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OPÉRATIONS MARKETING-VENTES
A L’AUBE D’UNE ÈRE MARQUÉE PAR LE SYSTÈME DE SOINS Quelles sont les nouvelles stratégies d’organisation des laboratoires et leurs conséquences sur les fonctions marketing-ventes ? Réponses, avec force détails, dans l’étude réalisée par le cabinet de conseil AEC Partners pour Pharmaceutiques et le Leem. Quelles sont les évolutions les plus notables ? Celle du marketing notamment, qui se voit attribuer un rôle davantage tourné vers le système de soins que vers les produits. Les patients occupent en effet une place de plus en plus centrale. L’organisation en « Business Units » restera-t-elle le modèle adéquat dans l’avenir ? Une chose est sûre, sa pertinence est aujourd’hui remise en question. ——————
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’environnement, de plus en plus complexe, pousse les entreprises à remettre en cause leur modèle économique. Les laboratoires pharmaceutiques, qui ne sont pas en reste, se réorganisent, et se globalisent. Du coup, les métiers s’adaptent. Nombre de facteurs expliquent ainsi l’évolution, notamment, des opérations marketing et ventes. Avec le développement des produits issus des biotechnologies et de spécialités destinées à de petites cohortes, les « blockbusters » tels qu’ils existaient laissent leur place au modèle de « blockbusters de niche ». Parmi les grandes tendances qui se dessinent, la généralisation d’un marketing de l’innovation tourné vers les systèmes de soins influe de manière conséquente les métiers du marketing et de la vente. De fait, la compréhension et l’analyse des besoins et du maillage des acteurs du système de soin prennent une place centrale dans les opérations marketingventes. Les organisations ne cessent de se médicaliser. Et les stratégies de « market access »avec les fonctions européennes ou corporate sont en plein essor. Autre facteur : l’importance croissante de l’orientation client. Patient, partenaires institutionnels, cliniciens, pharmaciens à
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seaux (16 %). Ont été cités, ensuite, la réforme hospitalière, le Plan Hôpital 2007 (11 %), la taxe sur le chiffre d’affaires (9 %), le médecin traitant (8 %) et l’évolution des circuits de distribution (8 %). Par ailleurs, aujourd’hui, tous les acteurs de l’industrie pharmaceutique doivent prendre en compte le « risk management », y compris ceux des opérations commerciales. De fait, le « Sarbanes Oxley Act », avec ses implications en termes d’audit et de surveillance des entreprises, a favorisé le développement d’une culture de « compliance » (règles de conduites). Des codes d’éthique et de déontologie professionnelle ont ainsi vu le jour : charte et certification de la visite médicale, en France. Face à une « judiciarisation » croissante et mondialisée de la santé, ces politiques s’appliquent désormais à tous les acteurs de l’entreprise. Autre facteur et non des moindres : la collaboration entre les équipes en filiale et celles européennes et corporate se renforce. Ce qui s’avère particulièrement important dans la gestion du cycle de vie des produits : optimisation du lancement de nouveaux produits et dynamisation des produits matures par leur développement. Pour s’intégrer dans les équipes européennes et corporate, la France bénéficie d’un atout non négligeable : la taille de son marché (4ème mondial). Ce qui confère à la filiale France une place de choix. Une opportunité qu’elle doit saisir, en sachant communiquer selon les modalités anglo-saxonnes pour tenir un rôle de leader en Europe.
