspension secondaire est également conforme à la conception du bogie Pennsylvania. Le pivot unique transmet les efforts dans le plan horizontal, les bogies ne sont pas attelés entre eux et les appareils de choc et de traction sont fixés à la caisse. Le poids d'un bogie équipé est de 24 t. Les moteurs de traction sont à ventilation forcée; des gaines souples relient les moteurs aux ventilateurs dans la caisse. Disposition de la caisse : Celle-ci possède les 7 compartiments suivants ; 1) Un compartiment « nez » très spacieux ne logeant en fait qu'un compresseur. Dans les faces AV et AR on a ménagé une porte d'accès. 2) Une cabine de conduite avec 2 sièges confortables surélevés pour le conducteur et pour un agent éventuel d'accompagnement (normalement la conduite de tous les trains électriques des N.S. est assurée par un seul agent, et par suite tout le matériel est muni de dispositifs homme-mort). Les organes de conduite et le siège du conducteur se trouvent à droite, la circulation ferroviaire en Hollande se faisant dans ce sens. A gauche se trouvent cependant quelques organes auxiliaires pour faciliter les manoeuvres. Les cabines sont parfaitement étanches et le toit y est à double paroi,
Bobinage d'un moteur de traction.
la paroi intérieure étant perforée et revêtue d'une matière qui absorbe le son. Ceci donne un niveau de son très bas réduisant la fatigue du conducteur. 3) Un compartiment non verrouillé abritant le groupe ventilateur. Les parois latérales de la machine au droit de ce compartiment possèdent de très larges grilles d'aspiration construites de manière à débarrasser l'air aspiré des particules liquides et solides entraînées, et surtout des gouttes de pluie, en l'obligeant à traverser des chicanes appropriées; l'eau extraite est collectée dans des gouttières, la conduisant hors de la machine. Pendant la marche des ventilateurs ce compartiment est en légère dépression ; en effet une vraie tempête y sévit puisque les ventilateurs aspirent chacun 200 m 3 d'air à la minute. 4) Un compartiment central HT verrouillé, avec deux couloirs latéraux non verrouillés. Ce compartiment central abrite tout l'appareillage de contrôle et de conduite dans un bloc d'appareils, constituant une unité séparée. 5) Un deuxième compartiment ventilateurs. 6) Une deuxième cabine de conduite. 7) Un compartiment « nez » à l'autre extrémité. La caisse repose sur un lourd châssis très résistant, consistant essentiellement en deux fortes poutres longitudinales en H et deux poutres parallèles de renforcement en U, toutes à grand moment d'inertie, et fortement entretoisées entre elles par des fers profilés et des plaques de renforcement, le tout assemblé par soudure. La superstructure de la caisse se présente comme une poutre à treillis avec des faces en tôle d'acier également assemblées par soudure et soudées au châssis. La rigidité de cette superstructure s'ajoute à celle du châssis dont la résistance aux déformations à elle seule suffit déjà à satisfaire aux exigences des « Postal Car Régulations «américaines. Les « nez » qui donnent à la machine sa silhouette typiquement américaine sont constitués par deux fortes poutres verticales et une construction en treillis, le tout revêtu de tôle d'acier et renforcé par des âmes verticales. Le nez a|ainsi une grande robustesse contribuant très efficacement à la protection du personnel
Photo Heemaf
en cas d'accident soit par tamponnement avec un autre train, soit par des collisions sur des passages à niveau non gardés. Evidemment cette protection du personnel est très appréciée par lui, mais par contre cette robustesse surabondante provoquera quelques dommages au matériel tamponné qui en Europe ne bénéficie qu'exceptionnellement d'une protection aussi forte. Sur ces machines, on a voulu imiter la silhouette des grosses machines diesel américaines, ce qui a conduit à adopter des nez très hauts et presque rectangulaires dans le plan vertical. Les canons de l'esthétique ne se discutent pas, mais en tout cas cette disposition limite fortement le champ de vision du conducteur et celui-ci ne voit les rails qu'à 35 m. environ en avant de la machine. Si cette condition ne présente pas en soi d'inconvénients absolument majeurs — en France un conducteur de Bugatti ne voit en fait qu'à plus de 40 m. en avant — elle ne facilite certainement pas la mise en tête de la machine devant un train puisque le conducteur n'a aucun moyen de voir les tampons de sa machine. La vue sur la grande face horizontale brillante du nez paraît aussi désagréable pour le conducteur, surtout dans le cas de marche à