l’hôpital, assureurs privés… Les rôles des acteurs du système de soins évoluent et gagnent souvent en importance. Les entreprises pharmaceutiques doivent ainsi élaborer des stratégies clients de plus en plus pointues. En clair, elles modifient leur organisation avec l’objectif de l’orienter vers le client et développent ainsi de nouvelles compétences (santé publique, négociation hospitalière, par exemple). Une place de choix. Les entreprises doivent, en outre, faire face à la pression croissante des autorités de santé : baisses de prix, déremboursements, taxation du chiffre d’affaires… Ce contexte de restrictions budgétaires contraint les opérations commerciales à une évaluation constante des résultats des efforts engagés par leurs équipes. Un seul mot d’ordre : il faut en maximiser la rentabilité et la productivité. A la question « quels facteurs d’environnement externes à l’entreprise ont le plus d’influence sur les métiers marketing-ventes », 20 % des personnes interrogées ont cité les restrictions budgétaires et les déremboursements. Ces facteurs sont suivis de la montée en puissance des génériques (17 %), puis de la charte de la visite médicale et de la certification des ré-
Le marketing, en pleine mutation. Pour les interviewés, la plupart des métiers du marketing et des ventes prendront de l’ampleur. La nature et le nombre de postes en marketing et vente se diversifient. L’étude met en lumière le nécessaire équilibrage entre les postes pour des raisons économiques et stratégiques. Les personnes interrogées prévoient que les investissements nécessaires viendront de la baisse du nombre de visiteurs médicaux. Une chose est sure, les métiers du marketing comme ceux de la vente doivent ainsi évoluer fortement. Pour ce qui concerne le marketing, 21 % des interviewés citent le renforcement de l’encadrement réglementaire comme principale tendance d’évolution. 20 % mentionnent l’im- 444
ÉVOLUTION DE L’ENVIRONNEMENT ET IMPLICATIONS SUR LES BESOINS DE COMPÉTENCES Le plus fréquemment cité > Le facteur d’évolution externe le plus cité pour entrainer des modifications de métiers et d’organisation concerne les restrictions budgétaires et les déremboursements Les cinq dimensions > La recherche du maintien de la rentabilité face à la pression économique croissante des autorités de santé > La prise en compte du « risk management » par tous les acteurs de l’entreprise > L’évolution d’un modèle économique de « blockbuster » à un modèle d’innovation type « biotechnologie » > L’importance croissante de l’orientation client : évolution des organisations et développement de nouvelles compétences au sein du marketing et des ventes > Une collaboration accrue avec le corporate selon des modes de fonctionnements internationaux DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES
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444 portance croissante de la stratégie client, au-delà de la stratégie produit. Et 14 % soulignent la participation croissante des fonctions marketing à des groupes de travail Europe ou corporate. Interrogés sur les tendances d’évolution des métiers de vente, les professionnels ont notamment mis en avant l’évaluation croissante de la rentabilité des actions et le renforcement de la qualité et de l’éthique de l’information médicale et scientifique délivrée (16 %). 13 % ont également cité l’importance croissante des qualités de management nécessaires à l’évolution de la visite médicale et l’exigence accrue sur la gestion sectorielle. Autre tendance : le développement des activités de reporting et l’utilisation accrue des outils de CRM. Quels sont les métiers dont l’évolution devrait, à l’avenir, être la plus notable ? D’après l’étude, ce sont les métiers traditionnels de la visite médicale et du marketing. La visite médicale doit ainsi s’adapter aux besoins du médecin et aux caractéristiques de sa clientèle. Le profil des délégués médicaux évolue vers plus de qualité pour une véritable valeur ajoutée délivrée aux médecins. Il requiert désormais davantage d’écoute et un savoir faire de questionnement, une capacité d’analyse locale de l’environnement et du secteur. Mais aussi, des connaissances médico-économiques. L’information médicale dépasse le strict cadre de la présentation des produits. Le visiteur médical doit désormais savoir instaurer une relation d’accompagnement thérapeutique et assurer la promotion du bon usage des médicaments par les acteurs de santé. L’étude souligne, en outre, que la visite médicale n’est plus un simple élément du « mix-marketing ». Elle devient le centre de gravité de la relation entre le laboratoire et ses clients (médecins/patients). Véritable lien du laboratoire avec ses médecins, le délégué médical doit toutefois faire face à la réticence des jeunes médecins. En effet, ceux-ci, préférant s’informer par eux-mêmes, devraient y accorder moins de temps et d’attention.