contre-jour vers la fin de l'après-midi lorsque le soleil brille (ce qui n'est pas toujours le cas d'ailleurs en Hollande). Pour améliorer la visibilité dans ces conditions le conducteur dispose d'écrans pare-soleil ajustables en verre de couleur de fumée. Par contre, l'aménagement de la cabine permet au conducteur dans sa position assise de se pencher en dehors par une fenêtre glissante, ce qui est assez pratique pour les manoeuvres, et ajoute à l'aspect américain de la machine. Les tampons sont supportés par une traverse verticale en acier, soudée au châssis de la caisse et renforcée par des plaques de raidissement. Les poutres longitudinales du châssis sont surbaissées et renforcées aux extrémités pour bien transmettre les efforts de choc et de traction. Le toit de la machine est muni de trois trappes pour le montage et l'enlèvement des appareils (bloc central d'appareils et blocs ventilateurs). Sauf pour les pièces en acier moulé, provenant des Etats-Unis, la partie mécanique a été entièrement construite par
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Poste de conduite. A gauche le contrôleur principal avec de haut en bas : manette de shuntage, manette de démarrage, place pour la manette d'inversion. Au milieu, de haut en bas : série d'interrupteurs auxiliaires, tableau de contrôle avec à g. le bouton de déclenchement général et une série de lampes-témoin, et, de g. à dr. et de haut en bas les ampèremètres et indicateurs pour la tension de ligne, intensité par groupe de moteurs, tension courant de contrôle, intensité totale, manomètre cyl. de frein, manomètre duplex. En bas on voit le grand plateau homme-mort, les deux boutons du claxon, et à droite la pédale de débloquage (tirette). A droite en haut les deux manettes du frein direct et automatique. photo Nymeyer
les ateliers d'Amsterdam et d'Utrecht de l'usine hollandaise Werkspoor sur les plans de Baldwin-Westinghouse. C'est également dans les ateliers de Werkspoor que le montage final a été exécuté avec le concours des techniciens de Heemaf, constructeur de la partie électrique. III.
L'APPAREILLAGE ÉLECTRIQUE
Les moteurs de traction ont été décrits. Le schéma du circuit de traction montre que trois positions de shuntage sont disponibles, réalisées par des résistances court-circuitant les enroulements d'excitation. Les résistances se trouvent en permanence en série avec des bobines de self (shunt inductif). Les taux de shuntage sont de 33% (FS2), 50% (FS3) et 58,13% (FS4). La présence de 6 moteurs a permis de réaliser trois couplages : série (225 V. par moteur), série-parallèle (450 V. par moteur) et parallèle (on devrait plutôt dire parallèle-série) ; 675V. par moteur. On dispose ainsi de 1 2 crans économiques; les caractéristiques obtenues sont reproduites en bas de la page. 72 Les démarrages s'obtiennent en insérant des résistances en fonte qui sont court-circuitées au fur et à mesure que l'intensité absorbée tombe (courant maximum admissible 950 A., relais maxima des moteurs réglés à 1 200 A.). On dispose de 1 5 crans de démarrage sur résistances au couplages série, 10 crans en série-parallèle, 8 en parallèle Les transitions se font par la méthode du shunt. 70
L'inversion du sens de marche se fait par inversion du courant dans les inducteurs. Les induits se trouvent tous branchés côté pantographe, et les inducteurs côté terre. Ceci assure aux inducteurs le potentiel le plus faible possible par rapport à la terre, soit, en parallèle même, de quelques dizaines de volts seulement. Ceci s'explique parce que l'isolement correct des inducteurs est bien plus difficile à obtenir que l'isolement de l'induit; les inducteurs en effet restent immobiles et sont donc plus difficiles à refroidir tandis que l'humidité qui peut y être absorbée a tendance à s'y accumuler, diminuant ainsi la qualité de l'isolement luimême. Les moteurs 1 et 2 sont couplés en série en permanence ainsi que les moteurs 5 et 6. L'isolement pour avarie d'un de ces moteurs entraîne donc également la mise hors service de l'autre moteur du groupe; les moteurs 3 et 4 peuvent par contre être isolés chacun séparément. La mise hors circuit d'un moteur avarié se fait par des sectionneurs à main; tous les autres couplages dans le circuit de traction, y compris l'élimination des résistances et les transitions sont réalisés à l'aide de contacteurs électro-pneumatiques très robustes. Ces contacteurs sont munis d'interlocks à contacts argentés. L'enclenchement des contacteurs se fait par l'excitation de leurs électrovalves par un courant de contrôle sous 48 V., fourni par une batterie fer-nickel de 30 éléments. La mise sous tension des fils de contrôle appropriés se fait par un contrôleur à levier, dont le levier commande un petit arbre à cames qui ouvre et ferme des contacts argentés du même type que les interlocks sur les contacteurs du circuit de traction. Le levier principal commande l'élimination des résistances et les couplages; aux derniers crans série et série-parallèle une butée nécessite l'enfoncement d'un bouton au bout du levier pour pouvoir passer d'un couplage au couplage suivant. La commande par levier est extrêmement commode parce que la position du levier renseigne optiquement le conducteur sur le