L’IMPORTANCE CROISSANTE DE L’ORIENTATION CLIENT : ÉVOLUTION DES ORGANISATIONS ET DÉVELOPPEMENT DE NOUVELLES COMPÉTENCES AU SEIN DU MARKETING ET DES VENTES Le pouvoir croissant du patient
Les évolutions des rôles des cliniciens et pharmaciens à l’hôpital
La régionalisation du système de soin
Donner à son organisation une forte orientation client Développer des stratégies client pointues Développer des compétences de Santé Publique Faire évoluer le poste de négociateur hospitalier
du statut du visiteur médical devient, ainsi, cruciale. Pourtant, les compétences et les modalités d’exercice de la profession doivent évoluer. De nombreux programmes de formation et de gestion du changement sont en cours pour accompagner ces mutations. Autre tendance : la baisse du nombre de visiteurs médicaux. Celle-ci peut être induite par la stratégie produits-clients ou contrainte par les mesures réglementaires (avenant à la charte de la visite médicale, notamment). D’après l’étude, les mouvements démographiques devraient aider à accompagner ces ajustements. Départs à la retraites, attrition naturelle, départs individuels… entre 2002 et 2012, le nombre de délégués médicaux devrait être divisé par deux. Quant au rôle de la division marketing en filiale sur sa stratégie produit, il se limite désormais aux discussions et aux négociations avec les équipes européennes et corporate. L’objectif : faire en sorte que la stratégie produit Un chef d’orchestre. Tous les visiteurs médicaux saudéfinie au niveau mondial soit adaptée au marché franront-ils s’adapter au nouveau modèle de visite médicale ? çais. Le marketing produit est, en effet, réalisé dans sa Certains managers, interrogés pour l’enquête, avouent partie stratégique et dans une partie de sa déclinaison être préoccupés par la résistance au changement de la opérationnelle au niveau des fonctions corporate, voire profession dans son ensemble. La question de l’évolution européennes. La fonction de marketing en filiale reste, toutefois, cruciale. Elle permet d’influencer LES MÉTIERS MARKETING COMME LES MÉTIERS VENTES et d’orienter les stratégies produit interDOIVENT ÉVOLUER FORTEMENT. nationales. Le rôle de chef d’orchestre enUNE TENDANCE PARTAGÉE : L’ÉVOLUTION DE L’ENCADREMENT tre les ventes, la stratégie client et la straRÉGLEMENTAIRE tégie produit corporate reste très important. Le département marketing en filiale prépare et optimise les lancements de nouveaux produits. Comme le souligne l’étude, l’évolution permanente et la complexité des structures et des politiques de santé publiques nationales rendent nécessaires la capitalisation de savoir faire de « market access » en filiale. Cette fonction est assurée soit, par une direction marketing, soit, par une direction « nouveaux produits », soit, par la direction médicale. Elle est fortement encadrée par une structure européenne ou corporate. L’unité de 444 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES
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444 gestion des produits matures, quant à elle, est localisée
en filiale. Son rôle ? La gestion du cycle de vie des produits matures, la mise en place de moyens de promotion qui lui sont propres ou encore la recherche d’accords de « business development ». Le marketing en filiale se voit attribuer un nouveau rôle davantage tourné vers le système de soins que vers le produit. Les patients occupent une place centrale. Il Modes de s’agit d’identifier le rôle de décisions chaque acteur et son mailcentralisées lage avec les autres. L’objectif ? Les faire évoluer vers la connaissance de l’innovation. Ainsi, le processus (diagnostic-initiation du traitement-renouvellement-achat-observance) doit être étudié afin d’identifier une stratégie pour chaque acteur clé. Un critère de différenciation. Les entreprises pharmaceutiques ont centralisé leurs modes de décisions. Les filiales sont dépendantes de fonctions européennes ou corporate. Si les fonctions support dépendent souvent hiérarchiquement de l’Europe (ressources humaines, finances, achats…), celles réglementaires et médicales ont un double « reporting » Europe et France. Quant aux fonctions marketing et ventes, elles restent les dernières à être sous le seul management de la direction générale France. Le directeur général d’une filiale assure ainsi la conduite des opérations commerciales et la coordination des fonctions support. Mais pour la majorité des professionnels interrogés (75 %), l’influence du siège européen ou corporate est perçue en croissance. Elle s’exerce notamment sur la stratégie produit, les processus, les règles de conduite et les choix des organisations. Le classement des domaines d’influence du siège européen ou corporate dépend de l’origine des groupes : les règles de conduite arrivent en tête pour les groupes américains interrogés. Pour les groupes français, ce sont plutôt les choix d’organisation qui prédominent. Les choix d’organisation en France et leurs modalités de fonctionne-
4Méthodologie de l’étude Cette synthèse a été réalisée à partir des éléments suivants : • Une étude réalisée à travers une série d’entretiens qualitatifs approfondis auprès de 29 managers. - Les interviewés sont des dirigeants de l’industrie pharmaceutique - opérationnels en France et à l’international, DRH d’entreprises de taille et d’origine différentes. Ce sont également des dirigeants de cabinets de recrutement. - Un guide d’entretien qualitatif a été élaboré pour explorer, suivant la fonction de l’interviewé, les thèmes suivants : ➔ L’évolution de l’environnement et de la stratégie produit/marché et ses implications sur les organisations et les métiers marketing et ventes ➔ Les métiers du marketing et des ventes, leurs compétences et leurs évolutions ➔ Le management ➔ Les carrières et filières et les carrières à l’international ➔ Le recrutement - Une enquête quantitative menée en parallèle, à partir d’un questionnaire adressé par Pharmaceutiques à un panel de 300 cadres des filiales France, pour approfondir les thèmes de l’étude qualitative. - Une analyse documentaire des grandes études réalisées par la profession, notamment l’Étude prospective sur les métiers et l’emploi dans les entreprises du médicament à 5 et 10 ans (Observatoire des métiers, de l’emploi et de la formation du Leem). - Une analyse transversale de la soixantaine de missions de stratégie, d’organisation et de performance menées par le cabinet AEC Partners durant ces trois dernières années.
LEUR RÉUSSITE DÉPEND DE L’ADÉQUATION DES PROGRAMMES ENGAGÉS À LA FOIS AUX OBJECTIFS DE SANTÉ PUBLIQUE ET À LA STRATÉGIE DU PRODUIT Forger l’image du laboratoire dans son implication dans le traitement de la pathologie
Accroître le marché par une meilleure prise en compte de la maladie
Valeur ajoutée
Sécuriser le financement de certains produits : par exemple, en améliorant la codification
Eviter que des payeurs régionaux avertis tardivement ne réagissent négativement à des coûts supplémentaires imprévus
ment constituent, plus que jamais, un critère de différenciation face à la concurrence. Car les fonctions du marketing se diversifient : les choix de création de postes et d’organisation de l’entreprise font ainsi la différence. Selon l’étude, une très grande majorité des entreprises pharmaceutiques sont organisées en « business units ». Ce modèle comporte plusieurs avantages. Il favorise l’expertise, la focalisation sur un domaine thérapeutique, sur un segment de clients ou sur un temps de cycle de vie des produits. Il induit l’engagement de la responsabilité du directeur de la « business unit » sur les résultats. Mais il permet aussi une organisation de la filiale en miroir de l’organisation corporate. Et encourage la solidarité entre les fonctions marketing, ventes et éventuellement médicales. Au-delà d’un simple fonctionnement matriciel, les équipes s’articulent autour de la gestion et la réalisation d’un projet. Le management en « étoile » des « business units » place le client au cœur de l’entreprise. Les « business units » ont alors la charge d’articuler les expertises à son service. L’organisation en « business units » restera-t-elle toutefois le modèle adéquat dans l’avenir ? Une chose est sure, sa pertinence est aujourd’hui en question. En effet, l’importance croissante du système de soins fragilise ce modèle qui privilégie les clients médecins. Et ne s’occupe pas toujours des autres acteurs du soin. Le modèle en « business units » s’intéresse à la réussite de la relation entre le marketing et les ventes. Or, le marketing en filiale traite désormais des stratégies client avant tout. La masse critique en chiffre d’affaires devient par- 444 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES
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444 fois insuffisante avec la sortie de la promo-
tion de produits matures : les vraies gammes deviennent rares. La relation avec les leaders d’opinion est rarement établie dans la durée : les managers du marketing et de la « business unit » évoluent rapidement vers d’autres fonctions. Face à ces faiblesses, un nouveau modèle a récemment été mis en place : celui des « parties prenantes ». L’organisation est en symbiose avec le système de soins au niveau de sa direction même. Les attributions entre l’Europe et les filiales sont clairement définies en termes de stratégie produit et stratégie client/système de soins. L’orientation client se reflète dans son organisation. Celle-ci étant en osmose avec le système de soins maillé et très structuré.