Vue de l'intérieur du bloc central (cellule HT). (photo Heemaf)
Vue de l'intérieur de la cabine de conduite. (photo Heemaf)
cran de marche où se trouve l'équipement; aussi la commande par levier est-elle l'équipement standard aux Etats-Unis. Une possibilité de vérification supplémentaire est donnée par un petit voyant indiquant le numéro du cran. La colonne porte en outre un levier de shuntage et un levier de changement de marche. Les leviers sont verrouillés entre eux de la façon habituelle. Le deuxième contrôleur, installé au poste de manœuvre à gauche de la cabine, ne comporte que les crans série et ne possède pas de levier de shuntage. L'installation HT est protégé par les relais habituels (courant max. des moteurs, courant max. chauffage train, tension min. caténaire, pression min. réservoirs à air comprimé). Les machines cependant ne possèdent pas de disjoncteur; chaque groupe de résistances est alimenté à partir des pantographes par l'intermédiaire de deux contacteurs de tête (rupteurs de ligne) en série. Un troisième rupteur est placé devant chacun des quatre groupes de moteurs; ainsi pendant la marche sur un cran économique, trois rupteurs de ligne en série peuvent assurer la coupure du courant. Tous les organes de conduite HT (résistances, contacteurs, relais) sont groupés dans un bloc central d'appareils qui peut être monté entièrement avant sa mise en place dans la machine. Le bloc y est fixé par quelques « points » de soudure. Le bloc est aménagé comme une cellule haute tension; les contacteurs sont rangés sur deux parois latérales et l'intérieur est vide et accessible par une porte verrouillée. Grâce à cette disposition et aux deux couloirs latéraux les contacteurs sont tous accessibles des deux côtés, ce qui facilite évidemment l'entretien. La partie où se trouvent les résistances et les shunts induetifs est séparée hermétiquement du reste de l'appareillage et le refroidissement en est assuré par un ventilateur axial hélicoïdal (il se loge dans le trou rond que l'on voit dans la face du bloc représenté dans la figure en haut de la page 71); il aspire l'air d'un des compartiments ventilateurs et le souffle dans le compartiment
résistances. Celui-ci se trouve ainsi en légère surpression. L'air s'échappe par des chicanes pratiquées dans les portions latérales de la toiture. Le poids total du bloc central est de 10 t. La face côté porte présente une glace en matière plastique, permettant au conducteur dans le cas de fonctionnement d'un relais de voir et préciser le relais dont il s'agit. Quelques lampes-témoin ont été montées sur le panneau du poste de commande pour les signalisations courantes; ce panneau comporte également un bouton-poussoir permettant au conducteur de couper le circuit de contrôle, provoquant ainsi l'ouverture de tous les contacteurs. La protection générale du circuit de traction est assuré par un fusible de 4.000 A. à soufflage magnétique installé au milieu sous la caisse. Un sectionneur à main permet de déconnecter le circuit de traction des pantographes et de le mettre à la terre, ce qui déverrouille la porte d'accès de la cellule HT; il n'y a cependant pas moyen de mettre à la terre les pantographes, sauf évidemment par des procédés de fortune. L'appareillage HT sur le toit est protégé contre les surtensions par un condensateur sans self. Les pantographes sont du type Faiveley, avec deux frotteurs à trois rangées de carbone par panto. Avec les deux fils de contact parallèles de la caténaire N.S. on a ainsi dans le cas idéal douze points de contact par panto. Les carbones sont d'une fabrication spéciale contenant du cuivre finement divisé; ceci procure une réduction sensible de la résistance des carbones, aussi bien la résistance conductive que la résistance de contact. L'effet polissant sur la caténaire des carbones est conservé et ces carbones combinent ainsi tous les avantages des frotteurs métalliques et des frotteurs en carbone pur, sans en avoir les inconvénients (métalliques : usure plus accentuée des fils de contact; carbone : résistance de contact élevée et en conséquence possibilité d'échauffement des fils de contact sur une machine à l'arrêt pouvant aller jusqu'au recuit des fils avec perte consécutive de leur résistance à la traction). Les pantos se lèvent et s'abaissent sous l'action de ressorts. Le ressort d'abaissement est plus fort que les ressorts de levée ; son effort peut être annulé par un cylindre à air comprimé, ce qui provoque la levée du panto. IV -^LES AUXILIAIRES