MARKETING : LA FONCTION EN FILIALE EST DÉSORMAIS À GÉOMÉTRIE VARIABLE SELON UN AXE PRODUIT-CLIENT
Influencer le corporate marketing. Outre le choix de l’organisation, le profil et les comportements des managers sont en pleine mutation. Aujourd’hui, les entreprises recherchent des personnalités qui savent à la fois penser hors de leur contexte culturel et agir dans le respect de leur environnement. Une part importante de leurs activités doit ainsi être consacrée à la créativité et à l’innovation dans le respect des contraintes réglementaires et de la politique de « compliance ». Par ailleurs, le bon manager doit comprendre et analyser les enjeux des marchés internationaux. Son objectif : contribuer à l’élaboration des stratégies globales tout en sécurisant les éléments indispensables à son marché. La filiale France a de quoi exercer son influence auprès des équipes Europe et corporate. Les stratégies globales se doivent d’intégrer les spécificités du 4ème marché mondial. Toutefois, comme le souligne l’étude, l’absence d’effort de collaboration de la France pourrait la marginaliser. La France ne représente, en effet, que 5 % du marché mondial. Des relations étroites et nourries avec l’Europe et le corporate sont ainsi vitales pour la filiale France. Comment ne pas subir le corporate marketing ? Et, à l’inverse, comment l’influencer ? La filiale doit savoir nourrir les programmes
corporate pour obtenir des plans de développementmarketing utiles à son marché. Autre atout : elle doit savoir s’unir aux leaders d’autres pays et trouver des facteurs structurants communs. Et ainsi, être reconnue pour faire partie des équipes internationales et bénéficier d’un réseau international interne. Par ailleurs, l’étude met en lumière l’évolution du comportement des Français dans les équipes internationales. Certes, certains véhiculent encore une image d’arrogance et d’égocentrisme en Réseau mettant en avant leurs difficultés et les spécificités prointernational pres à leur marché. Mais, la interne plupart d’entre eux sont perçus comme de brillants stratèges. Et leur contribution est très appréciée des équipes européennes et corporate. Si les Français souffrent souvent de complexes culturels et linguistiques, ils bénéficient d’un atout majeur : leur situation privilégiée, à la charnière entre le monde latin et le monde anglo-saxon. D’après l’enquête, le mouvement déjà amorcé va donc se poursuivre. Les résultats sont déjà de très bon augure. Selon un grand cabinet de recrutement, interrogé pour LE MANAGEMENT EN ÉTOILE : LE CLIENT EST PLACÉ AU CŒUR l’étude, « aucun autre secteur n’a autant de DE L’ENTREPRISE, CHARGE À LA BU D’ARTICULER Français à des postes clés de grands grouLES EXPERTISES À SON SERVICE pes étrangers ». Autre tendance : le management hiérarchique et directif laisse désormais place au leadership. Et l’autorité n’est plus liée au statut. Les profils autoritaires sont inadaptés aux organisations d’aujourd’hui. « Il faut faire rêver les collaborateurs, manager à la séduction et fédérer », indiquent même certains interviewés. Dans ces conditions, les entreprises ont besoin de redéfinir les comportements escomptés des managers-leaders. Ils établissent ainsi des programmes de formation et d’évaluation de ces derniers. Gestion des talents. Le leader est donc celui qui intègre les règles et les contraintes de l’entreprise et de l’environnement ré- 444 DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES
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444 glementaire et concurrentiel. Outre les ob-
LE NOUVEAU MODÈLE INNOVATEUR, CELUI DES « PARTIES
jectifs pertinents qu’il doit établir à court et PRENANTES » : L’ORGANISATION EST EN SYMBIOSE AVEC LE SYSTÈME DE SOINS AU NIVEAU DE SA DIRECTION MÊME moyen terme, il doit être charismatique et transmettre sa vision. Ses atouts ? Ses capa> Une clarté des attributions entre l’Europe et les filiales cités de négociation, son influence lors de • Europe : stratégie produit travaux en équipe et en réseau interne et • Filiale : stratégie client et système de soins externe. Mais aussi sa propension à inspi> Une orientation client marquée qui se reflète dans l’organisation rer, animer, faire émerger de nouvelles • Une organisation en osmose avec le système de soin désormais maillé et très idées. Le leader sait prendre des décisions, structuré déléguer et surtout, maîtriser les modalités • Une sémantique orientée du nom des divisions de communication anglo-saxonnes. Par ailleurs, dans un contexte d’évolution rapide de l’environnement, de délégation croissante à des expertises nombreuses et évolutives, de faible contrôle de l’information, de multiplication des circuits d’information et de complexification accrue des processus, le fonctionnement par projet s’impose. D’ailleurs, certains comités de directions deviennent de véritables comités de pilotage de projets. Le leader du projet se définit alors hors du lien hiérarchique. Dans ces conditions, le nouveau « savoir être » du manager d’aujourd’hui, c’est tout simplement « être ». Les interviewés estiment que le comportement du nouveau manager sur investissement est parfois limité. Les candidats ne doit être en parfaite adéquation avec ses valeurs. Il doit restent pas toujours fidèles à l’entreprise. Toutefois, selon faire preuve d’une personnalité épanouie. Comment ? En l’étude, tous les laboratoires engagés dans ces programse connaissant lui-même pour connaître ses limites et mes souhaitent les poursuivre. adoucir ses défauts, en se sentant bien dans sa peau pour le transmettre à ses collaborateurs. Et en développant le Carrières en rupture. Un parcours professionnel stanplaisir au travail. Un directeur général interrogé pour dard se dessine à partir de cette gestion des talents et des l’enquête affirme ainsi : « mon premier challenge est de hauts potentiels. Le professionnel débute sa carrière donner le sourire à mon équipe ». Confrontés à un envicomme délégué médical, puis, dans le service marketing ronnement souvent perçu comme hostile, les collabode la filiale France. Ensuite, il obtient un poste de direcrateurs ont donc besoin d’un manager qui les repère. teur régional, avant de faire partie de la division markeCertaines entreprises pharmaceutiques mettent en ting Europe ou corporate. Il peut, s’il a suffisamment place des programme de gestion des talents et des hauts fait ses preuves, devenir directeur général d’une petite fipotentiels (ou « talent management »). Une initiative cenliale et achever sa carrière comme directeur de « business 444 sée les attirer, les fidéliser, mais aussi contribuer à développer les compétences des cadres de l’entreprise et garantir la sucTALENT MANAGEMENT OU GESTION DE PARCOURS PROFESSIONNELS : …CET ENGAGEMENT EST DAVANTAGE cession aux postes clés. Cette démarche est RECONNU DANS LES GROUPES AMÉRICAINS aujourd’hui installée de manière durable pour six grands groupes internationaux. « Dans votre entreprise, la gestion des carrières vous semble : pertinente et Elle dépend notamment de la structuraadaptée, réduite ou en développement ? »* tion et de la force des processus de ressources humaines dans la durée, de l’engagement de la direction générale. Mais aussi, de la taille et de l’origine du groupe. De fait, d’après l’étude, cet engagement des entreprises dans la gestion des parcours professionnels de leurs cadres est davantage mis en œuvre dans les groupes américains. Certaines entreprises interviewées s’interrogent sur le bénéfice des programmes de « talent management » et de fidélisation des hauts potentiels. Car ces programmes requièrent des investissements lourds : coaching, MBA, plan de développement de performance, expatriation… Et le retour
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444unit » ou directeur général France. Par ail-
LA MOBILITÉ INTERNE EST PRÉPONDÉRANTE, LES CABINETS DE
leurs, les avis des professionnels interrogés RECRUTEMENT ONT UNE PART DE 25 À 29 % DES EMBAUCHES sont unanimes : un parcours professionnel dans plusieurs pays est fortement encouragé et valorisé par l’entreprise. De fait, devenu indispensable, le poste à l’international est la voie royale du candidat qui espère un jour accéder à un poste de direction générale. Les atouts d’une telle carrière sont évidents : compréhension de la dimension internationale de l’activité et connaissance des modes de fonctionnement « corporate » des groupes. Mais l’expérience procure aussi richesse et ouverture d’esprit. Ainsi, la majorité des répondants au