La machine possède deux compresseurs, actionnés chacun par un moteur de 13,5 ch., et deux groupes de ventilation, actionnés chacun par un moteur de 20 ch. Les moteurs démarrent par l'enclenchement de contacteurs électro-magnétiques à double coupure, montés également dans la cellule HT. Ils sont branchés sur les pantographes avant le fusible de protection générale, conception radicalement opposée à la pratique française ; chaque moteur est aussi protégé par son propre fusible. Les moteurs se trouvent en permanence en série avec des résistances; ceci a l'avantage de protéger les moteurs contre des surintensités dans les cas de courtes interruptions d'alimentation. Ces interruptions se présentent par exemple dans les cas de ponts basculants, où la caténaire est interrompue en pleine ligne sans que l'on abaisse toutefois les pantos. Chaque moteur des ventilateurs attaque l'arbre d'un des deux ventilateurs centrifuges assurant la ventilation des moteurs du bogie au-dessus duquel ils se trouvent. L'un de ces moteurs commande en outre le ventilateur axial pour la ventilation des résistances, tandis que l'autre commande,
Le bloc central HT.
par l'intermédiare de courroies trapézoïdales, une génératrice à courant continu pour la charge de la batterie qui alimente le circuit de contrôle. La tension de la génératrice est réglée par un régulateur à vibration. Nous faisons remarquer ici que le circuit de contrôle n'est nulle part mis à la terre ; un relais actionne un avertisseur dans la cabine de conduite dans le cas d'une « terre » occasionnelle. L'action de ce relais ne provoque cependant aucun effet sur l'état électrique de la machine, puisqu'une seule «terre» accidentelle n'a aucune conséquence grave, justement grâce au fait que le circuit de contrôle est entièrement isolé. (Disposition de certaines Re 4/4 Suisses). Le chauffage du train est enclenché par un contacteur électro-pneumatique et est également branché directement aux pantographes. Ce circuit est protégé également par un fusible qui se trouve sous la machine du côté opposé à celui où se trouve le fusible de protection du circuit de traction. Chaque cabine de conduite est chauffée par quatre radiateurs d'une puissance totale de 1,5 kW. Ces radiateurs sont enclenchés par des contacteurs électromagnétiques et ils sont également protégés par des fusibles. Tous les fusibles des auxiliaires se trouvent dans une armoire verrouillée dont le déverrouillage provoque l'ouverture de tous les contacteurs auxiliaires et en outre ouvre automatiquement un sectionneur. La machine possède les circuits habituels pour l'éclairage, alimenté par la batterie et commandé par une série d'interrupteurs en face du conducteur. Les machines étant prévues pour la conduite par un seul agent, elles sont munies d'une pédale homme-mort qui, une fois lâchée, actionne d'abord un klaxon puis coupe ensuite le courant aux moteurs avec serrage simultané du frein. Pour l'avertissement, le conducteur dispose de deux klaxons pneumatiques (comme sur tout le matériel électrique hollandais), actionnés par deux pédales. Le freinage de la machine est assuré par un frein automatique Westinghouse à pression de freinage augmenté aux vitesses élevées (varistop) ; en outre il y a le frein direct sur la machine. Chaque cabine possède un volant pour serrer à la main les
(photo Heemaf)
sabots du bogie qui se trouve à côté de la cabine. Chaque cabine possède un tachymètre, dont un est enregistreur. La commande des tachymètres est électrique; les essieux médians des bogies portent à cet effet une petite génératrice en bout d'arbre. fTout l'appareillage électrique est installé d'une façon très pratique et bien accessible, sauf les câbles dont la plus grande part est mise en tubes selon l'habitude standard des N.S. Pour l'isolement des câbles on a fait usage dans une large mesure d'isolants récents de la catégorie des plastiques, tel le neoprène, qui associe une excellente résistance mécanique à un pouvoir isolant très stable et qui est très résistant à l'humidité.
La construction des nez de la caisse. (photo Heemaf)
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Entre Amsterdam et Muiderpoort, une CC. 1200 remorque le rapide 135 Liège-Stras bourg-Baie-Lu cerne-Milan-Gênes. On remarquera : le fourgon hollandais, puis deux voitures italiennes Gênes-Milan, une voiture CFF pour Lucerne et un Restaurant (W.-L.) pour Baie, Photo Nymeyer.
V — LES ESSAIS DES MOTEURS DE TRACTION ET LES POSSIBILITÉS DE LA MACHINE EN SERVICE
Tous les constructeurs de matériel électrique font subir des essais au banc en général très poussés à leurs nouveaux moteurs. Ces essais ont pour but d'une part de vérifier les résultats obtenus par le calcul dans l'étude du moteur — les calculs d'un moteur de traction relativement poussé ne présentent pas toujours l'exactitude nécessaire — et d'autre part de vérifier la robustesse du moteur et sa marge de sécurité en lui faisant subir des surcharges de toute nature. En général un moteur de traction, une fois calculé, est construitàquelquesexemplaires pour ajuster un certain nombre de paramètres après les essais au banc : entrefer, intensité du champ de commutation, etc. C'est seulement après ces essais que l'on procède à la fabrication en série. Au cours des dits esssais on vérifie également réchauffement des éléments électriques (enroulements des inducteurs et de l'induit, et collecteur) après avoir fait tourner
le moteur sous charge à un régime bien défini et pendant des temps également définis par des règlements internationaux ou spécialisés. C'est d'après l'échauffement qu'on détermine les puissances unihoraires et continues (en général un échauffement de 120°C° au-dessus de la température ambiante). On vérifie également le rendement du moteur aux régimes définis. Les essais de surcharge ont pour but de vérifier la résistance du moteur aux surintensités, aux surtensions et au flash (feu circulaire) et de déterminer les limites de la commutation noire. Comme tous les constructeurs la Société Heemaf absorbe la puissance développée à l'arbre du moteur par un moteur identique couplé en génératrice. Les essais de surcharge et de flash ont été faits en coupant le courant du moteur pendant 0,5, 1 et 2 secondes et en établissant la pleine tension immédiatement après. On a commencé ces essais au moteur TM 94 sous la tension nominale de 675 V. et le courant de 585 A. correspondant au régime continu. On a augmenté la tension graduellement, en augmentant le courant enmême temps
Caractéristiques efforts-vitesses des 1.200 pour une tension à la caténaire de 1.350 volts et des roues de 1.060 mm. diam. (dessin Heemaf) Trekkrachs in ton = effort en tonnes. Snelheid in km/h. = vitesse en km/h. Sterk veld = Plein champ. Ligne 1-1 : Effort nécessaire pour la remorque en palier d'un train de marchandises de 1.650 tonnes. Ligne 2-2 : Effort nécessaire pour la remorque en palier d'un train de voyageurs de 520 t.
pour ne pas dépasser la vitesse limite de l'induit, tout en faisant les essais de coupure après chaque augmentation. Pour les essais on est allé jusqu'à une tension de 940 V. et une intensité de 940 A., ce qui correspond à une puissance de 885 kW. On avait ainsi atteint les limites de l'appareillage d'alimentation et d'autre part les chocs dans le couplage entre moteur et génératrice devenaient dangereux. Même à cette surcharge considérable une coupure de 2 s. ne pouvait pas provoquer de flash, la commutation, tout en n'étant plus noire, était encore acceptable. La figure 20 montre un oscillogramme de la tension et de l'intensité obtenu sous cette surcharge après une coupure de 2 s. On voit que l'intensité a atteint en pointe pendant 0,1 s. près de 1.140 A., ce qui correspond à peu près au double du courant au régime continu. Il est à remarquer également que le moteur y tournait à 2.800 t/min., ce qui correspondrait à une vitesse de 158 km/h. La première machine a effectué diverses marches de rodage pour la vérification de la
Oscillogramme des essais de coupure sous surcharge d'un moteur TM anderbreking = après 2 sec. d'interruption.
94 na 2 sec. Photo Heemaf
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72
1 tes.
tenue des paliers, moteurs, résistances, etc... Des essais de démarrage ont été effectués avec un train de charbon de 54 wagons (1850 t.); ici la machine a pu témoigner, lors de démarrages en rampe, des remarquables aptitudes à la traction que lui apporte son poids adhérent élevé. Cette question du poids adhérent et de la puissance par essieu est une de celles sur laquelle les opinions diffèrent souvent. On est naturellement enclin à admirer des projets de machine alliant une puissance très élevée à un poids très faible. Il est bien évident que toute réduction de poids doit être applaudie puisque cette réduction réduit la consommation d'énergie et également le prix d'achat, ce prix se calculant pour des machines principalement au kilo (actuellement de l'ordre de 1.000 francs). Cependant, la consommation d'énergie ne représente que 20% et l'amortissement 10% du prix de revient kilométrique total d'une machine, et ces paramètres ne jouent donc pas un rôle primordial (seulement 30% du prix de revient). C'est que pour un poids adhérent donné les puissances élevées ne sont utilisables qu'à des vitesses élevées et plus une machine est légère, plus les vitesses de marche doivent être grandes pour pouvoir se servir des puissances considérables installées. A chaque vitesse, la puissance utilisable maxima dépend du poids adhérent et du coefficient de frottement railroue. Il est inutile évidemment de disposer d'une puissance très élevée si l'on n'est pas à même de démarrer un train d'abord, et tout dépend en fin de compte du service à assurer par la machine. La traction à courant continu est particulièrement pénalisée ici par la nécessité de démarrer avec tous les moteurs en série entre eux et avec des résistances; c'est un couplage particulièrement instable puis-
qu'un patinage provoque un déséquilibre favorisant justement ce patinage. Pour cette raison les techniciens américains estiment qu'il y a intérêt, dans le cas de machines mixtes, à avoir par essieu un moteur insuffisamment puissant pour développer un effort à la jante des roues dépassant le produit de la charge par essieu par le coefficient de frottement. C'est seulement pour les rapides que l'on pourrait dévier de ce principe, et ceci encore plus facilement en courant monophasé (tous les moteurs toujours en parallèle, réglage du courant par variation de tension) qu'en courant continu. La pratique européenne s'inspire d'une thèse opposée; on doit être toujours à même de faire patiner les essieux, en contradiction totale avec la conception américaine qui veut que l'on doit être toujours à même de démarrer le train. Si la thèse européenne peut être appliquée sans trop d'ennuis pour les locomotives devant remorquer des rapides, on peut estimer même qu'elle n'est pas viable dans le cas d'une machine qui veut être universelle, surtout dans les conditions hollandaises où le champ d'action des machines doit être très étendu, aussi bien du point de vue vitesse que du point de vue charge remorquée. C'est probablement aussi pour cette raison que les machines ID1 Suisses des N.S.avecleur puissance voisine de 4.500ch., mais un poids adhérent de 72 t. seulement ont été prévues pour pouvoir marcher en unités doubles : non pas pour pouvoir disposer d'une machine double de 9.000ch., mais pour obtenir une unité double de 144 t. de poids adhérent. La tenue de voie des 1200 est très bonne; elles sont plus tranquilles que les BB 1100 grâce sans doute à leur plus grande longueur, leur poids plus élevé, l'absence d'attelages entre bogies et à la fixation corrélative des
organes de choc et de traction à la caisse. Les machines sortent actuellement des usines Werkspoor/Heemaf à la cadence de 2 à 3 par mois. Elles remplacent alors les BB 1100 pour la remorque des trains de charbon en surcharge provenant des mines du Limbourg et les trains d'huile venant des gisements pétrolifères de Dernte; dans les deux cas se présentent en effet des charges dépassant souvent les 1.600 t. Les BB 1100 ainsi que d'ailleurs les machines suisses présentent pour ce service un poids adhérent insuffisant, rendant certains démarrages très pénibles en service régulier. D'autre part, les courbes du couple moteur et le rapport des engrenages des machines suisses ont été déterminées en tenant compte de la vitesse de 140 km/h, pouvant être atteinte en service voyageurs; enfin le couple de démarrage des machines BB 1.100 à deux couplages est sans doute un peu trop faible pour pouvoir quitter rapidement les crans de démarrage sur résistances en démarrant ces très lourds trains de marchandises, ce qui peut être ennuyeux dans le cas de la conduite par un conducteur encore peu expérimenté. Avec les nouvelles machines américaines du fait de leurs trois couplages, de leur couple élevé et surtout de leur grand poids adhérent ces démarrages ne présentent pas de difficultés et il semble bien que, des trois lots de machines différentes des N.S. 1 D1, BB 11 00, CC 1 200 actuellement en service, les nouvelles CC série 1200 réalisent de plus près l'idéal poursuivi par les chemins de fer néerlandais; celui de la machine électrique universelle à courant continu et à grande puissance. Il est certain que l'on attendra avec intérêt les conclusions à tirer du service effectivement fourni par les nouvelles machines « américaines ».