questionnaire de Pharmaceutiques en est convaincue : 53 % souhaitent dans l’avenir tenir un poste à l’international. Pourtant, comme le souligne l’étude, un tel poste ne peut être le fruit du calcul d’une trajectoire plus que jamais, les trajectoires professionnelles. Quant professionnelle déterminée à l’avance. L’international au parcours type, il n’existe pas. Ainsi, d’après l’étude, géexige souvent de gérer des ruptures : conditions matérer sa carrière implique avant tout de savoir « gérer des rielles et familiales, déménagements difficiles, différences ruptures et de rebondir ». La prise d’un nouveau poste de niveau de vie entre le pays d’expatriation et la France… doit satisfaire deux conditions : « Le poste me fait-il plaiFaut-il pour autant s’expatrier ? Les avantages d’un tel sir ? ». « Vais-je apprendre quelque chose ? » Les cadres choix sont pléthores. Certes, des divisions Europe ou corl’ont bien compris. Ils acceptent les risques de ce nouporate existent en France. Elles peuvent offrir, sans expaveau modèle de carrière. Mais les entreprises, elles, montriation, l’opportunité de connaître des modes de travail trent plus de réticences. Elles préfèrent encore recruter internationaux et une meilleure compréhension des groudes cadres qui ont déjà fait leurs preuves dans le même pes. Mais avoir su changer de pays et tenir un poste dans secteur, voire le même type de produit. Et surtout, qui une filiale à l’étranger ou dans un siège international reste sont en poste. L’étude indique toutefois que ce mode de très apprécié. Le candidat aura ainsi démontré sa capacité recrutement devra évoluer. Car il sera nécessaire de réinaux échanges culturels, aux contacts humains, à la retégrer les cadres licenciés lors de fusions et autoriser les mise en cause. passerelles entre métiers et secteurs. D’après l’étude, pour les postes de direction, la notion Si la mobilité interne reste prépondérante, 25 à 29 % de carrière linéaire s’efface au profit d’un parcours profesdes embauches se font par l’intermédiaire de cabinets de sionnel qui se négocie étape après étape. Celui-ci se recrutement. Leur processus de recherche des candidats construit et s’appuie sur la richesse d’expériences. En potentiels est bien rôdé. L’évaluation et l’adéquation général, 3 à 5 ans par poste sont nécessaires au candidat des candidats à l’entreprise constituent leur cœur de mépour démontrer sa valeur ajoutée. De nombreuses passerelles existent : elles sont souLES SOCIÉTÉS PHARMACEUTIQUES ONT CENTRALISÉ LEURS vent fonction du talent et de la personnalité MODES DE DÉCISIONS : LES FILIALES SONT DÉPENDANTES DE des managers. Trois éléments restent priFONCTIONS EUROPÉENNES OU CORPORATE mordiaux afin d’acquérir la polyvalence recherchée pour les postes de direction. Le > Si les fonctions support dépendent souvent hiérarchiquement de l’Europe, par département marketing est un passage exemple Ressources Humaines, Finances, Achats, SI, obligé à coupler avec un poste dans la di> Les fonctions Réglementaire et Médicale ont un double reporting Europe et France vision des ventes pour le management, ou > Et les fonctions Marketing et Ventes quant à elles restent les dernières fonctions dans un autre département : médical, fisous le seul management de la Direction Générale France nances… De même, la connaissance d’au moins deux segments (hôpital, ville, génériques…) est valorisée. Quant à la dimension internationale, elle est incontournable. Un nouveau modèle. Dans un contexte de concentration de l’industrie pharmaceutique, les parcours professionnels sont ponctués de nombreux changements et ruptures : périodes de progression et d’évolution rapides dans l’entreprise mais aussi, de changement d’environnement, voire d’entreprise. Et parfois, de chômage. Les aléas de la conjoncture déterminent, PHARMACEUTIQUES _ DÉCEMBRE 2006
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tier et leur valeur ajoutée. L’échec d’un recrutement est plus souvent dû au comportement du candidat et à son inadéquation à l’entreprise qu’à ses compétences professionnelles. Dans ces conditions, les cabinets de recrutement doivent avoir une connaissance poussée de l’entreprise, de ses modes de fonctionnement et de ses managers pour une bonne sélection des candidats. La relation de confiance entre les cabinets de recrutement et les entreprises est ainsi primordiale. Cette relation se traduit souvent par des partenariats d’exclusivité pour at-
tirer les talents externes sans perdre les talents internes. Certaines entreprises, ayant une taille critique en volume de recrutement, sont souvent tentées de limiter l’intervention des cabinets à l’évaluation des candidats. Elles se chargent ainsi, elles-mêmes, de la recherche des candidats en amont ou la sous-traitent à des partenaires moins onéreux. ■ HÉLIA HAKIMI, AVEC CHRISTINE GARNIER, AEC PARTNERS
Trois métiers porteurs d’avenir… l’exception de la visite médicale, les métiers de « terrain » gagnent tous en importance, notamment les médecins régionaux, les négociateurs hospitaliers et les responsables institutionnels locaux. Le responsable scientifique régional (ou médecin régional) joue un rôle clé dans la communication de la stratégie thérapeutique. Il doit promouvoir la valeur ajoutée du médicament en réponse à une pathologie, face au traitement de référence et aux autres alternatives thérapeutiques. Il contribue à l’évolution des pratiques médicales en instaurant une relation privilégiée avec les médecins. Et communique sur les études pré-AMM en cours auprès des cliniciens, voire des pharmaciens et autres décideurs de prescription. Les enjeux de sa fonction résident dans le partage d’une réelle vision transversale du métier. Il faut développer des interfaces entre le médecin régional et les autres fonctions de l’entreprise, notamment avec les acteurs régionaux (directeur régional, délégué médical ou responsable de la négociation hospitalière). Par ailleurs, l’action du médecin régional doit être en cohérence avec la stratégie médicale et les enjeux commerciaux de l’entreprise. Le métier de négociateur hospitalier a tendance à s’enrichir de la relation avec les institutionnels responsables de l’hôpital. Etroitement lié au délégué hospitalier et au responsable scientifique régional, il s’adapte aux évolutions du rôle des directeurs de pôles et des pharmaciens. Lorsqu’il est affecté en région, il peut être responsable de la relation avec les Agences Régionales d’Hospitalisation.
A
connaissance des enjeux de soins et des leaders. Et instaurer un véritable débat région-siège pour éviter une myopie des politiques nationales décidées par exemple par le marketing. Il est responsable au quotidien de l’évolution du métier des délégués médicaux. Il est garant de la responsabilité déontologique régionale et veille à la conformité des opérations locales. Dans les unités hospitalières, le directeur régional anime et coordonne une équipe régionale multidisciplinaire. Son management direct est, certes, limité aux délégués médicaux. Mais il doit motiver et coordonner l’ensemble des acteurs régionaux autour d’objectifs partagés. Face à des partenaires institutionnels qui se régionalisent, ces métiers spécialisés sont parfois créés au niveau local pour établir ou démontrer le bien fondé de la thérapeutique. Des besoins nouveaux émergent.
Les professionnels doivent s’impliquer aujourd’hui dans des programmes de santé publique aux côtés des acteurs de la société civile (mairies, conseils régionaux, associations de patients…) pour la prévention ou la prise en charge de malades ou de personnes âgées, par exemple. Leur rôle diffère selon la stratégie produit-client. Et leur réussite dépend de l’adéquation des programmes engagés à la fois aux objectifs de santé publique et à la stratégie du produit. Ils peuvent, par exemple, être chargés de forger l’image du laboratoire dans son implication dans le traitement de la pathologie, d’accroître le marché par une meilleure prise en compte de la maladie. Ou encore, de sécuriser le financement de certains produits et d’éviter que des payeurs régionaux avertis tardivement ne réagissent négativement à des coûts supplémentaires imprévus. ■
SELON LES INTERVIEWÉS, LA PLUPART DES MÉTIERS DU MARKETING ET DES VENTES EN FILIALE GAGNERONT EN IMPORTANCE
Des besoins nouveaux. Quant au directeur régional, il se voit affecter des responsabilités croissantes. Il doit notamment définir des approches régionales par sa DÉCEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES