UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES- SAINT-DENIS Département des Sciences de l‟Education
UNIVERSITÉ ARISTOTE DE THESSALONIQUE Département des Sciences de l‟Éducation préscolaire
Thèse de doctorat en cotutelle entre l’Université Paris 8 (France) et l’Université Aristote (Grèce) Thèse de doctorat présentée par Ilias MADEMLIS FÊTES NATIONALES SCOLAIRES ET IDENTITÉ NATIONALE EN GRÈCE CONTEMPORAINE L’attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l’école comme moyen de construire l’identité nationale grecque
Sous la direction de Mme Dan FERRAND-BECHMANN, professeur de l‟Université Paris 8, et de M. Alexandros DAGKAS, professeur associé de l‟Université Aristote
Membre du jury Dan FERRAND-BECHMANN, professeur (Université Paris 8, France) Alexandros DAGKAS, maître de conférences [professeur associé] (Université Aristote, Grèce) Bruno PÉQUIGNOT, professeur (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, France) Stavros KAMAROUDIS, maître de conférences [professeur assistant] (Université de Macédoine de l‟West, Grèce)
PARIS juillet 2010
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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES- SAINT-DENIS Département des Sciences de l‟Education
UNIVERSITÉ ARISTOTE DE THESSALONIQUE Département des Sciences de l‟Éducation préscolaire
Thèse de doctorat en cotutelle entre l’Université Paris 8 (France) et l’Université Aristote (Grèce) Thèse de doctorat présentée par Ilias MADEMLIS FÊTES NATIONALES SCOLAIRES ET IDENTITÉ NATIONALE EN GRÈCE CONTEMPORAINE L’attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l’école comme moyen de construire l’identité nationale grecque
Sous la direction de Mme Dan FERRAND-BECHMANN, professeur de l‟Université Paris 8, et de M. Alexandros DAGKAS, professeur associé de l‟Université Aristote
Membre du jury Dan FERRAND-BECHMANN, professeur (Université Paris 8, France) Alexandros DAGKAS, maître de conférences [professeur associé] (Université Aristote, Grèce) Bruno PÉQUIGNOT, professeur (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, France) Stavros KAMAROUDIS, maître de conférences [professeur assistant] (Université de Macédoine de l‟West, Grèce)
PARIS juillet 2010
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Table des matières Préface………………………………………………………………………………………..6 Introduction………………………………………………………………………………..13 Problèmes et limites……………………………………………………………………...34
Première partie
A.
Théorie et état de la question Aperçu théorique
1.
Le rôle de l‟Etat et du système éducatif à la formation de l‟identité nationale.37
2.
Le rôle de fêtes nationales à la formation de l‟identité nationale……...….…..51
3.
Les fêtes à l‟école grecque…………………………………..………………...63
4.
Le rôle des enseignants à la formation de l‟identité nationale…………..…….68
B. Les concepts utilisés 1.
Identité nationale
1.1.
La définition « en sciences humaines » de l‟identité……………………...….72
1.2.
Les catégories de réferents identitaires psuchosociologiques d‟un acteur social……………………………………………………………..72
1.3.
Le sentiment d‟appartenance…………………………………………………72
1.4.
Définition de l‟identité nationale……………………………………………..73
1.5.
Identification et désidentification…………………………………………….79
1.6.
Visée pratique de l‟identité nationale…………………………………...……82
1.7.
La diffusion de l‟identité nationale………………………………………......83
1.8.
Identité nationale : une « identité latente »…………………………………...85
1.9.
Ce que n‟est pas l‟identité nationale……………………………………….…86
1.10. Le contenu de l‟identité nationale............................................................……92 1.11. Nation et religion………………………………………………………...….104
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2.
Attitude
2.1.
Définition de l‟attitude……………………………..………………….……114
2.2.
Approches typologiques des attitudes……………………………..………..115
2.3.
Critères spéciaux des attitudes ……………………………………………..117
2.4.
Fonctions des attitudes………………………………………………….…..118
2.5.
L‟expression des attitudes : Rôle et statut…………………………………..120
2.6.
Attitude et personnalité……………………………………….…………….121
2.7.
Attitude et opinion…………………………………………………………..122
2.8.
Attitudes collectives………………………………………………………...122
2.9.
Le système Valeur - Attitude………………………………………………..124
2.10. Le changements des attitudes…………………………………………….....125 2.11. La rigidité des attitudes……………………………………………………..126 2.12. Les recherches sur les attitudes……………………………………………..128 2.13. Conditions et limites de la prévision des attitudes………………………….129 2.14. Limites à la prévision……………………………………………………….130
3.
C:
Résumé des deux concepts……………………………………..…….……130
La formation historique de l’identité nationale grecque et les fêtes nationales
scolaires………………………………………………………………………………...…..132 1.
L‟identité pré-nationale grecque………………………………………….….133
2.
Lumières occidentales et Lumières néohelléniques……………………….....138
3.
Les débats internes idéologiques et politiques en Grèce du XVIIIe et XIXe siècle…………………………………………………………...……147
D.
4.
L‟expression politique de la doctrine hellénochrétienne - Grande Idée……...156
5.
Mythes, Légendes et « Traditions inventées »………………….…………….159
6.
Résume concernant la formation de la doctrine hellénochrétienne…………...165
Formulation des hypothèses Hypothèses………………………………………………………………………..168
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Deuxième partie 1.
Le but et l‟orientation de l‟enquête………………………………………....171
2.
Cadre disciplinaire…………………………………………………………..173
3.
Description de la situation du Lycée en Grèce contemporaine concernant la préparation et la réalisation des fêtes nationales à l‟école.…..178
4.
Méthodologie……………...…..…………………………………...……..….179
5.
Questionnaire…………………………………………………… …….…….189
6.
Caractéristiques techniques de notre analyse………………………………..191
7.
Protocole de questionnement………………………………………………...209
Troisième partie Analyse des données, résultats de l’enquête, synthèse et interprétation des résultats
1.
Programmes Détaillés d‟Etudes et fêtes nationales scolaires………………241
2.
Analyse thématiques des entretiens………………………………………....243
3.
Tableaux synoptiques des deux catégories principales……………………..258
4.
Synthèse et interprétation des résultats……………………………...…..…259
Quatrième partie 1.
Les élèves et les fêtes nationales scolaires………………………………...306
Conclusions……………………………………………………………..………..317 Bibliographie…………………………………………………………………….323 Index des auteurs……………………………………..………………………...337 Index thématiques………………………………………………...……………340 Annexes Annexe I…………………………………………………………….………346 Annexe II……………………………………………………………………356 Annexe III………………………………………………………….……….358 Annexe IV…………………………………………………………………..362
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Préface
Actuellement, nous vivons dans une époque de transition dans laquelle les idéologies traditionnelles, les corporations et les structures du monde d‟après-guerre sont remises en cause. De nouveaux besoins et de nouvelles valeurs se manifestent ; l‟optimisme, le pessimisme et le sentiment de peur coexistent et la communauté mondiale est confrontée à une série de nouveaux problèmes et défis. La mondialisation, tant économique que culturelle, qui est caractérisée par le mouvement libre des capitaux, des marchandises et la diffusion des valeurs du monde occidental, par la diffusion rapide des informations et des connaissances, par le mouvement des populations des pays pauvres vers les pays riches, par les guerres et conflits qui ont lieu partout dans le monde actuel, par la xénophobie et les formes divers du racisme, tout cela montrent la confusion qui règne actuellement. La coexistence des populations différentes en termes de religion, de langues, d‟us et coutumes et généralement de modes de vie, crée une nouvelle réalité complexe, intéressante mais déstabilisante aussi, dont les résultats ne sont encore ni clairs ni même visibles, et pour cette raison un grand nombre de débats se focalisent actuellement sur les sociétés multiculturelles, interculturelles et autres notions apparentées. Mais, comment pouvons-nous construire une société ouverte sans inégalités, discriminations et injustices ? Quels sont les institutions et les moyens que nous pouvons utiliser ? L‟éducation est sans aucun doute un des principaux paramètres car elle détermine notre mentalité, nos attitudes et nos comportements. Pour cette raison, il est nécessaire de développer l‟éducation démocratique et tolérante qui cultivera la raison comme principale valeur régulatrice de son fonctionnement, qui rejettera le dogmatisme, l‟autorité, l‟arbitraire, l‟illogisme de la propagande et toutes les formes d‟intolérance et qui met en avant l‟amour pour la vérité, l‟envie ouverte pour le monde, l‟objectivité, la curiosité intellectuelle, la timidité, la pensée critique, l‟autocritique, l‟imaginaire, la rationalisation, la conversation, le respect, l‟acceptation et la coexistence pacifique entre les hommes, les races, les religions et les civilisations et la familiarité des élèves avec les hauts faits, moraux, intellectuels, les manifestations religieuses et les productions culturelles de l‟esprit humain qui se sont accumulés depuis les siècles.
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Mais tous les efforts pour la mise en œuvre d‟une éducation démocratique et d‟une nouvelle école, doivent prendre en compte la vérité historique, sociale, économique et politique. En effet, le système éducatif est une partie indissociable d‟une structure sociale donnée et par laquelle il est influencé. En conséquence il fonctionne, à un degré important, comme un mécanisme de diffusion et de reproduction d‟une culture dominante. Bien que le système éducatif reconnaisse les idéaux de Liberté, d‟objectivité, d‟indépendance de pensée et autres, en fait, dans la pratique il exalte et il catéchise chez les élèves la culture dominante et le maintien d‟un ordre politique et social particulier. Bien sûre, l‟éducation démocratique et tolérante ne se limite pas seulement aux établissements d‟enseignement, elle devient responsable de toute la société. Le rétablissement du bon sens dans toutes les formes de l‟activité humaine renforce la liberté et le pluralisme de la Pensée et de l‟Expression. Elle nous donne des critères objectifs qui nous permettent de contrôler, jauger et choisir les idées, les valeurs, les théories, les arguments, les traditions, les structures sociales et notre manière de vivre et elle pose, aussi, comme objectif, parallèlement à l‟identification des citoyens avec l‟État-nation et avec une culture nationale, leur identification à des universaux et l‟action des mêmes citoyens comme membres de la communauté universelle. Pour les raisons énoncées ci-dessus et dans la mesure où l‟auteur de cette étude a cherché à contribuer au dialogue scientifique et parallèlement à la construction d‟une société démocratique et tolérante, il a décidé d‟étudier le rôle de l‟école publique dans la formation de l‟identité nationale. Il est vrai qu‟une grande nombreuse approche possible s‟offrait à lui au début pour étudier le sujet en question, mais une série de rencontres avec des spécialistes du sujet l‟ont convaincu de l‟aborder par le biais des fêtes nationales scolaires. Ces fêtes nationales scolaires n‟ont par ailleurs pas retenu l‟attention des chercheurs en Grèce : on n‟y trouve, concernant la formation de l‟identité nationale, que de rares références et encore sontelles « confidentielles » et indirectes. Plus précisément, l‟auteur de cet ouvrage a décidé à travailler avec des professeurs de Lettres, c‟est-à-dire avec la population qui organise et réalise les fêtes mentionnées. Son but est de déterminer le contenu de l‟identité nationale que les professeurs cherchent à développer par les fêtes concrètes. Les motivations personnelles de l‟auteur de cette étude sont nombreuses et elles font partie intégrante tant de la sphère de ses préoccupations scientifiques que de celle de ses -7-
expériences personnelles. Précisément, les motivations personnelles de la démarche sur ce sujet précis sont en rapport avec son métier, avec son long séjour à l‟étranger, avec sa région natale, avec ses préoccupations scientifiques et à cause de sa volonté de contribuer au dialogue scientifique et finalement à la construction d‟une société démocratique et tolérante sans dogmatisme, sans intolérance et sans autorité. En ce qui concerne l‟aspecte scientifique de ses motivations, le choix des professeurs et des fêtes nationales scolaires n‟est pas dû au hasard. Les enseignants, ce sont eux qui organisent et réalisent dans l‟espace de l‟école les fêtes nationales et par conséquent ils sont une catégorie très particulière car elle contribue, par le biais du processus éducatif, a un certain degré, à la formation de la culture générale des élèves et de leur identité nationale. Le choix des professeurs de Lettres s‟est aussi imposé compte tenu du fait également que les professeurs de lettres travaillent avec les enfants disposant d‟une maturité intellectuelle suffisante pour comprendre des notions comme celles de nation, de patrie, d‟étranger. Premièrement, selon l‟idée avancée par J. Piaget et A.M. Weil, un enfant à partir de dix ou onze ans peut appréhender les notions de nation, de patrie et d‟étranger. À cet âge, l‟enfant découvre qu‟en dehors des ses propres valeurs, de celles de sa famille et de sa ville, il existe aussi une collectivité plus large. « À partir de cet âge, le pays devient une réalité et correspond pour l‟enfant à une idée de patrie »1. Cette recherche revêt un intérêt scientifique supplémentaire dans la mesure où n‟a été faite aucune recherche scientifique concernant l‟attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales et en particulier dans l‟espace de l‟école. Les recherches scientifiques en Grèce se focalisent, en ce qui concerne le rôle de l‟école dans la formation de l‟identité nationale des élèves, surtout sur les rôles des manuels scolaires, des Programmes Détaillés des Études et non sur le rôle des fêtes mentionnées. Toutefois, l‟auteur de ce travail pense que ces fêtes scolaires fonctionnent comme un mécanisme idéologique indirect et souterrain qui contribue à largement à la formation de l‟identité des élèves. Alors que la communauté scientifique grecque discute et réforme les divers domaines du système éducatif grec, elle ne s‟occupe pas des fêtes nationales scolaires, et ne se soucie aucunement d‟examiner scientifiquement l‟impact idéologique de ces manifestations scolaires. L‟absence, également, de célébrations correspondantes dans les pays européens nous impose l‟obligation d‟étudier cette particularité de notre système éducatif.
1
Piaget, J. et Weil, A.M., « Le développement chez l‟enfant, de l‟idée de patrie et des relations avec l‟étranger », Bulletin International des Sciences Sociales, No 2-4, Paris, Unesco 3, 1951, p. 609.
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Enfin, la recherche concrète constitue la suite de travaux antérieurs. Précisément, l‟auteur de cet ouvrage a pu montrer, dans une des ces études antérieures publiées, que les manuels d‟histoire reproduisaient l‟historiographie officielle grecque, et contribuaient, symboliquement et indirectement, à l‟intériorisation de préjugés nationalistes et des attitudes discriminatoires envers les étrangers et les minorités religieuses. Dans le même ordre d‟idées et dans la même logique il veut poursuivre la tâche entreprise pour son DEA2. Par conséquent, cette recherche s‟inscrit dans une autre série de recherches scientifiques concernant l‟école grecque et qui se réalisent en Grèce depuis 30 ans, selon toujours les nouvelles données qui ont amené l‟intégration de la Grèce à la communauté européenne, la mondialisation et l‟immigration. En ce qui concerne l‟aspect personnel des ses motivations, en effet, en tant qu‟enseignant dans le système éducatif grec depuis douze ans, l‟auteur de cet ouvrage est appelé, quotidiennement, à dispenser la connaissance officielle et une instruction civique dans l‟école publique. Il contribue donc, directement et indirectement, à la formation de l‟identité nationale et de la culture générale de ses élèves. En raison également de son séjour en France et de son contact professionnel avec les communautés grecques, il s‟est trouvé confronté aux questions qui concernent l‟évolution historique de la nation grecque et à la formation de l‟identité nationale néohellénique et à leurs enjeux idéologiques. Cette question de l‟identité nationale s‟est présentée souvent au cours de nos recherches. Par conséquent, de ce contact fréquent avec le sujet est naît son intérêt pour lui. Une autre motivation personnelle notable aussi tient à ses racines en Grèce du Nord. À Thessalonique, capitale de la région, coexistent depuis des siècles un grand nombre de communautés différentes telles que les Grecs orthodoxes, Grecs Juifs, Musulmans, Grecs réfugiés à la suite de la catastrophe d‟Asie Mineure, Arméniens. Par conséquent, sa région natale est le lieu d‟un grand débat sur l‟identité nationale grecque, ses caractéristiques et sa coexistence avec les autres identités. En Grèce du Nord, également, le problème de la dénomination officielle de la FYROM3 influence considérablement les débats idéologiques internes car le pays en question a des frontières communes avec la Grèce du Nord : ainsi les Grecs du Nord manifestent-ils une sensibilité accrue au problème. Nous n‟oublions pas que le parti politique LAOS, que 2
Mademlis, I., Manuels scolaires et attitudes de discrimination en Grèce contemporaine, 132 p., Mémoire DEA : Science Politiques : Paris 8 : 2005. 3 Infra, p. 18.
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l‟on peut presque ranger l‟aile conservatrice extrême du spectre politique du pays, met en avant avec insistance cette question ce qui lui a valu un pourcentage de 8,26% aux dernières élections parlementaires à la ville de Thessalonique contre 5,63% pour le reste du pays. 4 D‟autre part, en Grèce du Nord le problème de la minorité de confession musulmane (environ 110.000 – 50% origine turque, 35 % Pomaques et 15% Roms –) qui vit en Thrace (région grecque du Nord voisine de la Turquie) 5 se pose en permanence avec une grande acuité, d‟autant plus que la Turquie a toujours tendance « à jeter de l‟huile sur le feu ». Alors que les conventions internationales reconnaissent cette minorité religieuse comme citoyens Grecs musulmans à part entière, la Turquie parle de minorité ethnique et plus précisément de minorité turque, autrement dit d‟une enclave en territoire grec. Cette position, ressentie comme provocatrice, perturbe les relations des Grecs du Nord en particulier avec ces populations, car ils vivent le problème directement et quotidiennement. Pour les deux raisons précédentes, les conclusions finales de notre recherche revêtent un caractère particulier car la population de la recherche est constituée par des professeurs qui vivent en Grèce du Nord. Il suit de là que les deux problèmes mentionnés plus haut (celui de la dénomination de la FYROM et celui de la minorité musulmane) reviennent beaucoup plus fréquemment dans cette région, lors de conversations politiques et idéologiques, que dans les autres régions grecques. Il y a sans doute lieu de penser que nos conclusions finales auraient pris un autre tour si nous avions réalisé nos entretiens avec professeurs originaires d‟autres régions que la Grèce du Nord. Ici, l‟auteur de cette étude faire une mention particulière concernant le choix de la France pour la réalisation de cette thèse. Tout d‟abord, une raison personnelle il y a poussé : dès ses années d‟adolescence, dans son imaginaire, la France était un pays identifié aux grandes valeurs universelles. La révolution française en 1789 avec le slogan Egalité, Liberté, Fraternité, les grands philosophes des Lumières, Mai - 1968, Paris comme une ville de la Culture et de l‟Esprit qui a joué et qui joue actuellement un rôle majeur dans les affaires idéologiques et artistiques de l‟Europe et du monde, sont autant de raisons qui ont engendré chez lui le désir de poursuivre des études et de mener des recherches universitaires et spirituelles « dans la ville des Lumières ». En même temps, il a choisi la France, car c‟est un pays avec une longue tradition dans les études du troisième cycle et de niveau élevé en matière de recherche scientifique. Parallèlement, la France a vu naître un des deux modèles 4
Ministère de l‟Intérieur de la http://ekloges.ypes.gr/pages/index.html 5 Ministère des affaires étrangères de http://www.mfa.gr/www.mfa.gr/fr-FR
Grèce la
[Ressource
Grèce
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[Ressource
électronique]. électronique].
Disponible Disponible
sur : sur :
de nation et par conséquent elle joue un rôle majeur dans les débats idéologiques internes sur la nation et les concepts connexes. Certains exemples caractéristiques qui témoignent les grands et continus débats et conflits concernant l‟identité nationale française et tous les sujets parentés se référent ensuit.6 Au moment de clore cette préface, son auteur voudrait s‟excuser auprès des enfants allogènes pour l‟utilisation du terme « étranger ». Il s‟est senti gêné d‟avoir à utiliser ce mot « étranger » pour désigner ses élèves, en fait « ses enfants » avec qui il passe la moitié de ses journées, mais malheureusement il se devait d‟adapter sa phraséologie à la phraséologie en vigueur dans la société grecque. Chacun l‟aura compris, il ne ressent pas les enfants des autres nationalités comme « étrangers ». S‟ils sont aujourd‟hui une partie de son travail, ils sont surtout une partie très particulière de sa vie.
6
Infra, pp. 30-32.
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Remerciements Nombreux ont été ceux grâce à l‟aide et à la collaboration desquels ce travail a pu être réalisé. Toutefois, parmi eux je voudrais distinguer tout particulièrement deux personnes qui ont joué un rôle majeur dans l‟exécution de cette recherche. Tout d‟abord, je voudrais saluer Mme Dan Ferrand-Bechmann mon Professeur à l‟université Paris VIII en France et la remercier chaleureusement pour son aide et son soutien. Depuis cinq ans, elle n‟est pas seulement la directrice de ma thèse, mais surtout un bon guide généreux, patient, aux remarques pertinentes qui m‟ont permis d‟atteindre mon but initial : la construction d‟un travail scientifiquement complet. Merci beaucoup du fond de mon cœur. D‟autre part, je tiens aussi à faire part de toute ma reconnaissance, de mes plus vifs remerciements et adresser une pensée amicalement dévouée à M. Alexandros Dagkas, mon Professeur à l‟Université Aristote de Thessalonique en Grèce, qui a accepté tout de suite le processus de cotutelle de ma thèse et qui m‟a conseillé et qui me conseille encore sur une série de questions importantes touchant à ma progression scientifique et à mon cursus professionnel. Je n‟aurais garde d‟oublier M. le Professeur Bruno Péquignot à qui je sais gré de l‟honneur qu‟il m‟a fait d‟accepter d‟être membre du jury de ma soutenance de thèse. Quant à M. le Professeur Stavros Kamaroudis qui m‟a lui aussi fait l‟honneur de participer au jury de ma thèse et pour les discussions portant sur le matériau primaire, qu‟il veuille bien trouver ici l‟expression de ma reconnaissance. Mes remerciements vont également M. J.L. Satre qui s‟est chargé de la correction linguistique du texte ainsi qu‟aux professeurs de Lettres qui ont participé volontairement et avec patience et amabilité à la réalisation des entretiens. Enfin, je voudrais remercier ma femme Litsa Koutidou qui m‟a encouragé durant de la réalisation de ma recherche et qui, en plus d‟être la mère de nos deux enfants, a été et continue d‟être d‟un soutien et d‟un secours inappréciables.
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Introduction Dans le contexte international actuel, avec la mondialisation 7 économique et culturelle et après la chute des régimes d‟Europe de l‟Est, nous constatons, en Europe et ailleurs, un certain nombre de changements économiques, politiques et sociaux. Un des changements les plus marquants est le phénomène des migrations de populations, en provenance, surtout, des pays pauvres (Europe de l‟Est, Asie et Afrique). L‟homogénéité culturelle des pays occidentaux et européens se lézarde et laisse place à un nouvel état de fait dans lequel communautés locales, doctrines religieuses différentes et minorités ethniques coexistent. Dans les interactions de notre vie quotidienne, nous sommes appelés à trouver un accord avec des personnes toujours plus « étrangères », aux origines socioculturelles toujours plus diverses, sur des problèmes toujours plus complexes. L‟humanité est entrée dans une ère de civilisation multiculturelle (la coexistence de facto de différentes cultures ethniques et religieuses au sein d‟un même ensemble géographique ou national, par exemple) et la cohabitation culturelle devient une question fondamentale du XIXe siècle. Mais les problèmes de cette coexistence sont nombreux. Le nationalisme, le racisme, la xénophobie, le fanatisme religieux et la discrimination envers les « étrangers » qui n‟appartiennent pas à notre « famille », envers tous ceux qui se situent à la limite de notre civilisation, en particulier envers les travailleurs immigrés, risquent de se renforcer plus que jamais. Le débat sur « la pureté nationale et le danger de son altération », contre les politiques d‟intégration garde tout son importance, car il s‟agit de la cohésion et de la paix sociale. Les épurations ethniques dans l‟ancienne Yougoslavie en état de guerre civile, au cours des années 1990, la question de la Tchétchénie, du Rwanda, du Burundi, du Pakistan, la montée des partis nationalistes en Europe – France, Autriche, Pays-Bas, Allemagne – et la volonté de toutes les Églises chrétiennes officielles d‟intervenir dans la rédaction de la Constitution européenne en sont des preuves indéniables. Depuis les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001, le vieil antagonisme croisés / musulmans est ressuscité sous une nouvelle forme, celle du grand Satan occidental / peuple musulman. La violence religieuse prend des formes très différentes comme les bombes des « martyrs » en Israël, les attentats en Californie et dans l‟Illinois en 1999, les attaques contre les ambassades américaines en 1998, les bombes contre des cliniques d‟IVG en Alabama et en Géorgie en 1997, la destruction tragique du Fédéral 7
Infra, éclaircissement conceptuel de la notion Mondialisation, pp. 193-199.
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Building à Oklahoma City en 1993, les bombes déposées par les activistes islamistes dans le métro de Paris, les bombes déposées par les nationalistes catholiques irlandais aux bus en Angleterre, les attaques islamiques des bateaux de croisière sur le Nil en Egypte, le conflit entre hindous et musulmans en Inde, entre chiites et sunnites en Irak et au Pakistan, entre protestants et catholiques en Irlande du Nord, les massacres des villages par le Front islamique en Algérie, l‟attaque dans trois gares de la capitale espagnole Madrid avec 198 morts et 1.430 blessés en 2004, etc. En même temps, la question de la Turquie relative à l‟intégration de ce pays dans la Communauté européenne pose le problème de la coexistence pacifique avec un pays rattaché à l‟Islam dans une communauté traditionnellement judéochrétienne. Toutes les nouvelles situations, cette nouvelle donne que nous venons de décrire, ont eu un retentissement sur la société grecque qui envisage ces défis récents (mondialisation de l‟économie, déplacement de populations, mélange de cultures) avec suspicion. Cette suspicion augmente au même rythme qu‟un phénomène entièrement nouveau pour la réalité grecque depuis 20 ans : celui de l‟immigration. Plus précisément, la Grèce, pays qui exportait de la main d‟œuvre pendant les deux tiers du XXe siècle, s‟est transformée en pays « importateur ». La Grèce fut traditionnellement un pays d‟émigration, jusque vers 1975. À partir de cette date, elle s‟est transformée radicalement en pays d‟immigration. L‟immigration d‟étrangers a été surtout sensible depuis la fin des années 1980, atteignant un maximum vers 1992-1996. Depuis lors, quoique ralentie, l‟immigration d‟étrangers continue, avant tout depuis les pays de l‟Europe de l‟Est (Albanie), ainsi qu‟au départ des pays d‟Afrique et surtout d‟Asie. Depuis 1976 jusqu‟en 2000, soit en 25 ans, pas moins de 1.260.000 immigrants sont venus habiter la Grèce, ce qui est considérable, correspondant pour la France à l‟arrivée de plus de sept millions de personnes. Il est à noter que ces migrants ne sont pas tous étrangers. Une importante partie d‟entre eux sont des Grecs rapatriés anciennement émigrés à l‟étranger (notamment en Allemagne), et revenus au pays après le premier choc pétrolier (1973-1975), et surtout plusieurs centaines de milliers de Grecs pontiques qui habitaient de longue date en URSS, surtout en Géorgie, et qui ont décidé de se réinstaller en Grèce durant les années 1990. Leur qualité de descendance grecque leur a facilité l‟acquisition formelle de la nationalité grecque. La première vague d‟étrangers date du début des années 1980. Elle était surtout composée d‟Asiatiques (Philippins et Pakistanais occupés dans marine marchande grecque florissante) ou de Sri Lankais, mais également d‟Éthiopiens, de Soudanais et Égyptiens. À - 14 -
partir des années 1990, une deuxième vague d‟immigrants bien plus importante s‟est formée, constituée surtout des immigrés originaires des anciens pays de l‟Est, en particulier des Albanais, des Polonais, et des ressortissants de l‟ensemble des pays pontiques (régions entourant la Mer Noire).8 Bien que les statistiques officielles concernant les immigrés soient sujettes à caution, nous n‟avons guère d‟autre choix que de nous pencher sur le dernier recensement officiel de la population effectué en 2001 en Grèce pour donner une idée du phénomène. Ce recensement fait état de la présence de 762.191 étrangers, c‟est-à-dire 7% de la population totale. Parmi eux, 696.205 viennent des pays hors de la Communauté européenne, 48.560 de la Communauté européenne ; les 17.426 restants sont des Chypriotes. L‟absence de ce type de données dans les recensements précédents ne nous permet malheureusement pas de procéder à des recoupements ni à des comparaisons. Toutefois, selon une estimation de l’Institut de la Politique de l’Immigration (IMEPO), il semble que le nombre d‟immigrés présents aujourd‟hui en Grèce ait été multiplié par cinq par rapport aux chiffres de 1988. Une nouvelle estimation de l‟IMEPO, datée de 2004 9, pose que les immigrants issus des pays hors de la Communauté européenne étaient presque 900.000, c‟est-à-dire environ 8% de la population totale. Si l‟on y ajoute aussi les Grecs rapatriés dont le nombre avoisine les 200.000, ainsi que les 50.000 personnes en provenance des pays de la Communauté européenne, l‟ensemble des immigrants en Grèce se monterait-il à 1.115.000.10 Ainsi des pays de la Communauté européenne de plus de 10 millions d‟habitants en 2008, c‟est la Grèce qui a la plus grande proportion d‟immigrés (presque12% de l‟ensemble de la population), l‟Espagne occupant la deuxième place (11%) et l‟Allemagne la troisième (8,9%).11 Selon le même recensement officiel de la population (2001), plus de la moitié des étrangers en Grèce sont Albanais (52%), suivis par les Européens de l‟Est et des Balkans (22%), les Asiatiques (14%), les Arabes et Africains (12%) 12 : une proportion de 85% d‟entre eux a un emploi. Les métiers du bâtiment occupent 23% de cette population (surtout des Albanais) ; une proportion de 20% (originaires d‟Asie pour la plupart) est ouvriers et 8
Πνζνηηθή Γηάζηαζε θαη Χαξαθηεξηζηηθά ηεο Μεηαλάζηεπζεο (Dimension quantitative et caractéristiques de l’immigration) [Ressource électronique] : Institut de la Politique de l‟Immigration, 2004, [réf. du 1er novembre 2008]. Grèce. Disponible sur : http://www.imepo.gr/documents/IMEPO_Report_Greek_revised_Final1. pdf 9 Ibidem. 10 Infra, Annexe I (Tableau I), p. 346. 11 Population of foreign citizens in the EU27 in 2008 (Population des citoyens étrangers en CE27 en 2008) [Ressource électronique] : Eurostat 2009 [réf. du 1 Janvier 2010] : France. Disponible sur : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-16122009-BP/EN/3-16122009-BP-EN.PDF 12 Infra, Annexe I (Tableau II), p. 346.
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techniciens ; les Arabes et Africains, qui constituent 13% de cette population active, sont vendeurs et commerçants. On compte également une proportion de 13% de femmes de ménage issues des Balkans et de l‟Europe de l‟Est. 13 Un autre phénomène, compréhensible mais néanmoins remarquable est que seule la Grèce, de tous les pays de la Communauté européenne, compte avec un seul pays d‟origine (l‟Albanie), plus de 50% de l‟ensemble des immigrants. Enfin, nous devons noter que la plus grande concentration d‟immigrants se trouve dans la municipalité d‟Athènes (132.000, soit 17% de la population totale), contre 27.000 immigrants (7% de la population totale) dans la municipalité de Thessalonique. À Serrès (une des villes sur lesquelles porte notre recherche) la proportion est très faible, à peine 3%. L‟immigration clandestine, selon l‟IMEPO 14, compte au minimum, 185.000 personnes qui vivent surtout dans le Centre d‟Athènes dans des conditions misérables. Bien sûr, l‟entrée des immigrants en Grèce n‟a pas été sans conséquences sur l‟école grecque. L‟homogénéité traditionnelle de la population « écolière » a été affectée par l‟arrivée des élèves étrangers. Alors que, voilà une décennie, ils n‟étaient que 8.455 et représentaient seulement 0,6% de l‟ensemble de la population écolière, en 2003-2004 on dénombrait 98.241 élèves allochtones - étrangers et pour l‟année scolaire 2005-2006 ils constituaient 6,8% (108.000) de l‟ensemble de la population écolière. Avec 66% les petits albanais arrivent en tête des élèves étrangers, 10,58% proviennent de Bulgarie et 4,8% de Roumanie. 15 À Athènes et à Thessalonique, les deux plus grandes villes grecques, se concentre le plus fort taux d‟immigrants et par conséquent la plus grande proportion d‟élèves étrangers. Dans les établissements secondaires d‟Athènes (collège, lycée) on trouve 10,5% des élèves étrangers, c‟est-à-dire, en données chiffrées que sur un total de 225.144 des élèves, 23.454 sont étrangers. D‟autre part, toujours à Athènes, 80,2% des élèves étrangers sont d‟origine albanaise. Cette proportion est plus faible à Thessalonique où 4.378 enfants sur 65.503 scolarisés sont étrangers soit 6,7% du total. Les régions rurales sont aussi concernées par le phénomène mais dans une proportion beaucoup moins importante. Il convient en outre de signaler que dans certains arrondissements des grandes villes grecques et surtout d‟Athènes, 13
Dimension quantitative et caractéristiques de l’immigration [Ressource électronique] …, op. cit. Δθηίκεζε ηνπ Όγθνπ ηωλ Αιινδαπώλ πνπ Γηακέλνπλ Παξάλνκα ζηελ Διιάδα (Estimation de l’ensemble des immigrants sans papiers en Grèce) [Ressource électronique] : Institut de la Politique de l‟Immigration 2008 [réf. du 20 octobre 2009]. Grèce. Disponible sur : http://www.imepo.gr/ClientFiles/documents/AENEAS_IMEPO_RESEARCH_.2008_GR_000.pdf 15 Infra, Annexe I (Tableau III), p. 346. 14
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les écoles accueillent une proportion plus élevée d‟élèves étrangers (70% d‟élèves étrangers).16 En Grèce, le Ministère de l‟Éducation et des Cultes, afin de mieux intégrer les élèves étrangers dans l‟école et dans la société grecque a créé les classes - accueil et les classes des séminaires (L. 2413/1996) dans lesquelles les instituteurs et les professeurs du Collège enseignent essentiellement la langue grecque aux élèves étrangers. Actuellement, il existe 322 classes accueil en fonctionnement sur l‟ensemble du territoire grec mais elles voient chaque année leur nombre d‟élèves diminuer. Dans le paysage éducatif grec, on trouve également une nouvelle institution : l’École interculturelle. Actuellement existent 26 Écoles interculturelles dans lesquelles l‟ensemble des élèves est étranger et le programme scolaire comprend exclusivement des cours adaptés à ce public très ciblé. 17 Cette situation nouvelle – l‟arrivée d‟étrangers en nombre – a influencé idéologiquement et politiquement la société grecque. Alors que la société grecque était traditionnellement « fermée », on constate, actuellement, en raison de ce nouvel ordre des choses, un recul idéologique et un retour au conservatisme, malgré l‟appartenance de la Grèce à l‟Union européenne, la démocratisation de l‟État et l‟évolution économique. Dans un court laps de temps, l‟afflux de travailleurs immigrés venus des pays de l‟Est, surtout d‟Albanie, mais d‟autres pays aussi – Pakistan, Philippines – ainsi que les changements et les reclassements causés par la suppression de la protection sociale ont engendré un sentiment d‟insécurité et des manifestations de xénophobie. Bien qu‟institutionnellement il y ait une protection complète des droits des minorités et le droit à la liberté d‟expression, on constate néanmoins un décalage entre le cadre institutionnel et la mentalité de la société. Quotidiennement nous sommes les témoins de pratiques illégales et de corruption, de comportements extrêmes comme des livres qui sont brûlés par des « superpatriotes », d‟inégalités aux dépens des minorités religieuses, des homosexuels – surtout à l‟armée –, de propos injurieux à l‟égard des faibles, incapables de se défendre par eux-mêmes. Ceci passe aussi par des émissions télévisées qui, grâce à une large audience, manipulent la peur, la souffrance et le malheur, dans un but commercial.
16
Infra, Annexe I (Tableau IV), p. 347. Μεηαλάζηεπζε ζηελ Διιάδα θαη Δθπαίδεπζε (Immigration en Grèce et éducation) [Ressource électronique] : Institut de la Politique de l‟Immigration, 2004 [réf. du 15 octobre 2008]. Grèce. Disponible sur : http://www.imepo.gr/documents/SkourtouIMEPO.pdf, pp. 11-17. 17
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Un symptôme caractéristique de ce recul idéologique de la société grecque est la volonté de l‟Église orthodoxe grecque de jouer un rôle principal dans les affaires publiques de la Grèce et l‟écho positif que trouve cette volonté dans la société. Une série d‟événements, mentionnés chronologiquement plus bas, nous le prouve. Plus précisément, au début des années 90, le nationalisme a connu dans la société grecque un développement important. Les signes de cette progression abondent. La communauté européenne, à cause du démantèlement de la Yougoslavie, reconnaît l‟Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM ou FYROM en anglais) sous le nom officiel de Macédoine. Mais l‟Église de Grèce, soutenue par la plupart des partis grecs – excepté certains groupes de la Gauche extraparlementaire – a organisé deux manifestations de masse à Thessalonique (14 février 1992) et à Athènes (10 décembre 1992), contre la désignation du FYROM sous l‟appellation « Macédoine ».18 Plus tard, en juin 2000, le problème des « cartes d‟identité » s‟est posé, le gouvernement ayant décidé de supprimer la mention de la confession sur la carte d‟identité nationale. L‟Église Orthodoxe de Grèce et une grande partie de la société ont organisé deux grandes manifestations – Thessalonique (14 juin 2000) et Athènes (21 juin 2000) – et fait des pétitions pour exiger un referendum sur le sujet. Les signataires grecs ont ainsi soutenu, indirectement, la possibilité pour l‟Église d‟intervenir dans la vie politique. Ce problème a suscité de nouveau des questions qui concernent le rôle de l‟Orthodoxie dans la continuité de la nation grecque et de la construction de l‟État moderne grec, de la tradition religieuse orthodoxe et de la tolérance religieuse, de la « qualité de la démocratie » dans notre société, de la « nouvelle identité européenne » et du danger de l‟altération de l‟identité nationale et religieuse des Grecs d‟aujourd‟hui. 19 Simultanément, l‟Église de Grèce revendique et joue un rôle de grande ampleur dans la vie de la société grecque et dans les affaires politiques. Cette importance transparaît d‟abord dans la dénomination « Ministère de l‟Éducation et des Cultes » qui rend parfaitement compte de la non-séparation de l‟Église et de l‟État ; d‟autre part, la distinction fondamentale entre la connaissance scientifique et la foi est abolie par l‟enseignement exclusif à l‟École publique du dogme chrétien orthodoxe. En outre, cette religion majoritaire, aux bases historiques solides, semble jouir, par rapport aux autres confessions, des faveurs du régime qui pénalise de surcroît le prosélytisme. Enfin, le serment religieux obligatoire et omniprésent dans toutes les attributions de charges ou remise de diplômes, ainsi que les 18 19
Tous les journaux grecs le 15ème février et le 11ème décembre 1992. Tous les journaux grecs le 15ème juin et le 22ème juin 2000.
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interventions quotidiennes de l‟Église dans la vie publique prouvent l‟étendue de son influence. Enfin, nous nous devons de mentionner qu‟en Grèce il n‟y a pas de séparation institutionnelle entre l‟État et l‟Église et par conséquent l‟Église Orthodoxe grecque constitue une institution étatique et de ce fait une force organisationnelle et idéologique. Précisément, l‟article 3 de la constitution grecque fait référence aux rapports entre l‟Église et l‟État en soulignant que : « La religion dominante en Grèce est celle de l‟Église Orthodoxe Orientale du Christ. L‟Église Orthodoxe de Grèce, reconnaissant pour Chef Notre Seigneur JésusChrist, est indissolublement unie, quant au dogme, à la Grande Église de Constantinople et à toute autre Église chrétienne du même dogme, observant immuablement, comme celles-ci, les saints canons apostoliques et synodiques ainsi que les saintes traditions »20. Mais bien que les deux premiers paragraphes de l‟article 13 de la même constitution déclarent que : « 1. La liberté de la conscience religieuse est inviolable. La jouissance des libertés publiques et des droits civiques ne dépend pas des convictions religieuses de chacun. 2. Toute connue est libre, et les pratiques de son culte s‟exercent sans entrave sous la protection des lois. Il n‟est pas permis que l‟exercice du culte porte atteinte à l‟ordre public ou aux bonnes mœurs. Le prosélytisme est interdit »21, pourtant, pour une série de raisons historiques, développées plus bas dans notre travail, le poids de l‟Église est considérable dans les questions idéologiques de la société grecque. Les trois références ci-dessus concernant l‟Église orthodoxe grecque témoignent du rôle déterminant qu‟elle joue dans la société actuelle en Grèce. Dans le cadre des évolutions historiques concrètes, l‟Église Orthodoxe de Grèce trouve les conditions idéales pour être présentée comme la gardienne spirituelle de la nation grecque car dans l‟imaginaire grec actuel, l‟idée demeure très vivante que le Patriarcat a contribué à la continuité de la nation grecque et qu‟il a présidé à la préparation et à l‟éclatement de la révolution d‟Indépendance. Pour cette raison l‟Église Orthodoxe de Grèce ne se limite pas à son rôle en tant qu‟une institution spirituelle mais elle revendique un rôle déterminant dans les affaires politiques et surtout dans les directions idéologiques de la société grecque. Malgré des ouvertures idéologiques sporadiques, l‟Église orthodoxe de Grèce se défie des nouvelles idées. Les références récurrentes de l‟ex Archevêque d‟Athènes pour le retour « à la tradition et aux
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Constitution de la Grèce [Ressource électronique] : République Hellénique - Ambassade de Grèce [réf. du 15 juin 2009]. Grèce. Disponible sur: http://www.amb-grece.fr/grece/constitution.htm 21 Ibidem.
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sources » et son signal « en arrière toute! » trouvent un auditoire vaste et attentif. 22 Cette attitude de l‟Église, provoque, en raison du rôle important qu‟elle joue sur la société grecque, l‟hostilité et la méfiance d‟une fraction remarquable de la population envers d‟autres confessions et les nouveaux mouvements idéologiques, l‟ignorance de la tolérance religieuse et de la séparation entre la sphère publique et privée. 23 Enfin, nous ne saurions passer sous silence la réaction contradictoire d‟une partie de l‟Église officielle sur le sujet de l‟immigration. Une partie du Saint Synode craint le renforcement de l‟élément musulman. Cette partie soutient qu‟alors que la majorité des Albanais est déjà baptisée selon le rite chrétien orthodoxe, les immigrants des autres pays musulmans restent toujours fidèles à leurs convictions religieuses et dans peu de temps ils demanderont des mosquées et cimetières dans les grandes villes. Exemple caractéristique que la déclaration d‟un évêque qui soutient que « l‟homme, quel qu‟il soit, doit être respecté en tant que personne. Mais ceci ne signifie pas que nous pouvons renoncer à ce que nous sommes, à notre terre et à notre patrie, dont le sol est semé des os et arrosé du sang de nos frères qui ont combattu pour les idéaux et la liberté de notre État. La place géopolitique de notre pays ne laisse pas de marge à la désinvolture, à l‟irréflexion menant à accepter l‟idée d‟une composition sociale multiculturelle de notre peuple. Ceci équivaut à l‟aliénation de l‟indépendance nationale et à un changement de statut des us et coutumes de notre patrie, avec des conséquences imprévisibles pour l‟avenir ».24 Suite à cette référence au rôle de l‟Église orthodoxe grecque, un deuxième exemple document témoigne aussi du conservatisme de la société grecque actuelle : les enquêtes du Centre National pour la Recherche Sociale d‟Athènes (EKKE). La dernière en date, également, menée par le Centre National pour la Recherche Sociale d‟Athènes (EKKE), dans le cadre de l‟observatoire social européen (European Social Survey - ESS) et qui concernait les attitudes de l‟opinion publique européenne face aux sujets majeurs de la communauté européenne, nous montre que la société grecque a opéré un «
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« Γεκόζηα δηαθoξνπνίεζε » (Différenciation publique), journal Eleutherotypia, 20/09/2004. Une approche thèorique sur le sujet, in : Elefantis, Α., « Τν ηδενιόγεκα αιιεινπεξηραξάθσζεο Οξζνδνμίαο θαη Έζλνπο » (« La doctrine du retranchement entre l‟Orthodoxie et la Nation »), journal I Avgi, 9/6/2000 et Τsoukalas, Κ., « Τν Κξάηνο, ην Έζλνο θαη ε Δθθιεζία » (« L‟État, la Nation et l‟Église »), journal To Vima, 7/1/2001. 24 « Έξηδα ζηελ Ιεξαξρία γηα ηνπο κεηαλάζηεο » (Discorde aux prélats pour les immigrants), journal To Vima, 31/1/2010. 23
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virage conservateur »25. Cette étude a enregistré que les proportions de Grecs pratiquants26 et apolitiques27 et des jugements négatifs concernant les travailleurs immigrés en Grèce 28 sont plus élevés que ceux des autres sociétés européennes. Ici, nous ne saurions passer sous silence le dernier exemple qui prouve l‟attitude négative d‟une partie de la société grecque envers les étrangers. Dans un quartier d‟Athènes dans lequel résident beaucoup d‟étrangers, des membres, visiblement, de l‟Extrême droite envahissent de nuit les maisons occupées par des étrangers, surtout des Pakistanais pour les molester. Bien que les associations qui luttent contre le racisme et la discrimination envers les étrangers aient-elles déjà dénoncé ces actions, malheureusement, la police grecque n‟a pas trouvé encore les coupables. Un autre sujet qui a touché la société grecque et témoigne aussi du « virage conservateur » qu‟elle a pris est celui du nouveau manuel scolaire d‟histoire (2006) à l‟intention des élèves de la dernière classe de l‟école primaire. Le manuel en question, qui fait référence à l‟histoire moderne grecque des deux derniers siècles et qui aborde certains sujets idéologiques touchant à la construction de l‟État grec, a suscité, de nouveau, un vaste débat sur la nation grecque et son histoire, en ce qu‟il confond la connaissance historique scientifique et l‟historiographie officielle étatique. Les « superpatriotes » (surtout membres du parti politique de la droite LAOS – Alerte laïque orthodoxe –) ont trouvé là un bon prétexte pour s‟opposer à l‟effort d‟écrire un livre scolaire d‟histoire plus près de la vérité historique que les imaginaires nationaux. Les écrivains du manuel ont été accusés d‟être « anti-grecs et organes du complot - conspiration internationale qui cause la ruine de l‟Hellénisme ». À cette hystérie idéologique, de nouveau, une partie du haut clergé jouait un rôle principal. Finalement, le nouveau ministre de l‟Éducation de l‟époque a retiré le livre mis en cause, à la grande satisfaction des « superpatriotes » bien que la communauté scientifique et, plus précisément les historiens, fussent en faveur de sa révision prudente. 29 Aux élections européennes de 2009, malgré un taux d‟abstention très élevé eu égard aux traditions politiques et électorales grecques (48%) et la diminution du nombre des votes pour tous les partis, le parti politique LAOS qui appartient à l‟Extrême droite bien qu‟il s‟en défende, et qui soutient une politique très réservée par rapport aux étrangers, a connu une 25
Διιάδα - Δπξώπε. Κνηλωλία - Πνιηηηθή - Αμίεο (Grèce - Europe. Société - Politique - Valeurs) [Ressource électronique] : Centre National pour la Recherche Sociale, 2003 [réf. du 15 juin 2007]. Grèce. Disponible sur : http://www.ekke.gr/ess/ess_results.doc 26 Infra, Annexe I (Tableau V), p. 347, (Tableau VI), p. 348, (Tableau VII), p. 348. 27 Infra, Annexe I (Tableau VIII), p. 349, (Tableau IX), p. 349. 28 Infra, Annexe I (Tableau X), p. 350, (Tableau XI), p. 350. 29 « Νέεο Δπνρέο » (Nouvelles époques), journal To Vima, 30/09/2007.
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augmentation tant de ses proportions que du nombre de voix. Par conséquent, a commencé en Grèce un grand débat qui lie les deux phénomènes et la politique que doit poursuivre l‟État grec envers l‟immigration clandestine. Nous nous arrêterons un instant sur un événement significatif de cet état de choses : l‟attaque dont a été l‟objet Mme Thaleia Dragona, secrétaire générale du Ministère de l‟Éducation et des Cultes. Cette personne, professeur de la psychologie sociale à l‟Université d‟Athènes a publié il y a douze ans un livre collectif concernant les attitudes des instituteurs envers les étrangers et la perception qu‟ont d‟eux-mêmes les instituteurs grecs (c‟est un livre qui nous avons aussi utilisé pour notre recherche). Les résultats de cette enquête n‟étaient pas très louangeurs pour la population-cible présentée comme ethnocentriste et introvertie. Ainsi, alors que cette recherche s‟inscrit dans le cadre des préoccupations scientifiques de Mme Th. Dragona, le parti politique LAOS (entre droite et Extrême droite catholique) a trouvé là une nouvelle occasion pour accuser Mme Th. Dragona d‟anti-hellénisme et de servir « les intérêts de la mondialisation et du nouvel ordre des choses ». Les « superpatriotes » ont de nouveau trouvé ici un prétexte pour intervenir et ont demandé la révocation de Mme Th. Dragona de sa place au Ministère.30 L‟initiative législative de décembre 2009 du gouvernement grec concernant l‟immigration en Grèce a alimenté aussi beaucoup de conversations et fait couler beaucoup d‟encre. Elle donne, sous certaines conditions, le droit du vote aux immigrants aux élections régionales et elle traite une série de problèmes concernant la nationalité des immigrants, assortie également d‟un certain nombre de conditions préalables. Bien sûr, le but de notre recherche n‟est pas la présentation de la loi en question, mais plutôt les réactions qu‟elle a créées.31 Comme le Ministère de l‟Intérieur a choisi la négociation publique pour traiter cette question, son site électronique a été envahi de messages hostiles et injurieux contre les immigrants et ceux qui les soutiennent.32
30
« Σπκπαξάζηαζε ζηε Θάιεηα Γξαγώλα » (Soutien au Thaleia Dragona), journal Eleutherotypia, 24/12/2009. Κώδηθαο Διιεληθήο Ιζαγέλεηαο (Code de la nationalité grecque) [Ressource électronique] : Ministère de l‟Intérieur, 2009 [réf. du 1 novembre 2009]. Grèce. Disponible sur : http://www.ypes.gr/el/MigrationSocialIntegration/Laws/ 32 Πνιηηηθή ζπκκεηνρή νκνγελώλ θαη αιινδαπώλ ππεθόωλ ηξίηωλ ρωξώλ πνπ δηακέλνπλ λόκηκα θαη καθξνρξόληα ζηελ Διιάδα (Participation politique des rapatriés et des immigrants des pays tiers qui habitent légitimement et à long terme en Grèce) [Ressource électronique] : Ministère de l‟Intérieur, 2009 [réf. du 15 janvier 2010]. Grèce. Disponible sur : http://www.opengov.gr/home/?p=282 31
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Une recherche réalisée sur les réactions engendrées par cette loi et publiée par le quotidien Kathimerini témoigne de nouveau de l‟attitude négative d‟une partie non négligeable de la société grecque envers les étrangers.33 Précisément, l‟immigration est globalement perçue comme négative, de même pour toute une série de questions connexes et plus spécifiques concernant l‟immigration, la majorité des enquêtés a une réaction défavorable. Par exemple, la majorité de la société grecque considère que l‟immigration fonctionne négativement pour l‟économie grecque (59% en 2010 contre 47% ην 2008)34, qu‟elle altère l‟identité nationale des Grecs (57% en 2010 contre 47% en 2008), qu‟elle prive les Grecs de travail (45% en 2010 contre 39% en 2008), alors que la proportion qui considère les immigrants responsables de la criminalité reste stable (75%). Selon toujours la même recherche, 72% des sondés pensent que la politique de l‟immigration est moins sévère qu‟il ne le faudrait, contre le 63% l‟année précédente. En ce qui concerne les droits des immigrants, la société grecque est partagée : 45% sont en faveur du droit du vote aux immigrants et pour le droit de la nationalité et 45% contre selon toujours les dispositions de la loi proposée. Bien sûr, ces attitudes et réactions des Grecs se trouvent en relation avec la proportion élevée du chômage. Précisément, de 2000 à 2008 en Grèce la proportion du chômage s‟élève de 11% à 9% de la population totale. Mais ce qui est remarquable c‟est que la moitié de la proportion mentionnée concerne la tranche d‟âge comprise entre 25 ans et 44 ans. Cela signifie simplement que la grande majorité des chômeurs sont jeunes hommes. Par conséquent, la proportion du chômage pour la population générale reste stable, presque 10%, alors que chez les jeunes diplômés il monte à plus de 15%. Bien évidement, la proportion du chômage dans l‟avenir sera encore plus élevée à cause de la crise économique mondiale et de la crise économique en Grèce. D‟ores et déjà, une série de recherches concernant les problèmes actuels montrent que le chômage constitue le plus grand problème de la société grecque. À titre d‟exemple nous pouvons faire référence à la recherche du Secrétariat Général de la Nouvelle Génération35 qui a été réalisée en mai 2005 sur un échantillon de 1.600 jeunes personnes. Selon cette
33
« Αξλεηηθή εηθόλα γηα ηνπο κεηαλάζηεο » (Image négative pour les immigrants), journal Kathimerini, 31/1/2010. 34 Infra, Annexe I (Tableau XII), p. 350. 35 Η Νέα Γεληά ζηελ Διιάδα ήκεξα (La nouvelle génération en Grèce actuellement) [Ressource électronique] : Secrétariat générale de la Nouvelle Génération, 2005 [réf. du 15 octobre 2008]. Grèce. Disponible sur : http://www.neagenia.gr/appdata/documents/εξεπλα/research_total.doc
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recherche ce qui préoccupe le plus les jeunes grecs est le chômage avec 49,4%, suivi de l‟économie en général avec 15,4% et l‟usage des drogues avec 6,1%. Par conséquent, les attitudes réservées des Grecs concernant la présence des immigrants dans le pays se trouvent en relation avec le chômage. Enfin et en ce qui concerne la communauté scolaire, nous ferons référence chronologique à certains cas très frappants. Le premier concerne l‟enquête collective de la chercheuse Anna Fragoudaki (1997 – c‟est le même livre que celui mentionné plus haut concernant Mme Th. Dragona –) sur les instituteurs de l‟École primaire, enquête qui a montré qu‟une grande partie des instituteurs pense que la participation de la Grèce à la Communauté européenne représente une grave menace pour « la langue et la tradition hellénochrétienne », « nos racines », « les idéaux nationaux », « notre spiritualité », « l‟Orthodoxie 36». Pour eux l‟Antiquité grecque fonctionne comme un modèle idéal qui est, à leur grand dam, très loin de la réalité de la Grèce actuelle. Parallèlement, à chaque fois que se manifeste un retard culturel, économique ou technologique en Grèce moderne par rapport aux pays occidentaux, la société grecque a recours à l‟Antiquité.37 Le deuxième cas est le porte-drapeau d‟un défilé scolaire, en mars 2003. La loi stipule que le meilleur élève de la dernière classe devient le porte-drapeau de l‟école dans les défilés scolaire. Or, s‟est présenté, dans une école publique de Grèce du nord, un cas où le meilleur élève était Albanais. Ainsi on a assisté à une violente réaction des « superpatriotes » contre le droit « de l‟étranger » à porter le drapeau grec. Le même phénomène s‟est reproduit dans d‟autres écoles où les meilleurs élèves étaient étrangers. Bien sûr, contre les « superpatriotes » se dressait une autre partie de la société grecque qui soutenait que le port du drapeau grec de la part d‟un élève étranger était un honneur pour lui-même, mais pour la Grèce aussi qui doit se trouver honorée qu‟un étranger veuille porter son drapeau. En raison de la tension qui s‟en est suivie, le Président de la République Grecque de l‟époque, M. Kostis Stephanopoulos, est intervenu pour soutenir le droit des élèves étrangers à porter le drapeau grec : à cet effet, il a repris une phrase du philosophe grec Isocrate : « Quiconque bénéficie d‟une éducation grecque est Grec ».38 36
Infra, éclaircissement conceptuel de la notion Orthodoxie, pp. 199-201. Askouni, N., [Απέλαληη ζε δύν αληίζεηεο θηγνύξεο ηνπ « εζληθνύ άιινπ »] (Face à deux figures opposées d‟ « Autre national ») in : Fragoudaki, Α., « Ση είλ’ ε παηξίδα καο; » Δζλνθεληξηζκόο ζηελ εθπαίδεπζε (« Qu’est-ce que notre patrie ? » Nationalisme dans l’Éducation), Athènes, Alexandrie, 1997, pp. 283-322. 38 « Η λέα αιβαληθή επνπνηία… » (« La nouvelle épopée albanaise…»), journal Eleutherotypia, 22/10/2003. 37
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Un phénomène semblable à celui mentionné ci-dessus s‟est produit également en Chalcidique, région de Grèce de nord, en mars 2009. Dans un village de cette région, une partie de la communauté locale s‟était élevée contre le fait de donner à porter le drapeau grec à un élève d‟origine albanaise durant les manifestations de la fête nationale du 25 Mars. 39 Un autre événement aussi remarquable est l‟augmentation des phénomènes violents et discriminatoires envers les immigrés dans les quartiers d‟ouest d‟Athènes. Un groupe d‟élèves de lycée, auquel appartenaient aussi des élèves étrangers de la deuxième génération, a attaqué et a frappé des Pakistanais dont ils ont par ailleurs dévasté les logements. 40 Dans le même ordre d‟idées, 13 élèves (de 14 à 17 ans) ont brûlé une maison dans laquelle habitaient des immigrants du Bangladesh. L‟événement s‟est produit à Sparte (dans le Péloponnèse) et les jeunes ont justifié leur action en disant qu‟ils voulaient faire peur aux immigrants « pour rigoler ». 41 Enfin, nous mentionnerons l‟attaque contre un professeur qui enseignait bénévolement la langue grecque aux immigrants. Ce jeune professeur (27 ans) est tombé victime de membres de l‟Extrême droite car elle travaillait à une école pour immigrants. Ces membres de l‟Extrême droite ont imprimé une croix gammée sur la main du professeur. 42 Toutes les références ci-dessus montrent qu‟il semble que la société grecque ait peur de ce nouvel état des choses, malgré un alignement sur les modèles Supranationaux technologiques de la communication et des progrès économiques constants, malgré son appartenance à la communauté européenne et l‟adoption de la monnaie unique, malgré sa tolérance traditionnelle à l‟égard des étrangers et le développement de l‟éducation et en même temps il y a un paradoxe de constater que dans les décennies précédentes – l‟après guerre civile, l‟époque des colonels – quand l‟État grec était autoritaire la société, elle, était tolérante. Et bien sûr, cette frilosité, ces réactions dans un contexte certes nouveau mais plutôt favorable, posent un certain nombre de questions :
Qu‟est-ce qui a changé par rapport à ce passé récent, au niveau des conditions
économiques, politiques et idéologiques de la société grecque ? 39
« Δπηκέλνπλ ζηε κε ζπκκεηνρή ζηελ παξέιαζε » (« Ils insistent à la non participation au défilé »), journal Eleutherotypia, 11/03/2009 40 « Χηύπεκα ζε Παθηζηαλνύο » (« Attaque contre les Pakistanais »), journal To Vima, 06/03/2009. 41 « Πξνθαηαξθηηθή εμέηαζε γηα ηελ εκπξεζηηθή επίζεζε θαηά κεηαλαζηώλ » (« Information judiciaire pour l‟attaque incendiaire contre les immigrants »), journal Eleutherotypia, 8/3/2010. 42 « Χάξαμαλ ηε ζβάζηηθα ζε 27ρξνλε » (« Ils ont rayé le svastika à une fille 27 ans »), journal Ta Nea, 26/02/2010.
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Comment envisage la société grecque sa participation à la communauté
européenne et comment envisage-t-elle les débats idéologiques qui ont lieu en son sein et qui concernent son avenir politique, constitutionnel et économique ?
Est-ce que l‟éducation nationale prend en compte ces changements et ces
nouveaux défis afin de s‟adapter à la nouvelle situation politique, sociale et économique?
Comment pouvons-nous construire une société ouverte sans inégalités,
discriminations et injustices? Quelles sont les institutions et les moyens que nous pouvons utiliser et finalement
Quel est le rôle de l‟école en ce qui concerne les attitudes xénophobes et
discriminatoires des Grecs envers les travailleurs immigrés et les minorités ? Dans ce cadre social et idéologique actuel, nous avons décidé de réaliser cette recherche qui s‟intègre dans un ensemble des recherches touchant aux nouvelles conditions de fonctionnement de la société grecque et du système éducatif grec après la chute des régimes communistes, les déplacements des populations dans les Balkans, en Europe de l‟Est et dans le reste du monde ainsi que les évolutions politiques et idéologiques qui sont réalisées à la communauté européenne, dont la Grèce est membre. Plus précisément, la recherche concrète a comme but principal d‟étudier la façon dont les professeurs de lettres de lycée abordent le phénomène des fêtes nationales scolaires comme moyen de formation de l‟identité nationale des élèves en Grèce. En étudiant les attitudes des professeurs par rapport au contenu et au message des fêtes nationales scolaires, nous voulons comprendre et apprendre de quelle manière ils manifestent par les fêtes mentionnées leur point de vue concernant la nation grecque, le rôle de l‟école à l‟acquisition des composantes de l‟identité nationale chez les élèves, la représentation des étrangers en Grèce, la place de la Grèce dans la communauté européenne et dans le monde, les débats idéologiques internes sur l‟identité européenne. La partie centrale et essentielle de notre recherche se focalise sur les professeurs du secondaire et plus précisément sur les professeurs de Lettres. Dans ce cadre, outre une approche globale de la population étudiée sur le contenu de l‟identité nationale grecque par les fêtes nationales scolaires, notre attention s‟est portée également sur certaines caractéristiques - variables sociologiques des professeurs. Ce sont les quatre suivantes : les convictions politiques des professeurs, la génération à laquelle appartiennent les professeurs,
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la participation ou non des professeurs à certaines associations bénévoles, aux partis, aux syndicats ou aux groupes culturels et le contact quotidien des professeurs avec élèves étrangers. Notre recherche s‟efforce d‟évaluer cette population par rapport aux quatre caractéristiques mentionnées et plus précisément sur la façon dont ces quatre qualités influencent ou non le contenu de l‟identité nationale que les professeurs manifestent par les fêtes mentionnées et dont ils envisagent la présence des élèves étrangers aux fêtes en question. Notre intention est d‟examiner dans une perspective différente les professeurs de Lettres, une population qui joue un rôle considérable dans les questions éducatives et idéologiques du système éducatif grec.43 Ensuite, notre recherche se focalise sur les élèves des écoles qui participent et observent comme spectateurs les fêtes mentionnées. Le but de cette partie de la recherche est de voir si finalement les messages idéologiques que passent les professeurs à travers les fêtes nationales, sont assimilés par les élèves, c‟est-à-dire si finalement il y a cohérence entre les buts des professeurs et ce dont « bénéficient » les élèves. Notre problématique, en ce qui concerne les professeurs, est centrée essentiellement sur les questions ci-dessous concernant le pouvoir étatique qui intervient dans la vie scolaire et les professeurs qui constitueront le sujet principal de notre étude :
Comment intervient le pouvoir étatique et guide-t-il les enseignants sur la
question de la célébration des fêtes nationales à l‟école ?
Quelle est l‟opinion des professeurs sur les fêtes nationales célébrées à l‟école
et quelle est leur attitude?
Comment présentent les professeurs la nation grecque par l‟intermédiaire de
la célébration des fêtes nationales ?
Comment présentent les professeurs, par l‟intermédiaire des fêtes nationales,
tous les enjeux idéologiques, telle surtout la continuité historique de la nation grecque depuis l‟antiquité ?
Quel est le contenu de l‟identité nationale que les professeurs veulent donner
aux élèves et cultiver chez eux ?
Comment apparaissent les « autres-étrangers » à travers les fêtes nationales et
comment se manifeste le Soi national-Grec ? 43
Comment participent les enfants étrangers aux fêtes nationales ?
Infra, pour les caractéristiques sociologiques concrètes des professeurs analytiquement, pp. 213-238.
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Quelle est la relation entre les attitudes des professeurs et le système des
valeurs qu‟ils véhiculent ?
Et enfin, quelle est la relation entre certaines caractéristiques sociales des
professeurs et leur attitude ou leurs attitudes par rapport aux fêtes nationales célébrées à l‟école ? En ce qui concerne les élèves notre problématique est centrée sur les questions suivantes :
Quels élèves participent activement aux fêtes nationales scolaires et
pourquoi ?
Quels élèves ne participent pas aux fêtes nationales et pourquoi ?
Quels éléments des fêtes les élèves aiment-ils et quels autres trouvent-ils
intéressants ?
Quels éléments des fêtes les élèves veulent-ils voir changer et pourquoi ?
Les élèves aiment assister à la messe et aux autres manifestations
religieuses dans l‟espace scolaire?
Pensent les élèves que les fêtes mentionnées leur apportent quelque chose (au
niveau éducatif, émotionnel, participatif, etc.)? La réponse à toutes ces questions ci-dessus constitue le noyau de notre recherche et de notre problématique. Brièvement, notre recherche est centrée sur les attitudes des professeurs concernant les fêtes nationales scolaires et plus explicitement sur la manière dont les professeurs du secondaire utilisent les fêtes nationales scolaires pour construire l‟identité nationale grecque des élèves et dont ils perçoivent les élèves étrangers lors et dans le cadre de ces fêtes. Il faut bien signaler que la partie concernant des élèves constitue une partie secondaire de notre recherche : elle n‟est réalisée que pour enrichir notre point de vue scientifique en constituant une approche supplémentaire sur l‟utilisation des fêtes du côté des professeurs. D‟autre part, nous pouvons aussi faire référence à une série de particularités des toutes sortes qui soulignent aussi la complexité des sociétés européennes et nos difficultés à réaliser
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une politique européenne commune envers les problèmes qu‟éprouvent actuellement les sociétés européennes. En Europe, on constate que les questions religieuses, politiques, économiques et informationnelles, ne sont pas perçues de manière identique dans tous les États de cet espace géographique. En ce qui concerne la religion et la séparation de l‟Église et de l‟État, il existe sur cette question autant de variantes d‟organisation que d‟États, ce qui empêche d‟établir une typologie. D‟autre part, les différences religieuses induisent aujourd‟hui encore des différences de conduites d‟un point de vue sexuel du genre et social. Ainsi, les naissances hors mariage sont inférieures à une sur dix, en Grèce ou en Italie. Elles passent à trois sur dix dans le reste de l‟Europe. Et même à cinq sur dix dans les pays nordiques, que la France vient de rejoindre. Au niveau économique, on le sait moins, mais les pays de culture catholique restent méfiants à l‟égard de l‟économie, se distinguant ainsi des pays protestants. 44 Autre exception française, sauf la séparation de l‟Église et de l‟État, au niveau politique, une centralisation assez marquée domine. À l‟opposé, la Grande-Bretagne, forte de ses quatre « nations » : anglaise, écossaise, galloise, irlandaise peut être considérée comme régionalisée. L‟Allemagne, elle aussi, qui fut longtemps divisée, comporte encore aujourd‟hui seize Länder. Les régions espagnoles de leur côté, ont toutes obtenu, à des degrés divers, un statut d‟autonomie, reconnu par la Constitution de 1978. Les Tchèques et les Slovaques enfin sont aujourd‟hui séparés. En Europe, aussi, la grande problématique historique « unité / diversité » oppose très concrètement les pays quant à leurs choix politiques : séparation, association, unification. Ainsi, l‟Allemagne, composée hier d‟une multitude de pays (350 en 1648) est, nous l‟avons dit, encore divisée en seize Länder. À l‟opposé, la France connaîtra quatre unifications : romaine, catholique, royale, républicaine. Cela seul permet de comprendre que l‟Allemagne « fédérale » souhaite une « Europe fédérale », tandis que la France républicaine veut une « Europe des Nations ». La Grande Bretagne se singularise bien davantage dans son désir de combiner l‟unité de la Couronne (le Royaume-Uni) et la diversité : anglaise, écossaise (avec son Parlement propre), galloise et irlandaise.
44
Demorgon, J., « Comprendre les identités nationales, construire une Europe des échanges », Revue Synergies Sud- est européen, No 1, Thessalonique, Revue du Gerflint, 2008, p. 90.
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L‟Espagne, culture tôt romanisée, a été déstabilisée par la conquête musulmane. Les cinq siècles de « recoquista » l‟ont unifiée religieusement mais pas politiquement. Cette division profonde a entraîné une guerre civile qui a fait un demi-million de morts. On voit que des partis pris différents dans les secteurs d‟activités – par exemple ici pour l‟Espagne, le religieux plus que le politique – peuvent changer le destin d‟un pays. De son côté, la France, qui fût catholique et royale, reste davantage dans une croyance du politique gouvernant l‟économique. En Grande-Bretagne où a été inventée la troisième grande forme de société, la nation industrielle marchande : c‟est tout le contraire. Ce modèle n‟a pas été tout de suite repris par certains pays. Ainsi, l‟Allemagne, l‟Italie, l‟Espagne, le Japon crurent pouvoir l‟emporter en devenant fascistes. Le choc fut extrême avec les nations démocratiques. En rebondissant de la Première à la Deuxième Guerre mondiale, il multiplia des violences si tragiques que personne n‟aurait pu les prédire. 45 Enfin, en faisant une référence particulière en France, pays de tradition s‟agissant des droits de l‟Homme et pays également qui joue un rôle majeur dans les affaires politiques et idéologiques de la communauté européenne, Nicolas Sarkozy, Président de la République française depuis le 16 mai 2007, a créé, par le décret du 18 mai 2007 (gouvernement Fillon) un nouveau ministère contesté par beaucoup, le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. La mission et le rôle de ce ministère, selon ses fondateurs, sont de: a) maîtriser les flux migratoires, b) encourager le codéveloppement, c) favoriser l‟intégration et d) promouvoir l‟identité française. 46 Mais, cette initiative du gouvernement s‟est heurtée à de nombreuses réactions hostiles. Une partie de la communauté universitaire et un certain nombre d‟associations concernées ont réagi. Précisément, huit universitaires ont protesté contre l‟instauration, « inacceptable », d‟un ministère de l‟immigration et de l‟identité nationale. Selon les universitaires, le rapprochement des deux termes « s‟inscrit dans la trame d‟un discours stigmatisant l‟immigration et dans la tradition d‟un nationalisme fondé sur la méfiance et l‟hostilité aux étrangers dans les moments de crise »47. En même temps, certaines associations qui ont de relation directe ou indirecte avec la question de l‟immigration ont annoncé aussi leur opposition à la fondation du ministère en 45
Demorgon, « Comprendre les identités nationales…, op. cit., pp. 90-91. Présentation [Ressource électronique] : Ministère de l‟immigration, de l‟intégration, de l‟identité nationale et du codéveloppement, 2008 [réf. 15 janvier 2009]. France. Disponible sur : http://www.immigration.gouv.fr/spip.php?page=dossiers_them_orgetnumrubrique=311 47 Identité nationale : 8 universitaires démissionnent [Ressource électronique], Le nouvel Observateur, 19/05/2007. Disponible sur : http://tempsreel.nouvelobs.com/20070518.OBS7750/identite-nationale-8universitairesdemissionnent.html. 46
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question. Nous faisons référence au Réseau éducation sans frontières, au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l‟amitié des peuples) et au Comité catholique contre la faim et pour le développement. En même temps, Nicolas Sarkozy a annoncé qu‟il fera lire dans tous les lycées du pays, en début d‟année scolaire la dernière lettre de Guy Moquet48 par une lycéenne. Le nouveau président a annoncé qu‟ « un jeune homme de dix-sept ans qui donne sa vie en France, c‟est un exemple non pas du passé mais pour l‟avenir [...] ». Cette initiative provoque des controverses et des prises de positions marquées. Si d‟un côté le PCF et Libération saluent le « message fort » et le « devoir de mémoire » que constitue cette initiative, d‟un autre côté les critiques ne sont pas absentes, le Comité de vigilance face aux usages publics de l‟histoire estimant cette commémoration contraire à l‟esprit de la pratique historique. Au cours des mois de septembre et octobre 2007, Guy Moquet, sa lettre, la lecture programmée de sa lettre dans les établissements scolaires et les polémiques que cette dernière suscite ont occupé une place de premier plan dans les médias français. Le 6 octobre 2007, le SNES (Syndicat national des enseignements de second degré) a appelé les professeurs à boycotter la lecture en lycée. 49 Dans le même temps en France, le rapport de l‟historien André Kaspi a suscité une polémique. Il prône en effet une réduction du nombre des commémorations nationales et les regroupe autour de trois dates : le 11 novembre pour les morts du passé et du présent, le 8 mai pour la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 juillet pour les valeurs républicaines. Mais sa proposition s‟est heurtée à des réactions hostiles des associations commémoratives et de certains membres du gouvernement français comme le Monsieur Jean-Marie Bockel, Secrétaire d‟État à la Défense et aux Anciens Combattants.50 Un autre évènement remarquable a indigné l‟opinion publique : les sifflements des spectateurs [d‟origine étrangère] au début de matches de l‟équipe de France de football pendant qu‟on jouait la Marseillaise. 51
48
Guy Moquet, né à Paris le 26 avril 1924 et mort le 22 octobre 1941, est un militant communiste, célèbre pour être le plus jeune des vingt-sept otages du camp de Châteaubriant. Il est passé dans l‟histoire comme un des symboles de la Résistance française à cause d‟une lettre qu‟il avait écrit à ses parents avant d‟être fusillé. 49 La lettre de Guy Moquet : un cas d’école ? [Ressource électronique] : SNES, 2007 [réf. du 15 octobre 2009]. France. Disponible sur : http://www.snes.edu/La-lettre-de-Guy-Moquet-un-cas-d.html 50 Jean-Marie Bockel, Secrétaire d‟État à la Défense et aux Anciens Combattants [Ressource électronique], Le nouvel Observateur, 11/11/2008. Disponible sur : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20081110.OBS0243/commemorations-le-rapport-kaspi-faitpolemique.html 51 Pour le PS, l‟UMP, et le gouvernement, on ne siffle pas la Marseillaise [Ressource électronique], L’Express, 15/10/2008. Disponible sur : http://www.lexpress.fr/actualite/sport/pour-le-ps-l-ump-et-le-gouvernement-on-nesiffle-pas-la-marseillaise_592247.html
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Enfin, la proposition du président français Nicolas Sarkozy de recenser les minorités nationales et de déterminer la composition ethnique de la France a suscité de nouveau beaucoup de réactions : cette proposition va à l‟encontre de la tradition politique française et de la loi de 1978 qui interdit de recueillir des éléments concernant l‟origine ethnique de la population française.52 Toutes les références ci-dessus concernant la France montrent que, bien que ce pays ait joué historiquement un rôle central dans la création de la Démocratie moderne et dans l‟établissement des Droits de l‟Homme, dans la société française actuelle toutefois on relève de nombreuses et différentes approches sur les nouveaux défis de la mondialisation et de l‟immigration. Tout cela témoigne de la complexité des problèmes actuels. Bien sûr, cette situation engendre des réactions. Partout dans le monde et tout particulièrement dans la communauté européenne s‟est instauré un débat de longue haleine sur les manières d‟atténuer les effets négatifs de la mondialisation et de l‟immigration et sur l‟élaboration d‟une politique en plusieurs étapes qui contribuera à la construction des sociétés modérées et tolérantes face à « l‟autre », « au différent » et à « l‟étranger ». Le 10 décembre 2004 par exemple, l‟Assemblée générale de l‟ONU a adopté le Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme (qui est en œuvre depuis 2005). S‟appuyant sur le travail accompli au cours de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme (1995-2004), le Programme mondial s‟efforce de promouvoir l‟exécution des programmes d‟éducation en la matière dans tous les secteurs : mettre en pratique une conception commune des principes fondamentaux et des méthodes d‟éducation aux droits de l‟homme, mettre en place un cadre concret d‟intervention et renforcer les partenariats et la coopération à tous les niveaux, depuis le niveau international jusqu‟à l‟échelon communautaire. À l‟inverse de cette Décennie des Nations Unies qui s‟inscrivait dans un cadre temporel restreint, le Programme mondial s‟étale sur une série d‟étapes non limitées dans le temps, dont la première (2005-2007) est axée sur les systèmes d‟enseignement primaire et secondaire. Élaboré par un large groupe de spécialistes de l‟éducation et des droits de l‟homme représentant tous les continents, le Plan d‟action propose
1. 52 « Le rapport sur la diversité concurrencé avant l‟heure » [Ressource électronique], journal Libération, 7/5/2009. Disponible sur : http://www.liberation.fr/societe/0101565915-le-rapport-sur-la-diversite-concurrenceavant-l-heure
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dans sa première phase une stratégie concrète et des idées pratiques pour assurer l‟éducation dans le domaine des droits de l‟homme à l‟échelon national. 53 Le désir des États et des sociétés européennes de collaborer et de promouvoir une compréhension mutuelle s‟est concrétisé dans un manuel scolaire commun aux systèmes éducatifs français et allemand. En effet, dès la rentrée 2007, les lycéens français et allemands ont eu la possibilité d‟étudier l‟histoire, durant les trois dernières années de lycée, à partir d‟un manuel scolaire commun aux deux pays. L‟initiative avait été lancée par Paris et Berlin en janvier 2003, après le 40e anniversaire du Traité de l‟Elysée, fondateur de la coopération entre les deux pays pour construire l‟Europe. Deux éditeurs, l‟un français, l‟autre allemand se sont engagés dans la réalisation de ce manuel franco-allemand. Ces deux éditeurs, Nathan à Paris et Ernst Klett à Leipzig, ont confié la mise en œuvre de ce nouveau concept à huit historiens de renom originaires des deux pays. Les auteurs ont rédigé le livre « en commun », c‟est-à-dire qu‟il n‟y a pas eu « d‟abord une version dans une langue traduite ensuite dans l‟autre », a indiqué le Français Jean-Louis Nembrini, inspecteur général de l‟Éducation nationale. Et l‟historien Rainer Riemenschneider, un des coresponsables allemands du projet, de préciser : « Il s‟agit de faire comprendre aux jeunes comment pense l‟Autre ».54 Dans cet ordre d‟idées, des motivations, des problématiques et des complexités, et en voulant continuer et enrichir les études sur la contribution du système éducatif à la formation de l‟identité nationale grecque, nous avons décidé de rechercher les attitudes des professeurs du secondaire concernant les fêtes nationales célébrées à l‟école. Pour toutes ces raisons, notre étude bénéficie d‟une aura particulière.
53
Programme mondial en faveur de l’éducation aux droits de l’homme (2005-en cours) [Ressource électronique] : Nations Unies, 2005 [réf. du 15 novembre 2009]. France. Disponible sur : http://www2.ohchr.org/french/issues/education/training/programme.htm 54 « Un manuel d‟histoire franco-allemand » [Ressource électronique], Le Nouvel Observateur, 22/4/2005. Disponible sur : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20050311.OBS0958/un-manuel-dhistoirefranco-allemand.html
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Problèmes et limites Tout au long de notre recherche, nous avons été confrontés à un certain nombre de difficultés et de problèmes. Certains d‟entre eux avaient un caractère technique, pratique, alors que d‟autres étaient directement en rapport avec le sens de notre travail. Commençons donc par les problèmes pratiques : Un premier problème tenait au temps, ne serait-ce par exemple que la traduction des entretiens en français, exercice très en gourmand en heures. Bien que, pour aller plus vite, nous n‟ayons transcrit dans le texte principal que douze entretiens presque complets et que nous ayons résumé les autres aux Annexes, la rédaction en français de tout le matériel de notre étude ne nous laissait guère de liberté. Le fait que j‟aie effectué ma recherche en français m‟a causé des difficultés puisque je suis de langue maternelle grecque. Ainsi, bien que mon niveau de français soit élevé, la réalisation d‟une thèse, tant en lecture pour la quête d‟informations que pour la rédaction ellemême du travail, s‟est avérée plus difficile et pénible que si je l‟avais faite en grec. Par ailleurs, hormis ce problème de temps, nous avons été confrontés à une autre difficulté non moins considérable : le caractère sensible du sujet. En raison des concepts manipulés par les professeurs, la transformation de nos textes en français exigeait beaucoup d‟attention pour rendre une image aussi exacte que possible des discours tenus. Un troisième problème provenait des Programmes Détaillés d’Études - curricula (ces qui correspondent en France aux « Programmes officiels de l‟Éducation Nationale »). En effet, par manque de références sur les fêtes scolaires et leur rôle, nous avons passé au crible une série de Programmes mais sans résultat. Nous sommes également allés à de nombreuses reprises à l’Institut Pédagogique de Recherche pour tenter de trouver d‟autres textes concernant les fêtes nationales dans les écoles. Force nous a été de constater qu‟il n‟existe ni dans les Programmes Détaillés d’Études - curricula, ni dans aucun autre texte, de références aux fêtes nationales scolaires : ainsi nous avons perdu beaucoup de temps dans la quête d‟éléments inexistants. Enfin, un dernier problème d‟ordre pratique et administratif s‟est présenté en ce qui concerne l‟accès aux différents établissements scolaires dans lesquels nous nous sommes rendus : normalement, une « autorisation spécifique » est nécessaire pour pouvoir entrer dans les écoles et effectuer notre recherche ; or les formalités pour l‟obtenir sont particulièrement longues. Pour cette raison, nous avons eu recours à l‟autorisation provisoire des directeurs
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des écoles pour rencontrer les professeurs avec des « trous » dans leur emploi du temps et ainsi réaliser les entretiens. Passons maintenant à certains problèmes concernant notre recherche elle-même. Durant la passation des entretiens pilotes de notre étude, nous avons compris que pour beaucoup de professeurs le problème traité était inconnu. Ils confondaient les concepts utilisés, ils donnaient des réponses sans rapport avec nos questions, etc. Pour cette raison nous devions construire un questionnaire explicatif et simple afin qu‟il soit accessible aux enquêtés. En même temps, à cause du caractère sensible de notre étude (un sujet à présupposés idéologiques), nous avons été très prudents lors de la passation des entretiens et pour l‟élaboration des questions concernant l‟identité nationale grecque. Notre attitude se devait d‟être absolument neutre, sans traces de subjectivité ou de préférence idéologique. D‟autre part, alors que notre intention initiale était de voir si la « participation bénévole » à des associations était l‟une des caractéristiques sociologiques des professeurs de notre échantillon, nous avons finalement remplacé cette dénomination par l‟expression « culture associative - participative » : en effet, ce changement nous a été dicté par le constat d‟une absence de professeurs participant à des associations bénévoles. En effet, notre recherche nous a permis de mettre en évidence le fait que, si les professeurs s‟investissent en grand nombre dans les associations culturelles, dans le syndicalisme et dans l‟administration locale, aucun ne participe à des activités bénévoles avec direction humanistique. Il est à cet égard significatif de constater que l‟OLME (Fédération Grecque des Professeurs de l‟Enseignement Secondaire) que nous avions contacté pour trouver des associations de professeurs en relation avec le bénévolat, n‟a pas été en mesure de nous donné de réponse. En dernier lieu, nous avons éprouvé des difficultés pour définir la composition théorique du contenu de l‟identité nationale grecque. L‟antiquité grecque, l‟Orthodoxie, le Byzance, les Lumières néohelléniques, la réalité actuelle et la mondialisation constituent des paramètres liés, imbriqués qu‟il fallait prendre en compte et englober dans cette définition. Or, combiner l‟ensemble de ces paramètres qui ont construit au fil des siècles l‟identité nationale grecque, a constitué un effort important pour notre thèse.
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Première partie Α.
Théorie et état de la question Aperçu théorique
1.
Le rôle de l‟État et du système éducatif à la formation de l‟identité nationale
B: 1.
2.
Le rôle des fêtes nationales à la formation de l‟identité nationale
3.
Les fêtes à l‟école grecque
4.
Le rôle des enseignants à la formation de l‟identité nationale
Les concepts utilisés 1.
Identité nationale 2.
3.
C:
Attitude
Résumé des deux concepts
La formation historique de l’identité nationale grecque et les fêtes nationales scolaires
D:
Formulation des hypothèses
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Première partie A:
Théorie et état de la question
Aperçu théorique Système éducatif - Fête nationale - Enseignant Pourquoi ce choix du système éducatif étatique, des fêtes nationales et des enseignants? Quel est le rôle du système éducatif, de la fête nationale et des enseignants dans la formation de l‟identité nationale des élèves en Grèce contemporaine?
1.
Le rôle de l’État et du système éducatif dans la formation de l’identité nationale
En Europe, depuis le XIXe siècle, domine l‟idée de nations compactes, uniformisées, monoculturelles, monolinguistiques, égalisées, centralisées. L‟État-nation est généralement cristallisé dans des armoiries, dans des sceaux ; il profite de toute occasion pour se rappeler au souvenir de tous sur les décorations, sur les billets, les pièces de monnaie, les timbresposte ; les monuments, les immeubles publics, tout ce qui relève de sa puissance porte sa représentation allégorique. On le retrouve figuré jusque de la peinture « officielle », jusqu‟à l‟en-tête de papiers administratifs, etc.55 L‟histoire de la monnaie est un bon exemple pour comprendre la relation entre l‟État et l‟homogénéité des populations. Une monnaie commune matérialise une forme de solidarité économique entre tous les salariés qui travaillent sur le même territoire national, dont le niveau de vie dépend de la fluctuation du marché des changes, mais aussi sur le plan formel. La diffusion de la monnaie a transformé en modèles à la fois le capitalisme et l‟État national dans la vie quotidienne de tous les citoyens : le nom de la monnaie (le franc, le deutschemark, etc.), les personnages illustres gravés sur les pièces ou imprimés sur les billets, les gestes (recompter sa monnaie, faire de la monnaie), tous ces « détails » contribuaient à faire exister la nation dans l‟esprit des citoyens. L‟euro maintient quelque peu la tradition avec des faces de pièces différenciées pour chaque pays. On peut se demander ici, en raison de la présence conjointe d‟éléments européens et nationaux, quel est l‟impact symbolique sur les citoyens : se sentent-ils européens tout en gardant leur spécificité ou bien « ethnocentristes » bien qu‟appartenant en Europe ? Quoi qu‟il en soit, avec ou sans l‟euro, l‟une des formes majeures 55
Agulhon, M., Marianne au pouvoir, Paris, Flammarion, 1989, p. 22.
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du « dépaysement » pour le touriste qui quitte son pays tient souvent à l‟embarras dans lequel il se trouve lorsqu‟il s‟agit de faire des achats avec une monnaie qui lui est étrangère dans les deux sens du terme.56 L‟objectif de l‟État-nation est de réaliser une unification culturelle des différentes composantes de la population vivante sur le territoire. Pour ce faire, il lui faut, outre se promouvoir lui-même comme indiqué ci-dessus, gommer tous les particularismes tant politiques que culturels. L‟argument avancé ou sous-jacent dispose qu‟il ne saurait y avoir de nation démocratique sans homogénéité culturelle condition sine qua non. L‟État-nation y parvenait et y parvient parfois encore en réduisant l‟usage des langues et dialectes régionaux (en France, le Breton, le Basque, le Corse) pour imposer la connaissance d‟une langue commune. Par ailleurs, grâce à l‟école, il diffuse une Histoire nationale, histoire qu‟il peut « arranger » voire inventer pour servir ses intentions. Plus subtilement, l‟État-nation peut ne pas faire appel à la réflexion, à la connaissance, mais à des automatismes psychologiques dirions-nous, initiés par exemple par des rituels visant à entretenir une mémoire collective d‟événements réels ou inventés. Tels sont donc certains des instruments utilisés pour asseoir la nation et induire un sentiment d‟appartenance. Les poètes, les linguistes et les romanciers ont inventé des Iliade ou des romans des origines, des textes fondateurs, ils ont composé des poèmes et des chants anciens attestant les racines et l‟authenticité de la nation. Les chercheurs s‟appuyant sur les traces anciennes d‟un passé national ont élevé certains peuples au rang d‟ancêtres symboliques (p.ex. les Gaulois). D‟autre part, les folkloristes ont promu de soi-disant traditions et croyances populaires où l‟essence de la nation, voire son âme trouverait sa source. L‟idée d‟une langue « originelle » participe de cette même tendance qui s‟efforce de prouver que le génie de la langue commune aux Européens est un indice de leur unité d‟âme, de l‟appartenance à une même nation. 57 L‟apprentissage d‟une langue n‟est pas un exercice purement intellectuel. Il met en œuvre un registre affectif ; il implique que celui qui apprend s‟identifie du moins partiellement à celui qui enseigne. C‟est ainsi que les enfants s‟approprient, au cours des premières années de leur vie, une langue : non seulement un vocabulaire et une grammaire, mais aussi des manières de parler. Les « accents » sont des exemples particulièrement remarquables du mimétisme de l‟apprenant par rapport à l‟adulte responsable (parents, tuteurs,…).58
56
Noiriel, G., État, nation et immigration, Paris, Gallimard, 2001, pp. 200-201. Bordes-Benayoun, C. et Schnapper, D., Diasporas et nations, Paris, Odile Jacob, 2006, pp. 30-31. 58 Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., p. 204. 57
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La différenciation progressive des communautés nationales a également procédé, de manière sans doute partielle mais déterminante, de la centration des citoyens sur la politique de leur propre État (quelles qu‟en soient les options). Depuis la fin du XIXe siècle, cet intérêt marqué que les diverses couches de la population manifestent pour la politique nationale est favorisée par la centralisation de la vie parlementaire et de la presse. L‟État regroupe, collecte les informations, les messages, les ordres diffusés par les gouvernants dans l‟ensemble du corps social. Indépendamment du contenu des messages véhiculés par les porte-parole de la communauté, c‟est la forme même du dispositif qui les véhicule qui nous intéresse. Aujourd‟hui plus qu‟hier, un flux énorme de nouvelles concernant les moindres faits et gestes de leurs dirigeants, des faits divers qui se sont produits dans leur pays, des exploits sportifs de leurs champions assaillent quotidiennement les citoyens. On serait tenté de rendre cette masse d‟informations responsable de la méconnaissance quasi totale des faits qui se déroulent ailleurs. Sans doute, mais la vraie raison de cette ignorance tient surtout au fait que ces événements internationaux, étrangers manquent d‟intérêt parce que leurs dirigeants n‟y prennent pas part. 59 Quant aux historiens, leur rôle a été de glorifier la nation par la rédaction de son histoire. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, toute nation européenne disposait d‟ancêtres, d‟une langue, d‟une histoire fixe, déterminée, d‟une toile de fond littéraire, culturelle, artistique, d‟un folklore spécifique auquel il s‟était largement fait écho dans les musées et de musiques susceptibles de fédérer les énergies. C‟est cette culture nationale que diffusait l‟école, responsable de la formation du citoyen, dans l‟ensemble de la population. 60 Effectivement, ce type d‟actions a eu l‟effet escompté : unification des populations à l‟intérieur d‟un territoire aux frontières fixes, et réduction, soumission même de celles qui se disaient appartenir à une diaspora ou désignées comme telles. Dans les sociétés de plus en plus unifiées, les particularismes linguistiques furent réduits à des survivances dialectales, les cultures régionales au folklore. Les liens transnationaux disparaissaient au profit des échanges multiples entre les diverses populations réunies par l‟État-nation. Le patriotisme unissait dans une même passion des citoyens de toutes origines. À la différence des « petites patries », régions ou villes auxquelles ils demeuraient étrangers, la nation les inscrivait dans un espace politique et territorial. Après eux, elle devait les arracher au statut peu enviable d‟apatrides ou d‟éternels étrangers. Beaucoup plus tard, l‟État social, en créant des catégories 59 60
Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., pp. 199-200. Bordes-Benayoun et Schnapper, Diasporas et nations…, op.cit., pp. 31-32.
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administratives d‟individus « ayant droit » aux bénéfices de la redistribution des richesses, contribua, à son tour, à nationaliser la société. Les premières grandes mesures par exemple de protection sociale en France, la loi sur les accidents du travail en 1898, la loi sur les vieillards et les indigents en 1905, furent d‟abord réservées aux nationaux. Les étrangers furent alors exclus des instances dirigeantes des syndicats et la loi sur les prud‟hommes interdit aux travailleurs étrangers de participer à l‟élection des délégués ouvriers. Le processus d‟assimilation des populations à une culture nationale commune est inscrit dans la logique de l‟État-nation.61 En d‟autres termes, dans les sociétés nationales actuelles, les individus et les groupes sociaux sont eux-mêmes, et de plus en plus, « fabriqués » par l‟État qu‟ils fabriquent. Nous avons là une autre grande différence avec les sociétés prénationales de l‟Ancien Régime. À l‟époque, en raison du faible développement des moyens de communication et de l‟administration, « les sujets de sa majesté » n‟entretenaient avec l‟État que des contacts irréguliers, superficiels, fondés sur la contrainte : il n‟est que de constater à cet égard le mode de perception des impôts. Les sociétés contemporaines, au contraire, mettent les citoyens, non seulement en contact permanent avec l‟État-nation, mais elles leur font intérioriser ses normes, ses catégories, ses structures, à un tel degré qu‟elles en deviennent élément essentiel, structurant de leur identité personnelle. Ce processus initié par l‟État contribue de façon décisive à la formation de ce que Nobert Elias appelle l‟ « habitus national » qui englobe un ensemble de dispositions, conscientes et inconscientes, qui structurent-elles notre personnalité en lui imprimant à la fois ses caractéristiques individuelles et collectives. Les travaux de Pierre Bourdieu et de Michel Foucault l‟ont bien montré, il s‟agit là d‟un facteur essentiel pour comprendre l‟efficacité « symbolique » de l‟État et le rôle qu‟il joue dans le processus « d‟assujettissement » des individus. 62 Mais ces caractéristiques des nations européennes se trouvent en relation avec le système éducatif et l‟enseignement de l‟histoire car l‟histoire se trouve au Centre de la culture, des valeurs, des vertus et des défauts de l‟être humain. Dans la permanence de toute nation, le système éducatif de chaque pays a joué et joue un rôle considérable. Le système éducatif central, parallèlement aux différenciations locales, culturelles et de classe, met en avant deux nouvelles formes d‟intégration sociale : d‟une part, une nouvelle forme sociale qui est fondée « sur de hautes cultures dépendantes de l‟éducation et profondément intériorisées 61 62
Bordes-Benayoun et Schnapper, Diasporas et nations…, op. cit., pp. 33-34. Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., pp. 203-204.
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dont chacune reçoit une protection de son État »63 et, d‟autre part, la formation d‟une subordination nationale commune. Le pouvoir étatique, par l‟intermédiaire du système éducatif national, outre la transmission des connaissances, diffuse une « éducation nationale » commune qui, avec les autres, contribue à la formation de l‟identité nationale de la population. « Le sentiment national n‟est spontané que lorsqu‟il a été parfaitement intériorisé ; il faut préalablement l‟avoir enseigné »64. L‟École agit sur le passé en construisant une mémoire historique commune qui adopte chaque nouvelle génération à celles qui l‟ont précédée. Elle diffuse aussi les valeurs fondamentales associées à la mémoire de la nation. Par son action de diffusion présente d‟un passé dont elle transmet une réécriture, l‟École agit sur l‟avenir des jeunes, elle participe ainsi de manière essentielle à l‟édification du citoyen et à la consolidation de l‟unité de la nation. À l‟école, l‟enfant apprend comment être et penser « nationalement ». À l‟État-nation précédent et actuel, l‟école assurait et assure la formation, l‟affermissement et la reproduction de l‟identité nationale grâce au cours d‟histoire, de langue, de géographie, mais aussi par les autres activités scolaires comme les fêtes nationales célébrées au sein de l‟école, et d‟autres activités culturelles (visite de musées et de monuments).65 « Le corps glorieux de la patrie s‟affiche sur les murs de la classe, 66 sous forme d‟une carte colorée. Par une pédagogie du sentiment d‟appartenance, l‟enfant acquiert une identité collective en répétant des histoires sur „„notre patrie‟‟ et sur „„notre pays‟‟ »67. Un exemple caractéristique du rôle du système éducatif dans la formation de l‟identité nationale est celui de la France où la mission unificatrice de l‟enseignement apparaît d‟autant plus urgente, vers 1880, que la cohésion sociale n‟est pas menacée seulement par des explosions sociales éventuelles dont la Commune constitue un exemple bien tangible, mais plus encore par d‟irréductibles divisions idéologiques. Quand on parle des « deux jeunesses », il s‟agit de celles que forment respectivement l‟école publique et l‟école congréganiste, dans le culte ou le refus de la Révolution et de la République. Le patriotisme fournit la seule réponse à ce problème : faute de véritable projet collectif, on ne peut exalter que le fait de former une collectivité. La grande force unificatrice, la seule qui puisse neutraliser les oppositions idéologiques et sociales, c‟est le sentiment national. Le même patriotisme envahit les facultés et les écoles primaires, le cours du congréganiste et celui du 63
Gellner, E., Nations et nationalisme, traduit de l‟anglais par Pineau B., Paris, Payot, 1983, p. 75. Thiesse, A.M., La création des identités nationales. Europe XVIIIe - XXe siècle, Paris, Seuil, 1999, p. 14. 65 Xypas, C., « La fonction politique de l‟École au défi des jeunes issus de l‟immigration », in : Lenoir, Y., Jamét, C., Xypas, C., (éds), École et citoyenneté, Paris, Armand Colin, 2006. 66 Une étude scientifique sur le sujet concernant le système éducatif grec, in : Germanos, D. L' enfant et son espace dans le processus éducatif : étude comparative dans des écoles grecques, 450 p., Thèse : EHESS : 1982. 67 Thiesse, La création des identités nationales…, op. cit., p. 238. 64
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libre penseur. La géographie et l‟histoire nourrissent ce sentiment national par le choix des événements proposés à la mémoire des écoliers et par le type de problème auquel on les fait réfléchir. L‟école pose à l‟histoire le problème de la constitution de la nation et l‟histoire devient ainsi outil de réflexion sur l‟origine et l‟identité des nations et en tout premier lieu de la France. Au climat patriotique des écoles, il faut ajouter l‟influence unificatrice, voire uniformisante, d‟une institution centralisée. L‟uniformité, qu‟assure la centralisation, renforce l‟unité nationale. L‟enseignement a donc reçu pour mission d‟abolir les particularismes, et avant tout les particularismes régionaux. Il impose d‟étudier les mêmes plantes et les mêmes roches ; obstinément, il refuse l‟histoire et la géographie locales et il veut donner à tous les Français des souvenirs communs et modeler ainsi une collectivité qui, d‟amblée, soit nationale. 68 Nous pouvons faire aussi référence à l‟école de Jules Ferry en France ou à l‟exemple du Mustapha Kemal dont les premières décisions, afin de construire une nation démocratique, moderne et laïque sur les ruines de l‟Empire ottoman, ont porté sur la création d‟une école laïque et moderne. Un troisième exemple est celui de l‟État d‟Israël. Le premier conflit interne de l‟État d‟Israël, et il n‟en a pas manqué dans ce pays, a porté sur le système des écoles et à été extrêmement violent puisque, à travers l‟école, se posait tout le problème de la construction israélienne, de la définition du pays comme laïque ou religieux. 69 Mais le rôle de l‟école concernant la formation de l‟identité nationale des élèves procède du rôle politique de l‟éducation et du système éducatif qui est une institution purement politique. Selon Emile Durkheim, l‟éducation nationale se distingue de celle qui est dispensée dans la famille « chose essentiellement privée et domestique », en ce qu‟elle « assure entre les citoyens une suffisante communauté d‟idées et de sentiments sans laquelle toute société est impossible ».70 Elle ne vise pas seulement à reproduire une culture, elle est identifiée à un modèle culturel cherchant à reproduire un type de société et d‟individu. De ce point de vue, le choix des curricula va toujours comprendre une part d‟arbitraire et toute école renvoie à des conceptions particulières du sujet. Toutefois, l‟école n‟est pas une communauté monastique, car elle réplique des hiérarchies et élabore des qualifications scolaires à partir des schémas sociaux préexistants qui lui sont donnés pour modèles. « En résumé, bien loin que l‟éducation 68
Proste, A., Histoire de l’enseignement en France, 1800-1968, Paris, Armand Colin, 1968, pp. 335-338. Schnapper, D., Quelle école pour quelle nation ?, Paris, Hachette Éducation, 1994, pp. 42-43. 70 Durkheim, E., Éducation et sociologie, Paris, puf, 1973 (1ère éd. 1922), pp. 58-59. 69
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ait pour objet unique ou principal l‟individu et ses intérêts, elle est avant tout le moyen par lequel la société renouvelle perpétuellement les conditions de sa propre existence. La société ne peut vivre que s‟il existe entre ses membres une suffisante homogénéité. L‟éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant d‟avance dans l‟âme de l‟enfant les similitudes essentielles que suppose la vie collective ». 71 Longtemps l‟objet de la sociologie de l‟éducation a été constitué par l‟étude du rapport entre ces deux ordres, comme étude des inégalités produites ou reproduites par l‟école. L‟école associe un projet éducatif à des hiérarchies sociales reposant sur une organisation dont les règlements intérieurs, les modes de régulation, la distribution des rôles favorisent-ils l‟intégration des enfants ou des jeunes dans une société « plus large » que la seule famille. Pour dire les choses sommairement, l‟institution scolaire assure trois « fonctions » : éduquer, sélectionner, socialiser. Hiérarchisées, ces trois fonctions renvoient à l‟image traditionnelle de la transformation des valeurs en normes et des normes en valeurs. Une recherche menée sur l‟expérience scolaire des lycées nous a conduit à transformer sensiblement cette représentation de l‟école car elle révèle que, du point de vue des acteurs, ces trois fonctions ne sont pas intégrées, ne forment pas un tout, qu‟elles sont en réalité dans des rapports de tension très forte. L‟institution apparaît non plus comme un « bloc » de fonctions intégrées, mais comme une construction relativement instable, comme un « arrangement ».72 En France par exemple, l‟institution scolaire traditionnelle, qui présentait peu de différences sociales dans la population scolaire avait-elle la possibilité de marquer nettement ses ambitions éducatives. Le lycée entretenait et protégeait le feu de la grande culture et des humanités ; l‟économie et la technique n‟entraient pas dans ses préoccupations, toutes orientées vers la culture au sens noble. Le petit nombre de diplômes secondaires et supérieurs en garantissait la valeur. L‟objectif de l‟école primaire ne résidait pas dans le seul apprentissage de la lecture à des enfants dans une société déjà largement alphabétisée, mais d‟abord dans la création de la France républicaine, dans la promotion des valeurs de la Raison et des Lumières contre une France d‟ancien régime. Enfin, dans la grande division qui s‟instaura durant la guerre scolaire entre instruction et éducation, l‟école fut du coté de l‟instruction. C‟était une école repliée sur ses propres règles et ses propres valeurs. Elle ne s‟intéressait vraiment ni à l‟enfant ni à l‟adolescent, ne s‟adressant qu‟à ce qu‟il y a d‟adulte et de raisonnable en eux. D‟autre part et a contrario, mais dans la même perspective, cette 71 72
Durkheim, Éducation et sociologie…, op. cit., pp. 101-102. Dubet, F., Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, 1994, p. 166.
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école refusait la mixité, ce faisant, elle prenait ses distances par rapport aux modèles éducatifs anglo-saxons ou allemands qui voulaient former un type d‟homme dans une vie collective, mener à l‟apprentissage des responsabilités à travers des exercices non scolaires, la vie commune, le sport, les fraternités d‟élèves. Une institution régie par des règles très strictes se constituait, largement fermée à la compétition de la mobilité sociale, accueillant des publics homogènes autour de projets éducatifs explicitement précisés, réalisés par des enseignants eux-mêmes homogènes et étroitement encadrés par l‟institution. Éduquer, classer, cultiver, valider des qualifications ou remettre des diplômes constituait un tout. « Le thème de la « reproduction » comme ajustement spontané des cultures scolaires aux inégalités sociales par les biais des habitus, des aspirations et des codes linguistiques, propose une image si parfaitement ajustée de l‟école que les conflits et les critiques qui naissent dans l‟école participent de cette intégration. La notion d‟ « appareil idéologique d‟État » appliquée à l‟école a, de son coté, encore durci ce raisonnement en soumettant l‟institution au finalisme fonctionnel de la production légitime des classes sociales ».73 Or actuellement, la scolarisation massive de la population a entraîné une révolution totale dans les pratiques d‟attribution des qualifications. Avec le collège unique, qui sousentend que tous les élèves prennent part à la même compétition, la scolarité ressemble à s‟y méprendre à une longue épreuve sélective durant laquelle les dispositions naturelles, les ambitions, les ressources et les aptitudes stratégiques des élèves et de leurs familles constituent des outils indispensables. Du point de vue des acteurs, l‟essentiel de la sélection ne se déroule pas en amont de l‟école, mais pendant le cours même des études. Toutefois, si, en dépit de tout, les inégalités scolaires reproduisent une grande part des inégalités sociales, le mode de production des hiérarchies scolaires s‟est profondément transformé. Les petites différences et les écarts mesurés et accumulés tout au long du parcours scolaire finissent par engendrer manière infinie. Il s‟est mis en place une sorte de « marché » scolaire dans lequel les diverses disciplines, les filières, les établissements acquièrent des valeurs très différentes. Aussi, ce n‟est pas seulement par un simple effet de mode intellectuelle que la sociologie de l‟éducation a quelque peu délaissé les grandes enquêtes macrosociologiques pour se pencher sur les processus plus subtils de « production » des inégalités scolaires. On est fondé à penser que, dans une grande mesure, c‟est l‟école elle-même, à travers ses multiples interactions, qui « accélère » et renforce les inégalités qu‟elle prend en charge. L‟image que l‟école renvoie d‟elle-même se retrouve profondément modifiée, elle ne constitue plus un havre de justice
73
Dubet, Sociologie de l’expérience…, op. cit., pp. 168-170.
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absolue au sein d‟une société inégalitaire ; c‟est elle qui au contraire bannit et engendre ses propres inégalités et ses propres discriminations. « Évidemment, la massification scolaire a brisé le vieil ajustement des enseignements et des divers publics scolaires. Le collège, la classe de seconde et les premiers cycles universitaires sont perçus comme les niveaux où se multiplient les problèmes d‟hétérogénéité des publics, d‟étrangeté des élèves aux normes scolaires, de désarroi des enseignants devant le „„niveau‟‟, d‟angoisse des élèves ». 74 En raison donc de la massification de l‟école, en raison de l‟augmentation du nombre des diplômes qui en a affecté la valeur relative, qui seule compte socialement, en raison du flou déjà ancien des lignes du clivage entre éducation et instruction, la relative homogénéité des modèles éducatifs et des finalités de l‟école a été bouleversée. La nature des débats et des politiques scolaires qui voient se succéder plusieurs modèles sans que jamais l‟un d‟eux ne s‟impose totalement en témoigne sans conteste ; ce bouleversement transparaît également dans les débats, parfois les tensions, qui traversent la vie des établissements et se révèlent en particulier quand il leur est demandé d‟élaborer un « projet ». L‟école se trouve dans une position difficile face à une série de dilemmes dont il lui est difficile de sortir : d‟aucuns, frileux, souhaitent qu‟elle s‟en tienne à sa vocation d‟institution, repliée sinon fermée, du moins indépendante. Cependant, ceux qui espèrent ce retour sur l‟école se divisent entre adeptes d‟une culture scolaire traditionnelle, républicaine et juste, qui valorise la recherche de performances dans l‟affirmation des règles et des hiérarchies scolaires, et partisans d‟une école éducative dont l‟enfant et l‟adolescent constituent le Centre : ces derniers rêvent d‟une école qui ne soit pas uniquement « scolaire » et qui donne aux élèves ce que leur famille et la société ne peuvent plus leur offrir. D‟après les catégories utilisées dans les salles de professeurs, ce conflit oppose donc les « réacs » aux « pédagos ». Il arrive aussi que l‟on reproche à l‟école de n‟être pas assez ouverte sur la société et sur l‟économie. Nombre d‟enseignants, plus encore de parents et d‟élèves, souhaitent une école adaptée à la demande économique, une école utile et efficace ; toutefois, l‟ouverture de l‟école renvoie aussi selon d‟autres au rôle social et intégrateur qu‟elle ne joue plus car trop éloignée des populations des « quartiers difficiles » ; cette tradition intégratrice à retrouver, est, elle aussi, « républicaine ». Nous nous trouvons ici dans un système où les « réalistes » s‟opposent aux « assistantes sociales ». L‟extrême éparpillement des modèles éducatifs, que ne saurait masquer l‟invocation coutumière, banalisée à une tradition républicaine assez floue et largement admise pour que chacun se l‟approprie, a conduit le système scolaire à des corrections
74
Dubet, Sociologie de l’expérience…, op.cit., pp. 170-171.
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ponctuelles donc fragmentaires, souvent au niveau de l‟établissement, parfois même de la classe. Contrainte de déterminer au moins une part de ses objectifs et de ses modes d‟adaptation à ses « clients » et à son milieu, l‟école, du collège à l‟université, correspond de plus en plus nettement au type d‟organisation que définit Crozier, c‟est-à-dire « par sa capacité à produire de l‟action concertée » plus que par les valeurs et les fonctions qui la soutendent. Nous ne sommes pas devant une crise au sens strict, mais nous assistons à la fin d‟un modèle d‟organisation conçu comme un système à institutionnaliser des valeurs. À la place d‟un modèle automatique, dans lequel le fait que les acteurs se conformaient aux valeurs de l‟institution et y adhéraient de manière personnelle, donnait toute la cohérence à l‟ensemble, nous trouvons un modèle plus « politique ». L‟ajustement aux contraintes de l‟environnement, en d‟autres termes, la capacité proprement politique de coordonner les actions en dépit de l‟hétérogénéité des acteurs et des objectifs qu‟ils poursuivent dicte impérativement la coordination des actions. Pour certains, la culture scolaire ne peut être la culture avec un grand C, le stock de connaissances sélectionnées « naturellement » par le travail qu‟une société et, plus encore, l‟humanité a effectué sur elle-même par la science et par la construction d‟une grande tradition esthétique et culturelle. On ne doit pas adapter cette culture au monde, car elle dessine un ensemble collectif autonome qui transcende les cultures particulières, celles des classes sociales ou des médias. Selon la célèbre formule, « Enseigner, c‟est résister », en s‟identifiant à l‟histoire, « cette culture s‟identifie aussi à l‟historicité dans sa volonté de produire une pensée critique, des normes universelles et une subjectivité introdéterminée ».75 Evidement, ceux qui raisonnent en termes de concurrence et d‟utilité scolaire auront beau jeu de montrer que cette hiérarchisation des savoirs n‟est, en réalité, qu‟une idéologie, qu‟elle généralise, induit, universalise plus ou moins naïvement une culture particulière qui a pour seule objective d‟assurer le maintien des privilèges scolaires et sociaux chez ceux qui ont hérité de cette culture à leur naissance. La grande culture procède en fait d‟une culture particulière élevée au rang de modèle donc imposée à tous. Ici, la culture est entendue dans son sens anthropologique, comme un ensemble de manières d‟être, de faire, et de représentations du monde. Mais le principe d‟autonomie des cultures et de non-hiérarchie implique la formation d‟une école ouverte aux diversités culturelles puisque la grande culture n‟est qu‟un particularisme parmi d‟autres. Évidemment, cette position s‟oppose à la fois « à
75
Dubet, Sociologie de l’expérience…, op.cit., p. 173.
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la grande culture et à l‟universalisme critique, accusés de détruire les cultures réelles au nom d‟une culture universelle réduite à la culture du marché, à la raison instrumentale ou à la culture des dominants ». 76 Bref, l‟éducation est un sujet politique car : a) elle transmet à l‟enfant les modèles de comportement qui ont cours dans une société. Ce sont des modèles de travail, de vie, d‟échange, de relations affectives, de rapports d‟autorité, de continuité religieuse, etc., b) elle forme la personnalité selon les normes qui reflètent les réalités sociales et politiques, c) elle transmet aux enfants des idées politiques sur la société, la justice, la liberté, l‟égalité et d) elle est prise en charge par l‟école, institution sociale dont l‟organisation et le fonctionnement dépendent des rapports de force sociaux et politiques. 77 En ce qui concerne l‟histoire, elle contribue à la formation du savoir des élèves et de leur capacité à comprendre et à critiquer. Elle constitue la « pièce maîtresse » de l‟éducation des enfants et des jeunes. Par conséquent, l‟histoire – institutionnelle ou non – revêt une grande importance et exige une réflexion pédagogique et politique continue.78 Selon Marc Ferro, « l‟image que nous avons des autres peuples ou de nous-mêmes, est associée à l‟Histoire qu‟on nous a racontée quand nous étions enfants »79. Un de ces « milieux de mémoire » se retrouve sans conteste dans le corps enseignant qui constitue un des piliers de notre mémoire collective. À l‟instar des autres, cette mémoire est approximative et elliptique, imperfections qui permettent précisément d‟assurer la bonne marche de l‟enseignement au jour le jour sans revivre en permanence les incertitudes ou les conflits du passé. Un certain nombre d‟attitudes et d‟états d‟esprit s‟en trouvent figés, considérés comme allant de soi, au point que les membres du corps ne peuvent-ils plus imaginer d‟autres voies. Par exemple, il est difficile de nos jours de concevoir que la construction d‟une mémoire et d‟une identité commune puisse s‟élaborer autrement que par l‟enseignement de l‟histoire. 80
76
Dubet, Sociologie de l’expérience…, op.cit., p. 174. Charlot, B., Le mystification pédagogique, Paris, Payot, 1976, pp.7-18. 78 Ferro, Histoires et interprétations…, op. cit., p. 41. 79 Ferro, M., Comment on raconte l’histoire aux enfants à travers le monde entier, Paris, Payot, 1992, p. 7. 80 Bruter, A., « Histoire et identité : mariage indissoluble ou union passagère ? », in : N. Tutiaux-Guillon et D. Nourrisson (dir.), Idenités, Mémoires, Conscience historique, Saint-Etienne, Publication de l‟Université de Saint-Etienne, 2003, pp. 48-49. 77
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Mais, le système éducatif n‟est certainement pas le seul facteur qui joue un rôle dans la formation de la conscience nationale et historique. Actuellement, l‟apprentissage de l‟histoire peut se faire hors du système éducatif. Les médias – télévision et presse écrite –, les musées, le théâtre et le cinéma, la littérature et l‟entourage – la famille, amis, collectivité – jouent un rôle déterminant dans la diffusion de la connaissance historique et donc, dans la création de l‟identité nationale. 81 En outre, aux facteurs ci-dessus, nous pouvons aussi ajouter un autre paramètre concernant l‟apprentissage de l‟histoire. Plus précisément, en France par exemple, au cours du dernier siècle et même avant, nous trouvons des structures éducatives qui se définissent en toute indépendance par rapport à l‟État : il s‟agit de la première dimension caractérisant l‟ « éducation populaire ». Alors que dans l‟Éducation nationale, on transmet des savoirs, des connaissances, en général à partir d‟un programme et d‟une culture définie par une classe dominante, dans l‟éducation populaire on trouve la socialisation et l‟apprentissage de la citoyenneté, et en même temps la transmission de connaissances et de savoirs choisis par les personnes qui veulent s‟éduquer, s‟élever (to grow up) ou améliorer leurs capacités. Il y a donc des choix venus de la base, des « grassroots » données qui ne sont pas parachutées d‟en haut, comme des programmes de ministères. À travers différentes périodes historiques, nous allons retrouver des dimensions très semblables dans l‟éducation populaire : volonté d‟indépendance par rapport à l‟État, méthodes non magistrales, absence de programmes institués, acteurs souvent militants, publics « populaires », pratiques et valeurs démocratiques et égalitaires.82 En ce qui concerne les secteurs de l‟éducation populaire, ils sont extrêmement divers et le panorama est vaste, puisqu‟il s‟étend au sport, aux loisirs et au temps libre, au savoir, à l‟éducation et à l‟animation. Cette particularité de l‟étendue des secteurs est une dimension supplémentaire. Les frontières de l‟éducation populaire sont floues et parfois paradoxales, il arrive qu‟on parle même de « jungle » (Jean-Michel Belorgey). Les associations relevant du Conseil National de la Jeunesse et de l’Éducation populaire s‟occupent tout autant de vacances et de loisirs que d‟insertion, de sport, d‟alphabétisation. Nous savons que dans une université populaire, on peut enseigner l‟art du jardin, l‟anglais, l‟histoire du mouvement ouvrier, la philosophie de Michel Onfray ou la psychanalyse de Jacques Lacan. C‟est une 81
Mademlis, Manuels scolaires…, op. cit., p. ix. Ferrand-Bechmann, D., « Éducation populaire ou…impopulaire ? », Revue Pratiques de Formation, Juin 2005, N° 49, p. 5-7. Disponible sur : http://cesol.free.fr/documents/bechmann_education_populaire_impopulaire.pdf 82
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éducation beaucoup plus choisie, plus large, qui repose sur deux pieds ou deux principes : transmission de savoirs et apprentissage de normes et de la citoyenneté. 83 Dans ce cadre de l‟éducation populaire, l‟histoire nationale, internationale ou régionale, sont des sujets qui attisent l‟intérêt des gens. Ce type d‟éducation contribue à sa façon et avec ses méthodes propres à la formation de l‟identité nationale des élèves adultes qui y participent. Par conséquent l‟éducation populaire s‟avère un paramètre incontournable pour la diffusion de la connaissance historique et la formation de notre identité nationale et de notre conscience historique. On le sait, la formation de l‟identité nationale de chaque nation n‟est pas seulement un processus unilatéralement étatique mais un processus complexe. Elle est constituée des particularités historiques et culturelles de chaque nation et de chaque État. Mais, très souvent, les besoins idéologiques d‟une société imposent la dénaturation mythique des évènements historiques. Elle met en avant que l‟histoire, dans sa dimension ontologique, soit différente de l‟historiographie et plus précisément de ses fonctions idéologiques et de la façon dont les descendants reconstruisent
leur passé historique, en dénaturant
ou en ignorant
systématiquement de nombreux événements pour servir leurs nouveaux besoins et leurs intentions actuelles. On peut parler de deux histoires. Une histoire des historiens qui est fondée sur certains critères « objectifs » et une histoire « idéologique » qui utilise les événements historiques selon certaines traditions instaurées. Cette deuxième histoire est la mémoire collective qui a tendance à confondre l‟histoire et le mythe et qui constitue une relation vivante entre passé et présent. Le pouvoir étatique aussi, en vue de contrôler les problèmes et les antagonismes actuels, manipule l‟histoire. Certains groupes, par l‟usage idéologique de l‟histoire, ont besoin d‟éléments unificateurs – langue, coutumes, traditions – pour leur cohésion intérieure et la formation de leur identité culturelle. 84 L‟historiographie officielle grecque en favorisant la continuité historique de la nation, a contribué à soutenir la thèse que la nation grecque existe immuablement depuis 4.000 ans. Mais au travers de cette thèse se renforce aussi le « particularisme » de la nation grecque et une partie des Grecs ne ressent en 2010 aucune obligation morale par rapport aux travailleurs immigrés et ils peuvent ainsi se prévaloir d‟une légitimité morale pour toutes les injustices qu‟ils leur imposent. Les discriminations et l‟ethnocentrisme coexistent et ils se manifestent,
83 84
Ibidem. Le Goff, J., Histoire et Mémoire, Paris, Gallimart, 1988, p. 111.
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surtout au niveau de la parole, envers les immigrants qui sont souvent « responsables de tous les maux du pays ».85
85
Dragona, Th., « Όηαλ ε εζληθή ηαπηόηεηα απεηιείηαη: ςπρνινγηθέο ζηξαηεγηθέο αληηκεηώπηζεο » (Quand l‟identité nationale est menacée : stratégies psychologiques de l‟affrontement), in : Fragoudaki, (« Qu’est-ce que notre patrie ?..., op. cit., pp. 99-101.
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2.
Le rôle des fêtes nationales dans la formation de l’identité nationale
En ce qui concerne les fêtes nationales, leur intérêt est centré, surtout, sur le rôle éducatif, au sens large du mot, qu‟elles sont appelées à jouer. Dans un premier temps, nous voudrions évoquer l‟importance que revêt la dimension affective dans le processus d‟intériorisation des normes et des structures étatiques. On comprend ainsi que les événements traumatisants jouent un rôle majeur dans la fixation des habitus nationaux. Dans la plupart de cas, les conflits armés, la violence collective sont des moteurs efficaces de transmission du sentiment d‟appartenance à la nation dans toutes les couches de la société. De ce point de vue, en Europe, les deux guerres mondiales, en mettant tous les citoyens dans l‟obligation d‟accomplir leur devoir civique et de s‟engager dans le conflit, en application du principe de la souveraineté du peuple, ont joué un rôle majeur. Les souffrances extrêmes que tous ont subies dans leur corps et dans leur âme, ont créé, par leur ampleur, les conditions sociales d‟une identification collective à la nation. Les monuments aux morts, les rituels commémoratifs, les discours politiques ont entretenu voire renforcé cette identification pendant plusieurs décennies, accélérant ainsi de manière exponentielle le processus d‟intégration nationale. Pour Nobert Elias, « c‟est seulement au cours des deux guerres mondiales de ce siècle que les populations des États industriels les plus développés ont pris les caractéristiques de nations et les États correspondants d‟États nationaux ».86 Mais, tout d‟abord, une rapide référence à la source des fêtes nous aidera à nous faire une image précise d‟une réalité complexe. La source des fêtes se trouve dans l‟histoire grâce à la culture classique ou peut-être plus directement par l‟influence de l‟église catholique. Les fêtes révolutionnaires se nourrissent tant des discours que des symboles de l‟utopie antique. Les citations des auteurs grecs et romains fournissent de la matière au corps des discours. Le décor des fêtes s‟inspire des colonnes antiques, des chars et des triomphes romains. Or, si l‟influence de l‟Antiquité est certaine, il s‟agit d‟une Antiquité utopique plus qu‟historique. Nous ne pouvons faire ici l‟économie d‟une référence au rôle des fêtes consacrées à Dionysos (le dieu de la vigne, du vin et de ses excès ainsi que du théâtre et de la tragédie). Notre réflexion se focalise sur le rôle politique de ces fêtes et non sur leurs autres aspects (danse, décoration, textes littéraires etc.). Dans le détail, les quatre fêtes concernant Dionysos sont les suivantes :
86
Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., pp. 204- 205.
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I.
Les Dionysies Rurales au mois de Poséidéon (décembre - janvier). Ces fêtes,
dans leurs divers aspects de procession phallique, cômos (cortège de personnages déguisés, très animé et bruyant), chants, etc., comportaient une participation massive et active dans une ambiance d‟évasion. Ouvertes au personnel domestique, donc aux dépendants aussi, c‟étaient des fêtes gaies, dans une atmosphère de licence et de liberté. Rurales en plus, elles avaient beaucoup d‟un dionysisme « primordial », certainement pré-poliade, c‟est-à-dire antérieur au dionysisme citadin. II.
Les Lénées. Dans le mois suivant, Gamélion, les Athéniens célébraient les
Lénées. Ces festivités, donc en janvier - février, se déroulaient au milieu de l‟hiver, au mois le plus froid du calendrier grec. III.
Les Anthestéries : Thucydide (II, 15) nous rapporte que les Anthestéries
étaient la fête la plus ancienne consacrée à Dionysos à Athènes. Cette fête était célébrée les 1l, 12 et 13 du mois d‟Anthestérion (février - mars), à l‟origine sur l‟Acropole. Pour cette fête précise, bien des éléments très anciens se sont perpétués tout simplement parce que dans le cadre d‟une économie largement agricole, comme le sont toutes celles de l‟Antiquité ou presque toutes, les nouveautés que la Polis et l‟urbanisation ont pu apporter n‟ont pas pu réduire de manière significative la dépendance absolue de l‟homme aux aléas de la nature et des saisons. Il y a donc de nombreux éléments sans rupture de continuité. Mais les innovations sont tout aussi importantes, car si l‟Archonte-Roi est bien l‟héritier des pouvoirs d‟un ancien roi, nous voyons qu‟il n‟habite plus, comme le roi mycénien, les hauteurs de l‟Acropole, mais dans la ville basse. L‟union famille royale - divinité en vue de l‟abondance et de la fécondité n‟est pas une simple continuité entre le Roi mycénien - Roi archaïque Archonte - Roi poliade. D‟autres innovations sont claires: pour les enfants, la fête marque un premier moment d‟intégration dans la cité. IV.
Les Grandes Dionysies: La fête se déroulait du 10 au 15 Elaphébolion (mars -
avril) et elle est une création de Pisistrate (tyran d‟Athènes, né vers 600 av. J.-C., mort en 527 av. J.-C.). Le fait d‟être appelées parfois tout simplement « Dionysies » montre combien elles étaient plus importantes que les autres. Si elles sont aussi appelées « urbaines », c‟est peutêtre parce qu‟au début il a fallu les distinguer de celles dont elles étaient issues. 87 Par ailleurs, il convient d‟insister sur le fait que les Grandes Dionysies ont été utilisées par les tyrans comme un rouage important de leur politique religieuse, et qu‟elles demeurent, parmi les fêtes dionysiaques, les mieux intégrées à la polis. Précisément, elles se 87
Dabdab Trabulsi, J.A., « Dionysisme: Pouvoir et Société », Annales littéraires de l’Université de Besançon, V. 412, pp. 211-214.
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déroulaient plus tard dans l‟année. Les Anthestéries, au début du printemps, correspondaient juste à la reprise de la navigation. Au moment des Grandes Dionysies, en revanche, les déplacements maritimes ayant commencé depuis quelque temps, « toute la Grèce » pouvait venir assister à la manifestation de la splendeur et de la puissance d‟Athènes. L‟intégration est patente dans la mesure où, au cours de cette fête, la cité rendait les honneurs dus à ses bienfaiteurs (métèques et étrangers). Il y a certes aussi des rites comme la phallophorie, des sacrifices et des banquets, où l‟ambiance était sans doute loin d‟être triste. Mais on n‟y voit pas la même permissivité ni le même égalitarisme « sauvage » ; il n‟y a pas de comparaison entre ce que devait être l‟anarchie des Dionysies Rurales et l‟orgiasme des Lénées ; on n‟entend rien qui puisse ressembler au mot de Callimaque qui le qualifiait de « jour béni des esclaves ». Dans la mesure où ce fait religieux était « pur », parce que caractérisé par l‟intimité du contact entre fidèle et dieu, à travers de nombreuses pratiques le plus souvent collectives mais égalitaristes, on peut s‟étonner de voir intervenir un prêtre, personnage important les jours de représentation. Quoi de plus poliade que le cortège qui ouvrait les cérémonies, avec en tête l‟Archonte - éponyme et les éphèbes en armes, quoi de plus poliade que les honneurs aux bienfaiteurs de la cité ? En ce qui concerne « Dionysos », nous nous arrêterons sur l‟évolution que nous avons trouvée dans les fêtes. Une fête nouvelle, beaucoup plus policée, favorisée par les tyrans et par la polis (la ville) démocratique aux dépens de fêtes plus anciennes mais moins adaptées à leurs besoins. À la fin du VIe siècle, elle marque un compromis entre la nécessité de donner satisfaction aux revendications du démos (du peuple), composante essentielle des assises sociales, du pouvoir tyrannique, tout en renforçant les structures d‟un État centralisé contre le particularisme aristocratique, besoin qu‟un dionysisme effréné ne saurait pas satisfaire. À l‟époque classique cette fête annuelle devient presque aussi importante que les Panathénées, et sans conteste la fête dionysiaque la plus importante. W. Burkert arrive à une estimation, d‟après l‟importance économique des offrandes sacrificielles, à un rapport du simple au double et au triple entre les Anthestéries, les Dionysies Rurales et les Grandes Dionysies. Nous voyons donc que, plus la fête est importante pour la polis (la ville) moins la participation y est égalitariste et indifférenciée. Même devant le dieu « qui ne fait de distinctions en faveur de personne » la polis fait que « certains sont plus égaux que d‟autres ».88
88
Ibidem.
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Mais ce retour à la source antique n‟est pas l‟unique forme d‟appropriation d‟un passé que l‟on transforme et régénère. Plus directement proche des fêtes révolutionnaires, parfois même intégrée aux premières cérémonies, l‟Église se retrouve à la source de nombreuses manifestations. Les fêtes de la Fédération sont l‟occasion de messes, de prêches et de discours. Le personnel révolutionnaire prend très vite conscience de la nécessité d‟emprunter au christianisme sinon ses principes du moins ses méthodes afin de rallier la population au Nouveau régime. Il existe une ample moisson d‟analogies : dans les signes sacrés, dans le déroulement des cortèges de citoyens, la cérémonie patriotique se donne comme une transposition de la cérémonie catholique. 89 Souvent le rassemblement se veut une manifestation de l‟unité qui lie le peuple et ses gouvernants, ces derniers étant mêlés au peuple et affichant par divers artifices et mises en scène leur dévouement à la cause du peuple. C‟est une préoccupation constante des pays qui ont récemment accédé à l‟indépendance. À Singapour, la fête nationale donne lieu à d‟importants défilés. Ils ont vocation à ancrer la conscience que les participants appartiennent à un peuple uni, vivant dans un espace géographique donné et capable de dépasser les lignes de division ethniques du pays. Cette conscience est symbolisée et renforcée par l‟institutionnalisation de pratiques cérémonielles ritualisées, incluant le salut au drapeau national, le chant de l‟hymne national, le serment de loyauté pour le service du pays, sans distinction de race, de langue ou de religion, l‟assistance et la participation aux défilés du jour de la fête nationale. Défilés qui changent de trajet chaque année et qui, tel le tour de France cycliste, prennent soin de traverser diverses provinces chaque année, pour occuper symboliquement tout l‟espace commun. 90 Jean-Jacques Rousseau est un penseur des festivités populaires, c‟est, là un lieu commun ; on a moins dit toutefois que ces temps de rassemblement du peuple sont toujours fondés dans le souci de l‟ordre. J.-J. Rousseau sait que l‟unité nationale et le sentiment patriotique supposent une forme de convivialité entre les citoyens. Cette convivialité ne doit cependant pas être confondue avec l‟amitié qui procède d‟un choix réel et mutuel et, en fait, rare. Les types de réjouissances qui relèvent de l‟intimité doivent être absolument distingués des fêtes publiques : puisque toute la nation est convoquée sans possibilité de choix ni d‟harmonie spontanée, il faut organiser le rassemblement de façon que chacun ait sa place, 89
Laidie, F., Fêtes et manifestations publiques en côte-d’Or pendant la révolution française : 1789-1799, Aixen Provence, Press universitaire d‟Aix-Marseille, 2005, pp. 30-32. 90 Mercier, A., « Efficacité de performatif dans les rituels politiques », Hermès, Paris, V. 43, 2005, p. 32.
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autrement dit le favoriser institutionnellement. Conforter ce sentiment d‟unité nationale suppose de privilégier deux pratiques à valeur de symbole : un culte de l‟histoire nationale avec des fêtes commémoratives, toutes les décennies, qui célébreront avec un faste et une solennité qui les rendra mémorables, la naissance de la République et ses heures de gloire, en honorant la bravoure de ceux sans qui la patrie ne serait pas ou plus. Le protocole, en ce cas, sera militaire : tous les citoyens sous les drapeaux sortiront dans l‟uniforme qui sera aussi leur habit de fête et défileront, sous le regard de la Nation, selon l‟ordre de leur régiment. J.-J. Rousseau précise qu‟il faut à la Patrie des spectacles où les rangs sociaux soient bien marqués et distingués avec soin mais où tout le peuple prenne également part.91 Enfin, le caractère politique des fêtes séculières insiste sur les aspects suivants: 1) la légalisation politique, 2) l‟affirmation d‟une hiérarchie de pouvoirs, de valeurs et de priorité, 3) l‟orientation morale et 4) l‟échange intensif, à la fois ludique et mobilisateur.92 Mais, célébrer une fête nationale, c‟est, dès l‟origine, accomplir un certain nombre d‟actes auxquels la répétition systématique, en dépit de quelques variantes qu‟imposent l‟actualité ou des contingences économiques, donne rapidement un caractère rituel. Les actes systématiquement récurrents de ces fêtes sont : a)
Les défilés militaires. Ils sont l‟occasion de rassembler toutes les autorités et
d‟affirmer, par le spectacle d‟une garnison, des ors de ses uniformes et des musiques de sa fanfare pour la population qui l‟héberge, l‟importance administrative de la ville. Les conseillers, dépositaires de la légitimité républicaine autant que représentants élus de la communauté villageoise, remplissent une mission civique, ils distribuent flambeaux et drapeaux, symboles de la ferveur patriotique, ils encadrent le cortège à moins que leur collège ne figure en tant que tel en son sein. Enfin, le maire prononce les paroles officielles et distribue les libéralités liées au défilé. Le statu d‟un héros national est installé au beau milieu de la place, sous le kiosque à musique et, entourée des « drapeaux de toutes les sociétés ». 93 b)
Boire et manger. Le partage d‟un repas, la consommation collective d‟un
apéritif sont fréquents dans de nombreuses communes et participent d‟un rite de convivialité 91
Leliepvre-Botton, S., Droit du sol : Droit du sang, Paris, Ellipses, 1996, pp. 66-69. Rivière, C., Les liturgies politiques, Paris, PUF, 1988, p. 176. 93 Pech, R., « Le 14 juillet : fête nationale ou fête locale », in : M. Agulhon (dir.), Cultures et folklores républicains, Paris, CTHS, 1995, pp. 35-42. 92
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et de réjouissance. La distribution aux enfants d‟un verre de limonade ou de grenadine, frappé au sceau national, à l‟issue de la retraite aux flambeaux ajoute un élément civique et initiatique.94 c)
Jouer. Les jeux, insérés dans la fête républicaine, dépassent le cadre
strictement ludique pour revêtir d‟autres significations. Tous les jeunes, en tant qu‟égaux en droit, sont invités à participer mais ils se mesurent les uns aux autres. Les jeux eux-mêmes ont un coté burlesque, spectaculaire, mais se chargent aussi de symboles : les difficultés de la vie et la générosité, la prodigalité du régime envers ceux qui savent s‟en dégager. 95 d)
Regarder. Dés le départ, les « illuminations » représentent un élément
important de la fête. Les flambeaux et les lampions sont complétés par des illuminations fixes, et certaines villes profitent de la célébration pour doter leur hôtel de ville d‟un éclairage permanent. Le feu d‟artifice s‟impose comme le clou de la fête. Par la combinaison du bruit, du mouvement et de la couleur, par son caractère exceptionnel et coûteux, il sollicite l‟émotivité du public en même temps qu‟il affirme, par son coût toujours élevé, l‟engagement de la municipalité. 96 e)
Ecouter. La musique est très présente dans la célébration des fêtes nationales,
sous deux formes différentes. La fanfare qui accompagne les défilés, est un succédané de la musique militaire. Le mimétisme est accentué par les uniformes, les casquettes, et l‟ordonnancement du défilé (en rang, marche au pas), tout cela révélant une profonde influence de la conscription généralisée sur les sociétés rurales. 97 f)
Danser. Les bals qui concluent les fêtes nationales dans la liesse générale,
expriment bien leur caractère populaire. La décoration de la place où se déroule le bal, l‟exécution finale de l‟hymne national, témoignent-elles de la réalité de la fête. Coexiste un mélange savamment dosé de danses traditionnelles et de danses « modernes ».98 Ici, il faut faire une référence particulière au rôle des défilés qui ont lieu durant les fêtes. Rassembler une foule en cortège, en procession, permet de « faire groupe », de « faire corps » collectivement. Les trajets canalisés, ordonnés, établissent des frontières impalpables unifiant le groupe. « Dans le trajet en circuit fermé, le trajet fait boucle, il enferme et enclot. Il produit ou reproduit une limite idéale ou réelle qui est le terme sans rupture d‟une étendue 94
Ibidem. Ibidem. 96 Ibidem. 97 Ibidem. 98 Ibidem. 95
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dont il instaure par-là même l‟existence qu‟il fonde ou dont il répète le fondement, qu‟il protège idéalement par une frontière symboliquement infranchissable ». Un défilé se structure de telle manière qu‟il manifeste, aux yeux de tous, l‟Unité de la nation, du peuple. La vertu d‟une telle démonstration est de « transformer une ou plusieurs relations sociales réelles et spécifiques en « communitas » (à la fois temporaire et symbolique). Le défilé, le cortège, en représentant cette transformation l‟effectuent ». 99 Le défilé est la mise en scène de la société à elle-même, son autoreprésentation, que cela permette de répéter indéfiniment le même schéma ou vise à faire entrer dans les esprits les changements intervenus dans les dogmes de codification de la société. Prenons l‟exemple du modèle chinois présenté pour le cinquantième anniversaire de la création de la Chine communiste en 1999. Les équipes de chanteurs et de danseurs des parades civiles, accompagnées de divers morceaux de musique joués par l‟orchestre militaire, ont défilé sur la place Tien An Men, tenant de hautes et larges bannières exprimant leur soutien au parti communiste chinois. Un alignement de chars colorés montrant les accomplissements économiques et le progrès social de la Chine pendant les cinq dernières décennies s‟est-il ajouté au spectacle du défilé. Les ouvriers des entreprises d‟État menaient les formations de parade et criaient en continu leur appui aux réformes, comme toujours. Mais les représentants du secteur privé furent aussi associés, présentés comme « une composante importante de l‟économie de marché socialiste ». Leur présence dans le défilé officiel avait valeur de symbole de la nécessité d‟unir tous les efforts pour le développement économique, fut-ce au prix d‟une rupture avec la stricte orthodoxie marxiste.100 Nous pouvons faire référence aussi au rôle des fêtes et des rites dans les régimes totalitaires. Ces rituels servent à exprimer l‟idéal d‟une unité profonde du peuple. Les rassemblements nient les discordances et les oppositions qui séparent les participants. L‟imaginaire mis en œuvre masque les réalités sociales, notamment en donnant le sentiment d‟effacer les coupures sociales, en associant chacun d‟une manière quasi fusionnelle par la dépossession temporaire de soi. À Nuremberg, comme dans la mise en scène fasciste, tout est fait pour développer le mythe d‟une parfaite communion, symbolisée par le port d‟un uniforme, d‟une même chemise noire pour tous. « Le fascisme espérait ainsi gommer l‟antagonisme entre l‟individu et la masse et dépasser sans toutefois l‟abolir la distinction entre les classes sociales, noyant l‟individu dans la communauté totalitaire et transformant la 99
Mercier, « Efficacité de performatif…, op. cit., p. 33. Ibidem.
100
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masse elle-même par l‟adoption d‟un style de vie qui fût la traduction concrète d‟une conscience de la collectivité, mettant en place des occasions de vie resserrant les liens de la communauté, destinées donc à produire des états d‟âme collectifs qui de temporaires deviendraient permanents, tout ceci par le biais de manifestations collectives constituant un enchaînement de moments de vie qui développent le collectif de l‟existence et en font le substrat psychologique de notre peuple [selon les mots de Mussolini lui-même] ».101 Dans les cérémonies comme celles de Nuremberg, les dignitaires nazis cherchaient plus encore à doter les participants d‟une véritable conscience. À la tribune du congrès du parti en 1934, A. Hitler prédisait le pouvoir d‟entraînement d‟un tel cérémonial, affirmant que « tous les Allemands hésitants vont être nationaux-socialisés ». Dans un autre discours, Hitler détailla sa vision. « Quand un participant pénètre un rassemblement de masse pour la première fois et fait soudainement face à des dizaines de milliers d‟hommes avec les mêmes vues autour de lui ; quand, comme quelqu‟un qui cherche, il se lance vivement avec l‟effet puissant d‟une extase suggestive de trois ou quatre mille autres ; quand le succès visible et l‟accord de milliers confirment le bien fondé d‟un enseignement [...], l‟homme qui pénètre un tel rassemblement en proie aux doutes et aux hésitations, les quitte, renforcé dans son for intérieur; il est devenu un membre de la nouvelle communauté ». À ce stade, « la masse devient un véritable espace d‟action politique », le mouvement programmé des foules devient « le giron d‟où naît la nouvelle Gestalt de masse national-socialiste ». 102 En ce qui concerne le caractère éducatif des fêtes, le système éducatif, qui s‟appuie sur les manuels scolaires, sur les moyens audiovisuels, sur les fêtes nationales, qui utilise les cartes, les images, qui invite à décorer l‟espace, et nous oublions sans doute un grand nombre de procédés semblables, contribue, dans une mesure non négligeable, à la formation du contenu de l‟identité nationale des élèves qui sont les citoyens de demain. En conséquence, les fêtes nationales sont « un maillon d‟une chaîne » dans le processus éducatif. Notre recherche est centrée sur les fêtes nationales car elles « sont génératrices de sentiments d‟unité et d‟identité dont le potentiel politique est considérable. Se réunir, se réjouir ou commémorer ensemble, marcher, écouter, manger de concert sont des procédures d‟agrégation qui donnent aux participants la conscience, éprouvée, physique, de former une communauté rassemblée parce qu‟elle s‟identifie à un personnage, à des formations, parce
101 102
Mercier, « Efficacité de performatif…, op. cit., p. 36. Mercier, « Efficacité de performatif…, op. cit., p. 35.
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qu‟elle partage des idées ou des intérêts »103. Sans les fêtes, la génération actuelle est inéducable, sans elles, l‟instruction publique est condamnée à être la toile de Pénélope, défaite au fur et à mesure du remplacement des générations. Sans elles, inutile d‟espérer « mettre la nation dans un moule ». Les fêtes sont donc soit un complément, soit un substitut d‟éducation. Mieux que cela, même, car elles ne fournissent pas tout à fait l‟enseignement qu‟on attend des écoles, qui, elles, se proposent de former l‟esprit ; on pourrait, en conséquence, se contenter de quelques écoles ou d‟écoles pour un nombre limité d‟individus ; les fêtes en revanche, s‟adressent non à l‟intelligence mais à l‟homme global et impliquent la communauté tout entière. Les écoles relèvent de l‟instruction publique et les fêtes de l‟éducation nationale. Voilà une bonne raison de faire des fêtes une préoccupation prioritaire. L‟instruction publique est le lot de quelques-uns, l‟éducation nationale l‟aliment nécessaire à tous. Elles sont sœurs, mais l‟éducation nationale est l‟aînée. C‟est la mère commune de tous les citoyens, qui leur donne à tous le même lait, qui les élève et qui les traite en frères, et qui, par la communauté des soins, leur donne cet air de ressemblance et de famille qui distingue un peuple ainsi élevé de tous les autres peuples de la terre. Les fêtes sont des écoles, d‟autre part, par le simple fait qu‟elles réunissent les hommes : il faut d‟abord fixer pour la fête comme pour l‟école un lieu qui serve de « point de réunion pour l‟exercice des vertus sociales », un endroit à même d‟être à la fois un Champ-de-Mars, un musée, le rendez-vous des familles, une salle de spectacle, un cirque et un marché. Dans ce Centre privilégié et surdéterminé, la simple mise en contact des hommes est une instruction civique.104 Selon David Apter, dans les nouveaux États, les élites politiques, pour légitimer et développer un système et pour mobiliser aussi la communauté vers une dimension séculière, la régénération individuelle et sociale est identifiée à la nation qui a réussi son émancipation par rapport à un passé rejeté. « La glorification de la réussite de l‟indépendance, événement quasi religieux de la naissance de la nation, entre comme élément d‟une sacralisation qui se manifeste aussi par le renouvellement d‟intérêt pour un passé semi-mythique donnant au régime une profondeur historique et par la désignation d‟un ennemi (colonialisme, despotisme, etc.) considéré comme puissance du mal contre laquelle il faut être vigilant »105. Par conséquent, le contenu de la fête ne peut être une idée abstraite, fût-elle novatrice, mais la conscience des participants eux-mêmes, comme le montre l‟exemple des jeux helléniques. La Grèce était là, on voyait un spectacle plus grand que les jeux, c‟était les spectateurs eux-mêmes. C‟était le 103
Martin, D.C., « Fêtes de la politique », Revue française de science politique, V.45, N.6, 1995, p. 1041. Ozouf, M., La fête révolutionnaire 1789-1799, Paris, Gallimard, 1976, pp. 236-238. 105 Rivière, Les liturgies politiques…, op. cit., p. 17. 104
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peuple vainqueur de l‟Asie et les vertus républicaines qui l‟avaient élevé parfois au-dessus de l‟humanité. Cette unanimité consciente n‟est pas seulement passionnelle, elle représente le sujet de l‟histoire, le peuple agissant, la « volonté générale » qui rattache tous les individus au mouvement commun. La fête est une action collective qui anime les individus d‟un même groupe, qui agit comme un jugement collectif imposant un classement des hommes et des choses. Le rassemblement des participants autour d‟un même projet, d‟une identique attente doué cette conscience collective d‟une force, d‟une efficacité capable d‟entraîner des changements feints ou réels dans le cosmos ou dans la société. Le « nous » exalté se fond dans un « tout » qui devient capable d‟admettre et de réussir les entreprises redoutées ou pénibles, irrationnelles. 106 Les fêtes d‟enfants constituent un milieu dans lequel coexistent de nombreux facteurs dans le même temps. Concrètement, aux fêtes d‟enfants participent les représentants politiques de région et des régions limitrophes, les personnalités et les institutions officielles comme la communauté éducative. 107 L‟éducation par les fêtes nourrit un « culte patriotique » car elle plonge les jeunes générations dans l‟intimité civique de la démocratie républicaine, elle leur inspire un dévouement sans faille envers la Partie, elle les stimule et les fédère autour de thèmes tels la défense de la Nation. 108 Les fêtes scolaires permettent d‟emporter l‟adhésion des jeunes car elles contribuent à la diffusion des connaissances requises de manière ludique. Pour mieux dire, elles favorisent une certaine culture du corps, et la transmission d‟une idée un peu naïve selon laquelle la patrie construira une « race nationale » car la fermeté physique conduit à l‟affermissement des âmes par le développement du sentiment d‟indépendance et de dignité personnelle. Les fêtes scolaires contribuent, par l‟éveil de la sensibilité, à la culture des sentiments esthétiques des élèves. Décorer l‟école, avec des statues et des lithographies, baptiser les nouveaux bâtiments scolaires du nom des héros nationaux et organiser des jeux constituent les moyens par lesquels l‟école cultive les vertus de courage, de sacrifice et de l‟amour de la patrie. 109 Signalons aussi le caractère mimétique et émotionnel d‟une fête nationale comme un spectacle éducatif qui se réalise dans l‟espace scolaire. Plus précisément, les fêtes nationales scolaires par la décoration de l‟espace (drapeaux, affiches des héros nationaux, slogans), par la pièce théâtrale à contenu national qui est jouée par les élèves de l‟école et par les costumes 106
Duvignaud, J., Fêtes et civilisations, Arles, Acte Sud, 1991, pp. 149-150. Ihl, O., La fête républicaine, Paris, Gallimard, p. 274. 108 Ihl, La fête républicaine…, op. cit., p. 273. 109 Ihl, La fête républicaine…, op. cit., pp. 289-291. 107
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de l‟époque que portent les élèves, constituent-elles une forme de l‟éducation hors cadre conventionnel du processus scolaire quotidien. Elles constituent une forme d‟éducation informelle qui accepte que la dimension éducative puisse accompagner toute activité. Toutefois, cela dépend, bien entendu, du type d‟expérience réellement vécue par un sujet face à cette activité. Plus précisément, l‟enfant apprend à travers des situations de la vie quotidienne et des expériences qui n‟ont rien d‟éducatif a priori : conversations, promenades, télévision et autres spectacles, activités de la vie quotidienne. Une fête nationale scolaire, comme spectacle et en tant qu‟élément de l‟éducation informelle, établit d‟une part une continuité entre les activités de la vie ordinaire (scolaire) et celles qui ont un objectif éducatif et d‟autre part la perception d‟un processus de développement, à savoir une éducation dans un contexte socioculturel et jamais le simple effet d‟une maturation biologique. Elle a, comme tous les spectacles, un caractère mimétique (l‟élève incarne un héros national), permettant de produire de l‟excitation et de l‟émotion (l‟élève déclame un poème national ou il chante une chanson patriotique), souvent dans un contexte de sociabilité. En même temps, cette fête réinvestit des éléments issus de la vie quotidienne (chanson, jeu), mais avec une intensité plus forte, pour leur donner une autre fonction (élan du patriotisme). On peut définir les ressources utilisées (chansons, poèmes, pièces théâtrales) dans une fête nationale comme des éléments à forte dimension culturelle, porteurs de significations retravaillées par rapport aux finalités de la fête. Finalement, les fêtes nationales scolaires, comme spectacles, fonctionnent comme une situation « ordinaire » qui peut avoir des effets éducatifs, alors que, souvent, une situation d‟enseignement peut ne produire aucun effet éducatif car l‟individu n‟y fait pas d‟expérience à effets éducatifs. 110 En Grèce, les fêtes nationales scolaires fonctionnent également comme un mécanisme de la reproduction de l‟historiographie et littérature romantique du XIXe siècle. À la fête du 25 Mars par exemple qui concerne la révolution grecque contre l‟empire ottoman et la construction de l‟État grec, la nation grecque est présentée comme une entité qui existe chronologiquement depuis l‟antiquité et le Grec, qui est identifié au Chrétien, comme patriote de haute moralité qui lutte avec désintéressement pour la patrie. L‟ « Autre nationalÉtranger », qui est surtout le Turc, est présenté comme ennemi héréditaire, qui en veut à la terre grecque et qui est de confession religieuse différente (musulman). 111
110
Brougère, G., « Jeu, loisir et éducation informelle », Éducation et Sociétés, no 10, février 2002, pp. 6-9. Bonidis, K., Σαπηόηεηα θαη εηεξόηεηα ζηελ εζληθή επέηεην ηεο 25εο Μαξηίνπ (Identité et altérité à la commémoration nationale du 25 Mars) [Ressource électronique]. 2008 [réf. du 15 octobre 2008]. Grèce. Disponible sur : http://edlitpened.web.auth.gr/doc/hmerida/anakoinwsis/bonidis.pdf 111
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Enfin, à l‟époque contemporaine, sous une forme moins paroxystique, le même idéal d‟unité harmonieuse subsiste dans les mises en scène jouées. On songe à toutes ces fêtes dans les stades, à l‟occasion de cérémonies officielles, locales, politiques, scolaire ou sportives, où chaque spectateur est appelé à devenir acteur, en déployant des drapeaux ou des morceaux de carton colorés ou dessinés, qui forment, grâce à la parfaite synchronisation de tous des figures mouvantes. L‟impression d‟harmonie qui se dégage d‟une telle collaboration est notable. C‟est ce que ressent ce journaliste singapourien lors de la fête nationale. « Quand 60.000 paires de mains de diverses couleurs se dressent pour aider à déployer un drapeau géant à la taille du stade entier, on ne peut que ressentir cette métaphore parfaite de l‟esprit de coopération qui a tenu ensemble cette île de divers peuples depuis 25 ans ». 112
112
Mercier, « Efficacité de performatif…, op. cit., p. 36.
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3.
Les fêtes à l’école grecque113
Tout d‟abord nous donnons une description des fêtes nationales scolaires. Les fêtes nationales scolaires ont lieu surtout dans l‟espace scolaire. Ils concernent un évènement national et ils commencent par une messe ou par un tropaire (tropaire signifie une strophe ou courte pièce poétique introduite dans un texte liturgique. Dans la liturgie de rite byzantin le tropaire est souvent appelé "Grande Antienne"). Ensuite, il y a le lever des couleurs et l‟hymne national. Puis, un professeur lit un texte solennel qui souligne le caractère de la fête célébrée et les élèves, à leur tour, lisent des textes ou des poèmes à contenu patriotique et religieux. La chorale des élèves chante des chansons de même type et souvent suit une pièce théâtrale en rapport avec la fête.114 À la fin, les élèves entonnent une fois encore l‟hymne national tandis que l‟on amène le drapeau. À la suite de la fête, les élèves vont dans une chapelle proche et l‟un d‟entre eux dépose une couronne de lauriers tandis que tous respectent une minute de silence.115 Deux fêtes nationales sont concernées par notre recherche : le 25 Mars, la Grèce célèbre le début de la guerre d‟Indépendance contre l‟empire ottoman (1821) qui a conduit à la création de l‟État grec ; et le 28 Octobre, la Grèce commémore son entrée dans la deuxième guerre mondiale contre l‟axe italien et allemand (1940). La première fête est de l‟insurrection de 1821 contre la domination ottomane. Cette fête touche, surtout, à l‟idéologie contemporaine grecque et au contenu de l‟identité nationale grecque car les évolutions historiques et idéologiques lors de la guerre de l‟indépendance ainsi que pendant les années qui l‟ont précédée et suivie ont contribué à la formation de la doctrine hellénochrétienne qui soutient la continuité historique de la nation grecque depuis l‟antiquité jusqu‟à nos jours avec trois périodes successives : l‟Antiquité grecque, l‟époque byzantine, la Grèce contemporaine. Il faut aussi signaler que le 25 Mars est aussi la fête religieuse de l‟Annonciation. Cela signifie que dans le cadre de la même fête à l‟école, une fête nationale et une fête religieuse sont associées. Le début de la guerre d‟Indépendance coïncide avec une fête religieuse orthodoxe. Ici il faut signaler que les Grecs sont en grande majorité de confession Chrétienne orthodoxe (98% de la population) et une partie remarquable, plus de 50%, est pratiquante comme nous avons vu à l‟introduction (voir p. 20). Le poids des deux Églises orthodoxes autocéphales (Patriarcat œcuménique de Constantinople et Archidiocèse d‟Athènes et de toute la Grèce) qui se partagent le territoire 113
Avec la notion « fête nationale scolaire », nous entendons le rituel total qui englobe, non seulement la fête dans l‟espace scolaire, mais l‟assistance des élèves à la messe, le défilé scolaire et tout qui l‟accompagne. 114 Infra, Annexe III, p. 360. 115 Infra, Annexe III, p. 361.
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grec a toujours été très important dans la société grecque: il n‟y a pas de séparation entre l‟Église et l‟État en Grèce (ainsi l‟article 3 de la constitution règle les rapports entre les deux autorités). La deuxième fête concerne une partie de l‟histoire grecque très récente. Cette fête s‟appelle le Jour du Non (en grec moderne, Epétios tou « Óchi », « Anniversaire du “Non” », ou simplement to óchi). Célébrée le 28 Octobre de chaque année, elle marque le rejet de l‟ultimatum italien du 28 octobre 1940 par le dictateur grec Ioannis Metaxás. Cet ultimatum imposait en Grèce de permettre à l‟are territoire grec et d‟occuper certaines places stratégiques ou bien la guerre serait déclarée. La réponse de Metaxás aurait simplement été : « όρη! » (« Non ! »). Cependant, d‟après certains universitaires cette réponse tiendrait davantage de la légende et la réponse formulée aurait pu réellement être : « Alors c‟est la guerre ». En réponse au refus de Metaxás, les troupes italiennes stationnées en Albanie, alors protectorat italien, attaquèrent à la frontière grecque à 5h30 du matin. La réponse de Metaxás marque ainsi le début de la participation de la Grèce dans la Seconde Guerre mondiale. À l‟issue de la guerre, le 28 Octobre devint un jour férié en Grèce. La plupart des bâtiments publics et des habitations sont décorés du drapeau grec. La participation de la Grèce à la deuxième guerre mondiale, à côté des pays qui ont résisté aux totalitarismes fasciste et nazi, joue un rôle principal dans l‟imaginaire de la société grecque. Cette participation a donné à la société grecque tous les arguments et le droit moral de revendiquer une place égale à celle des pays du monde libre et démocratique. Il faut, aussi, signaler que ces événements sont commémorés chaque année par des défilés militaires et étudiants. Le jour de la fête nationale et à la fin de la cérémonie principale a lieu un défilé scolaire, c‟est-à-dire un défilé avec tous les élèves de l‟école qui passent, avec leurs uniformes, en rang par trois et au son des marches patriotiques, devant les officiels. Les défilés scolaires116 constituent un sujet très confus. Actuellement, on constate un dialogue public fondé sur deux approches différentes 117. Les partisans du maintien des défilés soutiennent que, par cette pratique traditionnelle, l‟école contribue à la formation de l‟identité nationale des élèves et à la conservation de la mémoire historique. Au contraire, une partie de la société grecque et de la communauté éducative avance que ces défilés scolaires constituent des vestiges du passé de la dictature d‟I. Metaxás (1936-1941), période durant laquelle ils sont officiellement inscrits dans le cadre commémoratif des fêtes nationales. Les opposants aux défilés jugent qu‟ils constituent une manifestation militariste issue des régimes 116 117
Infra, Annexe III, p. 359. Journal Eleutherotypia, 3/11/2007, journal To Vima, 28/10/2007 (Articles indicatifs).
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totalitaristes, et qu‟ils n‟ont aucune relation avec le processus éducatif d‟une école démocratique. Souvent, il y a des procédures disciplinaires lancées par l‟administration scolaire contre certains élèves (surtout les Témoins de Jéhovah) et des professeurs qui refusent de participer aux défilés scolaires. Ici, nous avons une autre contradiction idéologique sur les fêtes nationales et les défilés scolaires par rapport à leur rôle dans la formation de l‟identité nationale des élèves. Alors que pour la grande majorité des citoyens grecs les défilés scolaires constituent une partie de leur vie rituelle et culturelle, pour une autre partie de la société, les défilés mentionnés ne sont guère qu‟un mécanisme idéologique qui cultive indirectement le nationalisme. Enfin, un autre point tout aussi remarquable est que le jour de la fête nationale, toute l‟école va à l‟église pour la messe qui a lieu spécialement pour la fête nationale et avec la participation exclusivement de l‟école. Selon le décret présidentiel 201/1998 (art. 4) qui concerne l‟Organisation et fonctionnement de l’École primaire, « Les écoles participent à la célébration des fêtes nationales et régionales, selon le programme de la Préfecture ou de la municipalité. Le porte-drapeau avec les chefs de file sont-ils présentés au Te Deum. Selon l‟avis de l‟assemblée des professeurs et si les conditions le permettent ce jour peut se transformer en assistance des élèves à la messe ou leur délégation qui encadre le portedrapeau et les chefs de file… ». Très souvent aussi dans l‟église un professeur lit un discours qui concerne la fête nationale. 118 La présence officielle de l‟école à l‟Église au moment de la fête nationale témoigne de la collusion qui existe entre l‟Église Orthodoxe de Grèce et l‟État grec. Ici, il faut bien signaler qu‟en ce qui concerne notre recherche, l‟intérêt des professeurs enquêtés se focalise surtout sur la fête du 25 Mars car cette fête contient toute l‟idéologie nationale de la Grèce contemporaine alors que la fête concrète fait référence à la construction de l‟État grec et à la formation de la doctrine hellénochrétienne. Par conséquent, elle présente un intérêt particulier par rapport à la fête du 28 Octobre. Par ailleurs, hormis ces deux fêtes objet de notre recherche, il existe aussi d‟autres fêtes scolaires. Nous souhaitons les présenter rapidement ci-dessous pour donner une image
118
Infra, Annexe III, p. 360.
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globale de ces fêtes, qu‟elles soient religieuses, nationales ou à caractère social et qui sont autant de jours fériés pour l‟école grecque.
Noël (en grec Christougenna). C‟est une fête chrétienne, dite de la Nativité,
célébrant chaque année la naissance de Jésus de Nazareth.
Les Trois Hiérarques (en grec Oi Treis Ierarches). Les saints patrons de
l‟Éducation nationale désignés en 1843 étaient trois théologiens du IVe siècle : Basile le Grand (? 330-379), Grégoire de Nazianze (? 329-? 390) et Jean Chrysostome (? 344-407). Leur fête, fixée au 30 janvier, doit être célébrée dans toutes les écoles. Le cas de la fête des Trois Hiérarques est différent et singulier. Il se n‟agit pas d‟un lien direct entre une fête religieuse et une nouvelle fête nationale mais d‟une mise en parallèle d‟une fête religieuse et d‟une fête éducative-nationale119. Il faut insister aussi sur le fait que : a) la fête des Trois Hiérarques a un caractère institutionnel dans les écoles grecques depuis de la période prérévolutionnaire, b) que sa signification s‟est « enrichie », progressivement, dans la liaison entre les termes « Hellénisme », « Christianisme » et « Église » et c) que durant le dernier quart du XIXe siècle et le premier du XXe siècle elle a vu sa valeur croître en réactions aux « théories matérialistes » occidentales qui influençaient l‟éducation et la société grecque.120
Le Lundi saint (en grec Kathara Deutera). Il marque le début de carême. Le
carême est une période de quarante jours – sans compter les dimanches – précédant Pâques dans le calendrier chrétien. Selon les rites, il commence par le mercredi des Cendres ou par le Lundi pur et se termine le samedi de Lazare.
Pâques (en grec Pascha). C‟est une fête religieuse chrétienne commémorant la
résurrection de Jésus-Christ, le troisième jour après sa Passion (du grec "pathos" : souffrir) et sa crucifixion le vendredi saint, veille du sabbat. C‟est le jour le plus saint du calendrier chrétien. Il marque la fin du jeûne du Carême.
Pentecôte (en grec Penticosti). La Pentecôte est célébrée le septième dimanche
après Pâques. Son instauration marque le début de l‟expansion du christianisme en Palestine, en Asie et dans le bassin méditerranéen. Cette fête est appelée la naissance de l’Église.
La fête de l’École polytechnique (en grec Polytechnio). Anniversaire de la
révolte des étudiants de l‟école polytechnique contre la junte militaire en 1973. Jour férié, le 17 novembre, dans les écoles uniquement.
119 120
Gazi, E., La deuxième vie des Trois Hiérarques, Athènes, Nefeli, 2004, p. 62. Gazi, La deuxième vie…, op.cit., p. 56.
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Le 1er mai (en grec Protomagia). Fête du travail. En 1884, les travailleurs
américains font du premier mai un jour de revendication pour une journée de travail de huit heures.
À part les fêtes évoquées ci-dessus, il existe aussi des fêtes locales. Chaque
ville et chaque village a son saint-protecteur et patron et par conséquent le jour où la communauté locale célèbre son saint, est un jour férié pour l‟école. Enfin, on trouve aussi, pour chaque ville et chaque village un jour de la libération, où la communauté locale fête aussi sa libération d‟un ennemi extérieur et les établissements scolaires sont fermés le jour en question.
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4.
Le rôle des enseignants dans la formation de l’identité nationale
La sélection des enseignants est importante en raison du rôle complexe qu‟ils jouent dans la formation des élèves. Plus précisément, les révolutionnaires de 1789 avaient compris l‟importance considérable de l‟instituteur : c‟était celui qui devait « instituer les enfants dans la nation ». L‟instituteur était l‟homme sur lequel, en toute circonstance, la bourgeoisie devait pouvoir s‟appuyer comme sur un allié fidèle. L‟instituteur avait une double tâche. Il devait non seulement alphabétiser la nation, mais, instituer, intégrer, les jeunes enfants dans la nouvelle société. Toutefois les enseignants ne sont pas seulement des instituteurs ou des professeurs, des individus unidimensionnels. Ils sont petits-fils et petites-filles de leurs grands-parents, fils et filles de leurs parents, mariés, célibataires ou vivant en union libre, ils sont pères et mères de famille. Ils sont électeurs, membres de partis politiques, de syndicats, de groupes sportifs, s‟adonnant aux loisirs le plus divers et adhérents de multiples associations. Ils sont encore touristes ; bricoleurs, piétons, automobilistes. Ces différents aspects de leur vie quotidienne, s‟interpénètrent et déterminent en grande partie leur manière d‟être en classe. Mais, entre autres, les enseignants, comme tout un chacun, sont consommateurs d‟un marché qui regorge de marchandises de toutes sortes. Ils sont aussi des producteurs. Toutes les générations montantes passent entre leurs mains, la connaissance de la vie extrascolaire des enseignants élémentaires paraît particulièrement importante. Pour les jeunes enfants, en dehors de leur cadre familial, l‟entrée à l‟école fournit les premières rencontres avec un monde dans lequel se mêlent copains et adultes. Mais, très souvent, les enseignants d‟âge mûr transmettent, consciemment ou non, une partie des « patrons », des modèles dont ils ont été imprégnés pendant les premières années de leur vie. La personnalité du professeur de l‟école influence les images – guides des élèves. La mentalité des professeurs se trouve presque toujours en retard par rapport aux progrès scientifiques et techniques de l‟époque contemporaine. Le foyer, la ville, la rue, le square, la foire, le Centre d‟apprentissage, le régiment, les copains et les amis, l‟« esprit du temps », les mass media, les pressions psychosociologiques directes et indirectes, les traditions nationales, familiales, mais aussi les traditions professionnelles, et combien d‟autres éléments de notre vie s‟interpénètrent et agissent sur les professeurs, en laissant parfois de fortes empreintes dans leur personnalité. 121
121
Berger, I., Les instituteurs. D’une génération à l’autre, Paris, puf, 1979, pp. 12-16.
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En dehors de ces remarques générales concernant les enseignants, nous présenterons et certaines de leurs caractéristiques positives plus détaillées, sans signifier que ces caractéristiques existent pour tous et toujours :
Les enseignants sont des personnes crédibles et ils se présentent comme des
êtres humains complexes et comme des acteurs sociaux en lesquels s‟incarnent des intérêts, des passions, des doutes, des failles, des contradictions, des défauts et des vertus, des engagements, des acteurs qui se battent, comme tout le monde, avec le sens de la vie et les aléas de la condition humaine. 122
Les enseignants sont des médiateurs interculturels car à l‟école se rencontrent
des élèves très différents, qui y viennent avec leurs valeurs et leurs préjugés. Ils véhiculent le racisme, le sexisme, le nationalisme, l‟intolérance religieuse ou politique qui ont cours parmi leurs camarades plus âgés ou les adultes. Les enseignants doivent savoir instaurer le dialogue et le respect mutuel, non pas en faisant de beaux discours, mais en pratique, dans l‟espoir que cette coexistence pacifique et cette compréhension de l‟autre, si elles se manifestent tout au long du parcours scolaire, seront progressivement intériorisées et s‟investiront dans d‟autres lieux de vie. 123
Les enseignants sont aussi des animateurs d’une communauté éducative car
un groupe-classe, qui fonctionne une année scolaire durant ou davantage, est beaucoup plus qu‟une collection d‟individus. Toutefois, seuls les enseignants peuvent en faire une véritable communauté éducative, qui affronte les problèmes, y compris les problèmes d‟apprentissage, de façon solidaire. Cela peut commencer très simplement : il suffit par exemple que les enseignants autorisent et invitent les apprenants, lorsqu‟ils ont un doute ou rencontrent un obstacle, à interpeller le groupe. À l‟inverse, chacun sera encouragé à aider les autres lorsqu‟il est sollicité ou pense pouvoir être utile. Du chacun pour soi, on passe à la coopération, voire à la compétence collective. Une telle expérience, répétée tout au long de la scolarité, ne pourrait qu‟inciter à rompre avec la compétition et la réticence à partager ses informations et ses idées.124
Les enseignants ont un rôle de garants de la Loi car nul ne peut se construire
sans repères. Souvent, les enseignants sont les seuls à pouvoir en offrir. Ils peuvent et doivent
122
Cette référence reprend certains éléments de deux textes : Perrenoud, Ph., « Construire des compétences, estce tourner le dos aux savoirs ? », Pédagogie Collégiale, V. 12, N° 3, mars 1999, pp. 14-22, et Savoir enseigner au XXIe siècle ? Quelques orientations d’une école de qualité, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l‟éducation, 1999. 123 Ibidem. 124 Ibidem.
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incarner la Loi, le principe de non-violence, le respect des opinions, mêmes minoritaires, la non-ingérence dans la sphère d‟autonomie de chacun, la fidélité aux décisions prises, la nécessité de définir des règles et des procédures concertées et transparentes. C‟est grâce à cette autorité que l‟école peut fonctionner comme un espace protégé. Il importe aussi que les élèves fassent l‟expérience d‟une communauté dans laquelle des règles claires et appliquées rendent la coexistence possible. 125
Les enseignants sont de fait les organisateurs d’une vie démocratique car
enseignants et élèves ne sont pas égaux dans l‟ordre du savoir. Ce rapport asymétrique ne justifie ni domination, ni humiliation, ni mépris, ni exercice arbitraire d‟une autorité. Le rôle des enseignants est de faire apprendre en négociant tout ce qui peut l‟être sans compromettre leurs propres droits et leur mission. L‟école ne peut fonctionner comme une cité politique à part entière, car elle n‟édicte pas ses propres lois, ne dégage pas ses propres ressources et se voit assigner des finalités décidées en dehors d‟elle. Elle peut néanmoins développer une « culture citoyenne » en gérant de façon transparente et démocratique sa marge d‟autonomie.126
Les enseignants fonctionnent aussi comme passeurs culturels car l‟identité ne
va pas sans inscription dans une histoire et une culture. L‟école n‟est pas un conservatoire, ni un lieu de pure transmission de la culture, elle doit organiser le dialogue entre l‟héritage et les problèmes du temps présent. Aucun enseignant ne peut tout savoir, tout lire, s‟intéresser à tout. Plutôt qu‟une érudition exhaustive, on peut en attendre une passion communicative pour certains aspects de l‟histoire, des sciences, des arts et artisanats, des sports, des métiers, des manières de vivre qui constituent la culture de sa société. Passeurs culturels (Zakhartchouk, 1998), les enseignants entretiennent en générale un rapport spécifique à la culture, ni simples consommateurs, ni véritables créateurs, mais médiateurs, incitateurs, amateurs attentifs et désireux de partager leurs découvertes. 127
Et enfin, les enseignants fonctionnent comme intellectuels car il n‟y a pas de
citoyenneté sans pensée autonome et critique. Si les enseignants ne se vivent pas eux-mêmes comme des intellectuels, comment favoriseraient-ils un rapport autonome et critique au savoir, aux valeurs, à la culture, à la réalité ? La culture du débat appartient au principe de raison. Cela n‟exige pas un engagement politique précis, mais une implication dans le monde, qui peut se faire, par exemple, dans la vie associative, le mouvement humanitaire ou 125
Ibidem. Ibidem. 127 Ibidem. 126
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écologique, la vie de quartier ou la gestion des collectivités locales aussi bien que dans le secteur de l‟éducation et de la culture. Ces diverses formes d‟engagement ne sont plus aujourd‟hui une caractéristique commune des enseignants. Ils ne sont plus des notables de village, leur engagement ne peut donc plus se payer d‟une reconnaissance symbolique par la communauté locale. Il importe donc de lui substituer des satisfactions professionnelles et personnelles.128 Toutes les raisons ci-dessous concernant les rôles complexes que jouent les enseignants dans la formation des élèves, constituent un bon argument puisque les enseignants sont l‟objet de notre recherche.
128
Ibidem.
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B:
Les concepts utilisés
Identité nationale Avant la présentation détaillée de la notion d‟identité nationale, nous nous arrêterons brièvement sur la notion d‟identité, d‟où découle l‟identité nationale, ainsi que sur certaines caractéristiques de cette identité qui nous aident à mieux cerner notre concept principal.
1.1.
La définition « en sciences humaines » de l’identité :
« L‟identité est un ensemble de significations (variables selon les acteurs d‟une signification) apposées par des acteurs sur une réalité physique et subjective, plus ou mois floue, de leurs monde vécus, ensemble construit par un autre acteur. C‟est donc un sens perçu donné par chaque acteur au sujet de lui-même ou d‟autres acteurs ».129
1.2.
Les catégories de référents identitaires psychosociologiques d’un acteur
social : qu‟il s‟agisse d‟une société, d‟un groupe ou d‟un individu, la définition de leur identité fait toujours appel à un ensemble d‟éléments pris dans les catégories que nous allons évoquer.
Référents matériels et physiques : les possessions, les potentialités,
l‟organisation matérielle, les apparences physiques
Référents historiques : les origines, les événements marquants, les traces
historiques
Référents psychoculturels : le système culturel, la mentalité, le système
affectif et cognitif et
Référents psychosociaux : les références sociales, les attributs de valeur
sociale, la psychologie de l‟acteur, potentialités de devenir. 130
1.3.
Le sentiment d’appartenance : au niveau groupal correspond à l‟esprit de
groupe ou au sentiment de solidarité. Ce sentiment d‟appartenance provient partiellement de la relation initiale du nourrisson avec sa mère : en effet, dans son état premier le nourrisson forme un tout avec sa mère, constitue avec elle un ensemble symbiotique, il en partage toutes les émotions et vit au diapason de ses humeurs. C‟est dans la vie communautaire des sociétés
129 130
Mucchielli, A., L’identité, Paris, que sais-je ?, 2007, p. 12. Mucchielli, L’identité…, op. cit., pp. 43-45.
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primitives (Gemeinschaft) qu‟on le retrouve également : le groupe y préside aux destinées de l‟individu, en d‟autres termes l‟individu n‟existe que dans, par et pour le groupe qui lui dicte une façon de penser et ses comportements. Enfin, l‟individu qui a intégré, assimilé les valeurs sociales de son groupe, se sent appartenir au groupe car il est imprégné par l‟ambiance de son milieu social, par ses normes et par ses modèles. Et précisément parce que les individus d‟un même groupe sont baignés dans une culture homogène, d‟un noyau commun à l‟état latent, qu‟ils disposent de la faculté de se communiquer et de se comprendre aisément, spontanément. Cet état de latence des éléments se révèle chez les individus d‟une même société dans les phases d‟effervescence groupales où l‟union, le partage font retrouver le noyau culturel commun : les tendances, les points de vue, les modes d‟action communs régénèrent pendant un temps au moins l‟unité relâchée, diluée, du Tout social. Deux exemples caractéristiques ont trait à l‟intégration d‟un individu dans une équipe professionnelle ou dans une association bénévole défendant des principes humanistes. 131 Définition de l’identité nationale
2.
1.4.
3.
Pour avoir une image claire et globale concernant l‟identité nationale, il faut,
tout abord, définir le terme d’identité nationale. Ensuite, il faut trouver les avantages qu‟elle offre et, enfin, il faut poser les questions ci-dessous et y répondre. Qui construit l‟identité nationale, quand, comment, pourquoi, pour quoi et pour combien de temps ? Selon Pauline Curien l‟identité nationale est une représentation sociale, c‟est-à-dire : « …une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l‟opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l‟environnement social, matériel et idéal. En tant que telles, elles présentent des caractères spécifiques au plan de l‟organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique. Le marquage social des contenus ou des processus de représentation est à se référer aux conditions et aux contextes dans lesquels émergent les représentations, aux communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu‟elles servent dans l‟interaction avec le monde et les autres ».132
131
Mucchielli, L’identité…, op.cit., pp. 68- 69. Jodelet, D., « Représentations sociales : phénomènes, concepts et théories » in : S. Moscovici, Psychologie sociale, Paris, puf, 1997, p. 367. 132
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Le processus d‟émergence d‟une représentation sociale est constitué par le passage d‟un savoir expert à un savoir profane. Le savoir expert est « ésotérique », c‟est-à-dire que seul un groupe restreint d‟initiés le possède. En principe, ces personnes accèdent à la connaissance au cours d‟une période de formation très longue. Le savoir expert a également un caractère sacré et se distingue en ce qu‟il est marqué par un interdit. Tout un chacun ne dispose pas du droit d‟en user, il est la propriété des experts. Il n‟est pas permis non plus de le commenter ou de l‟interpréter de façon déviante. Les savoirs experts s‟inscrivent dans la durée. Il est parfois tellement important de préserver la stabilité des savoirs experts que des langues spécialisées peuvent émerger pour les exprimer. Donc, bien qu‟en opposition, les deux systèmes de savoir que sont la science et la religion présentent des parallélismes au niveau de l‟autorité épistémologique qu‟on leur confère. Par contre, le savoir profane est accessible à tous. Étant constitué de discours et d‟images ancrées dans la culture populaire, et donc partagé par le commun des mortels, il peut être facilement communiqué. Si le savoir expert est abstrait (c‟est-à-dire éloigné de la vie quotidienne), le savoir profane est concret, puisqu‟il a été construit en interaction avec les pratiques quotidiennes d‟un groupe. Il existe, nous le verrons plus bas, un certain nombre de mécanismes d‟ancrage et d‟objectivation, par lesquels le savoir abstrait est concrétisé pour un groupe donné. Nous avons vu que le savoir expert était frappé du sceau des interdits, qui limitent les possibilités d‟interprétation. Le savoir profane étant par contre d‟accès facile, il peut aussi être interprété de différentes façons par différents groupes. Dans son étude de la diffusion de la psychanalyse, Serge Moscovici (1961) a montré comment celle-ci a été reconstruite de façon différente dans la presse catholique et marxiste. C‟est cette possibilité de réinterprétation qui donne lieu à une autre dimension importante qui distingue les savoirs experts et profanes : leur stabilité temporelle. En résumé, nous pouvons dire que l‟approche des représentations sociales s‟intéresse à la transformation des savoirs experts en des savoirs profanes, et que ces deux catégories de savoir diffèrent fondamentalement selon les dimensions d‟accessibilité, de contenu, d‟abstraction, de signification, et de stabilité temporelle. 133 S. Moscovici distingue deux processus qui caractérisent généralement les représentations sociales : L‟ancrage et l‟objectivation.
133
Bangerter, A., La diffusion des croyances populaires, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2008, pp. 16-19.
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« L‟ancrage et l‟objectivation sont deux processus par lesquels les savoirs se transforment lors de leur circulation dans les médias et les conversations interpersonnelles. Les médias et les conversations interagissent ».134 L‟ancrage consiste essentiellement à classifier, à ranger un élément nouveau dans une catégorie : ainsi, un savoir nouveau rencontré par un groupe est assimilé aux savoirs connus. Dans une certaine mesure, l‟ancrage aboutit à une réduction d‟un savoir nouveau à un savoir connu. Avec
l‟objectivation
un
nouveau
savoir
acquiert une signification concrète et matérielle dans l‟univers symbolique dans lequel il pénètre. Le processus d‟objectivation permet de détacher des concepts de leur source sociale originelle (le savoir des experts). Pour les pratiquants originaux du savoir, le concept en question a souvent un statut conventionnel. Il n‟est qu‟un moyen de comprendre un phénomène. Par contre, pour les individus et les groupes qui l‟appréhendent en l‟objectivant, le concept est réifié, c‟est-à-dire qu‟on lui accorde une existence réelle, il devient « chose ». En résumé, les processus d‟ancrage et d‟objectivation interviennent pour gommer voire effacer le caractère étrange et insolite des savoirs experts, en les assimilant à des objets connus et en leur élaborant une existence concrète. Lors de l‟aboutissement de ces processus, l‟objet étrange que constituait le savoir expert a été placé dans un réseau de concepts partagés qui constitue l‟univers idéologique du groupe considéré. Il devient un objet de discours sur lequel il est possible de communiquer au sein du groupe. Ancrage et objectivation sont donc, littéralement parlant, des processus de création de sens. Dans ce qui suit, il sera question des différentes formes que ces processus peuvent prendre en fonction du positionnement du groupe vis-à-vis du savoir rencontré. La
transmission
des
idées
mène
à
des
transformations
système des représentations d‟un groupe. Il y a une influence réciproque
entre
le
du savoir
transmis et les savoirs existants. D‟un côté, le savoir nouveau est assimilé par les savoirs existants : c‟est le processus d‟ancrage. D‟un autre côté, les savoirs existants sont parfois transformés par le savoir nouveau. Ces transformations peuvent être plus ou moins rapides. Pendant ce processus, on peut observer la coexistence d‟anciens et de nouveaux savoirs dans l‟univers représentationnel du groupe. C‟est ce qu‟A. Bangerter appelle « polyphasie cognitive ». 135
134 135
Moscovici, S., La psychanalyse : son image et son public, Paris, puf, 1961, pp. 115-117. Bangerter, La diffusion…, op. cit., pp. 24-26.
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En bref, la polyphasie cognitive est le reflet du processus de
transformation
d‟une
représentation. Elle se caractérise par le fait que des croyances ou des pratiques contradictoires peuvent coexister au sein d‟un même groupe ou individu. Elle témoigne de l‟importance des croyances pour l‟identité sociale du groupe en question. L‟approche des représentations sociales est fondée sur une vision particulière d‟une société dans laquelle de multiples discours circulent. Ces discours proviennent souvent de groupes d‟experts et se diffusent, en fonction des médias, parmi d‟autres groupes sociaux, chacun avec leur idéologie particulière. La rencontre entre les savoirs experts, décontextualisés, et les savoirs « locaux », contextualisés, d‟un groupe initie des efforts d‟assimilation destinés à intégrer le savoir expert à celui du groupe (ancrage, objectivation). La direction et le résultat de ces processus dépendront en partie du rapport social entre le groupe donné et le groupe qui constitue la source du savoir. L‟approche des représentations sociales fournit un cadre général pour l‟analyse des phénomènes de relations intergroupes. Elle fait apparaître le lien entre les représentations d‟un groupe et son identité. Plus particulièrement, elle montre comment l‟élaboration de représentations a une fonction importante pour le maintien de l‟identité d‟un groupe. Dans ce sens, elle rejoint les conclusions qui émergent de recherches sur d‟autres formes de croyances telles que rumeurs, légendes urbaines et théories du complot. 136 Bien que la notion de la représentation sociale constitue un sujet très étudié sur lequel ont déjà été écrites beaucoup de choses, nous nous focaliserons sur certaines de ses caractéristiques qui concernent notre recherche et plus précisément sur les représentations sociales des groupes divers. Tout d‟abord, on admettra que la réalité sociale impose de remarquer que la plupart du temps l‟appartenance à un groupe est antérieure à tout choix (on naît homme ou femme, prolétaire ou bourgeois, Juif ou Arabe). Les « similitudes » préalables au comportement affiliatif sont en fait en majeure partie des appartenances sociales. L‟appartenance à certains groupes sociaux va de pair avec un certain type de socialisation, c‟est-à-dire d‟apprentissage et de mise en pratique de croyances, valeurs, symboles et normes qui caractérisent ce groupe. Par conséquent, alors que par représentations sociales on entend un « univers d‟opinions » et de « croyances » socialement déterminées par rapport aux objets de l‟environnement (matériel ou social), « les représentations sociales d‟un groupe donné sont le produit
136
Bangerter, La diffusion…, op. cit., pp. 26-27.
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complexe des informations qui lui sont accessibles concernant l‟objet de ses représentations et de ses attitudes vis- à -vis de cet objet c‟est-à-dire en fin de compte de ses valeurs ».137 Bien sûr, nous ne pouvons pas passer sous silence le fait qu‟une fonction sociale des représentations sociales soit qu‟elles anticipent le déroulement des rapports sociaux, c‟est-àdire elles constituent un lien entre le passé et l‟avenir. Elles revêtent également souvent une fonction justificative, comme lorsque dans les rapports de discrimination la représentation faite de l‟autre sert à justifier l‟action qu‟on entreprend à son égard. C‟est précisément dans ce contexte qu‟on a souvent parlé de représentations comme s‟il s‟agissait de prophéties ou plus précisément de prophéties qui auraient pour fonction de créer par leur intervention même les conditions nécessaires à leur intervention durable dans la réalité sociale. La section suivante portera précisément sur une forme particulière de l‟inscription des représentations sociales dans la réalité des rapports sociaux. 138 P. Curien soutient que les représentations sociales sont assez proches du concept des « imaginaires »139 mais elles sont plus élaborées et plus concrètes que ceux-ci. D‟une certaine manière, nous pouvons considérer les représentations sociales comme la forme aboutie de certains imaginaires. En appliquant la définition de la représentation sociale à l‟identité nationale, nous pouvons définir l‟identité nationale comme une forme de connaissance pour l‟individu qui se réfère à sa citoyenneté ou à ses origines ethniques. L‟identité nationale est socialement élaborée, c‟est-à-dire elle naît et se négocie dans les relations aux autres qui sont étrangers ou nationaux. Elle est partagée, aux deux sens du terme : elle est répartie dans la société où certains groupes ont en commun une même identité nationale ; elle fait l‟objet d‟un partage, car elle circule, est dite, écrite et exposée sous forme de lois ou d‟édifices, par exemple. Autrement dit, l‟identité nationale est, en tant que représentation sociale, à la fois « le produit et le processus d’une activité d’appropriation de la réalité extérieure à la pensée et l’élaboration psychologique et sociale de cette réalité ». Ici, il faut designer que l‟identité nationale n‟exclut pas les autres identifications possibles qui constituent l‟être social d‟un
137
Di Giacomo, J.P., « Alliance et rejets intergroupes au sein d‟un mouvement de revendication », in : W. Doise et A. Palmonari (dir.), L’étude des représentations sociales, Paris, Delachaux et Niestlé, 1986, pp. 119-120. 138 Doise, W. et Palmonari, A., « Caractéristiques des représentations sociales », in : W. Doise et A. Palmonari (dir.), L’étude des représentations sociales, Paris, Delachaux et Niestlé, 1986, p. 24. 139 Selon P. Curien, « l‟imaginaire est le produit de l‟ensemble des démarches symboliques par lesquelles une société se donne des repères pour s‟ancrer dans l‟espace et dans le temps, pour rendre possible la communication entre ses membres et pour se situer par rapport aux autres sociétés », in : Curien, P., L’identité nationale exposée. Représentations du Québec à l’Exposition universelle de Montréal 1967, [Ressource électronique], Québec, Université Laval, 2003 [réf. du 15 juillet 2007], p. 2,]. Disponible sur : http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/files/5685959e-2f94-4940-9da1-9575fd06efc0/21176.html
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individu. Finalement, nous pouvons définir l‟identité nationale comme une représentation sociale qui pense et hiérarchise les caractéristiques de la communauté politique de référence.140 Selon Denis-Constant Martin, l‟identité nationale s‟articule autour de deux grands thèmes, le passé et l’espace / social. En ce qui concerne le passé, l‟identité nationale fait un tri entre ce qui est utilisable et ce qui ne l‟est pas. L‟identité nationale doit occulter « les pages noires » ou rappeler tous les évènements historiques qui prouvent la permanence de la communauté dans le temps, les épreuves dont elle a été victime, effacer leurs conséquences et légitimer la volonté exprimée au nom de cette communauté de changer la place qu‟elle occupe dans les rapports de pouvoir actuels. Par conséquent, « l‟histoire doit être réécrite de manière à démontrer que la communauté a des racines anciennes et qu‟elle était autrefois grande, belle, brillante, hautement civilisée »141. Son ressort est la domination étrangère réelle ou imaginée, et elle combine deux systèmes de valeurs, la conscience de soi et la lutte contre l‟étranger. Cette réécriture de l‟histoire procède par « amnésie libératrice » et aussi par « invention de traditions142 ». En ce qui concerne l‟espace et le social, D. C. Martin soutient que l‟espace est le lieu qui fournit les conditions matérielles de la vie et de la reproduction de la communauté, le lieu marqué par des formes de sociabilités particulières des individus et le lieu où s‟exerce le pouvoir. Tous les différends et les conflits peuvent acquérir une dimension territoriale dès lors qu‟il y a même médiocre coïncidence entre l‟espace du pouvoir et l‟espace socioculturel conçu par une communauté comme lui appartenant ou même seulement lorsque, en cas de coïncidence, celle-ci paraît fragile et menacée car « la définition par rapport à l‟Autre est indissociable de la définition de soi par les Autres ». Sur les deux dimensions (temporelle et spatio-sociale) on observe une valorisation des objets dits « nationaux », ce qui aboutit à une hiérarchie. Mais l‟identité nationale est fluctuante, toujours mouvante, et les hiérarchies évoluent, déplaçant les emblèmes et modulant la fétichisation de certains objets.143 Pour clore cette étape de définition, nous pouvons rappeler les avantages qu‟il y a à définir l‟identité nationale comme une représentation sociale. Cette pratique signifie qu‟il y a autonomie de l‟identité nationale par rapport aux autres espaces de l‟identité de l‟individu en comprenant sa participation aux identités individuelles et collectives et réciproquement. De 140
Curien, L’identité nationale exposée…op. cit., pp. 22-24. Martin, D.C., « Le choix d‟identité », Revue française de science politique, 1992, V.42, N° 4, p. 587. 142 Infra, pp. 153-154. La notion « tradition inventée » comprend les traditions qui sont inventées, construites et légitimées d‟une façon officielle mais aussi les traditions qui sont établies rapidement depuis certaines années. Hobsbawm, E.J. et Ranger, T. (dir.), The invention of tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1983. 143 Martin, « Le choix d‟identité…, op. cit., pp. 587-589. 141
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plus, cette définition donne la possibilité aux acteurs d‟exercer des stratégies et des tactiques pour valoriser leur « identité nationale ». Elle admet aussi le fait que l‟identité nationale ne se confine pas à un espace délimité ni à une période finie. Bref, cette définition assume le caractère très « flou » de cette entité culturelle et en tire partie. 144 La définition ci-dessus appelle trois précisions : Tout d‟abord, l‟identité nationale ne présuppose pas de mention territoriale, car l‟identité nationale peut précéder l‟existence de la nation assise sur un territoire. D‟autre part, l‟identité nationale est un concept plus large qu‟une municipalité ou une identité régionale qui est une communauté territoriale de référence et plus large aussi qu‟un parti politique qui est une communauté partisane de référence. Enfin, l‟État, la société, l‟économie et la culture sont les éléments caractéristiques qui constituent l‟entité nationale. Braudel, par exemple, pour circonscrire L’identité de France choisit quatre espaces de recherche: « Espace et histoire », « Les hommes et les choses » (démographie et économie politique), « État, Culture et Société » et « La France hors de la France ». 145
1.5.
Identification et désidentification
Ces deux notions d‟identification
et
de désidentification
sont
également
particulièrement importantes par rapport à notre sujet. Selon Abram de Swann146, l‟identification est un processus cognitif et émotionnel par lequel progressivement des hommes se perçoivent comme semblables aux autres. Le contexte d‟identification biogénétique et sociogénétique le plus ancien se fondait sur la parenté au sein des groupes de survie. Ce n‟est qu‟avec l‟extension de l‟agriculture sédentaire qu‟une seconde matrice sociogénétique d‟identification émergea dans le contexte du village rural : la proximité. Pendant des millénaires, ces deux matrices, « sang » et « sol », furent les principaux vecteurs de l‟identification. Jusqu‟à l‟époque moderne de la formation des nations, de l‟émergence de la conscience de classe et des idéologies racistes, les identifications à grande échelle hors du cadre de la famille et du village demeurèrent assez rares. D‟ores et déjà des exceptions anciennes ont pu exister, telle la solidarité entre membres très dispersés de réseaux dynastiques et aristocratiques ou entre des ordres monastiques disséminés ou bien au sein des 144
Curien, L’identité nationale exposée…, op. cit., p. 26. Curien, L’identité nationale exposée…, op. cit., p. 24. 146 De Swaan, A., « Les cercles croissants de la désidentification: psycho- et sociogenèse de la haine. Réflexions sur le Rwanda », Revue de synthèse, traduit de l‟anglais par Galati M., janvier-mars 2001, t. 122, 4e S. N° 1, pp. 185-206. 145
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rangs de grandes armées. Dès le début, on exhortait les croyants à s‟identifier dans la foi avec leurs lointains frères et sœurs, à l‟instar des habitants du royaume qui étaient rappelés à leur devoir de loyauté envers leur souverain et ses nombreux sujets largement dispersés. Toutes ces identifications à distance s‟exprimaient au travers de métaphores de parenté et de proximité, mais pour la plupart des gens du commun, leur portée émotionnelle n‟était que secondaire et limitée.147 L‟identification est le complément émotionnel de la formation de groupe. Elle implique la réalisation au niveau affectif que les autres nous sont semblables, qu‟ils appartiennent à notre propre groupe, et que d‟autres en revanche sont différents, n‟en font pas partie et doivent donc en être exclus. Les tendances considérées comme négatives, de nature sexuelle, agressive ou les penchants égoïstes niés en nous-mêmes et chez nos pairs sont attribués à ces autres. Dans la théorie psychanalytique, cette combinaison de déni et d‟attribution est appelée « projection ». Dans une interprétation plus élaborée, on considère que les caractéristiques projetées sont ensuite vécues par procuration par ceux qui les avaient antérieurement projetées sur l‟autre, à l‟intérieur d‟un processus appelé « identification projective ». 148 Le terme de désidentification employé dans le présent contexte fait référence à ce processus de déni, de projection et, selon le cas, d‟expérience par procuration. La désidentification, en tant que processus d‟exclusion sociale et de désidentification émotionnelle, est accompagné par l‟affect de la haine. 149 L‟identification et la désidentification ne sont pas en opposition. Elles se situent plutôt sur les deux côtés d‟un triangle émotionnel dont la base est l‟ignorance et l‟indifférence. Dans leur vaste majorité, les êtres humains sont totalement étrangers les uns aux autres. On observe dans l‟Histoire que la plupart des individus n‟ont pas eu conscience de l‟existence même de leurs semblables. Ce n‟est qu‟au cours de ces derniers siècles qu‟un changement s‟est produit, à un rythme accéléré. Pourtant, même si une conscience vague de la présence d‟autres hommes sur des terres lointaines prévaut, l‟indifférence règne, parfois accompagnée de fantasmes diffus et peu tenaces.150
147
Ibidem. Ibidem. 149 Dan Ferrand-Bechmann a utilisé le terme désidentification depuis 10 ans à propos d'exemples beaucoup plus pacifiques que le Rwanda (voir, Dan Ferrand-Bechmann, articles dans la revue juris associations en 2008 et en 2009). 150 De Swaan, « Les cercles…, op. cit. pp. 185-206. 148
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Ainsi, pour que des hommes éprouvent un sentiment quelconque à l‟égard d‟étrangers lointains, il leur faut d‟abord découvrir leur existence, et si par la suite, ils en viennent à les haïr, ils doivent d‟abord avoir été informés de leurs caractéristiques haïssables. Tout ceci ne prêterait guère à conséquence s‟il n‟existait des interdépendances effectives de groupe à groupe. Les us et coutumes horribles des Ludimango, leur cannibalisme, leurs diverses façons d‟exploiter les femmes, de rôtir le gibier vivant, de martyriser les anguilles, les chats, les taureaux, de torturer les jeunes adolescents, d‟exciser les jeunes filles, de brûler les veuves, rien de tout ceci ne sera bien excitant pour d‟autres groupes aussi longtemps qu‟ils n‟ont pas affaire aux Ludimango.151 C‟est la transformation des relations sociales qui entraîne la transformation du sentiment, en un double mouvement d‟identification et de désidentification qui remplace l‟absence de conscience et l‟indifférence antérieure. L‟impact large de ces investissements émotionnels correspond à l‟agrandissement du champ des relations sociales, c‟est-à-dire aux relations de conquête, de conversion, d‟échanges et de domination, mais surtout à l‟extension du conflit (car, le conflit est un jeu ambivalent qui implique déjà des intérêts opposés et des intentions semblables).152 L‟esclavage triangulaire fournit un exemple intéressant de l‟évolution de relations et, par conséquent, des sentiments entre des peuples qui jusqu‟alors s‟étaient désintéressés quasi complètement l‟un de l‟autre. Lorsque les négriers européens et leurs complices africains procédaient à des rafles, pourchassaient, déportaient, vendaient et exploitaient les Africains par millions, ils n‟étaient pas précisément en quête de matériau brut ou de fourrage. Ils étaient surtout à la recherche de travailleurs, de main-d‟œuvre humaine, d‟êtres humains sensibles et compétents, capables d‟exécuter des ordres, d‟anticiper des récompenses et des punitions, de maîtriser la difficile technique de l‟agriculture de plantation et le savoir-faire subtil du travail domestique. Autrement dit, il a fallu que les marchands d‟esclaves et les propriétaires s‟identifient à leurs victimes en tant qu‟êtres humains possédant des qualités semblables aux leurs, et que parallèlement ils en dissocient leur identité (désidentification) en tant qu‟êtres humains pourvus d‟un registre de sentiments semblable, de valeur morale, et d‟une âme. 153
151
Ibidem. Ibidem. 153 Ibidem. 152
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1.6.
Visée pratique de l’identité nationale
De plus, l‟identité nationale possède une double visée pratique : du point de vue phénoménologique, elle constitue un savoir « qui est nécessaire à [une] personne pour qu‟elle réussisse à interagir avec les autres dans le monde social et à y entreprendre des actions ayant un sens pour elle et pour les autres » ; elle n‟est donc pas qu‟intellectuelle mais confine ici à un savoir-faire. D‟un point de vue critique, l‟identité nationale permet de légitimer certains choix de la classe politique au pouvoir ou de l‟opposition. Enfin, elle concourt à la construction d‟une réalité commune à un ensemble social, la culture nationale. 154
1.6.1. Fonctions extérieures Dans le même ordre d‟idées, Antony D. Smith présente certaines « fonctions » extérieures et certaines « fonctions » intérieures de l‟identité nationale. Au nombre des avantages extérieurs nous trouvons la fixation d‟un espace social précis dans laquelle les membres de la nation se doivent de vivre et de travailler. Dans cet espace existent aussi des « Centres sacrés » qui constituent des objets d‟adoration historique et spirituelle comme « le monument au Soldat inconnu » ou « le monument à la mémoire des héros de la Résistance ». D‟un point de vue économique, les nations sont les garants du contrôle des ressources naturelles du territoire national. Elles organisent aussi un système unique de répartition des tâches et de mobilité des biens. D‟un point de vue politique, l‟identité nationale soutient et stabilise l‟État et ses instruments, pour les nations qui ont déjà acquis leur tat. Le choix du personnel politique, la régularisation des comportements politiques et l‟élection du gouvernement sont fondées sur l‟intérêt national. La fonction politique de l‟identité nationale est considérée comme le plus important parce qu‟il légalise les droits juridiques communs et les devoirs correspondants analogues. L‟appel à l‟identité nationale est le moyen principal de légitimation du régime social de la solidarité sociale.155
154
Curien, L’identité nationale exposée…, op. cit., p. 24. Smith, D. A. , Δζληθή ηαπηόηεηα (Identité nationale), traduit de l‟anglais par Peppa E., Odysseas, Athènes, 2000, pp.32-33. 155
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1.6.2. Fonctions intérieures Les avantages « intérieurs » de l‟identité nationale, toujours selon A.D. Smith, tiennent à ce qu‟elle permette la socialisation de l‟individu comme membre d‟une nation. Ce but se réalise par les systèmes éducatifs publics, de masses, obligatoires et conventionnels. La nation est appelée à créer un lien social et elle unit les gens et les classes sous le même code avec valeurs, symboles et traditions communs. L‟utilisation des symboles comme les drapeaux, les monnaies, les costumes, les monuments et les rites, donne aux membres de la nation un sentiment du patrimoine commun, de parenté culturelle, de civilisation et le sentiment d‟une identité commune qui aide la nation à surmonter ses difficultés, à atteindre ses cibles et à réaliser ses projets. Le processus de l‟autorientation et du positionnement de l‟être humain dans le monde est le plus important service intérieur de l‟identité nationale. L‟identité nationale donne la possibilité aux membres de la nation de s‟orienter et de se positionner eux-mêmes dans le monde parce qu‟ils acquièrent une personnalité collective et une culture distinctive. 156 L‟identité nationale peut se combiner avec d‟autres identités – identité de classe, religieuse ou ethnique – et aussi avec les idéologies nationalistes, le libéralisme, le fascisme et le communisme. L‟identité nationale est multidimensionnelle et elle est très difficile à imposer à la population par des moyens techniques.157 Plus précisément, l‟identité nationale comprend un sentiment de la communauté politique. Cette communauté politique produit, au minimum, des institutions communes et un code des droits et des devoirs communs pour tous les membres 158.
1.7.
La diffusion de l’identité nationale
Une autre question qui touche à l‟identité nationale est la façon dont elle est diffusée. Selon Anne-Marie Thiesse, la nation et ses identités nationales sont crées, construites de toutes pièces par les hommes. Chaque nation possède des éléments symboliques et matériels propres comme de grands ancêtres fondateurs, une langue, un folklore, une histoire continue, des monuments, des héros, un drapeau. Mais il faut savoir que ces éléments n‟ont pas toujours existé et il a fallu les définir, voir même les construire. Des nombreux pays européens choisissent à se chercher des ancêtres et à se trouver une langue unifiée, bref à se définir une identité nationale. Pour honorer cette obligation qu‟ils se donnent, les érudits de 156
Smith, Identité nationale…, op. cit., pp.32-36. Smith, Identité nationale…, op. cit., pp. 30-31. 158 Ibidem. 157
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l‟époque essaient de collecter des manuscrits, des témoignages. Lorsqu‟il s‟agit de retrouver les chants populaires, ils vont à la rencontre des paysans qui détiennent la tradition orale. Les diffuseurs de patrimoines sont aussi des producteurs de patrimoines. Le plus souvent, les intellectuels qui entreprennent la reconstruction de l‟histoire le font à partir de peu de sources d‟informations, qu‟ils vont compléter par l‟expression de leur imagination, par la création de ces légendes, de ces épopées. De nombreux exemples (chants populaires, poésie populaire) montrent que les diffuseurs de patrimoines ont produit des textes en les créant de toutes pièces pour des publications de manuscrits authentiques, sans qu‟il y ait dans ces productions la moindre once de vérité. 159 La construction des identités nationales a été une œuvre collective menée par plusieurs pays. Les frères Grimm ont eu une influence déterminante dans la création des épopées nationales. La force des frères Grimm est qu‟ils on sut aussi bien s‟adresser aux érudits qu‟au peuple « d‟en bas », en rédigeant des contes et des légendes à des fins éducatives et qui ont été largement diffusés. 160 Mais selon Ernest Renan cette construction de l‟identité nationale se fait au détriment des autres identités minoritaires. Donc une certaine partie de la culture est oubliée au profit d‟autres éléments culturels. E. Renan dit que « l‟essence d‟une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses… L‟oubli, et je dirai même l‟erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d‟une nation, et c‟est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger »161. La culture populaire est dépeinte de manière originale et surprenante, puisqu‟on lui attribue une fonction de premier plan dans la création des identités nationales. 1.7.1. Folklore. Le folklore s‟appuie en effet sur un passé idéalisé. À l‟industrie nationale est opposée la vie des paysans comme une suite de joies paisibles. Le folklore englobe aussi la musique populaire et glorifiée, la peinture du XIXe siècle qui ne prend pas pour objet la sidérurgie ou le travail des ouvriers mais des paysages non transformés par l‟homme ou des scènes de fêtes populaires. Il comprend aussi les costumes qui ont, au début, une fonction festive et démonstrative. Les langues nationales, les musées et les expositions fixent l‟objet de la fierté nationale et enfin, l‟art décoratif national qui se décline logiquement 159
Thiesse, La création des identités nationales…, op. cit., pp. 12-14. Thiesse, La création des identités nationales…op. cit. p. 38. 161 Renan, E., Qu’est-ce qu’une nation, Paris, Presses-Pocket, 1992 (1ère éd. 1882), p. 42. 160
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sur les billets de banques, pièces de monnaie, assiettes décorées, timbres-poste et uniformes.162 1.7.2. Culture de masses. Selon A.M. Thiesse « cette nationalisation de l‟État passe au premier chef par un intensif travail d‟éducation de masse, visant à inculquer dans l‟ensemble de la population le sentiment d‟appartenance commune »163. Le folklore grâce à la culture de masse permet d‟éduquer toute la population. La culture de masse passe d‟abord par l‟éducation puisque c‟est le premier moment de l‟apprentissage dans une perspective nationale, mais elle passe aussi par le sport, par le territoire, par la nature, par le tourisme et par les loisirs. « Avec le tourisme naît en fait une version décorative et portable du patrimoine identitaire »164.
1.8.
Identité nationale : une « identité latente »
Le phénomène de nationalisation sociale est imbriqué dans un processus plus universel d‟assimilation à la « civilisation industrielle », comme on disait autrefois. On peut faire l‟hypothèse que l‟invention du cinéma, puis de la radiotélévision, a jouée, à cet égard, un rôle décisif. La télévision, facteur indéniable d‟identification du citoyen à des images plus universelles, a pu aussi renforcer le sentiment d‟appartenance nationale chaque fois que le pouvoir avait la main mise sur la presse et la communication. À la fois producteur et consommateur, l‟homme contemporain s‟est intégré naturellement à un réseau complexe où il aliène indirectement son indépendance ce qui a contribué à remodeler son identité. Toutefois, l‟appartenance à l‟État-nation n‟a pas supprimé les autres éléments de référence permettant de définir un individu : genre, milieu professionnel, génération, religion, quartier, village ou région. Or précisément, ce sont ces derniers paramètres, relatifs au quotidien, concrets, directs, qui matérialisent le sentiment d‟appartenance à une communauté nationale étatisée fondée, par définition, sur un des relations indirectes, en d‟autres termes floues. L‟identification des individus aux symboles de la nation que propage un État centralisé suppose que les citoyens les « adoptent », se les « approprient », en les intégrant dans leur propre univers de référence. Ainsi, de même qu‟il existe de nombreuses façons de parler le
162
Thiesse, La création des identités nationales…, op. cit., p. 162. Thiesse, La création des identités nationales…, op. cit., p. 240. 164 Thiesse, La création des identités nationales…, op. cit. p. 259 163
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français, les formes d‟identification à la nation française sont extrêmement variables, selon le milieu social, le milieu local, le contexte culturel. 165 Cette variabilité des formes d‟identification, qui participe pourtant du même « sentiment national », fait que, au gré de certains événements ou de certaines circonstances graves, les individus font appel à cette ressource identitaire impalpable et que l‟on peut qualifier de latente. Or, les citoyens découvrent qu‟ils possèdent (ou qu‟ils devraient posséder) une « identité nationale », lorsque leurs intérêts sont « menacés » par d‟autres groupes nationaux (dans un contexte de guerre, de concurrence sur le marché du travail, de compétitions sportives…). Cette identité latente se réveille également dans un contexte moins agressif, quand un individu sort des limites du territoire imparti à son groupe national, pour vivre, temporairement ou définitivement, dans un autre État. Son « étrangeté » lui est aussitôt signalée, non seulement parce qu‟il doit avoir un passeport (parfois un visa), mais aussi parce que son habitus national (sa façon de parler, ses manières, etc.) n‟est pas conforme au schéma dominant du pays dans lequel il se trouve. Par contre, tant qu‟ils ne sentent pas leurs intérêts vitaux pas menacés, les individus n‟y ont pas recours. Dans la vie quotidienne en effet, ils ne sont guère conscients de cet étiquetage, parce qu‟ils vivent à l‟intérieur de leur groupe national. Cette partie d‟eux-mêmes reste secondaire par rapport aux autres éléments de leur identité personnelle. Cette particularité de la dimension identitaire, son « hibernation » sous forme d‟habitus, fait qu‟elle peut être réveillée à tout moment par les porte-parole (ou ceux qui se présentent comme tels) de l‟intérêt national. 166
1.9.
Ce que n’est pas l’identité nationale
Ici, nous allons nous pencher sur les différences entre le terme d‟identité nationale et certains termes apparentés. La distinction de ces termes est nécessaire parce que, souvent, il y a confusion en ce qui concerne leur usage dans le langage quotidien. 1.9.1. Identité nationale et nationalisme L‟identité nationale se distingue ainsi du nationalisme. Selon Ernest Gellner le nationalisme est « un principe politique qui affirme que l‟unité politique et l‟unité nationale doivent être congruentes. […] Le sentiment nationaliste est le sentiment de colère que suscite la violation de ce principe ou le sentiment de satisfaction que procure sa réalisation. Un
165 166
Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., p. 207. Noiriel, État, nation et immigration…, op. cit., pp. 207-208.
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mouvement nationaliste est un mouvement animé par un tel sentiment »167. Le nationalisme est identifié à la mobilisation nationaliste à savoir un combat pour l‟acquisition ou le renforcement de la souveraineté politique et économique d‟une collectivité. Les nationalistes revendiquent le droit pour leur collectivité de maîtriser son destin politique et économique et de défendre ses intérêts propres. Ils définissent leurs mots d‟ordre en référence à un État qui peut être d‟ores et déjà constitué et demander seulement à être raffermi ou qui n‟est dans d‟autres cas qu‟un projet en attente de réalisation. 168 Par conséquent, le nationalisme présuppose l‟action et il procède de l‟identité nationale. 1.9.2. Identité nationale et Nation Ensuite, l‟identité nationale ne saurait être confondue non plus avec la nation malgré ses particularités temporelles et régionales. Pour les auteurs contemporains qui se penchent sur la notion de nation, il y a certaines approches, très peu différentes. Comme première nous faissons référence à celle qu‟accepte la nation comme un produit de l‟imaginaire, récupéré par un groupe dominant. L‟anthropologue Benedict Anderson présente la nation comme une « communauté politique imaginée », qui est apparue historiquement quand trois conceptions culturelles fondamentales du Moyen Âge ont perdu leur valeur spirituelle axiomatique. La première conception était « l‟idée qu‟une langue et écriture particulière offrait un accès privilégié à la vérité ontologique ». La deuxième était l‟idée que les sociétés humaines étaient organisées autour de monarques qui étaient supérieurs aux autres êtres humains et qui gouvernaient « en vertu de quelque arrêt cosmologique (divin) ». La troisième était « la conception de la temporalité » où l‟origine du monde et des hommes étaient identiques. Le déclin de ces « certitudes interdépendantes », en raison des changements économiques, des découvertes scientifiques et du développement de moyens communicatifs plus rapides, a eu pour résultat la recherche de nouvelles formes – p. ex. la nation – qui unifient-elles la fraternité, le pouvoir et le temps.169 Une deuxième approche soutient que la nation est le résultat de la « modernisation ». L‟historien Eric John Hobsbawm a analysé les rapports entre le développement de la conscience nationale et les demandes d‟élargissement de droits politiques. Il avance qu‟il y 167
Gellner, E., Nations et nationalisme, traduit de l‟anglais par Pineau B., Paris, Payot, 1983, p. 11. Roger, A., Les grandes théories du nationalisme, Paris, Armand Colin, 2001, p. 2. 169 Anderson, B., L’imaginaire nationale. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, traduit de l‟anglais par Dauzat E., Paris, La Découverte, 1983, p. 47. 168
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avait trois critères qui permettaient à un peuple d‟être désigné comme une nation. Le premier critère est constitué par la relation historique entre la nation et un État qui a une histoire assez longue. Le deuxième est l‟existence d‟une « élite culturelle établie » qui possède une « tradition de littérature écrite et d‟administration nationale » et le troisième critère est « la capacité de conquête » qui donnait au peuple la conscience de son existence collective.170 Ainsi, en fait, l‟historien met en avant que le premier sens de « nation » soit politique. Ce sens coïncide avec le « peuple » et l‟État conformément à l‟idée des Révolutions française et américaine car « les éléments de citoyenneté et de participation des masses ou de choix de leur part n‟en furent jamais absents ». 171 Dans la même ligne de pensée, le sociologue E. Gellner pose aussi que le nationalisme, « qui affirme que l‟unité politique et l‟unité nationale doivent être congruentes »172, est un phénomène historique et non pas une forme ancienne et latente qui se réveille. E. Gellner envisage le nationalisme comme le résultat d‟une nouvelle forme sociale qui est fondée « sur de hautes cultures dépendantes de l‟éducation et profondément intériorisées dont chacune reçoit une protection de son État ».173 Le nationalisme impose une société anonyme et impersonnelle qui remplace les formes sociales traditionnelles qui reposaient sur les cultures populaires. Alors que la société traditionnelle vivait dans des cultures inférieures, le nationalisme impose à la même société une haute culture qui présuppose la généralisation et la diffusion d‟une école qui pourrait répondre à l‟exigence d‟une communication technologique, bureaucratique et précise. 174 En conclusion, pour la nation, le territoire est une condition nécessaire mais un groupe peut avoir une identité nationale sans territoire propre (le cas du peuple palestinien, les Arméniens et beaucoup de cas africains). Par conséquent, comme dans le cas du nationalisme, l‟identité nationale préexiste à la nation. 1.9.3. Identité nationale et Culture politique Il faut souligner, aussi, la différence entre l‟identité nationale et la culture politique. Selon S. Berstain « la culture politique telle qu‟elle apparaît à l‟historien est un système de représentation fondé sur une certaine vision du monde, sur une lecture signifiante sinon exacte du passé historique, sur le choix d‟un système institutionnel et d‟une société idéale, 170
Hobsbawm, E.J., Nations et nationalismes depuis 1780, traduit de l‟anglais par Peters D., Paris, Gallimard, 1990, p. 53. 171 Hobsbawm, Nations et nationalisme…, op. cit., p. 30. 172 Gellner, Nations et nationalisme…, op. cit., p. 12. 173 Gellner, Nations et nationalisme…, op. cit., p. 75. 174 Gellner, Nations et nationalisme…, op. cit., p. 89.
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conformes au modèle retenu, et qui s‟exprime par un discours codé, des symboles, des rites qui l‟évoquent sans qu‟une autre médiation soit nécessaire »175. Mais la culture politique qui existe dans un pays ou une nation est « une culture dominante à un moment donné de l‟histoire ». Autrement dit, en même temps, coexistent des cultures politiques antagonistes par rapport à la culture dominante mais elles sont plus faibles qu‟elle et elles ne peuvent pas imposer les objections et les représentations qu‟elles proposent. Par conséquent, le concept de l‟identité nationale est plus large que le concept de la culture politique, car la culture politique est une partie de l‟identité nationale. 1.9.4. Identité nationale et État Ensuite, il faut dissocier le terme d‟identité nationale de celui de l‟État. Bien que, souvent, les États modernes soient obligés d‟apparaître en tant qu‟États d‟une nation précise en vue d‟obtenir une légitimité nationale et populaire, le contenu et le Centre de l‟État est différent. Plus précisément, l‟État se réfère, inclusivement, aux institutions publiques qui sont indépendantes et différentes des institutions sociales. L‟État possède, aussi, le monopole de la coercition et de l‟exclusion dans un territoire précis. Au contraire, la nation atteste un lien politique et culturel qui unit tous ceux qui partagent la même culture et patrie, dans une communauté politique unique. Il y a beaucoup d‟exemples (Suisse, Turquie) où, dans le même État, coexistent deux voire trois nations. Au cours des années 70, parmi les États qui existaient, seulement 10%, pouvaient prétendre que l‟ensemble de la population partageait la même culture nationale et que leurs frontières coïncidaient avec les frontières de la nation. 176 1.9.5. Identité nationale et conscience historique Selon Hans Georg Gadamer (1909-2002), la conscience historique est le privilège de l‟homme moderne d‟avoir le sentiment total de l‟historicité à chaque instant présent et le sentiment total de la relativité de toute conviction et de toute opinion. Nous pouvons définir le « sentiment historique » comme la disponibilité et le talent de l‟historien qui comprend le passé, tantôt son exotisme, avec pour base le même contexte d‟où il émerge. La conscience actuelle – exactement comme une « conscience historique » – adopte une attitude « réflexive » envers tous ceux qui sont transformés en elle par la tradition. Elle ne reste pas
175
Berstein, S., « L‟historien et la culture politique », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, juil. /sept. 1992, pp. 71-72. 176 Smith, National Identity…op. cit., p. 31.
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passive en écoutant la voix qui arrive du passé : elle la resitue au contraire dans le contexte d‟où elle émerge pour évaluer le statut relatif qu‟elle a. 177 Selon Nicole Tutiaux-Guillon aussi, avoir une conscience historique c‟est avoir conscience du temps. Au minimum, il s‟agit d‟une conscience de la présence du passé, de son actualisation possible dans la société présente. Mais bien plus, elle articule le passé avec le présent ainsi que le passé avec le futur : cette conscience des hommes et des temps anciens permet de juger, de choisir, de donner au temps un sens, et par là même d‟imaginer un avenir ; en d‟autres termes, il se crée un « horizon d‟attente » fondé sur les structures, les schémas ou principes du passé et qui donne au futur une signification. La conscience historique est l‟arc boutant des choix politiques, dans la mesure où ils s‟appuient sur la mémoire pour envisager ou proposer un avenir. Une seconde dimension de la conscience historique qui nous semble pertinente du point de vue didactique : se penser dans le temps, se penser comme être historique, assigner un sens au passé, participer de la construction identitaire. La conscience historique nourrit l‟identité individuelle ou collective : elle est conscience d‟appartenir à un groupe qui a une histoire, un héritage, qu‟on assume ou rejette, qu‟il s‟agisse d‟une famille, d‟une classe ou d‟une nation. Elle charge le passé de valeurs, en choisissant les événements mémorables, qui ont une force symbolique telle qu‟ils sont quasi omniprésents. Autrement dit, elle attribue au passé un sens « pour soi », elle en permet l‟appropriation au sens fort du terme. Ce faisant, elle projette sur le passé les valeurs qui participent de l‟identité actuelle du groupe, pour en marquer la différence ou pour en faire des valeurs éternelles. Nous pouvons en conclure que ce concept offre l‟occasion de lier l‟apprentissage de l‟histoire et la construction d‟une identité sociale et politique assumée. Il ne s‟agit pas ici de croire que le simple fait d‟« apprendre de l‟histoire » va « produire » de l‟identité pourvue que les connaissances soient suffisantes et bien choisies. Il faut comprendre au contraire l‟existence d‟un rapport complexe de construction réciproque, où joue un grand rôle la façon dont l‟individu appréhende le temps et situe sa vie. En outre ce concept permet de rendre aux valeurs leur place légitime dans l‟enseignement de l‟histoire, au lieu de les poser comme des principes affirmés mais écartés, de fait, de l‟enseignement au quotidien. L‟aspect identitaire de la conscience historique est en somme la prise de conscience de l‟individu de sa place dans un continuum temporel. Cela se fait en deux étapes. Nous posons, en premier lieu, une prise en compte de son historicité personnelle, à savoir que chaque individu a sa propre histoire et 177
Gadamer, H.G., Le problème de la conscience historique, traduit de l‟anglais par Fruchon P., Paris, Seuil, 1996 (1ère éd. 1963), pp. 23-24.
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que cette relativité de l‟histoire individuelle pousse à voir le passé de manières différentes. En d‟autres termes, les expériences vécues par chacun d‟entre nous nous amènent à interpréter le passé différemment. De plus, l‟aspect identitaire de la conscience historique répond au besoin humain de connaître et de comprendre ses origines tant dans un passé immédiat que dans un passé plus lointain. Prendre conscience que l‟on fait partie d‟un vaste courant temporel dont le début et la fin existent au-delà de sa propre existence engendre un phénomène d‟appartenance à un groupe social précis dans lequel certains traits identitaires sont justifiés avec plus ou moins d‟objectivité par le recours aux événements historiques plus ou moins enjolivés. Il suit de là que l‟on peut analyser l‟aspect identitaire comme la combinaison de deux concepts : l‟identité collective et l‟identité personnelle. 178 Par conséquent, nous aboutons à la conclusion que la conscience historique est une présupposition nécessaire qui constitue la base sur laquelle est fondée l‟identité nationale. 179 1.9.6. Identité nationale et identité collective Selon Emile Durkheim, alors que l‟identité individuelle correspond à « tous les états mentaux qui ne se rapportent qu‟à nous-mêmes et aux événements de notre vie personnelle », l‟identité collective correspond aux « systèmes d‟idées, de sentiments et d‟habitudes qui révèlent de nous, non pas notre personnalité, mais le groupe ou les groupes dont nous faisons partie. Telles sont les croyances religieuses, les croyances et les pratiques morales les traditions nationales ou professionnelles et les opinions collectives de toute sorte ».180 Mais l‟identité communautaire, qui « est d‟abord participation affective à une entité collective », va plus loin de l‟identité collective de l‟E. Durkheim. Elle se définit avant tout comme une adhésion active à un ensemble socioculturel et une « dialectique constante entre du Nous et du Moi » et elle constitue aussi la pierre angulaire de toutes les identités. Le sentiment d‟identité y puise sa légitimité en particulier à partir des sentiments de référence commune, de valeur et de loyauté. En résumé, la recherche de l‟évolution historique des groupes et des civilisations montre qu‟il y a une identité collective ou Moi communautaire qui procède par rapport à l‟identité individuelle ou Moi individualisé. La conséquence de ce processus historique est qu‟aux périodes des persécutions, des guerres ou des nationalismes
178
Tutiaux-Guillon, N., « L‟histoire enseignée entre coutume disciplinaire et formation de la conscience historique : l‟exemple français », in : Tutiaux-Guillon N. et Nourrisson D., (dir.), Identités, Mémoires, Conscience historique, Saint-Etienne, Publication de l‟Université de mars, 2003, pp. 28-29. 179 Infra, Annexe I (Figure I), p. 351. 180 Durkheim, Éducation et sociologie…, op. cit., p. 51.
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surgissent en force les racines de l‟identité collective. Le Moi communautaire triomphe des individus du groupe qui sont prêts de se sacrifier pour lui. 181 Par conséquent l‟identité collective est une notion plurielle et plus large que l‟identité nationale. 1.9.7. Identité nationale et identité sociale L‟identité sociale est l‟ensemble des critères de référence de l‟individu ou du groupe, c‟est-à-dire des critères qui permettent de le situer dans sa société. Jean-Paul Sartre posait dans sa globalité le problème de l‟identité sociale en replaçant l‟individu dans un espace humain (élargi à l‟ensemble des hommes) : « Je me situe, disait-il, comme Européen par rapport à des Asiatiques ou à des Nègres, comme vieillard par rapport à des jeunes gens, comme magistrat par rapport aux délinquants, comme bourgeois par rapport à des ouvriers…». En effet, l‟identité sociale procède de la convergence de toutes ces relations d‟inclusion ou d‟exclusion qui se tissent à tous les niveaux dans les groupes constitutifs d‟une société (ou de la société si l‟on prend comme groupe, en un temps T, un très grand groupe tel qu‟une nation ou une civilisation).182 Par conséquent, l‟identité sociale est aussi une notion plus large que l‟identité nationale. 1.10. Le contenu de l’identité nationale Après avoir tenté de cerner la notion d‟identité nationale et de la distinguer des termes ci-dessus mentionnés, notre étude s‟orientera vers le contenu de l‟identité nationale historiquement fondé. Mais le contenu de l‟identité nationale est formé par rapport aux approches théoriques sur la notion de la Nation. Par conséquent, pour avoir une image claire sur le contenu de l‟identité nationale, nous nous devons de présenter les deux directions principales du concept de Nation. 1.10.1. Théories sur la notion de nation La première direction sur la notion de la nation est celle de l‟Occident où les droits juridiques et politiques sont irréfutables et la deuxième direction est celle qui met en avant surtout l’origine et la culture indigène. 181 182
Mucchielli, L’identité…, op. cit., pp. 82-86. Mucchielli, L’identité…, op. cit., pp. 87-88.
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Les deux directions différentes (nation « révolutionnaire » et nation « romantique »), ci-dessous, sont essentiellement fondées sur les deux approches philosophiques opposées : « l‟impératif catégorique » et « le communitarisme ». La nation « révolutionnaire » est assez proche du principe de l’impératif catégorique d‟Emmanuel Kant qui soutient l‟universalité des valeurs morales. Pour qu‟il y ait un principe ou une règle ou un jugement moralement restrictif, il faut qu‟il puisse être juste pour tous les hommes et à toutes les époques. Au contraire, les théories que conteste Kant et surtout celle des communautaristes – une vision extrême des théories neoaristotéliciennes qui mettent en avant le « bien-être » comme quête primordiale des individus – soutiennent que la morale se construit par rapport à la coutume, la pratique et les perceptions collectives sur le bien qui domine chaque communauté historique. Par conséquent, la nation « romantique » est plus proche du principe du communautarisme qui met en avant l‟idée d‟une nation en tant que source de chaque valeur morale, et impose l‟idée que l‟évolution de la nation passe par la solidarité de ses membres. 183 Plus précisément, en même temps que le mouvement des Lumières, nous voyions l‟émergence des premières nations et des premières théories sur la notion de Nation. 1.10.1.1. Nation « révolutionnaire » Selon Alain Renaut, dans le cadre de l‟idéologie de la Révolution française, la nation est une union fondée sur l‟adhésion aux principes d‟un contrat au sein d‟une société à laquelle les individus participent volontairement. Cette union englobe l‟ensemble des sujets décidant de remettre le pouvoir à la volonté générale en acceptant certaines valeurs de la Déclaration des droits de l’homme : les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, la conservation des droits naturels et imprescriptibles des hommes [liberté, propriété, sûreté, résistance à l‟oppression], la liberté de conscience [le droit à la liberté religieuse]). La nationalité n‟est pas une détermination biologique mais politique. On ne naît pas français, on le devient, par un acte d‟adhésion volontaire aux principes du contrat social. La nationalité se résorbe dans la citoyenneté qui se définit comme une adhésion rationnelle. L‟accès de l‟individu à la nation n‟est pas automatique mais « volontaire ». La patrie est la communauté démocratique et les citoyens, comme des « enfants de la patrie », sont les héritiers des valeurs de la Révolution. La « nation révolutionnaire » a un caractère cosmopolite avec une vision du monde humaniste. Elle refuse d‟avoir le rôle d‟un pouvoir de subordination et d‟expansion, aussi aspire-t-elle à la paix perpétuelle, lorsque la communauté démocratique se sera élargie à 183
Sourlas, P., « Έζλνο θαη δηθαηνζύλε », in : Έζλνο - Κξάηνο - Δζληθηζκόο (« Nation et justice » in : NationÉtat - Nationalisme), (éd. col.), Athènes, École Moraitis, 1993, pp. 212-213.
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l‟ensemble des peuples. La guerre pour la « nation révolutionnaire » devient une guerre révolutionnaire dans laquelle les citoyens en armes apporteront les droits de l‟homme au genre humain. La guerre révolutionnaire vise la constitution des nations, au sens de communautés démocratiques.184 Mais selon A. D. Smith, bien que dans la « nation occidentale » il y ait un sentiment de l‟égalité devant la loi et que les droits politiques et juridiques soient considérés comme non-négociables, en même temps, il y a exclusion des « étrangers » de ces droits. C‟est-à-dire que l‟égalité devant la loi des membres de la nation, évoquée ci-dessus présuppose aussi le partage à un certain degré des valeurs et traditions communes, acceptables de toute la population. La création d‟une culture publique et de masse est dévolue aux services de l‟État qui sont en charge de la socialisation du peuple. Les deux services principaux qui y contribuent sont le système éducatif public et les médias. 185 Un deuxième élément de la « nation occidentale » est l‟idée de patria, c‟est-à-dire de la communauté des lois et des institutions qu‟expriment l‟existence de certaines institutions réglementaires qui constituent l‟expression des sentiments communs et des intentions politiques. 186 En dépit du fait que la frontière d‟une nation n‟est pas délimitée par des barrières naturelles – territoire, race, ethnie – mais par l‟adhésion volontaire à des principes du « contrat social », la perception occidentale de la nation est, surtout, un concept territorial. Selon cette perception, les nations doivent avoir des territoires nationaux concrets. Ce territoire – la patrie – devient un trésorier des mémoires historiques et des associations, la terre où « nos » érudits, saints, et héros ont vécu, ont agi, ont prié et ont guéri. Les rivières, les lacs, les plages, les montagnes, et les villes deviennent « sacrés ». Les ressources naturelles de la partie sont propriété exclusive de leur peuple et en est interdit leur usage aux étrangers.187 Mais la construction des nations européennes, en raison de leurs particularités historiques, n‟a pas été conforme à ce schéma et ainsi la notion de la nation n‟a pas été précise et unique mais au contraire vu sous un jour théorique différent. Une autre approche théorique différente de l‟époque est celle de l‟économiste Adam Smith (1723-1790). Pour lui, la « nation » coïncide avec un État territorial. L‟économie politique classique était en faveur 184
Fichte, J.G., Discours à la nation allemande, traduit de l‟allemande par Renault A., Paris, Imprimerie nationale, 2000 (1re éd. 1809), p. 12. 185 Smith, Identité nationale…, op. cit., p.26. 186 Smith, Identité nationale…, op.cit., p.25. 187 Smith, Identité nationale…, op.cit., p.24.
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du libre-échange, du marché libre et en même temps contre les économes nationales et contre le « système mercantile » où les gouvernements règlent les économies nationales. Par conséquent, A. Smith « n‟accordait nulle place à la nation, ni à quelque autre collectivité plus grande que l‟entreprise ».188 1.10.1.2. Nation « romantique » Les idées des Lumières, et de là, la notion de « nation révolutionnaire », ont rencontré beaucoup de résistances et beaucoup d‟objections. Le Romantisme et son approche théorique concernant la nation s‟opposent à la direction politique et au « contrat social » de la « nation révolutionnaire ». Pour la nation « ethnique », la généalogie, les liens prétendus d‟origine, la mobilisation laïque, les idiomes linguistiques, les coutumes et les traditions sont les éléments principaux.189 L‟idéologie du Romantisme accepte la nation comme une entité immuable. Selon A. Renaut la « nation romantique » n‟accepte pas l‟adhésion « volontaire » au contrat social et se définit comme une unité nationale, fondée sur les différences naturelles entre les types d‟hommes. Au contraire de la « nation occidentale - révolutionnaire », la « nation romantique » se centralise autour des ancêtres communs et de la culture indigène. Cette perception fait porter l‟accent sur l‟origine. Elle met en avance l‟origine commune prétendue des membres de la nation et elle prend ses distances avec les « étrangers ». L‟appartenance de l‟individu à une nation est physique et non volontaire. On naît français, on ne le choisit pas, on ne le devient pas vraiment et on reste français envers et contre tout. Mais l‟appartenance de l‟individu à une nation nécessite certaines prédispositions naturelles, en particulier la langue et la mentalité. La nationalité est une valeur qu‟il faut préserver contre ce qui pourrait la dénaturer. Au contraire du modèle occidental, où le peuple est une communauté politique avec lois et institutions communes, le peuple sur le modèle « ethnique » est l‟objet des ambitions nationalistes. Pour cette raison, il faut défendre les frontières naturelles de la nation. La nation revendique toutes les populations de même nationalité qui vivent-elles hors de ses frontières, comme c‟est le cas pour les Albanais actuellement. La guerre exalte la force du vainqueur. Elle constitue une fin en soi et non pas un moyen pour la réalisation des buts ; c‟est une marque de la vitalité de la nation. Il n‟y a aucune interaction entre les
188 189
Hobsbawm, Nations et nationalismes…, op. cit., p. 37. Smith, Identité nationale…, op. cit., p.27.
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belligérants.190 Enfin, Le Romantisme national tente d‟expliquer l‟inexistence de la nation à travers les siècles par la découverte de la théorie de « l‟éveil national ». Il soutient que la nation existait dans une sorte d‟état hypnotique et qu‟un jour elle s‟est éveillée. 191 C‟est vers l‟Italie et l‟Allemagne qu‟il faut tourner nos regards pour trouver des formations idéologiques plus homogènes donnant naissance à la deuxième étape du nationalisme : dans leur effort pour atteindre au plus vite à l‟identité étatique de la nation, en tentant aussi de rattraper leur retard face à la Grande Bretagne et en France, les nationalismes italien et allemand aboutissent à une théorisation proprement idéologique. Seule la pensée allemande parvient à la logique achevée de substitution de la religion ; le nationalisme italien quant à lui atteint le point limite de composition entre l‟idéologie nationale et la religion chrétienne. En ce qui concerne le nationalisme italien, au départ, il faut s‟intéresser brièvement au père du concept moderne « pluralisme culturel », l‟Italien Giambattista Vico.192 G. Vico, dans son œuvre Science nouvelle, ne s‟intéressait ni aux expériences ni aux expressions individuelles, mais à celles des sociétés tout entières. Il s‟intéressait à la conscience collective propre d‟une société – à ce que les hommes pensaient, imaginaient, ressentaient, désiraient, recherchaient en affrontant la nature à une certaine étape de leur développement social, à ce qu‟ils exprimaient par les institutions, des monuments, des symboles, des façons de parler et d‟écrire, à ce qu‟ils produisaient par leurs efforts –. Il voulait découvrir, analyser et expliquer les conditions inexplorées des sociétés passées et les mettre en relations avec celles des sociétés actuelles.193 Les deux penseurs les plus connus du « Risorgimento » (Résurrection) italien, Vincenzo Gioberti (1801-1852), dont l‟ouvrage le plus connu en porte l‟empreinte dans son titre : Primato morale e civile degli italiani (1930), et Giuseppe Mazzini (1805-1872), convergent dans l‟idée que leur nation, l‟Italie, est appelée à une œuvre historique de suprématie sur les autres nations composant l‟humanité. L‟idée religieuse judéo-chrétienne de « peuple élu » est reprise au profit du projet politique nationaliste. La nation italienne, à l‟image du peuple hébreu ou du Christ, est l‟objet d‟une prédilection divine et d‟une mission de guide universel des peuples. Cette position dominante n‟est pas conçue dans une
190
Fichte, Discours à la nation allemande…, op. cit., p. 15. Gellner, Nationalisme…, op. cit., p. 24. 192 Une approche théorique sur l‟œuvre du philosophe, in : Girard, P., Le vocabulaire de Vico, Paris, Ellipses, 2001. 193 Berlin, I., Le bois tordu de l’humanité. Romantisme, Nationalisme et Totalitarisme, traduit de l‟anglais par Thymbres M., Paris, Albin Michel, 1992, p. 72. 191
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perspective belliciste, mais comme un rayonnement de civilisation, de culture et de moralité. Le nationalisme italien se présente ainsi comme une continuation de la révélation divine chrétienne : il n‟y a pas substitution, mais intégration à la religion, pour aboutir à une sorte de nationalisme de droit divin. Si telle est la pensée de V. Gioberti, celle de G. Mazzini débouche sur un déisme historicisant : Mazzini attend une nouvelle révélation religieuse dépassant le christianisme selon une loi du progrès historique tout inspirée du saintsimonisme. À l‟instar du peuple hébreu, l‟Italie est cette nation supérieure, choisie entre toutes, d‟où surgira ce nouveau salut, Mazzini ne se considérant lui-même que comme un précurseur.194 En ce qui concerne le nationalisme allemand, il faut faire référence surtout à Johann Gottlieb von Herder (1744-1803), Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) et Georg Wilhelm Hegel (1770-1831). J.G. Herder ne rejette pas, totalement, la culture universaliste, mais il soutient que les cultures particulières existent parallèlement. L‟élément est une partie de l‟ensemble. Il est identique à lui et, en même temps, il s‟oppose à lui. Nous avons un « englobement du contraire » entre l‟ensemble et l‟élément. C‟est-à-dire, qu‟il accepte la diversité des cultures et qu‟il soutient que l‟individu appartient à une communauté culturelle déterminée. Cette communauté spécifique constitue un peuple « Volk ». Chaque peuple est pris comme un tout et non atomisé en individus. Actuellement, le peuple germanique, porteur de la culture chrétienne occidentale, est-il-appelé à jouer un rôle principal dans l‟évolution de l‟humanité comme le peuple Egyptien, Phénicien, Grec et Romain dans l‟Antiquité. 195 J.G.Fichte est en partie influencé par les romantiques comme A.W. Schlegel et F.W.J. Schelling. Il accepte que le peuple germanique joue un rôle important dans le monde actuel, mais il intègre ce rôle dans la logique de l‟Universalisme. J.G. Fichte, dans son œuvre Discours à la nation allemande (1807-1808), soutient que la nation existe avant la naissance de l‟État. Selon lui, la nation existe en tant qu‟organisme préexistant dans la nature et dans l‟histoire. C‟est-à-dire que nous avons un glissement de l‟État-nation – l‟État organisé, grâce à la loi, en une « unité nationale » ; un peuple existant sur un territoire donné – à la nation État – la société, comme une communauté nationale préexistante, crée le système juridique de l‟État du droit –.196
194
Chabot, J.L., Le Nationalisme, Paris, puf, 1997, pp. 28-29. Dumont, L., Essais sur l’individualisme, Paris, Seuil, 1983, pp. 117-121. 196 Dumont, Essais…, op. cit., pp. 122-124. 195
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G.W. Hegel explique qu‟à chaque période de l‟histoire il y a toujours un État prédestiné à prendre la tête des autres et à leur imposer l‟unité de sa civilisation considérée comme « plus avancée ». Selon G.W. Hegel, l‟humanité – dialectique oblige – aurait ainsi connu trois étapes historiques : au despotisme des grands Empires asiatiques se serait opposée (antithèse) la domination d‟Athènes terre de liberté et de démocratie, ce qui aurait abouti à la civilisation chrétienne dont le peuple allemand serait l‟expression la plus parfaite. Selon G.W. Hegel l‟État prussien est le stade dialectique ultime de l‟incarnation politique de l‟Esprit du Monde. L‟État vers lequel tend la nation allemande est l‟étape suprême où l‟esprit se réalise, et comme il ne dépend de personne, il est réellement souverain. La souveraineté du monde, attribut de Dieu, vient se confondre ici avec la souveraineté politique, attribut de l‟État, puisque l‟État et Dieu sont, en raison du panthéisme, une seule et même chose. Or il n‟y a pas qu‟un seul État.197
Ici, il faut bien signaler que cette opposition entre une conception organique (Nation romantique) et une conception politique (Nation révolutionnaire) de la nation, entre l‟histoire d‟une nation qui existe en dehors de l‟État et d‟une autre qui est le produit de la volonté de l‟État conduit à des attitudes différentes à l‟égard de l‟étranger. On entre difficilement dans un groupe fondé sur les liens de nature biologique, alors que, par son principe même de légitimité, l‟appartenance à la nation française est ouverte (au moins dans l‟idéal) à tous ceux qui sont prêts à adopter ses valeurs. L‟identité nationale n‟est pas un fait biologique, mais culturel : on naît Français par la pratique d‟une langue, par l‟intériorisation d‟une culture, par la volonté de participer à la vie économique et politique. De fait, la Commission de la nationalité a rappelé que « le droit français de la nationalité est l‟un des plus « ouverts » des droits européens ». Cette « ouverture » se manifeste par trois traits particuliers du droit français : la facilité de la naturalisation, qui est moins coûteuse que dans les autres pays européens et singulièrement en Allemagne ; l‟importance de l‟acquisition de la nationalité par déclaration ( qui donne aux individus le droit a cette nationalité sans que l‟État puisse s‟y opposer), supérieur à celle des autres pays européens et qui d‟ailleurs ne cesse de s‟accroître ; enfin la part des acquisitions de la nationalité par des mécanismes automatiques ou quasiautomatiques.198
197
Chabot, Le Nationalisme…, op.cit., pp. 32-33. Schnapper, D., « La nation, les droits de la nationalité et l‟Europe », Revue européenne de migrations internationales, V. 5, N° 1, pp. 22-23. 198
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En continuant sur le cadre théorique de la « nation romantique », durant le XXe siècle se sont développées en Europe deux aberrations théoriques extrêmes et historiquement remarquables sur la nation : le national-socialisme et le fascisme. La réalisation et les conséquences de ces deux théories constituent une des pages les plus « noires » de l‟histoire de l‟humanité. Plus précisément, en Allemagne, la période entre les deux guerres mondiales s‟est développée la théorie (Adolf Hitler (1889-1945), Mein Kampf, 1924 et Alfred Rosenberg (1893-1946), Le mythe du XXe siècle, 1930) du parti national-socialiste qui identifie la nation à la race. Le programme du parti dit que, « la nation…est la synthèse suprême de toutes les valeurs matérielles et spirituelles de la race ». Mais la race allemande, et par conséquent la nation allemande, est identifiée par le concept mythique de « sang allemand » qui constitue un élément sacré pour les partisans de cette théorie. Heinrich Himmler (1900-1945), leader des SS, en 1943, dit que : « Le sang d‟un Russe ou d‟un Tchèque ne m‟intéresse absolument pas. Le sang de bonne qualité, de même nature que le nôtre, que les autres peuples peuvent nous offrir nous le prendrons et, si besoin est, nous leur enlèverons leurs enfants et les élèverons chez nous ». Mais c‟est à cause de la théorie de pureté de la nation – race allemande et de « la protection du sang et de l‟honneur allemand » qu‟a été commis un des plus grands crimes contre l‟humanité : l‟extermination dans les camps et le génocide du peuple juif qui constituaient pour les nazis une « race inférieure » et « le mal absolu ». 199 Dans la même période historique, en Italie s‟est développée la théorie fasciste mussolinienne [Giovanni Gentille (1875-1944), Origines et doctrines du fascisme, 1929 et Benito Mussolini (1883-1945), La doctrine du fascisme, 1932] qui identifie la nation exclusivement à l‟État. « C‟est l‟État qui, dépassant les étroites limites des vies individuelles, représente la conscience immanente de la nation… ». L‟État s‟impose sur la société par le contrôle et par l‟étatisation de l‟éducation et des syndicats. « Pour le fascisme, l‟État est l‟absolu devant lequel les individus et les groupes ne sont que le relatif. Individus et groupes ne sont concevables que dans l‟État... ». 200 Antoine Roger voulant présenter une approche détaillée des deux directions du nationalisme201 – la théorie des « pérennialistes » qui postule que le nationalisme est l‟expression d‟identités nationales anciennes qui ont traversé les âges et la théorie des « 199
Chabot, Le Nationalisme…, op. cit., pp. 75-76 Chabot, Le Nationalisme…, op. cit., pp. 78-79. 201 Roger, Les grandes théories…, op. cit., p. 2. 200
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modernistes » qui soutient que le nationalisme est un pur artefact dont les ingrédients peuvent être choisis à la carte –, a posé une bipartition explicative sur deux axes croisés, car, selon lui, le classement mentionné (« pérennialistes » et « modernistes ») recouvre des théories dissemblables, et antagonistes à certains égards, sans fournir de critère qui permettrait de bien les différencier. 202 Selon cette bipartition, un premier axe oppose les théories qui voient dans le nationalisme la conséquence d‟une transformation irrépressible des structures économiques et sociales de la collectivité considérée (progrès technologiques ; modification de la hiérarchie sociale…), aux théories qui le décrivent comme le résultat de choix formulés par des acteurs souverains. C‟est l‟axe « évolutions structurelles / stratégies d‟acteurs ». 203 Si l‟on considère le nationalisme comme le produit d‟évolutions structurelles cela revient à nier que puisse présider à sa naissance ou décider de son orientation la volonté d‟un homme ou d‟un groupe désigné. Seuls des facteurs impondérables sont jugés significatifs. Encore la lecture peut-elle diverger selon que ces facteurs renvoient à un principe de cohésion ou à un principe de domination. L‟accent est mis sur la transformation des modes de communication dans le premier cas et sur la polarisation des rapports de classes dans le second.204 Les théories qui portent sur les modes de communication voient dans le nationalisme à la fois l‟expression de caractères culturels irréductibles et un moyen d‟affirmer la cohésion d‟une communauté donnée. Sur ce registre même, deux approches peuvent être distinguées : l‟une invite à appréhender l‟État-nation comme une entité territoriale que les élites constituées n‟ont de cesse d‟homogénéiser (par exemple Ernest Gellner) ; l‟autre assimile l‟État-nation à un vaste système de communication sociale (Karl W. Deutsch). Dans les deux cas les traits identitaires sont la cause de dysfonctionnements qui ouvrent la voie au nationalisme. 205 Les auteurs qui s‟attachent à caractériser une polarisation des rapports de classes considèrent que le nationalisme procède d‟un conflit entre dominés et dominants. Ils proposent deux explications complémentaires : l‟une amène à voir dans le nationalisme l‟expression d‟une lutte entre une aristocratie sur le déclin et une bourgeoise portée par le
202
Roger, Les grandes théories…, op. cit., pp. 2-6. Ibidem. 204 Ibidem. 205 Ibidem. 203
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capitalisme naissant (Miroslav Hroch) ; l‟autre repose sur l‟idée d‟une récupération par la bourgeoisie des identités culturelles préexistantes (Eric Hobsbawm). 206 Lorsqu‟il est envisagé en termes de stratégies d‟acteurs, le nationalisme est assimilé à une construction idéologique réfléchie qui répond à des attentes individualisées. Une ligne de faille peut néanmoins être relevée entre les théories selon lesquelles ses promoteurs sont mus par un objectif de cohésion et les modèles qui mettent l‟accent sur un principe de domination. Lorsqu‟un objectif de cohésion est caractérisé, les mobilisations identitaires trouvent leur explication dans une transformation complexe des cultures nationales. Cette perspective postule que les mouvements nationalistes procèdent d‟orientations subjectives et qu‟ils sont un moyen d‟asseoir l‟identité de la collectivité. Cette perspective adopte deux approches complémentaires : l‟une permet de décrire le nationalisme comme un instrument de refondation culturelle (Anthony D. Smith) ; l‟autre amène à caractériser une interaction culturelle (Louis Dumont). Lorsqu‟un principe de domination est mis en évidence, les mobilisations identitaires sont comprises comme le résultat d‟un choix réfléchi et comme le moyen qu‟utilisent certains acteurs pour s‟affirmer aux dépens des autres. Cet angle d‟analyse autorise encore plusieurs lectures. Pour les uns, le nationalisme est un instrument qui permet de se positionner face à l‟État et de réclamer un réaménagement de l‟ordre institutionnel établi : il est le fait de groupes désignés qui s‟estiment défavorisés politiquement et qui entendent remédier à cette situation ; il est porteur d‟une revendication politique (John Breuilly ; Paul Brass). Pour les autres, les mobilisations nationalistes sont provoquées par les agents de l‟État eux-mêmes ; elles servent à justifier un pouvoir ou une situation acquise : elles sont un instrument de légitimation politique (Guy Hermet ; Liah Greenfeld). Un second axe peut être tracé entre les théories qui considèrent le nationalisme comme un agent de cristallisation sociale, un moyen de forger ou de renforcer une solidarité active entre les membres de la collectivité – en bref : un facteur de cohésion –, et les théories selon lesquelles il est alternativement un instrument de domination sociale ou politique et une arme utilisée par les dominés à des fins d‟émancipation. C‟est l‟axe « principe de cohésion / principe de domination ». Le croisement de ces deux axes permet de mettre en évidence quatre grandes divisions dans lesquelles trouvent à se ranger toutes les théories sur le nationalisme.
206
Ibidem.
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Ce principe de classement une fois dégagé, nous pouvons nous concentrer plus sûrement sur le second objectif que nous nous sommes fixé et indiquer un principe de combinaison entre les théories. Nous devons alors nous livrer à un examen plus particulier : il ne s‟agit plus de réfléchir aux prémices du nationalisme mais de considérer les formes qu‟il est susceptible d‟adopter. Deux orientations principales peuvent être dégagées. Une première orientation conduit à caractériser un mouvement uniforme. Les auteurs qui retiennent cette idée admettent que plusieurs options peuvent être prises par les nationalistes, mais ils considèrent qu‟elles s‟excluent les unes les autres ; ils estiment qu‟elles peuvent se succéder dans le temps ou se rencontrer simultanément dans des contrées différentes, mais non se combiner au sein d‟une même collectivité. Dans cette optique, les mots d‟ordre nationaliste ne font l‟objet d‟aucun débat ni ne souffrent aucune contestation. Les nationalistes forment un ensemble monolithique : cet ensemble peut adopter différents contours selon l‟époque et l‟endroit considéré ; il n‟est jamais agité de remous internes. Une seconde orientation permet de considérer que plusieurs options coexistent – ou s‟affrontent parfois – au cours d‟une même période et à l‟intérieur d‟une même collectivité. Les tenants de cette pensée estiment que le passage d‟une forme de mobilisation à une autre résulte d‟évolutions et de redéploiements complexes plutôt qu‟il ne s‟effectue de façon brutale et linéaire. De leur point de vue, les nationalistes n‟empruntent pas tous les mêmes parcours ; ils ne sont pas nécessairement mus par les mêmes logiques ; ils ne forment pas un bloc compact mais un ensemble composite, traversé de tensions permanentes. La combinaison est possible uniquement entre les théories qui reconnaissent aux mobilisations nationalistes une certaine plasticité : différentes trajectoires sont susceptibles de se croiser ; plusieurs dynamiques peuvent interagir. Les théories qui appréhendent le nationalisme comme un ensemble monolithique doivent être utilisées isolément sous peine d‟incohérence : une fois identifiée la forme du mouvement, aucune espèce de variation ou de mélange n‟est à envisager. L‟approche détaillée et synthétique ci-dessus témoigne de la complexité du phénomène du nationalisme et de la construction des nations modernes. Elle témoigne des particularités historiques de chaque cas et de notre impuissance à créer un modèle unique concernant la construction des nations diverses et qui peut englober les cas. Un paramètre aussi remarquable de la notion de nation est celui de sa dimension sociale. Plus précisément, alors que Jules Michelet (écrivain, historien, 1798-1874) a consacré une grande partie de ses efforts à construire une définition de la nation suffisamment élaborée pour pouvoir être opposée à la conception allemande, sa réflexion est également - 102 -
fortement marquée par les luttes politiques que connaît la France sous la monarchie de Juillet. Dans une démarche qui évolue en sens inverse de celle d‟Augustin Thierry, la conception unanimiste de la nation est progressivement relativisée par l‟intérêt de plus en plus grand que Michelet accorde aux couches populaires de la société. Dans Le Peuple, ouvrage fondamental sur ce point, c‟est l‟énergie vitale de ces classes laborieuses qui est considérée comme le ferment de l‟identité nationale et à laquelle il accorde tout son intérêt. Cette tendance s‟explique aussi pour partie par l‟influence allemande, même s‟il n‟y a, chez Michelet, aucune exaltation idéalisée des cultures populaires. Au contraire, ce qu‟il apprécie dans le peuple c‟est son comportement révolutionnaire et les luttes politiques qui jalonnent son histoire. La question de l‟assimilation est posée ici d‟une autre façon que dans son Histoire de France, non plus en termes ethniques ou nationaux, mais en termes sociaux. Loin de condamner l‟industrialisation, comme beaucoup de ses contemporains, Michelet estime à l‟inverse que le développement industriel ne peut que servir l‟idéal révolutionnaire en permettant aux classes populaires d‟accéder à des biens de consommation (il prend l‟exemple des cotonnades) qui leur étaient interdits auparavant. En favorisant ainsi ce qu‟il appelle « l‟égalité visible », la machine devient « un très puissant agent du progrès démocratique ». La question à laquelle J. Michelet tente de répondre n‟est plus de savoir comment les différentes races se sont fondues dans la nation, mais comment il est possible de rester fidèle au peuple dont on est issu tout en acceptant sa nouvelle condition d‟intellectuel. Sa réponse – il faut défendre les intérêts du peuple en parlant pour lui – ouvrira, là aussi, un immense terrain d‟expériences pour les générations suivantes. En parlant à la fois au nom de la France et au nom du peuple, J. Michelet a plus que quiconque contribué à fixer la double sens du mot « peuple » (plebs et populus) qui dorénavant désignera, beaucoup plus encore que dans le passé, à la fois l‟ensemble des habitants d‟un pays pris dans leur unité, et la patrie de cet ensemble situé au bas de l‟échelle sociale (les « classes populaires »). On comprend qu‟étant donné leur richesse foisonnante et leurs ambiguïtés, les analyses de J. Michelet concernant la nation aient pu faire l‟objet, par la suite, des appropriations les plus contradictoires. Les conservateurs retiendront surtout son culte de la nation-personne, ses références aux permanences ethniques et au cadre géographique. Les révolutionnaires seront sensibles à la dimension sociale et progressiste de ses analyses. 207
207
Noiriel, G., Population, immigration et identité en France, XIXe - XXe siècle, Paris, Hachette, 1992, p. 19.
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1.11. Nation et Religion Ici, il nous semble nécessaire de faire une référence particulière à la relation entre religion et nation. En raison de la spécificité grecque dans ce domaine, la référence théorique à la relation entre les deux concepts mentionnés nous aidera à donner une image plus claire et concrète des questions idéologiques grecques. « La nation démocratique se présente comme une communauté de citoyens qui légitime l‟action de l‟État. Comme telle, elle transcende (idéalement, s‟entend) les appartenances communautaires et ses membres ». En d‟autres termes, dans la mesure où le lien de citoyenneté est toujours présupposé par tous les autres, et que l‟État dans lequel la nation se réalise réunit toutes les sphères d‟appartenance auxquelles nous nous soumettons, la cité au sens politique du terme – que la nation réalise – n‟est pas la simple addition des cités auxquelles nous appartenons, la somme des « sphères » d‟influence constitutives de la société civile. En ce sens, la nation moderne postule le dépassement des communautés religieuses présentes dans l‟ensemble qu‟elle constitue. Ce dépassement peut lui-même se matérialiser de façons très diverses comme la privatisation radicale de l‟adhésion religieuse des individus selon le modèle français, le modèle anglais à procédure d‟homogénéisation ou le modèle scandinave avec une religion établie. De toute façon, la nécessité de transcender les liens communautaires est la condition même de la citoyenneté, au sens moderne du terme. Cependant, et dans le même temps, la nation postule aussi l‟identification communautaire de ses membres, et génère l‟idée d‟une proximité culturelle, ethnique, voire d‟une « communauté de sang » qui différencie définitivement ceux qui y appartiennent de ceux qui n‟y appartiennent pas. Cette dialectique de l‟universalité citoyenne et la singularité ethnicoculturelle n‟est absente ni des conceptions de la nation clairement identifiées comme « volontaristes » « à la française », ni des conceptions « organistes » ou « ethniques » « à l‟allemande ». 208 Or, cette dialectique typique de l‟universalité et de la singularité sous-tend également les grandes religions dites universelles. D‟un côté, celles-ci se disent détentrices d‟un message, qui concerne, théoriquement, l‟humanité entière et chaque homme en particulier. Mais, de l‟autre côté, elles se concrétisent sous la forme de communautés de croyants pour qui être détenteurs du message en question en fait un peuple « élu » en même temps qu‟un peuple à part. Dans le judaïsme, la tension se situe de la façon la plus claire entre la fin des temps qui verra l‟application universelle de la Tora (au sens strict, la Torah de Moïse mais 208
Hervieu-Léger, D., [« Renouveaux » religieux et nationalistes : la double dérégulation], in : P. Birnbaum, Sociologie des nationalismes, Paris, puf, 1997, pp. 172-173.
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ici, au sens large, l‟intégralité des textes juridiques, éthiques et religieux fondant le judaïsme) et le fait que, historiquement, la Tora est le bien exclusif du peuple médiateur qu‟est le peuple juif, que la loi de Noé s‟impose à tous les hommes. Cette tension est évidemment présente dans les débats touchant l‟articulation entre la nation juive et le peuple élu. La dialectique chrétienne du « déjà là » et du « pas encore » qui assure à la fois l‟articulation des rapports de l‟Église (la communauté des croyants) et du royaume (la réalisation ultime et universelle du message – anticipée symboliquement par le miracle de la Pentecôte, où chacun venu des extrémités de la terre entend la prédication dans sa propre langue –) et ceux de l‟Église et du monde, reproduit sur le terrain de l‟histoire – mais en des termes modernes d‟une conversation accessible à tout homme – la tension irréductible entre l‟universalité abstraite du message et l‟affirmation terrestre de la communauté croyante. Pour l‟Islam, le Coran insiste, de façon répétitive, sur le fait que le livre est donné en langue arabe « claire », « sans complications ». Mais tous les livres antérieurs (la Tora, les Psaumes, l‟Evangile), ainsi que le Coran lui-même qui est le livre par excellence, sont inscrits sur « une tablette fidèle » (ou « bien protégée ») : l‟exégèse voit dans cette table la matrice des paroles divines, d‟où sont « descendus » les livres attribués aux différents Prophètes en charge de la conversation des peuples, et qui s‟adressent à eux dans leur langue. La correspondance entre le livre « d‟en haut » et les livres « d‟en bas » constitue, dans le contexte musulman, une articulation essentielle des rapports entre l‟universalité du message et la singularité des communautés croyants.209 En matière de religion, cette tension peut être saisie dans le cadre d‟une approche plus large du processus de construction de la foi de la lignée croyante. Puisque ce processus objectif et subjectif à la fois se développe inséparablement sur le terrain social et dans les registres idéologiques et symboliques, il inscrit d‟une part l‟existence concrète du groupe dans la durée, d‟autre part il témoigne de la stabilisation de la foi dans le temps (sous forme de croyances, de pratiques, de valeurs partagées, de normes de comportement, de coutumes, etc.) et enfin symboliquement de la permanence du groupe sur la scène sociale (à travers l‟ensemble des signes qui marquent qui « y appartient » et qui « n‟y appartient pas »). Il se réalise suivant quatre logiques majeures : 1.
une logique communautaire, où le groupe religieux est délimité socialement et
ses appartenances définies de manière formelle ;
209
Hervieu-Léger, [« Renouveaux »…, op. cit., pp. 173-174.
- 105 -
2.
une logique émotionnelle, qui passe par le sentiment de former un « nous »
autrement dit qui génère le sentiment collectif de l‟appartenance ; 3.
une logique éthique, où les valeurs partagées au sein du groupe sont définies
de telles sortes qu‟elles se transforment en normes de comportement ; 4.
une logique culturelle, où savoirs et savoir-faire constitutifs de la mémoire
historique et mythique du groupe sont réunis. Si l‟on accepte les principes précédents, l‟institution du religieux peut se définir comme le dispositif social, idéologique et symbolique qui assure l‟assimilation de ces quatre logiques (communautaire, émotionnelle, éthique et culturelle) dans le cadre d‟une tradition faisant autorité. Ces logiques fonctionnent en opposition binaire, selon deux axes qui structurent l‟espace religieux particulier à l‟intérieur duquel les processus d‟identification (individuelle et collective) et la lignée opèrent (fig. 1). Figure 1 : Les dimensions de l’identité religieuse N COMMUNAUTAIRE (marqueurs du particulier, du local, du singulier)
O
E
EMOTIONNEL (Conscience affective du « nous »)
CULTUREL (mémoire du groupe, savoirs et savoir-faire)
S ETHIQUE (valeurs universelles, conscience individuelle)
Sur le premier de ces axes (N-S) se joue la tension, déjà soulignée, entre la nature universelle de l‟éthique du message et l‟identité unique de la communauté. Sur le second axe (E-O), se développe le conflit entre la dimension émotionnelle – autrement dit l‟expérience immédiate, sensible et affective de la foi – et la dimension culturelle grâce à laquelle ce caractère prosaïque va s‟insérer dans la continuité d‟une mémoire autorisée, d‟une tradition, qui va le valider, lui donner sa légitimité. La régulation de ces tensions est assurée par
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l‟institution qui les place sous le contrôle d‟un pouvoir, que les traditions religieuses consacrent de diverses manières.210 Ce schéma a été élaboré comme un outil destiné à mettre de l‟ordre dans l‟analyse théorique des différentes dimensions des processus de la transmission religieuse, et il est donc hors de question de le transposer directement dans un autre domaine. Mais la question se pose de savoir s‟il est possible, s‟agissant du processus de construction de l‟identité nationale, de procéder à une décomposition semblable de ses dimensions caractéristiques, et d‟ouvrir, par ce biais, une voie de comparaison possible entre la logique du religieux et celle du national. Cette approche paraît d‟autant plus justifiée que l‟homologie de la tension entre universalité et singularité a déjà été soulignée dans l‟un et l‟autre registre. Dans le registre du national, cette tension fondamentale s‟établit, dans ce cas, entre une vision « subjective » de la nation (« principe spirituel » qu‟E. Renan appelle son « âme » ou encore ce sentiment « mystique » d‟appartenir à un groupe évoqué par E. Durkheim) d‟un côté, et la dimension « objective » de la nation qui se fonde tant sur les caractéristiques propres du groupe humain que sur le territoire concerné (données ethniques, linguistiques, religieuses, géographiques, etc.) et sur les conditions économiques, techniques, culturelles, qui ont permis sa constitution politique. Non seulement ces deux aspects ne sauraient être dissociés, mais c‟est précisément leur combinaison qui permet au fait national de prendre corps. Ainsi l‟ethnie ne fait pas la nation – comme le soulignent E. Renan, M. Mauss et d‟autres –, mais la conscience collective n‟y suffit pas non plus. Et si l‟émergence politique des nations peut s‟expliquer ou être mise en rapport avec des facteurs économiques, techniques, sociaux et culturels entrelacés et concrets, ces nations n‟ont d‟existence que si et quand elles créent, chez les citoyens, un sentiment d‟appartenance et d‟adhésion à un système de valeurs, à des normes et à des aspirations partagées capables de sustenter la volonté commune d‟être ensemble. C‟est dans ce sens qu‟il faut entendre la formule devenue classique de B. Anderson, selon laquelle « Toute nation émerge et s‟affirme en constituant une « communauté imaginée ». Et c‟est l‟État – dans la mesure où il constitue à la fois une entité institutionnelle dans un territoire donné et un « projet politique » – qui régule ce double antagonisme constitutif de l‟identité nationale : celui qui oppose l‟universalité citoyenne et la singularité communautaire d‟une part, et
210
Hervieu-Léger, [« Renouveaux »…, op. cit., pp. 174-176.
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d‟autre part celui qui met en présence l‟objectivité des déterminations « ethniques » et le sentiment commun de l‟appartenance (fig. 2).211 Figure 2 : Les dimensions de l’identité nationale N Affirmation de la singularité
O
E
« Ame », sentiment national
Données objectives Conditions historiques
S Visée universalisante de la citoyenneté
Si la représentation graphique de ces différences dimensions de la construction de l‟identité nationale revêt ici un intérêt non négligeable, c‟est qu‟elle permet de se figurer facilement les dynamiques typiques susceptibles de s‟établir entre religieux et le national : dynamiques de la conjonction ou au contraire dynamiques de l‟opposition : en d‟autres termes la mise en rapport des éléments différents ainsi identifiés aboutit, selon les cas, la convergence ou l‟exclusion mutuelle. Les formes que peuvent prendre ces mises en rapport sont variées et nombreuses, et l‟Histoire regorge d‟exemples qui pourraient illustrer chacune d‟entre elles. La contestation, au nom de l‟universalisme citoyen, des appartenances communautaires religieuses individuelles a déjà été traitée. Mais il existe également une tendance inverse, celle du rejet par l‟autorité religieuse – qui se prévaut de l‟universalité du message (et du poids de l‟institution garante de ce message) – de l‟exclusivisme nationaliste : la condamnation du « nationalisme intégral » de l‟Action française par Rome en 1929 relève, pour partie, de ce cas de figure. Par ailleurs, la confrontation directe des universalismes est susceptible de faire entrer en conflit des identités religieuses et nationales : un bon exemple en est l‟expulsion des congrégations – et particulièrement des jésuites – par la République française (ce à quoi d‟ailleurs, le roi de France avait procédé lui aussi). En règle générale, les rapports entre 211
Hervieu-Léger, [« Renouveaux »…, op. cit., pp. 176-177.
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religion et nation sont marqués par une attraction conflictuelle car, comme le souligne bien E. Hobsbawm, « la religion est un ciment paradoxal pour le protonationalisme et, en fait, pour le nationalisme moderne qui l‟a généralement (au mois dans ses phases de prosélytisme) traitée avec beaucoup de réserve, car elle constituait une force susceptible de défier le monopole de la loyauté que la nation revendique de ses membres ». Toutefois ces mouvements d‟attirance et de rejet sont constamment réversibles. L‟attraction (et l‟instrumentalisation mutuelle) des singularités religieuses et nationales peut également favoriser un redoublement de l‟infirmation identitaire (« polonais et catholique », « irlandais et catholique »), que le caractère « naturel », « évident » de la superposition exacte des deux ensembles est censée légitimer. Les expériences émotionnelles du « nous religieux » et du « nous national » que l‟on retrouve dans les variantes des « Te Deum de la victoire » se renforcent dans un certain nombre de cas les unes les autres. Mais elles s‟opposent également parfois et se dressent les unes contre les autres : le « nous catholique et français » trouvait un appui dans les pèlerinages mariaux inaugurés au siècle dernier en France, ce qui s‟opposait aux fêtes qui célébraient le « nous républicain et français », qui fondait sa légitimité – avec ses rites, ses mythes, ses héros, ses processions et ses temples – comme un « catholicisme sans christianisme » pour reprendre l‟expression du sociologue britannique David Martin. Ce n‟est pas ici le lieu d‟établir le catalogue des situations historiques correspondant aux différentes configurations possibles à partir du croisement de ces deux schémas. On peut toutefois remarquer, au niveau le plus général, que la manifestation de l‟un ou l‟autre de ces types, dans des conditions historiques données, révèle la nature de l‟équilibrage qui intervient dans chacun de ces deux registres. La forme que prend cette régulation dépend des liens historiques, politiques, juridiques, tissés entre les dispositifs institutionnels – l‟État d‟une part, les institutions religieuses d‟autre part – qui en sont responsables.212 La caractéristique majeure de la modernité religieuse est d‟avoir osé l‟affirmation (individuelle et communautaire) que l‟autonomie des sujets croyants peut prendre le pas sur l‟autorité fondée sur des lois multiples et contradictoires de la tradition institutionnellement validée. D‟abondants travaux empiriques menés depuis une dizaine d‟années dans les sociétés d‟Europe occidentale et d‟Amérique du nord offrent leur appui à l‟étude des « bricolages » croyants et des nouvelles formes de sociabilité religieuse qui résultent de ce que croire est devenu un acte individué, subjectif, et ce de plus en plus en raison de la sécularisation. À ce phénomène s‟ajoute-le fait que les dispositifs institutionnels qui régulaient la foi perdent toute
212
Hervieu-Léger, [« Renouveaux »…, op. cit., pp. 177-179.
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consistance et par voie de conséquence, cela remet en question l‟équilibre toujours fragile qu‟assuraient les pôles – communautaire, éthique, culturel et émotionnel – entre lesquels se définissaient traditionnellement les identités religieuses. Tout se passe dès lors comme si chacun de ces pôles constituait un endroit où s‟annule l‟articulation spécifique de la religion entre le particularisme communautaire et la vocation universelle du message d‟une part, entre l‟expérience émotionnelle du croire et la référence à la permanence de la tradition d‟autre part. L‟effacement (au moins relatif) du poids de la tradition régulée par l‟institution religieuse n‟entraîne pas seulement l‟expression de la subjectivité religieuse de croyants « libérés » de la croyance à un code global dont ils n‟ont pas élaboré eux-mêmes la définition. Il implique en même temps la dissociation des éléments que comporte le dispositif de production des identités religieuses associé à cette tradition. Chacun des pôles ainsi décontextualisé du réseau qui le mettait sous la dépendance de tous les autres peut devenir le principe exclusif d‟une autoconstruction identitaire. Cette construction perd, en raison de cette exclusivité, ses capacités purement religieuses de s‟intégrer à une lignée croyante. Voyons ce qui se passe, par exemple, sur l‟axe qui associe le pôle communautaire et le pôle éthique des identifications religieuses : la survalorisation identitaire d‟un groupe unique lui donne un caractère fermé qui rend caduque l‟opposition entre le particulier et l‟universel avec la prédominance du premier sur le second. . Mais, en sens inverse, la dilution du « corps de croire » que le groupe religieux accepte dans un système de valeurs universel détermine une identité toute semblable à celle qui découle de l‟appartenance à la communauté humaine et interdite qu‟une lignée croyante particulière puisse se présenter comme garante unique de la pérennité de ces valeurs. Sur l‟axe qui lie la dimension émotionnelle et la dimension culturelle des identités, la dissociation produit le même effet d‟abolition de la spécificité proprement religieuse qui résulte de l‟association entre le sentiment affectif du « nous » qui faisons « l‟expérience du sacré » et l‟inscription dans une mémoire collective qui transforme cette expérience « chaude » en anamnèse du temps fondateur de la lignée croyante. Du côté émotionnel, il reste la possibilité qui s‟exprime en croire sans tradition, vécu dans l‟immédiateté de la fusion communautaire ; du côté culturel, la mémoire collective perd son caractère actif et se constitue comme un patrimoine de souvenirs que ne mobilise plus un croire commun ; elle n‟est plus qu‟une tradition sans croire. Cette description des modalités possibles de « sortie de la religion » qu‟induit la dissociation des différentes dimensions de l‟identification religieuse, en l‟absence d‟une régulation institutionnelle des relations entre elles, a un caractère évidement abstrait. Dans la - 110 -
réalité des processus observables, les choses sont en fait beaucoup plus complexes, à la fois parce que l‟évidement du dispositif régulateur est rarement total, et parce que la fixation des processus d‟identification en un pôle donné n‟a qu‟exceptionnellement un caractère exclusif. On observe en fait que chaque pôle, rendu relativement autonome par rapport à une quelconque centralité organisatrice, peut devenir lui-même le pivot d‟une réorganisation du lien socioreligieux, en réintégrant, à partir de la dynamique qui lui est propre, une partie au moins de logiques d‟identification à la lignée croyante présente dans chacun des autres registres. L‟instrumentalisation de la thématique nationale à l‟intérieur d‟une identification religieuse construite de façon principale à partir du pôle communautaire, et combinée avec une valorisation « patrimoniale » de la culture religieuse nationale est précisément l‟une des figures de ces recompositions possibles. Elle trouve couramment un renforcement émotionnel puissant dans la mobilisation conjointe du sentiment religieux du nous et du sentiment national du nous, que permet, entre autres, une sociabilité festive organisée autour des « moments forts » et des « hauts lieux » qui appartiennent inséparablement à l‟histoire religieuse et à l‟histoire nationale du pays concerné. L‟Église s‟efforce, autant qu‟elle le peut, de garder le contrôle de ces phénomènes, en rappelant la priorité des valeurs qui doivent guider les fidèles impliqués dans ces célébrations : l‟attention privilégiée manifestée par le pape à Tours pour « les blessés de la vie » et son insistance sur la nécessité d‟inventer, contre l‟exclusion, de « nouvelles formes de solidarité » s‟inscrivent très exactement dans cette logique. L‟Église s‟emploie, autrement dit, à compenser sur le terrain de l‟universalisme éthique dont elle se réclame la logique d‟affirmation identitaire qui favorise la jonction risquée de la référence religieuse et de la référence nationaliste. Mais la possibilité – déjà attestée – que de tels projets émergent et trouvent une audience dans l‟opinion n‟est pas seulement liée à l‟avancée du processus de modernisation religieuse et à l‟affaissement de l‟autorité institutionnelle qui lui correspond. Elle est inséparablement liée à la dérégulation politique des processus de l‟identification nationale. Cette dérégulation procède à la fois de l‟évidement « externe » de la notion même de nation – du fait de la mondialisation et de l‟intégration continentale – et de l‟évidement « interne » du projet politique incarné dans les institutions et l‟idéal républicain. Il n‟est pas nécessaire de détailler ici les différents aspects de cette crise de la régulation républicaine de l‟identification nationale, qui se déploie jusque dans la manière de rendre un hommage public solennel aux figures qui incarnent le « principe spirituel » de la nation ou dans celle de commémorer le bicentenaire de l‟événement fondateur de la Révolution française. On peut cependant suggérer que le cœur de cette crise se situe probablement dans l‟effondrement de - 111 -
l‟institution scolaire, effondrement qui, en pulvérisant définitivement le mythe de l‟égalité par l‟école, détruit en même temps le dispositif idéologique et symbolique (l‟utopie) par lequel l‟universalité des valeurs citoyennes était supposée devenir le bien partagé de la communauté et qui faisait se rejoindre – dans l‟activité pédagogique elle-même – l‟objectivité d‟une histoire et le sentiment collectif du « nous » en favorisant la disjonction des différentes dimensions constitutives de l‟identité nationale, la crise de l‟utopie régulatrice républicaine ouvre la possibilité que se développent – par combinaison partielle des éléments ainsi libérés –
des
configurations
identitaires
« dérégulées »,
dont
l‟exclusivisme
nationaliste,
protectionniste et xénophobe constitue, en période d‟incertitude économique, sociale et politique aiguë, la forme évidemment la plus menaçante. Ces phénomènes de dérégulation institutionnelle de la formation des identités religieuses et nationales ne sont pas les effets d‟une déstabilisation conjoncturelle, qui serait elle-même liée à une crise économique profonde certes, mais inévitablement transitoire. Ils constituent une dimension structurelle d‟une modernité qui démultiplie, en même temps qu‟elle produise la décomposition des identités communautaires, le besoin d‟identification identitaire confrontée, de façon toujours plus accélérée, à l‟ « impératif du changement ». La « disponibilité » qui caractérise le stock symbolique inépuisable que les traditions religieuses et nationales offrent à ces identifications est la clé des branchements multiples qui peuvent aujourd‟hui s‟opérer (avec des effets sociaux divers) entre les unes et les autres. 213 Après cette périodisation idéologique sur la notion de nation et ses différentes expressions historiques, nous avons abouti à une composition actuelle de ces notions, composition qui constitue un mélange des deux dimensions différentes évoquées ci-dessus (révolutionnaire et romantique). Selon A.D. Smith, le caractère politique de la « nation occidentale » et la particularité de la « nation romantique » ont convergé et les deux dimensions ont créé une nouvelle notion de nation qui englobe les caractéristiques principales des deux précédentes. D‟une part elle est fondée sur le citoyen et le sol et d‟autre part sur l‟origine - généalogie. Par conséquent, les caractéristiques fondamentales de l‟identité nationale, qui acceptent les deux perceptions, sont :
213
1.
un sol – endroit historique – la patrie
2.
des mythes communs et des mémoires historiques
Hervieu-Léger, [« Renouveaux »…, op. cit., pp. 179- 185.
- 112 -
3.
une culture publique, de masse et commune
4.
des droits et des devoirs juridiques communs pour tous les membres
5.
une économie commune et un déplacement libre à l‟intérieur du territoire
national.
214
En résumé et malgré les différences, les contradictions et les particularités diverses, les mêmes termes recouvrent souvent des idéologies différentes : ainsi, on en arrive toujours à faire une distinction entre la nation selon l‟idéologie « française » (ou « italienne » ou « américaine ») et la nation selon l‟idéologie « allemande » : dans le même esprit on a pu opposer la « nation occidentale » à la « nation orientale », la nation civique au Volk, l‟ « Étatnation » (Staatnation) à « la nation culturelle » (Kulturnation), le peuple des citoyens au peuple des ancêtres, la volonté politique à la nation organique, la nation élective à la nation ethnique, la nation-contrat à la nation-génie, le civisme au populisme, l‟individu à la nation comme individu collectif, la pensée des Lumières au Romantisme ou le holisme à l‟individualisme. Le nationalisme occidental est politique, préoccupé de la libération de l‟individu, cosmopolite dans ses intentions, affirmant la pluralité des valeurs sous celle, suprême, de la liberté de pensée et d‟expression, ayant ses racines dans une société évoluée, vivant sous une loi librement acceptée (du moins en principe) ; en revanche, le nationalisme de l‟Est de l‟Europe est l‟expression d‟un sentiment d‟infériorité de groupes se constituant dans le mythe d‟une valeur naturelle, dans une préhistoire idéalisante, dans une conscience de soi qui ne comporte que des droits (toujours méconnus par les autres), dans une idéologie qui n‟est pas destinée à justifier une réalité mais à transformer celle devant laquelle ils se trouvent.215
214 215
Smith, Identité nationale…, op. cit., p. 30. Schnapper, D., La communauté des citoyens, Paris, Gallimard, 1994, pp. 163-164.
- 113 -
Attitude 2.1.
Définition de l’attitude
Alors que nous avons défini la notion de la représentation sociale de manière détaillée plus haute, Serge Moscovici définit dans son ouvrage 216 cité plus haut, les représentations sociales comme une organisation psychologique, une forme de la connaissance qui appartient précisément à notre société et qui ne peut pas être remonté à une autre société. Mais en même temps, il soutient que les représentations sociales sont imbriquées dans d‟autres notions psychosociologiques, celles de l‟attitude, de l‟opinion et du stéréotype. 217 Mais, finalement il a abouti à la conclusion que la représentation sociale est un terme plus large, complexe et varié par rapport aux trois notions mentionnées – opinion, attitude, stéréotype –. Bien sûr, il n‟a pas séparé totalement les quatre notions, mais il les a liées en soutenant que l‟attitude, de même que l‟opinion et le stéréotype, sont une partie de la représentation sociale et plus précisément la partie qui est en relation avec la naissance du comportement. Précisément, il a défini l‟attitude comme une organisation psychologique qui dispose d‟une direction positive ou négative par rapport à un objet, direction qui se manifeste soit par un comportement global, soit par une série des réactions, dont la signification est commune. Pour S. Moscovici, l‟attitude n‟est pas une série des réponses et des opinions particulières et hétéronomes, mais un aménagement classifié de l‟ensemble des opinions et des réponses. Le comportement n‟est pas direct et l‟aboutissement n‟est pas nécessaire. La création d‟une attitude correspond à la création d‟une relation avec un objet socialement applicable. La réaction qui peut suivre est seulement possible. 218 Par conséquent, l‟attitude constitue une forme de représentation sociale qui concerne le comportement et la réaction d‟un être humain par rapport à un stimulant. Pour cette raison l‟attitude a un caractère régulateur et un résultat sélectif à l‟ensemble des comportements du sujet. Ensuite, en voulant enrichir nos connaissances sur la notion d‟attitude, nous présentons une définition plus précise et une série d‟autres caractéristiques de la notion mentionnée. Notre but est de donner une image large et synthétique de la notion de l‟attitude, en effet nous trouverons peut-être ensuite certaines des attitudes mentionnées dans la population de notre recherche. 216
Moscovici, S., La psychanalyse : son image et son public, Paris, puf, 1961, p. 48. Ibidem. 218 Moscovici, La psychanalyse…, op. cit., p. 527. 217
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Selon Jean Maisonneuve : « L‟attitude désigne la manière dont une personne se situe par rapport à des valeurs. Elle consiste en une position plus ou moins cristallisée d‟un agent (personne, groupe) envers un objet (personne, groupe, situations, valeurs). Elle s‟exprime plus ou moins ouvertement à travers divers indicateurs (paroles, ton, gestes, actes..). Elle exerce une fonction cognitive, affective, régulatrice sur les conduites qu‟elle sous-tend »219. Toutes les définitions insistent sur un point : l‟attitude implique un état dans lequel l‟individu est prêt à répondre d‟une certaine manière à une certaine stimulation. Pour Gordon Allport (“Personality: a psychological interpretation”, New York, Holt, p.580), l‟attitude: « C‟est un état mental et neurophysiologique constitué par l‟expérience ; qui exprime une influence dynamique sur l‟individu ; le préparant à réagir d‟une manière particulière à un certain nombre d‟objets et de situations ».220
2.2. Approches typologiques des attitudes Mais, outre à la définition générale ci-dessus, nous pouvons faire référence aux certaines typologies détaillés des attitudes qui concernent notre étude. Ces sont : 2.2.1. Typologie fonctionnaliste : Robert K. Merton (« Social Theory and Social Structure », Glencoe, The Free Fress, 1965) a proposé une typologie fonctionnaliste qui approche les attitudes des individus par rapport à la classe sociale. Il parle des attitudes psychosociales c‟est-à-dire des comportements que l‟individu adopte par rapport aux structures, aux attentes ou aux pressions de son entourage social. R. Merton définit cinq types d‟adaptation : engagement, typolatrie (fonctionnarisme), retrait (ou escapade), innovation et révolte. Si les attitudes des individus sont cohérentes ou non par rapport aux cibles et aux normes culturelles de la société, elles se distinguent entre positives et négatives. Plus précisément : i.
quand une société est stable, l’engagement des individus est plus répandu que
les attitudes discursives. Il y a un comportement moyen des individus selon les normes culturelles établies. ii.
Un formaliste rejette toute ambition et toute avancée sociale. Un formaliste est
rivé aux normes habituelles, à la rutine quotidienne et en raison de sa peur il oblitère toutes ses attentes. 219 220
Maisonneuve, J., Introduction à la Psychosociologie, Paris, puf, 1977, p. 196. Grawitz, M., Les méthodes de Sciences sociales, Paris, Dallon, 2001 p. 503.
- 115 -
iii.
L‟attitude du retrait (ou escapade) est la plus rare d‟un point de vue
sociologique. L‟individu est « étranger » dans la société et il n‟accepte ni cibles, ni normes de la société. Un modèle de ce type d‟individu est Charlot. Charlot correspond au type de l‟individu qui est partagé entre la peur de l‟oppression de la société technologique actuelle et de la désespérance de rester hors d‟elle. Charlot met en avance un modèle d‟attitude concernant la société moderne qui soutient que le rejet des ambitions est un choix conscient et non un échec personnel. Selon R. Merton l‟attitude du retrait caractérise surtout les individus et pas les groupes. Bien sûr, historiquement, il existe certains groupes qui partagent la même sous-culture : un bon exemple est celui du mouvement Hippy des années 60, mouvement qui a contesté l‟ordre social de l‟époque. iv.
En ce qui concerne les attitudes de changement, elles sont liées à l‟innovation
et à la révolte. La première concerne l‟infraction aux règles de la société mais dans certaines limites. Cette attitude se trouve dans le cas où la réussite de l‟individu est caractérisée comme « changement » et son échec comme « disgrâce ». En ce qui concerne l‟attitude du révolté (par exemple, L’Homme révolté d‟Albert Camus – philosophe et écrivain français –), elle présuppose que les individus contestent les cibles et les moyens de la société dans laquelle ils vivent. Cette contestation peut évoluer vers un mouvement collectif qui se réclame d‟une structure sociale dans laquelle existera une correspondance entre les idéaux et les pratiques. R. Merton distingue l‟individu révolté et l‟individu « fielleux » qui se caractérise par un amalgame de haine, de peur et d‟incapacité et qui ne poursuit pas un changement de valeurs. 221
2.2.2. Valeurs gonotypiques : Certains sociopsychologues proposent certains types de personnalité qui sont caractérisés par un grand nombre d‟attitudes singulières (phénotypes). Ces attitudes des individus sont le résultat surtout de facteurs endogènes et ensuite de l‟environnement social. Ces attitudes spécifiques sont organisées en relation avec certaines « valeurs fondamentales » et « objets focaux ». Ces psychologues proposent six gonotypes reclassés qui correspondent à six directions possibles :
221
i.
Théoritique : l‟individu qui est orienté par la recherche de la vérité.
ii.
Pratique (ou économique): l‟individu qui veut l‟utilité, l‟efficacité.
Maisonneuve, Introduction…, op. cit., pp. 117-121.
- 116 -
iii.
Politique : l‟individu qui cherche le pouvoir, l‟influence. Il est ambitieux dans
tous les domaines. iv.
Sensible : l‟individu qui s‟intéresse à la beauté et l‟harmonie.
v.
Social : l‟individu qui s‟intéresse à la progression, à la philanthropie et au sens
de l‟être humain. vi.
Religieux : l‟individu qui s‟intéresse à l‟unité de l‟expérience et aux valeurs
mystiques et universelles.222
2.2.3. Typologies concernant les attitudes relationnelles : Selon les recherches du psychologue Carl Rogers existe une taxinomie des attitudes selon l‟influence qu‟exerce un individu sur l‟autre. Très sommairement, cette taxinomie se présente comme suit : i.
Les attitudes de pression : chacun veut imposer une influence directe ou
indirecte sur les autres. Cette attitude est « despotique » si l‟individu agit proprement compulsivement : elle est « paternaliste » si l‟individu veut s‟imposer et en même temps être aimé; elle est « manipulatrice » quand l‟individu veut diriger l‟autre à son insu et qu‟il oscille entre intimidation et séduction. ii.
L’attitude de contact : chacun cherche à être avec un autre. Selon les
circonstances, cette attitude a parfois un caractère d‟aide qui vise à permettre au coprotagoniste de clarifier ses problèmes et de s‟autoidentifier. iii.
Les attitudes des apostasies : ces attitudes ont deux aspects : - Observation : un aspect neutre, curieux, un regard d‟acier. - Permission : dans la situation initiale il existait un pouvoir potentiel qui a été
rejeté. iv.
Les attitudes d’agression : cette notion englobe une vaste gamme de
circonstances. Les conflits ont un caractère caractérologique (incompatibilité) ou civilisé (antagonisme). 223
2. 3.
Critères spéciaux des attitudes
Les attitudes présentes certaines caractéristiques remarquables : Les attitudes sont acquises et non innées. Bien qu‟il y ait une parente entre les attitudes et les besoins biogènes, en même temps, les attitudes dépassent les besoins biogènes parce qu‟elles se concentrent surtout sur les sujets de la connaissance. 222 223
Maisonneuve, Introduction…, op. cit., pp. 121-122. Maisonneuve, Introduction…, op. cit., pp. 122-123.
- 117 -
Les attitudes sont surtout permanentes mais, en même temps, elles changent à cause des influences extérieures. Bien sûr, on ne saurait pas confondre les attitudes avec les habitudes parce que dans les secondes il n‟y a pas le processus du choix. Une des caractéristiques de l‟attitude est une relation privilégiée entre un sujet et un objet. Par conséquent, l‟attitude est différente de ce que la psychologie appelle « élément du caractère » qui n‟on occasionne aucune vision - évaluation spéciale des situations et des valeurs. Les relations ci-dessus se réalisent par une polarité émotionnelle, c‟est-à-dire « entre les pour et les contre », avec des nuances - colorations variables et amphithymiques.224
2.4.
Fonctions des attitudes
Les attitudes accomplissent les fonctions ci-dessus : 2.4.1. Tout d‟abord une fonction cognitive. L‟attitude se traduit par la direction qu‟elle imprime aux processus d‟estimation et de jugement, de reconnaissance. De cette manière on peut interpréter la sélectivité, la déformation et la stéréotypie. 2.4.2. Ensuite une fonction tonique. Elle est étayée au niveau des motivations et des systèmes de valeurs. Cette fonction comprend différents degrés de vivacité - tension qui influence, par la suite, les comportements qui suivent les attitudes concrètes. 2.4.3. Les attitudes ont aussi une fonction régulatrice (comportementale). L‟attitude constitue la réaction visant à orienter le comportement de l‟individu à travers la diversité des stimulations de son environnement naturel et social. La présentation d‟une attitude à l‟organisme biopsychique transforme les relations entre stimulation et réponse, d‟un déterminisme simple (mécanique) à une interdépendance (influente). 225 Finalement, quelles sont les fonctions, les rôles que l‟on peut assigner aux fêtes nationales scolaires et qui conditionnent l‟attitude des professeurs ? Procède leur attitude de la mise en application de leurs valeurs majeures qui ellesmêmes sont le fruit d‟une réflexion et d‟une évaluation (fonction cognitive) ? Est leur attitude le résultat de leur implication évaluée qui est caractérisée par une tension sentimentale (fonction tonique) ou est-elle le résultat de la réaction envers l‟environnement naturel et social (fonction régulatrice) ?
224 225
Maisonneuve, Introduction…, op. cit., pp. 196-197. Maisonneuve, Introduction…op. cit., pp. 196-200.
- 118 -
Laquelle de ces trois fonctions, joue-t-elle un rôle principal dans l‟attitude des professeurs envers une manifestation qui existe depuis des décennies et qui est caractérisée par une acceptation large, un vaste consensus en raison de leur fréquence et de leur répétition ? Hormis les fonctions ci-dessus nous pouvons faire référence aussi aux autres fonctions essentielles des attitudes qui sont plus ou moins apparentées aux précédentes. Ainsi : 2.4.4. Fonction d’ajustement : l‟individu cherche ce qui lui est agréable et qui le rend meilleur et il est contre ce qui l‟attaque et qui lui est désagréable. Les attitudes sont déterminées par les résultats des expériences réussies, en tant que moyens déjà utilisés comme réponses aux conditions. Les attitudes, de même que les opinions, ne sont pas simplement un processus d‟intégration personnelle mais de positionnement de l‟individu par rapport à l‟opinion des autres. L‟individu ne s‟intéresse pas au groupe auquel il appartient mais il s‟intéresse surtout à celui auquel il voudrait appartenir ou à celui dont il veut s‟affranchir. 2.4.5. Fonction de défense : il s‟agit de mécanismes protecteurs dont l‟individu se munit afin de compenser ses points faibles ou une réalité extérieure qui le menace. Toutefois, il peut soit ignorer soit déformer ces deux réalités. Les attitudes qui procèdent de ce type de réaction sont plutôt le résultat de conflits. 2.4.6. Fonction d’expression : certaines attitudes sont le moyen par lequel l‟individu s‟exprime, il met en avant ses valeurs, il extériorise le type de personnalité qu‟il voudra représenter. Cette image de lui-même est une source de plaisir. Souvent, l‟appartenance d‟un individu à un groupe renforce l‟opinion que l‟individu a de lui-même à travers les idéaux du groupe ou l‟opinion qu‟ont de lui les autres membres du groupe. 2.4.7. Fonction de connaissance ou caractérisation : dans ce niveau, les attitudes préparent le cadre de compréhension du monde. La compréhension du monde signifie que l‟individu accepte une forme d‟organisation stable et en même temps qu‟il puisse analyser et évaluer la réalité sociale. 226
226
Grawitz, Les méthodes…, op. cit., p. 505.
- 119 -
2.5.
L’expression des attitudes : Rôle et statut.
Les attitudes comportent un pôle conduit (comportement), et un pôle caractérisation (l‟objet apparaît ceci ou cela), un pôle individuel, mais aussi un pôle social. Du fait de cette interaction entre l‟individu et le milieu, les attitudes s‟organiseront en fonction de la personnalité de l‟individu, de ses besoins, de ses aspirations, de ce qu‟il sent, de ce qu‟il voudrait être et à défaut paraître, mais aussi de son expérience et de la façon dont le milieu social le perçoit ou l‟accepte. C‟est ici qu‟interviennent les notions de statut et de rôle. 227 Plus précisément nous nous servirons du terme « rôle », pour désigner l‟ensemble des modèles culturels associés à un statut228 donné. Il englobe par conséquent les attitudes, les valeurs et les comportements que la société assigne à une personne et à toutes les personnes qui occupent ce statut. Tout statut est ainsi associé à un rôle donné, mais du point de vue de l‟individu, les deux faits ne sont absolument pas identiques. Ses statuts lui sont assignés sur la base de son âge et de son sexe, de sa naissance ou de son mariage dans une unité familiale donnée, etc. ; mais ses rôles sont appris sur la base de ses statuts actuels ou futurs. En tant qu‟il représente un comportement explicite, le rôle est l‟aspect dynamique du statut : ce que l‟individu doit faire pour valider sa présence dans ce statut. Les rôles associés, aux statuts d‟un même système sont en général assez bien ajustés les uns aux autres pour ne pas produire de conflit tant que l‟individu opère au sein du système. Il est ainsi normal dans toute société que les rôles d‟adulte mâle, de père, de travailleur qualifié, d‟ami, etc., s‟ajustent les uns aux autres, bien qu‟ils relèvent de systèmes différents. Bien entendu, ces ajustements ne résultent pas d‟une organisation consciente et concertée, mais ils sont élaborés à travers l‟expérience de ceux qui ont précisément occupé plusieurs statuts à la fois, et qui ont, moyennant des essais et des erreurs, graduellement éliminé la plupart des conflits possibles.
229
Au niveau des relations dyadiques comme des relations collectives, nous pouvons faire référence aussi a) à l’attente du rôle qui est une sorte d‟anticipation des conduites d‟autrui en fonction des positions respectives et de la situation locale. Ce processus grossièrement régulateur peut parfois fausser l‟ajustement des relations et b) à l’évolution à l’intérieur du rôle qui est en fonction du déroulement des interactions entre les personnes, il peut se produire chez l‟une ou chez les deux (dans un entretien) ou chez plusieurs (dans une
227
Grawitz, Les méthodes…, op.cit., pp. 507-508. Selon Ralph Linton, la place qu‟un individu donné occupe dans un système donné à un moment donné sera nommée son statut (status) par rapport à ce système, in : Linton, R., Le fondement culturel de la personnalité, traduit de l‟américain par Lyotard A., Paris, Dunod, 1999, p. 71 229 Linton, Le fondement culturel…, op. cit., pp. 71-74. 228
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discussion) une transformation de la façon d‟être envers les autres, ou envers la situation ou le problème qu‟on traite ensemble. 230 Enfin, nous pouvons aborder les conflits entre les rôles et surtout les sources de conflit qui tiennent aux conditions socioculturelles. Il s‟agit d‟une absence de convergence ou de précision des prises de positions et des modèles pour les rôles dépendant les uns des autres. Telles que le sont les positions d‟intersection ou frontières :
entre deux cultures : c‟est le cas de l‟homme « magistral » à ne pas confondre
avec le déviant, car il s‟agit d‟un individu qui s‟est trouvé transplanté déjà adulte dans une culture forte très différente de la sienne et à laquelle il n‟est parvenu à s‟adapter que partiellement et superficiellement ;
entre deux classes d‟âge : c‟est le cas de l‟adolescent dans les sociétés dites
développées ; étiré entre les modèles de conduite de l‟enfance et de ceux de l‟âge adulte, sans initiation transitionnelle cohérente, il est souvent l‟objet d‟attentes contradictoires ;231 Et dans le cadre de cette partie théorique nous nous demandons :
le rôle adopté par les professeurs influence-t-il leur attitude concernant les
messages qu‟ils font passer par l‟intermédiaire des fêtes nationales scolaires ?
Leur rôle en tant que professeurs influence-t-il leur attitude concernant la
participation aux fêtes nationales mentionnées ?
les professeurs constituent-ils des « médiateurs interculturels » et des
« organisateurs d‟une vie démocratique » ou reproduisent-ils l‟image d‟une nation glorieuse et particulière qui avance depuis les siècles ?
2.6.
Attitude et personnalité
La partie individuelle et la partie sociale, qu‟est un élément construit, différencient l‟attitude de la personnalité. La personnalité englobe seulement le pole individuel, psychologique et elle existe par elle-même. Quelle que soit la vie de l‟individu, quelle que soit la façon dont l‟individu réagit à l‟expérience, les facteurs, les traits qui composent la personnalité sont des données innées. Au contraire, l‟attitude est construite envers quelque chose et dans l‟expérience. Il suit de là que dans l‟attitude il y a une dimension flexible,
230 231
Maisonneuve, Introduction…, op. cit., p. 78. Maisonneuve, Introduction…, op. cit., pp. 81-82.
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évolutive et implicitement diversifiée mais aussi la probabilité d‟éléments consolidés et stabilisés qui constituent les préjugés et les stéréotypes. 232
2.7.
Attitude et opinion
En ce qui concerne la différence entre l‟attitude et l‟opinion, l‟opinion est isolée, au hasard, alors que l‟attitude est liée des éléments stables chez l‟individu. L‟opinion est exprimée par le langage alors que l‟attitude procède d‟un facteur intrinsèque et simultanément d‟une possibilité d‟expression non seulement par le langage mais aussi avec autres moyens : la gestuelle et le mimétique. Enfin, l‟opinion fait référence à un sujet sur lequel sont formulées des opinions différentes et elle se pose à un niveau plus raisonné. Le professeur H. J. Eysenck propose un modèle pour symboliser la structure des attitudes et des opinions :
au premier niveau se posent les « opinions isolées, accidentelles » qui ne
caractérisent pas du tout l‟individu (un individu soutient actuellement quelle chose et le lendemain il soutient le contraire),
au deuxième niveau, nous trouvons les « opinions relativement constantes »,
« les opinions stables » (un individu chauvin réagit toujours de la même façon quand on critique son pays),
au troisième niveau, nous trouvons les attitudes. Les attitudes constituent un
ensemble d‟éléments liés entre eux et elles constituent une composante importante de la personnalité (comme l‟attitude raciste par exemple) et
au quatrième niveau se pose le type de personnalité qui relève de
l‟interdépendance des attitudes. Un individu qui montre une attitude nationaliste, sera considéré également comme partisan d‟une structure sociale rigide, d‟une famille autoritaire etc. Nous considérons qu‟il est caractérisé par une personnalité despotique. 233
2.8.
Attitudes collectives
Mais selon Ralf Linton, si l‟attitude est une notion que les sciences appliquent aux dispositions des individus pris isolément, en même temps, elle peut s‟appliquer, également, aux modèles sociaux d‟influence très générale. Il présente ainsi la notion d‟attitude collective, en soutenant que d‟un certain point de vue, la sociologie peut être considérée comme l‟étude systématique des attitudes collectives, c‟est-à-dire que la sociologie est la science qui 232 233
Grawitz, Les méthodes…, op. cit., p. 503. Grawitz, Les méthodes…, op. cit., p.502.
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recherche les dispositions des groupes à agir et à penser d‟une manière déterminée. 234 R. Linton reprenant les idées formulées par Gordon Allport dans son livre sur la Personnalité (1937), présente la perception de l‟équivalence des stimuli : « L‟attitude collective se présente, chez l‟individu, comme la possibilité acquise de répondre d‟une façon permanente et identique à des situations perçues comme équivalentes ». 235 Il utilise l‟exemple de la personnalité d‟un « super-patriote ». Chez un « superpatriote » un drapeau rouge, un livre de Marx, un discours pacifiste provoque une sorte de rage, c‟est-à-dire que, bien que les stimuli soient différents, les réponses de gens déterminés sont les mêmes. L‟équivalence de ces stimuli suppose que l‟on fait appel à une disposition qui précisément les rend équivalents face à une attitude. Simultanément, R. Linton distingue les attitudes par rapport aux réponses spécifiques, générées par un petit nombre de stimuli. En poursuivant sa pensée, Linton soutient que les attitudes collectives sont intégrées dans un système de « réponses généralisées », qui passent des habitudes individuelles aux habitudes sociales qui acquièrent un caractère automatique, inconscient et par conséquent se chargent d‟une sorte d‟harmonie naturelle entre divers points de vue des individus. Ces systèmes de réactions généralisées à des schèmes situationnels typiques R. Linton les appelle « systèmes valeurs - attitudes ».236
2.9.
Le système Valeur - Attitude
Mais quelle est la relation entre les valeurs et les attitudes ? Comment se confondent les deux termes et comment l‟un influence et s‟influence par l‟autre ? Pour R. Linton les termes des valeurs (values) et des attitudes (attitudes) sont empruntés aux sciences sociales. La valeur se définit : « Comme un élément commun à plusieurs situations et qui peut provoquer chez l‟individu une réponse implicite ; et l‟attitude comme la réponse provoquée par cet élément. Valeur et attitude prise ensemble forment une configuration stimulus - réponse que nous appellerons système valeur - attitude ».237 En ce qui concerne le terme « valeur sociale », il est un concept sociologique qui décrit les convictions et les croyances d‟une société ou d‟un individu. Les valeurs sociales, qui sont varies et subjectives selon les cultures, constituent un ensemble cohérent hiérarchisé et s‟organisent dans un système de valeurs. Elles représentent des manières d‟être et d‟agir 234
Filloux, J.C., « Préface », in : Linton, Le fondement culturel…, op.cit., p. 32. Filloux, « Préface »…, op. cit., p. 33. 236 Filloux, « Préface »…, op. cit., p. 32. 237 Linton, Le fondement culturel…, op. cit., p. 100. 235
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qu‟une collectivité ou qu‟une personne reconnaît comme idéales et qui rendent désirables et estimables les êtres ou les conduites auxquelles elles sont attribuées. Les valeurs sociales sont donc appelées à orienter l‟action des individus dans une société, en fixant des buts, des idéaux, c‟est-à-dire en leur donnant des moyens de juger de leurs actes. 238
Ce système peut contribuer à interpréter plusieurs modèles de comportement explicite et les motivations de chacun d‟eux. Un système valeur - attitude, par exemple concernant la peur, peut amener le même individu à rester passif devant une situation et à intervenir dans une autre. Les systèmes valeur - attitude ont aussi une importance affective tout à fait considérable. S‟il y a une contradiction entre le système des valeurs d‟un individu et son comportement, cette situation suscite des réponses de peur, de colère ou tout au moins de réprobation ; et cela, que le comportement soit le sien propre ou celui d‟autrui. Quand, par exemple, l‟acte d‟un individu vient en opposition avec l‟un de ses systèmes valeurs - attitudes déjà constitués, l‟individu ressent un trouble affectif considérable aussi bien avant d‟agir qu‟après. Souvent, bien que l‟individu soit assuré que son acte contrarié n‟entraînera aucun châtiment, cet acte pourtant continue de provoquer un trouble affectif. Quand le même acte est répété, on observe une diminution des sensations désagréables, mais, en même temps, ces sensations referont surface dès que réapparaîtra une situation nouvelle opposée au système valeurs - attitudes. De la même façon, nous observons des réponses et des troubles affectifs quand les actes des autres entrent en conflit avec notre système valeurs - attitudes bien que ces actes ne soient porteurs d‟aucune sorte de menace. 239 Très souvent les individus sont obligés de s‟adapter à la vie d‟une société et d‟une culture étrangère. Mais en même temps, dans tout groupe, on observe préjugés, croyances, idéologies, etc., qui sont les produits de leurs significations et de leurs valeurs. Souvent, les membres d‟un groupe réagissent d‟une façon très agressive quand l‟acte des autres est en dehors de leur système valeurs - attitudes et en opposition avec eux. Lorsque, par exemple, les Américains se trouvent dans les pays latins, certaines coutumes locales qui ne concordent pas avec leurs valeurs de réserve ou d‟hygiène provoquent chez eux une réaction violente. Ils réagissent, par exemple, quand la culture locale accepte et maintient la cruauté envers les animaux et les volailles vivantes.240
238
Fourquet, F. L’argent, la puissance, l’amour : réflexions sur l’évolution de quelques valeurs occidentales, Paris, éd. Charles Léopold Mayer, FPH, 1993, p. 9. 239 Linton, Le fondement culturel…, op. cit., pp. 100-101. 240 Linton, Le fondement culturel…, op. cit., pp. 100- 102.
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En prenant en compte toute la partie qui concerne l‟attitude collective et la relation entre les valeurs et l‟attitude collective, nous nous posons la question suivante :
Y-a-t-il une attitude collective en ce qui concerne les professeurs de notre
recherche par rapport aux fêtes nationales de l‟école ?
Ou alors les attitudes des professeurs sont-elles caractérisées par une plénitude
des approches et par conséquent les messages qui passent par les fêtes mentionnées sont divers et souvent objets de controverses parmi eux ?
Et pour poursuivre notre problématique : les valeurs collectives qui dominent
notre société influencent-elles l‟attitude collective des professeurs par rapport aux fêtes scolaires où émergent certaines valeurs collectives du groupe social précis et par conséquent l‟attitude des professeurs est influencée par ces valeurs particulières ?
2.10. Les changements des attitudes Connaissant le rôle des attitudes on peut émettre l‟hypothèse qu‟une attitude changera plus facilement, lorsqu‟elle ne remplira plus sa fonction qu‟il est donc utile de connaître. Par exemple, pour rendre inutiles certaines attitudes de défense, on peut imaginer supprimer certaines causes d‟anxiété ou donner des informations répétées sur un sujet précis, pour modifier des cadres de références anciens et périmés, donc agir sur ces attitudes présentes fondées sur des erreurs de jugement ou d‟appréciation. Ce changement sera plus ou moins envisageable, plus ou moins facile à obtenir, selon les individus et surtout suivant les caractéristiques de l‟attitude. Il convient d‟abord de connaître le degré de consistance de l’attitude, autrement dit sa solidité, sa persistance, et ce dans des occasions différentes. Ensuite, la cohérence de l‟attitude, son degré de corrélation avec d‟autres attitudes et la zone, l‟étendue qu‟elle recouvre, c‟est-à-dire sa spécificité ou sa généralisation. Imaginons un individu raciste, il n‟acceptera pas qu‟un Noir habite dans son immeuble, mais lui donnera peut-être volontiers ses souliers à cirer. Enfin, l‟intensité de l‟attitude est un facteur dont il faut tenir compte ; il va souvent de pair avec l‟étendue et la cohérence. Plus une opinion est intense, plus elle tend à recouvrir un grand nombre d‟attributs. On ne peut pas traiter des changements d‟attitude, sans signaler cet élément important de la psychologie sociale que constitue la résistance au changement. Elle renforce toutes les attitudes existantes et l‟élément d‟économie, de refus d‟adaptation à la
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nouveauté, qu‟elles contiennent. 241 2.11. La rigidité des attitudes La résistance au changement est liée à un trait de personnalité : la rigidité, c‟est-à-dire la force de maintien des attitudes. La rigidité permet d‟expliquer la sélectivité des choix. Les individus sont, pour la plupart, aveugles et sourds à ce dont ils n‟ont pas l‟habitude. Ceci explique qu‟ils ne lisent que les journaux les confirmant dans leurs opinions, écoutent seulement ceux qui sont de leur avis, etc. La rigidité rend certaines personnes, non seulement incapables de s‟adapter rapidement, mais encore de tolérer l‟ambiguïté, c‟est-à-dire l‟indécision et le doute. Bien des individus ont un comportement apparemment courageux ou décidé. La vérité c‟est qu‟ils ont peur de poser les problèmes et d‟hésiter sur ce qu‟il faut faire. Ils ont, certes, le courage d‟appliquer les principes qu‟ils ont reçus ou adoptés, mais pas celui de les remettre n‟en cause. Avec ce genre de sujet, la prévision du comportement sera plus facile. On s‟est demandé si de tous les facteurs de modification des attitudes, la réalité ellemême, ne pouvaient être considérée comme le moyen le plus puissant d‟amener un changement, lorsqu‟elle contredisait l‟attitude. Or, l‟expérience prouve que certains individus deviennent même incapables de percevoir la réalité, de rester en communication avec elle. Ils ont des préjugés et des stéréotypes. Leur pensée ne cherche pas plus qu‟à s‟entretenir ellemême. Comme exemple, l‟expérience faite à propos du film « prodémocratique », antiraciste « Don‟t be a sucker » montre que les spectateurs, pour la plupart, ne se rendaient pas compte qu‟un grand nombre des réactions qu‟ils désapprouvaient dans les films étaient justement les leurs. Un exemple plus frappant encore, est celui d‟un groupe d‟Américains qui, ayant cru la fin du monde proche, ont par la suite réinterprété les faits de façon à justifier leur croyance. Leur foi seule avait empêché la fin du monde qui devait survenir. Ce que Leon Festinger (A theory of cognitive dissonance, 1957) appelle une « dissonance », c‟est-à-dire une contradiction entre l‟attitude et la réalité, s‟est ainsi résolu sans changement d‟attitude. Selon L. Festinger, la dissonance cognitive constitue un état pénible pour un être humain, chez qui il existe un besoin de maintenir la plus grande consonance possible. Plus précisément, il définit la dissonance cognitive comme « un état de tension désagréable dû à la 241
Grawitz, Les méthodes…, op.cit., p. 736.
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présence simultanée de deux cognitions (idées, opinions, comportement) psychologiquement inconsistantes ». Cette théorie considère que deux éléments de cognition (perceptions, attitudes propositionnelles ou comportements) sont en rapport ou pas (un lien pertinent les relie ou non). Deux cognitions liées sont soit consonantes (ou cohérentes) soit dissonantes (incohérentes). Elles sont dites consonantes si l‟une entraîne ou supporte l‟autre. À l‟inverse, deux cognitions sont dites dissonantes si l‟une entraîne ou supporte le contraire de l‟autre. Donc si un individu se trouve entretenir des notions dissonantes, il en éprouve un malaise psychologique qui suscite chez lui une tendance à réduire la dissonance et à restaurer la consonance. En outre, l‟individu s‟efforce d‟éviter les situations et les informations susceptibles d‟augmenter la dissonance. 242 Dans quelles circonstances la dissonance survient-elle ? En ce qui concerne notre recherche, parmi un certain nombre de phénomènes, la communication avec les autres est susceptible d‟introduire de nouveaux éléments qui sont dissonants avec ceux du sujet. Considérons un groupe, un ensemble d‟individus ayant en commun certains intérêts et valeurs, et poursuivant un but collectif. Toute information susceptible d‟infirmer les notions relatives à ces éléments est aussi susceptible de mettre les membres du groupe en état de dissonance cognitive. Donc toute divergence d‟opinion entre les membres du groupe au sujet de leurs valeurs, de leurs intérêts, de leur but et des moyens d‟y parvenir, est productrice de dissonance cognitive chez eux.243 Le fait en question peut dépendre de la réalité sociale, c‟est-à-dire du consensus auquel sont parvenus des gens avec qui je m‟associe ou à qui je m‟identifie. Dans ce cas, je peux en modifiant l‟opinion de ceux-ci, modifier la notion correspondante. Supposons que j‟apprenne un fait irréfutable, mais contraire à l‟opinion admise par un groupe auquel j‟appartiens, la contradiction entre le fait que je viens d‟apprendre et les opinions que je partage avec les membres de ce groupe créera de la dissonance cognitive. Pour réduire la dissonance, il me reste à agir sur les opinions de mon groupe, pour les amener à changer en accord avec ce fait nouveau ou bien à quitter ce groupe pour m‟affilier à un groupe dont les opinions sont consonantes avec ce fait irréfutable. 244 Nous pouvons résumer ceci en disant que la possibilité de changement est 242
Poitou, J.P., La dissonance cognitive, Paris, Armand Colin, 1974, p. 11. Poitou, La dissonance…, op. cit., p. 35. 244 Poitou, La dissonance…, op. cit., p. 15. 243
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inversement proportionnelle à la rigidité de l‟attitude et à l‟intensité du besoin qu‟elle satisfait.245 En articulant tant la théorie du changement des attitudes que leur rigidité nous pouvons poser un certain nombre de questions :
peuvent les professeurs de notre recherche changer d‟attitude envers les fêtes
nationales scolaires ou à cause des expériences personnelles, qui sont le résultat des ans, reproduisent-ils un motif traditionnel ?
L‟habitude prise au fil des ans, comme élève et comme professeur, peut-elle
changer ou bien les fêtes mentionnées sont-elles caractérisées par une rigidité forte due à leur récurrence annuelle et leur force sentimentale ?
Peuvent-ils éradiquer toute la culture qu‟ont créé le système éducatif et
l‟entourage social ?
Et finalement, cette rigidité des attitudes envers les fêtes nationales crée-t-elle
des dissonances chez ces professeurs dont la pensée idéologique est loin de l‟historiographie officielle ?
Ou bien y a-t-il des dissonances entre une image modérée que les professeurs
font émerger des fêtes et les convictions vraies et profondes qu‟ils ont pour la nation grecque et son histoire ?
2.12. Les recherches sur les attitudes Les Américains ont été amenés à étudier les changements d‟attitude, du fait des problèmes posés par la guerre, l‟hitlérisme et les préjugés raciaux. Leurs recherches se sont ensuite étendues à bien d‟autres domaines, tels que la modification des attitudes des consommateurs, vis-à-vis de leur travail, etc. De même l‟armée fut aux États-Unis la première à utiliser les tests sur une grande échelle, pour la mesure d‟attitudes, afin de prévoir des comportements de soldats au front, de leur résistance à la propagande au cas où ils seraient prisonniers, de leur réadaptation à la vie civile, etc.246 Le soldat américain : La première étude importante comportant un grand luxe de détails méthodologiques, est la fameuse enquête sur le « soldat américain » dirigée par Samuel A. Stouffer (1990-1960), dans laquelle le volume IV est consacré à la mesure des attitudes.247 245
Grawitz, Les méthodes…, op.cit., p. 736. Grawitz, Les méthodes…, op.cit., p. 737. 247 Ibidem. 246
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L‟avènement de l‟hitlérisme et la vague d‟antisémitisme qu‟il déclencha ont amené les auteurs américains à se demander s‟il n‟y avait pas des individus présentant des caractéristiques fascistes innées, plus ou mois latentes, que des circonstances favorables révéleraient. Quelles étaient les causes et composantes de ces attitudes, quels étaient les liens entre elles ? En découvrant l‟une d‟elles, ne pouvait-on prévoir la probabilité d‟apparition des autres ? C‟est ce qu‟a essayé de faire Theodor W. Adorno, dans sa recherche sur la « personnalité autoritaire ». Brièvement, cette recherche, de par sa limitation aux aspects psychologiques du fascisme jusqu‟à présent largement négligés, ne s‟intéresse pas à la production de la propagande. Elle concentre plutôt son attention sur le consommateur, l‟individu auquel la propagande s‟adresse. De cette manière elle prend en compte non seulement la structure psychologique de l‟individu, mais également la situation objective totale dans laquelle il vit. Elle part du présupposé que les gens en général ont tendance à accepter les programmes politiques et sociaux dont ils croient qu‟ils serviront leurs intérêts économiques. La nature de ces intérêts dépend dans chaque cas de la position de l‟individu dans la société, telle que l‟économie et la sociologie le définissent. Par conséquent, une part importante de la présente recherche a consisté à tenter de découvrir quels modèles de facteurs socio-économiques sont associés à la réceptivité à, et à la résistance contre la propagande antidémocratique. 248 2.13. Conditions et limites de la prévision des attitudes On peut distinguer : a)
D‟une part, la prévision d‟une attitude particulière à partir d‟une autre attitude
particulière ou d‟une attitude plus générale (cas de l‟ethnocentrisme et de l‟antisémitisme) ; par exemple, l‟attitude vis-à-vis des Noirs, attitude particulière de tel individu appartenant à un parti de droite (attitude générale). b)
D‟autre part, la prévision d‟un comportement précis dans une situation
donnée, à partir d‟une attitude connue, par exemple peut-on prévoir comment tel individu raciste, se comportera devant un Noir qui a besoin d‟aide. Il s‟agit pour deux sujets différents, qui expliquent ce que pourraient avoir de contradictoire, d‟une part l‟affirmation que les attitudes sont liées entre elles et d‟autre part, la constatation que l‟on ne peut prévoir avec certitude un comportement réel à partir d‟une 248
Adorno, T.W., Études sur la personnalité autoritaire, traduit de l‟anglais par Frappat H., Paris, Éditions Allia, 2007, pp. 17-18.
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attitude. 2.14. Limites à la prévision Nous pouvons seulement dire que l‟attitude ou l‟opinion, extériorisée dans une situation donnée, est représentative de cet individu dans telle situation. Nous insistons ici sur la tendance regrettable de certains à considérer certaines attitudes comme « réelles » ou « vraies », alors que d‟autres seraient fausses. Du point de vue de l‟observateur, toutes les attitudes sont également réelles et vraies. Qu‟il puisse trouver entre elles des corrélations plus ou moins parfaites, est un problème qui n‟a rien à voir avec la vérité ou la réalité des attitudes. Le comportement ne dépend pas seulement de l‟attitude. Entre celle-ci, dictée par des motifs intérieurs, et le comportement réel, jouent les écrans de la politesse, de la pression sociale, de la peur, etc. Entre une attitude qui tend à donner une certaine réponse à une situation et les éléments extérieurs qui vont atténuer ou corriger cette réponse, nous trouvons des deux côtés des facteurs plus ou moins contraignants. Un adolescent peut avoir vis-à-vis de son père une attitude très hostile, dont la manifestation sera inhibée par la crainte. Malgré ces difficultés, la mesure de l‟intensité, de la cohérence, du degré de force ou d‟organisation de telle attitude, chez tel individu, nous donne-t-elle tout de même plus de chances de prévoir son comportement. De plus, il faut pouvoir mesurer les attitudes pour apprécier leurs changements et évaluer l‟effet des facteurs dont on cherche à connaître l‟influence. 249
3.
Résumé des deux concepts
Pour donner un résumé et la proximité des deux concepts ci-dessus (attitude, identité nationale), nous pouvons dire que tous les deux procèdent de constructions historiques. Tous les deux sont des intériorisations formées par un processus cognitif institutionnel ou non, tous les deux sont caractérisés par une stabilité et une continuité remarquable, tous les deux influencent de manière déterminante les faits et les réactions des individus dans les actes quotidiens et tous les deux peuvent changer par rapport aux influences extérieures et à la marche du temps. Dans le cadre de notre étude, notre intérêt sera centré sur les relations entre les deux concepts. L‟identité nationale, comme une partie principale de l‟identité totale des individus, détermine leur attitude par rapport aux conditions sociales et les changements qui sont réalisés au fil du temps. Dans ce cadre d‟interaction, notre attention se portera essentiellement 249
Grawitz, Les méthodes…, op.cit., p. 739.
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sur les relations entre les attitudes des professeurs concernant les fêtes nationales à l‟école et le contenu de leur identité nation.
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C : La formation historique de l’identité nationale grecque Pour avoir une image plurielle de l‟identité nationale grecque, il faut présenter chronologiquement les événements historiques et les débats idéologiques internes qui ont abouti à sa formation. 250 Cette présentation aspire à contribuer à une présentation progressive des évolutions idéologiques dans les questions grecques. Nous nous attacherons à décrire l‟identité collective des populations qui vivaient sur le territoire grec avant l‟apparition du mouvement nationaliste, à présenter brièvement les Lumières de l‟Occident qui influencent les questions idéologiques grecques, les Lumières néohelléniques et leurs deux plus importants représentants (Rigas, Koraïs) ; par ailleurs, nous procèderons à une coutre présentation du Romantisme, en tant que mouvement qui s‟oppose aux Lumières, les théories sur la nation des trois érudits romantiques (Vico, Herder, Fichte) qui influencent les questions idéologiques grecques, la formation finale de la doctrine hellénochrétienne, l‟expression politique de cette doctrine et les mythes et les légendes qui nourrissent l‟imaginaire national et la splendeur de la Grèce. Le parachèvement de l‟identité nationale des Grecs s‟est effectué en suivant les stades d‟évolution des Byzantins. L‟empire byzantin était un État multiethnique, avec un groupe ethnique dominant, les Grecs, une nationalité dominante, la nationalité grecque. Pendant la période où Byzance s‟étendait sur de nombreux territoires de l‟Asie, en Egypte etc., la Grèce n‟en constituait qu‟une petite partie seulement. Quant à l‟évolution de la conscience nationale des citoyens grecs de Byzance, la première phase était celle pendant laquelle les habitants de la Grèce avaient le sentiment qu‟ils appartenaient à un groupe, à une communauté, on peut dire qu‟ils avaient le sentiment de l‟appartenance à une ethnie. Un deuxième temps sera celui, dira-t-on du développement d‟un sentiment national. Et enfin, la troisième étape aboutit au sentiment de la conscience nationale elle-même.251 Tous les paramètres ci-dessus prouvent la complexité de la formation de l‟identité nationale grecque et elles soulignent implicitement mais clairement aussi son caractère historique. Tous ces courants idéologiques influencent les Grecs en quête de leur identité nationale et historique. L‟historiographie officielle grecque du XIXe siècle, en acceptant la version « romantique » de la Nation, qui met en avant la nation comme entité éternelle,
250
Une approche théorique sur le sujet, in : Svoronos, N., To ειιεληθό έζλνο. Γέλεζε θαη δηακόξθωζε ηνπ λένπ ειιεληζκνύ (La nation grecque. Naissance et formation du nouvel Hellénisme), Athènes, Polis, 2004. 251 Dagkas, A., Le mouvement social dans le Sud-est européen pendant le XXe siècle : questions de classe, questions de culture, Thessalonique, épicentre, 2008, pp. 41-42.
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soutient la thèse de la continuité historique de la nation grecque depuis l‟antiquité jusqu‟à nos jours avec trois périodes successives : l‟Antiquité grecque, l‟époque byzantine, la Grèce contemporaine. Les débats idéologiques du XIXe siècle, qui ont conclu finalement à la formation de la doctrine hellénochrétienne, constituent la base idéologique sur de la société actuelle grecque. Malgré la doctrine hellénochrétienne est contestée par les nouvelles recherches historiques, elle continue d‟influencer les questions idéologiques de la Grèce contemporaine. L‟historiographie romantique officielle nourrit la littérature et l‟idéologie nationaliste d‟aujourd‟hui en reproduisant l‟idéologie de la continuité historique de la nation grecque depuis 4.000 ans. Mais, l‟identité nationale, comme tous les enjeux idéologiques, naît et se manifeste dans un cadre historique précis. L‟identité nationale ne constitue pas une entité stable mais elle reflète toutes les particularités et les contradictions de son époque. Dans les lignes qui suivent nous exposons de manière très analytique ces particularités idéologiques qui ont abouti à la formation de la doctrine hellénochrétienne. Notre but est de lier ce cadre historique concernant la formation de l‟identité nationale grecque avec les fêtes nationales scolaires. Il est également de voir si les événements historiques qui ont joué un rôle considérable dans les questions idéologiques de Grèce sont présentés objectivement dans le cadre des fêtes mentionnées ou au contraire y a-t-il des falsifications, des réticences et des manipulations ? Notre but est de voir si finalement les professeurs de Lettres font passer au travers des fêtes nationales scolaires la « vérité historique » ou s‟ils reproduisent l‟historiographie officielle.
1.
L’identité pré-nationale grecque
1.1.
Le cas grec
Un sujet majeur pour la formation de l‟identité nationale grecque est la continuité historique de la nation grecque depuis l‟antiquité et la conscience historique de cette continuité. Dans l‟imaginaire collectif des Grecs réside l‟illusion historique simpliste que la nation grecque poursuit son chemin depuis des siècles sans discontinuité ni perplexité idéologique, mais au contraire avec une pleine auto-conscience tant de son passé que de sa mission future. Cette approche est-elle fondée sur des bases historiques objectives ou sur un narcissisme collectif fautif ? On va voir aussitôt après : En Europe, avant l‟apparition de la notion de nation moderne et la construction des premiers États-nations, les populations européennes vivaient, dans leur grande majorité, sous
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le pouvoir d‟un seigneur, d‟un roi ou d‟un empereur. Leur identité est tantôt religieuse, tantôt territoriale mais, en tout cas, elles n‟ont pas d‟identité nationale dans le sens actuel. Bien sûr, les situations historiques et les évolutions historiques ne sont pas les mêmes pour toute l‟Europe. Dans les Balkans, par exemple, les conditions sont différentes de celles que l‟ont trouve en Europe occidentale. Une série des recherches historiques montrent bien les particularités des Balkans. En ce qui concerne notre étude et plus précisément la période avant la construction de l‟État grec moderne, il faut signaler que, entre l‟Antiquité grecque et la formation de l‟Hellénisme moderne il y a une période très floue concernant l‟identité collective des populations hellénophones et chrétiennes qui vivaient sur territoire grec. Ernest Gellner 252, par exemple, met en avant le caractère historique de la nation et par conséquent il refuse de concevoir la nation en tant qu‟entité éternelle. Mais quand il fait référence aux Balkans, il met en avant leur particularité géographique. Selon lui, dans les régions montagneuses une forme d‟indépendance des populations locales et des chefs militaires s‟est développée à cause de la faiblesse de l‟administration centrale qui ne pouvait pas les contrôler. Mais, en même temps grâce à l‟autonomie relative des populations des montagnes, une culture (langue, confession, coutumes) a pu se maintenir face aux occupants ottomans. Il y avait là tous les atouts nécessaires à la création de la conscience nationale et à l‟apparition du nationalisme. En conservant une autonomie relative et une culture différente de celle des occupants ottomans, les Chrétiens de l‟Est ont entretenu des contacts avec ceux d‟Occident. Par l‟intermédiaire des colonies grecques d‟Europe centrale et des petites enclaves danubiennes administrées par la Grèce, les populations grecques étaient en contact avec tous les mouvements idéologiques contemporains et surtout ceux des Lumières et du Romantisme qui constituaient les sources de l‟idéologie nationale. Les Lumières, en mettant en avant la liberté et l‟autodétermination des peuples, et le Romantisme, en prônant la différence des civilisations, des langues et des coutumes populaires, ont donné la base idéologique pour l‟apparition et le développement du nationalisme. La conscience prénationale des Chrétiens hellénophones (ils parlent la langue grecque) soumis s‟est peu à peu cristallisée en une conscience nationale, ce qui a conduit aux révolutions d‟Indépendance des Balkans des XVIIIe et XIXe siècle. Mais la conclusion finale de l‟approche historique d‟E. Gellner est que les populations hellénophones et chrétiennes semi-autonomes bien que
252
Gellner, Nationalisme…, op. cit., p. 70.
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constituant une ethnie différente par rapport aux ottomans, ne forment pas une nation et ne sont pas animées par une seule et même conscience nationale. À ce point précis, se pose une question importante pour notre recherche : ces particularités historiques sont-elles présentées par les professeurs durant la réalisation des fêtes nationales scolaires ou bien la nation grecque est-elle mise en avant comme une entité qui existe depuis des siècles en adoptant la version romantique de la nation ? En continuant, l‟historien Paschalis Kitromilidis conteste également le caractère d‟entité éternelle de la nation et critique l‟historiographie romantique officielle. Toutefois, ce dernier soutient l‟existence d‟une conscience pré-nationale partagée essentiellement par certains érudits bien avant l‟apparition et le développement du nationalisme en Europe et dans les Balkans. Pour P. Kitromilidis une première forme de conscience nationale, un « prénationalisme » s‟est développé après 1204 dans l‟Empire byzantin, là où il y avait une homogénéité ethnique relative et surtout dans l‟Empire de Nicée, en Asie Mineure, au Nordouest du pays et à Mystra – despotat de Grèce de sud –. La nouvelle identité avait comme base la langue grecque et la même connexion spirituelle que l‟ancienne civilisation classique. Elle évoluait vers la conscience nationale grecque en même temps que les nations de l‟Europe occidentale. Les érudits byzantins hellénophones, distinguaient les « Romains » de l‟Est de la Grèce des païens « barbares » qui vivaient au Nord et au Sud, par rapport aux chrétiens « barbares » qui vivaient dans l‟Ouest latin mais aussi par rapport aux tribus chrétiennes de la société byzantine qui n‟étaient pas grecques.253 Un exemple caractéristique qui témoigne de ces recherches et confusions idéologiques est de celui de Georgios Gemistos Plithon (1355?-1452). Précisément, G.G. Plithon qui était sous la coupe du mouvement néoplatonicien, insista pour que des réformes politiques et sociales radicales soient engagées selon le modèle des Lois de Platon. Il espérait ainsi sauver l‟Empire. Il rejetait l‟aristotélisme et la philosophie de Thomas d‟Acquin qui prônait l‟idée d‟un État universel chrétien. Selon l‟historien H.G. Bech, G.G. Plithon a été le dernier philosophe byzantin à avoir dépassé la situation confuse et cyclothymique du chrétien et qui, malgré son enthousiasme pour l‟Antiquité et sa conscience coupable, n‟était pas pressé de désavouer le christianisme. Plithon a abandonné le christianisme au nom de la survie de Byzance, parce que la seule garantie du sauvetage se trouvait, pour lui, dans le retour à une
253
Kitromilidis, P., Νενειιεληθόο Γηαθωηηζκόο (Lumières néohelléniques), Athènes, MIET, 1999, p. 24.
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idolâtrie établie philosophiquement. Plithon voulait fonder une religion et il ne réfléchissait pas seulement à la hiérarchie des dieux réhabilités, mais il les exaltait chaleureusement. 254 Ces débats idéologiques internes se sont arrêtés après la chute de Constantinople en 1453, de Mystras en 1460 et de Trébizonde en 1461. Les ouvrages de Plithon ont été brûlés à Constantinople par son ennemi le philosophe Georges Scholarios, premier patriarche établi en 1454. L‟isolement de la société grecque de la Renaissance occidentale, l‟émigration des intellectuels grecs en Occident et une vision sévère du monde orthodoxe ont eu pour résultat la reconstruction d‟un esprit byzantin. La conscience religieuse fut plus forte que les autres fondements nationaux (langue, politique, culture). Les populations hellénophones de l‟Empire ottoman, avant les Lumières néohelléniques, étaient tout d‟abord chrétiennes. 255 Toute cette partie théorique ci-dessus engendre certaines questions concernant notre recherche :
Est-que tous ces débats internes idéologiques influencent l‟image qu‟ont les
Grecs d‟eux-mêmes?
Toutes les particularités historiques de la construction de la nation grecque et
de l‟État grec influencent-elles la manière dont les Grecs et plus précisément les professeurs envisagent leur « moi » ?
Connaissent les professeurs la distinction entre conscience pré-nationale et la
conscience nationale actuelle?
Et finalement, font-ils passer grâce aux fêtes nationales scolaires toutes ces
particularités qui donnent une image plus claire et plus correcte de la nation grecque ou bien transmettent-ils une image d‟Épinal comportant anachronismes et simplifications historiques qui déforment les événements historiques?
1.2.
Le rôle du Patriarcat de Constantinople
Ceci posé, quelles sont les conditions historiques particulières qui ont abouti à la formation d‟une identité religieuse rigide chez les populations hellénophones ? Pourquoi alors que l‟Occident conteste la domination idéologique de la foi, celle-ci règne-t-elle en maître dans l‟espace grec ?
254
Beck, H.G., Η βπδαληηλή ρηιηεηία (Le millénaire byzantin), traduit de l‟allemand par Courtovits D, Athènes, MIET, 1978, p. 421. 255 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 25.
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Pour tenter d‟apporter des réponses aux questions ci-dessus il convient de présenter le rôle du Patriarcat de Constantinople. Cette présentation nous aidera à comprendre le poids et la puissance idéologique de l‟Église orthodoxe grecque actuellement et en même temps les contradictions idéologiques de l‟époque. Mais elle nous permettra surtout de comprendre la présence continue de la confession orthodoxe tant aux « commandes » de l‟éducation en Grèce en général que des fêtes nationales scolaires. Précisément : L‟institution qui jouait le rôle principal dans les affaires idéologiques, politiques et juridiques des Grecs asservis et en même temps elle contribue à la formation d‟une identité religieuse forte était le Patriarcat de Constantinople. Le clergé supérieur de l‟époque avait un rôle très complexe en ce qui concerne l‟identité collective des populations chrétiennes. L‟Église orthodoxe des Balkans a concouru à la continuité de l‟identité collective religieuse sous le pouvoir ottoman, parce qu‟elle a institutionnalisé et sauvegardé la distinction entre les chrétiens-dominés et les musulmans-dominants. Le Patriarcat, en tant qu‟institution de l‟État ottoman qui exerçait les pouvoirs religieux, judiciaire et administratif sur les asservis chrétiens et qui jouissait en même temps d‟un prestige spirituel, est resté une institution Supranationale et non pas un organisme national, à cause de ses principes dogmatiques. L‟opposition active du Patriarche de Constantinople Grégoire V contre la diffusion des Lumières dans l‟éducation grecque et contre le mouvement national grec qui les précédait, prouvent l‟antinomie entre l‟Orthodoxie et le Nationalisme. Pour présenter des exemples caractéristiques qui montrent l‟opposition et la contradiction entre les idées du nationalisme et l‟Église orthodoxe officielle, nous pouvons faire référence aux événements historiques suivants : En recourant aux principes du dogme orthodoxe, Grégoire V a proscrit les réquisitoires démocratiques radicaux de R. Velestinlis et la révolution nationale grecque de 1821. Le libelle polémique à orientation conservatrice Enseignement paternel (1798), attribué au Patriarche de Jérusalem Anthimos XVIIIe (17881808), mais qui a dû être plutôt écrit par Grégoire V, invite les croyants à se soumettre au pouvoir ottoman et les met en garde des conséquences néfastes des idées révolutionnaires sur leurs âmes.256 P. Kitromilidis, en voulant renforcer son argumentation, rappelle que l‟évêque de Hongrovalachie Ignace, en 1815, en réponse à Neofitos Doukas – partisan des Lumières néohelléniques –, qui accusait l‟Église officielle de ne pas participer activement à la diffusion de la langue grecque, a soutenu que les Grecs, les Bulgares, les Valaques, les Albanais, les 256
Kitromilidis, P., « „„Nνεξέο θνηλόηεηεο‟‟ θαη απαξρέο ηνπ εζληθνύ δεηήκαηνο ζηα Βαιθάληα » in : Th. Veremis, Eζληθή ηαπηόηεηα θαη εζληθηζκόο ζηε ζύγρξνλε Διιάδα (« Les communautés imaginaires et les fondements de la question nationale dans les Balkans ». Identité nationale et nationalisme en Grèce Moderne), Athènes, MIET, 1998, pp. 104-108.
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Serbes constituaient des nations, et qu‟ensemble ils formaient la grande communauté des croyants de l‟Église orthodoxe. Pour Ignace la communauté des croyants supplante la communauté de la nation. 257 En août 1872, le patriarche œcuménique avec les patriarches d‟Antioche, d‟Alexandrie et de Jérusalem ainsi que l‟archevêque de Chypre, condamne, au cours du Synode majeur, le « racisme », sous-entendu le nationalisme. 258 Toute cette partie historique montre le rôle majeur et considérable qu‟a joué le Patriarcat de Constantinople dans les affaires politiques et idéologiques des majorités hellénophones. Mais en même temps elle montre aussi l‟hostilité entre l‟Église officielle de l‟époque et l‟idéologie du nationalisme. Et notre question principale est la suivante :
les professeurs qui organisent les fêtes nationales scolaires mettent-ils en avant
toutes ces contradictions, tous ces conflits idéologiques de l‟époque ou passent-ils sous silence ces débats en mettant en avant une coexistence harmonieuse entre l‟Église et le mouvement nationaliste ? Nous n‟oublions pas non plus qu‟actuellement, malgré la domination idéologique de la doctrine hellénochrétienne, il y a un mouvement idéologique qui conteste forcement la contribution positive de l‟Église officielle à la construction de l‟État grec. Bien que ce mouvement reconnaisse la contribution positive du clergé au succès du soulèvement, de la révolution pour l‟Indépendance, pourtant en ce qui concerne la direction de l‟Église officielle il reste très réservé.
2.
Lumières occidentales et Lumières néohelléniques
La présentation des Lumières néohelléniques nous aidera à obtenir une image plus claire des débats internes idéologiques de l‟époque. Mais en même temps leur présentation nous aidera surtout à comprendre les manipulations historiques et idéologiques que pratique l‟historiographie officielle et l‟utilisation de l‟institution de l‟École comme mécanisme qui reproduit (avec les manuels, la décoration, les fêtes nationales etc.) cette historiographie de même que ses réticences et ses incorrections.
2.1.
Lumières occidentales
Avant de parler des Lumières néohelléniques, il nous faut présenter brièvement le noyau idéologique des Lumières en Europe occidentale. 257 258
Kitromilidis, Les communautés imaginaires…, op. cit., pp. 69-70. Kitromilidis, Les communautés imaginaires…, op. cit., pp. 110-112.
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Les débats idéologiques internes propres à l‟Occident ont influencé de manière déterminante les questions idéologiques chez les Grecs. Les idées du siècle des Lumières d‟abord, puis du Romantisme ultérieurement, s‟étendent progressivement au monde grec, à toutes les communautés grecques d‟Europe et aux ports de la Méditerranée. Isaïah Berlin met en avant que la doctrine centrale des Lumières emporte la conviction qu‟il y a une méthode diachronique et universellement valide pour toutes les sociétés humaines et quand les hommes découvrent cette méthode, ils sont en mesure de répondre aux questions fondamentales qui préoccupent l‟Homme depuis le début de la civilisation humaine. La pensée occidentale, de Platon et de ses disciplines, soutient que la vérité est une et indivisible et qu‟elle s‟applique à tous les hommes en tout temps et en tout lieu. On la trouve dans les textes sacrés, dans une sagesse traditionnelle, dans l‟autorité d‟une Église, dans une majorité démocratique, dans l‟observation et l‟expérience menée par des experts ou dans les convictions de gens simples épargnés par la civilisation corruptrice. 259 Pour l‟homme, il faut utiliser les méthodes scientifiques des sciences qui examinent les autres organismes et les phénomènes naturels pour observer, étudier et analyser une société, ses besoins et ses moyens. « Comment distinguer le vrai du faux dans toues les provinces du savoir ; et, surtout, quelle était la vie juste que devraient mener les hommes pour atteindre ces buts qu‟ils avaient toujours poursuivis : la vie, la liberté, la justice, le bonheur, la vertu, le plein développement des facultés humaines de manière harmonieuse et créative »260. Dans ce cadre idéologique, c‟est précisément au cours du XVIIIe siècle, à la suite de ce qu‟il est convenu d‟appeler la « révolution industrielle », qu‟apparaît en Europe une nouvelle idéologie politique, profondément hostile à l‟absolutisme. Cette idéologie est liée au développement socio-économique qui a été insufflé par la montée progressive de la bourgeoisie. Le principe des nationalités « une nation par État, un État par nation » – qui répondait soit à la fusion de petits États appartenant à une même nation, comme c‟était le cas en Italie et en Allemagne, soit à la formation de nouveaux États à partir de nations soumises à une domination étrangère, comme en Grèce et dans d‟autres pays du Sud-est de l‟Europe –, est parfois confondu avec le principe de la souveraineté nationale, voire populaire qui soutient que le régime politique de nouvel État doit être libéral et démocratique. Le siècle des Lumières a mis en avant l‟Indépendance de la race humaine, l‟Intelligence, l‟Antiquité grecque et romaine, l‟Éducation, les langues vivantes et surtout les idiomes nationaux, le
259 260
Berlin, Le bois tordu…, op. cit., p. 64. Berlin, Le bois tordu…, op. cit., p. 62.
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développement des sciences et des expériences, la libre recherche, la connaissance du monde naturel et la tolérance religieuse. 261
2.2.
Lumières néohelléniques
En Occident, tous les débats idéologiques internes ci-dessus mentionnés ont eu une influence sur la Grèce. Selon Constantinos Th. Dimaras, en Grèce, avant la domination idéologique du Romantisme, il y avait le mouvement des Lumières néohelléniques, dont l‟apogée se situe entre 1770 et 1820. L‟influence des Lumières est déterminante pour le monde grec fait de valeurs classiques et classicistes. La société grecque, par le biais des grecs de l‟étranger accueille positivement tous les mouvements classiques. Les Lumières néohelléniques sont un mouvement démocratique et libéral fondé sur les valeurs culturelles et spirituelles des Grecs du siècle des Lumières. Comme tous les mouvements analogues, les Lumières néohelléniques se sont nourries de ressemblances et de divergences par rapport à la moyenne du siècle des Lumières. Le monde grec accepte cette influence des Lumières non préparée idéologiquement et en même temps il est sous l‟emprise orientale. En dépit des problèmes à travers des siècles, la mémoire historique entre l‟Antiquité et le monde grec moderne existe. Pour le XVIIe siècle, on observe une augmentation des livres grecs écrits dans une langue assez simple faisant référence, très souvent, en Grèce antique. 262 C. Th. Dimaras a distingué, dans le mouvement des Lumières néohelléniques, trois phases qui peuvent se résumer de la façon suivante : 1e.
Dans un premier temps, le nom de Voltaire est utilisé comme symbole de la
liberté. Durant cette première phase, l‟Église officielle, qui est animée par un esprit humaniste, joue un rôle essentiel. Les plus éminents représentants de cette période sont Malakasis, Misiodakas et Voulgaris. 2e.
Ensuite, ce mouvement met en avant l‟Encyclopédie française qui regroupe
l‟intégralité de la création intellectuelle d‟Occident. Les Phanariotes – intellectuels grecs vivant au Phanar, quartier qui se trouve au sein du Patriarcat de Constantinople – sont alors au premier plan. Ils sont intégrés dans l‟état-majeur et l‟administration de l‟Empire ottoman. Ce sont des intermédiaires entre l‟Empire ottoman et les pays occidentaux ; ils sont en contact avec les mouvements philosophiques, politiques et artistiques de l‟époque. En tant
261
Manessis, A., 1789 et 1821: en quête de la liberté. La Déclaration Française des Droits de l’homme et du Citoyen: un rayonnement bicentenaire, Athènes, Fondation Marangopoulos pour les droits de l‟homme, Sakkoulas, 1991, p. 17. 262 Dimaras, C.Th., Nενειιεληθόο Γηαθωηηζκόο (Lumières néohelléniques), Athènes, Hermès, 2002, p. 1.
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que princes de Moldavie, ils développent beaucoup d‟activités législatives. Les plus connus d‟entre eux sont Fotiadis, Katartzis, Velestinlis, Fillipidis et Kostadas. 3e.
La troisième période est caractérisée par le mouvement des Idéologues, c‟est-
à-dire, le mouvement des intellectuels, attachés aux principes de la liberté et de l‟égalité et qui réprouvent la violence depuis la Révolution française. Adamantios Koraïs est l‟un des plus éminents représentants de ce mouvement. Il développe une activité multiple et combat pour la « transmission » de l‟éducation occidentale en Grèce. 263 Dans le même ordre d‟idée et en voulant présenter une image plus précise des affaires idéologiques de l‟époque nous exposons certaines œuvres caractéristiques qui témoignent du climat idéologique de l‟époque : Nous évoquerons d‟abord « Russeanglaisfrancais » (1805), œuvre littéraire d‟un anonyme, dénonçant la hiérarchie ecclésiastique et l‟exploitation qu‟elle fait des superstitions du peuple. Il fustige l‟opulence du clergé, il dénonce les conseils prodigués aux croyants et notamment l‟obéissance au Sultan. Selon lui, les Phanariotes exploitent leurs pouvoirs pour servir leurs propres intérêts ; les propriétaires terriens oppriment les populations agricoles et les commerçants sont préoccupés par leurs privilèges. Les grandes nations – Angleterre, Russie, France – protègent leurs propres intérêts et n‟œuvrent pas du tout pour la liberté de la Grèce.264 Vient ensuite la « Nomarchie hellénique ou Discours sur la Liberté » (1806), œuvre littéraire du « Grec Anonyme », qui est consacrée à R. Velestinlis. L‟auteur est influencé par Voltaire et il s‟élève contre l‟Église officielle, contre la foi chrétienne orthodoxe et, contre toute forme de sacrements. Il soutient que les plus grands ennemis des Grecs sont le clergé supérieur et l‟absence de personnes capables qui travailleront pour la liberté de la patrie. Mais son désaccord avec l‟Église est politique et non religieux. 265 C‟est une synthèse sur la liberté démocratique et une critique sociale radicale. L‟auteur est influencé par Aristote, Montesquieu, Beccaria, les idées de la Révolution française, jacobines notamment, et adhère en partie à celles du carbonarisme italien. Cependant, son discours est adapté aux conditions et aux problèmes de la société grecque. On y apprend que le but principal de l‟individu c‟est la recherche de la vérité et du bonheur ; que le doute est le départ de la vérité ; que les hommes sont doués du bon sens par nature. Il déclare en outre que la dépendance réciproque 263
Dimaras, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 10. Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 338. 265 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 356. 264
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crée des tensions sociales et que le pouvoir politique se doit d‟équilibrer ces tensions – idées partagées aussi par Beccaria et Beathman – mais, que dans les faits c‟est loin d‟être le cas. L‟auteur de cet ouvrage s‟insurge contre la monarchie, contre le despotisme et même contre le despotisme « éclairé ». Il soutient que la vie morale de l‟individu se trouve dans l‟union de l‟individu et de la communauté. Il est pour les lois et pour l‟éducation publique. 266 En dernier lieu, on peut faire aussi référence à Christodoulos Pamblekis qui choisit, traduit et critique certains articles de « l‟Encyclopédie » de Diderot et d‟Alembert. Chr. Pamblekis oppose la philosophie à la superstition et il parle des résultats catastrophiques du respect « aveugle » de l‟Antiquité. Il croit à l‟existence d‟un Dieu, qui est pour l‟homme source d‟obligations et d‟espoirs. Dans son œuvre « La Théocratie », Voltaire et Rousseau sont encensés. La corruption et l‟obscurantisme du clergé sont attaqués sévèrement. Le bon sens est présenté comme la base du jugement.267 Cependant, de manière générale, les Lumières néohelléniques ne sont pas antichrétiennes. Elles ne critiquent pas la croyance mais dénoncent la religion en tant que système de convictions et d‟attitudes, et s‟élèvent contre la corruption du clergé. Elles désirent opérer une purification des croyances et de leur utilisation afin que la religion participe activement à l‟effort engagé pour la régénérescence de la Grèce. 268 Les débats idéologiques internes ont influencé, cela va de soi, le contenu de la révolution d‟Indépendance. Selon Aristoboulos Manessis, la révolution nationale grecque : « …était un soulèvement ethnolibérateur. Son objectif primordial et principal était de briser le joug ottoman et de fonder un État grec indépendant. Cela ne veut pas dire toutefois que la Révolution de 1821 fut, sur le plan historique, un événement « unidimensionnel » ou « unisémantique ». Son caractère national en premier lieu n‟efface ni même n‟en atténue les dimensions sociales et politiques (…). La Guerre d‟indépendance de 1821 n‟avait pas seulement pour but la fondation, en quelque sorte in abstracto, d‟un État national grec moderne, sous n‟importe quelle forme et quel régime, mais – et il y en a de nombreuses preuves – celle d‟un État libéral et démocratique, dans le cadre duquel n‟existerait plus l‟oppression sociopolitique liée à la domination turque. L‟imbrication des libertés nationale et politique a été la caractéristique de la Révolution 266
Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 343. Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 368. 268 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 379. 267
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grecque de 1821, comme il en fut de même pour les révolutions qui venaient d‟éclater alors dans d‟autres pays européens : l‟Italie, l‟Espagne, le Portugal et, un peu plus tard, la Belgique »269. On peut aussi citer certains exemples qui témoignent de l‟influence des Lumières dans les affaires idéologiques et politiques du nouvel État grec : un protocole et deux traités qui concernent les populations catholiques et musulmanes durant la construction et l‟agrandissement de l‟État grec. Le troisième protocole de Londres (22.1/2.7.1830), qui fut accepté par l‟État grec et concerne les catholiques chrétiens de Grèce, promulgue l‟égalité religieuse, politique et civile. Le traité de Londres (art.4, 17/29.3.1864), prône aussi l‟égalité religieuse, politique et civile des catholiques chrétiens des îles ioniennes intégrés à l‟État grec, et il fut aussi ratifié par l‟État grec. Le traité de Constantinople (art.8, 20.6/2.7.1881), entre la Grèce et la Turquie qui concerne l‟intégration de la Thessalie – Grèce centrale – et une partie de l‟Épire – Grèce de l‟ouest –, assure la liberté religieuse et l‟autonomie communautaire des musulmans des ces régions. 270 Mais la présentation de cette partie théorique qui concerne les Lumières néohelléniques n‟est pas le fruit du hasard. Notre but est de poser certaines questions concernant la façon dont elles sont présentées dans le cadre des principes idéologiques du système éducatif grec. Plus précisément :
les professeurs présentent-ils par les fêtes nationales scolaires le caractère
démocratique des Lumières néohelléniques ou au contraire cherchent-ils à montrer ce mouvement comme un mouvement tourné exclusivement vers la défense de la liberté des Grecs sans références idéologiques ?
Toutes les références sur la construction d‟un État démocratique avec égalité
devant la loi, avec tolérance religieuse et tolérance envers les minorités de toutes les sortes, sont-elles présentées par les fêtes mentionnées ou sont-elles négligées par les professeurs qui organisent ces fêtes ? 2.2.1. Les représentants des Lumières néohelléniques Pour avoir une image plus complexe des Lumières néohelléniques il faut faire référence à ses représentants principaux. Les plus importants représentants des Lumières 269
Manessis, 1789 et 1821: en quête de la liberté…, op. cit. p. 18. Divani, L., Διιάδα θαη κεηνλόηεηεο. Σν ζύζηεκα ηεο δηεζλνύο πξνζηαζίαο ηεο Κνηλωλίαο ηωλ Eζλώλ (Grèce et minorités. Le système de la protection nationale de la Société des Nations), Athènes, Nefeli, 1999. 270
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néohelléniques sont Rigas Velestinlis - Ferraios (1757-1798) et Adamandios Koraïs (17481833). Les représentants des Lumières néohelléniques dénoncent la situation sociale de la Grèce. Ils commencent par une critique culturelle, puis s‟attaquent aux structures sociales et aux classes dominantes de la société grecque.271 La présentation des positions principales de leurs œuvres nous aidera à comprendre que l‟identité nationale actuelle était et elle continue d‟être un enjeu négociable et que l‟identité nationale actuelle englobe toutes les contradictions, les ambitions, les imaginaires et les intérêts personnels et collectifs d‟une période durant laquelle se construit une nouvelle nation.
Rigas Selon P. Kitromilidis, Rigas Velestinlis était un des précurseurs et martyrs de la libération nationale. R. Velestinlis était porteur du radicalisme des Lumières. Il a été influencé par l‟Encyclopédie française de Diderot et d‟Alembert ainsi que par les idées pédagogiques de J. J. Rousseau. Il suivait aussi la maxime de Albrecht von Haller, « Pense bien qui pense librement ». Il adhère également en partie aux idées de l‟œuvre de Restif de la Bretonne, Contemporaines mêlées. Pour Restif, comme aussi pour R. Velestinlis, il y a une fraternité fondamentale des hommes sans préjugés sociaux et sans différences de classe. Ils acceptent le caractère contradictoire de la vie quotidienne, ils sont centrés sur l‟individu, ils sont contre les privilèges des nobles, pour la réglementation de la prostitution, pour l‟échange du travail et des produits selon les besoins des individus et ils dénoncent l‟emprise de l‟argent. R. Velestinlis lui, était contre l‟obscurantisme et la superstition, contre le despotisme et croyait en une société multinationale fondée sur le respect des droits de l‟homme. Cet État porterait le nom de « République Hellénique » et il aurait comme langue officielle le grec moderne. R. Velestinlis englobe en Grèce, le sud-est de l‟Europe, les îles de la péninsule grecque et l‟Asie Mineure. Dans cette géographie de la Grèce, les noms des lieux anciens et modernes, coexiste et ils montrent la continuité de la nation grecque. 272 R. Velestinlis exclut l‟Église du système du régime de la « République Hellénique ». Il soutient que les distinctions religieuses, linguistiques et les discriminations raciales sont techniques. L‟égalité naturelle et l‟égalité devant la loi (« Il n‟y a pas de grands ni de petits devant la loi » art. 85 du Projet de Constitution) sont plus importantes que les différences culturelles : langue, religion, et origine raciale. Il soutient l‟égalité devant la loi, l‟égalité des sexes, le 271 272
Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 338. Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 288.
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droit de tous les citoyens d‟accéder aux charges de l‟État. Il parle de « peuple souverain – (« peuple empereur ») – ce sont tous les habitants de cet État, sans distinction de religion et de langue (…) » (article 7 du projet de Constitution) 273. En 1797, R. Velestinlis édite la « Nouvelle administration politique » qui est une traduction, tantôt littérale tantôt libre, de la « Déclaration des Droits de l‟homme et du Citoyen ». Elle se compose de trois textes : une Proclamation Révolutionnaire, une Déclaration des Droits de l’homme et un Projet de Constitution. R. Velestinlis s‟inspire de l’Esprit des Lois, de Montesquieu, mais il n‟accepte pas le modèle de la démocratie représentative et les processus parlementaires. L‟article 25 de la Déclaration des droits de l‟homme stipule que : « La souveraineté a son siège chez le peuple ; c‟est-à-dire que seul le peuple peut commander […] pour toutes choses sans entrave aucune » 274. L‟article 21 du Projet de Constitution de R. Velestinlis fait référence : « La nation entière est représentée par l‟ensemble du peuple, qui constitue le fondement de la représentation nationale, et pas seulement par les riches ou les notables, en turc kotziabasis (chef d‟une commune pendant la domination turque) ».275 R. Velestinlis accepte la révolution du peuple contre l‟usurpation du pouvoir. C‟est le principe authentique de la souveraineté populaire qui est ainsi consacré. Selon J. J. Rousseau : « Le souverain n‟étant formé que des particuliers qui le composent n‟a ni ne peut avoir d‟intérêt contraire au leur ; par conséquent la puissance souveraine n‟a nul besoin de garant envers les sujets, parce qu‟il est impossible que le corps veuille nuire à tous ses membres, et nous verrons ci-après qu‟il ne peut nuire à aucun en particulier. Le souverain, par cela seul qu‟il est, est toujours tout ce qu‟il doit être »276. R. Velestinlis adapte néanmoins son projet de régime en Grèce. Il estime que le pouvoir moral du patriotisme démocratique pourrait émousser les antagonismes religieux et nationaux. Le patriotisme démocratique favoriserait, selon lui, la solidarité entre les ethnies différentes et il cultiverait le dévouement à l‟égard des institutions de la nouvelle cité. Au sein de la nation les masses populaires sont traitées de manière égale, la société prenant en charge les chômeurs et les invalides. Il soutient l‟école publique pour tous les enfants. Dans l‟article 22 de la Déclaration des Droits de l‟homme il dit que « Tout individu, sans exception, doit savoir lire et écrire. La Patrie se doit d‟établir des écoles dans tous les villages pour les garçons et pour les filles » 277.
273
Manessis, 1789 et 1821: en quête de la liberté…, op. cit., p. 27. Ibidem. 275 Ibidem. 276 Rousseau, J.J., Du contrat social, livre 1e, chap. VII. 277 Manessis, 1789 et 1821: en quête de la liberté…, op. cit., p. 29. 274
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Koraïs Selon P. Kitromilidis la théorie d‟Adamantios Koraïs 278 constitue un dépassement de l‟idéologie traditionnelle ; elle met en adéquation la nouvelle conscience grecque avec la pensée sociale européenne de l‟époque. La théorie d‟A. Koraïs peut être perçue comme une combinaison des théories d‟Aristote et de Locke. Il accepte aussi l‟opinion de Montesquieu selon qui un régime libéral, et non pas monarchique, pourrait prospérer s‟il adoptait le principe de la modération. Il admire l‟organisation du régime américain et il soutient les idées de Thomas Jefferson. Selon A. Koraïs la nouvelle conscience nationale grecque doit se montrer contre le despotisme, contre les corporations moyenâgeuses et pour la liberté, mais il est moins radical que Rigas. Il croit aux devoirs du citoyen, à l‟obéissance à la loi, à l‟acceptation et à la domination du bon sens. Il prône le rétablissement de la langue mixte (une langue mi-puriste mi-démotique. Explication à donner sur le δήηεκα ηεο γιώζζαο) parce que, pour lui, la langue est un instrument de l‟enseignent moral et de la régénérescence nationale. A. Koraïs accuse notamment le clergé de corruption, bien qu‟il considère la religion comme une source d‟espoir, de consolation et un facteur d‟éducation culturelle et morale des masses populaires.279 Il cherche à instituer la communauté morale d‟une nation « éclairée ». Il encourage la création des écoles et des bibliothèques et fait la promotion des auteurs classiques. Pour lui, l‟éducation classique cultive la moralité démocratique qui compose l‟esprit public, la vertu politique et le dévouement pour le bien commun. La conscience néohellénique doit permettre d‟établir un lien entre les Grecs modernes et les Grecs de l‟Antiquité. A. Koraïs a élaboré sa politique à partir de la lecture des classiques et l‟a adaptée à la société des Lumières. La Grèce antique doit être le modèle de la politique de la Grèce moderne. Influencé par la philosophie des idéologues, A. Koraïs soutient que les phénomènes humains et les formes de la civilisation, la langue et les institutions politiques, sont liés les uns aux autres et qu‟ils dépendent de la structure sociale et de l‟environnement physique. Il ne veut pas reproduire un modèle ancien, mais, pour lui, le siècle des Lumière est un guide pour la morale publique des citoyens. A. Koraïs combine le classicisme politique avec la renaissance néohellénique. La conquête de la liberté exige de la vaillance et de l‟héroïsme mais elle ne peut être préservée que si la justice, la vertu et la prudence sont appliquées. Le bonheur personnel, dans la communauté politique, est associé au souci de la prospérité des autres, c‟est-à-dire le souci de l‟intérêt public et le respect de la loi. Pour A. 278
Une approche détaillée concernant les conséquences des théories du Koraïs aux affaires idéologiques de la Grèce, in : Iliou, F., Ιδενινγηθέο ρξήζεηο ηνπ Κνξαϊζκνύ ζηνλ 20ν αηώλα (Les usages idéologiques du Κνraisme au XXe siècle), Athènes, Bibliorama, 1983. 279 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., p. 416.
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Koraïs, la figure historique particulière des Grecs, constitue une marque supplémentaire de leur autodétermination par rapport au modèle traditionnel des peuples chrétiens. Il adhère à la cité démocratique d‟Aristote. Pour lui, les classes moyennes constituent le pilier de la société et de la patrie. Les lois prévoient l‟égalité des ressources des citoyens et visent à éviter l‟accumulation des richesses aux mains d‟un petit groupe. A. Koraïs soutient aussi que l‟Église de Grèce doit s‟émanciper du contrôle du Patriarcat de Constantinople. 280 La référence aux deux représentants des Lumières néohelléniques engendre les mêmes apories et les mêmes questions que pour les Lumières néohelléniques.
Ces deux représentants sont-ils envisagés par les professeurs qui organisent les
fêtes nationales scolaires comme porteurs des idéaux démocratiques ou comme deux personnalités qui luttent exclusivement pour la liberté des Grecs ?
L‟ensemble des références sur le caractère de nouvel État est-il présenté dans
son intégralité par les professeurs durant la réalisation des fêtes mentionnées ou bien certaines sont-elles passées sous silence ou maquillées ?
Et enfin, les professeurs de notre recherche considèrent-ils nécessaire pour la
formation de l‟identité nationale des élèves la présentation de l‟idéologie des Lumières néohelléniques et de leurs représentants ou s‟en tiennent-ils à un discours traditionnel qui gomme le caractère multidimensionnel de la révolution de l‟Indépendance?
3.
Les débats internes idéologiques et politiques en Grèce du XVIIIe et XIXe siècle
Ceci posé, malgré le mouvement des Lumières néohelléniques et le triomphe des idées classiques durant la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, quelques éléments préromantiques sont intégrés peu à peu par le monde grec. Ces éléments constitueront la base idéologique de la doctrine hellénochrétienne qui influence les questions idéologiques de la société grecque. Le mouvement du Romantisme a influencé considérablement les affaires idéologiques des résistants grecs, mais surtout les Grecs libres. Les influences romantiques se retrouvent dans toutes les expressions de la vie intellectuelle des Grecs et surtout dans la formation de l‟historiographie officielle. La présentation de l‟influence du Romantisme dans les affaires idéologiques des Grecs comme également celle des érudits romantiques qui ont influencé les 280
Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., pp. 381- 427.
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Grecs nous donnera tous les éléments qui expliquent la formation de la doctrine hellénochrétienne et sa dominante idéologique dans les questions d‟éducation en Grèce hier et aujourd‟hui.
3.1.
Romantisme
Quoi qu‟il en soit, les idées des Lumières ont rencontré beaucoup de résistances et beaucoup d‟objections. Selon E. Gellner, le mouvement qui constitue la « réaction » au Rationalisme du siècle des Lumières est le Romantisme. Le Romantisme prône le sentiment et la particularité. Il soutient que l‟humanité n‟est pas composée d‟individus isolés mais de nations-cultures. Dans le concept de nation-culture il faut distinguer le point de vue culturel du point de vue biologique. La valeur de l‟individu se trouve dans la particularité et non pas dans des valeurs universelles.281 Selon I. Berlin, le Romantisme avance l‟idée selon laquelle les différences entre les diverses traditions culturelles étaient aussi importantes. François Hotman en France, Edward Coke et Mathew Hale en Angleterre soutiennent que chaque époque, chaque société humaine, chaque peuple, et chaque civilisation possèdent ses idéaux, ses normes, sa façon de vivre, de penser et d‟agir, ses us et ses coutumes qui lui appartiennent en propre. Ainsi, chaque nation possède ses traditions, son caractère, ses idées, sa morale, sa propre façon de penser, de vivre et d‟agir qui diffère de ceux de toutes les autres. Les sciences généralisent et elles ne peuvent pas comprendre les différences et les particularités entre les sociétés et les nations. Les relations humaines sont fondées sur la reconnaissance des individualités, qu‟il est sans doute impossible de décrire, et encore moins d‟analyser, exhaustivement.282
3.2.
Les érudits romantiques qui influencent les affaires idéologiques grecques
Comme nous l‟avons signalé, en même temps que le mouvement des Lumières et celui du Romantisme, on a l‟apparition des premières nations et des premières théories sur la notion de la Nation. Dans ce cadre idéologique, la société grecque, en raison de certaines conditions historiques, cherche des arguments idéologiques, surtout dans le cadre théorique du Romantisme, qui stabiliseront le nouvel État grec et qui contribueront à l‟homogénéité de ses populations. 281
Gellner, E., Δζληθηζκόο (Nationalisme), traduit de l‟anglais par Papadakis L., Athènes, Alexandrie, 1997, p. 105. 282 Berlin, Le bois tordu…, op. cit., p. 64.
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Les érudits qui ont joué un rôle principal dans la formation de la théorie de la « nation romantique » et dans les œuvres dont les érudits grecs trouvent tous les éléments pour les besoins idéologiques de la Grèce du XIXe siècle sont l‟Italien Giambattista Vico ainsi que les Allemands Johann Gottfried Herder et Johann Gottlieb Fichte. 283 Le concept du « pluralisme culturel » et la réhabilitation du Moyen Âge donnent aux érudits grecs les arguments idéologiques pour la réhabilitation du Byzance et la formation de la doctrine hellénochrétienne. Une courte présentation des positions principales de leurs théories nous aidera à comprendre que l‟historiographie grecque du XIXe siècle, qui a construit la doctrine hellénochrétienne, n‟est pas qu‟un récit historique influencé par des théoriciens romantiques. Le christianisme, le Moyen Âge, la tradition populaire, les contes, les légendes, les mythes et la particularité historique chaque entité collective se retrouve dans la théorie des trois érudits romantiques et influencent le monde intellectuel grec. De manière plus précise maintenant, nous pouvons nous demander quelle est la relation exacte entre ces trois érudits et les questions idéologiques grecques. En quels points de leurs théories, les érudits grecs trouvent-ils les arguments nécessaires à la construction de la doctrine hellénochrétienne et de la continuité historique de la nation grecque depuis 4.000 ans ? Ensuite, une synopsis des théories des trois érudits concernant directement ou indirectement la notion de nation nous aidera à comprendre exactement leurs influences sur les affaires idéologiques d‟une nation et d‟un État grec alors en voie de construction. Tout abord, il faut signaler que les trois érudits appartiennent à des époques différentes. G. Vico adhère déjà au mouvement préromantique, tandis que les deux autres qui sont plus anciens n‟ont pas été touchés par le phénomène. Toutefois, tous les trois contestent la domination idéologique des Lumières et l‟hégémonie idéologique du Rationalisme universaliste, et tous les trois mettent en avant la nation comme une entité particulière. Leurs théories ont en commun de souligner de manière très nette la place de la religion et de la langue et le Moyen Âge. Ces trois concepts constituaient pour les intellectuels Grecs du XIXe siècle les outils conceptuels déterminants pour la formation de la doctrine hellénochrétienne. 283
Une approche théorique sur le sujet, in : Berlin, I., Σξείο θξηηηθνί ηνπ Γηαθωηηζκνύ. Vico, Hamann, Herder, (Trois critiques des Lumières. Vico, Hamman, Herder), traduit de l‟anglais par Mertikas G., Athènes, Kritiki, 2002.
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Dans le détail, pour G. Vico la religion est une des trois pratiques (les autres deux sont l‟institution du mariage et l‟ensevelissement des morts) qui caractérise une communauté comme « nation »284. Pour J.G. Fichte la religion est un fondement de l‟éducation (« L‟éducation à la vraie religion est donc la visée ultime de la nouvelle éducation »285) et pour J.G. Herder une expression considérable de chaque peuple. Dans cette position sur la religion, les érudits grecs trouvent un argument très fort concernant la continuité de la nation grecque car la population des asservis et ensuite en état de rébellion. Les Grecs sont caractérisés depuis de nombreux siècles par une grande homogénéité religieuse (la grande majorité des Grecs sont chrétiens orthodoxes). Cette position des trois érudits coïncide avec la vérité grecque. Selon Constantinos Paparigopoulos, dans sa grande synthèse historique Histoire de la Nation Grecque (1860-1876), le polythéisme de l‟Antiquité qui était responsable de la disparition de l‟influence de la Grèce de l‟Antiquité classique a été causé par une confession – le dogme orthodoxe chrétien –.286 En ce qui concerne la langue, pour J.G. Fichte la langue est fondement de l‟unité nationale. « Les hommes sont formés par la langue, plus que la langue ne l‟est par les hommes287… (la langue allemande reste une langue primitive) considérés à l‟échelle d‟une nation, [les Allemands] forment un peuple primitif »288. Pour Herder aussi chaque peuple était à la fois un public et un auteur défini par sa langue et par les manifestations culturelles et littéraires de son génie. Chaque peuple s‟exprime à travers les institutions politiques, la religion, la philosophie, la poésie, le théâtre ou la chanson populaire. 289 Dans cette position sur la langue, les érudits grecs trouvent un argument supplémentaire concernant la continuité historique de la nation grecque. Selon C. Pararigopoulos, la multitude des dialectes grecs anciens été contrée par une seule langue – la langue courante (Koïnê). Tous les intellectuels grecs de l‟époque tentent de lier la langue des Grecs anciens à la langue courante. L‟exemple le plus caractéristique et plus considérable est celui de Spiridon Zambelios (1815-1881). S. Zambelios avec son œuvre Chansons populaires de la Grèce paru en 1852 soutient la parenté entre la poésie populaire moderne et les œuvres littéraires de l‟Antiquité. 290
284
Berlin, Le bois tordu…, op. cit., p. 70. Fichte, Discours…, op. cit., p. 299. 286 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit, pp. 476-486. 287 Fichte, Discours…, op. cit., p. 320. 288 Fichte, Discours…, op. cit., p. 320. 289 Dumont, L., Essais…, op. cit., pp. 117-121. 290 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., pp. 476-486. 285
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L‟apport le plus considérable est celui de la réhabilitation du Moyen Âge. Pour J.G. Herder, le Moyen Âge est le type de communauté organique où l‟unité spirituelle respecte les diversités nationales. Le Moyen Âge marque le début d‟une nouvelle civilisation ; ce n‟est pas simplement une période intermédiaire entre le Classicisme antique et la Renaissance des lettres, entre l‟Église apostolique et la Réforme. Le Moyen Âge est comme un Sturm und Drang (élan et tempête) qui aurait duré des siècles. Elle est une époque créatrice située entre la décadence des Romains antiques et la décadence des Français modernes et qui apporte dans l‟histoire universelle la vitalité germanique. Cette réhabilitation du Moyen Âge par J.G. Herder en 1773 et le retour aux traditions nationales allemandes et germaniques constituent une réaction de défense des Allemands face à l‟hégémonie française 291. Selon J.G. Fichte, la valorisation du Moyen Âge, époque à laquelle le peuple germanique est appelé à jouer un rôle principal pour l‟unité européenne. Le Moyen Âge est « la seule [époque] de l‟histoire allemande où cette nation connut une existence brillante et glorieuse, avec le rang qui lui revient en tant que peuple-souche »292. Cette position des trois érudits donne un argument supplémentaire pour la continuité de la nation grecque. En Grèce après 1840 on constate une réhabilitation progressive de Byzance surtout dans les ouvrages historiques de C. Paparigopoulos qui soutient la continuité historique de la nation grecque à travers l‟hellénisme du Moyen Âge (voire Byzance). La notion hellénochrétienne qui constitue le rapprochement idéologique de Byzance avec l‟Antiquité, est née à cette époque là. L‟unité du temps constitue le grand défi de l‟historiographie romantique grecque du XIXe siècle, qui est découpée de la façon suivante : Antiquité, Byzance et Grèce moderne. 293 Enfin, une autre caractéristique des théories des trois érudits est celle de la tripartition de l‟histoire nationale. Bien que G. Vico soutienne l‟universalité de l‟évolution des nations et insiste sur ce point – les nations suivent toutes trois « âges », ont trois natures et trois langues –, le rythme du développement d‟une nation reste pour lui plus aléatoire et politiquement qualifié. Ainsi, si toutes les nations suivent le même cours à travers le temps, certaines suivent ce cours plus vite ou plus tôt que d‟autres.294 J.G. Herder compare le sol et le peuple à
291
Herder, J.G., Une autre philosophie de l’histoire, traduit de l‟allemand par Rouché M., Paris, Aubier, 1992 (1ère éd. 1774), pp. 19-23. 292 Fichte, Discours…, op. cit., p. 356. 293 Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., pp. 476-486. 294 Berlin, Le bois tordu…, op. cit., p. 72.
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un individu. Certains peuples sont au stade de l‟enfance, d‟autres à celui de la jeunesse, de l‟adolescence, de la maturité ou de la vieillesse comme peut l‟être un individu. 295 Cette tripartition est conformée par les trois stades successifs de la nation grecque (Antiquité, Byzance et Grèce moderne). Dans la partie ci-dessus concernant les trois érudits romantiques les Grecs trouvent les arguments idéologiques et historiques concernant la stabilité de la nouvelle nation grecque et du nouvel État grec. Mais en même temps cette partie théorique nous fournit l‟occasion de poser les questions suivantes :
le discours des professeurs durant les fêtes nationales est influencé par le
mouvement du Romantisme ?
Toutes ces caractéristiques du Romantisme qui concernent la notion de nation
sont-elles présentées durant la réalisation des fêtes mentionnées ?
3.3.
La formation de la doctrine hellénochrétienne
Lumières néohelléniques et Romantisme s‟entrecroisent dans les questions idéologiques grecques. Leur parenté et leurs contradictions idéologiques coexistent et parallèlement elles co-forment une nouvelle doctrine nationale. En même temps, la Grèce, comme tous les autres nouveaux États, se signale par des particularités qui ont abouti finalement à la doctrine hellénochrétienne. Selon C.Th. Dimaras, les débats internes idéologiques du XVIIe et du XVIIIe siècle aboutissent à la guerre d‟Indépendance, qui, grâce au mouvement du philhellénisme, prend fin après une lutte de presque dix ans (1821-1829) qui donne naissance à l‟État grec. Toutefois, après la création de l‟État grec les premiers problèmes apparaissent rapidement. Les plus grands problèmes procèdent essentiellement du décalage entre la structure d‟un État occidental et la mentalité d‟une société arriérée. Il faut rétablir la stabilité et l‟ordre après une longue guérilla, constituer des services et des administrations, établir un système scolaire, créer une armée régulière, un système judiciaire central. Tout ceci ne se fait pas sans heurts, parfois violents. Parallèlement, la Grèce perd ses appuis ; le mouvement philhellénique s‟essoufflé en raison de la situation sociale dans le nouveau royaume grec. La médiocre réalité du nouveau royaume n‟est pas conforme au rêve classique des philhellènes ; le nouveau royaume et son peuple sont jugés sévèrement. La prépondérance de la culture 295
Herder, Une autre philosophie…, op. cit., pp. 19-23.
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italienne qui caractérise le XVIIe siècle dans l‟espace hellénique par rapport à la langue et à la culture française, s‟est atténuée dès le début du siècle suivant. L‟intelligentsia grecque réagit. Dans les années qui suivirent la création de l‟État, la doctrine nationale commence à prendre forme. Les théories énoncées par J.-Ph. Fallmerayer – selon qui le peuple vivant sur la terre grecque n‟a aucune parenté avec les Grecs de l‟Antiquité –296 vont à l‟encontre des slogans des Grecs modernes, qui revendiquent leurs origines antiques et comme ancêtres les Grecs anciens. La réponse à cette évolution négative pour les questions idéologiques nationales ne se fait pas attendre ; des études diverses sont menées pour avancer les preuves de cette filiation. Recherche historiques et anthropologiques, travaux et comparaisons entre la langue et les usages populaires des Grecs modernes et des Grecs anciens aspirent à prouver l‟unité diachronique de la race, l‟unité diachronique de la langue et des mœurs. G. Vico et J.G. Herder influencent assurément la pensée historique grecque de XIXe siècle. Sur certains points leur théorie intéresse les questions grecques et les débats idéologiques internes de la Grèce. Leurs théories et leurs schèmes philosophiques s‟adaptent aux besoins théoriques grecs de l‟époque. Les doctrines vichienne et herderienne, dans ces situations difficiles sont utiles à la création d‟une nouvelle idéologie. Une nouvelle génération de Grecs, nés entre 1810 et 1820 et surtout à partir de 1830, fit des études en Europe occidentale, principalement en Italie et en France. Elle est en contact avec l‟élan du mouvement romantique qui influence toutes les activités humaines. La philosophie de l‟histoire attire l‟attention de la nouvelle génération savante, qui tâche de se faire une doctrine qui prouve la continuité historique de la nation grecque. La nouvelle génération savante grecque fréquente des penseurs français et des Italiens. Ils discutent avec eux, lisent leurs travaux et suivent leurs cours. Quand cette génération rentre en Grèce et dans les îles ioniennes, qui sont sous la domination des Anglais, elle est porteuse des idées romantiques. Le sens et valeur de la recherche historique, l‟importance des traditions populaires, la découverte de l‟œuvre et de la doctrine de G. Vico, l‟éclectisme, se combine et s‟accorde parfaitement avec les exigences de la pensée grecque de l‟époque.297 La doctrine de G. Vico englobe, en ce qui concerne la Grèce, le concept du sens de l‟histoire, la promotion de l‟idée de Nation, la préfiguration du folklorisme, l‟historicisme à proprement parler et la prénotion des recherches autour de la personne d‟Homère. Il met en
296
Une approche théorique sur le sujet, in : Skopetea, E., Φαικεξάπεξ, ηερλάζκαηα ηνπ αληίπαινπ δένπο (Fallmerayer, expédients de la peur provoquée par l’ennemi), Αthènes, Themelio, 1999. 297 Dimaras, C.Th., Διιεληθόο Ρνκαληηζκόο (Romantisme grec), Athènes, Hermès, 1994, pp. 432-435.
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avant que « De là vient le privilège par lequel Homère est le premier de tous les poètes sublimes, c‟est-à-dire des poètes héroïques, aussi bien par le mérite que par l‟âge »298. P. Kitromilidis, soutient qu‟en Grèce, vers 1830, on constate un changement idéologique qui prend des proportions sociales considérables. Le recul des principes des Lumières et la réhabilitation des relations entre l‟Église de la Grèce et le Patriarcat « œcuménique » contribuent à l‟augmentation du sentiment religieux et l‟appel aux traditions messianiques. Le nationalisme romantique remplace le nationalisme révolutionnaire et le contenu du nationalisme grec change. L‟historicisme romantique dédouane l‟époque byzantine qui est, pour les Lumières néohelléniques, une période d‟obscurantisme, de barbarie et de corruption. La réhabilitation de Byzance s‟intègre dans le cadre historique des manifestations correspondantes par le rétablissement des traditions populaires des peuples européens. Après 1840 on constate une réhabilitation progressive de Byzance surtout dans les ouvrages historiques de Constantinos Paparigopoulos (1815-1891) et dans les Chansons populaires de la Grèce de Spiridon Zambelios (1815-1881), paru en 1852. L‟unité du temps constitue le grand défi de l‟historiographie romantique grecque du XIXe siècle, qui est découpée de la façon suivante : Antiquité, Byzance et Grèce moderne. La notion hellénochrétienne qui constitue le rapprochement idéologique de Byzance avec l‟Antiquité, né à cette époque là. S. Zambelios soutient la parenté entre la poésie populaire moderne et les œuvres littéraires de l‟Antiquité. Selon cette logique, les origines de la nation moderne grecque se trouvent à Byzance qui a contribué à la transmission authentique des traditions populaires. C. Paparigopoulos, dans sa grande synthèse historique Histoire de la Nation Grecque (1860-1876), soutient aussi la continuité historique de la nation grecque par l‟hellénisme du Moyen Âge (voire Byzance). Le nouveau modèle théorique de C. Paparigopoulos soutient que la chute de l‟Antiquité classique grecque a été causée par trois facteurs : l‟existence des cités-États, la multitude des dialectes des Grecs anciens et le polythéisme. Il soutient qu‟actuellement toutes les conditions sont donc réunies pour la renaissance de la nation grecque. Il y a un État – l‟État grec –, une seule langue – le langage courant –, une confession – le dogme orthodoxe chrétien –. L‟hellénisme du Moyen Âge de l‟État byzantin constitue, pour lui, le trait d‟union entre l‟Hellénisme moderne et l‟Antiquité grecque. L‟Antiquité, la grande découverte des Lumières néohelléniques dont s‟inspirent les Grecs révolutionnaires, perd de sa valeur ; elle 298
Vico, G., La Science Nouvelle, traduit de l‟italien par Pons A., Fayard, 2001 (1ère éd. 1725), Livre deuxième
[384].
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devient un maillon de la chaîne Antiquité - Byzance - Hellénisme moderne. Les défenseurs de l‟Orthodoxie intègrent la philosophie classique dans le cadre de la pensée chrétienne. La lecture démocratique des auteurs classiques des Lumières néohelléniques a été remplacée par la vénération des ancêtres et la rhétorique à la gloire de l‟Hellénisme ancien. 299 Après la fin du mouvement des Lumières néohelléniques, la vie politique et sociale grecque est marquée par un durcissement idéologique ; les valeurs des Lumières reculent grâce à la question nationale. La critique sociale, comme un choix conscient de la société grecque, recule aux dépens d‟une autarcie intolérante qui trouve ses arguments dans la continuité de la nation grecque à travers des siècles. Le droit à la différence et à la liberté de dialogue se perd. Cela donne naissance à deux notions : mishellène et mishellénique, c‟est-àdire l‟expression d‟une opinion différente n‟est pas la manifestation de la divergence ; elle s‟interprète comme une action qui brade les intérêts nationaux. Cette période va durer jusqu‟aux années 1880. C‟est alors qu‟un nouveau mouvement spirituel se manifeste, la génération de 1880. Ce mouvement constitue un juste équilibre entre l‟idéologie romantique et l‟orientation européenne de la Grèce.300 En finissant cette partie théorique qui concerne les débats internes idéologiques de l‟époque en Grèce, nous aboutissons à la conclusion que finalement dans le combat idéologique entre Romantisme et Lumières c‟est le premier qui est sorti gagnant. Malgré les grandes ressemblances entre les deux mouvements, le Romantisme en cultivant l‟idéologie d‟une nation homogénéisée ethniquement et religieusement se démarque de la nation des Lumières qui cultive une idéologie plus démocratique et tolérante concernant les ethnies et les groupes religieux qui la composent. Finalement, pour toutes les raisons historiques mentionnées plus haut, l‟influence du Romantisme dans les affaires idéologiques du nouvel État grec est considérable, malgré la présence des Lumières au niveau institutionnel. Ceci posé, cette partie théorique entraîne une série de questions qui concernent l‟acceptation aveugle ou non de la doctrine mentionnée de la part des professeurs de notre recherche. Pour cette raison, nous avons intégré dans le questionnaire certaines questions qui concernent l‟acceptation ou la contestation de la doctrine concernée. Nous nous demandons :
si les professeurs durant la réalisation des fêtes nationales scolaires sont plus
influencés par le mouvement du Romantisme ou par le mouvement des Lumières ?
299 300
Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., pp. 476-486. Kitromilidis, Lumières néohelléniques…, op. cit., pp. 479- 492.
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Adoptent-ils surtout l‟image d‟une nation grecque avec continuité historique
depuis les siècles, comme elle est présentée par les tenants du Romantisme ou l‟image d‟une nation grecque soumise aux influences des Lumières ?
4.
L’expression politique de la doctrine hellénochrétienne La Grande Idée
Après la prise de Constantinople par les Turcs, le 29 mai 1453, la ville est devenue pour les Hellènes un symbole, qui les renvoyait à l‟ancienne époque illustre de cette nation, à l‟Empire byzantin. Les histoires, les mythes, conservaient des éléments de la mémoire de l‟ancienne grandeur. Durant le XIXe siècle, et après la guerre d‟indépendance de 1821 cette mémoire est revenue chez les Grecs en accord avec le cadre social et idéologique que les nouvelles conditions avaient créé. Les constitutions de nations dans les Balkans telles que les bourgeois éclairés les voyaient fut un progrès décisif alors que pour les monarchies, elles avaient une valeur de conquête, qui visait à la seule extension du territoire. C‟est ainsi qu‟en Grèce certains rêvaient d‟un empire grec. 301 Les Lumières néohelléniques, les influences romantiques, le démenti apporté aux espoirs du nouvel État et les évolutions politiques dans les Balkans influencent les affaires grecques et une nouvelle idéologie se manifeste : la Grande Idée. Il nous semble nécessaire de la présenter tant sa vision a constitué et constitue encore actuellement l‟épine dorsale de l‟identité nationale grecque. La Grande Grèce des deux continents et des cinq mers existe encore dans l‟imaginaire grec. Elle existe, non pas comme un programme politique, mais comme une mémoire qui atteste de la splendeur de la nation grecque et contribue à la formation de l‟identité nationale grecque. Plus précisément, les nouveaux débats internes idéologiques trouvent leur expression politique dans l‟idéologie de la « Grande Idée ». Le programme de la Grande Idée, est vague ; il englobe l‟identification de l‟État grec et de la nation grecque en fusionnant toutes les populations qui se considèrent comme grecques. La condition théorique de la Grande Idée s‟exprime par la réhabilitation de Byzance. L‟empire byzantin et surtout la période de la dynastie macédonienne (867-1056) constituent le modèle territorial de la Grande Idée et la monarchie s‟affirme comme l‟expression politique de l‟unité de la nation grecque pour la réalisation de l‟achèvement national.
301
Dagkas, Le mouvement social…, op. cit., p. 42.
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Selon l‟historienne Elli Skopetea, la Grande Idée302 qui prend ses racines dans le conflit entre les Grecs de Grèce (Autochtones) et les Grecs de l‟étranger (Hétérochtones) a engendré un énorme problème politique et social. 303 Après la révolution nationale grecque de 1821, trois catégories des citoyens sont apparus : les combattants, les réfugiés et les érudits. Les premiers sont des personnes qui agissent, les seconds sont lésés et les troisièmes sont des intellectuels. Tous trois revendiquent la même intégration au nouveau royaume et tous trois représentent différents visages de la révolution nationale. Les locaux voulaient en contrepartie de l‟argent, des terrains, une dignité. Mais l‟égalité avec l‟Europe a augmenté le prestige des étrangers et des érudits. La présentation des Hétérochtones a deux buts. Depuis la révolution nationale, les Autochtones et des Hétérochtones coexistent parce que l‟alliance de l’épée et de la plume était nécessaire pour mener à bien la révolution. Après la création de l‟État grec, la constitution de l‟administration et du pouvoir central a contribué à augmenter le prestige des Hétérochtones et ce notamment cause du rôle qu‟ils sont appelés à jouer dans l‟administration. Le système prérévolutionnaire communautaire existait déjà en circuit fermé ; il était fondé exclusivement sur des données généalogiques, puis les Hétérochtones y ont été intégrés. Les colonisations des Ηétérochtones ont suscité des réactions pour la défense des intérêts locaux. La révolution du 3 septembre 1843 – pour l‟institutionnalisation de la première constitution grecque – était dirigée contre les fonctionnaires Hétérochtones. Les Hétérochtones ont accepté l‟inégalité par rapport aux Autochtones comme le résultat de la première période du régime d‟Othon en Grèce (1833-1843), alors que les Autochtones identifient les Bavarois-allemands avec les Ηétérochtones. De là, une relation ambiguë entre les Grecs indigènes et les Grecs de l’étranger est née. Les Hétérochtones parlent pour la révolution de toute de la race grecque contre l‟occupant étranger alors que les Autochtones soutiennent que l‟existence de l‟État grec est le fruit des efforts des habitants du pays. Toute discussion sur la révolution et la qualité du citoyen entraîne la revendication du pouvoir de l‟État grec et non l‟émergence de la vérité historique. En 1844, les Autochtones ont été accusés de contester le patriotisme des Hétérochtones et en 1870 ils furent de nouveau suspectés d‟exploiter les sentiments patriotiques. Le deuxième décret de l‟Assemblée nationale de 1844 sépare officiellement les Grecs en deux camps Autochtones et 302
Une approche théorique de la relation entre la Grande Idée en Grèce et le Risorgimento en Italie, in : Liakos, Α., Η ηηαιηθή ελνπνίεζε θαη ε Μεγάιε Ιδέα (L’unification italienne et la Grande Idée), Athènes, Themelio, 1985. 303 Une étude scientifique sur le sujet, in : Vakalopoulos, K., Ο ελδηάκεζνο ειιεληθόο θόζκνο ζην γεωπνιηηηθό ρώξν ηωλ θπξίαξρωλ ηδενινγηώλ (L’intermédiaire monde grec dans l’espace géopolitique des idéologies dominantes), Thessalonique, Ant. Stamoulis, 2006, pp. 39-54.
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Hétérochtones, fait qui apparaît comme « une de plus grandes hontes de l’histoire grecque moderne ».304 L‟énoncé du dogme de la Grande Idée est l‟une des plus importantes conséquences de ce conflit. Le concept de l‟achèvement national va soulever la classe politique, le corps diplomatique et la population durant le XIXe siècle et au début du XXe siècle. Selon E. Skopetea, la Grande Idée est la doctrine de l‟achèvement national et il la découpe en trois phases successives. Dans une première phase, Constantinople est le Centre national, le but principal étant la constitution de « l‟empire oriental ou grec ». Athènes est alors « Centre provisoire de l‟hellénisme ». En 1834, Ioannis Koletis – le Premier ministre grec – propose que la Grèce n‟ait pas de capitale officielle parce que la vraie capitale de l‟hellénisme est Constantinople. Après la guerre de Crimée (1854), la Grèce a comme slogan « l‟Empire ou la mort ». Le nouveau royaume ne doit pas s‟agrandir mais s‟auto-abolir. Constantinople, la Ville par excellence, est un symbole religieux libérateur. Cette vision de l‟Empire renforce le régime monarchique d‟Othon. Il y a une assimilation entre la nation grecque, l‟État grec et le trône de Grèce. Le trône devient le symbole de l‟unité grecque et le dépositaire des Grecs pour la réalisation des attentes de la révolution de 1821. À cette époque, les avancées démocratiques de la révolution de l‟indépendance sont menacées. 305 Dans la deuxième phase, puisque la vision de « l‟empire oriental ou grec » paraît irréalisable, Athènes est maintenant Centre national et le royaume cherche avant tout à s‟agrandir. La Grande Idée s‟adapte aux possibilités et aux besoins du royaume grec et le slogan du pays évolue en « L‟Union ou la mort ». Athènes est reconnue comme « Centre de l‟éclairage - illumination et de la civilisation des deux États concentriques, l‟État de la Grèce libre et du grand État des grecs asservis ». La Grèce comprend que seule elle ne peut pas imposer ses volontés, l‟aboutissement final des préoccupations grecques devra passer par les grandes puissances. L‟union des îles ioniennes et de la Grèce prouve la justesse de la politique de la neutralité de l‟État grec par rapport aux conflits des Grandes puissances. 306 Durant la troisième phase et surtout vers 1870, Constantinople est le Centre économique et culturel. À cause de la politique du Tanzimat – réformes de l‟empire ottoman –, la diaspora grecque propose l‟hellénottomanisme – doctrine qui suppose la coexistence pacifique des Grecs et des Turcs dans le cadre de l‟Empire ottoman –. La bourgeoisie grecque 304
Skopetea, E., Σν « πξόηππν βαζίιεην » θαη ε Μεγάιε Ιδέα (Le « royaume modèle » et la Grande Idée), Athènes, politipo, 1988, pp. 43- 56. 305 Skopetea, Le « royaume modèle »…, op. cit., pp. 273- 279. 306 Skopetea, Le « royaume modèle »…, op. cit., pp. 291- 296.
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de Constantinople était porteuse de la collaboration hellenottomane. Avec la politique de l‟hellenottomanisme, les Grecs appartenant à l‟élite de l‟ethnie de l‟Empire ottoman deviennent des ressortissants privilégiés ottomans. L‟Église orthodoxe, en combinant le caractère grec et l‟universalité constituera le noyau idéologique qui assurera la cohésion de l‟Empire ottoman et le consentement des autres peuples chrétiens. L‟éducation, les activités économiques et urbaines étaient des moyens de domination. L‟élément grec était surclassé par rapport aux éléments turc et slave et il voulait, avec la collaboration des turcs et du Patriarcat, anéantir le nationalisme serbe. 307 La même doctrine se retrouve dans la première décennie de XXe siècle. Quand ils comprennent que l‟État grec est trop faible pour réaliser la vision de la Grande Idée, Ionas Dragoumis et Athanasios Souliotis - Nikolaidis proposent un « État oriental », qui va renfermer toutes les ethnies qui composent l‟Empire ottoman. 308 Nous le savons, la Grande Idée constitue un élément incontournable dans les questions idéologiques de la Grèce. Et nous nous demandons :
cette idéologie est-elle représentative des convictions des professeurs de notre
recherche ?
Ont-ils adopté l‟idée d‟une Grèce « des deux continents et des cinq mers » ?
Font-ils passer par les fêtes nationales l‟idée d‟une Grèce héritière de l‟empire
byzantin ou manifestent-ils une image plus modérée et plus prés de la vérité historique ?
5.
Mythes,309 Légendes310 et « Τraditions inventées »
Dans un récit historique national ne manquent pas de mythes, légendes et « traditions inventées ». De cette règle ne pouvait pas se déroder la condition grecque. L‟historiographie officielle grecque en voulant renforcer son argumentation pour la continuité historique de la nation grecque et le couplage compatible de la doctrine hellénochrétienne a conçu certains mythes, légendes et « traditions inventées » qui confirment la validité de cette théorie. Selon Eric Hobsbawm et Terence Ranger, la notion de « tradition inventée » comprend les traditions qui sont créées, élaborées et légitimées d‟une façon officielle mais 307
Skopetea, Le « royaume modèle »…, op. cit., pp. 311-315. Veremis, Th., « Απ‟ ην εζληθό θξάηνο ζην έζλνο δίρσο θξάηνο. Τν πείξακα ηεο Κσλζηαληηλνύπνιεο », in : Th. Veremis (dir.), Δζληθή ηαπηόηεηα θαη εζληθηζκόο ζηε λεόηεξε Διιάδα (« De l‟État national à la nation sans État. L‟expérience de l‟Organisation de Constantinople », in : Identité nationale et nationalisme en Grèce moderne), Athènes, MIET, 1999, pp. 30-35. 309 Mythe : Construction de l‟esprit qui ne repose pas sur le fond de réalité, Dictionnaire Le petit Larousse, 2002, p. 684. 310 Légende : Histoire déformée et embellie par l‟imagination, Dictionnaire Le petit Larousse, 2002, p. 590. 308
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aussi les traditions qui se sont établiées rapidement en quelques années311. L‟histoire qui constitue la connaissance ou l‟idéologie d‟une nation, État ou mouvement n‟est pas ce que la mémoire populaire a gardé mais elle est ce que l‟historiographie officielle a choisi, a écrit et a légitimité.312 Toutes les traditions inventées utilisent l‟histoire comme un facteur de légitimation des actions et comme un facteur pour la cohésion des groupes. Beaucoup d‟institutions politiques, de mouvements idéologiques et de groupes – le nationalisme tout particulièrement – se privent-ils des références au passé. Pour cette raison, ils doivent inventer leur continuité historique soit par l‟art de la fable soit par la falsification. 313 « Cette culture, considérée comme l‟âme du peuple, c‟est-à-dire comme une véritable entité spirituelle, est néanmoins susceptible de se donner à voir, de s‟incarner littéralement dans des choses : costumes, styles architecturaux, danses, chants populaires vont se mettre à fonctionner dans le cadre des traditions inventées comme symboles de l‟identité nationale, comme symboles d‟appartenance ou d‟identification à ces ensembles sociaux nouveaux, les nations, représentés comme communautés de culture ».314 Très souvent, les traditions inventées jouent un rôle plus important que la vraisemblance historique parce qu‟elles servent une situation actuelle ou un projet d‟avenir 315. Mais E. Hobsbawm et T. Ranger concluent que la force et l‟adaptabilité des traditions authentiques ne doivent pas être confondes avec l‟invention de la tradition. Quand les modes anciennes vivent encore, les traditions n‟ont pas besoin d‟être revitalisées ni inventées316. Les légendes et les traditions inventées sont surtout constituées à partir d‟événements historiques dont le contenu et la symbolique ont été modifiés ou n‟ont été pas analysés scientifiquement. La légende des Brigands et des Armatoles, et le mythe de l’école clandestine que nous allons examiner ci-après, en est une parfaite illustration. L‟historiographie officielle ne se fonde pas sur l‟analyse scientifique des phénomènes mais elle met en avant une interprétation idéologique qu‟elle reprend à la tradition.
311
Hobsbawm, E.J. et Ranger, T., H επηλόεζε ηεο παξάδνζεs (L’Invention de la tradition), traduit de l‟anglais par Athanasiou A., Athènes, Themelio, 2004, p.1. 312 Hobsbawm et Ranger, L’Invention de la tradition…, op. cit., p. 23 313 Hobsbawm et Ranger, L’Invention de la tradition…, op. cit., p.16. 314 Babadzan, A., « L‟invention des traditions et l‟ethnologie: bilan critique » in : D. Dimitrijevic, Fabrication des traditions- Invention de modernité, Paris, Maison des sciences de l‟homme, 2004, p. 321. 315 Dimitrijevic, Fabrication des traditions…, op. cit., p. 10. 316 Hobsbawm et Ranger, Invention de tradition…, op. cit., p. 263.
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5.1.
Les Brigands et les Armatoles
Les Brigands (klephtes en grec moderne : « voleurs ») sont à l‟origine des bandits des montagnes de Grèce durant la période de la Grèce ottomane. Ils attaquaient indistinctement Grecs ou Turcs. Cependant, leurs attaques contre les symboles du pouvoir ottoman, les collecteurs d‟impôts en particulier, en firent, dans l‟imagination populaire, des défenseurs des Grecs opprimés par l‟Empire ottoman. On leur prêta vite des pouvoirs surhumains de force et d‟endurance. La tradition populaire, afin de célébrer les exploits, la force physique et morale de ces Brigands, a créé une série de chansons : les chansons Klephtes. Les Armatoles étaient une milice (force supplétive de l‟armée) grecque surtout de Thessalie (région grecque). Elle fut instituée au commencement du XVIe siècle par Sélim Ier (9e sultan de l‟empire ottoman), dans le but de s‟opposer aux incursions des montagnards connus sous le nom de Klephtes (Brigands). Lors de l‟insurrection grecque, en 1821, les Armatoles s‟unirent aux Klephtes contre les Turcs, et servirent puissamment la cause de l‟indépendance : Botzaris (une station de la ligne 7 de Metro de Paris a pris son nom) fut l‟un de leurs chefs les plus illustres. Mais une série des nouvelles recherches historiques, expliquent-elles que le phénomène des Brigands diffère de l‟historiographie officielle en contestant le caractère national du phénomène. Précisément, E.J. Hobsbawm a traité la relation entre les activités des Brigands, la révolution nationale et la création de la légende, dans un ouvrage intitulé Les bandits. Dans ce livre, il déclare que : « Les montagnes grecques (…) étaient indépendantes. Les haτdoucs (klephtes) étaient obligés de combattre des turcs (ou quiconque représentait l‟autorité) parce qu‟une des tâches de l‟autorité était de protéger les transports de marchandises et de fonds. Ils éprouvaient certainement une satisfaction particulière à tuer des Turcs, vu que les Turcs étaient des chiens d‟infidèles qui opprimaient les bons chrétiens (…). Mais rien n‟indique que, livrés à eux-mêmes, les haτdoucs des Balkans aient tenté de libérer leur pays du joug turc, ou aient été capables de le faire 317 (…) au XIΧe siècle, la Grèce, pays nourri de mystique klephte, devint le théâtre d‟un gigantesque spoils system, dont on se disputait les avantages. Poètes romantiques,
317
Hobsbawm, E.J., Les bandits, traduit de l‟anglais par Rospars J.P., Paris, La Découverte, 1969, p. 78.
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folkloristes et philhellènes avaient rendu célèbres en Europe les Brigands des montagnes »318. Selon Ioannis Koliopoulos aussi, des équipes différentes de la classe militaire grecque ont continué à répondre aux besoins et aux évolutions locales ; elles n‟étaient pas suffisamment animées par un sentiment national qui aurait soudainement évolué. Les Brigands ont constitué la future armée des Grecs révolutionnaires ; ils formaient un groupe qui a joué un rôle important dans l‟évolution sociale du nouveau royaume grec. Mais cette évolution a eu lieu pour des raisons sociales et non pas pour des raisons nationales. Les Brigands étaient souvent faibles, débiteurs, hors-la-loi, inadaptés socialement, aventuriers, victimes de l‟oppression, des hommes sans biens et obligations. Le Brigand était en général un faible qui obtenait provisoirement asile dans une bande. Il trouvait refuge dans les montagnes et il était enrôlé peu à peu dans le banditisme. Il avait parfois l‟envie de réintégrer la société en tant qu‟armatole, d‟être amnistié. Les Brigands avaient le soutient de la population locale, qui avait peur des représailles. La légitimité que les chants populaires confèrent aux Brigands et notamment à leur opposition au pouvoir ne doit pas être interprétée comme une preuve de soutient à l‟égard des Brigands et de leurs actions. Les braquages ne visaient pas seulement les Turcs ; les Grecs étaient aussi touchés. Un clandestin constituait un fléau pour le pauvre, comme pour le riche, pour le Musulman comme pour le Chrétien. Les Brigands n‟étaient pas les défenseurs et les vengeurs des Grecs qui étaient persécutés ; ils terrorisaient les paysans isolés. Cependant, après la libération ils ont parfois été idéalisés, en particulier par les intellectuels et les historiens nationaux. 319 Selon E. Hobsbawm aussi, « dans le même ordre d‟idées, si nous devions supposer que les montagnards grecs qui se soulevèrent contre les Turcs à l‟époque de Byron étaient nationalistes, ce qui, on le reconnaîtra, est improbable, nous ne pouvons omettre de noter que certains de leurs plus vaillants combattants n‟étaient pas des Hellens mais des Albanais (les Souliotes, pour ne citer qu‟eux) »320. Cette légende est déterminante pour l‟identité nationale des Grecs et leur comportement. En présentant les Brigands et les Armatoles comme porteurs d‟une conscience nationale grecque, dans leur combat contre les Turcs pour la liberté de la patrie, la légende laisse supposer qu‟il existait une conscience nationale grecque pendant l‟occupation 318
Hobsbawm, Les bandits…op. cit. p. 108. Koliopoulos, I., « Λεζηεία θαη αιπηξσηηζκόο ζηελ Διιάδα ηνπ ΧΙΧνπ αηώλα », in: Th. Veremis (dir.), Δζληθή ηαπηόηεηα θαη εζληθηζκόο ζηε ζύγρξνλε Διιάδα (« Banditisme et irrédentisme en Grèce au XIXe siècle » in: Identité nationale et nationalisme en Grèce moderne), Athènes, MIET, 1990, pp. 137- 142. 320 Hobsbawm, Nations et nationalisme…op. cit., pp. 95. 319
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ottomane. Ainsi, les Grecs ont un argument supplémentaire pour appuyer la théorie de la continuité de la nation grecque. Cette légende renforce aussi leur conviction d‟être membres d‟une nation unique et exceptionnelle.
5.2.
École clandestine
Comme nous l‟avons déjà signalé, l‟historiographie officielle élabore mythes, traditions et légendes pour renforcer la validité de son contenu. Une autre de ses inventions est le célèbre mythe de l’école clandestine pour renforcer son argumentation sur le rôle positif de l‟Église à l‟égard de la révolution grecque. Rappelons que ce mythe raconte que durant l‟occupation de la Grèce par les Ottomans, les petits Grecs, le soir, au clair de lune, se cachaient des Turcs et allaient dans les églises ou dans les monastères, pour apprendre la langue grecque, avec l‟aide d‟un prêtre ou d‟un moine. 321 Etroitement lié à la représentation de l‟école clandestine est le poème suivant, qu‟aujourd‟hui encore tous les enfants grecs apprennent par cœur et le premier apprentissage scolaire de plusieurs générations de Grecs. : « Ma petite lune brillante, Eclaire-moi pour que je marche Que j‟aille à l‟école, Que j‟apprenne les lettres Les lettres, les études, Les choses de Dieu. » L‟école clandestine est un mythe qui joue un double rôle. Tout d‟abord il met en avant l‟existence d‟une conscience nationale durant l‟occupation ottomane et ensuite il renforce la contribution de l‟Église Orthodoxe dans la continuité historique de la nation grecque durant l‟occupation ottomane et dans la préparation de la révolution d‟Indépendance. Précisément, l‟école clandestine ayant contribué à la continuité de la conscience nationale, cela signifie indirectement que la conscience nationale existait sous l‟occupation ottomane et puisque l‟école clandestine avait lieu dans les églises et les monastères avec la contribution des prêtres et des moines, l‟Église officielle a donc contribué à la continuité de la conscience nationale grecque.
321
Infra, le tableau connu de N. Gizis, L’école clandestine, Annexe III, p. 358.
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Même si le mythe de l‟école clandestine avait une résonance profonde dans l‟imaginaire de la société grecque, il n‟y a pas de recherches qui vérifient ou contestent son existence. Le mythe de l‟école clandestine s‟est surtout transmis oralement en Grèce postrévolutionnaire. L‟historien Alkis Aggelou met en avant qu‟il n‟y ait aucun renseignement, direct ou indirect, qui atteste de l‟existence de l‟école clandestine et surtout à la période la plus difficile pour les Grecs et leur relation avec les dominants, c‟est-à-dire la période qui suit la prise de Constantinople. Il se fonde notamment sur les recherches de Giannis Vlachogiannis, spécialiste de la question, qui a déclaré que : « l‟école clandestine n‟existait nulle part aux villages ou aux villes. Les Turcs n‟interdisaient jamais l‟école »322. Le deuxième érudit, du climat oriental, Manouil Gédéon, est plus catégorique en l‟absence des témoignages. Il soutient que « jusqu‟à aujourd‟hui, je ne sais pas, sous les conditions normales, vizir ou agha ou sultan qui ont encombré la composition ou la constitution de l‟école, selon les dénonciations d‟un chrétien ou d‟un Turc323 (…) le gouvernement turc, tolérait la confession chrétienne, et il savait que dans les églises les prêtes et les chantres lisaient et chantaient la bible ; le gouvernement était conscient du fait que les jeunes grecs souhaitaient apprendre la bible pour perpétuer la tradition, et par conséquent, il n‟a pas encombré l‟enseignement du narthex et des cellules »324. À la fin, A. Aggelou conclue qu‟au XVIe siècle le dominant asiatique, et pas seulement lui, ne pouvait pas avoir conscience de la valeur de l‟enseignement de la langue qui aller devenir un des vecteurs de création de la conscience nationale. En mémorisant ces simples vers, qui évoquent paradoxalement l‟épreuve physique de l‟apprentissage, chaque enfant reçoit en même temps une autre leçon. Car la marche pour arriver à l‟école constitue la métaphore de la mobilité sociale : ce n‟est pas seulement la connaissance mais aussi l‟ascension sociale qui deviennent accessible grâce à l‟effort physique et à l‟opiniâtreté des enfants. L‟aventure du petit écolier qui avance dans la nuit constitue l‟épreuve initiatique que chacun doit affronter pour atteindre la lumière (de la lune, des vérités théologiques, du succès professionnel), pour passer de la simple mémorisation à la mise en œuvre des connaissances dans la société. 325 322
Aggelou, A., To θξπθό ζρνιεηό. Χξνληθό ελόο κύζνπ (L’école clandestine. Chronique d’un mythe), Athènes, Hestia, 1999, p.14. 323 Aggelou, L’école clandestine…, op. cit., p. 15. 324 Aggelou, L’école clandestine…, op. cit., p. 22. 325 Ibidem.
- 164 -
Les deux mythes - légendes mentionnées ci-dessus témoignent des moyens qu‟utilise la doctrine hellénochrétienne pour renforcer son emprise idéologique. Mais en même temps se posent un certain nombre de questions connexes :
Les professeurs qui organisent les fêtes nationales scolaires présentent le
mythe de l’école clandestine et la légende des brigands ou pas ?
Et s‟ils les présentent, les présentent-ils selon la tradition scolaire qui règne
depuis des décennies ou intègrent-ils certains éléments historiques qui rendent la présentation des deux sujets plus critique et historiquement plus neutre?
6.
Résumé concernant la formation de la doctrine hellénochrétienne
Historiquement le sentiment national chez les Grecs était surtout lié à la religion et à la langue. En ce qui concerne la religion, et cela se produit généralement comme en témoigne l‟histoire dans les sociétés agricoles en voie de développement, l‟Église orthodoxe a joué un rôle dominant en Grèce. L‟orthodoxie bénéficiait d‟une réputation favorable, dans la mesure où le clergé s‟était tenu aux côtés du peuple pendant toutes les années où il se trouvait sous le joug ottoman. Quant à la langue, vu que dans chaque région elle se trouvait éclatée en différents dialectes et que la communauté de langue constituait une condition incontournable de l‟établissement de la nation passait par une langue compréhensible et utilisée par tous, c‟est la langue des textes sacrés, la koinè de la période hellénistique, qui a été adoptée officiellement.326 Nikos Indjessiloglou, professeur du droit à l‟université d‟Aristote de Thessalonique, nous donne dans un texte court et riche de sens les configurations culturelles qui ont influencé la formation de l‟identité nationale néohellénique pendant ce temps. Avec l‟intégration des sept formes ci-dessous, a été modélisée l‟identité nationale culturelle et le caractère national des Grecs d‟aujourd‟hui : 1)
La culture populaire vivante telle qu‟elle s‟est élaborée au cours des 400 ans
de cohabitation avec l‟occupant ottoman et telle qu‟elle s‟est manifestée de l‟organisation communautaire, aux us et coutumes, en passant par les chansons démotiques, l‟art populaire et l‟architecture.
326
Dagkas, Le mouvement social…, op. cit., p. 41.
- 165 -
2)
Les érudits et intellectuels grecs qui, dans la grande majorité, appartenaient au
clergé ou étaient Grecs de la diaspora. 3)
L‟éducation religieuse en particulier sur la religion chrétienne orthodoxe.
4)
Le système éducatif de l‟État-nation grec, après sa construction.
5)
Le modèle culturel de la période classique grecque et hellénistique.
6)
Le modèle culturel byzantin de l‟Empire romain d‟Orient.
7)
Les idées des Lumières et de la modernité. 327
C‟est dans ce cadre historique et idéologique que s‟est constituée l‟identité nationale grecque. L‟historiographie officielle du XIXe siècle a contribué à la formation de la doctrine hellénochrétienne. L‟Antiquité grecque, le Byzance et la Grèce moderne ont été réunies et l‟une constitue la continuité de l‟autre. L‟héritage culturel de la Grèce ancienne, la splendeur impériale, le mysticisme et la spiritualité religieuse du Byzance et l‟éclatement héroïque de la révolution d‟Indépendance en 1821 ont été associés dans le cadre d‟un récit historique qui soutient la continuité immuable de la nation grecque depuis 4.000 ans. La déformation du rôle du Patriarcat, l‟étouffement de la contraction entre l‟idéologie du nationalisme et la religion, la confusion entre la reconstitution de l‟Empire byzantin et la création d‟un État national, la confusion entre le Patriarcat et l‟Église Orthodoxe de Grèce, l‟étouffement de la protection législative des minorités religieuses depuis la création de l‟État grec et le traitement idéologique de l‟école clandestine constituent les caractéristiques essentielles de l‟idéologie officielle étatique. Et bien évidemment, ils jouent un rôle principal à l‟égard de la formation de l‟identité et de la conscience nationale et religieuse de la société grecque. Mais cet imaginaire avait et a pour résultat que la société grecque a gagné son essence en tant que nation à part entière. Par conséquent, l‟identité nationale grecque est formée à partir d‟un imaginaire qui suggère que les Grecs soient « les enfants gâtés de l‟histoire ». Les mythes historiques et les légendes historiques vivent dans la pensée et dans l‟âme d‟une nation qui s‟est chargée de « l‟obligation de continuer dans l‟avenir en entretenant son particularisme ». Les valeurs des Lumières et des Lumières néohelléniques existent surtout dans le cadre juridique et constitutionnel. La tolérance religieuse, le respect dû aux minorités religieuses, ethniques et autres existent dans la Constitution grecque. Mais l‟identité nationale a été élaborée, bien qu‟il s‟agisse de la construction d‟un État occidental, à partir de l‟idée 327
Indjessiloglou, N., Sur l’identité nationale néohellénique. Identité nationale et hellénisme de l’époque de la modernité, Discours prononcé au cours de la fête du 25 Mars 2004, Thessalonique, Université Aristote, 2006, p. 182.
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que la nation grecque existe depuis 4000 ans et qu‟elle est porteuse, dans le cadre du narcissisme collectif, d‟une civilisation vertueuse, exceptionnelle et unique. Pour une grande partie de la société grecque, l‟identité nationale domine au niveau des valeurs des autres identités et des autres caractéristiques des individus – identité politique, classe sociale, niveau éducatif ou culturel, catégorie professionnelle, confession –, ainsi que des valeurs réglementaires universelles, comme les droits de l‟homme – sûreté, résistance à l‟oppression, liberté de la conscience –. Dans ce cadre historique et idéologique actuel nous sommes appelés à étudier les attitudes des professeurs concernant les fêtes nationales à l‟école, en d‟autres termes à examiner la façon dont ils les envisagent et quels contenus ils leur donnent.
- 167 -
D.
Formulation des hypothèses
Selon la partie théorique ci-dessus analytiquement présentée, nous avons abouti à la formation d‟une typologie des hypothèses dont nous vérifions la validité ou pas ci-après. La formulation des dix hypothèses qui guident notre recherche est la suivante:
1.
Les professeurs, en raison de leur stabilité professionnelle et de leur rôle
majeur dans le processus éducatif, manifestent au travers des fêtes nationales scolaires une identité surtout démocratique, tolérante et extravertie.
2.
Il y a des différences entre les professeurs qui se placent eux-mêmes
différemment sur l‟axe politique en ce qui concerne le contenu de l‟identité nationale telle qu‟ils la conçoivent.
3.
Les professeurs qui relèvent d‟une culture associative - participative
manifestent une identité nationale grecque plus démocratique, extravertie et tolérante par rapport à ceux qui n‟en relèvent pas.
4.
« La génération de l‟insurrection de l‟École Polytechnique »328 manifeste, par
les fêtes nationales, une identité nationale plus démocratique et extravertie par rapport à celle de la génération suivante.
5.
Les professeurs qui sont en contact quotidien avec les élèves étrangers ou qui
ont résidé à l‟étranger, manifestent une identité nationale, par les fêtes nationales, différente de celle des professeurs qui n‟ont pas résidé à l‟étranger ou qui sont rarement en contact avec élèves étrangers.
6.
Au cours de la célébration des fêtes nationales scolaire, les professeurs, en
raison de leur stabilité professionnelle et de leur rôle majeur dans le processus éducatif, envisagent les élèves étrangers de manière modérée, sur un pied d‟égalité et sans discriminations.
328
Infra, p. 232.
- 168 -
7.
Il y aura des différences entre les professeurs qui se placent eux-mêmes
différemment sur l‟axe politique Gauche / Droite en ce qui concerne la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école.
8.
Les professeurs qui relèvent d‟une culture associative - participative
envisagent différemment la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école par rapport aux professeurs qui n‟y participent pas.
9.
« La génération de l‟insurrection de l‟École Polytechnique » envisage d‟une
manière différente de la génération suivante, la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école.
10.
Les professeurs qui viennent en contact quotidiennement avec les élèves
étrangers considèrent la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école d‟une manière différente des professeurs qui sont rarement en contact avec élèves étrangers.
- 169 -
Deuxième partie
1.
Le but et l’orientation de l’enquête
2.
Cadre disciplinaire
3.
Description de la situation du Lycée en Grèce contemporaine concernant la préparation et la réalisation des fêtes nationales à l’école
4.
Méthodologie
5.
Caractéristiques techniques de notre analyse
6.
Protocole de questionnement
Deuxième partie
- 170 -
Une recherche visant à comprendre l’attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l’école comme moyen de construire l’identité nationale grecque
1.
Le but et l’orientation de l’enquête
Pour la réalisation de notre étude nous allons procéder comme suit, en trois étapes successives : 1e.
Dans un premier temps, notre étude va se focaliser sur la recherche des
instructions officielles, les Programmes Détaillés d’Études (« curricula ») définis par le Ministère de l‟Éducation nationale et des Cultes car les Programmes Détaillés d’Études curricula ne se limitent pas seulement aux questions pédagogiques, mais ils véhiculent les directives idéologiques du pouvoir central. Ils comportent les lignes méthodologiques pour atteindre les objectifs et pour évaluer les dits objectifs en fin de séquence 329. En conséquence, nous nous proposons de repérer dans ces programmes les bases idéologiques et méthodologiques de l‟État à travers les consignes données sur la célébration des fêtes nationales. Notre intention est d‟examiner dans quelle mesure les professeurs sont obligés de participer à la réalisation des fêtes nationales, d‟évaluer la plus ou moins grande rigidité du cadre qui en précise le contenu, les buts, les moyens et la méthodologie, autrement dit si la célébration des fêtes est laissée à la discrétion du professeur responsable qui choisit en toute liberté ses objectifs et ses processus ou si, au contraire, il est soumis à des contraintes impératives. Plus précisément, les Programmes Détaillés d’Études - curricula seront étudiés dans le but de cerner
le rôle éducatif et les objectifs qu‟elles fixent pour les fêtes nationales
célébrées au sein de l‟école
si elles sont des directives impératives ou si elles laissent une marge de liberté
et d‟autonomie pédagogique aux enseignants
si elles ont pris en compte les nouvelles données du contexte social actuel
pour favoriser la formation d‟une identité nationale tolérante, respectant les autres cultures et nations.
329
Capsalis, A. et Charalampous, D., ρνιηθά εγρεηξίδηα. Θεζκηθή εμέιημε θαη ζύγρξνλε πξνβιεκαηηθή (Manuels scolaires. Évolution institutionnelle et problématique actuelle), Thessalonique, Ekfrasi, 1993, pp. 116-120.
- 171 -
si elles ont pris en compte les débats internes idéologiques concernant la
nouvelle identité européenne. 2e.
Ensuite, une recherche sera effectuée qui portera sur l‟analyse empirique des
discours solennels par des enseignants lors de la célébration de deux fêtes nationales au sein de l‟école. Dans les discours nous nous efforcerons de nous appuyer sur les phrases, expressions, références, voire de repérer des omissions qui nous permettront de dégager la philosophie générale qui traverse les textes. Deux dizaines de textes de cette nature seront donc examinées dans le but de mettre en évidence des éléments susceptibles d‟attester, explicitement ou implicitement, une utilisation idéologique des fêtes dans la formation d‟une identité nationale qui met en avant l‟idéologie d‟une nation exceptionnelle et unique ou, au contraire, vers la formation d‟une identité nationale fondée sur la fierté nationale mais en même temps respectueuse des autres cultures et nations. Par ailleurs, ces discours nous donneront des informations utiles et nécessaires pour formuler et orienter de manière appropriée les questionnements des entretiens. 330 3e.
Notre étude se poursuivra donc par ce qui constitue la matière principale de
recueil d‟informations de notre recherche : les entretiens des enseignants. En nous fondant sur les entretiens avec les professeurs, nous envisageons d‟étudier la façon dont ils abordent le phénomène des fêtes nationales comme moyen de formation de l‟identité nationale. Les professeurs de lettres de lycée constituent un groupe très important au sein du système éducatif. Leurs interventions quotidiennes, dans la salle de classe, concernant l‟histoire de la nation grecque, contribuent à la formation de l‟identité nationale des élèves. En étudiant les attitudes des professeurs par rapport au contenu et au message des fêtes nationales, nous pouvons comprendre et apprendre de quelle manière ils voient la nation grecque, le rôle de l‟école en ce qui concerne l‟acquisition des composantes de l‟identité nationale chez les élèves, la représentation des étrangers en Grèce, la place de la Grèce dans la communauté européenne et dans le monde, les débats idéologiques internes concernant l‟identité européenne. Dans une phase préliminaire, les entretiens sont testés auprès de quatre enseignants pour vérifier la pertinence des entretiens semi-directifs. Tout d‟abord, une partie des entretiens réalisée avec les enseignants mêmes dont les discours sont étudiés dans le but
330
Infra, Annexe II, pp. 349-350.
- 172 -
d‟obtenir d‟une part des résultats fiables et approfondis, d‟autre part de clarifier certains éléments des discours exprimés probablement de façon implicite. Ensuite, nous poursuivons notre étude avec les entretiens des autres enseignants de notre échantillon. Bien entendu, nous procédons de manière que notre échantillon réponde de manière représentative aux critères qualitatifs et quantitatifs de notre population de départ (10.108 professeurs). 4e.
Enfin, notre recherche aboutit à un questionnaire écrit avec les élèves d‟un
lycée qui célébrera quelques jours plus tard la fête du 25 Mars. Le but de ce questionnaire est de rechercher s‟il y a cohérence ou cohérence relative entre l‟identité nationale que promeuvent les professeurs qui organisent les fêtes mentionnées et ce qu‟en retirent les élèves qui participent ou qui assistent à ces fêtes. Que représentent finalement ces fêtes pour les élèves ? Comment envisagent les élèves ces fêtes ? Comme une obligation scolaire ? Comme « perte du temps » ? Comment une manifestation culturelle ? Comme une cérémonie à l‟intention de nos ancêtres ? Comme une manifestation pour le renforcement de notre autoconscience nationale ? Comme une forme de participation ? Toutes ces problématiques constitueront le noyau de nos questions.
2.
Cadre disciplinaire
Le cadre disciplinaire de notre étude, concernant les professeurs, est celui des sciences de l‟éducation. Notre intention est de lier les attitudes des professeurs concernant les célébrations nationales en milieu scolaire et leur participation à certains « microcosmes sociaux ». Selon Pierre Bourdieu « dans les sociétés hautement différenciées, le cosmos social est constitué de l‟ensemble de ces microcosmes sociaux relativement autonomes, espaces de relations objectives qui sont le lieu d‟une logique et d‟une nécessité spécifiques et irréductibles à celles qui régissent les autres champs »331. En même temps, ces « microcosmes sociaux » contribuent à la socialisation de l‟individu qui est caractérisée par la formation de l‟habitus. L‟habitus est « structure structurée » (concept que Bourdieu reprend de la conception hégélienne) et « structure structurante » (vision empruntée à Kant)332. L‟habitus est toutes les dispositions acquises au cours de l‟existence. Celui-ci incorpore le monde social dans l‟individu. L‟habitus est le produit de l‟association des conditionnements et d‟une classe particulière de conditions d‟existence. Ce sont des dispositions durables et transposables
331 332
Bourdieu, P. et Wacquant, L.J., Réponses, Paris, Seuil, 1992, p. 73. Bourdieu, P., La Distinction, Paris, Minuit, 1979, p. 191.
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acquises tout au long de l‟existence, qui fonctionne comme des « principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations »333. À notre étude concrète, nous recherchons, les attitudes des professeurs envers les fêtes nationales scolaires, et la relation entre de ces attitudes et certaines caractéristiques sociologiques de notre échantillon qui ne sont pas les plus classiques (sexe, âge, résidence, situation famille). Bien au contraire, nous avons opté pour des domaines plus spécifiques car « l‟appartenance à une unité de ce genre implique,…notamment si le groupe remplit certaines fonctions dans la société global, l‟obligation de se conduire de façon définie dans ses rapports avec les personnes extérieures au groupe ».334 Précisons tout d‟abord que choisir une catégorie professionnelle c‟est faire, de facto, un choix sociologique. Notre choix s‟est porté sur un groupe social précis – les professeurs – avec des caractéristiques sociales communes (ils touchent le même salaire et ils ont le même statut socioprofessionnel). Notre première intention est de rechercher comment un groupe social qui joue un rôle très sensible et reconnu dans les questions éducatives de la société grecque, utilise les fêtes nationales scolaires pour construire l‟identité nationale des élèves et comment ils envisagent les élèves étrangers durant de cette activité. Mais, notre intérêt ne se limite pas seulement à notre intention précédente. Nous avons choisi aussi certaines caractéristiques (variables) plus particulières dans le corps social des professeurs pour en avoir une image plus complexe et détaillée. Les caractéristiques des professeurs que nous avons choisis sont analysées en fonction de leurs choix politiques, de leur degré d‟implication dans la culture associative - participative, de leur génération d‟appartenance et du contact quotidien ou non avec les élèves étrangers. Il s‟agit d‟apporter un éclairage poussé sur les conditions d‟évolution d‟une situation donnée (ici l‟impact des fêtes scolaires en fonction de l‟attitude des enseignants), et donc de montrer comment le travail d‟une société sur elle-même, le changement social, et les transformations des relations intersociétales sont susceptibles d‟encourager ou de réduire des préjugés, des attitudes, de la violence, de la discrimination, de la ségrégation ou encore d‟alimenter des doctrines, des courants de pensée ou des forces idéologicopolitiques allant de la xénophilie à la xénophobie, de l‟égalitarisme à la discrimination et de la coexistence entre les peuples au racisme. 335
333
Bourdieu, P., Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980, p. 88. Linton, Le fondement culturel…, op.cit., p. 68. 335 Wieviorka, M., Racisme et xénophobie en Europe. Une comparaison internationale, Paris, La Découverte, 1994, p. 13. 334
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Sur cette logique évoquée, nous construisons notre problématique. La société grecque et la place de la Grèce dans le monde change et par conséquent nous nous demandons dans quelle mesure les professeurs porteurs de certaines caractéristiques différentes sont influencés par ces particularités qui sont le résultat des changements qui ont lieu depuis 20 ans dans la société grecque. Notre étude nous permettra également de mettre en évidence la relation entre ces caractéristiques et le contenu que l‟on veut donner à l‟identité nationale des élèves. En d‟autres termes, ce contenu correspond, par conséquent, aux représentations personnelles qu‟ils désirent faire passer. En tant qu‟élève durant douze ans et professeur depuis douze ans, nous sommes témoins de la façon avec qui les professeurs organisent et réalisent les fêtes nationales à l‟école. Notre expérience, tous ces ans, constitue un guide capable pour que nous comprenions la philosophie générale du professeur qui organise une fête nationale. De la sorte, d‟après le mode de célébration des fêtes nationales à l‟école, le choix des chansons, des poèmes, la participation des élèves étrangers, la décoration de l‟espace, nous pouvons comprendre comment les professeurs voient les fêtes nationales et ce qu‟ils mettent, pour eux-mêmes, comme contenu dans la notion d‟identité nationale. Nous sommes en mesure de répartir les professeurs en deux catégories, sans exclure la possibilité qu‟il y en ait plus de deux, en fonction de la façon dont ils se représentent la nation et sa situation : Pour les uns, la nation serait en péril et avec elle, tout ce qui structure la vie sociale, la solidarité collective, voire la démocratie ; pour les autres au contraire, l‟idée nationale appartient au passé et n‟a jamais produit que patriotismes belliqueux, xénophobie, et repli sur soi. Mais il faut préciser nettement que les relations sociales entre les êtres humains sont plus complexes et imprévisibles que les modèles initiaux recherchés. La sociologie n‟ignore donc pas que les êtres qu‟elle étudie sont des êtres connaissant, parlant, avec une représentation personnelle du monde. Dès ses prémisses, elle a mis l‟accent sur l‟importance ce qu‟il y a à appréhender les connaissances que les êtres sociaux construisent dans le cadre de formes de vie sociale toujours spécifiques. Etudier ce qui fait évidence de nos perceptions, de nos appréciations et de nos interprétations ont donc bien toujours constitué un pôle central de la sociologie.336
336
Lahire, B., « Les variations pertinentes en sociologie », in : Invariants et variabilités dans les sciences cognitives, Lautery J., Mazoyer B. et van Geert P (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l‟homme, 2002, p. 244.
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En définissant la notion de variation, elle consiste en un passage d‟un même phénomène ou d‟une même réalité d‟un état à un autre. On remarquera donc qu‟en parlant du « même phénomène » ou de la « même réalité », on postule l‟existence d‟un invariant ou d‟un point commun relatif. La variation suppose toujours une modification de réalités désignables par le même terme, et par conséquent de réalités qui, par-delà leur diversité, ont toutes une propriété (ou une série de propriétés) en commun : variation des formes du sacré, des modes de développement de l‟activité économique, du phénomène bureaucratique ou étatique, variation des comportements moraux d‟un groupe social ou d‟une catégorie d‟individus, etc. Par conséquent, la sociologie ancre dans des configurations historiques relativement singulières, ce qui pourrait n‟apparaître – aux yeux des acteurs ordinaires – que comme des réalités universelles et naturelles et ont, notamment, pour fonction de rappeler que les représentations et les pratiques ont une histoire, que les apprentissages et les actions ont des contextes, que les « apprenants » et les « pratiquants » ont des ancrages sociaux (multiples) et que les appropriations des savoirs et des pratiques peuvent être différenciées. 337 L‟intérêt sociologique des variations interindividuelles et intra-individuelles s‟intègre dans le cadre d‟une théorie de l‟action fondée sur une sociologie de la pluralité dispositionnelle (la socialisation passée est plus ou mois hétérogène et donne lieu à des dispositions à agir et à croire hétérogènes et par fois même contradictoires) et contextuelle (les contextes d‟actualisation des dispositions sont variés). Ainsi, l‟acteur individuel ne met-il pas invariablement, trans-contextuellement en œuvre le même système de dispositions (ou habitus), mais l‟on peut observer un mécanisme plus complexe de mise en veille / mise en action ou d‟inhibition / activation de dispositions qui suppose que chaque individu singulier soit porteur d‟une pluralité de dispositions et traverse des contextes sociaux différenciés. Ce qui détermine l‟activation de telle disposition mentale ou comportementale dans tel contexte est alors le produit de l‟interaction entre des rapports de force interne et externe : rapports de force entre des dispositions plus ou moins fortement constituées au cours de la socialisation passée (interne) et rapport de force entre des éléments (caractéristiques objectives de la situation, qui peuvent être associées à des personnes différentes) du contexte qui pèsent plus ou moins sur l‟acteur (externe).338 Des analyses durkheimiennes, il se dégage l‟idée que l‟explication d‟une relation statistique consiste à introduire des variables supplémentaires de manière à dégager le modèle
337 338
Lahire, « Les variations pertinentes en sociologie…, op. cit., p. 245. Lahire, « Les variations pertinentes en sociologie…, op. cit., p. 254.
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causal dans lequel elle s‟insère.339 Mais la logique même de l‟analyse multivariée est que nous venons d‟exposer invite à la généraliser. Nous avons vu que l‟interprétation était considérablement enrichie lorsqu‟on introduisait une troisième variable dans l‟analyse primitive entre deux variables. En même temps, les structures à trois variables suggèrent de nouvelles variables intermédiaires. Sur un plan plus général, il est naturel d‟étendre la logique de l‟analyse multivariée à quatre, cinq et même au nombre de variables plus élevé encore.340 Par conséquent, en fonction des précisions méthodologiques ci-dessus, nous touchons une vérité sociale, concernant les attitudes de la population de notre recherche, plus complexe et multidimensionnelle que dans les constructions typologiques initiales. Notre but est de découvrir et de comprendre tous les paramètres indirects et secrets qui existent et qui conditionnent le comportement social des êtres humains car une « compréhension » du comportement humain obtenue par interprétation comporte tout d‟abord une « évidence » spécifique qualitative de degré très variable. Un comportement individuel semblable quant à son développement extérieur et à son résultat peut dépendre des constellations de motifs les plus diverses, dont la plus évidence du point de vue de la compréhension n‟est pas toujours celle qui se trouvait effectivement en jeu. La « compréhension » d‟une relation demande toujours à être contrôlée, autant que possible, par les autres méthodes ordinaires de l‟imputation causale avant qu‟une interprétation, si évidente soit-elle, ne devienne une « explication compréhensible » valable. L‟objet spécifique de la sociologie compréhensive ne consiste pas en n‟importe quelle « disposition intérieure » ou comportement extérieur, mais en l‟activité, c‟est-à-dire un comportement compréhensible, un comportement relatif à des « objets » qui est spécifié de façon plus ou moins consciente par un quelconque sens (subjectif) « échu » ou « visé ». L‟activité spécifiquement importante pour la sociologie consiste en particulier en un comportement qui a) suivant le sens subjectif visé par l‟agent est relatif au comportement d’autrui, qui b) se trouve coconditionné au cours de son développement par cette relation significative et qui c) est explicable de manière compréhensible à partir de ce sens visé (subjectivement). 341
339
Boudon, R., Les méthodes en sociologie, Paris, puf, 2002, p. 31. Boudon, Les méthodes…, op. cit., p. 39. 341 Weber, M, Essais sur la théorie de la science, traduit de l‟allemand par Freund J, Paris, Plon, 1965, pp. 327333. 340
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3. Description de la situation du lycée en Grèce contemporaine concernant la préparation et la réalisation des fêtes nationales à l’école Dans ce chapitre notre intention est de décrire le fonctionnement de l‟école grecque, l‟organisation des manifestations diverses qui sont réalisées dans l‟espace scolaire et des obligations diverses dont sont chargées les professeurs qui travaillent dans le système éducatif grec. Cette description nous permettra de donner une image plus nuancée donc plus objective de l‟organisation des fêtes nationales scolaires. Ces fêtes peuvent être en effet un sujet de curiosité pour un lecteur français puisqu‟en France les fêtes nationales ne se réalisent pas dans l‟espace scolaire. Dans le détail : Dans les lycées de Grèce aujourd‟hui une grande variété de matières est enseignée (mathématique, physique, chimie, grec ancien, grec moderne, géographie, histoire, éducation physique, biologie, musique, informatique). Chaque professeur enseigne la matière dont il est spécialiste à tous les niveaux de l‟école mais certains sont chargés d‟enseignements apparemment différents : par exemple le professeur de lettres dispense à la fois des cours de langue grecque et d‟histoire. Il est bon ici de préciser, à titre d‟information, que, au début de l‟année scolaire, le conseil d‟établissement répartit les responsabilités entre les professeurs et définit des attributions spécifiques pour chacun. Un professeur, par exemple, est responsable pour l‟assurance en cas de l‟incendie, un autre en cas de tremblement de terre etc. De même, il y a un professeur responsable de l‟organisation des fêtes nationales à l‟école. C‟est à lui qu‟est confiée la tâche de choisir les élèves qui vont participer à la fête, de trouver des textes, des poèmes, des chansons de chorale, de décorer l‟endroit où vont être prononcés les discours solennels et de régler bien d‟autres détails. On comprendra aisément toutefois, que les fêtes nationales, en tant que spectacles qui font référence aux évènements historiques et en même temps comprennent poèmes, chansons et textes littéraires, relèvent davantage des compétences des professeurs des lettres qu‟à ceux des autres spécialités ; en pratique donc, les fêtes nationales sont organisées essentiellement par les professeurs de lettres pour les raisons évoquées plus haut. Toutefois, des professeurs d‟autres spécialités (musique, arts plastiques, informatique), peuvent être mis à contribution, mais le plus souvent de manière auxiliaire. Les discours sont prononcés, dans la grande majorité des cas, par les professeurs de lettres.
- 178 -
Malheureusement, on regrettera qu‟il n‟y ait pas, dans les écoles, d‟archives qui conservent la trace de la spécialité des enseignants qui interviennent dans l‟organisation des fêtes. Ainsi, nous avons porté notre choix sur les professeurs de lettres afin de documenter notre étude de manière empirique, c‟est-à-dire selon l‟expérience que nous avons gardée de nos années de lycée et selon les contacts récents que nous avons eus avec les professeurs.
4.
Méthodologie
4.1.
Le choix du terrain
Pour notre recherche concernant les professeurs, nous avons choisi deux villes et certains villages. En ce qui concerne les villes, notre intérêt s‟est porté sur un grand Centre urbain et un petit ; par ordre d‟importance décroissante : Thessalonique, avec un million d‟habitats et Serrès qui compte soixante dix mille habitants. Le choix de la grande ville était évident en raison de sa population, et du nombre élevé des professeurs qui y vivent. En même temps, dans cette ville, nous pouvons rencontrer des communautés étrangères nombreuses et variées : il suit de là que la discussion publique sur la présence des étrangers et le danger d‟altération de l‟identité nationale grecque est plus intense et fréquente. Il est fort probable que cette situation influence également les enseignants. De surcroît, dans cette grande ville nous pourrons trouver un certain nombre d‟écoles où la proportion des élèves étrangers est plus élevée par rapport à celui des autres écoles du pays. Par conséquent, nous interrogerons quinze professeurs pour savoir si la situation de travail dans ces écoles que fréquentent ces étrangers influence la manière dont un enseignant les perçoit et s‟il organise les fêtes nationales en conséquence. L‟autre petite ville, plus petite, a été choisie car elle présente toutes les caractéristiques des bourgades ou bourgs grecs typiques. Cette petite ville compte, à peu près, soixante à quatre vingt mille habitants. La répartition des classes sociales se signale par une forte proportion de la classe moyenne (commerçants, petits patrons, professions libérales) et la proportion des immigrants n‟y est pas élevée. En ce qui concerne les villages, nous avons choisi certains villages grecs conventionnels. Il s‟agit de villages de deux à quatre mille habitants, où l‟on trouve évidemment une proportion importante de ruraux et une part non négligeable de la population relevant de la classe moyenne (commerçants, petits patrons, professions libérales). La proportion des immigrants est aussi très faible.
- 179 -
Le contact de la population indigène, autant celle des villes que celle des villages, avec les étrangers dure depuis quinze ans et bien sûr, cette cohabitation et cette coexistence ont créé une situation nouvelle pour elle, comme nous l‟avons signalé dans l‟introduction. Par conséquent, le dialogue public reflète ces approches variées, nombreuses sur cette situation nouvelle. Par rapport au reste de la population, l‟échantillon de notre recherche est une population très particulière car elle contribue à la formation de la culture générale et de l‟identité nationale des élèves qui constituent les citoyens de demain. En ce qui concerne les élèves, nous avons choisi un lycée dans un bourg typique grec (7.000 habitants) et plus précisément nous avons choisi les élèves de la seconde classe du lycée, c‟est-à-dire, une population qui participe depuis 10 ans, soit comme spectateur, soit comme participant actif, aux fêtes de notre recherche.
4.2.
La population de la recherche
Afin de donner une image détalée et utile de population de notre recherche, nous présentons ci-après les caractéristiques des professeurs : leur répartition démographique, leur origine socioprofessionnelle et leurs convictions politiques. Ici, il faut signaler les difficultés auxquelles nous avons été confrontés lors de notre recherche en raison de l‟absence de certaines informations officielles fiables. En effet, en ce qui concerne la composition socioprofessionnelle et les convictions politiques des professeurs, malgré nos nombreux courriers, autant au Service National de la Statistique qu‟aux syndicats de professeurs, nous n‟avons trouvé aucun élément officiel concret concernant les deux caractéristiques ci-dessus. Ainsi, nous avons eu recours à l‟exploitation de renseignements apparentés que nous ont mené à notre but. 4.2.1. La répartition démographique des professeurs de lettres. La sélection de l‟échantillon de notre recherche tient compte du dernier recensement (2004) qui a été organisé par le Service National de la Statistique (SNS) - Département des statistiques de l‟Éducation et des proportions qui en ressortent. La population totale des professeurs des Lettres qui travaille dans le système éducatif public est de 10.108 dont les 8.660 sont des femmes (85,76%).342
342
Infra, Annexe I (Tableau XIII), p. 351.
- 180 -
En Attique – département où se trouve Athènes – travaillent 29,39% de la population totale des professeurs de Lettres, soit pour être précis 2 971 professeurs (dont 2.663 femmes 89,63%). À Thessalonique, la deuxième plus grande ville de Grèce, 9,34% de l‟ensemble du corps enseignant de lettres sont employés à savoir 945 professeurs (dont 829 femmes 87,72%). Le reste de la population des professeurs de Lettres (6.192 - 61,25%) réside ailleurs que dans ces deux grandes villes. 343 4.2.2. La synthèse socioprofessionnelle des familles des professeurs Comme
nous
ne
disposions
pas
d‟éléments
concernant
les
catégories
socioprofessionnelles des familles des professeurs, nous nous sommes tournés vers les statistiques concernant les étudiants qui étaient inscrits dans les facultés où sont formés les professeurs des Lettres. En faisant une projection des professions des pères des étudiants en Faculté
des
Lettres
nous
pouvons
estimer,
par
approximation,
la
catégorie
socioprofessionnelle de la famille des professeurs des Lettres. Par exemple, nous avons admis que les étudiants en Faculté des Lettres au cours de l‟année universitaire 1972-1973 et de l‟année 1988-1989 sont les professeurs qui travaillent actuellement dans l‟enseignement public et qui constituent l‟échantillon de notre étude. Il s‟agit de recherche primaire concernant l‟origine sociale des professeurs de Lettres qui à été réalisé par nous-mêmes en travaillant sur les affiches officielles du SNS (Service National de la Statistique) concernant la synthèse sociale des étudiants. Le
résultat
de
notre
projection
a
abouti
aux
catégories
professionnelles conventionnelles ci-dessous, qui concernent la profession du père: Professions libérales, administration, direction, bureau, forces armées, commerçants, vendeurs, services, agriculteurs, pêcheurs, bûcherons, techniciens, ouvriers. En recherchant et comparant les éléments concernant les professions des pères des étudiants de la Faculté des Lettres, nous avons abouti à la conclusion que ces quinze dernières années, l‟appartenance socioprofessionnelle des pères de famille de la population de notre recherche est changée.344
343 344
Infra, Annexe I (Tableau XIV), p. 351. Infra, Annexe I (Tableau XV), p. 352.
- 181 -
Ensuite, nous présentons les éléments officiaux du Service National de la Statistique (SNS) – Département des statistiques de l‟Éducation – qui concernent l‟origine sociale des étudiants à l‟Université. 345 Plus précisément, au cours de la décennie 70 et compte tenu de la répartition des couches sociales de l‟époque, les étudiants dont les pères appartiennent à la Catégorie 1 sont moins nombreux que dans la décennie 80 (de 11,34% à 17,51%) et la même existe aussi pour la Catégorie 2 (de 25,38% à 35,35) et la Catégorie 4 (de 19% à 24,58%). Au contraire, la proportion de la Catégorie 3 (des agriculteurs, des pêcheurs et des bûcherons) est plus élevée dans les années 70 que dans les années 80 (de 27,72% à 12,81%) et la même existe pour la Catégorie 5 (de 13,33% à 8,48%). La comparaison des éléments ci-dessus témoigne de ce que la combinaison sociale des étudiants des facultés des Lettres, qui concernent notre recherche, a changé. Plus et plus les enfants des catégories élevées 346 (Catégories 1 et 2) augmentent leur proportion aux facultés précises et la même existe aussi pour la Catégorie 4. Au contraire, la proportion de la participation des enfants des catégories mois élevées est diminuée (Catégorie 3 et 5). Les raisons de ces changements, probablement, sont beaucoup, mais elles ne sont pas dans le cadre de notre recherche concrète. Mais, ce que nous devons bien signaler est que les derniers ans les professeurs des Lettres qui sont intégrés au système éducation grec viennent de catégories sociales plus élevées par rapport à la passé. 4.2.3. Les choix politiques des professeurs En ce qui concerne les convictions politiques des professeurs, pour avoir une image de leurs préférences politiques, nous pouvons présenter les résultats des élections à la Fédération Syndicale des Professeurs OLME (F é d é r a t io n G r e c q u e d e s P r o f e s s e u r s d e l ‟ E n s e i g n e m e nt S e c o nd a i r e ) . Par la comparaison des résultats des syndicats et leur évolution depuis 15 ans nous pouvons déduire, approximativement, l‟appartenance politique des professeurs et les évolutions relevées au cours de cette période.
345
Eclaircissement: les éléments des années universitaires 1972-1973 à 1982-1983 englobent l‟ensemble des étudiants de la faculté des Lettres, alors que les éléments des années universitaires 1983-1984 à l‟année 19851986 concernent exclusivement l‟origine sociale des étudiants de la première année. Ensuite et jusqu‟à la fin de l‟année 1988 qui concerne notre recherche nos éléments ne sont pas précis et par conséquent ils sont inutiles. Mais, malgré cette difficulté, nous avons organisé ces éléments avec d‟une façon objective, dans la mesure de possible, afin d‟obtenir une image plus proche de la vérité. 346 Eclaircissement: nous évitons à utiliser la notion Classe sociale, car la définition de cette notion est difficile. Pour cette raison, nous adoptons la notion de Catégorie telle qu‟elle est utilisée dans les documents officiels du Département des statistiques de l‟Éducation du Service National de la Statistique.
- 182 -
En comparant les proportions des syndicats dans le tableau relatif347, nous concluons que les derniers quinze ans le parti syndicaliste PΑSΚΔ, qui appartient au parti socialiste (PASOK) qui gouverne actuellement en Grèce et ces vingt dernières années aussi, perd de manière très significative son potentiel électoral (de 44,7% à 24,6O%, -45%). Au contraire, le parti syndicaliste DΑΚΔ qui appartient à l‟autre grand pôle politique (Néa Dimocratia) garde et augmente sa force électorale bien que son organe politique a gouverné la Grèce depuis cinq ans (De 35,6% au 37, 30%, +4,5%). En ce qui concerne les autres syndicats de professeurs, tous les trois appartiennent à la Gauche et tous les trois aussi ont augmenté beaucoup leur poids électoral (de 19,4% au 34,5%, +78%. Bien sûr, il faut signaler que quand on part avec une formation électorale très faible on peut augmenter plus facilement cette force par rapport à qui dispose déjà d‟une force élevée). Cette force électorale des trois partis montre qu‟une partie importante des professeurs (34,5%) choisit syndicalement les partis de la Gauche bien que les partis de Gauche n‟aient pas dépassé la barre de 15% aux dernières élections législatives du 16 septembre 2007. La partie LAOS (entre Droite et Extrême droite) est représentée depuis les élections du 16 septembre 2007 au Parlement et par conséquent ce parti n‟a pas encore de syndicat pour le représenter à l‟OLME. Les résultats électoraux ci-dessus montrent qu‟une partie, 35% à peu près, choisit le syndicat qui appartient au parti politique du Centre-droit (Néa Dimocratia), une autre partie (25%), qui est très affaiblie par rapport au passé, choisit le parti de Centre-gauche (PASOK) et le reste se répartit entre les trois formations syndicales de Gauche (les trois ensembles totalisent 34%). Ici, il faut signaler que le choix électoral parlementaire, probablement, est différent par rapport au choix électoral syndical. Très souvent les employés et surtout les fonctionnaires pour leur représentation syndicale choisissent un syndicat plus actif (parmi ceux de Gauche) par rapport aux autres. Mais en aucun cas ce choix syndical ne signifie que tous ceux qui votent pour les syndicats de Gauche votent aussi pour les partis politiques de Gauche. Quelles que soient les singularités que nous relevons dans les choix politiques des professeurs, on observe ces cinq dernières années un glissement politique des professeurs. Ce glissement à pour caractéristiques une augmentation des proportions des syndicats de
347
Infra, Annexe I (Tableau XVI), p. 353.
- 183 -
Gauche, une diminution de la représentation du syndicat du parti socialiste et une stabilité pour celui de Centre-droit. 4.3.
La construction de l’échantillon
La sélection de l‟échantillon de notre recherche tient compte du dernier recensement (2004) qui a été organisé par le Service National des Statistiques – Département des statistiques de l‟Éducation et des proportions qui en ressortent –. La population totale des professeurs des Lettres qui travaille dans le système éducatif public est de 10.108 dont les 8.660 sont des femmes (85,76%). Notre échantillon se compose de 47 professeurs de lettres du lycée. Ensuite, la moitié, soit 24 professeurs, appartient à la génération des 24-44 ans, les 23 autres appartiennent à la génération des 45-65 ans. Nous savons que le plus gros contingent des professeurs qui travaille à l‟école publique se trouve dans la classe des 31 à 50 ans. 15 professeurs sur les 47 enseignent dans des écoles où la proportion des élèves étrangers est plus élevée que celui de la moyenne des établissements. Enfin, 21 professeurs sur 40 sont membres de certaines associations culturelles, bénévoles, syndicats ou partis politiques (Tableau I). Tableau I : Résumé de la recherche Paramètres
Choix
d’échantillonnage Milieu
Écoles : Thessalonique (quartier avec beaucoup d‟étrangers), Serres, certains villages. 21 sur 47 relèvent de la culture associative - participative,
Acteurs
23 sur 47 ont plus de 45 ans et 15 sur 47 enseignent dans des écoles avec une proportion élevée d‟élèves étrangers.
Événement
L‟attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l‟école comme moyen de construire l‟identité nationale grecque. À travers des questions portant sur la réalisation des fêtes
Processus
nationales à l‟école.
- 184 -
Nous nous sommes efforcés de ne pas traiter notre échantillon de manière trop classique, celle proposée entre autres par D. Bertaux 348, mais pas seulement lui, à savoir une répartition selon les convictions politiques, la participation à certains groupes associatifs, la génération d‟appartenance et le contact quotidien ou non avec les élèves étrangers des professeurs. Plus précisément, notre intention est d‟étudier la relation entre les convictions politiques (Extrême gauche, Gauche, Centre-gauche, Centre, Centre-droit, Droite, Extrême droite), les classes d‟âge (la génération des 45-65 ans, la génération de l‟École polytechnique, celle des 24-44 ans, la génération ultérieure), la participation ou non à des groupes associatifs, le contact ou l‟absence de contact quotidien des professeurs avec des élèves étrangers et enfin leurs attitudes concernant les fêtes nationales à l‟école comme moyen pour la formation de l‟identité nationale des élèves. Notre recherche s‟intéressera, en outre, à un petit nombre de professeurs qui travaillent dans les écoles où la proportion d‟élèves étrangers est plus élevée que celui des autres écoles. Notre intention est d‟étudier si le contact quotidien des professeurs avec les élèves étrangers influence ou non leur attitude envers eux. À ce niveau, il faut bien signaler que nous n‟avons pas choisi les écoles interculturelles car les programmes éducatifs de ces écoles sont adaptés aux origines des élèves et les professeurs travaillent dans une logique et une perspective différentes de celles choisies par les professeurs qui travaillent dans les écoles conventionnelles. Par conséquent, pour avoir une image objective concernant le type de réalisation des fêtes nationales scolaires, il faut travailler sur les écoles conventionnelles, largement majoritaires.
4.4.
La construction de questionnement
La grille d‟entretien est le résultat : a) des vingt discours prononcés par des enseignants lors de la célébration de deux fêtes nationales au sein de l‟école et b) des quatre entretiens-pilotes qui ont été réalisés avant le questionnaire final. Plus précisément, nous avons trouvé et lu vingt discours solennels concernant les fêtes nationales.349 Les discours prononcés constituent un outil très utile parce que dans ces textes, nous pouvons trouver les directions générales et les messages que les professeurs veulent mettre en valeur. Ces textes ont constitué pour nous un guide très utile car ils ont contribué à la formation finale de notre questionnaire. Dans les discours solennels nous avons trouvé des expressions révélatrices ou constaté au contraire des omissions, des occultations de 348 349
Bertaux, D., Le récit de vie, Paris, Armand Colin, 2005, p. 47. Supra, p. 172.
- 185 -
phénomènes d‟ordinaire mis en évidence et un style narratif qui nous a aidés à la formation initiale de notre questionnaire. Les discours solennels, présentent une grande diversité: tous ceux qui concernent les deux fêtes nationales (25 Mars et 28 Octobre) ont des accents particulièrement sentimentaux. Les Grecs d‟aujourd‟hui se présentent de fait comme descendants d‟une civilisation glorieuse qui progresse à travers les siècles et ils voient la Grèce actuelle comme un pays en danger à cause des nouvelles donnes (mondialisation, questions nationales). En ce qui concerne les discours concernant le 25 Mars, ils font ressortir le caractère religieux de la révolution nationale et ils identifient l‟orthodoxie et l‟Hellénisme. Ιl y a quelques rares références qui concernent l‟influence des Lumières occidentales et des Lumières néohelléniques sur les premiers Grecs révolutionnaires. Rien n‟est dit toutefois du caractère démocratique des premières constitutions grecques qui se posaient en faveur des droits de l‟Homme et de la tolérance religieuse. Les occupants Turcs sont présentés comme un peuple barbare et seuls quelques discours mettent en avant, outre le caractère national, le caractère social de la révolution nationale. Il n‟y a, non plus aucune référence sur l‟actualité européenne et la participation de la Grèce à la communauté européenne et la « famille européenne ». Enfin, les discours concernant le 28 Octobre, ne mentionnent jamais, non plus évidemment qu‟ils ne condamnent, même de manière allusive, les idéologies du nazisme et du fascisme. Les discours s‟emploient à faire références aux « Grecs glorieux » hors du cadre historique de l‟époque. Nous pouvons dire que, d‟une manière générale, les discours sont caractérisés par un hellénocentrisme qui exalte - encense les « caractéristiques de la race grecque » et ils passent absolument sous silence les débats internes, idéologiques et politiques, concernant l‟Europe, la communauté européenne et la place de la Grèce dans le monde actuel. Ensuite, nous avons réalisé quatre entretiens avec quatre professeurs de lettres différents et, cependant nous avons organisé, éclairci et amendé le questionnaire initialement élaboré. Les quatre professeurs ont répondu immédiatement à notre invitation et ils ont contribué de manière déterminante à la mise au point du questionnaire final. Après chaque entretien en effet, notre questionnaire gagnait en fonctionnalité en pertinence et en cohérence. Les questions de notre étude sont ouvertes pour que les professeurs puissent expliquer librement leurs pensées. Le questionnaire est divisé en trois parties. La première comporte des questions qui font référence au rôle et à l‟utilité que les professeurs assignent aux fêtes nationales, au contenu des fêtes nationales (textes, poèmes, chansons, décoration de l‟espace), à la nécessité et au rôle du défilé scolaire qui clôt souvent la fête nationale, à la possibilité ou non de faire - 186 -
coïncider une fête nationale et une fête une religieuse (la fête du 25 Mars), à la relation entre les fêtes nationales et l‟avenir de la Grèce dans le nouveau cadre mondial et européen. La deuxième comporte des questions qui font référence à la participation ou non des élèves étrangers aux fêtes nationales dans le cadre scolaire. Nous essaierons de comprendre ce qu‟il en est de la discrimination envers les élèves étrangers : ces élèves participent-ils ou non aux fêtes nationales ? La possibilité leur est-elle donnée ou non de réciter des poèmes sur la patrie et la nation grecques ? La possibilité est-elle donnée ou non aux enfants étrangers de porter le drapeau grec durant le défilé scolaire ? Et la troisième présente tous les détails personnels concernant les professeurs interrogés (âge, idéologie politique, contact ou non avec des étrangers, participation aux associations bénévoles) et nécessaires à notre étude. Dans ce cadre de la pensée et de l‟ordre scientifique et académique, nous avons construit le questionnaire suivant qui entreprend d‟englober tous les paramètres qui sont nécessaire pour la réalisation et la déduction de notre recherche, selon toujours nos buts que nous avons visé.
- 187 -
5.
Questionnaire
A)
Questions autour du rôle et de l’utilité des fêtes nationales.
-
Quels sont les buts que vous poursuivez quand vous organisez des fêtes
nationales à l‟école et quelles sont, de manière générale, les caractéristiques des fêtes nationales que vous organisez ? -
Quand organisez-vous des fêtes nationales, tenez-vous compte des conditions
politiques et sociales dans le pays et dans le reste du monde (mondialisation, immigration, nationalismes)? -
Actuellement il y a deux mouvements idéologiques dominants. Le premier
voit la nouvelle réalité (mondialisation, unification européenne etc.) comme un défi positif pour la Grèce et le second qui envisage cette réalité avec circonspection et même comme un danger pour la civilisation grecque. Quand organisez-vous des fêtes nationales scolaires, êtesvous influencés par ceux deux approches idéologiques ou restez-vous dans le cadre scolaire traditionnel ? -
Quel est selon vous le profil du Grec à travers les fêtes ?
-
Quand organisez-vous des fêtes nationales scolaires, faites-vous référence aux
positions des historiens qui contestent l‟historiographie officielle (« pages noires ») (p. ex. le rôle de l‟Église officielle durant la révolution nationale, la dimension sociale de la révolution nationale contre l‟empire ottoman, les divisions intérieures et les conflits d‟intérêts personnels etc.) ou restez-vous dans le cadre traditionnel ? -
Lors de la fête du 25 Mars, coexistent une fête nationale et une fête religieuse.
Quand organisez-vous cette fête nationale, mettez-vous en valeur le caractère religieux ou le caractère national de la fête ? -
Pensez-vous qu‟il faille célébrer, dans l‟école publique, des fêtes religieuses
ou autres manifestations religieuses ?
- 188 -
-
Pensez-vous que les fêtes nationales jouent un rôle principal ou secondaire
dans la formation de l‟identité nationale et de la connaissance historique des élèves ? -
À propos du contenu et des messages véhiculés par les fêtes nationales à
l‟école, pensez-vous qu‟il faut poursuivre dans ce sens ou changer la façon de les célébrer? -
Pensez-vous que doivent exister certaines directions générales ou détaillées
concernant la célébration des fêtes nationales de la part du Ministère de l‟Éducation et des Cultes ou que les professeurs doivent avoir la possibilité d‟organiser les fêtes selon leurs convictions ?
B)
Questions sur la participation ou non des élèves étrangers aux fêtes
nationales. -
Faut-il que les élèves étrangers participent aux fêtes nationales dans le cadre
scolaire ? -
Faut-il lire des poèmes avec un contenu national ?
-
Faut-il chanter l‟hymne national grec dans l‟enceinte d‟un établissement
scolaire ? -
Les élèves étrangers peuvent-ils porter le drapeau grec durant le défilé
scolaire ? -
Faut-il maintenir ou abroger les défilés scolaires ?
-
Quand organisez-vous des fêtes nationales, comment abordez-vous les élèves
étrangers par rapport à leur participation dans ces fêtes? -
Pensez-vous que le Ministère doive laisser librement les élèves étrangers
participer aux fêtes nationales ou au contraire l‟imposer, l‟interdire?
C.
Présentation des enquêtés.
-
Quel âge avez-vous ?
-
Où vous situez-vous vous-même sur l‟axe Gauche - Droite (Extrême gauche,
Gauche, Centre-gauche, Centre, Centre-droit, Droite, Extrême droite) ? -
Avez-vous un contact quotidien avec les élèves étrangers ou les étrangers plus
généralement ? Est-que ce vous avez habité à l‟étranger ? Gardez-vous ou avez-vous
- 189 -
gardé des contacts avec des étrangers en Grèce ou à l‟étranger ? Lisent-ils des livres ou des magazines étrangers ? -
Êtes-vous membre d‟une association bénévole ?
-
Si oui, quelle est la nature de cette association (culturelle, traditionnelle,
environnement, protection des animaux, contre les maladies, sida, pauvreté, contre le racisme et les discriminations)? Ici, il faut signaler que durant la passation des entretiens, nous avons intégré certaines questions explicatives ou explications concernant soit les sujets interrogés, soit les opinions de professeurs. Ces questions nous aident à mieux comprendre les professeurs et à donner à notre conversation un style spontané et, par conséquent, plus authentique 350. Parfois, aussi, l‟ordre de nos questions n‟est pas prédéterminé, et ne suit pas nécessairement la liste cidessus, mais répond à une certaine spontanéité, tout en restant bien sûr dans le cadre de notre étude.
350
Supra, p. 177.
- 190 -
6.
Caractéristiques techniques de notre analyse
Chaque professeur est représenté par un code [P (professeur) 1, P2….P40]. Pour l‟analyse de notre matériel, nous avons choisi « l’analyse qualitative de contenu ». Pour l‟analyse qualitative du contenu, nous avons suivi une approche thématique telle que la définissent Alain Blanchet et Anne Gotman 351. Nous nous sommes penchés en effet sur la structure des textes, sur leur logique structurelle de façon à en faire émerger un sens dont le locuteur n‟a pas conscience et qui, d‟autre part, se dérobe le plus souvent à l‟analyste. Ainsi, plus qu‟une analyse – au sens strict de « décomposition » – il s‟agit d‟une reconstruction du sens des phrases à partir de « points d‟appui cachés, et donc plus fiables, pour établir le sens du texte ». Par rapport aux « analyses par entretien » ces unités se présentent sous formes d‟énoncés plus limités, restreints et élémentaires et sont traitées de manière standardisée et systématique. Par ailleurs, l‟analyse thématique « se réfère au même thème…et cherche une cohérence thématique inter-entretiens ». L‟architecture cognitive et affective des individus va disparaître irrémédiablement au terme de l‟extraction des séquences signifiantes de leur contexte et de leur classement. Ce qui fait préciser à A. Blanchet et A. Gotman « L‟analyse thématique est donc cohérente avec la mise en œuvre de modèles explicatifs de pratiques ou de représentations, et non pas de l‟action ». 352 La détermination des thèmes ainsi que l‟élaboration de la grille d‟analyse impose une lecture approfondie, donc singulière de chacun des entretiens. Nous insistons ici sur le fait qu‟il s‟agit non d‟une « analyse de contenu » mais bien d‟une lecture qui vise à s‟approprier le contenu du corpus, à en avoir une connaissance précise. Cette procédure permettra l‟identification des thèmes et la construction de la grille d‟analyse en se fondant sur les hypothèses descriptives de la recherche, quitte à reformuler lesdites hypothèses si besoin est, après lecture des entretiens. En principe donc, cette identification, cette élaboration de grille résultent d‟un croisement des hypothèses et des récurrences du corpus. Ceci posé, la lecture du corpus servira quasiment à elle seule à l‟identification des thèmes, dans le cas de l‟enquête exploratoire. On comprendra ici que, contrairement à l‟unité linguistique, l‟unité thématique ne saurait se définir a priori. Elle constitue un noyau de sens que l‟on identifie par rapport à la problématique et aux hypothèses de la recherche. Par contre, dès lors que les thèmes auront été précisés, définis, pour analyser un corpus, ils constitueront le cadre permanent dans lequel se développera l‟analyse de tous les entretiens. La grille d’analyse doit, à l’instar du guide 351 352
Blanchet, A. et Gotman, A., L’entretien, Paris, Armand Colin, 2006, p. 95. Blanchet et Gotman, L’entretien…, op.cit., p. 98.
- 191 -
d’entretien, être aussi hiérarchisée que possible, c‟est-à-dire bien distinguer thèmes principaux et thèmes secondaires (spécifications). Ce principe vise à réduire les risques d‟oublis, d‟interprétations non contrôlées grâce à une décomposition optimale de l‟information, à un séquençage des éléments factuels que l‟on prendra grand soin de séparer des éléments de signification. Sur la base du matériel de notre étude, nous avons construit les catégories « productives » de notre analyse. Nous avons formulé un « système déductif des catégories », c‟est-à-dire que le contenu de nos entretiens nous a guidés dans la formulation de nos catégories car « chaque lecteur, chaque analyse, extrait donc du même texte un sens différent selon les hypothèses engagées. Le choix du type d‟analyse de contenu, comme le choix du type de collecte, est subordonnée aux objectifs de la recherche et à sa formulation théorique. Il s‟effectue donc dans la phase de préparation de l‟enquête, en liaison avec la formulation des hypothèses. L‟analyse de contenu n‟est pas neutre. En tant qu‟opération de production des résultats, elle représente l‟ultime étape de la construction de l‟objet. Les différentes analyses de contenu seront donc envisagées sous l‟angle de leurs présupposés théoriques et dans leur cadre d‟utilisation spécifique ». 353 Comme unité de prélèvement d’échantillon nous prenons l‟entretien de chaque professeur et comme unité d’enregistrement le thème qui représente un fragment de discours. « Chaque thème est défini par une grille d‟analyse élaborée empiriquement. Le mode de découpage est stable d‟un entretien à l‟autre ».354 Le thème ressortit, du point de vue du contenu, à une des catégories et dans sa forme plus simple, consiste en une proposition phrase. Un thème exprime un signifié global et il est possible qu‟il abonde dans plusieurs phrases et paragraphes.
6.1.
Définition des catégories fondamentales
Système déductif des catégories Catégories: Identité nationale Autre national-Étranger Pourquoi avons-nous donc choisi ces deux catégories précises ? Que voulons-nous étudier au travers de ces catégories ? 353 354
Blanchet et Gotman, L’entretien…, op.cit., p.94. Ibidem.
- 192 -
Avant la présentation détaillée de la catégorie identité nationale, il convient d‟apporter certains éclaircissements nécessaires à l‟approche méthodologique de notre étude. Dans notre volonté et notre effort de présenter une vue globale concernant le contenu de l‟identité nationale grecque, que les professeurs de notre échantillon ont entrepris de manifester, notre étude s‟est étendue sur une série de sujets entrecroisés qui constituent en même temps le contenu de cette identité. Conformément à ce que nous exposons dans la partie théorique de notre étude et plus précisément celle qui concerne la définition de l‟identité nationale, de la construction de l‟identité nationale grecque et de la doctrine hellénochrétienne355, nous avons abouti à la conclusion que les sujets qui constituent les paramètres majeurs de l‟identité nationale grecque sont l‟engagement du Soi national-Grec, l‟Orthodoxie, la Doctrine hellénochrétienne et la Mondialisation. Aux trois premiers paramètres qui jouent un rôle principal dans les questions idéologiques de la Grèce depuis presque deux siècles, nous avons ajouté la Mondialisation car elle constitue une nouvelle réalité qui influence non seulement les dites questions idéologiques, mais le monde entier. Nous avons considéré que l‟approche et la synthèse des paramètres ci-dessus, de la part des professeurs, constitue le matériel qui nous donnera une image complète du contenu de l‟identité nationale qu‟ils souhaitent manifester. Evidement, la recherche d‟un ou deux des paramètres ci-dessus, serait plus facile mais insuffisante aussi. Nous ne pourrions pas, par exemple, étudier l‟approche, de la part des professeurs, du Soi national-Grec sans l‟intégrer dans cette nouvelle réalité qu‟est la mondialisation. Nous ne pourrions pas, non plus, étudier l‟approche, de la part des professeurs, du Soi national-Grec sans référence à la Doctrine hellénochrétienne, sur les traces de laquelle le Grec marche depuis près de deux siècles. Pour cette raison, nous avons étudié les quatre paramètres ci-dessus et la façon dont les professeurs les entremêlent et les engagent. 6.1.1. Identité nationale: Dans le matériel de notre étude, nous avons entrepris d‟entrelacer les quatre éléments précédemment mentionnés qui jouent un rôle principal dans le contenu de l‟identité nationale grecque. Nous les rappelons ici : le Soi national-Grec, l’Orthodoxie, la Doctrine hellénochrétienne et la Mondialisation. Précisément, notre intention est d‟étudier la manière dont les professeurs présentent le Grec, à travers les fêtes nationales écolières.
355
Lui attachent-ils ou non des caractéristiques naturelles et, si oui, lesquelles ?
Supra, Identité nationale, pp. 72-113, Doctrine hellénochrétienne, pp. 152-156.
- 193 -
Critiquent-ils les phénomènes actuels de discriminations envers les minorités
dans la société grecque actuelle?
Quel type de citoyen proposent-ils par rapport à l‟étranger?
Comment approchent-ils la relation entre l‟antiquité grecque et la Grèce
actuelle ? Font-ils ou non une différence entre le Grec et l‟Orthodoxe ?
Restent-ils attachés à l‟historiographie romantique officielle ou mettent-ils en
avant et approches historiques qui la contestent ?
Comment affrontent-ils la nouvelle réalité de la mondialisation ?
Comment approchent-ils la relation entre la Grèce et la mondialisation au
niveau culturel ?
La voient-ils avec optimisme et dans une perspective d‟ouverture ou
frileusement en craignant l‟ouverture des frontières, le déplacement et le brassage des populations, des civilisations, des langues, des dogmes religieux et des modes de vie ?
Et finalement, avec tout cela, quel est le contenu de l‟identité nationale qu‟ils
veulent cultiver par les fêtes nationales écolières chez les enfants ? Nous voudrions, à ce point de notre réflexion, insister quelque peu au niveau théorique sur les notions de Mondialisation et d‟Orthodoxie. En ce qui concerne les deux autres expressions (doctrine hellénochrétienne, identité nationale), nous avons déjà consacré à la première un chapitre complet ci-dessus356, quant à la seconde elle ne nécessite pas d‟explication supplémentaire. Le choix de notion de la mondialisation s‟est imposé car nous voulons intégrer notre travail dans le cadre général actuellement en vigueur, alors que le phénomène de la mondialisation domine tant au niveau économique qu‟au niveau culturel. Par conséquent nous ne pouvons rechercher les attitudes d‟aucun groupe social sans avoir égard à l‟environnement social, économique et culture dans lequel il est appelé à fonctionner. Peutêtre les attitudes des professeurs de notre recherche, sur les fêtes nationales comme mécanisme de la formation de l‟identité nationale des élèves, seront-elles différentes si les conditions aussi étaient différentes. Tout abord, nous considérons nécessaire certains éclaircissements sémantiques concernant la notion de la mondialisation.
356
Supra, Identité nationale, pp. 72-113, Doctrine hellénochrétienne, pp. 152-156.
- 194 -
En commençant avec une distinction entre le terme « globalisation » et le terme « mondialisation », nous définissons la première comme une l‟extension supposée du raisonnement économique à toutes les activités humaines en évoquant sa limitation au globe terrestre, alors que la deuxième comme l‟extension planétaire des échanges qu‟ils soient culturels, politiques, économiques ou autres. Par conséquent, la mondialisation n‟est pas exclusivement économique. L‟éthique de la mondialisation n‟est pas non plus seulement « économique », mais elle se répand à la sphère de la démocratie, des droits de l‟homme, de la déontologie scientifique, de la culture, et la politique et de la sociologie. La mondialisation est un processus historique qui n‟est pas exclusivement le fruit de l‟innovation humaine et du progrès technique en évoquant l‟intégration croissante des économies dans le monde entier, au moyen surtout des courants d‟échanges et des flux financiers, mais ce terme évoque aussi les transferts internationaux de main-d‟œuvre ou de connaissances (migrations de travail ou technologiques)
et
comporte-elle enfin des
dimensions culturelles,
politiques et
environnementales plus vastes.357 En ce qui concerne notre recherche, nous insistions surtout sur l‟aspect culture de la mondialisation, c‟est-à-dire un aspect qu‟apporte l‟accès d‟une très large partie de la population mondiale à des éléments de culture de populations parfois très éloignées d‟une part et aussi la prise de conscience par les pays développés dans leur ensemble de la diversité des cultures au niveau mondial. On entend, par mondialisation, l‟extension des échanges économiques et culturels à l‟échelle du monde et la progression des structures systémiques au détriment des modes de vie particuliers. À l‟intérieur de ce domaine de définition général, la mondialisation culturelle représente le processus par lequel un système culturel local réussit à étendre son influence dans plusieurs aires géographiques et, ce faisant, à acquérir la capacité de désigner d‟autres systèmes culturels comme locaux. Dans ses manifestations concrètes, la mondialisation culturelle peut être appréhendée sous deux formes. La première consiste en un système de connaissances mis en place par le développement des technologies de l‟information et de la communication. La deuxième réfère à l‟émergence de la culture de masse, c‟est-à-dire une culture qui a donné naissance à la presse à grand tirage, à l‟édition populaire des livres et des magazines, au cinéma, à l‟industrie du disque, à la radio puis à la télévision. Elle véhicule des produits culturels (les livres, les films, les disques, etc.) mais 357
« La mondialisation : faut-il s‟en réjouir ou la redouter ? », [Ressource électronique]. Fonds Monnétaire international. 2000 [réf. du 10 novembre 2008]. Disponible sur : http://www.imf.org/external/np/exr/ib/2000/fra/041200f.htm#II
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aussi des valeurs culturelles comme les croyances et les normes idéologiques, lesquels guident les conduites et orientent les attitudes des individus au sein de la sphère culturelle. Cette culture est aujourd‟hui principalement une culture de type américain. Elle constitue le facteur par excellence d‟hybridation culturelle du monde actuel. La mondialisation culturelle d‟aujourd‟hui peut être désignée avec le concept de localisme globalisé au sens où le phénomène culturel local américain a réussi à se globaliser. Pour les « petites sociétés », c‟est-à-dire les sociétés non hégémoniques qui se rapportent à un Centre, cette forme de la mondialisation culturelle apparaît sous la forme d‟un globalisme localisé, c‟est-à-dire d‟un « processus d‟accommodement ou d‟appropriation, par des cultures locales, d‟objets, de codes ou de signaux disséminés à l‟échelle de la planète par des Centres nodaux de production de symboles matériels ou virtuels ». Ce globalisme localisé se traduit particulièrement dans de nouvelles formes culturelles qui résultent de l‟impact des pratiques transnationales, notamment celles de type américain sur les mécanismes de fonctionnement des autres sociétés, qui sont restructurés de manière à répondre à ces pratiques. Dans l‟ordre de la division culturelle internationale, les « grandes sociétés » donnent lieu à des localismes culturels globalisés tandis que les « petites sociétés » composent avec des globalismes culturels localisés. La société américaine est la première référence d‟une grande société hégémonique, mais tout autre type de société qui exerce une forte influence culturelle sur les autres impose ses pratiques par les mêmes mécanismes. 358 Un aspect aussi considérable concernant la mondialisation culturelle est la mondialisation de la langue anglo-américaine. La domination de la langue anglo-américaine est telle que certains auteurs, y compris dans le monde anglo-saxon, n‟hésitent pas à parler d‟impérialisme linguistique. La domination de la langue anglo-américaine se manifeste aussi beaucoup à travers l‟influence socioculturelle américaine. Les États-Unis exercent une influence très forte dans le domaine économique, financier, scientifique, informatique, ainsi que dans les loisirs (musique, cinéma). Cette influence a tendance à propager la langue anglaise ou à favoriser les emprunts lexicaux (anglicismes) dans d‟autres langues dont le français. 359 La mondialisation s‟accompagne d‟une domination de la langue anglo-américaine, qui se manifeste avec le plus d‟acuité sur internet. En 1996, il y avait une présence presque 358
Vultur, M., La dynamique culturelle de la mondialisation [Ressource électronique], Montréal, Institut national de la recherche scientifique, 2005. p. 6-7. Disponible sur : http://www.inrsucs.uquebec.ca/pdf/inedit2005_03.pdf 359 Tosti, J., L’impérialisme linguistique. Le tout anglais vecteur de la mondialisation libérale, [Ressource électronique]. 2007 [réf. du 15 septembre 2009]. Disponible sur : http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.france.attac.org/spip.php?article7577%26artpage=1-2
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exclusive de l‟anglais sur Internet, avec 75% des pages web dans le monde en anglais. En 2003, cette proportion a baissé à 45%. Il y a donc une certaine diversification des langues sur internet. Cela n‟empêche pas que la grande majorité des 6000 langues du monde ne sont pas représentées sur internet. Selon l‟UNESCO, 2.500 langues sur les quelque 6.000 langues parlées dans le monde sont aujourd‟hui en danger. À l‟aube du XXIe siècle, il y a donc une menace importante pour la diversité linguistique dans le monde.360 Cette domination de l‟anglais se fait sentir jusque dans les institutions européennes, et particulièrement à la Commission européenne. Depuis l‟élargissement de l‟Union européenne de 1995, l‟usage de l‟anglais a dépassé celui du français dans les institutions européennes. En 2001, 56,8% des pages reçues par la Commission européenne étaient écrites en anglais, et 29,8% étaient écrites en français.361 Enfin, un autre sujet aussi remarquable concernant notre recherche est la relation entre la mondialisation et l‟immigration. Entre les deux concepts et phénomènes il y a de relation directe, alors que l‟utilisation de la notion mondialisation d‟être identifié à la notion immigration. Précisément, presque tout le monde reconnaît que ces évolutions de la migration internationale et des politiques d‟immigration sont liées à un processus mondial de transformations économiques, culturelles et politiques auquel renvoie couramment le terme « mondialisation ».362 Partout dans le monde, les travaux de recherche, les théories et les analyses politiques susceptibles d‟éclairer le phénomène de la migration internationale soulèvent un intérêt très vif et de plus en plus marqué. L‟importance croissante accordée à ce thème témoigne du sérieux des enjeux qu‟il recouvre pour tous les pays, riches ou pauvres. L‟immigration internationale soumet les pays industrialisés à des pressions contradictoires. En 2002, les États-Unis accueillaient le nombre d‟immigrants le plus important de son histoire mais leur proportion au regard de sa population est moindre que celle des années 1920. Dans l‟ensemble du monde, les mouvements de population sont quantitativement faibles. La mobilité internationale durable reste le sort des plus défavorisés, déplacés par les guerres ou 360
Pimienta, D., « Diversité linguistique dans le cyberespace : modèles de développement et de mesure » [Ressource électronique], in : Mesurer la diversité linguistique sur Internet, Unesco 2005, p. 29-32. Disponible sur : http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.uis.unesco.org/template/pdf/cscl/MeasuringLinguisticDiversity_Fr.p df 361 Herbillon, M., « La diversité linguistique dans l‟Union européenne » [Ressource électronique]. Assemblée nationale. 2003 [réf. du 10 juille 2008]. France. Disponible sur : http://wikiwix.com/cache/?url=http://www.assemblee-nationale.fr/12/europe/rap-info/i0902.asp#P461_60334 362 Simmons, A., « Mondialisation et migration internationale : tendances, interrogations et modèles théoriques » [Ressource électronique], Cahiers québécois de démographie, Montréal, V. 31, N° 1, 2002, p. 9. Disponible sur : http://www.erudit.org/revue/cqd/2002/v31/n1/000422ar.pdf
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l‟apanage des mieux formés à la recherche de la meilleure rémunération pour leurs compétences. Aujourd‟hui, environ 3% de la population mondiale vit en dehors de son pays de naissance. C‟est environ 200 millions d‟immigrants qui ont quitté leur pays natal, en tenant compte des 6 milliards d‟habitants dans le monde. 363 Les
travailleurs
s‟expatrient
notamment parce que les perspectives d‟emploi sont meilleures dans d‟autres pays. On ne dispose jusqu‟à présent que de peu de chiffres dans ce domaine, mais, au cours de la période 1965-1990, la main-d‟œuvre étrangère a augmenté de moitié environ dans le monde. La plupart des migrations se font entre les pays en développement. Toutefois, le flux de travailleurs migrants vers les économies avancées permettra sans doute un rapprochement des salaires au niveau mondial. Il est également possible que des travailleurs reviennent avec leurs compétences dans les pays en développement et que les salaires augmentent dans ces pays.364 Les dimensions de la mondialisation peuvent exercer sur la migration internationale des influences contradictoires, créant des problèmes sociaux, politiques et économiques dans les pays sources, les familles migrantes et les pays d‟accueil. Si la mondialisation économique encourage la migration, elle fait du même coup planer la menace de changements culturels qui peuvent inciter les pays d‟accueil à se liguer pour endiguer la migration par des traités et des ententes sur le contrôle des frontières. Tandis que l‟éventualité d‟un accroissement de la migration internationale cristallise les réactions xénophobes propices à l‟apparition de mesures destinées à la limiter, la migration même engendre des identités hybrides et tend des passerelles culturelles dans et entre les pays. Inévitablement, la mondialisation fait de la migration un champ de contradictions, de conflits et de paradoxes. L‟immigration internationale soumet les pays industrialisés à des pressions contradictoires. Tandis que s‟y accroît la demande de main-d‟œuvre étrangère destinée à pallier les effets de la chute des taux de fécondité sous le seuil de remplacement des générations, le vieillissement démographique et les pénuries de jeunes travailleurs, leurs populations s‟inquiètent de plus en plus des changements culturels que pourrait entraîner un afflux d‟immigrants, de demandeurs d‟asile et de migrants clandestins. Dans les pays occidentaux, la crainte suscitée par les événements du 11 septembre à l‟égard des liens possibles entre migrants et attentats terroristes tend à attiser la méfiance envers les étrangers, en particulier originaires de pays non occidentaux moins développés. D‟où le paradoxe des pays riches : leur économie a
363 364
Simmons, « Mondialisation et migration internationale…, op. cit., p. 28. « La mondialisation : faut-il s‟en réjouir ou la redouter…, op. cit.
- 198 -
besoin de la main-d‟œuvre immigrante, mais ils sont traversés par des pressions politiques qui ont souvent pour effet de limiter l‟immigration.365 Mais, sauf les remarques ci-dessus, quand nous parlons de mondialisation, avec une vue plus attentive, nous pouvons signaler les deux aspects suivants. D‟un côté, il existe une homogénéisation factuelle du monde – par exemple à travers l‟image, les satellites, un Internet en expansion, les réalités virtuelles – bref, à travers le multimédia, la technologie de communication la plus moderne, qui pénètre jusque dans les villages les plus reculés du Nord-est brésilien. Des images d‟Afrique, des hauts plateaux de Bourma ou du Boutan sont transmisés en l‟espace de quelques secondes. On pourrait donc penser à première vue que partout dans le monde devrait émerger une conscience universelle, associée à des qualités comme la compréhension de l‟autre, de « l‟étranger » en général, de la connaissance de la différence, et même d‟une certaine solidarité avec les autres. Dans la réalité, c‟est exactement le contraire qui se produit. Les religions pratiquées dans le monde deviennent plus fondamentalistes. Les radicalisations et les confrontations augmentent. Plus le monde s‟homogénéise par la technique et les médias, plus il se balkanise d‟un point de vue ethnique, religieux et politique. Il en résulte un paradoxe. D‟une part, les gens, grâce aux médias et dans les médias, ne cessent de se rapprocher. De l‟autre, ils s‟éloignent – faut-il penser « inexorablement ? » – les uns des autres, du point de vue intellectuel et culturel. L‟homogénéisation du monde s‟accomplit uniquement dans l‟esprit d‟une rationalité du marché, et en aucun cas par la création d‟une identité collective du monde qui pourrait avoir un véritable effet de communication et d‟union entre les cultures et les religions. Cette rationalité du marché, qui s‟impose au monde par l‟intermédiaire d‟images qui nivellent, mettent sur le même plan les effets de traditions historiques et de traditions religieuses organiques, pousse à la résistance locale, à une quête de racines profondes et archaïques. 366
Ensuit, en ce qui concerne la notion de l’Orthodoxie dans notre recherche, nous ne voulons pas présenter l‟espace dogmatique et cultuel de cette confession qui ne se trouve pas, en tous cas, dans le cadre de notre recherche. Au contraire, alors qu‟au chapitre concernant la construction historique de la doctrine hellénochrétienne367 nous avons déjà présenté le cadre historique dans lequel a été formalisée la doctrine mentionnée, dans ce chapitre-ci nous
365
Simmons, « Mondialisation et migration internationale…, op. cit., p. 7. Von Barloewen, C. Anthropologie de la mondialisation, Paris, traduit de l‟allemand par Mannoni O., Éditions des Syrtes, 2003, pp. 381-382. 367 Supra, pp. 152-156. 366
- 199 -
présentons surtout les dimensions idéologiques de cette évolution historique et nous faisons référence surtout à la relation historique entre l‟Église Orthodoxe et le nationalisme grec. Plus précisément, au niveau idéologique, l‟Église Orthodoxe et l‟Empire byzantin sont deux absolus, deux unités parfaites depuis les siècles, qui réalisaient alors une perfection harmonieuse et indépassable. L‟universalisme était bien une priorité de l‟Église, mais aussi, nécessairement, une condition essentielle de l‟idéal théocratique. Mais, paradoxalement, l‟universalisme, fondement de la théocratie, se transforma en un nationalisme, puis en un messianisme grec. Après le concile de Florence (1439) et la chute de Byzance (1453), l‟Orthodoxie grecque dut employer la totalité de ses forces à sa propre défense, identifiée à l‟idée nationale, menacée d‟une part par l‟Islam, d‟autre part, par le Catholicisme. C‟est de cette époque que date l‟équation entre l‟hellénisme (au sens national grec) et le christianisme. Le titulaire du Siège œcuménique de Constantinople devint, en effet, dès la prise de cette ville, ethnarque. La dignité d‟ethnarque qui fit participer les patriarches, en raison de leur position officielle, à la corruption générale de la Porte, amena progressivement l‟autorité du Patriarche Grec de Constantinople à s‟exercer bien souvent sur tous les autres Centres orthodoxes. Les peuples Slaves ou Arabes subirent un ensemble de vexations de la part des Grecs qui les dominaient (le patriarcat bulgare reçut, par exemple, un titulaire grec). Le nationalisme grec suscita ainsi, par contrecoup, des nationalismes slaves qui, lorsque les situations furent favorables, explosèrent au grand jour. Et ce fut, au XIXe siècle, le schisme bulgare et le rétablissement des autocéphalies, structurant des Églises nationales, dans une atmosphère d‟opposition et d‟hostilité des différents peuples entre eux. Par conséquent, au sortir de l‟occupation turque, au début du XIXe siècle, l‟Église de Grèce devenait-elle aussi, un rouage de l‟État impérial, à la liberté très limitée. Son statut fut calqué sur celui du synode de l‟Église russe (1771). La direction de l‟Église fut confiée à une commission d‟évêques désignés par l‟État et présidée, en son nom, par un fonctionnaire civil. Les évêques étaient dès lors transformés en grands fonctionnaires. Nationalisme et messianisme national ont marqué de leur empreinte l‟Église Orthodoxe Grecque en revendiquant avec prétentions nationales à la succession de Byzance. L‟un des faits de la théocratie byzantine qui assombrit pour longtemps l‟histoire de l‟Orient Orthodoxe a été le développement des nationalismes religieux, faisant progressivement fusionner l‟Église, sa structure, son organisation avec une nation, faisant d‟elle l‟expression d‟une vie nationale. 368
368
Le Guillou, M.J., L’esprit de l’Orthodoxie grecque et russe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1961, pp. 89-
94.
- 200 -
C‟est l‟époque où la Grèce se battait pour son existence entre l‟Asie musulmane et l‟Occident latin, que l‟Église Grecque devint le symbole et l‟incarnation de l‟âme nationale. À la suite du sac de Constantinople par les croisés à la quatrième croisade, de l‟instauration de l‟Empire latin, l‟Occident apparut aux Grecs comme un monde étranger et hostile. Caractéristique est la phrase du Grand Duc byzantin Loukas Notaras, au moment où l‟armée turque prenait position devant Constantinople, « J‟aimerais mieux voir régner à Constantinople le turban de Mahomet que la tiare du Pape ». 369 Par conséquent, conformément à l‟exposé théorique ci-dessus, quand nous utilisons la notion Mondialisation, nous faisons référence à un processus multidimensionnel (dimension économique, financière, culturelle, politique, linguistique, migratoire). Mais, en ce qui concerne notre recherche, nous nous focalisons surtout sur l‟aspect culturel, migratoire et linguistique de la mondialisation. Notre intérêt se concentre sur l‟influence des trois aspects ci-dessus sur la mise en évidence de l‟identité nationale par les professeurs durant l‟organisation des fêtes nationales scolaires. En ce qui concerne la notion d‟Orthodoxie, nous nous focalisons surtout sur l‟impact idéologique de l‟Église orthodoxe grecque dans les affaires nationales et dans les directions idéologiques suivies par la société grecque.
6.1.1.1. Spécifications - sous-catégories
Soi national-Grec370 : Dans cette sous-catégorie s‟intègre chaque référence
qui renferme des expressions concernant les caractéristiques culturelles ou « naturelles » du Grec, des expressions qui critiquent des attitudes discriminatoires en Grèce actuelle, des phrases qui réunissent l‟antiquité grecque et la Grèce moderne.
L’orthodoxie : Cette sous-catégorie fait référence aux expressions concernant
la relation entre le Soi national-Grec et l‟Orthodoxie et l‟identification ou non du Grec avec l‟Orthodoxe.
Doctrine hellénochrétienne : Dans cette sous-catégorie s‟intègrent toutes les
références concernant la promotion ou la contestation de la doctrine hellénochrétienne, par les fêtes nationales scolaires.
369
Ibidem. La notion Soi national est très usitée par la bibliographie relative en Grèce et elle est accompagnée de la notion Grec (Soi national-Grec). Nous considérons que la notion en question est en cohérence avec la logique scientifique de notre étude. 370
- 201 -
Mondialisation : cette sous-catégorie referme toutes les références
concernant la relation de la société grecque et de la nation grecque avec le contexte que nous connaissons depuis vingt ans. 6.1.1.2. Définition des directions Ensuite, nous avons défini les directions des nos catégories. Elles sont : a) Complètement positive b) Complètement négative c) Modérément positive d) Modérément négative. Dans le détail (fig. 3) :
Complètement positive (CP): À cette catégorie appartiennent les professeurs
qui envisagent les fêtes nationales scolaires comme un moyen pour la construction d‟une identité nationale complètement extravertie et démocratique.
Complètement négative (CN): À cette catégorie appartiennent les
professeurs qui envisagent les fêtes nationales scolaires comme un moyen permettant la construction d‟une identité nationale complètement introvertie et antidémocratique.
Modérément positive (MP): À cette catégorie appartiennent les professeurs
qui envisagent les fêtes nationales scolaires comme un moyen de construire une identité nationale plutôt introvertie et démocratique malgré leur circonspection et leurs réserves.
Modérément négative (MN): À cette catégorie appartiennent les professeurs
qui envisagent les fêtes nationales scolaires comme un moyen de construire une identité nationale plutôt introvertie et timorée. Dans cette catégorie nous intégrons aussi les professeurs qui envisagent les fêtes nationales avec une logique et une mentalité de fonctionnaire. Bien qu‟ils ne veuillent pas appuyer idéologiquement les fêtes, ils reproduisent pourtant le motif traditionnel des fêtes nationales qui manifestent surtout une identité modérément négative. Figure 3 Positive
Complètement
Modérément
Complètement
Modérément
Négative
- 202 -
La sélection ci-dessus de nos directions, à l‟exception du matériel de notre étude, doit beaucoup au modèle proposé par H.J. Eysenck (1954, The psychology of politics) qui a fait un classement - appareil (fig. 4) où il voulait construire un système fonctionnel entre la « personnalité autoritaire » et la notion de « fasciste » et de « communiste ».371
Figure 4 Dur
Gauche
Droite
Radical
Conservateur
Tendre
Définition complètement positive de direction: Dans cette direction s‟engagent les professeurs qui : a)
présentent le Soi national-Grec avec qualités humaines, sans héroïsations,
exagérations, qualités génétiques ou métaphysiques, luttant contre tout impérialisme ou totalitarisme ; b)
abordent et proscrivent tous les phénomènes de discrimination envers les
immigrants, les minorités religieuses et autres, et en même temps ils mettent en avant un Soi national tolérant et extraverti ; c)
critiquent l‟exagération du recours aux ancêtres et distingue l‟antiquité
grecque et la Grèce actuelle. Ils mettent en avant surtout le Grec actuel et ses créations et ils ne recourent pas à l‟Antiquité pour justifier son retard économique et culturel ; d)
intègrent la religion dans la sphère privée de l‟être humain et font la
distinction entre les notions de « Grec » et d‟ « Orthodoxe » ; e)
présentent
des
approches
historiques
documentées
qui
contestent
l‟historiographie officielle étatique ; f)
se référent à la mondialisation comme une chance pour le développement des
relations entre les nations et pour la coexistence des civilisations différentes où le Soi national-Grec et les Autres nationaux composent une communauté mondiale ; 371
Grawitz, Les méthodes…, op. cit., p. 818.
- 203 -
g)
soutiennent les particularités de la Grèce, sans complexe et de sentiment
d‟infériorité, mais en même temps sont d‟avis que la Grèce doit « s‟ouvrir au monde » sans peur ni sentiment d‟insécurité ; h)
critiquent les injustices envers les peuples impuissants ;
i)
respectent les particularités culturelles de toute minorité vivant en Grèce et
j)
mettent en avant les valeurs de la Liberté, de la justice, de la démocratie etc.
Définition complètement négative de direction : Dans cette direction s‟engagent les professeurs qui : a)
présentent l‟Antiquité grecque comme supérieure et comme modèle pour toute
l‟humanité. Ils mettent en avant une fierté exagérée pour les Grecs anciens, dont les descendants sont les Grecs actuels ; b)
font continuellement référence à l‟Antiquité grecque car la Grèce actuelle,
pour eux, n‟a rien de remarquable à offrir ; c)
conjuguent les évènements historiques de l‟Antiquité, de Byzance et de la
Grèce actuelle et par conséquent ils mettent en avant la version linéaire - romantique de la nation grecque ; d)
présentent le Soi national-Grec avec des caractéristiques naturelles, génétiques
(combattant, héros, travailleur, amour naturel de la Liberté et de la Démocratie, esprit agile, adaptable etc.) ; e)
présentent les Grecs comme protégés des Dieux en raison du caractère juste de
leur combat ; f)
identifient absolument le « Grec » et l‟ « Orthodoxe » et ils voient les autres
confessions d‟un œil négatif que ce soit dans ou en dehors de l‟espace scolaire ; g)
présentent la mondialisation et l‟entrée des immigrants en Grèce comme des
dangers pour l‟homogénéité nationale, religieuse, culturelle et de la langue des Grecs et h)
Ils sont pour les discriminations envers les minorités nationales à cause de
l‟homogénéité grecque qui se trouve en danger. Définition modérément positive de direction: Dans cette direction s‟engagent les professeurs qui : a)
se réfèrent au « passé glorieux » des Grecs et en même temps ils critiquent la
réalité grecque actuelle en toute bonne foi. Mais cette critique est limitée surtout aux sujets concernant le modèle consommateur de la société grecque et la manque de consensus - 204 -
national des Grecs dans les périodes de paix. Ils ne critiquent pas du tout les phénomènes de discrimination envers les étrangers et les minorités et ils ne mettent pas en avant un Soi national tolérant et démocratique ; b)
mettent en avant des valeurs universelles (liberté, égalité etc.) mais quand ils
approchent le Soi national, leurs formulations sont assez ethnocentriques ; c)
entretiennent des rapports discrets avec l‟antiquité grecque mais sans une
distinction claire entre l‟Antiquité et l‟actuel ; d)
présentent la version romantique de la nation grecque mais sans exagérations
notables ; e)
présentent l‟orthodoxie comme une partie de l‟identité nationale grecque mais
ils lui donnent plus un caractère culturel que religieux et f)
présentent la mondialisation comme un phénomène inéluctable que nous
devons envisager sans panique tout en conservant toujours les spécificités de la nation grecque. Définition modérément négative de direction: Dans cette direction s‟engagent les professeurs qui : c)
mettent en avant surtout le passé glorieux avec une petite critique de la
situation actuelle ; d)
présentent les Grecs comme combattants, héros, et travailleurs mais avec
mesure et dans un esprit légèrement critique ; e)
acceptent la version romantique de la nation grecque mais sans excès ;
f)
présentent les Grecs comme protégés de Dieux mais sans volonté de
monopole ; g)
identifient le « Grec » et l‟ « Orthodoxe » dans le respect des autres
confessions dans ou en dehors de l‟espace scolaire, mais comme une vérité inéluctable et h)
présentent la mondialisation comme une réalité négative mais inéluctable dans
laquelle la nation grecque doit garder sa spécificité. Après la présentation détaillée des directions de nos catégories, nous devons apporter également d‟autres précisions nécessaires pour l‟approche méthodologique de notre étude. En ce qui concerne l‟intégration du récit des professeurs dans l‟une ou l‟autre direction, nous avons rencontré certains problèmes en raison de la dimension plurielle des exposés. Certains d‟entre eux relevaient en effet de deux ou trois directions de nos catégories. - 205 -
Un professeur, par exemple, se disait en faveur de la mondialisation, en tant que processus qui rapproche les gens et les civilisations différentes (direction complètement positive) et en même temps le même professeur était pour la formation au dogme orthodoxe dans l‟espace scolaire (direction complètement négative) ; autre exemple, un professeur se montrait favorable aux points de vue historiographiques qui contestent l‟historiographie romantique officielle (direction complètement positive) et en même temps il décrivait le « Grec » comme une entité avec certaines caractéristiques naturelles comme l‟amour pour la liberté, l‟héroïsme ou la vivacité d‟esprit native (direction complètement négative). Par conséquent, il se posait une difficulté au regard de directions du contenu de l‟identité nationale que nous pourrions construire. Pour cette raison, nous avons été amenés à définir, outre les deux directions qui sont très claires (Complètement Positivement, Complètement Négativement), deux autres directions à mi-chemin des précédentes. Nous avons appelé la première Modérément Positive et la deuxième Modérément Négative. À la direction Modérément Positive nous avons intégré le discours des professeurs dont, bien que leurs propos présentent certaines contradictions, tout le style, toutes les références, les connotations et l‟intensité avec laquelle ils soutenaient leurs opinions diverses, nous donnent une image de professeurs qui utilisent les fêtes nationales à l‟école comme un moyen de construire une identité nationale plus démocratique et tolérante qu‟intolérante et introvertie. Au contraire, dans la deuxième direction Modérément Négative, nous avons intégré les professeurs dont le discours présentait toutes les caractéristiques et les contradictions évoquées ci-dessus mais finalement donnaient une image de professeurs qui construisent, par les fêtes nationales écolières, une identité nationale surtout introvertie et crispée. Alors que les directions Complètement Positive et Complètement Négative sont totalement opposées, la différence entre la direction Modérément Positive et Modérément Négative réside surtout dans l‟intensité du ton de leurs argumentaires et dans les nuances qu‟ils donnaient aux différents sujets de leurs discours. Une autre précision vise aussi les omissions relevées dans le discours des professeurs. Si par exemple un professeur se réfère à la mondialisation et qu‟il défend en même temps la nécessité de protéger la langue grecque mais en même temps il ne fait aucune référence au besoin de rapprocher les peuples et les civilisations, ce discours s‟intègre à la direction négative. Ou par exemple, si un professeur se pose en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire mais qu‟il ne fait aucune référence à la nécessité de respecter les enfants des autres confessions, ce récit s‟intègre aussi à la direction négative.
- 206 -
6.2.1. Autre national-Étranger372 Autre national-Étranger: Notre but est d‟étudier de quelle façon les professeurs, quand ils sont appelés à organiser fêtes nationales dans l‟espace scolaire, considèrent les élèves étrangers, qui sont, très souvent, d‟une autre appartenance religieuse. Ces professeurs veulent-ils ou non une participation égale dans ces manifestations ? Veulent-ils ou non que les élèves étrangers lisent des poèmes avec un contenu national ? Veulent-ils ou non que les élèves étrangers chantent l‟hymne national grec? Veulent-ils ou non que les élèves étrangers portent le drapeau grec durant le défilé scolaire ? Enfin, nous n‟omettrons pas de faire référence aux autres approches concernant les autres nations, peuples, civilisations et cultures. 6.2.1.1. Spécifications - sous-catégories
Participation des élèves étrangers : cette sous-catégorie englobe toutes les
expressions qui se référent à la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales ou pas.
Drapeau grec : dans cette sous catégorie nous intégrons toutes les références
concernant le droit des élèves étrangers à porter le drapeau grec.
Références à l’Autre national-Étranger : Dans cette sous-catégorie nous
versons toutes les références concernant les autres nations, peuples, civilisations et cultures. 7.2.1.2. Définition des directions Comme dans la catégorie de l‟identité nationale, nous avons défini quatre directions. Elles sont : a) Complètement positive b) Complètement négative c) Modérément positive d) Modérément négative. Plus précisément (fig. 5) :
Complètement positive (CP): De cette direction relèvent les professeurs qui
sont pour une participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales dans l‟espace scolaire.
372
La notion Autre national est utilisée dans les études grecques sur ce sujet et elle est accompagnée de la notion Étranger (Autre national-Étranger). Nous considérons que la notion en question est en cohérence avec la logique scientifique de notre étude. La notion concrète englobe tous les allochtones qui se trouvent dans l‟espace grecque.
- 207 -
Complètement négative (CN): De cette direction relèvent les professeurs qui
sont opposés à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales dans l‟espace scolaire.
Modérément positive (MP): De cette direction relèvent les professeurs qui
envisagent la participation des élèves étrangers aux fêtes nationale scolaires surtout positivement, malgré certaines objections particulières.
Modérément négative (MN): De cette direction relèvent les professeurs qui
envisagent la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires avec réserve.
Figure 5 Positive
Complètement
Modérément
Complètement
Modérément
Négative
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7.
Protocole de questionnement
Pourquoi avons-nous choisi les questions ci-dessus ? Que voulons-nous étudier par ces questions ?
7.1.
Questions sur le rôle et l’utilité des fêtes nationales
La première question se donne comme objectif d‟étudier quelles sont les priorités des professeurs concernant les fêtes nationales (formation de l‟identité nationale, caractère pédagogique – culture collective et de participation –, caractère cognitif – approche des textes historiques, des sources primaires, des témoignages –, tradition écolière, rendre hommage). La deuxième et la troisième question permettent de répartir les professeurs entre ceux qui organisent les fêtes nationales selon une tradition scolaire qui existe depuis plusieurs décennies et qui cultive le dogme hellénochrétien et ceux qui sont influencés par les nouvelles donnes politiques et sociales (mondialisation, immigration). Plus précisément, par ces deux questions nous souhaitons vérifier si les professeurs veulent cultiver chez leurs élèves une identité qui s‟appuie sur l‟idée d‟une nation particulière et glorieuse avec des racines et des « glorieux » ancêtres et qui se trouve en danger à cause de la mondialisation et de l‟immigration ou une identité qui repose sur l‟idée d‟une nation extravertie qui, en respectant le passé, se sent sûre d‟elle-même et aborde les nouveaux défis avec optimisme. La quatrième question se donne comme but de repérer comment les professeurs présentent le « Soi national-Grec » par les fêtes nationales scolaires. Le présentent-ils comme une entité glorieuse et singulière ou une entité comportant éléments positifs et éléments négatifs ? La cinquième question cherche également à ranger les professeurs en deux catégories : ceux qui veulent intégrer, par les fêtes nationales, dans le discours national, des points de vue historiques qui contestent l‟historiographie officielle ou ceux qui restent fidèles au discours national traditionnel. Avec le sixième et septième question on attend des professeurs qu‟ils précisent s‟ils considèrent que l‟école publique est un lieu où il faut enseigner le dogme chrétien orthodoxe et cultiver le dogme hellénochrétien dans lequel se retrouvent le Grec et le Chrétien ou un espace dans lequel il faut cultiver la tolérance religieuse et le respect des minorités religieuses. La huitième question vise à quantifier le nombre de professeurs qui considèrent les fêtes nationales comme un processus important pour l‟identité nationale et ceux qui mettent en avant d‟autres facteurs (médias, famille, entourage social).
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Les réponses à la neuvième question permettront d‟établir si les professeurs considèrent les fêtes comme un outil nécessaire pour la construction de l‟identité nationale ou s‟ils pensent qu‟il existe d‟autres manifestations plus efficaces. Pour la dixième question les professeurs sont amenés à préciser s‟ils veulent un système éducatif centralisé qui impose des choix idéologiques, concernant le contenu de l‟identité nationale, du pouvoir ou bien un système éducatif qui leur donne la possibilité d‟exprimer librement ce qu‟ils veulent.
7.2.
Questions qui concernent la participation ou non des élèves étrangers aux fêtes nationales
Avec ces quatre questions nous pouvons cerner la manière dont les professeurs abordent les immigrants et en quoi les immigrants constituent pour eux un danger potentiel dans une perspective « d‟altération de l‟identité nationale » ou au contraire une nouvelle réalité sur laquelle la société grecque - européenne doit se pencher avec compréhension et empathie.
7.3.
Questions qui concernent la présentation des enquêtés
Pour notre étude, nous cherchons à mettre en lumière tout d‟abord généralement le corps social des professeurs et l‟identité qu‟il cultive par les fêtes nationales scolaires et ensuite la relation entre certaines caractéristiques des professeurs et la façon dont ces caractéristiques influencent leur attitude concernant le rôle des fêtes nationales à l‟école pour la formation du contenu de l‟identité nationale grecque et vis-à-vis de la participation des élèves étrangers à celles-ci. Ces caractéristiques, comme nous l‟avons déjà signalé, sont: leurs choix politiques, leur participation à des groupes associatifs, à des partis politiques ou syndicaux, leur classe d’âge et leur contact quotidien ou non avec les élèves étrangers. Avant la présentation des caractéristiques particulières ci-dessus, nous allons faire une référence courte à la dimension sociale de l‟identité nationale et sa relation avec les professeurs qui constituent la population de notre recherche. Un facteur essentiel de rattachement des individus à leur nation est l’intérêt. L‟une des fonctions éminentes de l‟État-nation, c‟est d‟offrir une protection aux individus dont il a la charge. Pour Norbert Elias, il s‟agit d‟une question tellement décisive qu‟il n‟hésite pas à définir la nation comme « l‟unité élémentaire de survie » dans le monde moderne. Ce qu‟on appelle le « protectionnisme » est une manière de mobiliser le lien national pour atténuer les - 210 -
conséquences néfastes des liaisons à plus vaste échelle, correspondant à l‟extension des « fils invisibles » du capitalisme. Les gouvernements mettent en œuvre cette solidarité nationale en adoptant des lois sociales qui marquent les débuts de l‟État providence, mais aussi en prenant des mesures destinées à protéger la communauté nationale contre « l‟invasion » des marchandises et des travailleurs en provenance de l‟étranger. C‟est dans ce contexte que fleurissent dans la plupart des pays développés les premières lois sur l‟immigration. De plus, comme les gouvernements mettent en œuvre la solidarité nationale en imposant aux citoyens de payer des cotisations ou des impôts destinés à financer les mesures sociales, celles-ci sont réservées aux nationaux. Ce privilège apparaît d‟autant plus justifié que la révolution industrielle, en accélérant la mobilité des hommes, contribue à l‟augmentation rapide du nombre des étrangers qui résident sur le territoire national. Il convient désormais de distinguer rigoureusement, au sein même de la population vivant sur le territoire de l‟Étatnation, les nationaux et les étrangers. C‟est dans ce but qu‟un peu partout sont élaborées les premières lois codifiant juridiquement la nationalité. Les membres du gouvernement politique que constitue une nation étatisée ont des intérêts communs à défendre, au même titre que les classes ou les groupes socioprofessionnels. Par exemple, tous les salariés qui sont payés en francs français ont intérêt à ce que la valeur de leur monnaie ne s‟écroule pas comme celle du rouble russe. De même, il faut prendre au sérieux les formes de protectionnisme du marché du travail qui, à partir des années 1880, ont été adoptées peu ou prou, par tous les pays du monde quel que soit leur attachement au « libéralisme ». Ces techniques de protection qu‟ont sans doute inventées les États-nations les plus puissants ont sans doute joué un rôle important dans l‟aggravation des inégalités entre pays riches et pays pauvres tout au long du XXe siècle. 373 Mais selon Michel Wieviorka 374, à partir des années soixante et, surtout, soixante-dix, tout change. La société industrielle vit ses derniers feux avec les grandes luttes ouvrières consécutives. Le mouvement ouvrier ne quitte certes pas la scène sociale et le paysage politique se transforme, et l‟opposition principale entre des forces de Gauche, identifiées à la représentation des demandes ouvrières, et des forces de Droite, supposées y résister, perd de son sens. Alors que la société industrielle accordait à chacun une place, dominante ou inférieure, la société duale sépare deux sous-ensembles qui s‟éloignement l‟un de l‟autre : d‟une part, la masse des couches moyennes et supérieurs, qui participent à l‟emploi, à la consommation, qui accèdent dans de bonnes conditions au système de santé ou à l‟éducation 373 374
Noiriel, Population, immigration…, op. cit., pp. 195-198. Wieviorka, Racisme et xénophobie en Europe…, op. cit., pp. 18-19.
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et d‟autre part, le monde des exclus et des laissés-pour-compte. Le phénomène d‟immigration est le lieu autour duquel se cristallisent des peurs et des affectes qui procèdent très largement d‟autres sources. Si partout en Europe se développent des comportements hostiles à l‟égard des immigrés, la hantise de l‟invasion du territoire national ou local, les accusations d‟intégrisme, de fondamentalisme et le refus de l‟intégration culturelle, ce n‟est évidemment pas seulement
ni principalement
parce que l‟immigration correspondrait
à ces
représentations. C‟est bien davantage parce que l‟identité nationale est menacée par d‟autres facteurs, externes et internes, à commencer par l‟internationalisation de l‟économie. C‟est aussi parce que le déclin de la société industrielle et de ses formes de gestion plus ou moins négociée des antagonismes sociaux, et les progrès de la dualisation socio-économique et du chômage suscitent des difficultés réelles, une perte des repères traditionnels, des peurs qui se résolvent dans des appels différentialistes à la nation ou à une communauté plus petite, la région, voire la ville. L‟identité culturelle et historique se déleste de demandes sociales non traitées, ou insuffisamment, qui s‟abolissent dans un nationalisme ou un régionalisme et, plus souvent encore, dans un populisme, qui conjugue des représentations extrêmement négatives de l‟État, accusé d‟abandon, de corruption ou d‟impuissance, un rejet de la classe politique et des intellectuels, et une polarisation de la haine et de l‟exaspération sur les immigrés, ou assimilables. 375 Le racisme et la xénophobie, trouvent un terreau favorable dans la décomposition des mouvements sociaux, dans la rétraction du marché du travail, dans le désarroi des « pauvres Blancs » atteints par la crise économique ou la perte du statut ou encore dans des phases de croissances et de développements économiques où il est lié à l‟infériorisation sociale de certains groupes au nom de la race.376 Selon la partie théorique précédente et les conditions sociales en Grèce actuelle, notre problématique est centrée sur la relation entre la notion d‟identité nationale et de classe sociale des professeurs. Précisément, nous voulons vérifier si actuellement la classe sociale des professeurs est influencée par les nouvelles conditions sur le marché du travail et plus généralement dans la sphère économique à cause de l‟arrivage des immigrants. Les hypothèses initiales 1 et 6 entreprennent de répondre à la problématique ci-dessus et de vérifier ou d‟écarter la théorie correspondante. Mais, la particularité que nous devons signaler et qui présente un intérêt certain est que les professeurs qu‟ont participé à notre recherche sont fonctionnaires, c‟est-à-dire leur travail est stable sans la peur du chômage et en même temps il n‟y a pas d‟immigrant qui soit 375 376
Wieviorka, Racisme et xénophobie en Europe…, op. cit., pp. 21-22. Wieviorka, Racisme et xénophobie en Europe…, op. cit., p. 13.
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candidat à une place de professeur. Par conséquent, les professeurs de l‟école publique ne doivent normalement sentir aucune menace directe peser sur leur travail et leur place dans le marché du travail. Malgré tout cela, l‟atmosphère sociale, économique et politique qui règne en Grèce contemporaine, influence peut-être aussi les professeurs malgré la sécurité et la stabilité de leur métier. Toutes ces questions constituent le sujet de la recherche des hypothèses 1 et 6 que nous avons noté plus haut. Après la présentation précédente qui concerne tous les professeurs, sans tenir compte de caractéristiques particulières, nous poursuivons ci-après avec l‟exposé des raisons qui nous ont conduits à isoler ces caractéristiques particulières. Les raisons qui nous ont menés à ces caractéristiques sont: 1.
Les choix politiques : Avant de présenter la situation en Grèce par rapport à
notre recherche et pour comprendre le rôle des choix politiques des individus, nous commencerons par une définition classique des Clivages politiques antagonistes (political cleavage) (Gauche / Droite, républiquens / démocrates, socialistes / bourgeoises, laborieux / conservateurs) et leur rôle dans les problèmes idéologiques et politiques des individus. Les clivages politiques sont fondés sur des différences fondamentales touchant aux antagonismes sociaux majeurs, ils sont caractérisés par une confrontation politique stable dans le temps, confrontation dans laquelle sont impliquées de grandes parties de la population d‟un pays ; de plus ils différent des autres divisions politiques quotidiennes simples. Les clivages politiques antagonistes sont le résultat des différends sociaux qui, en raison de leur portée, de leur tension et de leur durée contribuent à la formation des convictions, des valeurs et des identités, des structures organisationnelles et comportements collectifs. Ces différences de conceptions sont transformées en divisions politiques par les partis qui en sont les vecteurs et par conséquent, à l‟origine des clivages politiques on trouve des divisions sociales fondamentales (économiques, de classes sociales, ethniques, religieuses, oppositions Centrepériphérie). Mais ces circonstances n‟existent pas partout et toujours. Il y a des clivages politiques qui se rencontrent seulement ou surtout dans la sphère politique. Ces ruptures n‟expriment pas des divisions sociales mais au contraire elles sont fondées sur identifications politiques et par conséquent il s‟agit de non-clivages politiques. 377 377
Moschonas, G., « Η δηαηξεηηθή ηνκή Γεμηά-Αληiδεμηά ζηε Μεηαπνιίηεπζε (1974-1990) » [La rupture divisée Droite - Antidroite de la période du rétablissement de la Démocratie (1974-1990)], in : Demertzis, N., La culture politique grecque au jourd’hui, Athènes, Odysséas, 1994, pp. 160-161.
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Selon la partie théorique ci-dessus, l‟idéologie politique influence la façon dont on affronte les débats idéologiques, sociaux et politiques internes d‟une société. Par conséquent, chaque individu envisage l‟institution de l‟école en fonction de son idéologie politique, des débats internes idéologiques qui ont lieu en son sein et l‟idéologie qu‟elle produit.
Ceci dit, comment se présentent les questions idéologiques entre la Gauche et
la Droite ?
Quelles sont les références historiques concernant l‟ensemble des deux
principales familles politiques historiques? En effet, le « nous » est fondamentalement politique et d‟évidence identitaire : il a pour vocation, dans la langue politique, de construire une identité collective, de construire une communauté, d‟élever une pensée privée du statut de pensée ou de discours public, de substituer à l‟individualité du locuteur l‟identité plurielle politique du groupe. Inversement, le « je » et le « on » sont-ils apolitiques voire antipolitiques. Dire « je », c‟est marquer sa singularité, lorsque la politique est la recherche du ralliement, du nombre, de la majorité en démocratie, de l‟humanité dans des régimes totalitaires. Dire « je », dans le discours politique c‟est refuser son identité de locuteur politique, de porte-parole des autres par exemple, de représentant d‟une classe, d‟un parti, d‟une nation. Pour la Droite, le « je » et plus encore le « on » servent-ils à sous-entendre son identité politique car la Droite représente l‟Ordre établi. Or l‟Ordre établi est ce qui est : son identité, il va de soi. Elle n‟a pas besoin de s‟affirmer. Mieux, il est stratégiquement nécessaire pour la Droite de ne pas s‟affirmer pour ne pas être contestée. La construction et l‟affirmation d‟une identité se font toujours en opposition à une autre. Dire « nous » en parlant du groupe, c‟est permettre, presque définir, les hors groupe (« vous », « eux » c‟est-à-dire la confrontation. C‟est par le refus de la conflictualité, pour préserver un ordre existant présenté comme immuable, que la Droite masque son identité. C‟est plus généralement par refus du politique comme synonyme de conflictualité et par refus du débat politique comme lieu de contradiction. Au contraire, la Gauche utilise le « nous » car elle entend célébrer le groupe (énonciation collective voire collectiviste, totalisante voire totalitaire), car son premier souci est de se constituer en temps que groupe, en sous société par rapport à l‟ordre existant ; la Gauche dit « nous » tout simplement pour exister ; le
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« nous » à Gauche c‟est ce cri primal des forces minoritaires qui cherchent à émerger dans le débat politique. 378 Comme exemple caractéristique concernant la réalité grecque, nous pouvons faire référence à l‟étude d‟A. Fragoudaki dans laquelle les instituteurs de l‟école primaire qui se déterminent comme de Gauche souscrivent plus que les autres à l‟idée « de donner de priorité à l‟enseignement de l‟histoire européenne par rapport à l‟histoire nationale ». Au contraire, les instituteurs qui se disent plutôt de Droite penchent plus que les autres instituteurs pour un « enseignement, dès l‟école primaire, du grec ancien »379. Traditionnellement, dans la culture politique grecque, on trouve l‟axe politique Gauche / Droite et tous les individus se déterminent par rapport à cet axe. Mais pour que le lecteur ait une image claire des clivages politiques en Grèce contemporaine, il faut donner une brève présentation des débats internes idéologiques et politiques dans le pays en ce qui concerne les caractéristiques distinctives fondamentales de la vie politique grecque. Une courte remontée dans le temps et l‟histoire de la Grèce après la deuxième guerre mondiale montre que, à cause de la guerre civile grecque (1944-1949), la division fondamentale politique de l‟époque se place entre les ultranationalistes vainqueurs (partisans de la Droite pendant la guerre civile) et les hommes de la Gauche vaincus (surtout membres de parti communiste grec). Par conséquent la division fondamentale de la période après de la deuxième guerre civile n‟a pas de contenu social comme en Europe occidentale (Gauche / Droite, Capitale / Travail) mais elle est fondée sur les notions de « nation » et de « ultranationalisme » (Ultranationalistes / Gauche).380 Ultérieurement, surtout à partir de la fin des années 60, et à cause de la façon dont les vainqueurs (la Droite) exercent leur pouvoir – système politique fermé, discriminations envers certaines catégories de la population grecque – la division fondamentale politique Ultranationalistes / non ultranationalistes s‟est transformée en une division Droite / Antidroite. La Droite regroupe les partisans du maintien des mécanismes de contrôle de l‟État et l‟Antidroite, malgré ses contradictions internes, représente les forces politiques qui soutiennent la démocratisation de l‟État et de la vie politique. Comme l‟opposition première (Ultranationalistes / non-ultranatiolistes), la deuxième (Droite / Antidroite) n‟a pas le contenu
378
Mayaffre, D., « L‟autre et l‟image de soi », Les Cahiers de la Méditerranée, Nice, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine, V. 66, 2003, pp. 8-9. 379 Dragona, Th., Kouzelis, G. et Askouni, N., « Résultats de recherche du terrain » in : Fragoudaki, « Qu’est-ce que notre patrie ?..., op. cit., pp. 239-240. 380 Moschonas, « La rupture divisée Droite…, op.cit., pp. 164-166.
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social classique (Gauche / Droite) que nous trouvons dans les pays industriels de l‟Europe occidentale. .381 Finalement, la division fondamentale politique Droite / Antidroite a survécu et perdure encore aujourd‟hui, malgré son nouveau contenu. Après le rétablissement de la Démocratie en Grèce (1974), la division Droite / Antidroite, en vigueur pendant les années 60, se maintient avec deux sous-systèmes. Du côté de la Droite coexistent l‟Extrême droite (sans représentants au début) et la Droite modérée ; à Gauche coexistent le parti socialiste de PASOK – il a été au pouvoir pendant presque 20 ans ces trois dernières décennies – et deux autres partis : les communistes du KKE – marxistes orthodoxes – et le SYNASPISMOS (devenu par la suite SYRISA) – Gauche rénovatrice –). Bien sûr, la division Droite / Antidroite actuelle est caractérisée par de nouveaux enjeux et de nouvelles contradictions par rapport au passé. Les trois points de conflit entre les deux mouvements se trouvent au niveau social, à celui des affaires nationales et à celui des réseaux clientélistes. En ce qui concerne les deux premiers niveaux qui sont relatifs à notre recherche nous signalons que : Au niveau social, le mouvement antidroit représente surtout la classe des ouvriers et ses « alliés ». PASOK (Mouvement Socialiste Panhéllenique) et les partis communistes expriment une autre politique par rapport à la Droite. Le débat politique se focalise sur la force ou la faiblesse de l‟État providence, sur l‟organisation centralisée ou non de l‟économie, sur la propriété étatique ou individuelle des moyens de production. Au cours de cette période, la division Droite / Antidroite revêt les mêmes caractéristiques Gauche / Droite que dans les autres pays capitalistes de l‟Europe occidentale. Au niveau des affaires nationales, alors que, après la guerre civile grecque, dans l‟imaginaire national, la Droite représente exclusivement « la nation » et « ses intérêts », après la chute de l‟idéologie de l‟Ultranationalisme issue de la dictature « exécrable » des colonels (1967-1974) avec pour slogan « Grèce, des Grecs, des Chrétiens » et de la « trahison » de Chypre, on observe un renversement de cette tendance : les forces politiques de la Droite sont accusées « de brader les intérêts nationaux », alors que les forces politiques de la Gauche, qui après la deuxième guerre mondiale se sont caractérisées comme « antinationales », sont présentées comme défenseurs « des intérêts nationaux » et de « l‟indépendance de la patrie ».382 Toutes les références ci-dessus, montrent la particularité de chaque cas. Dans la culture politique actuelle grecque, le clivage fondamental est celui de Droite / Antidroite. 381 382
Moschonas, « La rupture divisée Droite…, op.cit., pp. 167-170. Moschonas, « La rupture divisée Droite…, op.cit., pp. 189-197.
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Pour une série des raisons historiques, qui sont présentées brièvement plus haut, la distinction Gauche / Droite, qui caractérise les systèmes politiques de l‟Europe occidentale, est une partie d‟une distinction plus large, celle de la Droite / Antidroite. Parallèlement à la distinction Droite / Antidroite, coexistent d‟autres binômes d‟affrontements politiques (gouvernement / opposition, socialistes / communistes, modernisateurs / traditionnels, partisans de l‟européisme / antieuropéens, démocrates / partisans de la dictature des colonels) qui tantôt la renforcent et tantôt l‟affaiblissent, mais aucune ne peut la remplacer. Par conséquent, la distinction Droite / Antidroite a priori semblable dans son apparence est en fait très loin de la distinction Gauche / Droite. Une recherche récente qui concerne les valeurs politiques qui existent actuellement en Grèce a publié au journal Kathimerini (Jour de semaine) avec titre L’atlas idéologique des Grecs. 383 Bien que cette recherche pose une série de problèmes divers, nous nous focalisons surtout sur les sujets qui concernent notre recherche. Les conclusions de cette recherche tendent à montrer qu‟actuellement dans la société grecque il y a, en ce qui concerne la politique, une situation idéologique confuse sans domination d‟aucune idéologie particulière. On observe une tendance conservatrice dans le corps électoral, une distanciation des électeurs par rapport à la Politique et une convergence vers le Centre. Les quatre valeurs dominantes politiquement sont l’écologie, le secteur privé, les reformes et le socialisme. La moyenne idéologique de la société grecque peut être décrite comme une « social-démocratie modérée avec marché et sensibilités écologiques ». Actuellement en Grèce la majorité des électeurs s‟autodéclarent comme « social-démocrates ou socialistes »384 et la valeur de l’écologie est au-dessus des partis. La notion du Centre est valorisée plus qu‟autrefois, elle a une acception large et elle exprime surtout une décharge idéologique par rapports aux identifications traditionnelles (Gauche, Droite), un rejet des « extrêmes », une acceptation des solutions « intermédiaires », mais aussi une solution « apolitique ».385 En ce qui concerne les notions « Gauche » et « Droite », elles sont dépréciées, bien que leur fréquence d‟usage soit très élevée dès qu‟il s‟agit de distinguer les partis. La notion
383
Ο ηδενινγηθόο Άηιαο ησλ Διιήλσλ (L‟atlas idéologique des Grecs), journal Kathimerini, 29-11-2009. Infra, Annexe I (Tableau XVII), p. 354. 385 Infra, Annexe I (Tableau XVIII), p. 354. 384
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de « Droite » est la moins acceptée surtout chez les jeunes du corps électoral (18-34 ans) et seulement un citoyen sur sept voit positivement la notion de « Droite ». Enfin, ce qui concerne directement notre recherche les hommes qui s‟autoqualifient « de Gauche » sont plus « progressistes » dans ce domaine que dans leurs autodéterminations politiques sur la question de la séparation de l‟Église à l‟État386et sur l‟abrogation de l‟enseignement du Cours de la religion. À la fin, le plus remarquable point de la recherche concrète concerne le conservatisme social qui est descriptif. Plus précisément, alors qu‟il y a une domination des valeurs de la Gauche au niveau politique et au niveau de l‟autodéclaration, pourtant cette domination n‟existe pas au niveau social. C‟est-à-dire actuellement à la société grecque est observé un conservatisme diffus. À une série des sujets, alors que la société est séparée selon la préférence du parti de chacun, pourtant il y a une convergence conservatrice. À une série des sujets comme la séparation État / Église, la suppression du cours de catéchisme, la mention de la confession sur la carte d‟identité, presque six sur dix sont considérés comme « conservateurs », alors que quatre sur dix adoptent des positions « progressives ». Selon cette distinction occidentale, la Gauche a une perception plus internationaliste, plus extravertie et tolérante politiquement que la Droite concernant le contenu de l‟identité nationale, la notion de Nation, la présence et participation des étrangers dans la société grecque. Mais, en prenant en compte tous ces éléments énoncés plus haut, nous aboutissons à la conclusion que la distinction Gauche / Droite en Grèce est caractérisée par une opposition plus large, celle de la Droite / Antidroite. Par conséquent, dans notre problématique nous devons bien rechercher comment ce clivage politique fondamental influence l‟approche des notions de Nation, d‟Identité nationale et autres concepts apparentés. Commençons par préciser que les partis politiques présentent de grandes divergences de vues sur les questions touchant à l‟immigration en Grèce. Comme exemple caractéristique, nous pouvons faire référence à l‟approche politique et idéologique du KKE (Parti Communiste Grec - Marxiste orthodoxe), du parti de la Gauche rénovatrice SYRIZA et du parti LAOS plutôt situé à l‟Extrême droite. En ce qui concerne le parti KKE, sa position sur la question de l‟immigration s‟inscrit dans un cadre internationaliste qui soutient que les immigrants constituent « une main d‟œuvre ouvrière à bon marché » pour le capitalisme et il demande, sur le site officiel du
386
Infra, Annexe I (Tableau XIX), p. 355.
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parti, « des droits égaux et humains pour tous les immigrants et leurs enfants sans restrictions ni conditions préalables ». Dans la même déclaration, le « KKE appelle tous les travailleurs à tourner le dos à tous ceux qui manifestent la discrimination et la discorde entre les travailleurs ayant les mêmes intérêts de classe, en raison de leur couleur, de leur langue ou de leur religion différente. Ceux qui accusent les immigrants d‟être responsables des problèmes aigus de la classe populaire ou de problèmes sociaux engendrés par le système économique qui les exploite, n‟ont jamais soutenu eux-mêmes les luttes des travailleurs grecs pour une vie digne correspondant à leur contribution à la richesse nationale. Ils prennent le parti des ennemis de classe des ouvriers »387. En ce qui concerne le parti SYRIZA, il propose « une régularisation large des immigrés économiques sans-papiers,
l‟asile
politique aux immigrés,
la création
d‟infrastructures d‟accueil et d‟hospitalisation, la déghetthoïsation des quartiers où s‟entassent les immigrés en surnombre, l‟élaboration d‟une autre politique européenne pour les immigrés et les réfugiés »388. Contrairement aux deux partis de la Gauche grecque, le parti LAOS qui a joué un rôle principal dans l‟affaire du manuel scolaire d‟histoire 389, dans celle du drapeau porté par un élève albanais 390 et qui est généralement très sévère sur la présence des immigrés en Grèce, ce parti demande un référendum sur la nouvelle initiative législative du gouvernement grec concernant les immigrés en soutenant en même temps que toutes les initiatives du gouvernement constituent un danger pour l‟unité de la société grecque. 391 Sur le site officiel du parti, le LAOS parle d‟une « criminalité importée » qui provient du grand nombre d‟immigrés économiques sans papiers. 392 Ce parti également a déclaré qu‟il aidera économiquement les policiers qui seront victimes des attaques « de terroristes et immigrants » en identifiant indirectement le terrorisme à l‟immigration. 393 En ce qui concerne les deux grands partis politiques gouvernementaux grecs (PASOK, Nouvelle Démocratie), leurs positions et leurs politiques sur les immigrés ne se diffèrent pas de manière sensible. Alors que ces deux partis sont pluralistes, ils ne veulent pas choquer la grande « clientèle » électorale à laquelle ils adressent et par conséquent leur 387
Déclaration du bureau de presse à l’occasion de la Journée mondiale des immigrants [Ressource électronique]. KKE. 2009 [réf. du 10 janvier 2010]. Grèce. Disponible sur : http://www.kke.gr 388 La présentation des positions du SYRIZA à propos des immigrants - réfugiés et l’économie [Ressource électronique]. SYRIZA. 2009 [réf. du 10 janvier 2010]. Grèce. Disponible sur : http://www.syriza.gr 389 Supra, p. 21 390 Supra, p. 24. 391 Supra, p. 22. 392 http ://www.laos.gr 393 Journal Eleutherotypia, 27/02/2010.
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approche sur la question des immigrés est modérée. Comme nous l‟avons mentionné plus haut394, le gouvernement du parti socialiste a proposé un nouveau cadre législatif plus tolérant que le précédent ; quant à la Nouvelle Démocratie avec une déclaration lors de la Journée mondiale des immigrés, elle se dit en faveur de l‟intégration des immigrés dans la société grecque dans le respect « des Droits d‟Homme et des valeurs humanistes ». Mais, il faut bien signaler que tout le temps que la Nouvelle Démocratie ait été aux affaires, c‟est-à-dire jusqu‟à l‟automne 2009, les initiatives législatives n‟étaient pas généreuses pour les immigrés et leurs droits. Par conséquent, il y a contradiction entre paroles et actes. Tous ces éléments que nous venons de noter montrent bien des différences de points de vue entre la Gauche et la Droite grecques sur la question des immigrés et des étrangers en général. Les partis politiques de la Gauche (KKE, SYRIZA) se démarquent largement de la Droite dure (LAOS). Les autres deux grands partis cependant, qui se situent au Centregauche (PASOK) et au Centre-droit (Nouvelle Démocratie) de l‟échiquier politique, ne présentent pas toutefois de différences particulièrement sensibles. Par conséquent, l‟image que nous pouvons donner de la vie politique grecque est quelque peu différente de celles des autres pays européens en particulier sur les positions respectives des deux grandes familles politiques (Gauche - Droite) concernant les immigrés en Grèce. Ici, il faut nettement signaler que l‟autodétermination des professeurs arrive surtout de manière empirique. Autrement dit, chaque professeur se déclare selon une perception floue qu‟il a de la vie politique grecque et des positions et convictions du chaque parti et de chaque mouvement. Conformément ce qui a été dit dans la partie théorique ci-dessus et suivant la tradition politique grecque, tous ces citoyens qui votent ou qui voient d‟un œil favorable les partis politiques du SYRIZA ou du KKE, sont classés comme hommes de Gauche. Au contraire ceux qui votent ou sont favorables au parti LAOS, se rangent à Droite. Dans trois autres classes (Centre-gauche, Centre, Centre-droite), se trouvent surtout les gens qui votent pour les deux grands partis politiques gouvernementaux (PASOK, Néa Dimocratia) et qui ont une position modérée concernant le système économique et politique de la Grèce actuelle. Par conséquent, quand nous demandons à un professeur de se placer lui-même sur un axe politique allant de O pour l‟Extrême gauche à 10 pour l‟Extrême droite, selon toujours la tradition politique grecque, cette distinction signifie que l‟Extrême gauche est pour un changement radical du système économique et politique grecque, alors que l‟Extrême droite pour la conservation absolue du système. Selon la tradition politique grecque et les clivages
394
Supra, p. 22.
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idéologiques et politiques qui existent en Grèce, l‟Extrême gauche se trouve entre l‟anarchisme et le collectivisme absolu. Au contraire, l‟Extrême droite, selon toujours la tradition politique grecque, est identifiée à l‟autoritarisme de l‟État, à l‟oppression du syndicalisme, au soutien à l‟économie libérale et surtout à l‟hostilité envers les allochtones et surtout les allochtones des autres confessions religieuses (surtout les musulmans). En ce qui concerne la définition Centre-gauche, elle est identifiée au système économique libéral avec État providence et modéré en face d‟étrangers. Le Centre-droit est identifié à l‟économie libérale, et une certaine réserve vis-à-vis des étrangers et les centristes sont identifiés aussi à l‟économie libérale, à l‟institution de la Famille, à la Démocratie existante et en général à une attitude très arrangeante en face du système économique, social et politique.
Mais cette répartition politique traditionnelle vaut-elle quand il s‟agit de
l‟identité nationale des Grecs actuels et la position des étrangers dans la société grecque?
Plus précisément, la conception théorique ci-dessus a-t-elle cours dans le corps
des professeurs du deuxième degré durant la réalisation d‟une fête nationale dans le cadre scolaire ?
Les professeurs qui se déclarent politiquement comme hommes de Gauche
utilisent-ils les fêtes nationales pour cultiver une identité nationale plus extravertie et tolérante que les professeurs qui se rangent politiquement dans le camp de la Droite ?
Et enfin, les professeurs qui se déclarent politiquement comme hommes de
Gauche envisagent-ils durant la réalisation des fêtes nationales scolaires les élèves étrangers avec un esprit plus égalitaire et démocratique que les professeurs qui se disent politiquement de Droite ? Toutes ces questions constituent le sujet de la recherche des hypothèses 2 et 7 que nous avons noté plus haut.
2.
La culture associative – participative : La participation bénévole des
individus à certains groupes associatifs témoigne de leur volonté à contribuer activement à l‟élaboration de la vie sociale et en même temps à favoriser l‟émergence d‟une culture associative - participative opposée à l‟individualisme de l‟époque moderne. Les associations ont fonctionné « au communautaire » (sociabilité concrète fondée sur les appartenances identitaires ou primaires telles que la famille, l‟entreprise, le quartier, engagements illimités)
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tout en valorisant la dimension contractuelle (engagements volontaires), l‟insertion dans des « constellations » idéo-politiques et dans un « nous » national. Le « nous » plus abstrait de la citoyenneté républicaine, a reproduit, au niveau de l‟association, les distinctions classiques entre public et privé, intérêt général et intérêts particuliers, et assuré la supériorité en valeur du premier terme sur le second.395 Ici, il faut distinguer le caractère propre des associations auxquelles participent les gens. La spécificité, par exemple, d‟un club folklorique qui contribue à la permanence d‟une identité locale est tout autre que celui d‟une association qui lutte contre la discrimination et le racisme et le caractère d‟un parti politique est différent de celui d‟une association qui lutte pour la protection « de l‟ours marron ». Quoi qu‟il en soit, les associations, pourtant diverses dans leurs affiliations confessionnelles ou laïques, promeuvent des valeurs de plus en plus convergentes, telles que la solidarité, la tolérance et le pluralisme, l‟égalité et la liberté individuelle. 396 Mais, notre intérêt scientifique est indépendant du caractère des associations. Il est axé sur l‟existence d‟une culture associative - participative. Dans un deuxième temps, nous définissons de manière détaillée, la notion de culture associative - participative qui constitue une part majeure de notre recherche et après, nous présentons dans un chapitre théorique des domaines relatifs à notre recherche et où se manifeste cette culture. Mais, avant de donner la définition de la culture associative - participative, nous estimons nécessaire de préciser le sens des trois mots qui synthétisent notre concept. En ce qui concerne la Culture, il y a pléthore de définitions et une longue lignée d‟érudits, de Franz Boas à Max Weber en passant par Claude Lévi-Strauss et Clifford Geertz, a aussi effectué des variations sur ce thème. Cependant, à notre avis, toutes ces définitions peuvent être résumées dans la désormais célèbre définition de l‟UNESCO : « La culture dans son sens le plus large, est considérée comme l‟ensemble des traits distinctifs, spirituels, intellectuels et affectifs, qui caractérise une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l‟être humain, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances ». 397 Dans la même perspective que la définition ci-dessus, une autre vue soutient qu‟il y a quatre approches de la culture : 1)
la culture en tant que répertoire ou style de vie quotidienne ;
395
Cohen, M., « Associations laïques et confessionnelles : convergences de valeurs et recompositions identitaires », in : M. Cohen (dir.), Associations laïques et confessionnelles- Identités et valeurs, Paris, Harmattan, 2006, p. 12. 396 Cohen, Associations laïques…, op.cit., p. 9. 397 Stanley, D., Réflexions sur la fonction de la culture dans la construction de la citoyenneté, Strasbourg, Éditions du Conseil de l‟Europe, 2005, p.13.
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2)
la culture en tant que tradition (mémoire collective de croyances, valeurs,
coutumes à respecter, habitudes à observer) ; 3)
la culture en tant que patrimoine (interprétation autoritaire de la tradition) ; et
4)
la culture du point de vue artistique. 398
En ce qui concerne notre recherche, nous épousons surtout la première approche qui incite à voir la culture comme un répertoire, analogue à celui d‟un acteur, d‟un musicien ou d‟un danseur. Cette image donne à penser que la culture fait naître et entretient chez ses usagers certaines aptitudes et habitudes. On peut ainsi exceller plus ou mois dans le répertoire culturel qui est le nôtre ; ces capacités cultivées peuvent être vécues à la fois comme des compétences, des habitudes et des orientations individuelles et, dans des ensembles plus vastes, comme les interprétations d‟un musicien ou les différentes gammes du jeu d‟un acteur. Dans ce sens, les gens disposent d‟un arsenal de ressources culturelles où ils peuvent puiser. 399 En ce qui concerne la notion Associative, elle se réfère surtout aux associations qui sont caractérisées par une culture et activité bénévole dans les domaines différents de la sphère publique. L‟intérêt scientifique pour notre recherche est que le bénévolat relève d‟une démarche éthique entre travail et engagement. Son impact théorique porte sur les personnes aidées à qu‟il devrait donner le pouvoir d‟agir. Une des dimensions forte du bénévolat est la liberté des bénévoles ; une autre en est leur engagement même si une partie des bénévoles font du bénévolat une simple activité. L‟engagement nourrit l‟association, il en est la condition. Au-delà du travail associatif, l‟engagement et l‟éthique sont le système nerveux de l‟activité bénévole. Il y a des moments divers dans la vie des associations. Au début, elles sont généralement dynamiques et actives dans la fièvre de la création, de l‟aventure et du rêve. C‟est une étape ou les militants de la cause et de l‟objet de l‟association s‟engagent à fond. Ils sont motivés par la défense d‟une cause ou la mise en route d‟une action revendicative mais aussi ludique, culturelle, sportive, etc. C‟est l‟étape utopique, faite d‟espoir. La question de la participation se pose lorsqu‟il faut élargir la base des adhérents, membres, bénévoles et militants de l‟association ou quand la contestation s‟installe. Le bénévole rentre dans le champ réel et conceptuel de la relation de confiance, dans le champ des valeurs : celle de la responsabilité, de l‟entraide, du don, d‟un comportement qui relève
398 399
Stanley, Réflexions su…, op. cit., p.17. Stanley, Réflexions su…, op. cit., p.13.
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de l‟éthique de la responsabilité à l‟égard d‟autrui ou de l‟humain plus généralement. 400 « Pour qu‟un individu adopte un comportement bénévole, il faut que des valeurs d‟altruisme et de responsabilité lui aient été transmises, qu‟elles soient institutionnalisées un minimum dans l‟ensemble de la société ou dans des groupements particuliers auxquels l‟individu se réfère (communauté religieuse, mouvement ou associations, milieux sociaux particuliers…). On parlera d‟éthique bénévole quand le bénévole est guidé par un pur comportement moral personnel et intériorisé, qu‟il y a une absence de contrôle externe ».401 En ce qui concerne la définition de la Participation, celle-ci suppose des partenaires. Participer, c‟est prendre part. Et prendre part, c‟est nécessairement de partager. Si je détiens une part, c‟est qu‟il y a d‟autres parts, détenues par les autres. En même temps, la participation admet qu‟il peut être nécessaire, dans certains cas, de faire intervenir le citoyen lui-même dans la décision publique, c‟est reconnaître implicitement qu‟il peut y avoir un écart entre la volonté du représentant et celle du représenté. À coup sûr, la participation n‟est pas participation lorsque les interventions des citoyens dans l‟action du pouvoir sont le fait des organismes collectifs qui les regroupent, associations ou syndicats. 402 Mais quelles sont les motivations pour la participation ? Pourquoi les individus participent-ils aux différents domaines de la sphère publique ? Selon Pierre Antoine, une motivation, parmi trois possibles, de la participation de l‟individu aux affaires publiques est la conscience de l‟histoire (les deux autres sont la socialisation et le rapport entre la conception et l‟exécution). Selon cette approche de la Conscience de l‟histoire de l‟individu, l‟homme ne se contente plus de subir les événements ; il ne croit plus à la fatalité ; il ne pense plus qu‟il n‟y a rien de nouveau sous le soleil. Mais il prend en main sa propre histoire, et il entend bien la faire et la maîtriser. Les grands changements de la société industrielle sont des changements volontaires, soigneusement étudiés et calculés. Ce qu‟il y a de plus grave pour un pays, ce qui fait par exemple le tragique de certains cas de sous-développement, c‟est le sentiment d‟impuissance devant la fatalité. 403 En même temps, le sentiment de la participation en tant que quelque chose de positif, est à la base de ce qu‟on pourrait appeler le sens du « nous », de la solidarité dans une tâche 2. 400 Ferrand-Bechmann, D., « L‟enjeu Bénévole. Regard sur une démarche éthique », Revue Ethique de la Santé, Mars 2008.V. 5, N° 1, pp. 22-23. 401 Ferrand-Bechmann, D., Bénévolat et solidarité, Paris, Syros- Alternatives, 1992, p. 39. 402 Rivero, J., « Introduction », in : F. Delpérée, (dir.), La participation directe du citoyen à la vie politique et administrative, Bruxelles, Bruylant, 1986, p. 9. 403 Antoine, P., « Participer, pourquoi ? », in : La participation dans la société industrielle et urbaine, (éd. col.), Bruxelles, Les éditions vie ouvrière, 1967, pp. 99-100.
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commune, et donc d‟un bien commun. Sur cette base pourra se développer une participation plus active, qui sera vraiment constructive, inspirée par le double désir, d‟un part de réaliser vraiment quelque chose de réussi, en prenant les moyens qu‟il faut pour cela, sans que le travail soit bâché ou gâché, et, d‟autre part, de collaborer à une tâche qui en vaille la peine, car on ne peut pas avoir réellement du cœur à l‟ouvrage quand on doute du bienfait qu‟il peut apporter aux hommes. 404 Le bénévolat fait référence à un acte de participation. Il y a une action tournée vers la communauté. L‟acteur bénévole manifeste son désir d‟insertion et son engagement vers le groupe. Le mot « bénévole » signifie que l‟acteur apporte quelque chose à la communauté. Par exemple le joueur de football amateur est bénévole par rapport au joueur professionnel, mais il ne l‟est pas quand on compare son action à celle du trésorier (bénévole) du club. On estimera que le joueur joue pour son plaisir, tandis que le trésorier rend un service à la communauté en participant bénévolement au travail de comptabilité. Le mot « volontaire » désigne en théorie un individu qui rend délibérément un service gratuit à une ou plusieurs personnes, à laquelle ou auxquelles il n‟est pas apparenté. En générale, il le fait dans le cadre d‟une organisation plutôt qu‟à travers un échange de voisinage. 405 Par conséquent, en prenant en compte les clarifications définitionnelles ci-dessus, nous définissons la culture associative - participative en tant qu‟une culture dont le noyau se trouve être l‟activité associative - participative et volontaire de l‟individu à certains domaines de la sphère publique avec pour but l‟amélioration de sa vie, au sens strict ou large, contre le fatalisme et la passivité des sociétés actuelles. C‟est une culture de citoyen actif et responsable envers les défis de la sphère publique. Une définition moderne décrit la citoyenneté comme une charge, une responsabilité, une mission fièrement assumée et non pas comme un statut, un titre, un droit ou ensemble de droits dont on jouit passivement. Or, cette définition a ses racines à l‟époque d‟Aristote qui reconnaissait que certains citoyens l‟étaient plus que d‟autres, qui pouvaient exercer les pouvoirs de juge et de magistrat. 406 La culture associative - participative peut avoir un sens actif très fort pour l‟individu qui veut prendre part aux décisions du groupe parce qu‟il sent qu‟il est capable de les orienter d‟une certaine manière et qu‟il participe activement à l‟invention des solutions permettant de résoudre les problèmes nouveaux que doit affronter ce groupe. Ce mode de participation naît 404
Antoine, « Participer, pourquoi ? »…, op.cit., p. 119. Antoine, « Participer, pourquoi ? »…, op. cit., p. 45. 406 Magnette, P., La citoyenneté. Une histoire de l’idée de participation civique, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 270-271. 405
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uniquement lorsque l‟individu a conscience de son pouvoir sur la vie du groupe. Tandis que des citoyens passent beaucoup de temps pour faire changer les situations qu‟ils réprouvent ou en faveur d‟un projet novateur auquel ils croient avec conviction, d‟autres restent dans leur « coin » attendant les élections pour s‟exprimer ou bien ne prennent pas de position. Ceux-là, ceux qui défendent des valeurs, et sont des citoyens actifs, s‟engagent, soutenus par une éthique de la conviction. Quelque soit le jugement que l‟on peut porter sur des bénévoles moins militants que d‟autres, comme les seniors actifs menant des actions au service d‟autrui, qui sont quelquefois sans portée réelle sinon de les socialiser ou comme les femmes qui donnent du temps dans des actions caritatives, ces citoyens sont plus citoyens que les autres et font vivre la démocratie. Ils sont la manifestation concrète d‟une éthique de la responsabilité. Les acteurs sont orientés par des valeurs de citoyenneté et d‟altruisme et des normes, qui ne sont pas aussi fortes d‟un pays à l‟autre. Le rapport à autrui les gouverne. Les distances entre les individus induisent des relations et des liens dont la gamme est infinie. L‟État, la communauté, le groupe, le réseau enserrent les bénévoles. 407 Bien sur, les domaines du bénévolat et de la participation de l‟individu sont nombreux. Nous pouvons faire référence à la participation de l‟individu à la vie économique qui constitue un sujet majeur pour les sociétés occidentales et qui domine au niveau bibliographique par rapport aux autres domaines, à la vie socioculturelle, à la vie politique (au niveau national ou local), à la vie religieuse et au mouvement ouvrier. En ce qui concerne notre recherche, nous nous focalisons surtout au niveau socioculturel, religieux et politique local. La population de notre recherche, en raison de sa place dans l‟économie, n‟est aucunement engagée, à quelque niveau que ce soit, dans la direction d‟aucune d‟entreprise. En tant que professeurs et fonctionnaires du système éducatif grec, leur activité associative et participative est circonscrite surtout au niveau politique, culturel et religieux. En ce qui concerne le domaine culturel, la participation associative - culturelle fait évoluer les idées des personnes concernées, élargit leur répertoire de représentations, renforce leur conscience identitaire et les rend plus confiantes pour agir en société, de façon qu‟il y ait très peu de chances que les valeurs et les attitudes de ces personnes restent inchangées. Nous pouvons faire référence aux nombreux exemples de tolérance accrue envers les étrangers ou les cultures différentes. Le fait de travailler ensemble à des projets créatifs a rapproché des
407
Magnette, La citoyenneté…, op. cit., p. 72.
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membres de minorités ethniques différentes et parfois hostiles, des jeunes et des personnes âgées, des ouvriers et des membres de la classe moyenne, et même amené des personnes qui ne s‟intéressaient absolument pas à l‟art à rencontrer des artistes, jetant chaque fois des ponts entre ces différentes populations. Bien sûr, le simple fait d‟assister à quelques spectacles – par exemple de danse – ne suffit pas à modifier nos valeurs. Le modèle suggère cependant que sur plusieurs années, la participation à des activités artistiques et patrimoniales finisse par faire évoluer les valeurs de la communauté. 408 En ce qui concerne la participation des individus à la sphère publique locale, par « développement local », on entend ici la capacité des habitants d‟un village ou d‟un quartier à agir ensemble pour faire valoir leurs objectifs et améliorer leur qualité de vie. Le développement local va au-delà de l‟identification à la communauté ou de fierté d‟y appartenir. Il suppose que les habitants entreprennent réellement des actions significatives en tant que membres d‟une même communauté. Au niveau individuel, le développement local se manifeste par la participation à des projets communs, qu‟ils soient ponctuels (rassemblement de protestation, organisation d‟un festival…) ou réguliers (voter aux élections municipales ou aider des organisations caritatives). Il est difficile de faire la différence entre l‟esprit d‟une communauté, menée par un groupe de militants œuvrant par une cause, et l‟esprit d‟un groupe d‟habitants qui décident de mettre une partie de leur temps et leur énergie au service de la communauté. Ce sont en fait deux aspects de la même réalité.
409
En ce qui concerne la participation des individus à la vie ecclésiale, l‟homme, dans sa conscience et sa liberté ainsi invoquée, découvre la participation à la construction du corps du Christ, l‟Église où tous seront réconciliés et où tout sera parfait. L‟homme est invité à se consacrer à l‟œuvre pour laquelle le Christ est venu, à participer à l‟action de l‟Église. Ainsi, s‟achève le double mouvement où peut s‟inscrire la participation à la vie ecclésiale : participation de l‟Église à la vie des hommes, participation des hommes à la mission de l‟Église. On peut l‟exprimer aussi par un échange de questions et de réponses, par une invocation réciproque où se noue le dialogue entre l‟amour qui est Dieu et la liberté de l‟homme construisant l‟Histoire. 410 Finalement, nous devons bien signaler que le niveau de participation des individus à certains domaines n‟est pas le même. Certains participent plus activement que les autres. 408
Stanley, Réflexions…, op. cit., pp. 70-71. Stanley, Réflexions…, op. cit., pp. 73-74. 410 Raes, J., « La participation à la vie ecclésiale », in : La participation dans la société industrielle et urbaine, (éd. col.), Bruxelles, Les éditions vie ouvrière, 1967, p. 265. 409
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Selon une typologie courante, nous trouvons trois types d‟acteurs : le bénévole associatif, l‟employé activiste et l‟entrepreneur militant. Seul le bénévole associatif n‟a pas de rémunération. Il participe à la vente. Selon l‟auteur, il serait amené à disparaître. L‟employé activiste est rémunéré mais il est prêt à renoncer à des revendications syndicales. Il a une image altruiste. C‟est un militant non sectaire « prêt à consommer hors du commerce équitable ». L‟entrepreneur militant allie engagement personnel et éthique professionnelle. Il a de plus une volonté de ne pas demander de subventions étatiques. Ils mettent en œuvre tous les trois, diverses stratégies pour légitimer leur profession. Une stratégie de vulgarisation, de normalisation et d‟appartenance. Cet exemple est tout à fait intéressant pour montrer la porosité des frontières entre le travail rémunéré et le bénévolat. C‟est également un excellent exemple d‟une « activité » bénévole qui se professionnalise et devient un « emploi » et qui est à la frontière d‟un secteur différent du monde associatif : le commerce. 411 Toutefois, pendant très longtemps, la vie associative s‟est trouvée très fortement influencée par les grands courants idéo-politiques constitutifs de la sphère politique nationale. En ce sens, ce sont bien ces blocs de valeurs – le christianisme social, le protestantisme, le radicalisme laïc, le communisme, etc. – qui ont pesé et joué un rôle déterminant dans les socialisations individuelles comme dans les fonctionnements des collectifs associatifs. Or cette double structuration, par le bas via les appartenances primaires, par le haut via les systèmes fédératifs, se trouve aujourd‟hui de plus en plus affaiblie par le processus d‟individuation. Ce qui apparaît actuellement est que l‟activité associative est très faible vis à vis des valeurs présentées comme fondatrices à cause d‟une transformation profonde du rapport des individus aux associations. L‟appartenance associative n‟est plus forcément un vecteur identitaire essentiel que les individus puissent entretenir dans un rapport distancié avec l‟institution associative et agir sur elle et ses pratiques. On peut dire que nombre d‟engagements s‟effectue aujourd‟hui sans pour autant signifier adhésion aux valeurs fondatrices de l‟institution en question. Les retours du « nous », c‟est-à-dire du référent identitaire collectif énoncé par le groupement associatif, ne doivent-ils pas d‟ailleurs être interprétés moins comme la possibilité de recréer du commun quand les identités individuelles se voient menacées ou quand des identités collectives se voient contestées. 412
411
Ferrand-Bechmann, « L‟enjeu Bénévole…, op. cit., p. 5. Ion, J., «Valeurs, identité et associations », in : M. Cohen (dir.), « Associations laïques et confessionnelles…, op.cit., pp. 179-181. 3.
412
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Conformément à la partie théorique précédemment exposée, les mouvements
idéologiques qui dominent actuellement en Grèce influencent-ils les gens qui sont caractérisés par une culture associative - participative ?
Plus précisément, nous nous demandons de quelle manière et dans quelle
mesure les professeurs de notre échantillon impliqués dans cette activité et cette culture associative - participative sont plus influencés que les autres sur la question de l‟identité nationale des Grecs actuels et sur la place des immigrants dans la société. Les questions précédentes constituent le sujet de recherche des hypothèses initiales 3 et 8.
3.
La classe d’âge - la génération : L‟attitude des individus envers certains
sujets et problèmes sociaux et politiques est influencée par certains paramètres comme les expériences personnelles ou la classe sociale. Mais quels que soient ces paramètres, il y a un autre facteur, aussi, unificateur, la génération, qui montre qu‟existent des éléments communs qui participent de manière déterminante à la socialisation des individus qui vivent certains moment historique communs. Chaque génération comporte des membres plus aisés et plus modestes, mieux ou moins instruits, plus ou moins favorisés par leurs origines sociales. 413 La question de la génération, simplement parce qu‟elle se fait jour, suppose l‟existence d‟une civilisation prenant conscience de sa temporalité, et de la perpétuelle tension entre sa structure et sa dynamique ou bien entre son « identité » – sa permanence – et son « historicité » – son changement social –, c‟est-à-dire une conscience de la distinction entre le passé et le présent collectif ou encore entre durée et contingence ou enfin entre être et devenir. 414 La génération n‟est qu‟un groupe très arbitraire, qui peut ou peut ne pas rencontrer un destin commun, trouver une organisation autonome et spécifique, se doter d‟une conscience de soi, connaître des enjeux de lutte vis-à-vis des autres générations, etc. Pour autant, des ensembles donnés de générations successives, certains facteurs de rupture – guerre, crises sociales, ralentissement économique, modification des règles de gestion des emplois ou des modes de vie, etc. – tendance à s‟inscrive durablement. 415 La triple dimension de la génération présente l‟intérêt
413
Chauvel, L., Le destin des générations, Paris, puf, 2002, p. 9 (malgré que L. Chauves remplace le terme génération avec le terme cohort, nous insistons au terme génération car à la tradition politique grecque la génération est un terme très fréquent et utilisable. Selon lui, le terme cohort englobe l‟ensemble des individus rencontrant à la même époque un événement donné). 414 Chauvel, Le destin des générations…, op. cit., p. 17. 415 Chauvel, Le destin des générations…, op.cit., p. 16
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de dissocier les différents aspects, en distinguant la « génération généalogique » celle qui relève des rapports de parenté, de la « génération historique » que sous-tend une « conscience de génération » – génération au sens fort et de la « génération sociologique » – ou génération ou sens faible.416 Dès que l‟on parle de génération, il est très facile d‟oublier tout autre critère de différentiation. Toutefois, le risque majeur des réflexions portant sur les générations procède de la tendance à ramener tous les facteurs de structuration sociale à la seule année de naissance. Or, toutes les inégalités sociales ne se réduisent pas à une différence de date de naissance : au sein de toute génération se trouvent des cadres et des ouvriers, des gens aisés et d‟autres qui le sont moins, des individus en position d‟obtenir le consentement de ceux qui servent leurs fins et des masses qui peu ou prou sont contraintes de souscrire à ce qu‟elles ne souhaiteraient pas spontanément. Aujourd‟hui, comme hier, il existe une hiérarchie sociale au sein de chaque génération. Certes, le destin des ouvriers du XIXe siècle et de ceux de la fin du XXe n‟a aucune commune mesure, comme du reste celui des ingénieurs des deux époques : ce sont là deux paires de destins sociaux, et donc quatre entités bien différentes. L‟une et l‟autre des catégories ont connu des évolutions sociales distinctes, mais l‟une continue de se situer à un échelon hiérarchique supérieur à l‟autre. En conclusion, la génération n‟est pas appelée à faire disparaître les classes, mais à faire enrichir la vision de la structure sociale pour révéler d‟autres clivages ou d‟autres processus de décision, d‟opposition ou de domination. 417 Un autre exemple, sans rapport avec les classes sociales mais relatif lui aussi à la structuration de la société, concerne la relation entre diverses classes d‟âge ou générations et l‟influence de l‟Église en France. Si, le dimanche, les églises sont généralement fréquentées par les personnes âgées, ce n‟est pas parce qu‟avec l‟âge les gens retournent à la religion, mais parce que les plus de 60 ans ont été socialisés dans le monde d‟hier ou d‟avant-hier, à savoir en des temps où la plupart des enfants étaient tenus, bon gré mal gré, d‟accompagner leurs parents au rituel dominical. Dans les années cinquante, cela touchait près de 50% d‟une génération de jeunes de 15 ans alors que moins de 5% sont aujourd‟hui concernés. Par conséquent, la perception des actes qui étaient hier condamnés ou seulement réprouvés par l‟Église catholique, comme le divorce, l‟avortement, l‟homosexualité, permettent d‟établir une distinction pertinente entre anciennes et nouvelles générations. Pour les premières, ces actes sont des manquements à l‟égard des normes de leur jeunesse, et véhiculent une image 416 417
Chauvel, Le destin des générations…, op. cit., p. 19. Chauvel, Le destin des générations…, op. cit., pp. 24-25.
- 230 -
négative ; pour les plus jeunes, il s‟agit de choix de vie personnels, qui ne concernent guère que la responsabilité individuelle et qui se trouvent légitimés par la vue quotidienne de la société. Au reste, la loi ne les condamne ou ne les restreint plus depuis des lustres, car elle s‟est adaptée à leur banalisation.418 En ce qui concerne la notion de Génération, la bibliographie grecque y relative est très limitée. Cette bibliographie est centrée surtout sur l‟identité politique des populations recherchées et pas du tout sur les questions touchant à leur identité nationale. Bien que dans le contenu de l‟identité nationale soient englobés aussi des éléments de la culture politique, comme nous l‟avons vu plus haut 419, les deux concepts (identité nationale, identité politique) sont différents. Par ailleurs, comme nous l‟avons annoncé précédemment, nous n‟avons pas trouvé de recherche concernant la relation entre la génération et l‟identité nationale en Grèce. Nous travaillons donc dans un terrain inexploité, avec tous ses défis, ses difficultés et ses dangers scientifiques. Une référence relative aux générations grecques et à notre recherche est celle de Mme Maro Pantelidou-Malouta politologue420. Selon M. Pantelidou-Malouta entre la génération du rétablissement de la Démocratie (décennie 80 - adolescents qui avaient 12-15 ans en 1982) et la génération du changement 421 (décennie 90 - adolescents qui avaient 12-15 ans en 1990) il y a des différences importantes concernant la massification de la vie politique. En faisant une recherche dans quatre écoles de région d‟Athènes, elle a comparé les réponses des élèves des deux périodes et elle a abouti aux conclusions suivantes : Alors que la première génération est caractérisée par une envie de participer aux activités politiques et sociales, par une méfiance envers l‟État, par une autodéfinition sur l‟axe politique Gauche / Droite avec une majorité à Gauche (en 1982 les adolescents se déclarent à 24,7% plutôt de Gauche et en 1990 à 8,2%, alors que la proportion des adolescents qui se sent plutôt de Droite passe pour les mêmes périodes de 16,8% - 1982, à 32,3% -1990), la deuxième génération est caractérisée par une diminution de la participation active aux affaires politiques et sociales, par une acceptation plus facile des convictions politiques de ses parents par rapport à la génération précédente, par une diminution de l‟antiaméricanisme (les États-Unis sont considérés comme pays ami pour 17,8% en 1982 et 39,6% 418
Chauvel, Le destin des générations…, op. cit., p. 21. Supra, p. 88. 420 Pantelidou-Malouta, M., [Les adolescents du « changement »], Revue des Recherches Sociales, Athènes, N° 80, 1991, pp. 54-56. 421 La notion « changement » ne signifie pas changements au niveau sociologique mais surtout au niveau politique et elle est identifiée avec la première période gouvernementale du parti socialiste grec PASOK (1981). 419
- 231 -
en 1990) et par un changement des choix des pays perçus comme amicaux à l‟égard de la Grèce ( alors qu‟en 1982 la France est considérée comme pays amical pour 57,6%, en 1990 cette proportion tombe à 31,3%). Notre étude est animée par la dimension de la « génération historique » qui est caractérisée par une « conscience de génération », par une culture commune, par une conscience collective de leur spécificité ou par un partage collectif des conséquences d‟un contexte commun de socialisation et pour cette raison elle classe notre échantillon de recherche, « population-témoin » en deux classes d‟âge. Dans la première on trouve les personnes de plus de 45 ans et dans la seconde les personnes de moins de 45 ans. À la première classe d‟âge appartient la « génération de l‟insurrection de l‟École Polytechnique », (en novembre 1973, plusieurs milliers d‟étudiants se sont dressés contre la junte militaire au pouvoir en se retranchant dans l‟École polytechnique d‟Athènes d‟où ils ont revendiqué la démocratisation de la vie politique grecque. Cette insurrection s‟est achevée le 17 novembre 1973, avec l‟entrée des tanks des dictateurs dans l‟École polytechnique et la mort d‟un certain nombre d‟étudiants qui occupaient le bâtiment. Quelques mois plus tard, la dictature tombait et laissait place à la démocratie. Ainsi, cette génération a politiquement « atteint l‟âge d‟homme » dans le cadre de la lutte et des combats contre la dictature des colonels (19671974). Cette génération a vécu « l‟État autoritaire de la Droite » en Grèce après la deuxième guerre mondiale, a vécu tous les combats pour la démocratisation du système politique grec, a vécu l‟invasion de Chypre par les Turcs et le rétablissement de la Démocratie en Grèce. La deuxième génération est celle qui a atteint une maturité politique dans la période commençant après le retour de la démocratie en 1974 en Grèce, c‟est-à-dire une génération qui a grandi dans une période politiquement stable. Cette génération n‟a pas l‟expérience politique de ses aînés mais, au contraire, vit dans un environnement politique stable qui se caractérise par l‟intégration de la Grèce à la Communauté Européenne, qui se signale par une évolution économique, par l‟alignement sur les modèles Supranationaux technologiques de la communication (Internet), par la parole des langues étrangères.
Les différences entre les générations auxquelles nous avons fait référence dans
la partie théorique ci-dessus existent-elles significativement en Grèce actuelle ?
Ces deux générations grecques envisagent-elles de la même façon la nouvelle
donne de la société grecque ?
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Quel regard ou quels regards différents ces deux générations portent-elles sur
le caractère, le rôle et l‟utilité des fêtes nationales à l‟école ?
Quelle est la position respective de ces deux générations par rapport à la
participation des élèves étrangers aux fêtes nationales ? Les questions ci-dessus constituent le sujet de la recherche des hypothèses initiales 4 et 9. Ici, nous aimerions signaler que, peut-être, nous pourrions séparer la population de notre recherche en plus de deux générations. Mais, en raison de notre logique scientifique et à cause également de l‟absence d‟autres recherches en rapport avec notre sujet, nous avons abouti à la répartition ci-dessus. De notre point de vue, la différence de caractéristiques entre les deux générations est très nette et par conséquent très claire scientifiquement.
4.
Contact avec les élèves étrangers : Les acteurs de l‟école, familles, élèves et
enseignants, perçoivent le monde scolaire à travers des catégories parmi lesquelles la composition ethnique des classes et des établissements est un élément déterminant. Dans le cadre des politiques scolaires elles-mêmes, on considère comme un indicateur pertinent le taux d‟élèves étrangers et d‟origine étrangère dans un établissement pour le classer « sensible ». On retrouve au collège l‟ensemble des problèmes sociaux qui traversent la société actuelle, et les discriminations liées à l‟origine ethnique des individus font partie de l‟expérience quotidienne des immigrés et des citoyens indigènes issus de l‟immigration, qui ont commis l‟erreur de naître jaunes ou noirs. 422 Mais, la réalité immédiate, très souvent, construit ou détruit des stéréotypes et des préjugés positifs ou négatifs. Par conséquent, notre contact quotidien avec un groupe d‟individus contribue, peut-être, à la formation d‟une attitude différente par rapport à celle que nous avions auparavant. Les préjugés nationaux paraissent réduits chez les individus qui ont connu dès leur jeunesse et régulièrement fréquenté des personnes appartenant à un autre groupe que le leur. Ce qui semble efficace pour former des attitudes dites « démocratiques », c‟est de ne pas limiter ses échanges à son propre groupe. Les préjugés sont le seul résultat de la méconnaissance et s‟ils se connaissaient les uns les autres, les hommes cesseraient de nourrir des préjugés. Selon les conditions dans lesquelles ils ont lieu, les contacts peuvent éventuellement affaiblir les préjugés, à condition qu‟ils se déroulent dans une situation où les individus sont de statut égal. Les contacts peuvent aussi être sans effet, dans la mesure même 422
Felouzis, G., Liot, F. et Perroton, J., L’apartheid scolaire, Paris, Seuil, 2005, p. 11.
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où le préjugé porte sa propre logique en dehors de tour rapport avec une expérience concrète. Mais ils peuvent aussi justifier et même renforcer les préjugés. 423 La solution de continuité entre les préjugés dans les comportements des hommes, apparaît clairement dans la fameuse enquête de Richard T. La Piere, dans les années 30. Pour réaliser son enquête, La Pierre a parcouru les États-Unis, en compagnie d‟un de ses étudiants chinois et de son épouse. À cette époque, les préjugés contre les Asiatiques étaient des plus répandus et des plus violents. De manière apparemment paradoxale toutefois, sur les soixante-sept hôtels où ils se sont arrêtés, un seul hôtelier refusa de les héberger parce que le groupe comprenait deux Chinois. Dans aucun des quatre-vingt-quatre cafés et restaurants où ils sont entrés, nul n‟a refusé de les servir. Ces comportements semblaient en contradiction avec les résultats habituels des enquêtes par questionnaire dans lesquelles se faisaient jour de violents préjugés contre les Chinois. Cette contradiction a confiné à l‟absurde lorsque, six mois plus tard, La Pierre adressa un nouveau questionnaire aux hôteliers et restaurateurs qui les avaient accueillis au cours de leur voyage. Il leur posa entre autres questions : « Accepteriez-vous des clients de race chinoise ? » Plus de 90% de ceux qui participèrent (la moitié du total) répondirent par la négative. Le préjugé était donc nettement verbalisé, mais il n‟avait pas entraîné pour autant de comportements discriminatoires. Il est vrai que les Chinois étaient accompagnés par un blanc et qu‟ils avaient une allure de bourgeois respectables : la situation sociale avait-elle influencé les réactions des hôteliers ? On peut le supposer.424 Un autre exemple qui s‟intéresse à la réalité grecque et correspond à notre recherche est celui du travail de Thaleia Dragona (en collaboration avec G. Kouzelis et N. Askouni). Selon ces derniers, les instituteurs du premier niveau du système éducatif grec, envisagent surtout positivement les Italiens indépendamment des contacts qu‟ils peuvent avoir ou non avec eux. À 79% les instituteurs qui déclarent qu‟ils ont des expériences positives avec les Italiens, soutiennent aussi qu‟il y a une grande ressemblance entre les Grecs les Italiens. Pour ceux des instituteurs qui n‟avaient aucun contact avec les Italiens, c‟est à 74% qu‟ils sont convaincus de leur proximité avec les Grecs. Mais, en ce qui concerne les Albanais, les instituteurs qui déclarent qu‟il n‟y a aucune ressemblance entre Grecs et Albanais sont à 40% pour ceux qui avaient eu des expériences négatives avec eux, et à un taux très proche (37%) pour ceux qui n‟avaient aucune expérience personnelle. Par conséquent, quand la comparaison se fait avec un peuple « prestigieux » les expériences personnelles ne jouent aucun rôle et notre attitude est positive envers lui. Dans la même logique, les expériences 423 424
Schnapper, D., La relation à l’autre, Paris, Gallimard, 1998, p. 133. Schnapper, La relation…, op.cit., p. 140.
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personnelles ne jouent aucun rôle pour la diminution des stéréotypes nationaux quand la comparaison se fait avec un peuple jugé « inférieur ». 425 Mais en plus de ces deux exemples d‟approche psychosociologique, nous pouvons faire référence aussi à une approche purement sociologique. La plupart des théorisations sociologiques contemporaines se construisent autour d‟une même distinction fondamentale entre système et acteurs(s) (Touraine, Crozier), champ et habitus (Bourdieu), ou structure vs agency (Giddens). Mais à ces deux principaux niveaux, il conviendrait d‟ajouter un niveau intermédiaire, celui des relations intersubjectives fortes (et en général durable) : celles qui s‟établissent naturellement entre des personnes reliées entre elles par des relations de parenté, de conjugalité, voire de hiérarchie, et celles de l‟amour, de la camaraderie et de l‟amitié (ou de la haine), de l‟alliance ou de la rivalité « micropolitiques » qui sont construites par les acteurs eux-mêmes. Ce niveau intermédiaire concerne non seulement les événements, mais aussi les états : à chaque moment du parcours de vie correspond un certain état physique du sujet, de sa « personnalité » mais aussi de ses forces vives ; un certain état de ses relations intersubjectives fortes ; un état de sa situation sociale (emploi, ressources, logement, patrimoine, statut familial, « chances de vie » objectives). Tout ce qui modifie sensiblement l‟un au moins de ces trois états constitue un événement ; et réciproquement, tout événement dans le parcours biographique modifie l‟un au moins de ces trois états. Tels sont en particulier les actes décisifs du sujet qui visent à transformer l‟un de ces trois états, évidement dans le sens d‟une amélioration escomptée. Les récits de vie s‟avèrent particulièrement adaptés à la saisie des processus, c‟est-à-dire des enchaînements de situations, d‟interactions, d‟événements et d‟actions. Par définition, ceux-ci s‟inscrivent dans la durée, et par fois la longue durée. Un processus proprement social a besoin pour s‟accomplir de la mobilisation d‟acteurs, et souvent aussi de celle de leurs relations intersubjectives. La transformation de soi n‟est que rarement le résultat d‟un processus purement subjectif, et il est aisé de voir comment les « mouvements de l‟âme » les plus intimes ne peuvent se comprendre sans qu‟on se réfère au moins au complexe de relations intersubjectives qui caractérise le sujet à ce moment-là. 426 Dans la même logique sociologique, nous pouvons faire référence aussi à une approche encore purement sociologique, celle d‟« interactionnisme ». Selon Erving Goffman, l‟acteur est défini par l‟interaction dans laquelle il est engagé ; toutefois, il n‟y vise ni les 425
Dragona, Th., Kouzelis, G. et Askouni, N., « Απνηειέζκαηα ηεο έξεπλαο πεδίνπ » (Résultats de recherche du terrain) in : A. Fragoudaki (dir.), « Ση εηλ’ ε παηξίδα καο; » Δζληθνθεληξηζκόο ζηελ εθπαίδεπζε (« Qu’est-ce que notre patrie ? » Nationalisme dans l’Éducation), Athènes, Alexandrie, 1997, pp. 277-282. 426 Bertaux, Le récit de vie…, op. cit., pp. 89-90.
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normes ni les valeurs ultimes de la société, mais simplement le succès lui permettant d‟être reconnu par autrui. Les succès reposent non pas sur des critères objectifs globaux, mais sur la capacité de maintenir l‟interaction et de s‟y faire accepter à son avantage. C‟est d‟ailleurs cette nécessité de maintenir l‟interaction elle-même qui appelle des stratégies d‟évitement et de civilité. Le problème majeur de l‟acteur est donc celui de la « face », de la mise en scène de soi au sein d‟une vie quotidienne qui fonctionne elle-même comme une mise en scène. Cette face n‟est pas l‟expression de l‟individu classique et de son Moi, car il n‟y a rien derrière la face, et le lecteur d‟E. Goffman se meut dans un monde sans « motivations », sans « intériorité ». Poursuivant les métaphores théâtrales qu‟affectionne E. Goffman, disons qu‟il n‟y a pas de personne derrière le personnage, rien au-delà de la « surface » des rencontres. Les interactions ne résultent pas d‟actions déjà organisées qui se croisent et s‟harmonisent, elles se déroulent dans leur temps propre et dans un espace de présentations de soi qui n‟ont d‟autre finalité que la reconnaissance d‟autrui. L‟individu apparaît comme une « entreprise de rôles » ayant pour finalité qu‟il soit cru par les autres. L‟intériorisation des rôles n‟est affective que dans la mesure où elle est nécessaire à la crédibilité ; autrement, l‟acteur jouerait faux. L‟action n‟est pas l‟unité première car elle n‟existe pas que dans l‟interaction qui en fixe les limites et les enjeux. « La nature la plus profonde des relations entre les personnes est à fleur de peau, c‟est la peau des autres. […] Le Moi est ce qu‟on peut dire de l‟individu lorsqu‟on interprète la place qu‟il occupe dans l‟organisation d‟une activité sociale, interprétation confirmée par son comportement expressif ».427 Dans cette logique d‟ « interactionnisme », nous pouvons intégrer le fonctionnement des professeurs dans l‟espace scolaire. Plus précisément, une des autres caractéristiques des professeurs est l‟hétérogénéité de leurs principes culturels et sociaux. La plupart des enseignants décrivent leurs pratiques non en termes de rôle, mais en termes d‟expérience. D‟un côté, ils sont pris dans un statut imposant des règles et distribuant des protections que la plupart acceptent et défendent, mais qui ne définissent que très partiellement ce qu‟ils font et ce qu‟ils sont. Au contraire, les enseignants des collèges et des lycées consacrent une grande énergie à dire qu‟ils ne sont pas réductibles à ce que l‟institution fait et attend d‟eux, dans la mesure où celle-ci porte plusieurs principes contradictoires. D‟un autre côté, les enseignants se réfèrent sans cesse à une interprétation personnelle de leur fonction à travers la construction d‟un métier présenté comme une expérience privée, quand elle n‟est pas intime. Cette « intimité » vient de ce que les acteurs doivent combiner des logiques et des principes
427
Dubet, Sociologie de l’expérience…, op. cit., pp.16-18
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divers, souvent opposés, combinaisons qu‟ils perçoivent comme leur œuvre, comme la réalisation, ou comme l‟échec, de leur « personnalité ». Aussi, tout en étant attachés aux règles bureaucratiques qui les encadrent, les enseignants définissent-ils leur métier comme une expérience, comme une construction individuelle réalisée à partir d‟éléments épars : le respect des programmes, le souci des personnes, la recherche des performances, celle de la justice. Alors que dans la conception « classique » de l‟action la personnalité est un effet du rôle et se tient en retrait, ici le rôle est vécu comme le produit de la « personnalité » définie comme la capacité de gérer son expérience, de la rendre cohérente et significative. Dans les contextes scolaires les plus dérégulés, c‟est même la « personnalité » qui construit la situation scolaire. Cela n‟a rien à voir avec le « narcissisme » moderne, car la construction d‟expériences sociales s‟impose dès lors que les situations ne s‟inscrivent plus dans des univers de sens homogènes ou, pour le dire plus simplement, quand « la société » n‟est plus une. 428 Par conséquent, l‟expérience quotidienne des professeurs dans les écoles à grande proportion d‟élèves étrangers et l‟interaction quotidienne qui existe entre les deux acteurs scolaires (élèves étrangers et professeurs) influencent probablement l‟attitude des seconds envers les premiers sur leur participation aux fêtes scolaires à contenu national. Expérience et interaction sont deux termes apparentés et importants dans les relations humaines et dans les actions des acteurs sociaux dans la vie quotidienne alors que la première constitue souvent le résultant de la seconde. Ces quinze dernières années le chiffre des élèves étrangers qui étudient au sein du système éducatif a connu une augmentation le nombre en raison de l‟entrée des émigrants de l‟Europe de l‟Est après la chute des régimes communistes (voir p. 2). Dans le même esprit, le contact quotidien des professeurs avec les élèves étrangers influence, peut-être, la manière dont ils affrontent non seulement les élèves, mais les étrangers en général. Toutes ces nouvelles conditions de la réalité sociale grecque, en prenant en compte la partie théorique ci-dessus, font émerger une question majeure.
Les professeurs qui sont en contact quotidien avec les étrangers auraient-ils un
point de vue différent – s‟agissant du rôle des fêtes nationales à la formation de l‟identité nationale grecque ainsi que de la présence et de la participation des étrangers dans la société grecque – par rapport aux professeurs qui n‟ont pas ce contact permanent ?
428
Ibidem.
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Finalement, les professeurs qui sont en contact quotidien avec les étrangers
intériorisent-ils leur rôle de vecteurs d‟une culture tolérante, de médiateurs interculturels et d‟organisateurs d‟une vie démocratique ? Cette question constitue le sujet de la recherche des hypothèses initiales 5 et 10.
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Troisième partie Analyse des données, résultats de l’enquête, synthèse et interprétation des résultats
1.
Programmes Détaillés d’Etudes et fêtes nationales scolaires
2.
Analyse thématique des entretiens
3.
Tableaux synoptiques des deux catégories principales
4.
Synthèse et interprétation des résultats
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Troisième partie Analyse
des
données,
résultats
de
l’enquête,
synthèse
et
interprétation des résultats Avant la présentation des entretiens concernant notre recherche, nous exposerons les deux étapes précédentes de notre plan initial : celles des instructions du Ministère et celles des discours solennels. En ce qui concerne les discours solennels, leur utilité est centrée sur la formation du questionnaire de notre recherche. Nous n‟y reviendrons pas car nous les avons déjà traités de manières détaillées429 et une référence supplémentaire n‟ajouterait rien de plus aux résultats de notre recherche. En ce qui concerne les instructions 430 du Ministère de l‟Éducation et des Cultes Grec sur les fêtes nationales scolaires, nous allons présenter leur rôle dans les lignes qui suivent. Notre intention est de savoir si et à quel degré le Ministère intervient dans le processus éducatif pour guider ou consulter les professeurs par rapport à l‟organisation des fêtes mentionnées et leur contenu ou au contraire si les professeurs organisent les fêtes nationales librement selon leurs convictions éducatives et idéologiques. Fort de ces résultats, nous pourrons mieux examiner les attitudes des professeurs par rapport aux fêtes nationales scolaires : en effet, s‟il y a des instructions du Ministère, les professeurs ne sont pas libres d‟exprimer leurs convictions personnelles, alors que dans le cas contraire les professeurs sont libres de faire passer grâce aux fêtes scolaires leurs divers points de vue concernant une série de sujets d‟actualité.
429 430
Supra, p. 172. Supra, p. 171.
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1.
Programmes Détaillés d’Étude - curricula et fêtes nationales scolaires L‟examen des Programmes Détaillés d’Études - curricula, n‟a pas fait apparaître de
références portant sur le contenu des fêtes nationales. Bien que nous ayons communiqué avec le secrétariat responsable des Programmes Détaillés d’Études - curricula du Ministère Nationale d‟Éducation et des Cultes et avec l‟Institut Pédagogique qui est également responsable pour les Programmes Détaillés d’Études - curricula, nous n‟avons trouvé aucune instruction qui fasse référence au rôle des fêtes nationale à l‟école, à leur contenu, à leur méthodologie ou à leur but. Nous n‟avons pas trouvé non plus de livres scolaires, autres manuels ou circulaires officielles transmettant ou faisant état de directives écrites à l‟intention des enseignants et qui préciseraient l‟organisation et le contenu des fêtes nationales. La seule instruction qui y soit relative est publiée par le Ministère de l‟Éducation et des Cultes concerne seulement les dates des fêtes et ne touche pas du tout ni leur caractère ni leur contenu. Plus précisément, le Décret Présidentiel (201/1998) concernant L’organisation et le fonctionnement des Collèges, fait référence aux fêtes nationales mais il ne se réfère ni au contenu ni au but des fêtes mais seulement aux dates de leur célébration. Dans le même décret présidentiel il est également fait référence aux défilés des écoliers et à la messe à l‟église de la manière suivante : « les écoles participent aux défilés et à la célébration générale des fêtes nationales et régionales, conformément au programme de la Préfecture et de la Municipalité concernées. Le porte-drapeau avec le drapeau et ses compagnons se présentent au Te Deum » (art.4. §3). Dans le même Décret Présidentiel, il est fait mention la fête des Trois Hiérarques en ces termes : « Ce jour-là sont organisés un service religieux (messe) ainsi que des manifestations connexes auxquelles participe tout le personnel éducatif … La question de la participation à la messe est traitée en collaboration, et après concertation, avec le responsable de l‟église » (art.4. §1e). De temps en temps également, le Ministère de l‟Éducation organise quelques séminaires portant sur des sujets artistiques et culturels ayant trait à l‟École publique mais aucun d‟entre eux ne concerne spécifiquement les fêtes nationales à l‟école et évidemment encore moins une éventuelle orientation concernant l‟identité nationale des élèves. Au cours de notre recherche, nous avons trouvé un manuel de l‟école qui s‟adresse tant aux élèves qu‟à leurs professeurs et qui fait référence à un certain nombre de questions actuelles. Ce manuel a pour titre : En retraçant l’Aujourd’hui, nous préparons le Demain. Un manuel multithématique du Collège pour la zone flexible des actions innovatrices, et il
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présente certains essais très intéressants comme : Culture et Langue, Sciences et Technologie, École et Société, Environnement, Ecologie et Energie, Economie, Moyens de Communication de Masse, Athlétisme, Santé et Alimentation, Drogues et Sida, Consommation et Publication. Les intentions et objectifs de ce manuel sont axés sur la culture d‟une idéologie nationale moins ethnocentrique, plus extravertie et plus européenne. Mais ce manuel, bien qu‟il veuille approcher la réalité actuelle et complexe grecque et européenne, ne fait lui non plus aucune référence ni au caractère des fêtes nationales à l‟école ni aux buts qu‟elles se proposent. Les essais du manuel, malgré leur intérêt objectif et leur caractère fédérateur qui sait aussi tenir compte des différences, n‟ont aucune relation avec notre sujet, ni dans ses aspects idéologiques mais ni même dans son caractère artistique. Certains jours, aussi, avant la célébration de la fête nationale, est envoyée à toutes les écoles du pays une lettre du Ministre de l‟Éducation et des Cultes dans laquelle il s‟adresse aux élèves et aux professeurs et à toute la communauté éducative. Il y fait place à la nature de cette fête, aux messages qu‟elle emporte, à ses héros et aux devoirs et responsabilités que nous avons vis-à-vis de l‟histoire et de l‟avenir de la patrie. Au début de la cérémonie, un des professeurs lit la lettre du Ministre. Mais, cette lettre ne constitue pas une instruction qui s‟adresserait aux professeurs pour leur donner des directives concernant les fêtes nationales et leur contenu, sauf à considérer l‟esprit qui émane de la lettre en question. Une autre lettre est également envoyée aussi par le préfet. Cette lettre, comme celle du Ministre, fait référence au caractère et aux messages de la fête et elle est lue par un professeur au début de la manifestation. À cette lettre est joint un document qui s‟adresse aux directeurs des établissements scolaires et qui donne certaines indications pour la réalisation de la fête. Mais la lettre du préfet ne contient pas non plus d‟indications concernant le contenu de la fête nationale. Il ressort de ce qui précède, qu‟il n‟existe à notre connaissance et malgré nos recherches, aucune instruction particulière émanant du Ministère d‟Éducation et des Cultes concernant les fêtes nationales, sauf les lettres du Ministre qui peuvent, bien sûr, varier quelque peu d‟un ministre de l‟Éducation à l‟autre tout en restant dans le même esprit. Ainsi, on voit bien que l‟organisation des fêtes est laissée à la discrétion totale des enseignants qui portent donc à chaque fois l‟entière responsabilité de leur contenu et de leur déroulement.
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Ici toutefois, il convient de signaler que, au fil du temps, s‟est élaboré un code tacite concernant les fêtes nationales et leur contenu. En d‟autres termes, les professeurs évoluent dans un cadre sans extrémismes idéologiques et sans intention de faire de la propagande politique. Le contenu des discours solennels, des chansons et des poèmes choisis s‟intègre dans un cadre éprouvé d‟année en année et qui ne provoque ni les autres professeurs, ni les élèves, ni les parents des élèves. Au cas où un professeur exprimerait des opinions personnelles extrêmes, il encourt certains reproches de la direction de l‟école. Pour cette raison, probablement, le Ministère de l‟Éducation considère-t-il qu‟il n‟a pas lieu d‟envoyer d‟instructions concernant le contenu des fêtes nationales car il y a une autorégulation excluant les extrémismes idéologiques de la part des mêmes des professeurs. Une autre raison à cette absence d‟intervention du Ministère dans les fêtes est probablement que le ministère ne considère pas qu‟elles constituent un sujet important et significatif dans le processus éducatif. Le manque d‟instructions de l‟Administration concernant les fêtes scolaires témoigne que pour la politique étatique officielle le problème des fêtes nationales n‟est pas primordial. Bien que ces fêtes se réalisent dans l‟espace scolaire depuis des décennies, le Ministère de l‟Éducation grec ne considère pas qu‟il doive intervenir concernant leur contenu et leur présentation formelle. Alors que dans le système grec, ces temps derniers a intégré le cours d’Arts plastiques, et toute une série d‟autres programmes à contenu culturel et artistique avec professeurs spécialistes de ces sujets, les fêtes nationales scolaires restent le parent pauvre de la formation périscolaire, Et ce bien qu‟elles puissent fonctionner comme un mécanisme idéologique habilement camouflé et par conséquent plus efficace puisqu‟il s‟adresse au monde sentimental et émotionnel des enfants. À la fin, le vide des Programmes Détaillés d’Études - curricula concernant les fêtes nationales scolaires, leur organisation et leur contenu, donne à notre étude un caractère encore plus particulier car la population de notre recherche n‟est pas obligée de suivre des règles, des consignes strictes et de s‟inscrire dans des cadres limités pour la célébration des fêtes mentionnées, mais au contraire elle est libre et indépendante d‟utiliser les fêtes selon ses convictions générales et ses préférences idéologiques. Par conséquent toute l‟attention scientifique de notre étude est centrée sur les entretiens des professeurs de notre échantillon qui constituait initialement la partie majeure de notre recherche.
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2.
Analyse thématique des entretiens
Ensuite, nous présentons certains entretiens indicatifs qui comprennent des professeurs qui se distinguent par toutes les caractéristiques sociologiques que nous avons choisies pour notre recherche. Précisément, nous présentons certaines parties de leurs entretiens, et présentent un intérêt majeur pour notre recherche. Par cette partie, nous voulons donner au lecteur une image condensée mais riche de sens concernant l‟approche des professeurs de notre recherche sur le sujet du Soi national-Grec, du rôle de la doctrine hellénochrétienne dans les questions éducatives de la Grèce et de la mondialisation. Pour cette raison, nous avons choisi les douze professeurs suivants et plus précisément : A)
quatre professeurs dont les entretiens ne présentent rien de notable ni
d‟important, comme d‟ailleurs la grande majorité des entretiens. Ces quatre entretiens représentent et expriment la grande majorité des professeurs qui manifestent par les fêtes scolaires une identité nationale soit modérément positive, soit modérément négative, selon toujours notre modèle méthodologique que nous avons présenté plus haut, B)
deux professeurs qui sont intégrés dans les deux directions complètement
contradictoires (Complètement négative - Complètement positive), C)
deux professeurs qui participent aux associations bénévoles de l‟Église,
D)
deux professeurs qui travaillent dans des écoles à grande proportion d‟élèves
étrangers, E)
un professeur qui participe à la vie politique avec une place importante et
F)
un professeur avec culture associative - participative (Croix rouge).
À la fin de cette partie, le lecteur trouvera deux tableaux synoptiques, dans lesquels sont présentées de façon rapide les attitudes des professeurs concernant les deux catégories sélectionnées. Le premier tableau concerne le contenu de l‟identité nationale que transmet chaque professeur par les fêtes nationales scolaires et le deuxième tableau concerne l‟attitude des professeurs par rapport à la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées.
A)
Au début, nous commençons avec un professeur dont la narration représente la
grande majorité des professeurs de notre échantillon. Nous présentons l‟approche du professeur en ce qui concerne toutes les quatre sous-catégories de la catégorie principale Identité nationale.
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Le Professeur mentionné (N° 41) se situe politiquement au Centre-gauche, il n‟appartient à aucune association, il a moins de 45 ans et n‟a aucun contact avec élèves étrangers. En ce qui concerne le Soi national-Grec, il annonce qu‟il va évoquer « le Grec dans une perspective diachronique, en commençant par la civilisation ancienne (Aristote, Platon), en passant par la Renaissance, puis par des références à Byzance pour finir par des images plus sombres avec la période de la servitude. C’est là qu’apparaissent soudain des figures héroïques comme Kolokotronis, Karaiskakis, Andritsos (héros de la révolution de l‟Indépendance) et autres. Une poignée d’hommes qui se révolte contre un pouvoir autoritaire ». Mais en même temps il intègre certaines critiques envers les Grecs contemporains : « Puis j’en arriverai petit à petit à nos jours où nous nous caractérisons par une certaine servilité, par l’absence de personnalités comme Kolokotronis… Nous avons encore des possibilités de faire un État régi par de bonnes lois, sans corruption. Encore aujourd’hui, il y a des valeurs ». En ce qui concerne les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire, il y est opposé en soutenant qu‟il met « en avant surtout le caractère national durant la réalisation d’une fête nationale. Quant à l’élément religieux, il lui donne certes une place, mais peu importante… Je n’envisage la religion que dans sa fonction cohésive qui assurait la distinction entre les Grecs et les musulmans, mais je ne peux pas contribuer à perpétuer des mensonges historiques… je suis contre. Je suis contre l’assistance des élèves à la messe et contre les défilés scolaires aussi…Pour la prière matinale, je n’aurais pas d’objection, car elle vise à obtenir de Dieu protection et sécurité ». En même temps, il veille très scrupuleusement à ne pas heurter les convictions religieuses des élèves en disant que : « Je serai très attentif parce que je ne veux pas favoriser le fanatisme. Particulièrement, s’il y a des enfants appartenant à d’autres religions, comme les musulmans d’origine albanaise ou autre. Je veux faire en sorte de ne pas choquer ces enfants… Alors que nous vivons dans une société multiculturelle dans la quelle vivent des enfants musulmans, protestants ou Témoins de Jéhovah, pour quelle raison imposerai-je, moi, mes convictions aux autres ? C’est une question de conscience et je ne peux pas imposer, discriminer ou snober les enfants qui ont une autre foi et qui ne veulent pas venir à l’église ». En même temps, en ce qui concerne la présentation authentique ou la contestation de l‟historiographie officielle, il soutient qu‟il « essaie de ne pas faire de provocation, mais que s’il considère que certains éléments sont loin de la vérité, il le mentionnera. « Je voudrais – - 245 -
ajoute-t-il – provoquer le sens commun pour créer une discussion sur le point sujet à controverse. Je pense que c’est comme ça que nous retrouvons plus facilement notre identité et notre histoire et non pas quand nous acceptons aveuglement les opinions des générations précédentes…J’ai envie d’être plus près de la vérité historique et je ne veux pas faire émerger quelque chose dont je ne suis pas sûr de la réalité ». Enfin, il envisage la mondialisation surtout positivement en disant : « Moi, je suis pour l’approche qui soutient que nous devrons être ouverts et attentifs aux évolutions actuelles. Je pense que nous sommes des hommes avant tout, c’est-à-dire avant d’être Grecs, Orthodoxes, partisan de tel ou tel parti politique ». À propos des élèves allochtones, il soutient que « si le petit Albanais se sent bien dans ce rôle, il peut porter le drapeau. Ce serait avoir la vue courte, ce serait très stupide de ma part d’être contre. Je dois être fier qu’un allogène ou une personne de confession différente veuille porter le symbole de mon pays. Je ne peux le priver de ce droit… Il en va de même pour l’hymne national, s’il veut chanter mon hymne, moi j’en serai fier ». Ensuite, nous présentons un deuxième professeur (N° 29) dans le même ordre de pensée. Il appartient politiquement au Centre-droite, sans culture associative - participative, moins de 45 ans et sans contact avec des élèves étrangers. En ce qui concerne le Soi national-Grec, il nous dit que « ce qui est positif chez les Grecs c’est la solidarité dont ils font preuve quand ils se trouvent en danger. Dans les circonstances difficiles pour la patrie, beaucoup de héros grecs ont montré leur sens de la solidarité…de l’union, de l’union…Oui, la générosité qu’a tout homme simple. Cette générosité n’est pas le seul fait des érudits et des intellectuels, mais des gens simples aussi. Ils sacrifient leur vie aussi. De nombreux exemples significatifs montrent qu’ils sacrifient leur vie pour un avenir meilleur. Au bénéfice du e développement de la nation, ils sacrifient leur héritage et leur vie encore plus… Oui, nous avons une civilisation particulière que nous devons rappeler, respecter et que nous devons transmettre le flambeau de cette civilisation aux générations suivantes. Mais sans culte exagéré des ancêtres. Il y a certains éléments du passé qui sont positifs, créatifs et prometteurs en ce qui concerne notre futur. Ils nous aident à comprendre qui sommes nous, où allons nous et quels sont nos buts à partir de maintenant…». Mais ensuite, il poursuit en disant que « je pense que le Grec a beaucoup de défauts, comme chaque peuple, mais il est généreux, travailleur, désintéressé et il s’intéresse au bien commun. Mais il l’oublie très vite. Après les premières réussites, il se rappelle de
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nouveau ses intérêts personnels, la spéculation et le pouvoir du plus fort. Il fait un travaille de sape actuellement, comme par le passé. Pour les manifestations religieuses dans l‟école il affirme : « Oui, je suis pour les fêtes religieuses, pour l’assistance des élèves à la messe, mais avec prudence, sans offenser les minorités », alors que pour le renforcement ou la contestation de la doctrine hellénochrétienne « Si les autres approches (ceux qui contestent l‟historiographie officielle) sont documentées, oui. Mais je ne peux pas accepter un article sans documentation, sans discussion et sans problématique. Certaines approches historiques qui sont reconnaissantes passeront dans la fête. Nous ne nous en tiendrons pas au type des fêtes que nous faisions quand moi j’étais élève et même plus tard… Si quelque chose est juste scientifiquement, oui, nous l’intégrons ». À la fin, concernant la mondialisation il soutient : « Je pense que nous devons profiter des évolutions, nous ne devons pas nous replier sur nous-mêmes, mais en même temps nous ne devons pas nous laisser aller sans résistance en face du moderne, du beau. Il faut conserver nos fondamentaux, nos valeurs, il faut que nous les protégions et en même temps que nous soyons ouverts aux nouveaux messages et aux nouvelles idées. Pas passivement, sans critique. Nous ne devons pas être nivelés lorsque nous serons considérés comme modernes et pas conservateurs ». En ce qui concerne les élèves allochtones, il dit que : « Bien sûr. Bien sûr, je la souhaite (la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires). Je ne veux pas les vexer (les enfants étrangers). Ils sont aussi membres de notre société, de notre processus scolaire et de la vie scolaire. S’ils font des efforts en tant que membres égaux aux autres, qu’ils obtiennent de bonnes notes et qu’ils sont capables, je suis d’accord. C’est un honneur pour nous qu’ils veuillent porter le symbole de notre patrie… ». Le troisième professeur présenté (N° 15) se détermine comme homme de Gauche, il a plus de 45 ans, il participait à l‟association des professeurs des lettres et il n‟a pas de contact avec les élèves allochtones. Au cours de l‟entretien, nous nous focalisons exclusivement sur l‟approche de la mondialisation. C‟est une approche très courante non seulement chez les professeurs de notre recherche, mais dans une partie importante de la société grecque. Précisément, il nous dit : « Je ne suis pas contre la mondialisation, l’internationalisme dans un sens positif, l’unité
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européenne, mais à la vérité depuis un certain temps et à cause de mon âge, je deviens plus conservateur qu’avant. Je pense qu’actuellement il y a un impérialisme culturel des pays occidentaux, de l’Europe et des États-Unis. La musique, les chansons, le mode de vie, tout vient de l’Occident. Par conséquent, qui détermine les nouvelles et l’actualité ? Bien sûr, CNN… Le faux progressiste ne voit pas les faces dangereuses de l’internationalisme. En tout cas, un peuple qui est faible politiquement, économiquement et culturellement, s’affaiblit encore plus au fil du temps… Pas conséquence, nous devons rester bien attentifs sur nos positions concernant notre langue, notre identité et nos traditions…Je veux transmettre à mes enfants la valeur de notre langue et de nos traditions…Oui, c’est vrai qu’il y a 25 ans, je regardais les choses de manière « progressiste »…. Je suis d’accord avec un patriotisme qui est lié à l’internationalisme. Les deux notions sont liées… Nous pouvons avoir peur et être inquiets, mais nous ne devons pas perdre courage. Nous ne nous perdrons pas en tant que nation. Nous ne devons pas diaboliser la situation actuelle, l’Europe, la mondialisation, mais il est vrai qu’il y a problème. Toutefois l’un n’exclut pas l’autre. On ne peut pas dire soit je conserve mon identité et je rejette l’évolution soit je participe aux évolutions et perds mon identité ». Pour en terminer avec cette première partie qui comprend les quatre premiers professeurs, nous présentons le professeur suivant (N° 30) qui appartient politiquement au Centre-gauche, il participe à une association culturelle, il a moins de 45 ans et il n‟a pas de contact avec des élèves étrangers. En ce qui concerne le Soi national-Grec, il soutient que « Le Grec ne supporte pas l’esclavage…une de ses caractéristiques est l’amour de la liberté, de l’indépendance… le Grec est celui qui aime la liberté… Ce n’est pas un hasard si la Démocratie est née en Grèce. Elle n’est pas née ailleurs. Elle est née en Grèce car ici chacun veut dire son opinion…Mais en même temps il y a un autre phénomène. Nous savons tout. Nous sommes spécialistes en tout. Le Grec est impressionnant car chacun est médecin, professeur et tous connaissent tout…ce n’est pas très bien ça, mais en même temps nous affinons nos capacités. Ce n’est pas par hasard que les Grecs à l’étranger excellent. Parce que nous avons appris à réfléchir un peu différemment. Nous réfléchissons plus vite et différemment ». Mais un peu plus tard il dit que « Je pense que la société grecque est raciste. Nous sommes racistes bien que nous aimerions dire que nous sommes libérés et ouverts… dans la tête des Grecs il y a certains
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peuples qui ont une place plus prestigieuse que les autres. Tous les peuples que nous considérions inférieurs à nous, nous les traitons négativement ». Pour la mondialisation, il pense que « Comme nation, comme peuple nous ne pouvons pas rester en dehors des évolutions. Nous ne pouvons pas devenir l’Albanie du 21e siècle…mais en même temps nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir parce que nos enfants aiment nos traditions… notre particularité perdurera. Mais une nouvelle particularité se créera, l’histoire est comme ça. Nous vivons dans une époque transitoire. Mais avons-nous ne devons pas en avoir peur. Si je persiste à revenir sur le passé, je me condamne à l’immobilité ». Quant au rôle de l‟Église dans les questions d‟éducation de notre société, il exprime une opinion très innovatrice : « Nous pourrions aller dans une mosquée, s’il y en avait. Moi, je ne suis pas contre. Moi, je voudrais un contact avec les autres religions. Je voudrais que nous ayons une comparaison avec les autres confessions religieuses ».
B)
Ici, nous présentons deux entretiens qui sont intégrés le premier à la direction
Complètement positive et le deuxième à la direction Complètement négative. Nous but est de comparer les deux entretiens et de mettre en avant les deux approches totalement contradictoires et les éléments particuliers qui les caractérisent. Le premier professeur (No 13) qui est intégré à la direction complètement positive, il appartient politiquement à la Gauche, il est membre des associations culturelles et surtout théâtrales, il a plus de 45 ans et il n‟a pas de contact quotidien avec les élèves étrangers. Le deuxième professeur (No 28) qui est intégré à la direction Complètement négative, il appartient politiquement au Centre-droite, il ne participe nulle part, il est moins de 45 ans et il n‟a pas de contact avec élèves étrangers. En ce qui concerne la représentation du Grec de la part du premier professeur (No 13), il nous dit : « Je n’héroïse pas le Grec. Comme je présente ses qualités, de la même façon je présente aussi ses défauts…Il est hospitalier, il est sensible, mais il est aussi bilieux et il est prêt pour la rupture…», et en suite, il ajoute aussi le rôle de l‟Antiquité en disant que : « Alors que nous avons une civilisation antique très importante, pourquoi ne produisonsnous pas actuellement de civilisation (culture avec écho international) ?... Ici, en Grèce nous avons détruit tous les bâtiments néoclassiques, alors qu’en Europe chaque ville a son Centre historique…Je pense qu’est en cause le culte exagéré des ancêtres. Mais il n’y a pas seulement l’Antiquité grecque. Il y a aussi la continuité… Moi, j’aime autant Seféris (poète
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Grec actuel) qu’Euripide (poète de l‟Antiquité grecque)… nous avons l’Antiquité grecque, et puis nous nous arrêtons là ? Qu’est-ce que nous faisons en tant que peuple aujourd’hui ? En tant que puissance (probablement politique) nous ne faisons rien. Mais comme peuple ? Comme peuple, ne devons-nous pas faire quelque chose ?». Au contraire, le deuxième professeur (N° 28) ne fait pas de référence précise au Grec, mais son discours est caractérisé par la peur et l‟hostilité envers les peuples voisins en soutenant que « nous sommes un peuple qui est entouré par des peuples ennemis… Je veux surprendre (par les fêtes nationales scolaires) en présentant nos désaccords avec certains peuples voisins car nous n’avons pas de conscience nationale ». En ce qui concerne les Turcs, il insiste sur l‟antinomie entre les Grecs et les Turcs de la façon suivante : « Nous voulons montrer par les fêtes nationales une opposition entre Turcs et Grecs. Nous voulons montrer ce qu’ils nous ont fait (durant la période de l‟occupation)… Je voudrais mettre en évidence les idéaux de l’un et de l’autre. Je mettrai un texte dans la fête qui dit « Vous allez où salopards et vous méchants chiens de chasse (il sous-entend les Turcs)…Je voudrais montrer la mentalité de l’un et la mentalité de l’autre. Les buts de chacun… certains pensent à l’amitié gréco-turque, mais moi je n’y crois pas ». En ce qui concerne l‟Orthodoxie par rapport au système éducatif grec, le premier professeur (No 13) soutient que « je considère chaque fête comme importante, mais je pense que le sentiment religieux est quelque chose très personnel à chacun. Je considère que le fonctionnement dans l’espace de l’église et de la religion est une chose importante, mais je ne pense pas que cela (l‟élément religieux) soit quelque chose qui doive être souligné durant une fête nationale. En ce qui concerne l’assistance des élèves à la messe, je pense qu’elle ne doit pas devenir obligatoire. Il faut être net. Je considère que nous devons respecter la totalité des élèves et pas la majorité. Il y a la minorité aussi…On ne divise pas les enfants en pratiquants et non-pratiquants et pour cette raison j’insiste sur le fait que les convictions religieuses sont un sujet personnel…Actuellement, il y a une vérité multiculturelle. À Athènes il y a des personnes de toutes confessions. Il faut respecter la minorité comme la majorité…Éventuellement, les fêtes religieuses pourraient avoir un caractère plus multiconfessionnel et multiculturel ou une image du Christianisme plus universelle et humaniste ». Au contraire, le deuxième professeur est favorable à ce que l‟Orthodoxie joue un rôle dans les questions éducatives et les fêtes scolaires. Il soutient : « Moi, je voudrais mettre en avant ces deux directions (religieuse et nationale) et chaque foi que je fais une fête de cette sorte je commence par l’élément religieux. Moi je les voudrais tous les deux… ». En ce qui - 250 -
concerne la relation entre l‟école et église, il déclare qu‟ « il faut qu’il en soit ainsi (les manifestations religieuses et l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire)… Nous devons donner une direction et ensuite chacun fait ce qui il veut ». Pour les approches historiques qui contestent la doctrine hellénochrétienne, le premier professeur nous dit : « Moi, je les intègre (les approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle) très souvent aux pièces de théâtre que nous organisons à l’école… Je ne cache jamais mes opinions (même s‟il y a un public conservateur ou particulier comme le clergé, les parents, les camarades, les hommes politiques). Je ne peux pas m’empêcher d’exprimer mes convictions durant une fête ou un spectacle de théâtre, alors que je les ai exprimées, durant l’année scolaire, en toute occasion ». Le deuxième professeur est aussi pour les approches historiques qui ne se référent pas aux manuels scolaires, mais il désigne là les approches qui renforcent l‟historiographie officielle et non pas celles qui la contestent. Précisément, il déclare : « je pense que l’histoire scolaire est lacunaire et il faudrait la compléter en de nombreux points (pour le renforcement de l‟historiographie officielle)… » en ajoutant que « la majorité des manuels scolaires sont affligeants (par conséquent, ces manuels doivent être modifiés dans le sens d‟un renforcement de la doctrine hellénochrétienne) ». À la fin, en ce qui concerne la mondialisation, le premier professeur nous dit : « La peur et la fermeture n’ont jamais rien fait de bon en Grèce. Je ne dis pas qu’il faut se rendre sans condition à un nouveau phénomène comme la mondialisation ou autre. Mais on ne ferme pas la porte…nous devons fonctionner avec un esprit exempt de tout nationalisme. Nous mettons en avant l’élément de la mémoire nationale, mais nous séparons les pouvoirs du peuple… Ma position est œcuménique et je voudrais que nous ayons une collaboration avec tous les pays, la France, l’Allemagne. Mais je voudrais aussi que le petit [pays] ait son opinion… Je voudrais que tous les pays expriment leur opinion à droit égal…». Le deuxième professeur au contraire, il ne fait aucune référence directe à la mondialisation, mais il soutient que « l’invasion des immigrants à ce degré constitue un danger… Notre identité se trouve en danger. Elle peut se perdre… tous les peuples qui sont arrivés ici (en Grèce), par le passé, étaient nos ennemis. Nul n’est arrivé ici qui n’était pas notre ennemi…Dans peu temps, je pense que Xanthe (une ville au Nord de Grèce où résident de nombreux musulmans) au fil du temps ne sera plus grecque. À court terme, pas dans un
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avenir lointain. Je pense que cette marée de peuples est un danger. C’est arithmétique et simple pour moi. À un moment, cela va arriver ».
En comparant les narrations des deux professeurs, nous trouvons deux directions compétemment différentes. Le premier (No 13) envisage tous les défis actuels avec un esprit extraverti. La condamnation de toute violence du pouvoir, le respect envers les minorités religieuses, les références au soutien envers les peuples faibles et le tableau sans fioritures où le Grec actuel est présenté avec toutes ses contradictions, prouvent que ce professeur manifeste par les fêtes nationales une identité nationale qui s‟intègre, toujours selon notre modèle méthodologique, à la direction complètement positive. Au contraire, pour le deuxième (No 28), il apparaît très nettement ici que son discours et le ton employé procède d‟une peur née de la situation nouvelle dans laquelle se trouve notre société. Par voie de conséquence, on observe un rejet et une hostilité envers les immigrés qui sont considérés « ennemis héréditaires ». Le professeur en question ne fait aucune référence à la réalité grecque actuelle non plus qu‟à la mondialisation comme phénomène nouveau propice à la mise en contact des peuples et des nations. Ce discours ne présente donc aucun élément qui permettrait de le rattacher à la direction positive, ni même à la direction modérément positive. Il est parfaitement clair dans ce cas que ce professeur manifeste par les fêtes nationales une identité surtout complètement négative. En ce qui concerne la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées, le premier professeur nous dit « Oui, s’il veut (participer - l‟élève étranger). Et je le fais. Je considère que tu es ce que tu sens. Si l’enfant sent que l’hymne national lui dit quelque chose à lui (intérieurement), pourquoi pas ?…Je considère que les choses sont plus universelles. Pour moi, ma patrie porte toute l’histoire et la culture, mais moi je la veux plus universelle et œcuménique. J’adore Kavafis, Sikélianos, Seféris (poètes Grecs), mais j’adore aussi Natsit Kichmet (poète Turc) qui est contre la guerre…en ce qui concerne le drapeau grec je pense qu’Isocrate a donné la réponse « Celui qui se sent Grec, il est Grec ». Que le meilleur élève soit Grec ou Albanais, moi ça ne m’intéresse pas…Celui qui vit dans un autre pays, ce deuxième pays est une partie de sa vie. C’est peut-être qu’il est le pays de ses rêves et que pour cette raison il y est venu avec ses parents. S’il aime sa nouvelle patrie et qu’il veut bien mériter sa nouvelle patrie, il peut porter aussi le drapeau… ». Au contraire, le deuxième professeur est une des cas rares qui envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires complètement négativement - 252 -
en soutenant : « les enfants étrangers doivent être exclus des fêtes nationales scolaires et de toutes les manifestations connexes ». Il est hostile également à ce que les élèves étrangers portent le drapeau grec durant les manifestations scolaires car « le drapeau ne peut pas être le prix pour de bons résultats à l’école. Quelle est la relation entre les deux ? Le drapeau est un symbole national. Il ne peut pas être tenu par un étranger. Même s’il est le meilleur élève du monde, et pas seulement de l’école considérée ». Par conséquent, en ce qui concerne les élèves étrangers, l‟attitude de premier professeur est complètement positive concernant la participation des élèves étrangers aux fêtes de l‟école, alors que l‟attitude de deuxième professeur est complètement négative face aux élèves étrangers. Ces deux entretiens nous permettent de présenter deux approches totalement différentes sur l‟utilisation des fêtes nationales scolaires et les messages idéologiques que font passer les deux professeurs par l‟intermédiaire de ces fêtes.
C).
Dans ce qui suit, nous présentons deux professeurs qui ont une activité
bénévole à l‟Église. Nous avons choisi ces deux entretiens car l‟Église joue un rôle principal tant dans les questions idéologiques de la société grecque que dans la vie associative de la Grèce. Pour la présentation suivante, nous nous focalisons sur l‟approche des deux professeurs vis à vis de la doctrine hellénochrétienne par rapport au système éducatif grec. Le premier professeur (N° 22) appartient politiquement au Centre, il est membre d‟associations religieuses auxquelles il participe activement, il a moins de 45 ans et il n‟a pas de contact quotidien avec les élèves étrangers. Le deuxième professeur (N° 24) également partie prenante dans les activités associatives de l‟Église, se classe lui aussi au Centre ; il rédige des articles pour un magazine à contenu religieux ; il a plus de 45 ans et n‟a pas de contact quotidien avec les élèves étrangers. En ce qui concerne la présentation de la doctrine hellénochrétienne dans les objectifs éducatifs de la Grèce, le premier professeur soutient que « les élèves peuvent goûter un peu de l’Orthodoxie, mais sans pression, pas de manière intensive … à l’école viennent le médecin, l’agent de la circulation, pourquoi pas le prêtre ? La présence du prêtre a un écho uniquement positif chez l’enfant…l’identité grecque se confond avec l’identité religieuse…en tout cas l’Orthodoxie et l’Hellénisme, dans une grande mesure, agissent de concert…Je - 253 -
pense à la tradition hellénochrétienne. Un vrai Grec est éduqué en étant baigné dans les morales d’Homère, de Plutarque, d’Hérodote, mais aussi des Pères de l’Église … Christodoulos (ex-archevêque qui a joué un rôle majeur durant les conflits entre l‟Église officielle et l‟État grec, mentionnés dans l‟introduction 431) a défendu des positions semblables le caractère indissociable de l’identité grecque et religieuse du Grec… » et il conclut en disant : « Je pense que nous avons besoin d’un retour à des bases saines (il sous-entend les idéaux hellénochrétiens) ». À l‟inverse, le deuxième professeur alors qu‟il soutient également « Je suis en faveur des fêtes religieuses à l’école car elles sont porteuses de culture, des idéaux et des traditions… Nous sommes un pays orthodoxe… nous ne pouvons pas nous soumettre à deux ou trois intellectuels athées… » réfléchit en même temps à ses propres contradictions. « Je pense aux idéaux de l’Hellénisme et de l’orthodoxie. Mais je me demande : la Vierge aidaitelle les Grecs et pas les Italiens (durant la deuxième guerre mondiale)? Il y a beaucoup d’Italiens qui aiment et qui adorent la Vierge. La Vierge et le Dieu nous seraient-ils réservés en exclusivité ? Non, je ne le pense pas. Dieu est là pour tout le monde et pas seulement pour les Grecs... ». Aux deux parties ci-dessus, nous pouvons voir deux approches différentes concernant le rôle de l‟Église et de l‟Orthodoxie dans le système éducatif grec. Précisément, alors que le premier professeur reste à une présentation traditionnelle de la doctrine hellénochrétienne par les fêtes nationales et sans références aux autres confessions et surtout aux minorités religieuses qui existent dans l‟école actuelle grecque, le deuxième professeur donne à la religion une direction plus universelle et humaniste. On voit que cet enseignant ne s‟en tient pas à une présentation traditionnelle et figée de la doctrine hellénochrétienne, mais il entreprend de présenter Dieu comme une entité qui appartient et s‟intéresse à tout le monde quelle que soit sa religion, sa nationalité, sa langue et sa couleur de la peau. Bien sûr, ce que nous devons remarquer est que la grande majorité des professeurs qui participent aux associations bénévoles de l‟Église se trouve plus proche du premier professeur que du second. Nous reviendrons plus bas sur ce sujet, au chapitre des conclusions de la recherche.
D).
Ci-après, nous présentons les entretiens de deux professeurs qui travaillent
dans des établissements comportant une grande proportion d‟élèves étrangers - allochtones.
431
Supra, p. 18.
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Notre présentation se focalise surtout sur la façon dont sont considérés les enfants étrangers avec lesquels les deux professeurs viennent en contact tous les jours. Le premier professeur (N° 18) appartient politiquement au Centre, il a plus de 45 ans, il ne prend part à aucune association et il est en contact quotidien avec les élèves étrangers. Le deuxième professeur (N° 19) appartient politiquement à la Droite, ne milite nulle part non plus, il a plus de 45 ans et il est aussi quotidiennement en contact avec les élèves étrangers. Le premier professeur envisage positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes : « S’ils le désirent, oui. Ils viennent et ils me demandent de participer. Ça ne m’ennuie pas de tout…pour l’hymne national il en va de même. J’ai dans ma chorale un petit turc qui participe régulièrement ». Il s‟exprime positivement pour les autres peuples et les immigrants en soutenant que « par la fête, nous ne mettons pas l’accent sur l’élément national, l’élément grec... nous essayons de donner une image plus multiculturelle. Il n’y a pas que les Grecs qui aiment la Liberté. Il n’y a pas que les Grecs qui ont lutté pour la Liberté pendant la deuxième guerre mondiale : tous les peuples de l’Europe l’ont fait. Pour se libérer du joug turc, tous les peuples des Balkans ont lutté aussi et pas seulement les Grecs ». Il poursuit en disant « Nous ne voulons pas des outrances nationalistes car beaucoup d’enfants ne sont pas des immigrés qui sont revenus dans leur pays, mais ils sont Albanais, ils n’ont pas de conscience nationale grecque et à un moment ou un autre, peut-être rentreront-ils chez eux ». Par contre, il exprime son opposition concernant le drapeau en déclarant « Pour le drapeau, je ne suis pas sûr. J’ai honte de le dire, mais au fond du cœur je ne voudrais pas qu’un Albanais porte mon drapeau. Je considère cela comme une trahison. De même, je ne voudrais pas qu’un Grec porte le drapeau turc. Je ne veux pas qu’une allogène porte mon drapeau. Peut-être mon opinion est-elle fautive, mais je pense qu’un élève qui est le meilleur, peut recevoir un autre prix mais pas le drapeau. Je vois le drapeau comme symbole et pas comme prix pour le meilleur élève ». Et à notre question « Et s’il insiste pour porter le drapeau ? », il réagit en disant « C’est une bonne question. Mais comment confier le drapeau à un étranger? ». Le deuxième professeur soutient aussi que « S’il veut (la participation à la fête nationale), pourquoi pas ? Mais pas sans contrainte…Pour l’hymne national il doit en aller de même. S’il se sent Grec, il peut le chanter. Mais il doit le se sentir grec et en être persuadé ». À propos du drapeau toutefois, il nuance un peu son avis en disant : « Pour le drapeau, mon point de vue est très logique. Pour qu’un allochtone puisse porter le drapeau, il faut - 255 -
qu’il remplisse les trois conditions suivantes : la première, il doit être le meilleur élève ; la deuxième, il doit être baptisé chrétien car le drapeau comporte une croix et pas le Croissant rouge ; la troisième, il doit avoir la citoyenneté grecque. Si les trois conditions sont réunies, il peut porter le drapeau, sinon, non ». Les deux professeurs ci-dessus prouvent que bien que les professeurs acceptent généralement avec bienveillance les élèves allochtones en ce qui concerne leur participation aux fêtes mentionnées, pourtant certains parmi eux sont réservés sur la question du drapeau, ce qui montre que « tout ce bruit » à propos de drapeau a influencé leur attitude.
E).
Maintenant, nous présentons l‟entretien d‟un professeur (N° 7) qui participe
activement aux affaires politiques de la Grèce. Politiquement il se situe lui-même au Centregauche ; il a plus de 45 ans, il n‟a pas de contact quotidien avec les élèves étrangers. Dans cet entretien nous nous focalisons surtout sur l‟approche de la mondialisation et son influence sur les questions idéologiques et politiques de la Grèce et à la réalisation des fêtes nationales scolaires. La mondialisation est envisagée de manière plutôt positive. Il souhaite la pérennité du type de vie propre à la société grecque : « Nous devons prendre ce qu’il y a de bon dans le monde qui nous entoure, en conservant notre identité…Avoir des contacts avec le village extérieur, en donnant et en prenant… Théoriquement, nous ne devons pas avoir peur. C’est bien le village mondial, mais il doit se différencier du village local. Le village local doit avoir sa vie intérieure qui sera enrichie par le village mondial. Des échanges peuvent avoir lieu entre les deux, mais le village local doit garder certaines caractéristiques…». Pour finir, il affirme « Ce que l‟on demande, c‟est la paix. Ce que l’on demande c’est la compréhension mutuelle entre les peuples… Les valeurs de Liberté, de justice, des droits de l’homme, de la Démocratie nous devons les garder par les fêtes nationales ».
F).
Pour finir, avec l‟entretien suivant, nous présentons un professeur (N° 42) qui
participe activement à la Croix rouge. Notre présentation est centrée sur la façon dont il perçoit et considère les étrangers en Grèce. Ce professeur est politiquement de Centre-droite également ; il a moins de 45 ans et il n‟a pas de contact avec élèves étrangers.
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Nous présentons surtout l‟attitude de professeur face aux autres peuples et civilisations et également aux élèves allochtones et à leur participation aux fêtes de notre recherche. Globalement, il s‟exprime positivement sur les autres peuples : « Je suis contre le motive ‘‘nous les Grecs, nous les Grecs’’ etc. Je n’aime pas ça. Nous devons apprendre notre histoire, mais sans tomber dans l’excès qui consiste à dire que nous sommes une race supérieure et les autres inférieurs…Les autres peuples aussi ont leur histoire et ils nous ont apporté et nous apportent beaucoup de choses importantes… Nous devons certes garder notre culture et notre identité qui a une valeur historique particulière, mais les autres peuples ont aussi des caractéristiques remarquables que nous devions accepter. Je pense que la meilleure solution se trouve au milieu…». En ce qui concerne la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, il reconnaît que « c’est un problème difficile à résoudre. Moi, en tant que Grec je les accepte. Pourquoi pas ?... Je les accepte tous…s’ils ne veulent pas, ça ne me dérange pas…pour le drapeau…je ne sais pas quels sont les sentiments (de l‟élève étranger qui gardera le drapeau)…ça dépend de la façon dont il se sent…moi ça ne me dérange pas s’il ressent quelque chose car notre drapeau représente quelque chose ».
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Tableaux synoptiques des deux catégories principales Identité nationale
Autre national-Étranger
P no* D** P no* D**
P no* D** P no* D*
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
MP MN MN MN MN MP MP MP MP MP MP MP CP MN MP MP MN MP MN MP MP MN MN MP
25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47
MN MP MN CN MP MN MP MN MN MP MP MP MP MP MP MN CP MN MN MN MP MN MN
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
CP CP MP CP MP CP CP MP CP CP CP CP CP CP MP CP MP MP MN CP CP MP MN CP
25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47
CP CP CP CN CP CP CP CP MP MP CP CP CP CP CP CP CP CP MP CP CP CP CP
* Numéro affecté au Professeur pour d‟étude. ** Direction : CN (Complètement Négative), MN (Modérément Négative), MP (Modérément Positive), CP (Complètement Positive).
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3.
Synthèse et interprétation des résultats
Ensuite, nous passons à la présentation des hypothèses de notre recherche par rapport aux données explorées. Notre but est de valider ou d‟infirmer nos hypothèses, alors que nous aboutissons aux conclusions finales. Mais, outre la confirmation ou non de ces hypothèses, chaque hypothèse s‟accompagne, comme nous l‟avons signalé plus haut, de certaines conclusions secondaires qui complètent nos résultats. Ici, nous devons bien signaler que les éléments significatifs de notre étude ne sont pas des conclusions quantitatives, mais au contraire des conclusions qualitatives. Cecil posé, au début de chaque hypothèse il y aura une présentation des éléments quantitatifs, mais en raison du caractère restreint de notre échantillon, ces conclusions ne sont pas significatives. Elles donnent une image et une direction, mais elle n‟est pas absolument fiable. Pour cette raison nos résultats ne sont pas assortis de proportions (%). Au contraire, notre étude se focalise surtout sur des éléments qualitatifs. Notre intention est de faire émerger tous les éléments détaillés et particuliers de l‟échantillon de notre recherche et leur mise en relation avec les caractéristiques sociologiques que nous avons déterminées initialement. Pour cette raison l‟infirmation ou la confirmation de chaque hypothèse s‟accompagne de conclusions secondaires et détaillées.
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Hypothèse 1 : Les professeurs, en raison de leur stabilité professionnelle et de leur rôle majeur dans le processus éducatif, manifestent par les fêtes nationales scolaires une identité surtout démocratique, tolérante et extravertie. Pour notre recherche, nous avons réalisé 47 entretiens de professeurs de Lettres, puis nous avons intégré leur attitude, concernant les fêtes nationales scolaires comme moyen pour la formation de l‟identité nationale grecque, dans quatre directions, toujours selon notre modèle méthodologique mentionné. Le premier résultat de notre recherche est l‟image quantitative qui apparaît dans le tableau suivant (Tableau I). Ensuite, nous constatons la validité de notre hypothèse ou au contraire son infirmation et enfin nous tirons une série d‟autres conclusions qui procède du traitement des données initiales. Tableau I : L’identité nationale qui manifeste les professeurs par les fêtes nationales scolaires 30 25
COMPLETEMENT NEGATIVE
20
MODEREMENT NEGATIVE
15
MODEREMENT POSITIVE
10
COMPLETEMENT POSITIVE
5 0 1
À la direction Complètement Négative : 1 sur 47 (P28). À la direction Modérément Négative : 20 sur 47 (P2, P3, P4, P5, P14, P17, P19, P22, P23, P25, P27, P30, P32, P33, P40, P42, P43, P44, P46, P47). À la direction Modérément Positive : 24 sur 47 (P1, P6, P7, P8, P9, P10, P11, P12, P15, P16, P18, P20, P21, P24, P26, P29, P31, P34, P35, P36, P37, P38, P39, P45). À la direction Complètement Positive : 2 sur 47 (P13, P41).
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Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Selon notre approche théorique mentionnée ci-dessus, l‟État-nation a pris, pour réussir l‟homogénéité nationale, une série de mesures sociales visant à intégrer les diverses populations qui vivaient sur le territoire national432. Mais en raison de la mondialisation, de l‟immigration et des nouvelles donnes économiques et sociales telle la déconstruction de l‟État providence, on observe une augmentation des phénomènes de discrimination envers les minorités ethniques, religieuses et linguistiques. En Grèce, comme nous l‟avons déjà vu 433, une grande partie de la société grecque considère que la présence des étrangers en Grèce a un impact essentiellement négatif pour la société grecque. En même temps, l‟identité nationale et son contenu constituent des sujets significatifs de notre époque dans une période historique où émergent tous ces nouveaux défis. Mais la stabilité professionnelle des professeurs et leur rôle complexe et « important » dans le processus éducatif a comme résultat que cette partie de la population présente une approche plus ouverte face aux nouveaux problèmes de notre époque et manifeste ainsi une identité nationale démocratique et tolérante. En commençant par cet aspect théorique et prenant en compte les données de notre recherche, nous concluons que l‟hypothèse concernée est en partie avérée mais pas absolument. En partie seulement car, alors qu‟un grand nombre de professeurs manifeste par les fêtes nationales une identité modérément positive selon notre hypothèse (24 sur 47), une proportion presque aussi important (20 sur 47), manifeste une identité modérément négative, ce qui contredit notre hypothèse de départ. Ces deux chiffres montrent que malgré la stabilité, la sécurité du métier de professeur et le rôle considérable qu‟il joue dans le processus éducatif, il ne manifeste pas une identité nationale vraiment tolérante, démocratique et extravertie (2 sur 47) et d‟un autre coté, alors qu‟il y a crise économique, déstabilisation sociale et crise identitaire, les professeurs ne manifestent pas, par les fêtes nationales scolaires, une identité nationale complètement intolérante et introvertie (1 sur 47). La grande majorité des professeurs, soit à cause de leurs convictions idéologiques et personnelles, soit à cause de l‟habitude professionnelle, soit pour des raisons sociales, reproduit un modèle traditionnel des fêtes nationales scolaires sans visée internationaliste et sans extrémisme nationaliste. Ils manifestent par les fêtes mentionnées une identité nationale qui englobe tous les éléments historiques de la doctrine hellénochrétienne à laquelle nous avons fait référence 432 433
Supra, pp. 39-40. Supra, p. 23.
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plus haut, mais d‟une façon modérée. Finalement, ils utilisent les fêtes mentionnées dans un cadre qui ne se différencie guère du cadre général dans lequel fonctionne l‟École publique en Grèce sur les sujets concernant l‟identité nationale et la place de la Grèce dans le monde. Néanmoins, en dehors de la conclusion principale précédente, certaines autres conclusions secondaires présentent également un intérêt scientifique. Comme nous l‟avons nettement signalé dans la partie théorique concernant la méthodologie 434, la vérité sociale est plus complexe et imprévisible que nos hypothèses initiales le prévoyaient. Par conséquent, nous complèterons les conclusions premières et fondamentales de nos hypothèses, par une série d‟autres conclusions aussi remarquables qui prouvent que les attitudes des hommes, et surtout pour des sujets sensibles comme celui de l‟identité nationale, ne sont pas stables et prévisibles car « les individus ne sont pas socialisés dans de grands rôles bien délimités et stables, mais voyagent continuellement à l‟intérieur de grappes de rôles associant des cadres de socialisation à la fois proches et très différents »435. Nous sommes donc amenés à poser que :
Une partie des professeurs disent souvent que leurs convictions véritables
concernant surtout le Soi national-Grec sont autres, mais en raison de la tradition professionnelle et scolaire, ils mettent en avant une image embellie du Soi national-Grec. La même attitude vaut pour la doctrine hellénochrétienne. Alors qu‟une partie des professeurs pensent que les messages qui passent par les fêtes nationales et le système éducatif en général ne respectent pas de très près la vérité historique, ils reproduisent pourtant par les fêtes nationales l‟historiographie officielle romancée car ils ne veulent surtout pas provoquer le public des fêtes (personnages officiels, clergé, camarades, etc.). Le professeur N° 15 comme exemple, nous dit en souriant que : « je pense que finalement nous décrivons un Grec qui finalement il n’est pas comme ça. Nous le décrivons comme il faut être. Idéalisement. Car, je pense que le Grec moderne a beaucoup de défauts, mais durant une fête, soit on omette soit on arrondi ces défauts ». Il s‟agit d‟une attitude classique de formaliste436, c‟est-à-dire de personnes qui restent toujours fidèles, soit par peur, soit par habitude, aux normes et formes habituelles, quotidiennes et qui sont très rigoristes concernant l‟évolution sociale, les ambitions personnelles. À l‟inverse donc, les nouveaux mouvements idéologiques, artistiques et politiques, toutes leurs attentes, sont oblitérées en raison de cette frilosité. Par conséquent, 434
Supra, pp. 175-177. Kaufmann, J.C., L’entretien compréhensif, Paris, Armand Colin, 2004, p. 99. 436 Supra, p. 115. 435
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il y a un décalage entre l‟image vraie qu‟ils ont du Grec, et surtout du Grec actuel et de son histoire, et l‟image qu‟ils présentent durant une fête nationale scolaire. Mais ce décalage ne modifie en rien notre résultat scientifique car finalement ils se montrent très pragmatiques et ils manifestent, par conséquent, une identité conventionnelle indépendamment du fait qu‟ils y croient ou pas.
Bien sûr, ce que nous pouvons noter sans réserve concernant la présentation
du Soi national-Grec et le renforcement ou la contestation de la doctrine hellénochrétienne est qu‟une partie des professeurs de notre recherche, au contraire des professeurs qui reproduisent l‟historiographie officielle, présente-elle le Grec actuel avec défauts – par exemple, P12 : « je pense que nous sommes une peu exagérés. Nous avons fait une société trop consommatrice… et nous réagirons spontanément. Nous ne réfléchirons pas beaucoup… »– et ils intègrent aussi dans les fêtes nationales scolaires, les approches historiques qui contestent l‟idéologique nationale officielle – par exemple, P28 : « Bien sûre. Si ceux approches sont documentées, je les intègre dans les fêtes…les enfants doivent apprendre la vérité historique… je pense que nous ne devons pas vivre dans l’incorrection historique. Il faut bien connaître l’historie vraie, car comme ça nous pouvons avancer mieux » –. Ici, nous avons une attitude de « changement »437, c‟est-à-dire une infraction aux règles et aux habitudes scolaires concernant les fêtes scolaires nationales mais dans certaines limites. Cette attitude du « changement » n‟a rien d‟extrême, en d‟autres termes elle ne peut pas être caractérisée comme attitude radicale et révoltée face aux questions d‟éducation en Grèce. Les deux attitudes qui s‟opposent ci-dessus montrent que dans le groupe des professeurs on trouve deux approches différentes concernant la présentation du Soi national et de la vérité historique : une approche qui s‟en tient à la présentation traditionnelle du Soi national-Grec et des questions historiques et une approche plus critique et neutre scientifiquement. Ici, nous avons pu vérifier nos idées originelles sur le rôle des professeurs (garant de la Loi)438. Une grande partie d‟entre eux adopte une position formaliste439, c‟est-à-dire celle d‟un individu qui reste toujours dans le cadre habituel sans nouvelles propositions et initiatives. Alors que les mêmes personnes, dans des conversations personnelles, expriment une opinion très souvent en contradiction avec leur action dans l‟espace scolaire, à savoir que 437
Supra, p. 116. Supra, p. 69. 439 Supra, p. 115. 438
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durant la réalisation d‟une fête nationale scolaire ils restent toujours dans un cadre figé sans innovation et sans manifester d‟envie changements. La deuxième catégorie des attitudes des professeurs est influencée par son rôle d‟intellectuel440, c‟est-à-dire de celui qui favorise l‟autonomie, la connaissance scientifique et l‟esprit critique, sans manipulations idéologiques.
Certains professeurs pensent que les fêtes nationales scolaires sont simplement
une fête enfantine et par conséquent une série des sujets importants doivent être présentés dans la classe durant le cours et non durant des fêtes mentionnées. Le plus souvent, ces professeurs ne mesurent pas l‟importance idéologique des fêtes nationales scolaires. Ils les envisagent comme une obligation scolaire qui se réalise de manière conventionnelle en ignorant que, en fait, cette manifestation secondaire peut fonctionner comme un mécanisme idéologique souterrain, y compris dans les manuels scolaires et l‟enseignement dans la classe – par exemple, P21 : « je ne pense pas que les fêtes soient le moment opportun pour dire des choses différentes…je parle avec les enfants surtout dans le classe » –. Il s‟agit encore d‟une réaffirmation de l‟attitude du formaliste441, c‟est-à-dire de quelqu‟un qui reproduit un processus scolaire traditionnel, sans innovation ni apport de nouvelles idées.
Beaucoup de professeurs soutiennent qu‟ils ne veulent pas de la falsification
de l‟histoire grecque, tout en acceptant, naïvement, que l‟histoire scolaire soit l‟histoire vraie et objective – par exemple, P19 : « je ne vois pas la raison pour laquelle moi (le Grec) je dois changer mon histoire. Les événements historiques sont tels et je ne changerai pas l’histoire pour être agréable aux autres (il sous-entend tous ceux qui soutiennent l‟écriture d‟une histoire scolaire qui conteste l‟historie enseignée depuis décennies dans le système éducatif grec)… Regarde en face. Les Turcs ne font pas la même. Ils nous provoquent. Pourquoi doisje changer mon histoire ? Pour être aimé aux autres ? »–. Ils ne se demandent pas s‟il est possible que la vérité historique se trouve hors cadre scolaire. Peut-être ignorent-ils, que le pouvoir politique manipule l‟histoire scolaire selon ses préférences idéologiques et finalement façonne l‟identité des élèves en général et l‟identité nationale plus particulièrement. Dans la même logique que notre commentaire précédent, alors que certains professeurs se posaient en faveur de l‟intégration des nouvelles approches historiques, ils ne faisaient pas mention des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle, mais au contraire, de celles qui renforcent cette doctrine. Ils ne pensaient pas qu‟il est
440 441
Supra, p. 70. Supra, p. 115.
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possible qu‟existent des recherches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Pour eux, ce qu‟enseigne l‟École est historiquement juste et vrai. Deux exemples caractéristiques qui concernent nos références précédentes sont ceux de l’école clandestine et des klephtes et des Armatoles. Précisément, alors que les nouvelles recherches historiques contestent le caractère des deux sujets mentionnés, en prouvant en même temps leur manipulation idéologique de la part de l‟historiographie officielle,442 pourtant, une grande proportion de professeurs persiste à présenter traditionnellement les deux « traditions inventées » par les fêtes nationales scolaires. Les deux références ci-dessus témoignent que finalement une grande partie des professeurs des Lettres ignorent que l‟État utilise l‟histoire scolaire avec pour but l‟homogénéité de la population et la formation d‟une identité nationale commune. Ces professeurs ignorent que très souvent ils reproduisent une historiographie officielle qui souvent soit passe sous silence une partie historique qui se dresse contre l‟imaginaire collectif de la nation, soit ajoute certaines événements dits historiques qui sont en fait loin de la vérité historique, soit elle manipule l‟histoire en déformant la vérité historique. 443 C‟est-à-dire, en termes simples et un peu crus, qu‟ne partie de la population scolaire (les professeurs) qui est appelée à construire l‟identité nationale des élèves, ne soupçonne même pas qu‟elle constitue le bras ouvrier d‟une politique officielle étatique qui utilise l‟école et l‟histoire scolaire selon ses préférences idéologiques. C‟est là une attitude dommageable car très souvent, alors que le Ministère de l‟Éducation et des Cultes organise des séminaires concernant le multiculturalisme, la coexistence pacifique dans l‟école, la tolérance religieuse et autres sujets connexes, une partie de la population qui est appelée à réaliser ces programmes, c‟està-dire les professeurs de Lettres, ignore tout de la gravité, de l‟importance idéologique du sujet. Pour cette raison, nous pensons que tous les responsables de ces programmes, doivent réfléchir et repenser l‟organisation et la réalisation des programmes mentionnés. Les références à l‟Europe et au besoin de la formation d‟une identité européenne, simultanément et également ou pas de l‟identité grecque, sont rares – par exemple, P21 : « je pense que nous avons un problème avec nous-mêmes. Nous pouvons être les deux à la fois. Nous pouvons lier les deux sans problème. Nous sommes Grecs avec notre histoire et notre tradition, mais en même temps nous sommes Européens. Nous sommes une partie de l’Europe… nous devons créer un profil plus moderne et plus actuel. « J’aime la Grèce », signifie que je m’intéresse à l’évolution de la Grèce dans le monde actuel…»–. L‟Europe et 442 443
Supra, pp. 159-165. Supra, pp. 40-42.
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les débats internes idéologiques, politiques et institutionnels ne constituent pas pour les professeurs de notre recherche un sujet important qu‟ils doivent aborder durant la réalisation d‟une fête scolaire avec contenu national. Dans le même ordre d‟idées, une partie considérable des professeurs de notre recherche néglige non seulement de faire référence aux affaires européennes, mais également de promouvoir les directions démocratiques et libérales des Lumières néohelléniques qui constituent un paramètre majeur dans les débats idéologiques internes qui ont eu lieu au cours des XVIIIe et XIXe siècle. Ce groupe de professeurs transmet une image glorieuse des événements et des personnes historiques de l‟époque en passant sous silence le caractère démocratique et libéral de la révolution nationale grecque. Les propositions des représentants des Lumières néohelléniques (Koraïs, Rigas) 444 ne sont jamais évoquées et ils sont décrits surtout comme des patriotes qui œuvrent pour la liberté de la Grèce et pour la culture générale des Grecs mais les professeurs en question ne présentent rien ni de leurs positions sur les droits des minorités, ni de leurs visions du futur État grec. Bien sûr, si le caractère démocratique des Lumières néohelléniques est étouffé, cela peut tenir soit à l‟ignorance, soit au manque d‟intérêt, soit à l‟opportunisme des professeurs. Mais, indépendamment des raisons de cet étouffement, l‟absence des Lumières néohelléniques crée un problème concernant l‟attitude d‟une partie de la société grecque envers les étrangers. L‟absence des valeurs de tolérance, de démocratie et d‟égalité est perceptible dans le comportement hostile d‟une partie des Grecs envers les travailleurs immigrés mais aussi dans leurs comportements envers les minorités comme les non-chrétiens orthodoxes, les croyants d‟autres confessions, les homosexuels, les tziganes, les citoyens qui expriment un avis différent sur les affaires nationales et les écrivains qui critiquent et contestent l‟idéologie officielle de « la nation glorieuse »445. Une partie de la société grecque n‟a pas été initiée à l‟acceptation de la différence et par conséquent de l‟étranger. Une partie des Grecs considère que la différenciation des minorités sur les sujets fondamentaux de la vie privée et publique est à rejeter voire même condamnable. Bien qu‟institutionnellement il y ait une protection complète des droits des minorités et le droit de la liberté d‟expression, on constate néanmoins un décalage entre le cadre institutionnel et la mentalité d‟une partie de la société. En résumé, les Lumières néohelléniques et les débats internes idéologiques qui ont eu lieu au cours la révolution pour l‟Indépendance et durant la construction de l‟État grec, sont 444 445
Supra, pp. 143-147. Supra, Introduction.
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des paramètres importants de l‟histoire grecque et ils sont nécessaires dans une fête nationale scolaire. La méconnaissance de ces faits contribue à créer un type de manifestations et de comportements négatifs, hostiles, envers les minorités. La présentation des Lumières néohelléniques et leurs dimensions idéologiques, qui va a l‟encontre de l‟historiographie officielle, pourraient peut-être amener les élèves, citoyens de demain, à avoir une conscience plus démocratique, plus libérale et plus tolérante qu‟actuellement. Finalement, en ce qui concerne de nouveau l‟Europe et les Lumières, elles sont connotées négativement pour une partie des professeurs et de notre société. Actuellement, un certain nombre de Grecs – dont les professeurs de notre recherche – ont peur de la confession chrétienne catholique car la confession catholique est perçue comme un danger pouvant altérer la conscience collective grecque. Les références à la quatrième croisade, au sac de Constantinople par les Occidentaux et à leurs exactions chez les chrétiens de l‟Est ravive-elle de veilles blessures dans l‟imaginaire collectif grec. Très souvent les ennemis de la confession catholique font référence à la phrase du drongaire byzantin Notaras, déjà mentionnée plus haut, « Mieux vaut le turban du sultan dans la Ville (Constantinople) que la mitre latine ». Mais cette catégorie de Grecs et d‟enseignants peut être distinguée des deux autres sous-catégories. La première qui relève de « l‟impérialisme culturel » de l‟Occident et surtout du mode de vie anglo-saxonne et à laquelle appartiennent des hommes de tout phasme idéologique et politique de la société grecque. Et la deuxième qui envisage l‟Occident négativement en raison de la place de la religion dans les sociétés occidentales. Cette souscatégorie envisage négativement l‟Occident car le monde intellectuel occidental a traité et traite la religion comme un système de convictions et d‟attitudes irrationnelles, il a séparé la sphère publique et la sphère privée en plaçant la religion dans la sphère privée et cette séparation entre l‟Église et l‟État est pratiquée depuis un siècle. Par conséquent, pour cette partie de la société grecque et des professeurs, tous les mouvements qui contestent la souveraineté idéologique de l‟Église sur la société grecque sont dangereux et condamnables. Il est évident que dans cette sous-catégorie se trouvent surtout des personnes – parmi lesquels des enseignants – qui ont une relation forte avec l‟Église qui appartiennent idéologiquement et politiquement à la Droite. Très souvent, l‟absence de la culture démocratique des Lumières d‟une partie de la société grecque a comme résultat son « durcissement idéologique ». Une partie de la société grecque ignore que l‟opinion différente par rapport à leur concernant les affaires nationales comme aussi le droit à la différence et à la liberté de dialogue ne signifie ni intérêt personnel, ni mishellènisme (action qui brade les intérêts nationaux). - 267 -
Les défauts des Grecs actuels auxquels font référence les professeurs
concernent surtout le manque de conscience sociale. Ils ne font place nulle part aux attitudes et aux comportements des Grecs actuels envers les immigrants et envers les minorités ethniques, religieuses et linguistiques qui vivent actuellement en Grèce. Dans le même ordre de pensée, une partie des professeurs quand ils font référence au Soi national-Grec, signalent et présentent certains défauts des Grecs durant les fêtes mentionnées. Mais, cette référence est secondaire et superficielle par rapport au narcissisme national stéréotypé qui occupe une place majeure – par exemple, P3 : « Je mets surtout en avant l’aspect responsable de son comportement, sa combativité et son héroïsme…l’image du Grec qui lutte pour la patrie, pour la Liberté traditionnelle, pour la Démocratie traditionnelle, ce qui est notre tradition à partir de l’antiquité…il y a une tradition de la Liberté et de la Démocratie qui fonctionne chez le Grec à tout moment de son histoire et indépendamment de son niveau intellectuel »– . En ce qui concerne les deux attitudes apparentées ci-dessus, il s‟agit d‟une fonction d’ajustement des attitudes446, c‟est-à-dire que l‟individu adopte une attitude qui lui est agréable en attaquant en même temps celles qui lui sont désagréables. Pour les professeurs considérés le narcissisme national, qui exalte les caractéristiques nationales, est plus flatteur que les références concernant les défauts des Grecs actuels et surtout les attitudes discriminatoires envers les étrangers.
Certains professeurs déclinent le Soi national-Grec en deux temps : le Grec de
l‟antiquité et de la période byzantine qui est caractérisé par beaucoup de qualités et le Grec actuel qui est caractérisé par beaucoup de défauts – par exemple, P22 : « on parle de quel Grec ? De celui de l’antiquité ou de l’actuel ?... C’est vrai que l’un est la continuité d’autre, mais il y a aussi quelque différence… je pense que le Grec actuel est plus consommateur, plus individualiste, alors que le Grec de l’Antiquité était plus près à la patrie… »–. Bien sûr, ces professeurs, durant les fêtes nationales scolaires, mettent en avant surtout l‟image du Grec ancien et byzantin en omettant intentionnellement les points négatifs actuels de la société grecque. Pour eux, l‟antiquité grecque et la période byzantine fonctionnent comme un modèle idéal qui est, malheureusement, très loin de la réalité de la Grèce actuelle. Ils sont nostalgiques de gloire passée de leur pays surtout par rapport à la place qu‟occupe actuellement la Grèce dans le monde occidental. Cette « sous-évolution » crée chez eux un sentiment de méfiance et de déception envers leur pays et leur civilisation. Cette distinction montre que cette partie des professeurs et d‟autres classes sociales qui soutiennent la même 446
Supra, p. 119.
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opinion est fière de l‟antiquité grecque (le passé lointain) et non de la réalité actuelle grecque à laquelle ils participent et qu‟ils co-façonnent. Mais, la distinction mentionnée joue un rôle supplémentaire. La mise en avant surtout de l‟Antiquité a réussi à rapprocher la civilisation contemporaine grecque de la civilisation occidentale alors que son ascendance vient de l‟Antiquité classique. Ainsi, les Grecs actuels jouent un rôle primordial dans la naissance et l‟évolution de la civilisation occidentale, qui pourtant est supposée être supérieure. Ce rapprochement n‟est pas gratuit. Dans le passé, cette vision servait les besoins d‟une société « moyenâgeuse » qui revendiquait sa participation dans la construction des Nations de l‟Europe occidentale et actuellement elle permet surtout aux Grecs de justifier le retard culturel et économique de la Grèce par rapport à l‟Occident. Une partie des Grecs a le sentissent que la civilisation contemporaine grecque peine à se développer par rapport à la civilisation occidentale et elle fait appel à l‟Antiquité classique, dont elle se pose en héritiers, pour s‟intégrer plus facilement. À chaque fois que se manifeste le retard culturel, économique et technologique de la Grèce moderne par rapport aux pays occidentaux, une partie de la société grecque recourt à l‟Antiquité. Le premier argument des ces Grecs c‟est que « la Grèce ancienne se trouve être à la base de la civilisation occidentale et le second en découle : les Grecs avaient développé une civilisation exceptionnelle bien avant que la civilisation occidentale ne prenne son essor ». Ces arguments revendiquent la participation égale de la société grecque dans la construction de la civilisation européenne. Cette contribution n‟est pas le fruit de la mentalité, de la culture et de l‟activité de la société moderne grecque ; elle vient surtout de la parenté culturelle avec l‟Antiquité. En somme, les Grecs et les Européens sont égaux à cause des faits passés et non pas au niveau des événements récents. L‟antiquité grecque n‟est pas pour la société grecque un moteur de création mais permet une certaine dérobade puisqu‟elle est utilisée notamment pour justifier un relatif retard économique, social et culturel. Cette attitude des professeurs mentionnés en face de l‟antiquité grecque s‟intègre dans un mouvement qui est montré durant surtout le XXe siècle. Ce mouvement voit avec nostalgie le passé et avec peur et espoir le futur à cause de l‟évolution scientifique et technologique. Bien que certains chercheurs essaient de fonder de nouvelles relations entre le passé et le présent, la domination du passé n‟en reste pas moins considérable. Karl Marx dénonce le poids du passé qui est limité à l‟exaltation des « grandes mémoires » et qui finalement paralyse les peuples comme par exemple les Français. Cette adoration du passé a favorisé aussi durant la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle l‟émergence idéologique de mouvements qui vont aboutir au nazisme et au fascisme en Europe. Enfin, l‟adoration du - 269 -
passé constitue une forme du conservatisme social qui caractérise surtout les groupes sociaux qui se trouvent en décadence. Il s‟agit d‟une attitude d‟une classe sociale ou d‟un groupe social qui ne peut reproduire son capital global et sa position dans la société actuelle et pour cette raison se retourne vers le passé. 447 Actuellement aussi, certains Grecs pensent que les Européens minimisent voir même ne reconnaissent pas la contribution de la Grèce antique, et donc par ricochet celle de la Grèce actuelle dans la construction de leur civilisation. À cause de cette parenté, cette partie des Grecs pense que les occidentaux devraient être redevables à la Grèce et être à l‟écoute des questions nationales qui se posent actuellement en Grèce.
Enfin, une explication du fait qu‟une grande proportion des professeurs se
trouve soit dans la direction modérément positive, soit dans la direction négative, mais en tous cas pas dans la direction complètement négative, tient à ce que les professeurs de l‟École publique ne se trouvent pas en danger à cause des étrangers car ceux-ci ne les concurrencent pas dans leur métier. Les professeurs de notre recherche sont fonctionnaires et par conséquent il n‟y a pas un danger direct concernant leur niveau de vie à cause des étrangers. Bien sûr, ils participent au grand débat sur le phénomène de l‟immigration, mais celle-ci ne constitue pas de danger direct pour eux. Et peut-être, à un niveau secondaire, la présence des étrangers estelle positive pour eux car les étrangers constituent une main-d‟œuvre pas chère et à laquelle ils peuvent éventuellement recourir pour trouver facilement et à moindre prix femmes de ménage, techniciens, plombiers etc. Ce qui est remarquable est que durant la réalisation des entretiens il n‟y a eu aucune référence concernant l‟insécurité quant au marché du travail : Alors que dans les autres catégories sociales « le chômage à cause de la présence des étrangers » est un sujet majeur 448, pour la population de notre recherche n‟existe pas la peur du chômage et encore moins la peur de chômage à cause des étrangers. Cette réaction des professeurs de notre recherche se trouve en cohérence avec la partie théorique qui lie les stéréotypes nationaux avec les relations économiques. Précisément, en Californie au début de l‟immigration des Chinois (1850), l‟attitude de la Presse de l‟époque était positive. Les Chinois étaient présentés comme travailleurs, sérieux, responsables, pourvus de toutes les qualités. Ensuite et à cause de la compétition qui est apparue sur le marché du travail entre les Chinois et les populations blanches, les Chinois ont été présentés comme sales, désobéissants, dangereux. Par conséquent, les stéréotypes nationaux trouvent leurs racines dans une
447 448
Le Goff, Histoire et Mémoire…, op. cit., pp. 52-53. Supra, p. 23.
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situation précise qui existe en un temps donné. 449 En ce qui concerne notre recherche, au moment où elle a été menée, les professeurs n‟éprouvaient aucune pression directe au niveau économique pas plus qu‟au niveau du marché du fait de la présence des étrangers et par conséquent ils n‟avaient aucune raison d‟être complètement négatifs envers eux. Ici, il faut bien signaler, en ce qui concerne les deux approches totalement différentes (internationaliste et nationaliste) sur l‟utilisation des fêtes nationales scolaires, 450 que ces deux approches constituent une petite minorité par rapport à l‟ensemble des professeurs de notre recherche. Pourtant ce sont elles que l‟actualité grecque médiatise le plus car elles présentent un intérêt télévisuel, parce que les représentants de ces deux points de vue différents soutiennent avec passion leur opinion ce qui assure une grande audience. Les autres deux approches (modérément négative et modérément positive), bien que partagées à notre avis, par la majorité de la société, ne sont pas très présentées car elles ne font pas monter l‟audimat. Après cette constatation générale qui concerne tous les professeurs, nous allons passer aux hypothèses suivantes qui concernent des caractéristiques particulières des professeurs. Notre intention est de rechercher et de repérer les différences et les particularités qui existent dans le corps social des professeurs en utilisant les caractéristiques sociologiques que nous avons déjà mentionnées.
449 450
Maisonneuve, Introduction…, op. cit., p . 229. Supra, pp. 249-253.
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Hypothèse 2 : Il y a des différences entre les professeurs qui se placent eux-mêmes différemment sur l‟axe politique en ce qui concerne le contenu de l‟identité nationale telle qu‟ils la conçoivent. Dans ces 47 entretiens de professeurs, nous avons classé les professeurs de notre échantillon en cinq catégories : les professeurs qui déclarent qu‟ils appartiennent à la Droite, ceux se disent de Centre-droit, ceux du Centre, ceux du Centre-gauche et enfin ceux de Gauche. Avec cette répartition, nous pouvons voir le rôle que jouent les convictions politiques des professeurs de notre échantillon par rapport à leur position concernant les fêtes nationales à l‟école. Dans notre échantillon nous n‟avons trouvé aucun professeur qui ait annoncé qu‟il appartient idéologiquement ou politiquement à l‟Extrême droite ou à l‟Extrême gauche. Par conséquent, il n‟y avait pas lieu d‟ajouter ces deux catégories à la liste ci-dessus, qui sert à notre étude. Selon le traitement des données nous avons abouti à une première analyse quantitative (Tableau II) et ensuite nous continuons avec l‟affirmation ou l‟infirmation de notre hypothèse et un traitement plus détaillé de nos données. Tableau II : La catégorisation des professeurs par rapport à leur choix politique
10 9 COMPLETEMENT NEGATIVE
8 7
MODEREMENT NEGATIVE
6 5
MODEREMENT POSITIVE
4 3
COMPLETEMENT POSITIVE
2 1 0 GAUCHE CENTRE CENTRE CENTRE DROITE GAUCHE DROITE
À la catégorie « Gauche » : 4 sur 5 Modérément Positive (P10, P15, P16, P35) et 1 sur 5 Complètement Positive (P13). À la catégorie « Centre-gauche » : 5 sur 14 Modérément Négative (P2, P3, P5, P30, P47), 8 sur 14 Modérément Positive (P1, P7, P8, P11, P20, P31, P38, P45) et 1 sur 14 Complètement Positive (P41). - 272 -
À la catégorie « Centre » : 9 sur 16 Modérément Négative (P4, P14, P17, P22, P23, P25, P27, P40, P43) et 7 sur 16 Modérément Positive (P6, P18, P21, P24, P26, P34, P37). À la catégorie « Centre-droite » : 1 sur 10 Complètement Négative (P28), 4 sur 10 Modérément Négative (P32, P33, P42, P44) et 5 sur 10 Modérément Positive (P9, P12, P29, P36, P39). À la catégorie « Droite » : 2 sur 2 Modérément Négative (P19, P46). Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Comme nous l‟avons vu plus haut, la Gauche en utilisant le « nous », manifeste une identité plus collective et participante par rapport à la Droite qui en utilisant le « je » et le « on » manifeste une identité plus individualiste et apolitique. 451 En Grèce, l‟axe politique traditionnel sur lequel se déterminent les citoyens est celui de Gauche - Droite. La grande majorité des Grecs se déclare soit comme hommes de la Gauche, soit comme hommes de Centre, soit comme hommes de la Droite. En même temps, en Grèce selon la recherche du journal Kathimerini452 et malgré les particularités historiques de la vie politique grecque 453, les Grecs qui se déclarent comme hommes de Gauche sont plus modérés que ceux des Grecs qui se déclarent comme hommes de Droite pour toute une série de questions concernant notre recherche (relation entre l‟Église et l‟État, le Cours de religion dans l‟École publique). En combinant les deux conclusions ci-dessus, notre intention est d‟étudier la relation entre les choix politiques des professeurs et le contenu de l‟identité nationale qu‟ils manifestent chez les élèves par les fêtes nationales scolaires. Prenant en compte la théorie ci-dessus et les particularités de la vie politique grecque, notre hypothèse initiale qui soutient que les professeurs qui appartiennent à la Gauche manifestent une identité nationale plus extravertie et démocratique par rapport aux professeurs qui appartiennent à la Droite s‟affirme beaucoup. Plus précisément, bien qu‟une proportion importante des professeurs se déclare comme hommes de Centre, la grande proportion des professeurs qui appartient aux groupes politiques apparentés à la Gauche (Gauche, Centre-gauche) manifeste une identité nationale surtout modérément positive (2 sur 19 complètement positive, 12 sur 19 modérément positive et seulement 5 sur 19 modérément négative). Au contraire, la grande proportion des professeurs qui appartient aux groupes politiques apparentés à la Droite (Droite, Centre-droite) manifeste une identité nationale 451
Supra, p. 214. Supra, p. 217. 453 Supra, p. 218. 452
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surtout modérément négative (1 sur 12 complètement négative, 6 sur 12 modérément négative et seulement 5 sur 12 modérément positive). En ce qui concerne les professeurs qui se déclarent comme hommes de Centre, ils sont partagés entre les catégories modérément négative (9 sur 16) et modérément positive (7 sur 16). Ce résultat est conforme à notre hypothèse car il prouve que les hommes de Centre se trouvent vraiment entre les deux grandes familles politiques (Gauche - Droite) et par conséquent leurs attitudes sont partagées entre les deux. Selon les résultats référées plus haut, nous avons une vérification de la recherche mentionnée qui concerne la vie politique grecque454 la grande majorité des professeurs malgré les préférences politiques, manifeste une identité soit modérément positive, soit modérément négative. Ce résultat se trouve en cohérence avec la recherche du journal Kathimerini qui nous montre que la grande majorité des Grecs converge vers le Centre.455 Parallèlement à la confirmation - vérification de notre hypothèse initiale on en arrive à certaines conclusions intéressantes. Comme nous y avons déjà fait référence la vérité sociale et politique est plus complexe que nos hypothèses de départ le posaient et par conséquent, nous sommes amenés à poser d‟autres conclusions aussi remarquables :
Au début, il faut procéder à une élucidation - explication concernant
l‟autodéclaration politique des professeurs. Chacun se déclare comme il pense et par conséquent l‟autodéclaration politique comprend un élément subjectif. 456 Cette subjectivité créée des problèmes, heureusement peu nombreux. Deux exemples caractéristiques de la subjectivité sont constitués par le cas des professeurs N° 28 et N° 46. Alors que le discours du professeur N° 28 s‟intègre à la direction complètement négative, il se déclare comme homme de Centre-droit. Au contraire, alors que le discours du professeur N° 46 s‟intègre à la direction modérément négative, il se déclare comme homme de Droite. Mais ces deux cas mentionnés sont les seuls. Notre approche théorique initiale qui soutient que la Gauche manifeste une identité nationale plus extravertie et la Droite une identité nationale plus intravertie se vérifie.
Seulement un petit nombre des professeurs se déclare comme homme de
Droite (2 sur 47), alors que le chiffre concernant la Gauche, bien qu‟il ne soit pas important, est à l‟évidence plus grand (5 sur 47). Toutefois, la grande majorité des professeurs se déclare 454
Supra, p. 215. Supra, p. 217. 456 Supra, pp. 220-221. 455
- 274 -
dans le cadre des trois groupes politiques apparentés Centre-gauche, Centre, Centre-droite. Cet élément prouve que les professeurs ne font pas de choix politiques tranchés, mais au contraire ils préfèrent des positions politiques plus complexes et centristes qui englobent des éléments tant de la Gauche que de la Droite. Cette autodétermination constitue une nouvelle vérification de la recherche du journal Kathimerini qui montre que la majorité des Grecs se déclare comme centristes457. C‟est-à-dire entre la tension politique vers le Centre qui existe dans la population globale de la Grèce et la population des professeurs des Lettres il y a cohérence. Cette cohérence est finalement la raison pour laquelle la grande majorité des professeurs n‟adopte pas une attitude innovatrice et inhabituelle concernant les fêtes nationales scolaires, mais qu‟elle reste dans un cadre modéré avec des différenciations limitées.
Les professeurs qui se déclarent comme hommes de Droite manifestent
exclusivement une identité modérément négative, alors la grande majorité des professeurs qui se déclarent comme homme Gauches manifeste une identité modérément positive. Cela montre que, entre les deux familles politiques (Gauche - Droite) existe une différence claire concernant le contenu de l‟identité nationale qu‟elles manifestent par les fêtes mentionnées. Il s‟agit d‟une confirmation du bien fondé des conclusions de Kathimerini qui montre que finalement les homme de la Gauche sont plus progressistes aux sujets de la séparation de l‟Église à l‟État et de l‟enseignement du Cours de religion, selon toujours notre modèle méthodologique.
Entre les professeurs qui se déclarent comme homme de Centre-gauche,
hommes de Centre et hommes de Centre-droit, il y a une convergence. Cette convergence témoigne de ce que, entre les personnes qui soutiennent qu‟ils appartiennent aux trois familles politiques, il n‟y a pas grande différence concernant l‟utilisation des fêtes nationales scolaires comme utile de formation de l‟identité nationale grecque. Ils manifestent, à peu près, la même identité nationale par les fêtes nationales scolaires. Ici, nous avons encore une confirmation de la recherche mentionnée ci-dessus458, alors que les deux catégories du Centre-gauche et du Centre-droit convergent, elles, vers le Centre.
Alors qu‟on pourrait légitimement supposer des professeurs qui se disent du
Centre qu‟ils soient plus proches des convictions et pratiques de la Gauche, au contraire, ils se trouvent plus proches des convictions et pratiques de la Droite. La majorité manifeste une identité nationale modérément négative (9 sur 16) par rapport à la minorité qui manifeste une 457 458
Supra, p. 217. Supra, p. 217.
- 275 -
identité nationale modérément positive (7 sur 16). Ici nous avons une nouvelle validation des informations de Kathimerini459 et du Centre National pour la Recherche Sociale d‟Athènes (EKKE) 460 qui font référence au virage conservateur de la société grecque.
Les professeurs qui se déclarent comme hommes de Gauche appartiennent
exclusivement (5 sur 5) à la catégorie « génération de l‟École polytechnique », alors que les professeurs qui se déclarent comme hommes de Centre-gauche appartiennent dans leur majorité (9 sur 14) à la plus jeune génération (mois de 45 ans). Par conséquent, les professeurs qui appartiennent à la famille politique large de la Gauche (Gauche, Centregauche) les plus âgés sont plus rigides quant à leurs convictions politiques alors que les plus jeunes sont plus mesurés et conciliants. Cette distinction se trouve en relation avec la période politique dans laquelle se sont engagées en politique les deux générations ce qui confirme ainsi notre théorie première. La génération la plus âgée a grandi politiquement dans une période où les débats internes idéologiques et politiques étaient plus forts et intenses que dans la période où s‟est engagée en politique la génération des jeunes professeurs, une période stable politiquement et avec un régime démocratique, le meilleur de l‟histoire politique grecque récente461.
À l‟inverse, en ce qui concerne les professeurs qui appartiennent à la famille
politique large de la Droite (Droite, Centre-droite), les deux générations sont partagées également. À Droite et au Centre-droit on trouve à parts égales tant les professeurs plus âgés que les plus jeunes. Ici, nous avons encore une fois confirmation de notre théorie qui montre que les citoyens qui appartiennent à la famille politique de la Droite est moins consciente de son identité politique que les citoyens qui appartiennent à la famille politique de la Gauche 462. Selon les deux résultats ci-dessus, la collectivité (le « nous ») des hommes de la Gauche apparaît clairement de même que l‟individualité (le « on ») des hommes de la Droite.
459
Supra, p. 23. Supra, pp. 20-21. 461 Supra, 217. 462 Supra, 214. 460
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Hypothèse 3 : Les professeurs qui relèvent d‟une culture associative - participative manifestent une identité nationale grecque plus démocratique, extravertie et tolérante que ceux qui n‟en relèvent pas. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de la direction que donne chaque professeur à l‟identité nationale néohellénique des élèves par les fêtes nationales, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre ci-dessus, nous classons les 47 professeurs de notre échantillon en deux catégories : les 21 professeurs membres de certaines associations, de syndicats, de partis politiques et de collectivités locales (professeurs avec culture associative - participative) et ceux qui n‟ont pas ce type d‟activités (26 professeurs sans culture associative - participative). Initialement, nous présentons une image quantitative des données explorées (Tableau III) et ensuite nous passons à l‟affirmation ou l‟infirmation de notre hypothèse et aux conclusions détaillées. Tableau III : La catégorisation des professeurs par rapport à leur culture associative - participative 16
COMPLETEMENT NEGATIVE
14 12
MODEREMENT NEGATIVE
10 8 6
MODEREMENT POSITIVE
4 2
COMPLETEMENT POSITIVE
0 1 CULTURE PARTICIPATIVE
2 SANS CULTULE PARTICIPATIVE
À la catégorie culture associative - participative : 10 sur 21 (P17, P22, P23, P30, P32, P33, P42, P44, P46, P47) Modérément Négative, 10 sur 21 (P7, P11, P15, P16, 24, P31, P34, P35, P36, P39) Modérément Positive et 1 sur 21 (P13) Complètement Positive.
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À la catégorie sans culture associative - participative : 1 sur 26 (P28) Complètement Négative, 10 sur 26 (P2, P3, P4, P5, P14, P19, P25, P27, P40, P43) Modérément Négative, 14 sur 26 (P1, P6, P8, P9, P10, P12, P18, P20, P21, P26, P29, P37, P38, P45) Modérément Positive et 1 sur 26 (P41) Complètement Positive. Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons que la participation à une association ou à un syndicat témoigne que leurs membres acceptent de considérer que l‟intérêt commun - collectif prime l‟intérêt individuel ou, à tout le moins, qu‟il y a équilibre entre les deux. Mais, nous n‟oublions pas que la culture associative - participative d‟un individu est influencée par les débats internes idéologiques qui se produisent-ils dans la vie quotidienne d‟une société et les mouvements idéologiques qui dominent dans la sphère politique, économique et sociale. Un autre point remarquable également est la relation bijective qui existe entre la culture associative participative de l‟individu et le caractère de l‟association dont il fait partie. 463 Selon notre approche théorique, une première conclusion fondamentale est que, alors que dans notre hypothèse initiale les professeurs qui appartiennent à la catégorie « avec une culture associative - participative » manifestent chez les élèves, par les fêtes nationales scolaires, une identité nationale plus extravertie, démocratique et tolérante par rapport aux professeurs qui appartiennent à la catégorie « sans culture associative - participative », cette hypothèse ne se confirme pas dans l‟échantillon de notre étude. La grande majorité des professeurs, indépendamment de leur appartenance à la catégorie « avec culture associative participative » ou « sans culture associative - participative », tentent de manifester une identité nationale soit modérément positive, soit modérément négative. Mais, malgré notre première conclusion qui infirme notre hypothèse initiale, une deuxième lecture plus attentive nous a aidés à relever certains points intéressants et à aboutir à certaines conclusions tout aussi intéressantes. Les voici :
Une conclusion de notre recherche tient à ce que la majorité des professeurs à
culture associative - participative soit surtout impliquée dans les associations culturelles (groupes de théâtre, chorales, associations des lettres et des Beaux-arts) (9 sur 21 - P11, P13, P15, P16, P31, P34, P35, P36, P44). Une explication probable de cette particularité concerne la nature du métier. L‟objet de leurs études et de leur enseignement (Lettres et Littérature) est
463
Supra, p. 222.
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plus proche des thématiques culturelles que des sujets sociaux et politiques. Notre référence explique la raison avec laquelle la grandes majorité des professeurs avec culture associative participative manifeste une identité soit modérément positive, soit modérément négative. Comme nous l‟avons signalé plus haut dans la partie théorique de notre recherche 464, le caractère de l‟association à laquelle participe l‟individu détermine considérablement tant sa culture que son attitude face aux enjeux socioculturels de son époque. Probablement, la participation des professeurs aux associations « contre le racisme », « contre la pauvreté », « contre les discriminations » et aux autres relatives, radicalisera-t-elle leur attitude concernant les fêtes nationales scolaires et l‟identité nationale qui se manifeste par leur intermédiaire.
Une deuxième conclusion est que l‟Église joue un rôle principal dans la vie
associative des professeurs. Une proportion importante des professeurs a une activité bénévole par le biais des organisations de l‟Église (7 sur 21 - P17, P22, P23, P24, P30, P33, P47). Ils sont impliqués dans les activités pastorales de l‟Église (aide pour les pauvres, les enfants orphelins). La grande majorité des professeurs qui participent aux associations bénévoles de l‟Église manifeste une identité surtout modérément négative influencée par la doctrine hellénochrétienne qui identifiée le Grec et le Chrétien (6 sur 7 - P17, P22, P23, P30, P33, P47) – par exemple, P17 : « nous sommes un peuple avec une grande histoire. Regarde, malgré les problèmes, nous avançons dans l’histoire… tout cela constitue une partie de notre histoire. La liberté, combien de combats pour la liberté, combien de combats pour la démocratie…c’est ici qu’est née la démocratie. Et l’Orthodoxie. Bien sûr l’Orthodoxie. Elle constitue une partie de notre histoire et de notre culture. Elle est identifiée à notre histoire…»–, alors que seule une très petite partie, bien qu‟influencée par la doctrine hellénochrétienne aussi, donne à la religion une direction plus humaniste et universelle (1 sur 7 - P24). Ici, nous avons une confirmation supplémentaire de notre théorie concernant la relation entre la religion et le nationalisme. 465 Plus précisément, tant une partie des professeurs de notre recherche qu‟une partie de la société grecque, identifient l‟Orthodoxie à l‟Hellénisme. Mais cette identification a comme résultat que l‟Orthodoxie n‟apparaît pas comme une structure religieuse qui s‟adresse aux croyants et à l‟Homme mais exclusivement comme un vecteur de continuité de « la conscience nationale grecque ». La spiritualité de 464 465
Supra, p. 222. Supra, pp. 104-112.
- 279 -
l‟Orthodoxie n‟est pas évoquée, ni sa parole apaisante ni son contenu moral à travers les siècles, en raison notamment du besoin de prouver la liaison entre l‟Orthodoxie et la révolution nationale. La confession orthodoxe perd sa propre valeur spirituelle ; elle est réduite à un moyen ayant permis la continuité de la nation grecque. En même temps, cette approche ignore ou passe en silence le fait que l‟Église orthodoxe de Grèce a été fondée par l‟État grec et qu‟elle constitue, par conséquent, une institution étatique. Le décret-loi en 23/74/8 1833 reconnaît symboliquement le Roi comme le chef politique de l‟Église. Par conséquent, l‟Église orthodoxe de Grèce a adopté toutes les visions de l‟État grec mais en même temps elle fût attachée à ses politiques et idéologies réactionnaires, comme en témoignent son attitude durant la querelle intestine entre le roi et E. Venizélos ou son attitude à l‟égard de la dictature de Ioannis Metaxás (1936-1941) et de Georgios Papadopoulos (19671974). L‟Église Orthodoxe de Grèce, en tant qu‟institution et création ultérieure à la révolution nationale, n‟a pas pu apporter ni sa contribution à cette entreprise ni à la continuité historique du genre hellénique ; elle n‟a pas non plus de responsabilités dans les actions et les négligences du Patriarcat. Alors que les partisans du couplage entre l‟Orthodoxie et l‟Hellénisme déclarent que « la première constitution (3e septembre 1843) reconnaît comme religion d‟État la confession orthodoxe chrétienne », pourtant ils ne précisent pas que dans le même article (art.1) il est fait référence à « toutes les autres confessions reconnues (qui) sont acceptables et leur culte est fait sans encombre et se trouvent sous la protection des lois », ainsi qu‟aux traités et protocoles qui protègent institutionnellement les minorités religieuses.466 Et enfin, on pourra se demander si l‟Hellénisme trouvera à l‟avenir d‟autres façons et moyens pour faire la preuve de sa continuité, l‟orthodoxie arrêtera-t-elle d‟être nécessaire à notre société ? Ici, nous avons une nouvelle manifestation de la méconnaissance des professeurs sur certains sujets. Une partie des professeurs considère comme allant de soi l‟identification des deux notions mentionnées (Religion / Nation, Grec / Orthodoxe) et ils ne savent pas que cette identification est problématique car elle engendre une série de confusions conceptuelles au niveau juridique de même que des problèmes pratiques au niveau de la vie quotidienne des individus.
Une autre conclusion qui concerne l‟Église est que la grande majorité des
professeurs qui a une activité dans les associations de l‟Église est des femmes (6 sur 7). Cette proportion témoigne que la grande proportion des professeurs qui a une activité bénévole
466
Supra, p. 143.
- 280 -
dans les associations de l‟Église est des femmes, alors que les hommes ne sont pas impliqués dans les associations de l‟Église.
Les deux premières conclusions montrent que les autres associations
bénévoles (écologistes, contre le cancer, contre le racisme, pour les immigrants) ne sont pas encore très développées en Grèce ou que les professeurs ne s‟intéressent pas, à un degré significatif, aux autres activités mentionnées à caractère bénévole.
Une autre conclusion est que la grande majorité des professeurs avec une
activité associative - participative se trouve dans les Centres urbains (17 sur 21 - P11, P15, P16, P17, P22, P23, P24, P30, P31, P32, P33, P34, P35, P36, P39, P42, P46). Cela signifie qu‟en province et surtout dans les villages de Grèce soit il n‟y a pas de culture associative participative développée, soit les associations qui sont actives dans certains domaines, agissent tout particulièrement dans les Centres urbains sans s‟étendre sur la province.
Une des raisons de la faible proportion des professeurs qui ont une activité
dans la sphère politique et syndicaliste est que selon la tradition politique grecque les hommes sont actifs surtout dans le domaine politique au niveau des institutions décentralisées et autogérées, alors que les femmes participent surtout aux activités de certaines associations culturelles et, dans une proportion assez significative, sont inscrites dans des associations bénévoles (associations liées à l‟église). Cette différence entre les activités participatives des hommes et celles des femmes n‟est pas anodine pour la population de notre recherche. Alors que les hommes sont une petite minorité des professeurs des Lettres, cela signifie que la proportion des professeurs qui mène une activité liée à la politique, dans le sens large du mot, est très faible (2 sur 21 - P7, P46).
- 281 -
Hypothèse 4 : « La génération de l‟insurrection de l‟École Polytechnique » manifeste, par les fêtes nationales, une identité nationale plus démocratique et extravertie par rapport à celle de la génération suivante. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de la direction que donne chaque professeur à l‟identité nationale néohellénique des élèves par les fêtes nationales, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre ci-dessus, nous classons les professeurs de notre échantillon en deux catégories : les professeurs qui ont moins de 45 ans (24 professeurs de la génération jeune) et ceux qui ont plus de 45 ans (23 professeurs de la génération de l‟École polytechnique). Au début, comme nous l‟avons signalé pour les autres hypothèses de notre recherche, nous réalisons une présentation des données quantitatives et ensuite nous vérifions ou non la pertinence de notre hypothèse pour arriver enfin à des conclusions détaillées. Tableau X : La catégorisation des professeurs par rapport à leur génération 30 24
25
23
23
COMPLETEMENT NEGATIVE
20 15
MODEREMENT NEGATIVE
12
MODEREMENT POSITIVE
10 5
1
1
0
0 MOINS DE 45 ANS
1
COMPLETEMENT POSITIVE
PLUS DE 45 ANS
À la catégorie moins de 45 ans : 1 sur 24 Complètement Négative, 12 sur 24 Modérément Négative, 10 sur 24 Modérément Positive et 1 sur 24 Complètement Positive. À la catégorie plus de 45 ans : 8 sur 23 Modérément Négative, 14 sur 23 Modérément Positive et 1 sur 23 Complètement Positive. Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons, comme nous l‟avons présenté en détail plus haut, que la mention de la génération d‟appartenance peut constituer un élément utile nécessaire pour la compréhension des phénomènes sociaux car elle peut fonctionner comme un paramètre
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unificateur, bien que la classe sociale joue un rôle principal. Très souvent certains évènements importants (guerre, révolution, catastrophe physique, crise sociale) influencent de façon considérable les hommes qui sont témoins, acteurs et participants. Selon cette approche théorique, une première conclusion fondamentale est que, alors que dans notre hypothèse initiale les professeurs qui appartiennent à la catégorie plus de 45 ans manifestent chez les élèves, par les fêtes nationales scolaires, une identité nationale différente par rapport aux professeurs qui appartiennent à la catégorie moins de 45 ans, cette hypothèse s‟avère juste en bien des points dans l‟échantillon de notre étude. Plus précisément, la majorité des professeurs qui appartiennent à la « génération de l‟École polytechnique » manifeste une identité surtout modérément positive (15 sur 23 - P7, P10, P13, P15, P16, P18, P20, P21, P24, P31, P34, P35, P36, P38, P39), alors que la majorité des professeurs qui appartient à la génération moins de 45 ans manifeste une identité nationale surtout modérément négative (13 sur 24 - P3, P4, P5, P22, P25, P27, P28, P30, P40, P42, P43, P46, P47). La conclusion ci-dessus témoigne que finalement la génération des professeurs qui a grandi dans une période politique autoritaire, mais avec débats internes idéologiques et politiques intenses, manifeste une identité plus démocratique, extravertie et tolérante que la génération suivante qui a grandi dans une période politiquement stable et économiquement prospère. Mais, malgré notre première conclusion qui confirme notre hypothèse initiale, une deuxième lecture plus attentive nous a aidés à relever certains points intéressants et à aboutir à certaines conclusions tout aussi intéressantes. Les voici :
Bien que la grande partie des professeurs qui ont plus de 45 ans manifeste une
identité modérément positive, la grande majorité d‟entre eux sont positifs concernant l‟existence des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire (12 sur 15 - P7, P10, P15, P18, P20, P21, P24, P31, P35, P36, P38, P39). Bien sûr, ils donnent à ces manifestations un caractère modéré, sans extrémisme dogmatique et dans le respect des enfants des autres confessions religieuses. Cette approche concernant les manifestations religieuses par rapport à la génération plus âgée prouve que les rites et les fêtes religieuses en Grèce ont un caractère surtout anthropologique, c‟est-à-dire, ce ne sont non seulement et exclusivement des manifestations religieuses mais essentiellement des manifestations culturelles qui ont été intégrées dans la vie quotidienne et culturelle de la société grecque. Cette intégration culturelle est marquée surtout chez les gens les plus âgés que chez les plus jeunes. Il est - 283 -
probable que la génération la plus jeune de notre recherche, à cause des nouvelles conditions qui règnent dans la société grecque (évolution économique, langues étrangères, Internet, débats sur le rôle de l‟Église tant au niveau spirituel qu‟au niveau social) par rapport au passé, elle est plus influencée et réfléchie sur la question l‟Église que la génération précédente. Ici, nous avons une similitude entre la situation en Grèce et la situation en France. Comme nous avons déjà vu 467 la génération la plus âgée est plus pratiquante en France que la jeune génération. Pour la génération la plus âgée les fêtes nationales scolaires probablement, comme les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire, ont un caractère surtout anthropologique, c‟est-à-dire que ce ne sont pas seulement et exclusivement des manifestations scolaires mais essentiellement des manifestations rituelles et culturelles qui ont été intégrées dans la vie quotidienne et culturelle de la société grecque et de la vie scolaire. Tous les dimanches, les croyants se rencontrent et ainsi le rite prend un caractère de « rencontre sociale » qui s‟intègre dans l‟identité collective culturelle des Grecs. Pour cette raison, le rituel de l‟Église orthodoxe constitue un élément majeur de l‟identité culturelle commune des Grecs, qu‟ils soient pratiquants ou non.468
Les approches les plus extrêmes concernant la suppression des fêtes nationales
scolaires, la construction d‟une identité nationale complètement positive ou négative et en général les attitudes les moins habituelles se retrouvent surtout chez des professeurs qui ont moins de 45 ans. Cela montre que la nouvelle génération est plus ouverte aux innovations que la génération précédente concernant le processus éducatif et les questions touchant à l‟école comme porteur de l‟idéologie nationale.
467
Surpa, p. 230-231. Manitakis, A., Οη ζρέζεηο ηεο Δθθιεζίαο κε ην Κξάηνο- έζλνο (Les relations de l’Église avec l’État-nation), Athènes, Nefeli, 2000, pp. 69-70. 468
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Hypothèse 5 : Les professeurs qui viennent en contact quotidiennement avec les élèves étrangers ou qui ont résidé à l‟étranger, manifestent une identité nationale, par les fêtes nationales, différente de celle des professeurs qui sont rarement en contact avec élèves étrangers ou qui n‟ont pas résidé à l‟étranger. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de la direction que donne chaque professeur à l‟identité nationale néohellénique des élèves par les fêtes nationales, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre ci-dessus, nous classons les professeurs de notre échantillon en deux catégories : les professeurs qui viennent en contact quotidien avec les élèves étrangers (15 professeurs) et ceux qui sont rarement en contact avec eux (32 professeurs). Le premier résultat de notre recherche est le tableau suivant (Tableau V) qui donne une image quantitative selon la caractéristique choisie de notre hypothèse et ensuite nous présentons l‟affirmation ou pas de notre hypothèse et des résultats secondaires. Tableau V : La catégorisation des professeurs par rapport à leur contact quotidien ou rare avec les élèves étrangers 18 16
COMPLETEMENT NEGATIVE
14 12
MODEREMENT NEGATIVE
10 8
MODEREMENT POSITIVE
6
COMPLETEMENT POSITIVE
4 2 0 CONTACT RARE CONTACT QUOTIDIEN
À la catégorie contact rare : 1 sur 32 CN, 16 sur 32 MN, 13 sur 32 MP et 2 sur 32 CP. À la catégorie contact quotidien : 4 sur 15 MN et 11 sur 15 MP. Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons, comme nous l‟avons présenté en détail dans la partie théorique, que très souvent notre attitude hostile ou amicale envers un homme ou un groupe social,
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religieux, linguistique, ethnique et national est le résultat d‟une illusion qui procède de notre ignorance. Par conséquent, le contact quotidien avec un groupe national peut déconstruire ou renforcer des préjugés et des stéréotypes nationaux. Selon la partie théorique mentionnée, une première conclusion fondamentale est que, alors que dans notre hypothèse initiale les professeurs qui appartiennent à la catégorie « contact quotidien » manifestent chez les élèves, par les fêtes nationales scolaires, une identité nationale différente de ceux qui appartiennent à la catégorie « contact rare », cette hypothèse est vérifiée en partie dans l‟échantillon de notre étude. La grande majorité des professeurs de la première catégorie manifeste une identité nationale surtout modérément positive (11 sur 15 - P11, P18, P20, P21, P31, P34, P35, P36, P37, P38, P39), alors que la majorité des professeurs qui appartiennent à la deuxième catégorie manifeste une identité nationale surtout modérément négative (17 sur 32 - P2, P3, P4, P5, P14, P17, P22, P23, P25, P27, P28, P30, P42, P43, P44, P46, P47). Mais, nous nous devons signaler que, dans la catégorie « contact rare » on trouve une proportion élevée de professeurs qui manifeste une identité nationale extravertie, démocratique et tolérante, bien que cette proportion ne soit pas la majorité. Pour cette raison nous avons dit que notre hypothèse initiale se vérifie partiellement, car finalement la catégorie qui ne vient pas en contact avec les étrangers manifeste une identité nationale, à un degré important, modérément positive. Par conséquent, la théorie concernent les stéréotypes et les préjuges nationaux est vérifiée en partie concernant les professeurs de notre recherche. Mais, alors que notre première conclusion confirme en partie notre hypothèse initiale, une deuxième lecture plus attentive nous a aidés à relever certains points intéressants et à aboutir à certaines conclusions tout aussi intéressantes. Les voici :
Tous les professeurs qui appartiennent à la catégorie « contact quotidien » sont
très modérés concernant les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire. Probablement, leur contact quotidien avec les enfants des autres confessions religieuses a comme résultat une attitude très attentive à la question des convictions religieuses dans l‟espace scolaire.
Pour le professeur N° 32, nous allons faire une référence particulière car il
s‟agit d‟un cas à part. Le professeur concerné manifeste une identité nationale modérément négative par les fêtes nationales scolaires, bien qu‟il ait grandies en Allemagne et qu‟il travaille dans une école comptant beaucoup d‟enfants étrangers. Mais dans son discours, il dit
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que, à cause de l‟éducation qu‟il a reçue en Allemagne à l‟école grecque469, il veut reproduire tous les mythes de l‟imaginaire national grec bien qu‟il sache qu‟ils sont simplement des mythes – par exemple : « Moi, j’ai grandi en Allemagne. Je suis enfant d’immigrants. J’ai grandi avec la légende de l’école clandestine, l’Église, la communauté grecque etc.… pour moi, tous cela constitue des expériences vécues pour moi et ainsi je transforme tous ces éléments… je les mets en avant… ». À notre question de savoir s‟il lit un livre qui conteste tous ces éléments, il insiste : « si mon expérience vécue est contre le livre, moi je prends en compte mon expérience vécue et pas le livre… »–. L‟intérêt de ce cas tient au type d‟éducation des enfants grecs à l‟étranger. Les références continues du professeur considéré aux mythes nationaux montrent la reproduction pure et simple de l‟historiographie officielle qu‟imposent ces écoles et, aussi, l‟influence considérable de ces mythes chez les Grecs de l‟étranger. En ce qui concerne la reproduction de l‟historiographie officielle, probablement dans les communautés grecques de l‟étranger, surtout en Allemagne, à cause du niveau d‟éducation des Grecs, les approches historiques qui contestent l‟historiographe officielle ne sont pas très répandues et par conséquent elles ne constituent pas le sujet de débats internes idéologiques pour les Grecs d‟Allemagne. Probablement, en raison de leur position désavantageuse dans une société étrangère (les premiers Grecs ne parlaient pas la langue allemande et ils étaient surtout ouvriers dans les grandes usines), ils ont besoin de mythes nationaux qui les stabilisent, les sécurisent et leur permettent de mieux se déclarer dans une société étrangère pour eux. Ici, se vérifie également notre théorie sur la « fonction » interne de l‟identité nationale470. Il s‟agit d‟une fonction d‟auto-orientation et du positionnement de l‟être humain dans le monde : elle donne la possibilité aux membres de la nation de s‟orienter et de se positionner eux-mêmes dans le monde parce qu‟ils acquièrent une personnalité collective et une culture distinctive.471 Ensuite, nous passons aux cinq hypothèses de notre recherche qui concernent les enfants étrangers. Ces hypothèses concernent la catégorie Autre national-Étranger et notre but est de savoir comment les professeurs envisagent les enfants étrangers durant la réalisation d‟une fête scolaire à contenu national. 469
À l‟étranger il y a beaucoup d‟écoles grecques où les enfants des Grecs immigrants apprennent surtout la langue grecque. Ces écoles se trouvent sous le contrôle de l‟État grec qui fournit des professeurs et des ressources pour leur fonctionnement. Mais seulement en Allemagne, il y a beaucoup d‟écoles grecques avec programme éducatif total (tous le cours) en raison du grand nombre de Grecs qui vivent en Allemagne depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. 470 Supra, p. 83. 471 Smith, Identité nationale…, op. cit., pp. 32-36.
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Hypothèse 6 : Les professeurs, à cause de leur stabilité professionnelle et leur rôle majeur dans le processus éducatif, envisagent positivement, également et démocratiquement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Selon notre introduction mentionnée ci-dessus, l‟immigration et ses conséquences sont un nouveau phénomène pour la Grèce. Cette nouvelle réalité a influencé aussi la réalité scolaire de la Grèce à cause de la proportion élevée des élèves étrangers dans les écoles et en particulier celles des grands Centres urbains. Le contact quotidien des professeurs avec les élèves étrangers peut avoir une influence positive ou négative sur eux. Pour cette raison nous avons posé cette hypothèse, pour donner une réponse à notre problématique. Mais, comme nous l‟avons déjà signalé pour la première hypothèse, la stabilité professionnelle des professeurs crée chez eux un sentiment de sécurité car ils ne se trouvent pas menacés professionnellement à cause des étrangers. Au contraire, la seule peur des professeurs se trouve au niveau de l‟identité nationale et du danger de son altération. L‟échantillon de notre recherche est constitué par les 47 entretiens de professeurs de Lettres et leur attitude envers les enfants étrangers durant d‟une fête nationale scolaire. Le tableau suivant (Tableau VI) nous donne une image générale de notre échantillon et ensuite on trouvera une présentation de la confirmation ou de l‟infirmation de notre hypothèse et des conclusions secondaires. Tableau VI : L’attitude des professeurs concernant la participation des élèves allochtones aux fêtes nationales scolaires 40 35
COMPLETEMEN T NEGATIVE
30
MODEREMENT NEGATIVE
25 20
MODEREMENT POSITIVE
15 10
COMPLETEMEN T POSITIVE
5 0 1
À la direction CN : 1 sur 47 (P28) À la direction MN : 2 sur 47 (P14, P23)
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À la direction MP : 10 sur 47 (P3, P5, P8, P15, P17, P18, P22, P33, P34, P43) À la direction CP : 34 sur 47 (P1, P2, P4, P6, P7, P9, P10, P11, P12, P13, P14, P16, P20, P21, P24, P25, P26, P27, P29, P30, P31, P32, P35, P36, P37, P38, P39, P40, P41, P42, P44, P45, P46, P47). Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Notre hypothèse initiale se vérifie car la grande majorité des professeurs ont une image positive concernant la participation des enfants allochtones aux fêtes de notre recherche. Bien qu‟une proportion importante manifeste par les fêtes nationales scolaires une identité nationale surtout négative (20 sur 47 Modérément Négative et 1 sur 47 Complètement Négative), quand ils font références aux élèves étrangers généralement et à leurs élèves étrangers en particulier, alors ils sont tout à fait positifs envers eux. Ils les considèrent comme des membres à part entière de la communauté scolaire et sans discriminations envers eux – par exemple, P11 : « bien sûr, je suis pour...ils constituent une partie de la communauté scolaire et ils doivent y participer à égalité avec les autres…je pense que ce n’est pas un honneur seulement pour lui, mais pour nous aussi. C’est un honneur pour nous quand un étranger veut porter notre drapeau. Je pense que c’est une chose qui doit nous rendre fiers »–. Cela montre que le rôle de l‟Enseignant influence considérablement les professeurs qui dépassent leurs préjugés et leurs stéréotypes envers l‟Autre national-Étranger et qui voient tous les élèves sur un pied d‟égalité et avec la même bienveillance. Elle montre que les professeurs, dans leur grande majorité, adoptent le rôle du médiateur interculturel, de l‟animateur d’une communauté éducative et de l‟organisateur d’une vie démocratique472 qui manifeste une culture modérée et tolérante avec solidarité, avec respect des minorités et leur autonomie, contre l‟intolérance et les discriminations. Autre point particulièrement remarquable : entre l‟identité nationale que manifestent les professeurs par les fêtes nationales scolaires et leur attitude face à la participation des élèves allochtones il y a souvent contradiction. Alors que la grande majorité des professeurs manifeste par les fêtes nationales scolaires une identité nationale soit modérément négative, soit modérément positive, quand ils parlent .de participation des élèves allochtones aux fêtes mentionnées, ils s‟expriment de manière complètement positive. Probablement cette contradiction s‟explique-t-elle par l‟adoption du nouveau du rôle du professeur comme porteur d‟une culture tolérante et démocratique. Ici, nous avons un cas classique d‟adaptation
472
Supra, p. 70.
- 289 -
des attitudes. C‟est-à-dire nous avons l‟adaptation d‟une attitude particulière à partir d‟une attitude plus globale – c‟est l‟exemple de L. La Pierre avec le couple chinois 473 –. Alors que l‟attitude envers les fêtes est modérément négative ou positive (attitude globale ou générale), en ce qui concerne la participation des élèves allochtones, l‟attitude se convertit en une position complètement positive (attitude particulière). Certaines autres conclusions secondaires mais néanmoins importantes car elles enrichissent notre recherche sont les suivantes :
La différenciation entre les professeurs qui sont intégrés à la direction
« complètement positive » et « modérément positive » tient à ce que dans la première direction les professeurs sont complètement positifs tant pour la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires que pour le port du drapeau grec ; dans la deuxième direction les professeurs sont positifs sur la participation aux fêtes, mais ils sont réservés voire négatifs concernant le drapeau. Cela montre que la question du drapeau, à laquelle nous avons fait référence dans l‟introduction de notre travail, est un sujet complexe qui divise encore la société grecque. Une proportion remarquable (10 sur 44, P3, P5, P8, P15, P17, P18, P22, P33, P34, P43), alors qu‟il envisage les élèves étrangers sur un pied d‟égalité concernant leur participation aux fêtes nationales scolaires, sont réservés et circonspects dès qu‟ils font référence au drapeau – par exemple P3 : « je suis contre…à partir du moment où il y a un défilé, le drapeau doit être porté par un petit Grec… mon opinion n’est pas absolument claire, mais je penche plutôt pour cette approche ». P22 : « je pense qu’il y a une contradiction interne chez les enfants eux-mêmes. Ils portent un drapeau avec un symbole (la croix) différent des leurs…ils ont disparu les petits Grecs ? »–.
Certains professeurs évitent de prendre position sur la question du drapeau
(P5, P34) et ils se retranchent derrière la loi qui règle le sujet en question. Ils évitent de prendre une position claire et objective en agissant comme des fonctionnaires classiques qui sont pour l‟application aveugle des lois sans opinion personnelle.
En ce qui concerne, de nouveau, la question du drapeau, certains professeurs
évoquent la croix qui se trouve sur le drapeau grec (P19, P22) en avançant qu‟un élève s‟il veut porter le drapeau grec, doit être chrétien Orthodoxe. Pour eux, professeurs et non professeurs, tout Grec est automatiquement Chrétien, sinon il n‟est pas Grec. Pour justifier leur attitude réservée vis à vis du droit des élèves étrangers de porter le drapeau grec, ils soutiennent textuellement que « les étrangers ne sont pas chrétiens ». Mais ils ignorent ou 473
Supra, p. 234.
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feignent d‟ignorer que le Grec ne s‟identifie pas exclusivement au Chrétien Orthodoxe car parmi les Chrétiens Orthodoxes il y a aussi des Roumains et des Bulgares notamment. Il s‟agit d‟un amalgame classique entre la notion Grec et celle de Chrétien, amalgame très répandu dans la société grecque actuelle. Une bonne part des grecs commet une confusion conceptuelle entre la Religion et la Nation. Ils confondent une définition nationale (Grec) avec une définition religieuse (Chrétien - Musulman). Ce faisant, ils montrent qu‟ils ignorent que la religion se réfère à l‟Homme indépendamment de sa langue, de sa race et de sa religion, alors que par nation on entend seulement l‟ensemble des hommes qui la composent. De surcroît, cette confusion exclut également du corps national tous les Grecs qui ne sont pas chrétiens orthodoxes comme par exemple les catholiques, les musulmans, les agnostiques et les athées. La société grecque traite avec méfiance tous les Grecs qui ont lutté pour la liberté et la démocratie en Grèce, qui travaillent et s‟intéressent à la Grèce, dont les enfants ont grandi en Grèce, qui paient leurs impôts en Grèce, qui participent aux activités politiques, économiques, intellectuelles et culturelles de la vie grecque, mais qui ne sont pas chrétiens orthodoxes. Malgré le fait que la tolérance religieuse soit garantie constitutionnellement, dans la pratique la moitié au moins de la population ne la respecte pas. Et bien sûr, tous les partisans de la doctrine hellénochrétienne oublient que l‟Antiquité grecque n‟était pas chrétienne. Ainsi, nous pouvons poser, finalement, la question suivante : si le porte-drapeau est Grec, mais qu‟il relève d‟une autre confession que l‟Orthodoxie, quelle sera l‟attitude de ceux qui identifient les deux termes (Grec - Chrétien Orthodoxe) ? Ici, nous avons encore une vérification de la partie théorique qui fait référence à la relation particulière entre la Religion et le Nationalisme.474 En ce qui concerne la Grèce, les attitudes des professeurs ci-dessus témoignent tant de la confusion conceptuelle qui existe dans la tête d‟une partie des professeurs que des particularités historiques dans lesquelles a été établie la doctrine hellénochrétienne ; particularités historiques qui se reflètent dans la formation de l‟imaginaire des Grecs et bien évidements de l‟imaginaire d‟une partie des professeurs.
Le seul professeur qui soit complètement négatif envers la participation des
élèves étrangers aux fêtes mentionnées et aux immigrants exprime aussi partiellement l‟opinion de la société grecque. Dans l‟imaginaire de cette partie de notre société le Musulman est identifié très souvent au barbare et par ce stéréotype elle justifie son attitude
474
Supra, pp. 104-113.
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négative envers l‟ennemi national (le Turc) qui est musulman et la grande majorité des travailleurs immigrés (Albanais, Pakistanais) qui sont aussi musulmans et en même temps ils sont perçus comme porteurs d‟une civilisation inférieure à la civilisation grecque. Mais cette partie de la société grecque ignore que le fanatisme et l‟agressivité de certains membres des sociétés de confession islamique est en partie due à leur retard social, politique et économique. Elle ignore aussi que, très souvent, l‟Islam devient le jouet de mouvements extrêmes politiques et par conséquent la Politique est ce qui manipule la religion en cultivant le fanatisme et l‟extrémisme et non pas l‟Islam lui-même. Tous ces gens qui réagirent contre la construction d‟une mosquée en Attique – département qui se trouve Athènes ou le droit – ignorent que chaque civilisation approche, nomme et adore son dieu selon sa tradition et ses particularités culturelles et historiques.
Nous pouvons aussi signaler que les professeurs par rapport aux étrangers en
général ont tendance à adopter, semble-t-il, des attitudes discriminatoires entre élèves étrangers. Si les questions concernaient les étrangers et pas les élèves étrangers, peut-être le résultat serait-il différent. Probablement leur fonction de professeur influence-t-elle leur conception et leur attitude concernant les élèves étrangers.
- 292 -
Maintenant, nous passons aux quatre hypothèses de notre recherche qui concernent les caractéristiques sociologiques sélectionnées par rapport à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Comme nous l‟avons mentionné précédemment, le but de notre recherche est d‟étudier, hormis la construction de l‟identité nationale des élèves, par les fêtes nationales scolaires du point de vue des professeurs, l‟attitude des professeurs elle-même envers les enfants étrangers qui se trouvent sans le système éducatif grec et plus précisément, de comprendre comment les professeurs envisagent la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées, fêtes dans lesquelles s‟entrecroisent l‟idéologie nationale et les autres mouvements idéologiques courants, le processus éducatif, les convictions personnelles des professeurs et les éléments historiques. Toutefois, vu le résultat principal de notre hypothèse précédente (cf. 6e hypothèse), nous concluons que, tant que la grande majorité des professeurs envisagent complètement positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées, les différenciations entre les professeurs qui posent les hypothèses suivantes ne seront pas significatives. Tant que la grande majorité des professeurs a une attitude comme celle mentionnée ci-dessus, les convictions politiques, la culture associative - participative, la génération d‟appartenance et le contact quotidien, ces quatre paramètres passent au plan deuxième. Pour cette raison, notre intérêt scientifique pour les hypothèses suivantes ne se Centre pas essentiellement sur leur vérification ou leur infirmation, mais surtout sur des points secondaires de notre matériel par lesquels nous pourrons éclairer certaines zones qui nous ont aidés à enrichir notre problématique et nos conclusions.
- 293 -
Hypothèse 7 : Il y a des différences entre les professeurs qui se placent eux-mêmes à des points différent de l‟axe politique Gauche / Droite en ce qui concerne la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école. Comme nous l‟avons signalé dans la deuxième hypothèse de notre étude, nous avons réalisé 47 entretiens de professeurs au terme desquels nous avons séparé les professeurs de notre échantillon en cinq catégories : les professeurs qui déclarent appartenir à la Droite, les professeurs ceux qui se réclament du Centre-droit, ceux qui se situent au Centre, ceux du Centre-gauche et enfin ceux de Gauche. Dans notre échantillon nous n‟avons trouvé aucun professeur qui a annoncé qu‟il appartient idéologiquement ou politiquement à l‟Extrême droite ou à l‟Extrême gauche. Par conséquent, nous n‟avons pas inclus les deux catégories ci-dessus dans les catégories sélectionnées de notre étude. Avec ce compartimentage, nous pouvons voir le rôle que jouent les convictions politiques des professeurs de notre échantillon par rapport à leur position concernant la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école. Tableau VII : La catégorisation des professeurs par rapport à leur choix politique
12 COMPLETEMEN T NEGATIVE
10 8
MODEREMENT NEGATIVE
6 4
MODEREMENT POSITIVE
2
COMPLETEMEN T POSITIVE
0 GAUCHE CENTRE CENTRE CENTRE DROITE GAUCHE DROITE
À la catégorie Gauche : 1 sur 5 MP et 4 sur 5 CP. À la catégorie Centre-gauche : 1 sur 14 MN, 3 sur 14 MP et 10 sur 14 CP. À la catégorie Centre : 1 sur 16 MN, 5 sur 16 MP et 10 sur 16 CP. À la catégorie Centre-droite : 1 sur 10 CN, 1 sur 10 MP et 8 sur 10 CP. À la catégorie Droite : 1 sur 2 MN et 1 sur 2 CP. - 294 -
Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Comme nous l‟avons vu plus haut dans la partie théorique, la « Gauche » en utilisant le « nous », manifeste une identité plus collective que la Droite dont les « je » et les « on » connotent-ils une identité plus individualiste et apolitique. En Grèce, l‟axe politique traditionnel sur lequel se déclarent les citoyens est celui de Gauche - Droite. Par conséquent, nous étudions la relation entre les choix politiques des professeurs et leur attitude par rapport à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires.475 Selon les résultats de notre recherche, notre hypothèse ne s‟avère pas exacte car comme nous l‟avons vu précédemment, la grande majorité des professeurs envisage complètement positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Ceci dit, nous pouvons relever que les professeurs qui se déclarent comme hommes de Gauche sont globalement plus positifs envers les élèves étrangers que les professeurs qui se déclarent comme hommes de Droite. Mais la différence n‟est guère importante et par conséquent ne fait pas sens. Ainsi, le clivage hypothétique posé plus haut se trouve contredit par les résultats portant sur la population de notre recherche. À part la conclusion principale de notre hypothèse, il y a certains points intéressants qui enrichissent notre point de vue. Ce sont :
La seule attitude négative envers les élèves étrangers provient d‟un professeur
qui se situe au Centre-droit. Comme nous l‟avons noté plus haut, le professeur considéré manifeste une identité nationale complètement négative, de même que son attitude envers les enfants allochtones. Il s‟agit d‟une cohérence entre l‟attitude face aux fêtes et leur attitude envers les enfants étrangers.
Les professeurs qui se déclarent comme homme de Gauche envisagent les
enfants étrangers presque complètement positivement (4 sur 5 CP et 1 sur 5 MP). Nous constatons ici que s‟avère exact ce qu‟avance le quotidien Kathimerini qui montre que le citoyen qui se déclare comme homme de Gauche est modéré sur certains points concernant notre sujet.476
Les deux cas des professeurs qui envisagent les enfants étrangers modérément
négativement (P19, P23) et l‟un qui les envisage complètement négativement (P28) appartiennent à la partie Droite de l‟axe politique Droite - Gauche, alors que dans la partie Gauche de l‟axe politique il n‟y a pas de professeurs qui envisagent les élèves étrangers ni 475 476
Supra, pp. 220-221. Supra, p. 218.
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complètement négativement, ni modérément négativement. Par conséquent, nous concluons que les professeurs qui envisagent soit modérément négativement, soit complètement négativement, bien qu‟ils ne soient pas nombreux, appartiennent à la Droite (Centre-droite et Droite) du système politique grec. Notre théorie se voit ici confirmée qui soutient que les citoyens grecs qui se déclarent actuellement comme hommes de Droite, sont plus réservés sur les questions relatives à notre recherche. 477
Chez les professeurs qui se déclarent comme hommes du Centre il y a une plus
grande proportion qui envisage les élèves étrangers modérément positivement (5 sur 16). Cela montre que les professeurs qui se déclarent comme hommes de Centre est plus proche idéologiquement de la Droite que de la Gauche.
477
Supra, p. 218.
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Hypothèse 8 : Les professeurs qui relèvent d‟une culture associative - participative envisagent différemment la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école par rapport aux professeurs qui n‟y participent pas. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de l‟attitude chaque professeur envers la participation égale ou non des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre cidessus, nous classons les professeurs de notre échantillon en deux catégories : les professeurs membres de certaines associations, de syndicats, de partis politiques et de collectivités locales (21 professeurs avec culture associative - participative) et ceux qui n‟ont pas ce type d‟activités (26 professeurs sans culture associative - participative). Notre intérêt scientifique est centré sur la relation entre les professeurs avec ou sans culture associative - participative et leur attitude favorable ou non envers la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Dans un premier temps, nous présentons les éléments quantitatifs de notre recherche qui nous aidera à l‟analyse qualitative des données et à nos conclusions finales. Tableau VIII : La catégorisation des professeurs par rapport à leur culture associative - participative 25 20
COMPLETEMENT NEGATIVE
15
MODEREMENT NEGATIVE
10
MODEREMENT POSITIVE
5
COMPLETEMENT POSITIVE
0 CULTURE PARTICIPATIVE
SANS CULTURE PARTICIPATIVE
À la catégorie culture associative - participative 1 sur 21 MN, 6 sur 21 MP et 14 sur 21 CP À la catégorie sans culture associative - participative 1 sur 26 CN, 1 sur 26 MN, 4 sur 26 MP et 20 sur 26 CP.
- 297 -
Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons que la participation à une association ou à un syndicat témoigne que leurs membres acceptent de considérer que l‟intérêt commun - collectif prime l‟intérêt individuel ou, à tout le moins, qu‟il y a équilibre entre les deux. Mais, nous n‟oublions pas que la culture associative - participative d‟un individu est influencée par les débats internes idéologiques qui se produisent-ils dans la vie quotidienne d‟une société et les mouvements idéologiques qui dominent dans la sphère politique, économique et sociale. Un autre point remarquable également est la relation bijective qui existe entre la culture associative participative de l‟individu et le caractère de l‟association dont il fait partie. Notre problématique est focalisée sur la relation de la culture associative - participative et l‟attitude envers les élèves étrangers concernant leur participation égale ou pas aux fêtes nationales scolaires. Prenant en compte la partie théorique ci-dessus, notre hypothèse ne se confirme pas car entre les deux catégories sélectionnées (« culture associative - participative », « sans culture associative - participative ») il n‟y a pas de différence notable. Les professeurs qui appartiennent aux deux catégories sélectionnées envisagent, dans leur grande majorité, complètement positivement la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Finalement l‟existence de culture associative - participative ou pas n‟influence pas significativement l‟attitude des professeurs envers les élèves étrangers et leur participation aux fêtes nationales scolaires. Mais sauf notre conclusion principale de notre hypothèse, nous présentons certaines autres conclusions qui enrichirent notre vue et notre problématique. Elles sont :
Les professeurs qui appartiennent aux associations de l‟Église et qui
appartiennent à la catégorie « avec culture associative - participative », à leur majorité envisagent la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires modérément positivement (4 sur 7, P17, P22, P23, P33). Cela montre que la doctrine hellénochrétienne influence considérablement l‟attitude des professeurs qui participent aux associations de l‟Église avec conséquence une attitude réservée par rapport aux enfants étrangers. Nous avions postulé que la vie associative s‟est trouvée souvent très fortement influencée par les grands courants idéo-politiques constitutifs de la sphère politique nationale. 478 Notre théorie se trouve ici vérifiée. Par conséquent, en ce qui concerne notre
478
Supra, p. 228.
- 298 -
recherche, l‟idéologie qui influence considérablement les attitudes des professeurs mentionnés est celle de la doctrine hellénochrétienne, c‟est-à-dire de la combinaison entre l‟identité nationale et l‟identité religieuse. Nous voyons que, bien que les professeurs considérés participent aux associations de l‟Église, ils sont réservés concernant la participation égale des élèves allochtones aux fêtes nationales scolaires.
Contrairement à notre conclusion précédente, la grande majorité des
professeurs qui appartient aussi à la catégorie « avec culture associative - participative » mais qui n‟a pas de relation particulière avec l‟Église, envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires complètement positivement (7 sur 9, P11, P13, P16, P31, P35, P36, P44).
Selon nos deux conclusions ci-dessus, nous pouvons aboutir à une conclusion
plus générale : le caractère de l‟association à laquelle participe un citoyen influence considérablement la vue avec laquelle il envisage l‟Autre national-Étranger.
- 299 -
Hypothèse 9 : « La génération de l‟insurrection de l‟École Polytechnique » envisage différemment la participation égale et active des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école que la génération ultérieure. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de l‟attitude de chaque professeur envers la participation égale ou pas des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre cidessus, nous classons les professeurs de notre échantillon en deux catégories : les professeurs qui ont moins de 45 ans (24 professeurs de la jeune génération) et ceux qui ont plus de 45 ans (23 professeurs de la génération de l‟École polytechnique). Notre intention est de rechercher la relation entre les deux catégories sélectionnées et leur attitude envers les élèves étrangers durant une fête nationale scolaire. Ensuite, nous présentons une image quantitative de notre résultat qui constituera le guide nécessaire pour l‟analyse qualitative des données que nous avons étudiées. Tableau IX : La catégorisation des professeurs par rapport à leur génération 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0
18 16
COMPLETEMENT NEGATIVE MODEREMENT NEGATIVE
5 1
5 2
0
MOINS DE 45 ANS
MODEREMENT POSITIVE COMPLETEMENT POSITIVE
0 PLUS DE 45 ANS
À la catégorie moins de 45 ans, 1 sur 24 CN, 5 sur 24 MP et 18 sur 24 CP. À la catégorie plus de 45 ans, 2 sur 23 MN, 5 sur 23 MP et 16 sur 23 CP. Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons que la génération peut constituer un utile nécessaire pour la compréhension des phénomènes sociaux car elle peut fonctionner comme un paramètre unificateur. Bien que la classe sociale joue un rôle primordial, très souvent certains
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évènements importants (guerre, révolution, catastrophe naturelle, crise sociale) influencent de façon considérable les hommes qui en sont les témoins et les participants. Par rapport à la partie théorique ci-dessus, il n‟y a pas lieu de poser une hypothèse initiale car comme nous avons vu à l‟hypothèse N° 6, la grande majorité des professeurs envisage complètement positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées et par conséquent nous n‟avons pas de différenciations considérables par rapport aux caractéristiques sociologiques choisis. Tant les professeurs qui ont moins de 45 ans que les professeurs qui ont plus de 45 ans, tous envisagent les élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires complètement positivement et également. Mais, malgré l‟infirmation de notre hypothèse, nous présentons les conclusions secondaires ci-dessous qui éclairent plus en détail notre recherche. Ce sont :
Dans la catégorie « plus de 45 ans » il n‟y personne qui envisage
complètement négativement la participation égale des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. L‟absence d‟une telle attitude dans la catégorie concernée montre que chez professeurs plus âgés, peut-être, fonctionne le filtre de parent qui regarde les autres enfants comme s‟ils étaient leurs propres enfants. Au contraire, une personne qui n‟est pas encore parent peut envisager les enfants plus froidement car il n‟a pas d‟implication sentimentale directe.
- 301 -
Hypothèse 10 : Les professeurs qui viennent en contact quotidiennement avec les élèves étrangers envisagent différemment la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales de l‟école, par rapport aux professeurs qui sont rarement en contact avec des élèves étrangers. À partir de notre modèle méthodologique, de l‟analyse thématique des entretiens qui a été menée et de l‟attitude chaque professeur concernant la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, comme nous l‟avons mentionné dans le chapitre ci-dessus, nous classons les professeurs de notre échantillon en deux catégories : les professeurs qui viennent en contact quotidien (15 professeurs) avec les élèves étrangers et ceux qui n‟ont que des rapports occasionnels avec les élèves étrangers (32 professeurs), soit parce qu‟ ils travaillent dans les écoles où la proportion des élèves étrangers est faible, soit parce que, au cours de leur carrière ils n‟ont pas travaillé beaucoup dans ce type d‟écoles. Notre but est de rechercher la relation entre le contact quotidien des professeurs et leur attitude par rapport à la participation égale ou non des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Ensuite, nous présenterons les résultats quantitatifs de notre recherche qui nous aideront à poursuivre l‟analyse qualitative et détaillée de notre recherche. Tableau X : La catégorisation des professeurs par rapport à leur contact quotidien avec les élèves étrangers
25 20
COMPLETEME NT NEGATIVE
15
MODEREMENT NEGATIVE
10
MODEREMENT POSITIVE COMPLETEME NT POSITIVE
5 0 CONTACTE QUOTIIDIEN
CONTACTE RARE
À la catégorie contact quotidien : 1 sur 15 MN, 3 sur 15 MP et 11 sur 15 CP. À la catégorie contact rare : 1 sur 32 CN, 1 sur 32 MN, 7 sur 32 MP et 23 sur 32 CP.
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Affirmation ou infirmation de notre hypothèse : Ici, nous rappellerons, comme dans l‟hypothèse N° 5, que très souvent notre attitude hostile ou amicale envers un homme ou un groupe est le résultat d‟une illusion procédant de notre ignorance. Par conséquent, le contact quotidien avec un groupe national peut déconstruire ou renforcer de préjugées et de stéréotypes nationaux. Selon la théorie présentée, notre hypothèse ne tient pas malgré une petite différence qui existe entre les deux catégories. Notre conclusion principale est que tant les professeurs qui viennent en contact quotidien avec les élèves étrangers dans leurs écoles que les professeurs qui se trouvent rarement en contact avec des élèves étrangers, envisagent, les uns comme les autres, dans leur grande majorité, la participation des élève étrangers aux fêtes nationales scolaires de manière complètement positive et sur un pied d‟égalité. La petite différence mentionnée tient à ce que, dans la catégorie « contact quotidien » la proportion de la direction complètement positive soit plus élevée que celui de la catégorie « contact rare ». Ensuite, nous présentons certaines conclusions secondaires qui complètent considérablement notre point de vue et notre problématique. Ce sont :
En ce qui concerne les professeurs qui travaillent dans des écoles avec grande
proportion d‟élèves étrangers, nous devons bien signaler que, malgré les références positives concernant la participation des élèves allochtones aux fêtes nationales scolaires, peut-être leur attitude positive vient-elle d‟un problème pratique qui existe dans les écoles mentionnées. Dans la mesure où l‟immense majorité des élèves sont étrangers, en pratique il n‟y a pas d‟autre solution que d‟intégrer les étrangers pour l‟organisation des fêtes. Les professeurs acceptent ainsi la participation des élèves allochtones, qu‟ils y soient favorables ou non.
Le seul professeur (P28) qui envisage complètement négativement les élèves
étrangers appartient à la catégorie « contact rare ».
Le professeur (P23) qui appartient à la catégorie « contact quotidien » et qui
envisage la participation des élèves étrangers modérément négativement, se pose en faveur de la participation facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, mais il est très influencé par l‟aspect religieux de l‟identité nationale. Bien qu‟il ait fait ses études à l‟étranger (France - école laïque), bien qu‟il travaille quotidiennement dans une école à majorité d‟élèves étrangers, en ce qui concerne le port du drapeau grec, il pose trois conditions : l‟une d‟entre elles est l‟adoption de la part de l‟élève étranger de la confession chrétienne orthodoxe. Ce présent cas montre la force de la doctrine hellénochrétienne et plus précisément de l‟aspect religieux de cette doctrine.
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La même force et la même influence de l‟aspect religieux de cette doctrine hellénochrétienne apparaît chez le professeur N° 22, bien qu‟il appartienne à la catégorie « contact rare ». Il fait référence à l‟existence de la croix qui se trouve sur le drapeau grec, en soutenant qu‟un élève étranger, à cause de cette croix, ne peut porter le drapeau durant d‟un défilé scolaire.
Un autre exemple caractéristique de la force de l‟idéologie nationale est celui
du professeur N° 18.479 Alors qu‟il travaille dans une école à majorité d‟élèves étrangers et qu‟en même temps il participe aux programmes éducatifs concernant « l‟interculturel dans l‟École », quand il fait référence au port du drapeau grec de la part d‟un élève étranger, il est négatif en disant en même temps qu‟il a « honte de cette attitude » qui est la sienne. L‟exemple en question est significatif de la prégnance de l‟idéologie nationale et de la contradiction qu‟elle engendre dans l‟esprit d‟un citoyen actuel entre la logique froide et le sentiment national qui est surtout une représentation sociale forte. Ici, nous avons un cas classique du phénomène de « dissonance »480, c‟est-à-dire d‟un état de tension désagréable dû à
la
présence
simultanée
de
deux cognitions
(idées,
opinions,
comportement)
psychologiquement inconsistantes. Dans notre exemple précis, le professeur considéré se trouve dans une situation de tension désagréable qui a été créée par la contradiction entre un « stéréotype national » fort (la drapeau grec doit toujours être porté par un Grec) et une approche démocratique et tolérante (le drapeau grec peut être aussi porté par un élève allochtone) qui émerge à cause de sa participation aux programmes et séminaires éducatifs qui prônent le multiculturalisme, l‟interculturalisme et la coexistence égale et pacifique entre les peuples indépendamment de leur choix confessionnel, idéologique ou autre.
479 480
Supra, pp. 254-256. Supra, pp. 126-127.
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Quatrième partie Les élèves et les fêtes nationales scolaires
Introduction Analyse et synthèse du questionnaire Conclusions
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Quatrième partie Les élèves et les fêtes nationales scolaires
Introduction Cette partie constitue une approche complémentaire concernant notre recherche sur les professeurs des Lettres. Comme nous l‟avons annoncé dans l‟introduction, notre but est d‟enrichir la perspective de notre travail, car cette partie va nous permettre d‟évaluer dans quelle mesure finalement les professeurs qui organisent les fêtes mentionnées ont atteint leurs buts à savoir s‟ils ont réussi à faire passer aux élèves les messages idéologiques qu‟ils souhaitaient. La recherche portant sur les élèves à été réalisée dans une petite ville nommée Eleutheroupolis et plus précisément dans un de ses lycées, après la permission du directeur de l‟école. Eleutheroupolis compte sept mille habitants et la population des élèves présente les mêmes caractéristiques que celle des professeurs. Ils habitent au Nord de Grèce, c‟est-à-dire qu‟au premier rang de leurs conversations et de leurs préoccupations ont trouve d‟abord le nom qui sera finalement attribué au FYROM et le problème de la minorité musulmane de Thrace481. En ce qui concerne la répartition sociale, elle est tout à fait similaire à ce que l‟on rencontre ailleurs en province. Le questionnaire écrit à été rempli dans l‟enceinte de l‟établissement, durant le cours de l‟histoire, en présence de l‟auteur de cet ouvrage. Nous avons travaillé avec la deuxième classe du lycée (équivalent d‟une classe de première en France) c‟est-à-dire avec les élèves qui ont de 16 à 17 ans. Les élèves qui participaient à notre recherche, sont depuis 10 ans soit participants, soit spectateurs des fêtes nationales scolaires. Nous avons choisi la méthode du questionnaire écrit car :
pour chercher un problème donné il faut interroger les gens qui sont
concernés,
nous pouvons recueillir des renseignements intéressants et importants fournis
par les mêmes les gens qui vivent une situation donnée, il suffit de poser les questions adéquates. Ils peuvent comprendre le problème et ils sont capables de répondre de manière pratique,
481
Supra, p. x.
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l‟ensemble des gens qui sont concernés par le problème peut être représenté
par une petite partie un « échantillon » et
les réponses sont élaborées de telle sorte qu‟elles peuvent donner la tendance
de la majorité, puisque nous avons pris toutes les précautions scientifiques nécessaires.482 Par le questionnaire, nous pouvons aussi rechercher, entre autres, les jugements subjectifs que portent les gens sur les événements, les idées ou leurs concitoyens. Nous pouvons recenser leurs opinions sur les « sujets problématiques » (une situation politique, une innovation culturelle ou sociale etc.), leurs attitudes face à des situations stables ou permanentes (les grandes préférences sociales, les valeurs etc.), leurs motivations, leurs ambitions, leurs attentes et leurs connaissances sur les sujets qui touchent à notre recherche. 483 En ce qui concerne notre recherche, nous avons construit une série de questions qui se trouvent en relation et en cohérence avec celles que nous avons déjà posées aux professeurs. Autrement dit, notre questionnaire écrit sur les élèves est tout à fait dans la ligne du travail principal déjà effectué avec les professeurs. Nous avons choisi des questions semi-ouvertes (ou semi-fermes) – elles s‟appellent aussi questions « cafétéria » – car aux questions mentionnées les réponses probables des élèves de notre recherche sont prévues, mais en même temps elles donnent aux élèves la possibilité d‟ajouter librement d‟autres réponses. Elles permettent aussi de rassembler des réponses plus complètes, elles facilitent le dépouillement, puisqu‟un grand nombre des réponses sont déjà prévues et elles se basent sur les éléments révélés, lors des recherches préalables, c‟est-à-dire, en ce qui concerne notre travail, la recherche déjà effectuée avec les professeurs. Le langage utilisé (termes, noms propres, expressions etc.) a été adapté au niveau culturel moyen des élèves pour qu‟il soit facilement compréhensible et notre questionnaire n‟était pas trop long pour qu‟il ne provoque pas le désintérêt ou l‟irritation des élèves. 484 En ce qui concerne nos informations sur la participation des élèves aux fêtes organisées dans le cadre scolaire, elles sont de trois ordres : nous y avons nous-mêmes participé en tant qu‟élèves, nous y participons actuellement en tant qu‟enseignant employés dans l‟École publique et en outre l‟expérience menée et les renseignements provenant de nos contacts avec les professeurs sur le sujet qui nous occupe. Enfin, en ce qui concerne le degré d‟information et de connaissance de la population considérée (les élèves) sur le sujet, ces 482
Javeau, C., L’enquête par questionnaire. Manuel à l’usage du praticien, Bruxelles, Éditions de l‟Université de Bruxelles, 1992, pp. IXX-XX. 483 Javeau, L’enquête par questionnaire…, op. cit., pp. 1-2. 484 Grawitz, Les méthodes…, op. cit., pp. 686-687.
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élèves de la deuxième classe du lycée, participent-ils depuis 10 ans en tant qu‟ « acteurs » et spectateurs aux fêtes. Par conséquent, ils ont une expérience directe, un contact immédiat avec le sujet de notre recherche, puisque les fêtes mentionnées sont réalisées par eux et leur sont destinées. 485 Nous avons adopté une disposition simple où les questions de notre recherche sont immédiatement suivies des réponses des élèves. Bien sûr, comme nous l‟avons déjà expliqué dans la partie qui traite des entretiens des professeurs, la valeur scientifique des réponses ne tient pas à des résultats quantitatifs, mais au contraire qualitatifs. À travers les réponses des élèves, nous essayons de faire émerger certaines directions générales concernant leur attitude par rapport aux fêtes nationales scolaires. Pour cette raison et à cause de l‟espace limité dont nous disposons notre recherche concernant les élèves, nous évitons de mettre leurs réponses en rapport avec certaines de leurs caractéristiques sociales (niveau éducatif des parentes, sexe, résidence, etc.). Nous restons surtout sur une idée générale qui provient des réponses des élèves, en signalant en même temps certains points qui présentent à notre avis un intérêt scientifique.
Analyse et synthèse du questionnaire 1)
Est-que vous aimez les fêtes nationales scolaires ?
Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? Cette question a été choisie car elle se trouve en relation avec l‟attitude des professeurs concernant les fêtes de notre recherche. Notre but est de comparer les attitudes des deux populations (professeurs, élèves) envers les fêtes mentionnées. En prenant en compte que les attitudes des professeurs envers les fêtes nationales scolaires, se trouvent entre une obligation professionnelle et une forme d‟intervention idéologique modérée, nous voulons examiner les attitudes de la population, sur le sujet mentionné, à laquelle s‟adressent les professeurs. À cette question la grande majorité des élèves a répondu qu‟elle aime les fêtes nationales scolaires (16 sur 23), mais une partie non moins significative a répandu négativement (7 sur 23).
485
Grawitz, Les Méthodes…, op. cit., pp. 683-684.
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Toutefois, hormis les éléments quantitatifs, il y a certaines différenciations entre les réponses. Les voici : La grande majorité des élèves qui voient de manière positive les fêtes mentionnées soutiennent qu‟ « elles sont une bonne solution alternative pour la commémoration des événements glorieux historiques concernant notre nation et les sacrifices de nos ancêtres… ces fêtes commémorent la Grèce vraie ». Seule une petite partie envisage positivement les fêtes « à cause du jour férié ». En ce qui concerne les élèves qui sont critiques à propos des fêtes mentionnées, nous relevons certaines approches différentes. -
Certains avancent qu‟ « elles sont répétitives et pour cette raison elles sont
lassantes », -
D‟autres encore assurent qu‟ « elles donnent une image embellie des Grecs »
-
d‟autres enfin qu‟ « elles sont une peu nationalistes et racistes ».
et
L‟attitude des élèves concernant les fêtes nationales scolaires n‟est pas homogène. Les uns les aiment, les autres pas. En ce qui concerne les premiers, ils se trouvent en contravention avec l‟opinion d‟une partie des professeurs qui soutient que les élèves envisagent ces fêtes comme « une perte de temps » et « une obligation scolaire ». On ne saurait manquer de relever l‟avis des autres élèves qui ne les aiment pas et soutiennent que « ces fêtes sont nationalistes et racistes ». Bien que, comme il ressort de notre recherche, la grande majorité des professeurs s‟efforce de développer une identité nationale soit modérément positive, soit modérément négative, une partie des élèves considère toutefois que l‟esprit de ces fêtes se trouve entre « nationalisme et racisme ». 2) Est-ce que vous participez activement aux fêtes nationales scolaires ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? En prenant en compte que la grande majorité des professeurs soutient-elle que les élèves ne participent pas activement aux fêtes de notre recherche car ils ne s‟n‟y intéressent pas, nous avons intégré cette question pour avoir une idée objective sur le problème et sur sa justification.
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Selon les réponses des élèves la grande majorité des élèves ne participent pas aux fêtes de notre recherche (18 sur 23). Ce qui est intéressant ce sont les raisons de la non participation. -
La majorité des élèves ne participe pas simplement « à cause du stress », « du
par manque de temps », « de par honte », « par hasard » etc. (9 sur 18), -
mais une partie ne participe pas pour des raisons de conviction personnelle et
idéologique : « Ces fêtes ne correspondent pas mes opinions » et « je ne veux pas fêter un événement où mon pays a tué des hommes… ». En ce qui concerne la minorité qui participe (5sur 23), elle participe surtout car -
« avec ces fêtes je fais honneur à nos ancêtres qui se sont sacrifiés pour
nous » (4 sur 5) et -
« il s’agit d’une obligation scolaire » (1 sur 5).
Ici, il est intéressant de noter que dans un cas comme dans l‟autre, la participation ou le non participation des élèves à ces fêtes s‟appuient-elle sur des raisons idéologiques. C‟està-dire, alors qu‟à première vue, les élèves donnent l‟impression que ces fêtes ne constituent pour eux qu‟une obligation scolaire, un examen plus attentif permet de montrer qu‟un parti pris idéologique soutient leur point de vue. 2)
Quelle image du Grec, s’impose à vous par l’intermédiaire des fêtes
mentionnées ? Êtes-vous d’accord avec cette présentation du Grec ? La question porte sur un sujet majeur de notre recherche. Finalement les messages idéologiques, concernant le Soi national-Grec, que font passer les professeurs par fêtes scolaires, sont-ils acceptés comme tels de la part des élèves? Ou bien sont-ils l‟objet de critiques des élèves ? Les élèves montrent-ils leur incrédulité envers de ces messages ? Pour la première partie de la question, une grande majorité (20 sur 23) d‟élèves se dégage et répond qu‟elle retire une image très positive du Grec. Les autres ne donnent pas de réponse. Les réponses à la deuxième partie de la question permettent toutefois d‟affiner leur position de manière significative. Plus précisément, alors que 9 élèves soutiennent que la présentation du Grec à travers ces fêtes concrètes est correcte et objective, une courte majorité des élèves (11 sur 20) soutient que cette image est exagérée et déformée. L‟intérêt réside dans les nuances différentes qui existent entre ces réponses. En voilà quelques unes :
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« C’est faux. Complètement faux », « Non, absolument pas », « Cette présentation a un caractère un peu nationaliste. C’est vrai que les Grecs ont pris une part importante dans la libération de notre patrie, mais les autres Puissances (les Grands Puissances – Angleterre, France, Russie –), y ont joué aussi un rôle important », « bien sûr, non. Si l’image du Grec correspondait à ce qui est représenté dans les fêtes de l’école, nous serrions un peuple modèle pour le monde et nous ne donnerions pas cette image incertaine, confuse que nous présentons actuellement », « Je pense que ces fêtes mettent en avant surtout l’image positive des Grecs, mais elles cachent certains points de notre histoire qui ne sont pas positifs ». Les réponses ci-dessus des élèves montrent que finalement les élèves se trouvent en opposition avec une grande partie des professeurs qui organisent les fêtes traditionnellement. Alors que cette partie des professeurs met en avant une image du Grec glorieuse et particulière, une bonne partie des élèves a conscience que cette image est déformée et exagérée. Probablement, une partie des élèves pressent la manipulation idéologie des fêtes mentionnées et les exagérations qui y ont lieu. Probablement, les enfants ont une culture plus générale par rapport à la culture que font passer les fêtes de notre recherche, et cette culture générale envisage de manière critique tant les messages idéologiques des fêtes que la culture historique qui veut cultiver l‟historiographie officielle qui est proposée à l‟école. Malgré le petit échantillonnage de notre recherche, l‟attitude critique d‟une partie des élèves envers les fêtes et les messages historiques qu‟elles transmettent, est-elle un sujet très important pour les affaires éducatives de la Grèce. Une partie des élèves considère que l‟histoire scolaire est manipulée par le pouvoir étatique et un petit nombre d‟élèves considère que l‟État cultive par l‟école le nationalisme et le fanatisme. 4) Durant la fête du 25 Mars, quelle partie trouvez-vous plus intéressante ? La partie nationale (la révolution) ou la partie religieuse (l’Annonciation) ? Du fait que le contenu religieux de l‟identité nationale actuelle grecque est très important, cette question a comme but de comparer l‟attitude des deux populations de notre recherche envers le caractère religieux de la fête du 25 Mars. À cette question la grande majorité des élèves (13 sur 20) trouve plus intéressante la partie nationale de la fête du 25 Mars. Mais ce qui est remarquable est qu‟une partie des élèves envisage aussi positivement la partie religieuse de la fête. Précisément, 2 élèves considèrent que la partie religieuse est plus intéressante que la partie nationale, et 5 élèves - 311 -
soutiennent que les deux parties sont intéressantes au niveau égal. Les trois autres n‟ont pas répandu. Les réponses suivantes nous donnent une idée indicative des attitudes des élèves : Alors que la grande majorité s‟intéresse surtout pour l‟élément national car la fête mentionnée « se réfère surtout à la révolution contre les Turcs », dans cette catégorie des élèves une partie d‟entre eux considère que « l’élément religieux est aussi intéressant, mais moins que l’élément national ». C‟est-à-dire que ce groupe d‟élèves n‟est pas absolument réfractaire au caractère religieux de la fête concrète, bien que pour eux cet élément présente moins d‟intérêt que le national. Pourtant il y a des réponses plus particulières comme la suivante : « Ha, ha. L’élément national, comme je l’ai déjà dit, crée des tensions nationalistes, alors que le religieux a tendance à les gommer : n’oublions pas que 6/7 de notre planète sont des moutons (une expression grecque qui signifie les hommes manipulés – les partisans aveugles) ». En ce qui concerne les réponses positives au caractère religieux de la fête concrète, certaines réponses significatives sont les suivantes : « Toutes les deux sont intéressantes…l’élément religieux met en avant la croyance et la fidélité à Dieu qui ont contribué à la poursuite de la révolution ». « L’élément religieux est plus important car par nature supérieur au national et pour cette raison il crée l’émerveillement chez les gens ». En ce qui concerne l‟attitude des élèves par rapport à l‟élément religieux de la fête du 25 Mars, elle se trouve en opposition avec l‟attitude des professeurs. Alors que la grande majorité des professeurs met en avant le caractère national de la fête, une grande partie des élèves de notre recherche considère également important l‟élément religieux. Il s‟agit de deux approches assez différentes qui montrent qu‟une partie de la jeunesse grecque est proche de l‟Église et de la religion et elle considère, consciemment ou pas, que le caractère religieux doit avoir le même poids que le caractère national. Ici, nous avons une réussite de l‟école comme mécanisme idéologique, alors qu‟elle a cultivé chez une partie des élèves la doctrine hellénochrétienne et ainsi cette partie identifie les deux concepts (Grec, Chrétien).
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5) Aimez-vous assister à la messe avec l’école ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? Cette question est dans la continuité de la précédente et elle veut approfondir notre optique envers les attitudes des élèves concernant le caractère religieux de la fête mentionnée et généralement de l‟éducation grecque et comparer ces attitudes avec les attitudes des professeurs. À cette question, la majorité, 13 sur 23, répond par la négative. Toutefois une proportion tout à fait respectable se dégage en faveur de l‟assistance à la messe à l‟école (10 sur 23). La proportion des élèves qui est contre l‟assistance à la messe avec l‟école est prospective. Certaines réponses caractéristiques sont que « il ne faut pas imposer à quelqu’un d’aller à église » et que « c’est un perdre du temps car personne ne fait attention ». La proportion des « pour » est aussi très élevée. Les réponses les plus fréquentes sont que « dans l’église je me détends » et que « c’est une bonne occasion pour aller à l’église ». Or cette attitude des élèves est diamétralement opposée à l‟approche des professeurs qui pensent que l‟assistance à la messe est « une obligation scolaire qui n’offre rien aux élèves ». Ici nous avons encore un élément remarquable concernant l‟attitude des élèves. Alors que dans la grande majorité de la société grecque domine l‟impression que les jeunes sont pour la plupart apolitiques, consommateurs et très réservés sur la religion, un non négligeable des élèves de notre recherche se pose en faveur l‟assistance à la messe à l‟école et probablement pour les manifestations religieuses à l‟école plus généralement. 6) Votre famille ou votre entourage social font-ils état d’approches historiques qui contestent le contenu des fêtes mentionnées ou l’histoire scolaire? Cette question vise à mettre en évidence si les élèves acceptent passivement les messages que transmettent les professeurs par les fêtes nationales scolaires ou au contraire si les élèves ont une culture et instruction historique plus large et différente de celle que les professeurs diffusent par les fêtes de notre recherche. Il est remarquable que la grande majorité des élèves (13 sur 19), elle n‟est pas influencée différemment en ce qui concerne l‟histoire de l‟école et le contenu des fêtes nationales scolaires. Les réponses étaient surtout que « j‟entends chez moi la même chose que ce que j‟apprends à l‟école ». - 313 -
Mais en même temps, certains élèves soutiennent qu‟il y a contradiction entre ce qu‟ils apprennent à l‟école et ce qu‟ils entendent chez eux. Voici deux réponses caractéristiques à ce sujet : « Bien sûr. Mes parents essaient de montrer la vérité objective et pas un produit nationaliste » et « je pense que les approches de ma famille sont plus proches de la vérité historique que celles de l’école qui utilise les événements de manière commerciale ». Ce que nous pouvons retenir également ici est qu‟une grande partie des familles de notre échantillon ne discute pas de sujets historiques concernant la Grèce. Ainsi le rôle de l‟école et son intervention idéologique sont-ils plus importants et peut-être uniques. Mais si nous prenons en compte les réponses d‟une partie des élèves de notre recherche qui soutient que l‟image du Soi national-Grec est exagérée486, nous aboutissons à la conclusion que, bien que les élèves ne discutent pas dans leur entourage social des sujets historique, malgré ça, ils ont une impression générale sur les sujets historiques concernant l‟évolution historique de la Grèce. 7) Est-ce que vous voulez changer le contenu des fêtes mentionnées? Cette question se trouve en relation avec les attitudes des professeurs, car le contenu des réponses montrera si finalement les élèves sont d‟accord ou non avec le contenu des fêtes qu‟organisent les professeurs. La majorité dés élèves répond « non » (14 sur 23), mais une partie d‟entre eux se focalise surtout sur les nouvelles technologies en demandant « des vidéos relatant ou traitant les événements historiques des fêtes célébrées ». En ce qui concerne la minorité qui veut changer le contenu des fêtes (6 sur 23), il y a d‟approches différentes. Précisément une partie des élèves souhaite « de plus nombreuses références aux autres États qui ont aussi lutté pour la liberté », « des analyses historiques qui soient réalisées par des historiens étrangers et objectifs » et même « la suppression complète des fêtes ». Ici, nous avons encore un témoignage que les fêtes sont perçues positivement par les élèves. La grande majorité de notre échantillon demande des changements au niveau technologique, sans émettre de réserves au niveau de contenu. Toutefois nous ne saurions
486
Supra, pp. 310-311.
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laisser de côté le fait qu‟un petit nombre demande des changements ai niveau des messages idéologiques qui passent les fêtes sans oublier le cas de celui qui demande la suppression totale des fêtes. Les réponses de la majorité des élèves, comme aussi des professeurs, témoignent de ce que les fêtes mentionnées constituent une partie de la vie rituelle scolaire que personne ne veut supprimer. Trois élèves n‟ont pas répondu.
8)
Êtes-vous pour ou contre la suppression des fêtes? Pourquoi ?
Et la question finale vise à savoir si finalement les élèves proposent des solutions radicales concernant les fêtes mentionnées ou au contraire si ces fêtes constituent un rituel traditionnel et non négociable pour la vie scolaire grecque. La grande majorité des élèves se dit en faveur du maintien des fêtes (18 sur 23), alors qu‟une petite minorité est pour sa suppression (4sur 23). Un élève n‟a pas répandu. Les élèves qui sont pour le maintien des fêtes soutiennent que « par les fêtes nationales scolaires nous commémorons les événements historiques de notre patrie et les sacrifices de nos ancêtres », que « par ces fêtes nous apprenons de nouvelles choses ». En ce qui concerne les élèves qui sont pour la suppression des fêtes, ils soutiennent que « elles sont répétitives et pour cette raison lassantes » et qu‟ « elles mettent en avant une image exagérée et nationaliste ».
Conclusions Les réponses des élèves de notre recherche présentent un intérêt particulier car elles se trouvent partiellement en contradiction avec les attitudes des professeurs sur les fêtes nationales scolaires. En bref, certaines contradictions remarquables sont :
Alors qu‟une grande partie des professeurs déclare que les élèves ne
s‟intéressent pas aux fêtes, de nombreux élèves déclarent y être attachés.
En ce qui concerne la non participation aux fêtes, plusieurs élèves affirment
que ce n‟est pas par manque d‟intérêt mais avancent une série des raisons qui étayent leur position.
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En ce qui concerne le caractère religieux de la fête du 25 Mars, une partie
importante des élèves valorise cet aspect de la fête, alors que la grande majorité des professeurs l‟organise autour de son caractère national.
Alors que la grande majorité des professeurs organise les fêtes nationales
scolaires en dehors de tout penchant extrémiste, une partie des élèves trouve ces fêtes nationalistes et exagérées.
Alors que la grande partie des professeurs organise les fêtes dans une logique
traditionnelle – cela se fait à l‟école depuis des décennies –, la majorité des élèves pensent cependant que l‟image du Grec présentée, est une image exagérée et loin de la vérité. Enfin, nous considérons comme un point important que la grande majorité des élèves déclare qu‟elle ne reçoit, de sa famille ou de son entourage social, aucune influence qui contesterait soit le contenu des fêtes nationales scolaires, soit l‟historie scolaire. Cela signifie, selon toujours le petit échantillonnage de notre recherche, qu‟en Grèce l‟école joue un rôle principal dans la formation de l‟identité nationale grecque des élèves, alors que la famille et l‟entourage social un rôle secondaire. Bien sûr, comme nous l‟avons déjà signalé, notre recherche sur les élèves constituait une approche supplémentaire à notre recherche principale qui concerne l‟attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales scolaires comme moyen à la formation de l‟identité nationale grecque. Notre but est d‟enrichir notre optique scientifique concernant les professeurs et de ne pas travailler seulement avec les élèves. Une recherche exclusivement avec les élèves supposerait bien évidement un échantillonnage plus grand, probablement une approche méthodologique plus complexe et une analyse plus fine et détaillée des données. En effet notre intention n‟est pas d‟analyser les réactions des élèves, mais de comprendre quel est l‟écho qu‟ont finalement les fêtes mentionnées organisées par les professeurs de Lettres. Bien évidement, l‟influence des fêtes nationales sur les élèves est un sujet scientifique très important et central, mais notre recherche se situe dans le domaine de la sociologie et notre but principal était de rechercher la relation entre la manifestation de l‟identité nationale des professeurs par les fêtes nationales en rapport avec certaines de leurs caractéristiques variables sociales. Par conséquent, la recherche avec les élèves constitue une partie de la recherche principale et simplement elle enrichit notre optique initiale.
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Conclusions L‟auteur de cette étude est arrivé à la fin de sa recherche. Son effort initial de poser un autre regard et de proposer une autre approche sur la relation entre l‟École et l‟Identité nationale touche à sa fin. Il s‟agit d‟une tentative scientifique de poser une problématique différente sur le rôle de l‟École publique en Grèce dans la formation de l‟identité nationale grecque et plus précisément de rechercher les attitudes des professeurs du secondaire par rapport aux fêtes nationales scolaires comme moyen de construction de l‟identité nationale en Grèce contemporaine. Au terme de cinq ans d‟un travail patient et d‟une série de problèmes et de difficultés, il a donné un certain nombre de réponses, en même temps, aux interrogations principales et secondaires que nous nous étions posées au début de notre recherche. Fête nationale, Nation, État, École, Professeur, Attitude, Identité nationale, Elève et concepts et notions parentes ont jalonné cette étude. Toutes ces notions qui s‟entrecroisent entre elles et qui constituent d‟ordinaires des sujets de conversations banales, quotidiennes, ont été revisitées de manière plus systématique, plus méthodique. Bien sûr, malgré certaines difficultés que nous avons rencontrées concernant l‟Identité nationale, un sujet très sensible et ambigu pour l‟imaginaire collectif des Grecs actuels, finalement nous avons abouti à certaines conclusions qui donnent à la fois une image globale et détaillée. En commençant par la première conclusion, nous avons été amenés à constater que tant l‟État grec que les professeurs du secondaire qui organisent les fêtes nationales dans l‟espace scolaire, ne les considèrent-ils pas comme un outil important ou efficace pour la formation de l‟identité nationale des élèves Grecs. En ce qui concerne le Ministère d‟Éducation grec, la réalisation des fêtes nationales scolaires constitue un processus scolaire pour lequel le Ministère ne donne aucune instruction concernant leur réalisation tant au niveau organisationnel qu‟au niveau du contenu. Par conséquent, les professeurs organisent les fêtes nationales selon leurs convictions personnelles, mais comme nous l‟avons déjà signalé dans un cadre habituel et traditionnel sans extrémismes ni innovations idéologiques. En ce qui concerne la relation entre les fêtes nationales scolaires et les professeurs qui constituent le sujet principal de notre étude, les fêtes mentionnées constituent un processus sans intérêt considérable pour la majorité des professeurs de Lettres qui les organisent. Ces
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fêtes constituent pour eux surtout une obligation professionnelle qui n‟a pas d‟influence prépondérante sur la formation de l‟identité nationale des élèves, bien que l‟ensemble soit opposé à leur suppression. Pourtant, quand ils organisent des fêtes nationales dans l‟espace scolaire, à cause surtout de la tradition et des habitudes scolaires, ils ne peuvent pas éviter l‟influence idéologique de ces fêtes sur la formation de l‟identité nationale de leurs élèves. Bien qu‟ils pensent que le rôle et l‟influence de fêtes mentionnées n‟est pas considérable, ils manifestent indirectement par ces fêtes une identité nationale soit modérément négative, soit modérément positive, c‟est-à-dire une identité qui est caractérisée par des approches idéologiques ni internationalistes, ni nationalistes, mais au contraire une identité qui engage le Soi national et la place de la Grèce en Europe et dans le monde entier modérément et sans extrémismes : une identité qui se réfère au « passé glorieux » des Grecs et en même temps critique la réalité grecque actuelle en toute bonne foi. Elle met en avant des valeurs universelles (liberté, égalité etc.) mais quand elle touche au Soi national-Grec, leurs formulations sont assez ethnocentriques. Elle entretient des rapports discrets avec l‟antiquité grecque mais sans distinction claire entre l‟Antiquité et l‟actuel. Elle accepte la confession orthodoxe comme une partie de l‟identité nationale grecque mais elle lui donne plus un caractère culturel que religieux. Et enfin, elle accepte la mondialisation comme un phénomène inéluctable que nous devons envisager sans panique tout en conservant toujours les spécificités de la nation grecque. Alors que notre hypothèse initiale penchait pour l‟existence de deux groupes de professeurs, un qui manifeste une identité démocratique, extravertie et tolérante et un groupe qui manifeste une identité nationale intolérante et intravertie, finalement la grande majorité des professeurs ne se situe pas aux deux pôles mentionnés idéologiquement contrastés, mais elle manifeste une identité nationale entre les deux directions ci-dessus, c‟est-à-dire une identité nationale modérée, malgré les différenciations détaillées qui existent. Alors que nous pensions que la grande majorité des professeurs se trouvent dans deux directions complètement différentes (l‟une démocratique et l‟autre autoritaire), finalement nous avons conclu que la grande majorité se trouve entre deux directions idéologiques rapprochées qui visent à la construction d‟une identité nationale soit modérément négative, soit modérément positive, mais à tous cas ni complètement positive, ni complètement négative. En ce qui concerne les caractéristiques - variables sociologiques particulières des professeurs (convictions politiques, culture associative - participative, génération, contact quotidien) que nous avons intégrées à notre recherche pour avoir une image détaillée de la - 318 -
population étudiée, nous avons conclu qu‟existent des différenciations conformes à nos hypothèses initiales. En ce qui concerne notre hypothèse concernant les convictions politiques des professeurs et plus précisément que les professeurs qui appartiennent à la Gauche manifestent une identité nationale plus extravertie et démocratique par rapport aux professeurs qui appartiennent à la Droite, cette hypothèse se vérifie en grande partie car la grande majorité des professeurs qui appartiennent à la Gauche (englobant la Gauche et la Centre-gauche) manifeste une identité nationale modérément positive, alors que la majorité des professeurs qui appartiennent à la Droite (englobe la Droite et la Centre-droite) manifeste une identité nationale surtout modérément négative. En ce qui concerne les professeurs qui se déclarent comme hommes du Centre, ils sont partagés entre les deux catégories précédentes. En ce qui concerne notre hypothèse concernant la culture associative - participative des professeurs et plus précisément le fait que les professeurs avec une culture associative participative manifestent une identité nationale différente de celle promue par les professeurs sans culture associative - participative, notre hypothèse initiale ne se vérifie pas car tant les professeurs avec culture associative - participative que les professeurs sans culture associative - participative manifestent une identité nationale modérément positive ou modérément négative. Ces deux catégories se partagent entre les deux directions mentionnées sans différentiations remarquables. Ici, il faut bien signaler que la grande majorité des professeurs avec culture associative - participative se limite surtout aux associations culturelles et aux associations de l‟Église et non aux associations à caractère social et politique. Par conséquent ce phénomène explique, dans une grande mesure, l‟infirmation de notre hypothèse mentionnée. En ce qui concerne notre hypothèse concernant la génération des professeurs et plus précisément que les professeurs les plus âgés manifestent une identité nationale différente des professeurs plus jeunes, cette hypothèse se vérifie en beaucoup de points car les professeurs les plus âgés (génération de l‟École polytechnique) manifestent dans leur majorité, par les fêtes nationales scolaires, une identité nationale modérément positive, alors que les professeurs les plus jeunes manifestent une identité surtout modérément négative. Finalement, en ce qui concerne l‟hypothèse concernant le contact quotidien ou non des professeurs avec des élèves étrangers et plus précisément que les professeurs qui viennent en contact quotidiennement avec les élèves étrangers manifestent une identité nationale différente par rapport aux professeurs qui viennent en contact rare avec les élèves étrangers, cet hypothèse initiale s‟avère partiellement exacte car la grande majorité des professeurs qui - 319 -
viennent en contact quotidien avec les élèves étrangers, manifestent une identité nationales surtout modérément positive alors que la majorité des professeurs qui viennent rarement avec élèves étrangers, manifestent une identité nationale surtout modérément négative. En ce qui concerne la deuxième partie de notre recherche qui traite de l‟attitude des professeurs par rapport à la participation égale ou non des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, notre conclusion finale est que la grande majorité des professeurs, indépendamment de leurs caractéristiques sociologiques, envisage la participation des élèves aux fêtes mentionnées complètement positivement et également. Ils ne font aucune distinction envers les élèves étrangers à cause de leur nationalité ou de leurs convictions religieuses. Tant les convictions politiques que la culture associative - participative, la génération et le contact quotidien ou non avec les élèves étrangers, toutes ces caractéristiques n‟influencent pas les professeurs par rapport à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Mais hormis les conclusions principales concernant nos hypothèses (vérification absolue, vérification en majorité ou partiellement, infirmation absolue, infirmation en majorité ou en partie), toute une série d‟autres conclusions secondaires enrichissent notre recherche et notre appréhension de la situation en témoignant que la réalité sociale est plus complexe et variable par rapport aux hypothèses scientifiques. Une lecture attentive de ces conclusions, mentionnées dans les chapitres correspondants ci-dessus, nous aidera à tirer des résultats utiles concernant l‟attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales scolaires comme moyen pour la formation de l‟identité nationale grecque et des résultats utiles concernant leur attitude par rapport à certaines de leurs caractéristiques sociologiques. Ici, nous devons faire une mention particulière à la conception que se font les professeurs de notre recherche du rôle qu‟ils ont à jouer dans l‟organisation des fêtes. Malgré le désintérêt relatif d‟une partie des professeurs et malgré la répétition habituelle depuis les décennies des fêtes mentionnées, la grande majorité des professeurs adopte vraiment le rôle d‟un agent scolaire et social qui veut faire passer des messages idéologiques modérés sans extrémisme ni fanatisme. En ce qui concerne la participation des élèves allochtones aux fêtes nationales scolaires, le rôle du professeur comme facteur de la coexistence égale et pacifique des élèves dans l‟espace scolaire, indépendamment de la nationalité et des choix religieux, est beaucoup plus remarquable. Presque la totalité des professeurs envisage positivement la participation des élèves des autres nationalités et des confessions religieuses aux fêtes de notre recherche. - 320 -
Enfin, en ce qui concerne l‟adhésion des élèves aux messages idéologiques que font passer les professeurs, malgré le petit nombre de participants qui peut rendre contestable la validité de notre affirmation, nous signalons qu‟une partie remarquable des élèves se différencie sur toute une série de sujets concernant le caractère et le contenu des fêtes mentionnées par rapport aux professeurs qui les organisent. Parallèlement aux conclusions précédentes et aux différenciations mentionnées cidessus, notre recherche voulait, et dans une grande mesure elle y est parvenue, donner une autre vision et une autre approche concernant l‟usage des fêtes nationales scolaires de la part des professeurs de secondaire et des relations qui existent entre l‟identité nationale grecque qu‟ils manifestent et de certaines de leurs caractéristiques sociologiques. Notre recherche visait aussi, et dans l‟ensemble l‟objectif est atteint, intégrer une nouvelle problématique sur la relation entre les fêtes nationales scolaires, les professeurs et l‟identité nationale grecque cultivée par ces fêtes. En même temps, au cours de notre recherche et dans son sillage, ont été générées une série d‟autres problématiques et de questions qui montrent toute la complexité de notre sujet et ses prolongements idéologiques, politiques et sociaux. Ainsi, nous pouvons nous demander : Quelle est l‟importance globale (fêtes nationales scolaires, manuels scolaires, décoration de l‟espace scolaire, professeurs, politique du Ministère, politique de la Communauté Européenne) du rôle d‟École publique dans la formation de l‟identité nationale actuelle en Grèce ? Quel est le rôle de la télévision, de l‟Internet, de la famille et de l‟entourage social dans la formation de l‟identité nationale grecque ? Est-ce que le Ministère d‟Éducation pourrait intervenir dans l‟organisation des fêtes nationales scolaires et si oui, dans quelle direction ? Pourquoi l‟Europe, le processus de son unification et la construction d‟une identité européenne ne constituent-ils pas un sujet de débat et une problématique pour les professeurs ? Quels sont les attitudes des enfants et de leurs parents concernant les fêtes nationales scolaires et leur rôle dans la formation de l‟identité nationale grecque ? Les professeurs qui envisagent également et positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, sont-ils également favorables aux relations amicales ou sexuelles avec les gens des autres nationalités et surtout des étrangers qui viennent de pays pauvres comme des Albanais, Pakistanais etc. ? Les professeurs qui envisagent également et positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, envisagent- 321 -
ils sur un pied d‟égalité les immigrants des pays de l‟Est et des pays de l‟Ouest ? Autrement dit, dans l‟imaginaire de ces professeurs les Albanais et les Pakistanais ont-ils une place égale par rapport aux Français et aux Anglais ou s‟agit-il de paroles en l‟air ? Y a-t-il cohérence entre la parole des professeurs et leur action sur le terrain ? Réalisent-ils ce qu‟ils nous disent ou font-ils le contraire ? Comment pouvons-nous adapter l‟École et les fêtes nationales scolaires aux besoins actuels ? Comment pouvons-nous adapter des politiques scolaires correspondantes des autres pays, selon toujours à la réalité grecque? Comment pouvons-nous intégrer régulièrement les élèves allochtones à la vie scolaire et sociale ? Comment pouvonsnous enrichir notre histoire avec des cultures locales et des cultures d‟autres peuples et surtout de peuples avoisinants ? Comment pouvons-nous construire une identité nationale dans laquelle coexisteront pacifiquement d‟autres identités comme par exemple celle de l‟Européen ? Et finalement, comment pouvons-nous construire une identité œcuménique sur la quelle nous pourrons construire un monde pacifique et tolérant ? Toutes ces questions constituent un nouveau terrain scientifique qui ouvre à d‟autres chercheurs une matière à de nouvelles études. Finalement, nous aboutissons à la thèse que les professeurs de Lettres manifestent par les fêtes nationales scolaires une identité nationale soit modérément négative, soit modérément positive, comme nous avons expliqué en détail plus haut, et voient d‟un œil favorable et sur un pied d‟égalité par rapport aux élèves autochtones, la participation des élèves étrangers aux fêtes mentionnées. Bien sûr, les attitudes des professeurs sont caractérisées par un grand nombre de nuances différentes à cause de complexité de la vérité sociale et des facteurs qui l‟influencent.
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des
Professeurs
de
l‟Enseignement
Secondaire
(OLME) :
Fonds Monnétaire international (FMI) : http://www.imf.org Institut de la Politique de l‟Immigration (IMEPO) : http://www.imepo.gr/ Ministère de l‟immigration, de l‟intégration, de l‟identité nationale et du codéveloppement : http://www.immigration.gouv.fr Ministère de l‟Intérieur de la Grèce : http://www.ypes.gr Nations Unies : http://www.un.org/fr Parti Communiste de la Grèce (KKE) : http://www.kke.gr République Hellénique – Ambassade de Grèce en France : http://www.amb-grece.fr Secrétariat générale de la Nouvelle Génération : http://www.neagenia.gr Syndicat national des http://www.snes.edu
enseignements
de
Journaux, magazines Eleutherotypia : http://www.enet.gr Ethnos: http://www.ethnos.gr
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second
degré
en
France
(SNES)
:
Figaro : http://www.lefigaro.fr Kathimerini : http://www.kathimerini.gr Le nouvel Observateur : http://tempsreel.nouvelobs.com/index.html L‟Express: http://www.lexpress.fr Ta Nea: http://www.tanea.gr To Vima: http://www.tovima.gr
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- 336 -
Index des auteurs Adorno (T.W.), 129, 24
Delpérée (F.), 224, 326, 334
Aggelou (A.), 164, 324
De Swann (A.), 79, 80, 327
Agulhon (M.), 37, 55, 324, 333
Demorgon (J.), 29, 30, 327
Allport (G.), 115, 123
Di Giacomo (J.P.), 77, 327
Anderson (B.), 87, 107, 324
Dimaras (C.Th.), 140, 141, 152, 153, 327
Antoine (P.), 224, 225, 324
Dimitrijevic (D.), 160, 325, 327
Askouni (N.), 24, 215, 234, 235, 324, 328
Divani (E.), 143, 327
Babadzan (A.), 160, 325
Doise (W.), 77, 327
Bangerter (A.), 74, 75, 76, 325
Dragone (Th.), 22, 24, 50, 215, 234, 235,
Beck (H.G.), 136, 325
327, 328
Berger (I.), 68, 325
Dubet (F.), 43-47, 236, 328
Berlin (I.), 96, 139, 148, 149, 150, 151,
Dumont (L.), 97, 101, 150, 328
325
Durkheim (E.), 42, 43, 91, 107, 176, 328
Berstein (S.), 89, 325
Duvignaud (J.), 60, 328
Bertaux (D.), 185, 235, 325
Elefantis (A.), 20, 328
Birnbaum (P.), 104, 330
Eysenck (H.J.), 122, 203
Blanchet (A.), 191, 192, 325
Felouzis (G.), 233, 328
Bonidis (K.), 61, 325
Ferrand-Bechmann (D.), 48, 80, 224, 228,
Bordes-Benayoun (C.), 38, 39, 40, 325
328
Boudon (R.), 177, 325
Ferro (M.), 47, 328
Bourdieu (P.), 173, 174, 326
Festinger (L.), 126
Bruter (A.), 47, 326
Fichte (J.G.), 94, 96, 97, 132, 149, 150,
Capsalis (A.), 171, 326
151, 329
Chabot (J.L.), 97, 98, 99, 326
Filloux (J.C.), 123, 329
Charalampous (D.), 171, 326
Fourquet (F.), 124, 329
Charlot (B.), 47, 326
Fragoudaki (A.), 24, 50, 215, 235, 324,
Chauvel (L.), 229, 230, 231, 326
327, 328, 329
Cohen (M.), 222, 228, 326, 330
Gadamer (H.G.), 89, 90, 329
Curien (P.), 73, 77, 78, 79, 82, 326
Gazi (E.), 66, 329
Dabdab Trasuldi (J.A.), 52, 326
Gellner (E.), 41, 86, 87, 88, 96, 100, 134,
Dagkas (A.), 132, 156, 1165, 326
148, 329
- 337 -
Germanos (D.), 41, 329
Linton (R.), 120, 122, 123, 124, 174, 329,
Girard (P.), 96, 329
332
Goffman (E.), 235, 236
Liot (F.), 233, 328
Gotman (A.), 191, 192, 325
Mademlis (I.), ix, 48, 332
Grawitz (M.), 115, 119, 120, 122, 126,
Magnette (P.), 225, 226, 332
128, 130, 203, 307, 308, 329
Maisonneuve (J.), 115-118, 121, 271, 332
Hegel (G.W.), 97, 98
Manessis (A.), 140, 142, 143, 145, 332
Herbillon (M.), 197, 329
Manitakis (A.), 284, 332
Hervieu-Léger (D.), 104, 105, 107, 108,
Martin (D.G.), 59, 78, 109, 332
109, 112, 330
Mayaffre (D.), 215, 332
Herder (H.G.), 97,132, 149-153, 325, 330
Mazoyer (B.), 175, 331
Hobsbawm (E.J.), 78, 87, 88, 95, 101,
Mercier (A.), 50, 54, 57, 58, 62, 332
109, 158-162, 330
Merton (R.K.), 115, 116
Hroch (M.), 101
Moschonas (G.), 213, 215, 216, 333
Iliou (F.), 146, 330
Moscovici (S.), 63, 64, 104, 325
Indjessiloglou (N.), 165, 166, 330
Mucchielli (A.), 72, 73, 92, 333
Ion (J.), 228, 330
Noiriel (G.), 38, 39, 40, 51, 86, 103, 211,
Jamét (C.), 41, 332
333
Javeau (C.), 307, 330
Nourrisson (D.), 47, 91, 336
Jodelet (D.), 73, 330
Ozouf (M.), 59, 333
Kaufmann (J.C.), 226, 330
Palmonari (A.), 77, 327
Kitromilidis (P.), 135, 136, 137, 138, 141,
Pantelidou-Malouta (M.), 231, 333
142, 144, 146, 147, 150, 151, 154,
Pech (R.), 55, 333
155, 331
Perroton (J.), 233, 328
Koliopoulos (I.), 162, 331
Perrenoud (D.), 69, 333
Kouzelis (G.), 215, 234, 235, 328
Piaget (J.), viii, 333
Lahire (B.), 175, 176, 331
Pimienta (D), 197, 334
Laidie (F.), 54, 331
Poitou (J.P.), 127, 334
Lautery (J.), 175, 331
Proste (A.), 42, 334
Le Goff (J.), 49, 270, 331
Raes (J.), 227, 334
Le Guillou (M.J.), 200, 331
Ranger (T.), 78, 160, 330
Leliepvre-Botton (S.), 55, 331
Renan (E.), 84, 107, 334
Lenoir (Y.), 41, 332
Rivero (J.), 224, 334
Liakos (A.), 157, 332
Rivière (C.), 55, 59, 334 - 338 -
Roger (A.), 87, 99, 100, 334
Tsoukalas (K.), 20, 335
Rousseau (J.J.), 54, 55, 142, 144, 145, 334
Tutiaux-Guillon (N.), 47, 90, 91, 326, 336
Schnapper (D.), 38, 39, 40, 42, 98, 113,
Vakalopoulos (K.), 156, 336
234, 325, 334
Van Geert (P.), 175, 331
Simmons (A.B.), 197, 198, 199, 335
Veremis (Th.), 137, 159, 162, 331, 336
Skopetea (E.), 153, 157, 158, 159, 335
Vico (G.), 96, 132, 149-154, 325, 329, 336
Smith (D.A.), 82, 83, 94, 101, 112, 335
Von Barloewen (C.), 199, 336
Sourlas (P.), 93, 335
Vultur (M.), 196, 336
Stanley (D.), 222, 223, 227, 335
Weber ( M.), 177, 222, 336
Svoronos (N.), 132, 335
Weil (A.M.), viii, 336
Thiesse (A.M.), 41, 83, 84, 85, 335
Wieviorka (M.), 174, 211, 212, 336
Tosti (J.), 196, 335
Xypas (C.), 41, 336
- 339 -
Index thématique Ancrage, 74, 75, 76, 176
Brigand, 160, 161, 162
Anthestéries, 52, 53
Carte d‟identité, 18, 218
Attitude (concept), 114-130,
Conscience de classe, 79
-
d‟agression, 117
-
d‟ajustement, 119
-
d‟apostasie, 117
Conscience de génération, 230, 232
-
changement, 125
Conscience historique, 47, 49, 89, 90,
-
cognitive, 118
-
collective, 122, 123
-
de connaissance, 119
135, 136, 146, 162, 163, 164,
-
de contact, 117
166, 173, 250, 255, 280
-
de défense, 119
-
d‟engagement, 115
-
d‟expression, 119
Conscience religieuse, 19, 136
-
de fonctionnaliste, 115
Conscience sociale, 268
-
de formaliste, 116
Conscience de Soi, 78, 113, 229
-
d‟innovation, 115
Culture associative - participative, 35,
-
d‟observation, 117
168, 169, 174, 184, 221, 222,
-
de permission, 117
225, 229, 244, 246, 277, 278,
-
de pression, 117
279, 281, 283, 297, 298, 299,
-
de prévision, 129
318, 319, 320
-
Régulatrice, 118
Culture de masses, 85, 195
-
Relationnelle, 117
Culture nationale, 39, 40, 82, 89
-
de retrait, 115, 116
Culture politique, 39, 88, 89, 215, 216,
-
de révolte, 115, 116
-
Rigidité, 126
Défilé militaire, 55, 64
-
Tonique, 118
Défilé scolaire, 64, 65, 189, 245
-
Typolatrie, 115
Désidentification, 79, 80, 327
Conscience collective, 60, 96, 107, 232, 267
91, 133, 326, 329, 336 Conscience nationale, 48, 87, 132, 134,
Conscience pré-nationale, 134, 135, 136
231, 325, 333
Armatole, 160, 161, 162, 265
Dissonance, 126, 127, 128, 304, 334
Autre national-Étranger, 61, 192, 207,
Dionysies Grandes, 52, 53
258, 287, 289, 299
Dionysies Rurales, 52, 53
- 340 -
État, 13, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25,
Doctrine du Fascisme, 99 Doctrine hellénochrétienne, 63, 65,
29, 31, 33, 36, 37, 39, 40, 41, 42,
132, 133, 138, 147, 148, 149,
44, 47-51, 53, 57, 58, 59, 61, 63,
151, 152, 154, 156, 159, 165,
64, 65, 72, 79, 82, 85-89, 91, 94,
166, 193, 194, 199, 201, 244,
97, 98, 99, 101, 104, 107, 109, 123,
247, 251, 253, 254, 261, 262,
134-139, 142-145, 147, 148, 149,
263, 279, 291, 298, 299, 303,
152-160, 166, 171, 200, 211, 215,
304, 312
216, 218, 221, 226, 231, 232, 245,
École clandestine, 160, 163, 164,
254, 261, 265, 266, 267, 273, 275,
166, 265, 287, 324
280, 311, 314, 317, 333, 335
École interculturelle, 17, 185
État-nation, 37, 38, 39, 40, 41, 97, 100,
Éducation populaire, 48, 49, 328
113, 133, 166, 210, 211, 261,
Église, 13, 18, 19, 20, 29, 54, 65, 66,
332
105, 111, 137, 138, 139, 169, 140,
Fascisme, 57, 83, 99, 129, 186, 269
141, 144, 147, 151, 154, 163, 164,
Fête de l‟Antiquité, 51-53
188, 200, 201, 218, 227, 230, 240,
Fête nationale scolaire, 26, 28, 34, 60,
241, 244, 245, 249, 250, 251, 253,
61, 63, 118, 121, 128, 133,
254, 267, 273, 275, 279, 280, 281,
135-138, 143, 147, 155, 165, 168,
284, 287, 298, 299, 312, 313, 319,
174, 178, 185, 188, 201, 208, 209,
332, 335
210, 221, 239, 240, 241, 243, 244,
Église orthodoxe, 18, 19, 20, 63, 65,
247, 250, 252, 253, 256, 257, 260,
137, 138, 159, 163, 165, 166,
261, 263, 264, 265, 267, 268, 271,
200, 280
273, 275, 278, 279, 283, 286, 288,
Enseignant
289, 290, 293, 295, 297-303, 305, -
animateur, 69, 289
306, 308, 309, 313, 315, 316, 317,
-
crédible, 69
319-322
-
garant de la Loi, 69
Fête révolutionnaire, 51, 54
-
intellectuel, 70
Fête totalitaire, 57, 58
-
médiateur interculturel, 69,
Folklore, 39, 55, 83, 84, 85, 333
289
Génération, 23, 25, 26, 41, 59, 60, 68,
-
-
organisateur
de
vie
85, 103, 153, 155, 163, 168, 169,
démocratique, 70, 121, 238,
174, 184, 185, 198, 229-233, 246,
289
282, 283, 284, 300, 319, 320, 323,
passeur culturel, 70
325, 326 - 341 -
Gonotype
186, 188, 193, 194-199, 201-206, -
théorique, 116
209, 244, 239, 240, 244, 246-249,
-
pratique, 116
251, 252, 256, 261, 318, 335, 336
-
politique, 117
Mythe, 4, 49, 57, 99, 109, 112, 113, 132,
-
sensible, 117
149, 156, 159, 160, 163, 164, 165,
-
social, 117
166, 287, 324
-
religieux, 117
Nation “révolutionnaire”, 93, 94, 95,
Habitus, 173, 176, 235
98 Nation “romantique”, 95, 98, 99, 112,
Habitus nationale, 40, 86 Idée (Grande), 156-159, 332, 335
149
Identification, 51, 77, 79, 80, 81, 85,
Nationalisme, 13, 18, 30, 65, 69, 86,
86, 104, 106, 110, 111, 112, 156,
87, 88, 91, 96, 97, 99, 100, 101,
160, 191, 201, 213, 217, 227, 279,
102, 108, 109, 134, 135, 137, 138,
280
154, 159, 160, 166, 188, 200, 212,
Identité collective, 41, 91, 92, 132,
215, 216, 251, 279, 291, 309, 311,
134, 137, 199, 214, 284
324-329, 331, 334, 335, 336
Identité nationale (concept), 72-113
National-socialisme, 58, 99
Identité politique, 167, 214, 231, 276
Objectivation, 74, 75, 76
Identité sociale, 76, 90, 92
Opinion, 20, 27, 31, 70, 76, 89, 91,
Imaginaire, 19, 21, 57, 64, 77, 87,
111, 114, 119, 122, 125, 126, 127,
132, 133, 144, 156, 164, 166,
130, 146, 155, 190, 206, 243, 248,
216, 265, 267, 287, 291, 317,
249, 251, 255, 263, 267, 269, 271,
322, 324, 331
290, 291, 304, 307, 309, 310
Immigration clandestine, 16, 22
Orthodoxie, 18, 20, 24, 35, 57, 155,
Légende, 4, 64, 76, 84, 132, 149, 159-163,
167, 186, 193, 199, 200, 201, 205,
165, 166, 287
250, 253, 254, 279, 280, 291, 328,
Lénées 52
331
Lumières néohelléniques, 132, 136,
Personnalité, 40, 47, 60, 68, 83, 91,
137, 138, 140-143, 144, 147,
116, 119-123, 126, 129, 147,
152, 154, 155, 156, 166, 186,
203, 235, 237, 245, 287, 324,
266, 267, 327, 331
329, 332
Monnaie, 25, 37, 38, 83, 85, 211
Personnalité autoritaire, 129, 203, 324
Mondialisation, 13, 14, 22, 32, 35, 111,
Polyphasie cognitive, 75, 76
- 342 -
Programme Détaillé d‟Études - curricula,
Soi national-Grec, 27, 193, 201, 203,
34, 171, 241, 243
204, 209, 244, 245, 246, 248, 262,
Religion, 18, 19, 29, 54, 74, 85, 96, 97,
263, 268, 310, 314, 318
104-112, 99, 136, 142, 144, 145,
Statut, 20, 29, 39, 75, 90, 120, 174,
146, 149, 150, 165, 166, 199, 203,
200, 212, 214, 225, 233, 235, 236
218, 219, 230, 245, 249, 250, 254,
Synode (Saint), 20
267, 273, 275, 279, 280, 291, 292,
Tradition inventée, 159, 160, 265
312, 313, 326
Ultranationalisme, 215, 216
Représentation sociale, 73, 74, 76, 77,
Valeur morale, 81, 93
78, 114, 304
Valeur sociale, 72, 73, 123, 124
Rôle (concept), 120, 121 Romantisme, 95, 96, 113, 132, 134, 139, 140, 147, 148, 152, 155, 156, 325, 327
- 343 -
ANNEXES UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES- SAINT-DENIS Département des Sciences de l‟Education
UNIVERSITÉ ARISTOTE DE THESSALONIQUE Département des Sciences de l'Éducation préscolaire
Thèse de doctorat en cotutelle entre l’Université Paris 8 (France) et l’Université Aristote (Grèce) Thèse de doctorat présentée par Ilias MADEMLIS FÊTES NATIONALES SCOLAIRES ET IDENTITÉ NATIONALE EN GRÈCE CONTEMPORAINE L’attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l’école comme moyen de construire l’identité nationale grecque
Sous la direction de Mme Dan FERRAND-BECHMANN, professeur de l‟Université Paris 8, et de M. Alexandros DAGKAS, professeur associé de l‟Université Aristote
Membres du jury Dan FERRAND-BECHMANN, professeur (Université Paris 8, France) Alexandros DAGKAS, maître de conférences [professeur associé] (Université Aristote, Grèce) Bruno PÉQUIGNOT, professeur (Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, France) Stavros KAMAROUDIS, maître de conférences [professeur assistant] (Université de Macédoine de l‟West, Grèce)
PARIS juillet 2010
- 344 -
- 344 -
ANNEXES
Thèse de doctorat en cotutelle entre l‟Université Paris 8 (France) et l‟Université Aristote (Grèce)
Thèse de doctorat présentée par Ilias MADEMLIS
FÊTES NATIONALES SCOLAIRES ET IDENTITÉ NATIONALE EN GRÈCE CONTEMPORAINE L‟attitude des professeurs par rapport aux fêtes nationales à l‟école comme moyen de construire l‟identité nationale grecque Sous la direction de Mme Dan FERRAND-BECHMANN, professeur de l‟Université Paris 8, et de M. Alexandros DAGKAS, professeur associé de l‟Université Aristote
ANNEXE I : Tableaux, figures
346
ANNEXE II: Discours solennels indicatifs
356
ANNEXE III: Photos
358
ANNEXE IV : Entretiens
362
PARIS juillet 2010
- 345 -
ANNEXE I Tableaux Tableau I : Chiffre des immigrants en Grèce 900.000
1.000.000 900.000 800.000 700.000 600.000 500.000 400.000 300.000 200.000 100.000 0
200.000
Hors de la communaut é européenne
Grecs rapatriés
Communau té européenne
50.000
Tableau II : L’appartenance ethnique des immigrants en Grèce 60%
52%
50% 40% 30%
22%
20%
14%
12%
ASIAT.
AFR. ARAB.
10% 0% ALBAN.
EUR.EST BALK.
Tableau III : Chiffre des élèves étrangers à l’École grecque - Année scolaire 2006-2007 Niveau
Ensemble
Elèves
Elèves grecs
d’éducation
des élèves
allochtones
Rapatriés
École primaire
532.735
48.175
6.100
Collège - Lycée
535.184
37.584
10.392
École technique
97.039
7.566
3.237
Ensemble
1.164.958
93.325
19.729
- 346 -
Tableau IV : Chiffre des élèves allochtones à Athènes et à Thessalonique 23.454
25.000 20.000 15.000 10.000 4.378
5.000 0
Thessalonique
Athènes
Tableau V : Appartenance religieuse - Religiosité NON PRATIQUE RELIGIEUSE «… dans quelle mesure vous diriez-vous pratiquant/e ?» Echelle de mesure 0-10, ou 0 = „pas de tout pratiquant/e‟, 10 = „très pratiquant/e‟. Pays
Positions de l‟echelle 0 1
Grèce (2566) 1,1%
Espagne (1729) 12,2%
Portugal (1511) 4,4%
1,1%
4,3%
2,6%
Angleterre (2052) 14,5% 5,4%
2
1,4%
9,3%
5,4%
9,2%
4,9%
3
2,2%
11,2%
7,5%
9,6%
6,5%
4 5
1,9%
7,4%
7,2%
7,6%
4,9%
9,2%
18,4%
21,1%
17,4%
12,2%
6
8,4%
11,5%
12,3%
10,5%
14,2%
7 8
12,7% 18,9%
10,9% 7,6%
14,7% 12,4%
10,7% 8,3%
17,4% 13,9%
9
18,9%
2,9%
4,3%
3,3%
4,4%
10
24,0%
3,0%
7,1%
3,5%
3,9%
NS/PP
Total Moyenne
0,3%
1,2%
0,9%
0,1%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
7,7
4,5
5,6
4,4
- 347 -
Hollande (2364) 12,6% 5,0%
0,2% 100,0 % 5,1
Tableau VI : Appartenance religieuse - Religiosité (Moyenne) Taux de fréquentation des églises « Combien de fois allez-vous à l‟église, hors mariages, baptêmes, enterrement ?» Pays Grèce (2566)
Espagne (1729)
Angleterre (2052)
Portugal (1511)
Hollande (2364)
Tous les jours
1,0%
1,5%
1,7%
,7%
,1%
Plus d‟une fois par semaine
5,7%
3,7%
4,8%
3,6%
3,5%
Une fois par semaine
20,5%
15,8%
22,2%
8,8%
8,7%
Minimum une fois par mois
28,0%
9,3%
14,8%
6,1%
8,9%
Seulement aux fêtes spéciales (Noël, Paque etc)
28,3%
16,5%
7,9%
12,4%
13,1%
Rarement
12,1%
18,8%
22,3%
18,9%
15,1%
4,1%
33,7%
25,0%
49,4%
50,6%
Jamais NS/PP
,3%
Total
,7%
100,0%
1,1%
100,0%
100,0%
,0%
,1%
100,0%
100,0%
Tableau VII : Prière (Tous les jours - assez de fois dans la semaine) 70,00%
63,70%
60,00%
49,20%
50,00% 40,00%
30%
30,00%
27,60%
32,40%
20,00%
10,00%
- 348 -
Hollande
Angleterr e
Portugal
Espagne
Grèce
0,00%
Tableau VIII : Intérêt pour la politique «… vous intéressez-vous à la politique?» Pays Grèce
Espagne
(2566) Beaucoup
Portugal
(1729)
Angleterre
(1511)
(2052)
Hollande (2364)
9,4%
3,6%
7,7%
10,5%
13,3%
Assez
22,0%
18,2%
30,2%
42,2%
53,6%
Peu
34,0%
39,7%
29,2%
30,0%
24,7%
Pas du tout
34,2%
37,7%
32,4%
17,3%
8,3%
NS/PP
0,4%
Total
100,0%
0,9%
0,5%
100,0%
100,0%
0,0%
0,0%
100,0%
100,0%
Tableau IX : s'intéressant à la politique (Beaucoup - assez)
80,00%
66,90%
70,00% 60,00%
52,70%
50,00%
40,00%
37,90%
31,40%
30,00%
22%
20,00% 10,00%
- 349 -
Hollande
Angleterr e
Portugal
Espagne
Grèce
0,00%
Tableau X : Politique envers les étrangers des pays pauvres hors Europe «… concernant les gens qui viennent de pays pauvres - hors Europe -, le…(pays) doit …» Pays Grèce (2566)
Espagne (1729)
Portugal (1511)
Angleterre (2052)
Hollande (2364)
Permettre à un grand nombre de venir et vivre ici
2,9%
15,1%
5,1%
7,0%
5,8%
Permettre à un certain nombre de venir vivre ici
11,0%
28,6%
30,5%
40,5%
49,2%
Permettre à très peu de venir vivre ici
59,2%
38,9%
36,9%
36,1%
34,1%
Ne permettre à personne de venir vivre ici
23,4%
7,6%
20,3%
14,9%
9,0%
3,5%
9,8%
7,1%
1,6%
2,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
NS/PP Total
Tableau XI : Autorisations accordées à certains immigrants 90,00%
82,00%
80,00% 70,00%
57,00%
60,00%
50,00%
46%
50,00%
43,00%
40,00% 30,00% 20,00% 10,00%
Tableau XII : L’expertise totale de l’immigration 70,00%
59,00%
60,00% 50,00%
20,00% 10,00%
19%
19,00%
Pas du bon/Pas du mal
30,00%
Plutτt fait du bon
40,00%
3,00%
- 350 -
Plutτt fait du mal
Pas de rιponse
0,00%
Hollande
Angleterre
Portugal
Espagne
Grèce
0,00%
Figure I : Conscience historique et identité national Conscience Historique
Aspect temporel : Compréhension du présent grâce au passé Aspects des Valeurs Morales
Aspect identitaire
Identité collective
de présent grâce au passée.
Identité personnelle
Tableau XIII : Chiffre d’hommes et des femmes professeurs des Lettres 10000
8660
9000 8000 7000 6000 5000 4000 3000
1448
2000 1000 0 Femmes
Hommes
Tableau XIV : Chiffre des professeurs qui travaillent à Athènes, à Thessaloniki et en province 7000
6192
6000
5000 4000 2971
3000 2000 1000
945
0 Thessalonique
Athènes
- 351 -
Autres régions
Tableau XV487
La proportion (%) des cinq catégories
La synthèse sociale des étudiants des facultés des Lettres 40 35 30 25 20 15 10 5 0
Categorie 1 Categorie 2 Categorie 3 Categorie 4 Categorie 5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 De l'année universitaire 1972-73 à 1985-86
- Catégorie 1 (Métiers libres, techniques et autres relatifs. Métiers de l‟administration et de la direction). - Catégorie 2 (Métiers qui travaillent aux bureaux et autres relatifs. Commerçants, vendeurs et autres métiers relatifs. Forces militaires). - Catégorie 3 (Métiers concernant l‟agriculture, la pêche et autres relatifs). - Catégorie 4 (Techniciens, ouvriers (sauf l‟agriculture) et manipulateurs des moyens de transport. Ouvriers qui ne peuvent pas être classifiés par métier). - Catégorie 5 (Services personnelles et de l‟animation. Retraites, handicapes et généralement rentiers).
487
Eclaircissement : Les onze catégories sociales données par le SNS sont énumérées ci-dessous mais, nous les avons regroupées en cinq. Cette simplification s‟est faite de manière empirique selon nos perceptions concernant la société grecque et elle nous donne une image plus correcte de la composition sociale de la Grèce. Les onze catégories initiales étaient les suivantes : 1) professions libérales, techniques et autres connexes. 2) Métiers de l‟administration et de la direction. 3) employés de bureau et assimilés. 4) Commerçants, vendeurs et assimilés. 5) Métiers de l‟agriculture, de la pêche et assimilés. 6) Techniciens, ouvriers (hors ouvriers agricoles) et conducteurs des moyens de transport. 7) Services personnels et d‟animation. 8) Ouvriers qualifiés. 9) Personnels militaires. 10) Retraités, handicapés et rentiers. 11) Non déclarés.
- 352 -
Tableau XVI : Pourcentages électoraux des syndicats des professeurs du deuxième degré
SGE
8,70% 2,80%
ESAK
9,50% 3,10% 2007
16,30% 12,50%
MCE
1993
24,60%
PASK
47,70% 37,30% 35,60%
DAKE
0,00% 10,00 20,00 30,00 40,00 50,00 60,00 % % % % % % (Chaque syndicat appartient à un parti politique dont il adopte les positions politiques) 1)
DAKE : appartient politiquement à la partie Néa Dimokratia (Nouvelle
démocratie, Centre-droite). De 35,6% en 1993 à 37,3 % en 2007: + 4,5%. 2)
PASK : appartient politiquement au PASOK (Mouvement socialiste
panhéllenique). De 47,7% en 1993 à 24,6% en 2007 : - 45%. MCE : appartient politiquement au SYRIZA (Gauche rénovatrice). De 12,5%
3)
en 1993 à 16,3% en 2007 : + 30%. 4)
ESAK : appartient politiquement au KKE (marxiste orthodoxe). De 3,1% en
1993 à 9,5% en 2007 : + 207% 5)
Syndicats de la gauche extraparlementaire. De 2,8% en 1993 à 8,7% en
2007 : + 211%.
- 353 -
Tableau XVII : Profession de foi idéologique 40% 35%
34%
30% 25% 19%
20% 15% 15%
12%
10% 4%
5%
4%
3% 1%
Rien de précis
Ecologes
Contre le capitalisme /contre le pouvoir
Communistes
Nationalistes
Conservateurs/ Christianodémocrates
Libérales
Socialistes/Socialodémocrates
0%
Tableau XVIII : Rapport entre le souhait de séparation de l’Église et de l’État et l’auto positionnement sur l’axe politique Gauche - Droite 90% 80%
74%
80% 66%
70%
59%
60%
53% 45%
50% 40% 30% 20% 10% 0% Gauche
Centregauche
Centre
- 354 -
Centredroite
Droite
Rien
Tableau XIX : Rapport entre le souhait de suppression de l’enseignement religieux obligatoire et l’auto positionnement sur l’axe politique Gauche - Droite 60% 50%
50% 41%
40% 30%
25%
22%
20%
20%
16%
10% 0% Gauche
Centregauche
Centre
- 355 -
CentreDroite
Droite
Rien
ANNEXE II Discours solennels 1er discours solennel 25 Mars. Annonciation - Hellénisme. Fête double. Message de délivrance et de liberté. La proclamation de l‟Archange il y a 175 ans a exalté les âmes des Grecs après le martyre des 400 ans d‟esclavage. Et ils ont volé dans le ciel de la délivrance, où le message effrayant a apporté le serment terrible : LIBERTE OU MORT. C‟était le serment des Grecs de la révolution qui était oeuvre de l‟âme de notre peuple […] Et nous regardons dans notre parcours historique que les Grands (il entend les Grandes Puissances) tantôt entretenaient la discorde (c‟est-à-dire entre les Grecs et les Turcs), tantôt ils les favorisaient (les Turcs) unilatéralement et tantôt ils jouaient sur les deux tableaux, selon la circonstance. Nous n„oublions pas que les Grands fonctionnent toujours selon leurs intérêts et pas avec des sentiments amicaux envers les autres […] Le Turc, voisin pendant des siècles d‟une civilisation brillante (il entend la civilisation grecque), ne pouvait rien prendre de lui. Il est resté (le Turc) étranger à toute notion d‟humanisme et il était féroce au combat […] Les exploits sans précédent des Grecs sur terre et sur mer émeuvent l‟opinion publique, réveillent le philhellénisme dans chaque âme sensible et les combattants Grecs éprouvent l‟espoir vivifiant que leur combat trouve écho dans l‟humanité civilisée […] Et il faut prendre en considération les voisins ambitieux (il vise la FYROM) qui veulent falsifier notre histoire et nos symboles éternels, que cet endroit n‟arrêtera jamais d‟engendrer des « Alexandre le Grand ». Que les Acrites (habitants des zones frontières durant l‟empire byzantin) de la race veillent, prêts à combattre jusqu‟au bout. Nous leur tendons la « main de l‟amitié et de la collaboration ». Parallèlement, nous déclarons aux amis et ennemis que le sol sacré de la Macédoine était, est et restera grec. Vive le 25 Mars Vive la Macédoine Merci.
- 356 -
2ème discours solennel … La révolution de 21 s‟est élevée contre la tyrannie et elle avait comme but de regagner l‟indépendance nationale avec une souveraineté laïque [...] Parallèlement, il y avait dans la conscience du peuple l‟idée que la libération des Grecs du joug turc aurait comme conséquence l‟amélioration des conditions de vie quotidienne qui se trouvait toujours à un niveau très bas à surtout cause de la fiscalité lourde. Mais cette partie de la préparation du peuple pour le grand combat, est méconnue car elle ne permet pas la présentation idéalisée de la révolution […] À côté d‟une sorte d‟aristocratie, il y avait la grande masse de la population constituée de paysans, de serfs ou de métayers dans les domaines des Turcs ou des Grecs, le bas clergé ou un petit nombre de petits propriétaires, chacun de ces travailleurs ayant une petite rémunération [...] D‟une importance majeure ont été les luttes sociales qui ont donné à la révolution toute son ampleur et ont démontré la maturité du peuple révolté. À cet égard, un article de journal paru en France à cette époque-là est très révélateur « Je pense que la révolution procède davantage d‟une volonté de libération sociale que d‟hostilité aux Turcs » […]. La révolution grecque a commencé et s‟est réalisée sans la protection anglaise, française ou russe. Elle a commencé comme un mouvement de libération nationale avec pour base les pouvoirs nationaux et laïques. Mais, en cours de route, quand le pouvoir établi a senti le danger qu‟il y avait à pendre exploiter les ressources nationales, il a demandé la « protection » des puissances étrangères qui avaient tout intérêt d‟intervenir dans nos affaires intérieures […]. La notion de « société nationale », vision de Rigas, de la Société des Amis (organisation qui a préparé la révolution grecque) et de Koraïs, a été perdue dans la passion de l‟intérêt personnel. À la place de la « société nationale », il y a une société inféodée à l‟étranger qui imite les modèles européens, où les réceptions et les bals des Bavaroises et de l‟aristocratie des Phanariotes, ont déterminé le comportement sociaux, moraux et nationaux du pouvoir grec en place […].
- 357 -
ANNEXE III Photos
L’école clandestine (To Krifo sxolio) 1885/86, Nicolaos Gyzis (1842-1901) Le prêtre enseigne, sous la lumière de la lune, la langue grecque aux petits Grecs durant l‟occupation ottomane sous le regard vigilant du Klephte qui reste à son côté avec le fusil à la main. Ce tableau et la « tradition inventée » de l‟école clandestine qu‟il met en avant, ont joué un rôle majeur dans la construction de la doctrine hellénochrétienne car avec ce mythe ont grandi toutes les générations de jeunes élèves. Il décore presque toujours les fêtes nationales scolaires du 25 Mars et très souvent les murs des écoles. 488
Une autre photo aussi répandue que choisissent les professeurs pour la décoration des fêtes nationales scolaires présente la « coexistence » du Grec de l‟époque de la lutte contre l‟empire ottoman avec le Grec de l‟Antique.489
488 489
Supra, pp. 152-154. Supra, pp. 261-263.
- 358 -
On y voit un Klephte sur les montagnes durant l‟occupation ottomane et au fond un monument de l‟antiquité grecque. C‟est une photo classique choisie par les professeurs pour décorer les fêtes de notre recherche. Elle constitue un autre renforcement de « la tradition inventée » des klephtes (brigands)490 et en même temps une association des Grecs actuels avec les Grecs de l‟antiquité 491.
Une défilé scolaire durant d‟une fête nationale : Le porte-drapeau devant suivis des autres élèves, garçons et filles séparés et habillés uniformément avec les couleurs nationales (bleu et blanc). Ils passent devant les officiels et le public. 492
490
Supra, pp. 150-151. Supra, pp. 261-263. 492 Supra, p. 167. 491
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Souvent, dans les fêtes nationales scolaires les professeurs intègrent une pièce de théâtre en relation avec la commémoration. Ici, nous avons une pièce théâtrale avec élèves qui sont habillés en costumes traditionnels et qui dansent une danse traditionnelle. 493
Un professeur lit le discours solennel de la fête du 25 Mars dans l‟église sous le regard du clergé. À côté se trouvent les porte-drapeaux des écoles de la petite ville. 494
493 494
Supra, p. 166. Supra, p. 166.
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Un élève – habillé uniformément avec les couleurs nationales (bleu et blanc) – dépose une couronne durant d‟une fête nationale, sous le regard des officiels.
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ANNEXE IV Entretiens En premier lieu, nous présentons l‟analyse thématique des quarante sept entretiens des enquêtés. En commençant par la catégorie identité nationale, nous divisons chaque entretien en quatre paramètres qui constituent le contenu de l‟identité nationale (Soi national-Grec, Orthodoxie, Doctrine hellénochrétienne, Mondialisation), comme nous l‟avons signalé en détail au chapitre méthodologique du texte principal, et nous présentons de façon synoptique le contenu que chaque professeur donne à ces quatre paramètres, en sélectionnant souvent les parties authentiques de sa narration. À la fin de l‟analyse thématique de chaque entretien et en ayant égard aux références, aux connotations, aux omissions et à l‟intensité avec laquelle chaque professeur soutient sa thèse, nous intégrons le discours global de chaque professeur, et par conséquent son attitude, dans une des quatre directions sélectionnées (complètement positive, complètement négative, modérément positive, modérément négative), toujours selon le modèle méthodologique que nous avons choisi et que nous avons aussi expliqué de manière analytique au texte principal. Ensuite, nous présentons l‟analyse thématique des quarante sept entretiens des enquêtés par rapport à la catégorie Autre national-Étranger. En recherchant la façon dont les professeurs approchent les sous catégories de la catégorie concernée, nous pouvons présenter de façon synoptique la façon d‟envisager l‟Autre national-Étranger de la part des professeurs de notre échantillon, en utilisant de nouveau souvent les parties authentiques de la narration. À la fin de la analyse thématique de chaque entretien et en ayant égard aux connotations et à l‟intensité avec laquelle chaque professeur soutient sa thèse, nous intégrons le discours global du professeur, et par conséquent son attitude, dans une des quatre directions sélectionnées (complètement positive, complètement négative, modérément positive, modérément négative), conformément toujours au modèle méthodologique que nous avons choisi et que nous avons également expliqué en détail ci-dessus. Avant l‟analyse thématique de chaque entretien on trouvera une courte présentation des caractéristiques de l‟enquêté concernant le sexe et les quatre paramètres sociologiques que nous avons choisi pour notre étude. Cette présentation nous donne une image claire de chaque professeur et ainsi nous pouvons relier les quatre caractéristiques ci-dessus au contenu
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de chaque entretien. Enfin, souvent nous utilisons certaines phrases authentiques de la narration des professeurs pour donner exactement et correctement la parole des enquêtés.
Professeur n° 1 Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : il évite les références glorieuses et exagères concernant les Grecs mais il met en avant surtout les idéaux de la Liberté, de l‟Egalité et de la Combativité (« je ne me focalise pas sur le motif « nous les Grecs, nous les Grecs, nous les héros » mais je veux faire passer des messages contre la violence, pour les droits de l’homme, contre la passivité etc…bien sûr je mets en avant les combats des Grecs pour la Liberté, mais je veux surtout actualiser ces combats… »). Orthodoxie : il est contre les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire à cause des enfants qui appartiennent aux autres confessions religieuses (« je pense qu’il ne doit pas y avoir de fêtes religieuses dans l’école. Je suis contre la combinaison entre les fêtes nationales et religieuses…dans l’école il y a aussi des enfants d’autres confessions, comme les témoins de Jéhovah, et les sujets de la religion nous ne concernent pas … ») Doctrine hellénochrétienne : il se pose en faveur de la présentation des approches qui contestent l‟historiographie officielle car il pense que les élèves doivent savoir toutes les opinions historiques sur un sujet (« écoute moi…j’exprimerai mon opinion personnelle. Je ne sais pas si c’est juste ou pas, mais je pense que nous devrions dire aux enfants toute la vérité et les opinions opposées »). Mondialisation : bien qu‟il ne fasse aucune référence positive ou négative concernant la mondialisation, il présente des messages œcuméniques et, dans tout son discours, il n‟y a pas de peur ou de l‟insécurité à cause des nouvelles circonstances. Tout le style du discours concerné et les références particulières cultivent une identité surtout modérément positive. Bien que manquent les innovations concernant le contenu des
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fêtes mentionnées, pourtant il donne un air démocratique et tolérant sans exagérations nationalistes. Autre national-Étranger : Il soutient que tant le choix de la participation des élèves dans une fête nationale que le port du drapeau il faut être facultatif et par conséquent son approche des élèves étrangers est complètement positive (« si quelqu’un ne veut pas participer, il ne participe pas…moi par exemple je ne voudrais pas chanter l’hymne national de l’Allemagne, si j‘habitais là bas… Si quelqu’un veut porter le drapeau, il peut le porter. Moi, je ne l’en priverai pas... »).
Professeur n° 2 Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec se met en avant comme une entité qui, à cause de sa nature et à cause de la mer et du soleil du paysage grec, aime et veut la Démocratie et la Liberté et arrive jusqu'au sacrifice de soi pour obtenir les valeurs précédentes (« La première chose que veut le Grec est la Liberté et l’Indépendance…nous sommes comme ça à cause de notre nature, de notre soleil et notre mer… nous n’avons pas l’habitude d’être des lâches ». Orthodoxie : Les manifestations religieuses et l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire sont envisagées surtout positivement, il suffit que les enfants des autres confessions soient respectés (« il n’y a pas de différences dogmatiques dans la mesure où tous les enfants sont chrétiens orthodoxes et pour cette raison je ne les vois pas négativement (les manifestations religieuses dans le cadre scolaires »). Doctrine hellénochrétienne : La doctrine hellénochrétienne n‟est pas contestée car le moment n‟est pas opportun pour mettre en avant ces approches historiques et aussi, parce que l‟objectif est de faire passer une image positive du Soi national-Grec (« Il y a de approches différentes dans les manuels, mais je pense que le but d’une fête nationale est de faire passer des messages positifs comme « La Grèce ne mourra jamais ». Nous savons tous que tout n’est pas parfait, mais ce n’est pas le moment »).
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Mondialisation : La mondialisation est envisagée surtout négativement. Il n‟y aucune référence au besoin de rapprocher les peuples et les civilisations ; l‟important est que les Grecs doivent garder leurs particularismes et faire attention de ne pas se perdre dans le grand village dans lequel ils s‟intègrent (« je vous dis : je fais seulement une petite référence à la fin de la fête dans laquelle je dis que nous devons protéger tout ce que nous avons comme la prunelle de nos yeux »). Conformément à notre approche méthodologique et en prenant en compte l‟ensemble des propos du professeur concerné, nous en concluons qu‟il cultive par les fêtes nationales scolaires une identité nationale surtout négative. Bien que le professeur en question fasse soit opposé à la guerre et développe un discours pacifiste, durant la réalisation des fêtes nationales à l‟école, il insiste sur un modèle de fête nationale traditionnelle et ethnocentrique et toutes les approches opposées (éléments démocratiques, extravertis et tolérants) à ce modèle sont présentées durant le cours d‟histoire et de la littérature. Certes, son intervention ne se signale pas par des références extrémistes et belliqueuses qui nous conduiraient à catégoriser son discours dans la direction complètement négative. Pour cette raison, nous concluons que le professeur en question cultive par les fêtes nationales scolaires une identité nationale modérément négative. Autre national-Étranger : Il perçoit la présence des élèves étrangers de manière complètement positive. Il est d‟avis que le choix de la participation des élèves dans une fête nationale grecque doit être facultatif. En ce qui concerne le drapeau, il pense que, si un élève étranger accepte de porter le drapeau grec, c‟est honneur pour la Grèce, mais que le choix contraire est aussi respectable (« Comme ils le veulent et comme ils le sentent. S’ils sentent qu’ils « sont d’ici » et qu’ils veulent participer, avec plaisir. Nous sommes fiers pour les Grecs qui vivent à l’étranger, mais nous sommes contre pour les autres. C’est un honneur pour nous quand un étranger veut porter notre drapeau. Ça signifie qu’il respecte notre symbole national et qu’il l’accepte. Moi, je ne condescendrai pas à porter le drapeau allemand »).
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Professeur n° 3 Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec se caractérise par son sens des responsabilités, par sa combativité et son héroïsme. Il est identifié aux valeurs de la Démocratie et de la Liberté depuis l‟antiquité et tout au long de l‟évolution historique il manifeste ces valeurs (« je mets en avant surtout son côté responsable, combatif et héroïque….l’image du Grec qui lutte pour la Liberté traditionnelle, pour la Démocratie traditionnelle, ce qui fait notre tradition à partir de l’antiquité…il y a une tradition de Liberté et de Démocratie qui fonctionne chez le Grec à tous les moments de son histoire et indépendamment de son niveau intellectuel »). Orthodoxie : il penche pour une égalité de présentation de l‟élément religieux par rapport à l‟élément national durant de la fête du 25 mars et il est pour les manifestations religieuses dans le cadre scolaire et l‟assistance des élèves à la messe (« Je considère que nous devons persévérer dans le maintien de l’aspect religieux de notre tradition. Elle porte certaines valeurs »). Doctrine hellénochrétienne : il est pour la présentation des approches historiques qui enrichissent (sans être nécessairement contestées) le discours historique de l‟école car, selon lui toujours, les élèves doivent avoir une image plus large et plus détaillée des évènements historiques (« Il faut parler aussi de certaines choses qui sont négatives car les élèves doivent savoir qu’aucune période de notre histoire n’est pas idéalisée…Je considère qu’il faut mettre en avant les événements vrais car ainsi les élèves cogitent »). Mondialisation : les références du professeur se limitent au besoin de conserver et valoriser les caractéristiques de la nation grecque ainsi que les particularismes et la singularité nationale (« Bien que nous soyons cosmopolites, nous devons garder les particularismes de notre race, éléments qui doivent garde pour toujours cachet de notre race…nous sommes obligés de vivre dans une société mondialisée, mais nous ne devons pas être éloignés des étrangers, de la civilisation étrangère, l’anglaise, l’américaine »). L‟approche des trois sous-catégories de notre catégorie principale présente une dimension surtout négative. Il n‟y aucune référence à la mondialisation comme processus qui - 366 -
peut construire, si nous le voulons, une relation de compréhension mutuelle entre les peuples et les gens. En même temps, les références ou les références extrêmes concernant les autres peuples et les autres confessions religieuses n‟apparaissent pas. Par conséquent, nous inscrivons ce professeur dans une dimension modérément négative. Autre national-Étranger : Il est pour la participation facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques. Mais quant à confier le drapeau grec à l‟un d‟entre eux, il est plutôt réservé sans y être absolument opposé. En prenant en compte non seulement son discours, mais le ton employé, nous aboutissons à la conclusion que l‟attitude du professeur concerné face aux élèves étrangers est modérément positive (« Bien sûr. Ils doivent intégrer dans la fête nationale, dans la mesure où ils veulent s’adapter et s’intégrer à la société grecque...Pour le drapeau ?...je suis contre…à partir de moment où il y a un défilé, le drapeau doit être porté par un petit Grec… mon opinion n’est pas absolument claire, mais je penche plutôt pour cette approche »).
Professeur n° 4 : Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : le Grec est présenté comme une entité qui se caractérise de l‟antiquité à nos jours par sa combativité. Les Grecs se sacrifient pour la patrie et ils sont toujours unis face aux dangers extérieurs (« je mets surtout en avant l’image du Grec combattant qui se sacrifie pour la patrie et l’unité…sacrifice et unité. Ces sont les caractéristiques des Grecs éternellement depuis l’antiquité »). Orthodoxie : le professeur envisage les manifestations religieuses à l‟école et l‟assistance des élèves à la messe de façon positive et il ne fait aucune référence au besoin de respecter les enfants des autres confessions religieuses (« je mets en avant l’élément religieux durant la fête du 25 Mars, mais sans exagération…je suis pour l’assistance des élèves à la messe. C’est notre devoir d’emmener les enfants à l’église. Moi, quand j’étais élève, j’adorais le jour où nous allions à l’église »).
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Doctrine hellénochrétienne : notre professeur ne sent aucune besoin d‟intégrer des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Il reste dans un cadre narratif traditionnel, c‟est-à-dire surtout ethnocentrique (« Je pense que les références à ces approches historiques (qui conteste l’historiographie officielle) sont sans signification aucune. Nous nous en tenons surtout au coté formel de la fête »). Mondialisation : comme dans la sous-catégorie précédente, la mondialisation n‟est pas intégrée au contenu de la fête. L‟insistance du professeur sur un cadre figé et répété exclut la nouvelle réalité de la mondialisation (« Nous nous en tenons aux stéréotypes de la fête. C’est ennuyeux mais nous ne pouvons rien faire d’autre…nous n’avons pas d’autre possibilité »). Comme nous l‟avons déjà mentionné ci-dessus, il n‟y aucune référence vraiment positive concernant le Grec ni franchement négative à l‟égard des autres peuples et des autres confessions religieuses. Rien non plus qui touche à la mondialisation ni comme processus dangereux pour la Grèce et son identité nationale, ni comme processus qui offrirait à la Grèce l‟opportunité de communiquer avec les autres peuples et civilisations. La réalisation de la fête reste dans un cadre traditionnel, c‟est-à-dire d‟après notre expérience d‟un certain nombre d‟années, elle se caractérise par un contenu et une allure surtout ethnocentrique mais sans toucher aux extrêmes ou à la simple exagération.. Pour ces raisons, nous aboutissons à la conclusion que ce professeur cultive une identité surtout modérément négative. Autre national-Étranger : Il est complètement ouvert à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques et il est aussi en faveur de leur participation mais de manière facultative. En ce qui concerne le drapeau grec, il ne voit pas d‟objection à ce qu‟un élève étranger porte le drapeau grec. Selon notre modèle méthodologique, nous intégrons l‟attitude de ce professeur à la direction complètement positive (« Je suis pour, pour…mais facultativement…ils sont parmi nous, ils vivent parmi nous. Pourquoi pas ?...pour le drapeau, je pense que la société grecque aime le bruit. Elle fait du bruit sans raison. Si c’est le meilleur élève, il fait bien…il constitue un exemple pour les autres »).
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Professeur n° 5 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec est présenté surtout comme une entité héroïque qui lutte pour sa patrie. D‟autres références aux autres sujets qui concernent le Grec ou la réalité actuelle font défaut (« je mets en avant l’esprit combatif des héros de l’époque. Leur courage…je présente surtout la lutte pour la liberté et la démocratie… »). Orthodoxie : il se déclare en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire et pour l‟assistance des élèves à la messe. Mais en même temps il n‟y a aucune référence pour ou contre les élèves des autres confessions religieuses (« durant la fête du 25 Mars, je touche un peu à l’élément religieux, mais je m’en tiens surtout au caractère national de la fête… les manifestations religieuses dans l’école ne me dérangent pas. À partir du moment où la grande majorité des enfants sont chrétiens, je n’ai aucun problème »). Doctrine hellénochrétienne : il met discrètement en avant les approches historiques contestées dans l‟historiographie officielle. Il considère que les fêtes constituent un moyen utile pour aller dans cette direction (« Je reste dans le cadre connu de la fête, mais je laisserai se manifester les opinions controversées. J’essaierai de montrer les autres approches historiques »). Mondialisation :
la
mondialisation
est
considérée
comme
un
processus
essentiellement négatif. Elle est envisagée comme un problème dans lequel il faut préserver notre conscience nationale (« Nous restons dans un cadre saturé. Nous mettons l’accent sur le besoin de protéger notre langue et notre religion. À partir du moment où il y a aussi l’élément étranger dans notre pays, nous devons protéger notre langue et notre religion »). Tout le style du discours considéré est caractérisé surtout par une approche des fêtes nationales surtout neutre. Dans le récit de ce professeur il n‟y pas de nuance idéologique. Il évite les expressions ou les références pour ou contre les sujets de notre étude. Il reste dans un cadre professionnel et il réalise les fêtes comme une obligation de service. Mais malgré cette caractéristique principale, nous sommes fondé à affirmer que la tendance qui finalement émerge est plutôt négative car elle reste ancrée dans un cadre traditionnel qui véhicule une - 369 -
image glorieuse du Soi national-Grec et il n‟est fait aucune référence aux sujets actuels qui concernent la société grecque et sa place dans le monde. Bien sûr, les références extrêmes et agressives sont absentes et par conséquent nous intégrons le contenu que cultive ce professeur à la direction modérément négative. Autre national-Étranger : Ce professeur n‟est pas opposé – sans en être toutefois un chaud partisan – à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques. D‟autre part, qu‟un un élève étranger puisse être porte-drapeau durant le défilé scolaire ne lui pose pas de problème non plus. Cependant, nous intégrerons ce professeur à la direction modérément positive et non pas à la direction complètement positive, car ses positions ne procèdent pas de convictions personnelles claires : il se retranche simplement derrière la loi qui donne le droit aux étrangers et de participer aux commémorations nationales et d‟y porter le drapeau grec (« À partir du moment où il se trouve dans la classe, il participe à toutes les manifestations de la classe. Je ne peux pas le lui refuser. Je le mets lui aussi dans le groupe…tant que la loi dit que le meilleur élève doit porter le drapeau…il n’y aucune lois qui interdise aux élèves étrangers de porter le drapeau…c’est un sujet très sensible. Moi, je préfèrerais que ce soit un grec qui porte le drapeau, mais…je ne suis pas contre si c’est un allochtone »).
Professeur N° 6 : Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : le Grec est présenté comme un combattant et patriote qui ne lutte pas inconsidérément mais qui a au contraire « Une attitude critique envers les évènements…et qui se caractérise par une unité dans les moments difficiles, alors qu’en temps normal ils sont toujours divisés ». Les textes choisis concernant le Grec se signalent par leur tendance ethnocentrique mais en même temps critique. Orthodoxie : le professeur consacre une partie de la fête du 25 mars à l‟élément religieux et en même temps il se range en faveur de ceux qui prônent les fêtes religieuses à
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l‟école et l‟assistances des élèves à la messe (« Bien sûr, nous devons mettre en avant l’élément religieux. Il est aussi une partie de notre histoire et de notre culture »). Doctrine hellénochrétienne : il soutient qu‟il pourra présenter une approche historique modérément contestée dans l‟historiographie officielle. Mais il refuse les approches extrêmes car il a peur des réactions des participants à la fête (« Je ne sais pas...c’est vrai que je veux présenter certaines approches différentes, mais…peut-être que les autres camarades, ou les parents… »). Mondialisation : pour lui la mondialisation n‟est ni un processus dangereux ni un changement mais au contraire elle porte en elle le danger que la Grèce devienne victime des Grecs eux-mêmes (« Le problème c’est nous-mêmes…si nous travaillons sérieusement, sans mimétisme, nous pouvons nous également faire en face aux autres pays…le problème est un problème avec nous-mêmes… »). L‟examen attentif de l‟ensemble de l‟intervention de ce professeur nous aboutissons porte à conclure que, globalement, il s‟intègre dans un cadre exempt de positions extrêmes ni même seulement exagérées. Comme points remarquables, nous pouvons signaler l‟absence totale de références aux élèves des autres confessions religieuses mais aucune remarque non plus qui témoignerait d‟une religiosité extrême. En même temps, il évite les approches historiques excessives, mais sans parvenir à éviter certains travers modérément contestés dans l‟historiographie officielle. Pour toutes les raisons ci-dessus, nous concluons que ce professeur, par les fêtes nationales scolaires, cultive globalement une identité modérément positive. Autre national-Étranger : Il est favorable à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques mais il souhaite que ce soit une démarche facultative et volontaire. En ce qui concerne le port du drapeau grec durant les défilés scolaires, il est aussi complètement d‟accord de le confier à un élève étranger (« bien sûr, ils participent également aux fêtes de l’école. Ils sont une partie de l’école… et pour le drapeau, je suis tout à fait d’accord. S’il est le meilleur élève, il peut porter le drapeau sans problème »). Son opinion est claire et sans équivoque. Pour cette raison, nous intégrons l‟attitude de ce professeur à la direction complètement positive.
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Professeur n° 7 : Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 8 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : bien qu‟il mette en avant la combativité des Grecs, il signale que les autres peuples et nations ont aussi une histoire honorable et que nous devons respecter cette histoire (« bien sûr, nous avons notre histoire, mais nous ne pouvons pas rester toujours ‘‘nous, nous nous’’. Nous devons accepter que les autres peuples aient également leur histoire qui pour eux est aussi importante que la notre pour nous »). Orthodoxie : il est très réservé en ce qui concerne les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire et il soutient le respect des convictions religieuses des minorités (« nous devons être très attentifs. Dans l’espace scolaire il y a des enfants d’autres confessions religieuses et nous devons garder l’église hors de l’école…Nous n’oublions pas que la croyance est un sujet personnel qui doit rester hors de l’école »). Doctrine hellénochrétienne : il se pose en faveur de la présentation discrète des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Il soutient que les Grecs doivent cesser de vivre sur des représentations belliqueuses mais doivent connaître la vérité historique (« si les approches historiques sont documentées, je n’ai aucune problème…au contraire, je pense que nous ne devons par vivre dans l’incorrection historique. Il faut bien connaître l’historie vraie, car comme ça nous pouvons avancer mieux… »). Mondialisation : il envisage la nouvelle réalité surtout positivement. Il met en avance la nécessité d‟être ouvert à la nouvelle situation mais en respectant notre histoire et notre tradition (« nous ne pouvons pas reste passifs. Il y a une nouvelle réalité à laquelle nous devons participer sans peur ni sentiment d’insécurité… bien sûr, nous n’oublions pas notre histoire et notre tradition. Nous ne pouvons pas oublier ou effacer notre histoire… »).
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Tout le discours de professeur concret et les références particulières cultivent une identité surtout modérément positive. Il n‟y pas d‟approches très innovantes ni particulièrement démocratiques, mais en tous cas, il ressort de tout son discours un ton tolérant, modéré et égalitaire. Il envisage tous le défis actuels positivement sans peur ni sentiment d‟insécurité et cherche à donner une image optimiste des Grecs et de la Grèce. Autre national-Étranger : Il envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires de manière plutôt modérément positive. Bien qu‟il soutienne la participation égale des étrangers tant aux fêtes qu‟au port du drapeau, il pose certaines conditions préalables (« S’il aime la Grèce »), ce qui montre qu‟il est un peu réservé (« je suis pour leur participation. Pourquoi pas ? S’ils veulent participer, moi je ne dirais pas non… S’il aime la Grèce, il peut aussi porter le drapeau. Mais, s’il voit le drapeau comme un processus scolaire sans valeur sentimentale, je ne sais pas. Je suis un peu …réticente »).
Professeur No 9 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : le Grec est présenté comme patriote, combattant de la Liberté avec une âme indomptée et respectant les valeurs traditionnelles mais il ne fait aucune référence directe à la nécessité d‟une correction des défauts ou de l‟amélioration de l‟attitude des Grecs actuels (« je pense que le Grec est quelqu’un qui aime la Liberté. Dans notre tradition il y a certaines valeurs qui nous caractérisent diachroniquement…la Liberté…le sentiment de l’égalité… »). Orthodoxie : il est réservé en ce qui concerne les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire à cause de la présence des minorités religieuses et il prône la célébration de fêtes interreligieuses (« je ne sais pas…actuellement il y a d’enfants d’autres confessions religieuses et nous devons être un peu prudents…c’est vrai que la majorité des élèves sont chrétiens orthodoxes, mais nous pourrions faire les manifestations interreligieuses. Pourquoi pas ? »).
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Doctrine hellénochrétienne : il se pose en faveur de la présentation des « pages noires » de l‟histoire grecque qui permet aux Grecs d‟accéder à un certain degré d‟autoconnaissance et une image d‟eux-mêmes plus objective qu‟avant (« bien sûr je suis pour ces approches. Nous ne pouvons pas vivre dans des contrevérités historiques…je pense qu‘un peuple qui connaît sa véritable histoire, c’est un peuple qui a un avenir…nous ne pouvons pas vivre dans les illusions que certains cultivent chez nous »). Mondialisation : il envisage la mondialisation comme une réalité surtout négative. Il ne fait pas de référence à la nécessité de la coexistence pacifique des peuples mais il fait référence surtout au besoin d‟autodétermination dans un monde multiculturel (« on ne peut pas dire que moi j’aime la mondialisation ou pas…la mondialisation est une réalité pour tous…mais nous devons bien conserver nos particularismes. Nous devons bien protéger notre histoire et notre tradition dans un monde qui est très complexe… »). Tout au long de son discours, nous relevons des éléments démocratiques et tolérants (minorités religieuses) et le style général de l‟entretien porte à juger qu‟il se situe en faveur d‟une élaboration d‟une identité nationale surtout modérément positive. Bien que dépourvue de références extrêmement positives, l‟allure générale des propos, sa modération en face des autres dans le respect toutefois du Soi national-Grec est tout à fait estimable Autre national-Étranger : Il argumente en appelant à la méritocratie en soutenant simultanément le droit de leur participation facultative tant aux fêtes mentionnées qu‟au port du drapeau (« pourquoi pas ? S’ils veulent participer, moi je n’ai aucune problème…C’est la même chose (en ce qui concerne le drapeau). Alors s’il est le meilleur élève et s’il veut vraiment porter le drapeau, je suis d’accord »). Pour cette raison, nous intégrons le professeur concerné à la direction complètement positive.
Professeur N° 10 : Sexe : H Convections politiques : Gauche Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non
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Soi national-Grec : le Grec se caractérise par un esprit agile et une grande adaptabilité à des situations nouvelles. Il est capable du meilleur comme du pire. Il s‟enthousiasme et se décourage facilement (« Je pense que le Grec se caractérisé par sa capacité d’adaptation…regarde les Grecs de l’étranger. Partout ils progressent et ils réussissent…mais là où il progresse, là il fait aussi une grande faute…je ne sais pas…nous pouvons réussir le meilleur mais nous pouvons faire aussi le pire »). Du point de vue de ses choix politiques la tendance dominante chez lui est l‟immobilisme (« regarde…alors que nous connaissons les raisons de la situation actuelle, nous persistons pourtant dans les mêmes choix politiques…nous ne tirons rien de nos fautes… »). En même temps, il est généralement négatif envers les étrangers : bien que ses paroles laissent croire à une attitude positive à leur égard, ses actions les démentent en général. Orthodoxie : dans le discours de cet enseignant, on relève un certain nombre de contradictions concernant le rôle de la religion dans l‟école. Dans un premier temps, il se dit opposé à l‟assistance des élèves à la messe (« c’est vrai qu‘actuellement nous vivons dans une période où les choses ne sont pas comme avant…nous avons une série de particularités qui existent dans notre société »), mais ensuite il se pose en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire, de l‟enseignement de la doctrine chrétienne orthodoxe avec pour objectif la catéchisation des élèves, le renforcement des sentiments religieux et contre la séparation entre l‟État et l‟Église car il la considère trop éloignée des habitudes et la culture des Grecs (« bien sûr nous pouvons garder ces manifestations dans l’école. Je pense que la société grecque n’est pas encore prête de la séparation entre l’État et l’Église. Et aussi actuellement, il n’y a pas de raison d’engager un tel débat ». Cette contradiction toutefois, peut se comprendre dans la mesure où ses options en faveur de l‟enseignement religieux ne relève pas du prosélytisme mais d‟un habitus surtout culturel. Dans les manifestations religieuses, il voit une partie de la culture grecque. Doctrine hellénochrétienne : Il soutient que durant les fêtes nationales il faut présenter tous les approches historiques qui existent et qui donnent une vue plus objective car plus globale et détaillée : il suffit qu‟elles soient documentées. Il faudra clarifier certains mythes intégrés à l‟imaginaire national (« écoutez… Moi, j’ai grandi dans une période un peu difficile. Dans l’école nous entendions toujours les mêmes choses. Mais aujourd’hui il n’y a pas de raison. Bien sûr pas n’importe quelles opinions. Il faut ces êtres justifiés… ») . Mondialisation : L‟envisagement de la mondialisation est surtout positif. Par exemple, en raison précisément de sa neutralité dans le cadre de cette nouvelle réalité (la mondialisation), il ne montre aucune véhémence hostile à l‟égard des Turcs par rapport au - 375 -
passé (« nous ne pouvons actuellement envisager par exemple les Turcs comme avant. Nous pouvons avoir un minimum de compréhension mutuelle. Actuellement nous vivons à une autre époque où les choses sont différentes par rapport au passé »). Bien que dans ce discours nous trouvions certaines approches assez extrêmes (la relation entre la confession chrétienne orthodoxe et le système éducatif grec), l‟esprit général du récit peut être considéré globalement comme modéré. Ses positions vis-à-vis des Turcs (ennemi national) dans le cadre du nouvel ordre du monde, du caractère et du rôle culturel de l‟Orthodoxie et les contradictions plus ou moins marquées quant aux caractéristiques positives ou négatives du Grec, permet de classer le contenu de l‟identité nationale que cultive ce professeur dans une direction modérément positive. Autre national-Étranger : Il est pour la participation facultative et égale des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques. En ce qui concerne le drapeau grec, il est aussi favorable à le faire porter par un élève étranger durant un défilé scolaire. Il soutient que « l’école doit récompenser le meilleur élève sans tenir compte de sa nationalité, qu’il soit grec ou étranger. Pour nous le plus important est de savoir qui est le meilleur élève. Le reste ne joue aucun rôle…je ne pense pas que les professeurs regardent si le porte-drapeau est grec ou étranger ». Pour cette raison, nous considérons que ce professeur cultive une attitude complètement positive. Professeur n° 11: Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : oui - membres des associations culturelles Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui Soi national-Grec : Le Grec se présente avec deux visages. Un visage durant des périodes de guerre (« il aime et respecte la patrie, la fois et les lois, il lutte avec désintéressement pour la concorde et l’unité et pour la réalisation de faits imaginaires ») et un visage durant des périodes de paix (« mais durant les périodes de paix il est sans conscience sociale, il est individualiste, il aime beaucoup l’argent et il aime beaucoup le
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pouvoir, il est maniaque du pouvoir »). En même temps, durant la réalisation des fêtes nationales, il donne aux actions héroïques des Grecs un caractère universel et non pas particulier et ethnocentrique (« je veux donner aux actions de Grecs surtout un caractère universel. Je ne m’intéresse surtout aux actions des Grecs, et en particulier aux valeurs qu’elles impliquent »). Orthodoxie : il est très réservé concernant la relation entre la religion et l‟école. Finalement, il se range en faveur des manifestations religieuses et de l‟assistance à la messe dans le cadre scolaire mais avec une grande empathie envers les élèves des autres confessions (« moi, je suis d’accord avec les manifestations religieuses, mais nous devons faire attention. Je ne trouve pas ces manifestations condamnables, mais il y a aussi les enfants d’autres confessions et pour cette raison nous devons respecter leur particularité… »). Doctrine
hellénochrétienne :
Les
approches
historiques
qui
contestent
l‟historiographie officielle ne passent pas. Il préfère l‟approche traditionnelle car les fêtes nationales scolaires ne sont pas le moment opportunes pour ces chicanes (« je préfère surtout le cours d’histoire. Dans le cours nous pouvons parler de tous ces sujets et je peux tranquillement expliquer mes approches, mais en ce qui concerne les fêtes, je pense que ce n’est pas le moment opportun. Je ne crois pas que les fêtes soient l’occasion où je peux évoquer une série des sujets sérieux historiquement »). Mondialisation : il envisage la mondialisation positivement. Il met en avant le besoin de suivre les évolutions mondiales « en gardant nos particularités et les caractéristiques de notre société ». Mais simultanément, il envisage avec réserves la culture anglosaxone qui cultive un côté individualiste, solitaire, par rapport à la culture grecque plutôt tournée vers la collectivité (« notre culture est plus proche de l’amitié et de la solidarité. Nous sommes un peuple qui lorsqu’un voisin a un problème, nous accourons tout de suite. Nous ne sommes pas refermés sur nous-mêmes. Ce n’est pas dans notre culture cette forme de vie individualiste… »). Ce discours malgré certains éléments contradictoires, se caractérise nettement par un esprit modéré. La tolérance envers les enfants des autres confessions, le jugement positif sur la mondialisation et la présentation des ambiguïtés du Grec, révèle d‟une conception de l‟identité surtout modérément positive.
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Autre national-Étranger : Ce professeur est aussi pour la participation égale ou facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques. Il garde la même attitude concernant le port du drapeau grec par un élève étranger durant un défilé scolaire. Il estime que le port du drapeau par un élève étranger est certes honneur pour lui, mais un honneur également pour les Grecs et la Grèce (« bien sûr, je suis pour...ils constituent une partie de la communauté scolaire et ils doivent participer comme les autres…je pense que ce n’est pas un honneur seulement pour lui, mais pour nous aussi. C’est un honneur pour nous quand un étranger veut porter notre drapeau. Je pense que c’est une chose qui doit nous rendre fiers »). Ainsi, et en suivant notre modèle méthodologique nous intégrons ce professeur à la direction complètement positive. Professeur n° 12 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec passe pour quelqu‟un qui de « tous temps a lutté et lutte héroïquement pour sa patrie, sa famille, sa religion et ses biens ». Ici, l‟enseignant met en avant la valeur de la Liberté et critique la société grecque actuelle tout particulièrement pour son impulsivité et sa frénésie de consommation. En même temps, il cultive l‟idée que les Grecs doivent reconnaître la supériorité des autres peuples dans le nouvel ordre des choses de la communauté européenne (« je pense que nous sommes une peu excessifs. Nous avons fait une société trop consommatrice… et nous réagissons trop spontanément. Nous ne réfléchissons pas beaucoup… »). Orthodoxie : Les manifestations religieuses et l‟assistance à la messe sont perçues positivement, non pas toutefois dans une perspective religieuse mais plutôt comme élément indissociable de la tradition grecque (« c’est vrai qu’il y a un grand débat sérieux sur ces sujets, mais moi je ne suis pas contre. J’ai grandi avec ces fêtes et moi ça ne me dérange pas »). Notons ici qu‟il n‟y aucune référence aux enfants des autres confessions. Doctrine hellénochrétienne : Durant les fêtes nationales scolaires, il souhaite ne pas voir passer des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle mais suivre «
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la voie commune » car il est réservé envers les innovations qui constituent une provocation pour le public (« je n’ai pas du tout réfléchi à cette question. Moi, je reste dans le cadre habituel car je pense que ce n’est pas le moment opportun... et en plus dans le public nous avons les parents et autre camarades etc. et je ne veux pas créer de problème »). Mondialisation : La mondialisation est envisagée positivement. En même temps avec la mise en avant de la civilisation grecque, cet enseignant est d‟avis qu‟il faut accorder une dimension positive aux échanges culturels entre les nations et civilisations différentes et il veut lutter contre la xénophobie (« je pense que nous devons pas avoir peur. Je pense que nous pouvons prendre des choses d’autres civilisations et cultures… nous gardons toutes les particularités de notre civilisation mais nous pouvons avoir contact avec les autres… »). Bref, le discours de ce professeur montre que, globalement, il cultive une identité nationale modérément positive. Malgré les expressions négatives que l‟on y relève, il ressort de l‟ensemble de l‟entretien une attitude positive concernant les défis actuels auxquels est confrontée la Grèce et son rôle dans la réalité moderne. La mondialisation, les étrangers qui se trouvent en Grèce et la situation actuelle sont perçus dans un esprit de compréhension et d‟empathie et non pas comme des dangers pour la Grèce et les Grecs. Autre national-Étranger : Ce professeur soutient la participation égale mais facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Il reconnaît de même aux étrangers le droit (mais pas l‟obligation) de porter le drapeau grec en avançant l‟argument que cette responsabilité est un double honneur. Honneur pour la Grèce qu‟il respecte et à laquelle il montre son attachement et honneur pour lui-même car il est ainsi reconnu comme le meilleur élève (« il faut dire ‘‘bravo’’ car un élève étranger qui est le meilleur et qui ainsi porte le drapeau... Bravo car il a fait double effort…je pense que c’est un honneur pour nous car un étranger veut porter notre drapeau. Mais en même temps c’est un honneur pour lui car il porte un symbole national d’un pays qui l‘héberge »). Pour les raisons ci-dessus nous considérons que ce professeur adopte une attitude complètement positive face à la participation des élèves étrangers aux commémorations nationales.
Professeur no 13 : Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
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Professeur n° 14: Sexe : H Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec actuel se présente comme l‟héritier et le vecteur de prolongement d‟une ancienne civilisation (références fréquentes à l‟antiquité grecque) ce qui lui confère une responsabilité dans le devenir national. Si on identifie le Grec à la Liberté, aux combats, au sang, aux révolutions, il reste toutefois un pilier de la société de consommation et un chaud partisan de l‟eudémonisme actuel. Orthodoxie : Les manifestations religieuses et l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire sont vues d‟un bon oeil. Par ailleurs l‟absence de toute référence aux enfants des autres confessions religieuses et au respect dû à leurs particularismes mérite d‟être soulignée. Doctrine hellénochrétienne : Il se pose en faveur des mythes nationaux et pour l‟historiographie officielle sans référence aux approches historiques qui les contestent. Il préfère cette mise en avant consciente des mythes nationaux bien qu‟il sache que la vérité historique est différente. Mondialisation : La mondialisation est ici considérée comme un état de fait dans laquelle la Grèce doit garder ses particularités. Bien qu‟il fasse référence à l‟échange des idées et des modèles culturels, la tendance sous-jacente est de valoriser la prédominance de l‟esprit grec. Globalement donc, son discours présente un caractère nettement ethnocentrique. En effet, malgré les références diverses aux autres civilisations, le discours de ce professeur a pour noyau le passé glorieux de la Grèce et la peur de l‟altération de la civilisation grecque à cause des nouvelles conditions. Toutes les approches qui considèrent différemment la nouvelle réalité, il les appelle « progressistes », dans le sens péjoratif du terme. Pour toutes les raisons ci-dessus, nous intégrons le contenu de l‟identité nationale que cultive ce professeur à la direction modérément négative.
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Autre national-Étranger : Le discours de ce professeur prône la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. En ce qui concerne la tenue du drapeau grec par un élève étranger, il la voit également très positivement. Il mérite d‟être souligné que ce professeur note, à l‟égard des manifestations scolaires, un respect plus marqué des élèves étrangers que des élèves grecs qui les envisage souvent avec une certaine indifférence. Par conséquent, l‟attitude concrète du professeur s‟intègre à la direction complètement positive.
Professeur no 15 : Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 16: Sexe : F Convections politiques : Gauche Culture participative : oui - membre des associations culturelles Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Comme dans un des cas précédents, la représentation du Grec est ici aussi complexe avec des caractéristiques opposées, et même très contradictoires. D‟un côté, il met en avant, dans le cadre de la fête nationale, une image édulcorée du Grec (le héros, le combattant pour la Liberté, etc.) et d‟un autre côté, il en présente des traits plus objectifs qui constituent une critique directe des comportements du Grec actuel (absence de conscience sociale). Orthodoxie : Les fêtes religieuses et l‟assistance des élèves à la messe doivent rester hors du cadre de l‟école publique. Les institutions - fondations publiques appartiennent à tous les citoyens du pays et pas seulement aux chrétiens. Autrement dit, on doit prendre en considération les minorités. Doctrine hellénochrétienne : Malgré les convictions personnelles du professeur, le contenu et les messages des fêtes nationales scolaires restent dans un cadre traditionnel sans prises de positions extrémistes ni exagérations. Mondialisation : La mondialisation est perçue positivement. Elle est une chance pour l‟ouverture au monde, une opportunité pour entrer en contact avec d‟autres cultures, d‟autres
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civilisations car « l’uniformité est une forme de fascisme », mais en gardant les particularités de notre civilisation. « Il faut que nous marrions » l‟ethnocentrisme et le cosmopolitisme. Par référence à notre modèle méthodologique et en prenant en considération tout l‟esprit de son discours, nous constatons que ce professeur cultive dans l‟ensemble, par le biais de la fête nationale, une identité nationale modérément positive et ce, malgré ses convictions qui auraient pu nous inciter à le classer dans une direction complètement positive. En réalité, la philosophie de ce même le professeur a connu une évolution au fil des années sur le contenu des fêtes nationales. Autrement dit, il s‟est quelque peu radicalisé aujourd‟hui par rapport à la position qu‟il avait quand il était jeune. Il veut lier ses opinions personnelles, qui sont souvent hors de la tradition scolaire, avec l‟esprit général qui règne lors e la commémoration d‟une fête nationale (caractère ethnocentrique). Autre national-Étranger : C‟est un professeur qui envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales et la tenue du drapeau grec de manière complètement positive. Il soutient la participation égale et facultative des élèves étrangers aux manifestations scolaires en donnant pour argument l‟exemple des Grecs émigrés aux ÉtatsUnis et en Allemagne et qui participent également à la vie culturelle et politique de ces pays. En outre, quand il fait référence aux élèves étrangers, il n‟hésite pas à utiliser l‟exemple de la Turquie et de l‟Albanie qui sont les deux pays avec lesquels la Grèce a les plus grands problèmes.
Professeur n° 17: Sexe : H Convections politiques : Centre Culture participative : oui - membre des associations religieuses Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : La nation grecque est perçue comme une communauté historique chargée d‟une mission jusqu‟à la fin des temps. Le Grec se caractérise par son amour pour la Liberté, la démocratie, le progrès, son histoire et l‟Orthodoxie. Il est intelligent mais parfois il montre ses mauvais penchants (paresse, manque de conscience collective etc.) (« Nous
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sommes un peuple avec une grande histoire. Regarde, malgré les problèmes, nous avançons dans l’histoire… tous cela constitue une partie de notre histoire. La liberté, combien de combats pour la liberté, combien de combats pour la démocratie…ici est née la démocratie. Et l’Orthodoxie. Bien sûr l’Orthodoxie. Elle constitue une partie de notre histoire et de notre culture. Elle est identifiée à notre histoire…mais dans notre vie quotidienne nous sommes négligents. Nous ne respectons pas les lois et les autres…regarde autour de nous… »). Orthodoxie : Les fêtes religieuses et l‟assistance des élèves à la messe sont acceptées dans l‟école publique car les notions d‟Hellénisme et d‟Orthodoxie se confondent (« moi je mets en avant les deux parties de la fête (25 Mars). L’Orthodoxie constitue une partie de notre histoire. Nous ne pouvons pas séparer les deux… »). En ce qui concerne les minorités religieuses parmi élèves, il avoue son ignorance en ce qui concerne leur participation au processus éducatif, et il ne fait aucune référence à la nécessité de respecter leurs convictions confessionnelles. Doctrine hellénochrétienne : Durant la réalisation des fêtes nationales scolaires, il faut rester dans le cadre connu et traditionnel concernant le contenu des fêtes sans prendre d‟initiatives qui feraient sortir de ce cadre. Il faut se conformer aux instructions officielles du Ministère de l‟Éducation (« non, non. Je reste dans le cadre habituel. Nous organisons toujours les fêtes comme depuis des décennies. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons… »). La mondialisation : La mondialisation est envisagée comme une réalité inéluctable qui doit être acceptée. Mais simultanément, selon lui, en raison du manque de formation et de connaissances historiques qui caractérisent les Grecs actuels, l‟assimilation - intégration constitue un danger majeur (« la mondialisation est une réalité. Je ne peux pas dire si je suis pour ou contre…notre jeunesse ne connaît pas notre histoire et je pense que cette méconnaissance constitue un danger pour notre futur. Sans connaissance de notre histoire nous n’avons pas d’avenir »). Le professeur considéré reste, concernant les fêtes nationales, dans un cadre traditionnel. Il présente une image stéréotypée du Grec, il ne fait aucune référence aux minorités religieuses que l‟on trouve dans l‟espace scolaire ; en outre, il se caractérise par une prédisposition négative envers la mondialisation et il insiste sur le contenu historique de l‟historiographie officielle sans références aux approches historiques qui contestent cette historiographie. Mais en même temps, il ne se signale pas par l‟emploi d‟expressions ou de
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références extrêmes et agressives. Par conséquent, il cultive une identité nationale surtout modérément négative.
Autre national-Étranger : Bien que ce professeur se range en faveur de la participation facultative des élèves étrangers aux manifestations scolaires à contenu national, pourtant il est influencé par les problèmes qui existent entre la Grèce et les pays avoisinants. Alors qu‟il positif concernant la participation d‟un élève Pakistanais, il est quelque peu réservé quant à la participation d‟un élève Turc ou Albanais (« moi, je n’ai aucun problème avec les élèves étrangers. Bien sûr je suis pour, mais en ce qui concerne les élèves qui viennent des pays voisins, je ne sais pas…n’oublie pas qu‘avec la Turquie et l’Albanie il y a des problèmes et pour cette raison je suis un peu réservé… »). Pourtant, il conclut à la nécessité d‟une participation égale de tous des élèves et ainsi nous l‟intégrons à la direction modérément positive.
Professeur n° 18 : Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 19 : Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 20 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui Soi national-Grec : Le Grec se présente comme une entité contradictoire. Durant les périodes difficiles pour la nation il est combatif mais dans les périodes de paix, il se caractérise par une absence de conscience collective. Orthodoxie : il est pour les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire mais dans un esprit de modération. Il soutient que, en dépit des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire, les élèves décideront seuls de leurs convictions religieuses.
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Doctrine hellénochrétienne : il évite d‟aborder les sujets susceptibles de choquer les gens et il reste dans un cadre traditionnel. Mais sa réserve envers les approches historiques contestant l‟historiographie officielle, ne signifie pas qu‟il reprend à son compte le noyau dur ethnocentrique de cette historiographie. Mondialisation : le professeur semble assez indifférent au processus de la mondialisation. Il ne prend pas position, en ce qui concerne la Grèce, sur le caractère positif ou négatif de la mondialisation. Le professeur cultive par les fêtes nationales scolaires une identité nationale modérément positive dans l‟ensemble. Même s‟il évite des expressions ou des remarques clairement positives concernant les sous-catégories de notre étude, le style et le ton de son discours montrent un contenu largement positif. L‟approche modérée de tous les sujets prouve que ce professeur vise à cultiver une identité nationale dans respect de l‟histoire grecque mais dans celui également des autres peuples et nations. Il n‟y aucune référence directe ou indirecte où fanatisme, agressivité et hostilité seraient sous jacents. Autre national-Étranger : Il est favorable à une participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Il reconnaît aussi le droit aux élèves étrangers de porter le drapeau grec durant un défilé scolaire et il considère comme allant de soi la participation, sans conditions ni restrictions, des élèves à toutes les activités de l‟école car, dit-il, « ils sont nos enfants ». Selon notre modèle méthodologique nous intégrons ce professeur à la direction complètement positive.
Professeur n° 21 : Sexe : F Convections politiques : centre Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui Soi national-Grec : le Grec est caractérisé par un esprit de combativité pour la Liberté et la Démocratie mais avec des remarques empreintes de modération et sans culte exagéré du passé (« nous sommes un peuple qui aime la Liberté. Nous ne pouvons pas
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supporter l’esclavage…nous avons engendré la Démocratie… ». Mais simultanément, il est présenté comme une entité complexe, voire confuse qui cherche sa place dans un monde moderne également surprenant par ses contradictions et ses nouveaux enjeux (« je pense que nous sommes un peuple un peu confus. Nous cherchons notre place dans le monde actuel…je ne sais pas. Parfois nous sommes sûrs de nous-mêmes, parfois nous sommes un peu perturbés… ») . Orthodoxie : Favorable aux manifestations religieuses et à l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire, il envisage toutefois cette question avec un esprit ouvert et il soutient le caractère facultatif de ces fêtes (« pourquoi pas ? Ces fêtes constituent une partie de la vie scolaire. Elles offrent quelque chose aux enfants…mais sans pression. Nous ne pouvons pas imposer à quelqu’un de participer sous pression. C’est facultatif… »). Doctrine hellénochrétienne : il présente les approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle, aussi objectivement que possible. Il évité les approches extrêmes qui risqueraient de choquer le public mais en même temps il n‟hésite pas à proposée des lectures différentes et documentées de l‟histoire (« je suis pour. Il suffit que ces approches soient objectives. Nous ne pouvons reproduire la propagande, mais la vérité historique… »). Mondialisation : Pour lui, la mondialisation constitue un processus surtout positif. Il accepte qu‟il puisse être Grec en même temps qu‟Européen. Il ne regarde pas ces deux concepts comme contradictoires, il pense au contraire qu„ils peuvent coexister, il suffira que le Grec en soit conscient (« je pense que le problème est avec nous-mêmes. Nous pouvons être les deux à la fois. Nous pouvons lier les deux sans problème. Nous sommes grecs avec notre histoire et notre tradition, mais en même temps nous sommes Européens. Nous sommes une partie de la Europe… nous devons créer un profil plus moderne et plus actuel. J’aime la Grèce, signifie que je m’intéresse à l’évolution de la Grèce dans le monde actuel…»). Ce professeur cultive une identité nationale que l‟on rangera, selon notre modèle méthodologique, dans la catégorie positive. Il envisage nos quatre sous-catégories de façon modérée. Les remarques sur la mondialisation et sur la place de la Grèce dans ce processus, son regard sur les minorités religieuses et tout le ton de l‟entretien confèrent à son discours un ton démocratique, tolérant et extraverti confirmé par l‟absence de commentaires ou références négatives et ethnocentriques.
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Autre national-Étranger : Ce professeur envisage facultativement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires et il accepte également sans réserve que le port du drapeau grec soit confié à un élève étranger. En outre il est remarquable qu‟il ne rejette pas la possibilité de récompenser, si nécessaire, un élève étranger d‟une autre façon qu‟avec le port du drapeau. À son avis l‟idéal serait que les mentalités évoluent, gagnent en maturité, deviennent plus démocratiques. En d‟autre terme, il souhaiterait que la société grecque adopte une attitude telle qu‟elle ne ferait pas de distinction entre les élèves étrangers et les autochtones (« je pense que notre société n’est pas encore mûre pour discuter de ces sujets. C’est quoi le Grec ? C’est quoi l’Européen ? Nous sommes encore une société intravertie qui n’est pas prête à séparer les deux… je pense que dans quelques générations nous pourrons voir plus objectivement toutes ces questions »). Pour toutes les raisons cidessus, nous intégrons le professeur en question à la direction complètement positive. Professeur n° 22: Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal. Professeur n° 23: Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : oui - membre des associations religieuses Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le professeur met en avant, par les fêtes nationales scolaires, surtout les exploits et la force mentale des divers héros Grecs (« nous présentons surtout les héros de l’époque. Leur vie et leurs exploits…ils ont combattu pour nous, ils ont sacrifié leur vie pour nous… »). Mais, certains de ses commentaires montrent que, de manière sous jacente, il répartit les Grecs selon deux périodes : « les anciens » Grecs (ceux de l‟antiquité ou de Byzance qui sont patriotes et pratiquants) et les Grec « actuels » (qui sont caractérisés par beaucoup de défauts) (« c’est vrai qu‘actuellement les choses ne sont pas comme avant. Actuellement nous somme individualistes, nous ne pensons pas beaucoup aux autres… »). Orthodoxie : il est pour l‟organisation des fêtes religieuses de confession orthodoxe et pour l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire car il identifie l‟Hellénisme
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(Grec) à l‟Orthodoxie (chrétien orthodoxe) (« pourquoi pas. Pour moi les deux vont ensemble. Je pense que l’Orthodoxie constitue une partie de notre histoire…l’assistance à la messe des élèves offre quelque chose. Elle est une bonne occasion pour les élèves d’aller à l’église… »). Il ne fait aucune référence à la protection et au respect des élèves des autres confessions religieuses. Doctrine hellénochrétienne : Il transmet des conceptions historiques qui se démarquent selon lui de la doctrine hellénochrétienne. Or, par « approches historiques différentes », il entend des approches historiques qui la renforcent et ne la contestent pas. Mondialisation : La mondialisation est perçue comme un phénomène inéluctable qui ne mérite ni condamnations conventionnelles à l‟emporte-pièce ni louanges fleuries. Finalement il aboutit à la conclusion que nous devons préserver - sauver notre langue et notre religion qui constituent « les fondements de la nation ». En effet, à la fin de son commentaire sur la mondialisation, il exprime sa crainte de voir s‟altérer ou se perdre la langue et dépérir la religion) et il ne fait aucune référence à la mondialisation comme processus susceptible et destiné à rapprocher les uns des autres les peuples et les cultures. Selon notre modèle méthodologique et en prenant en compte l‟ensemble du discours de ce professeur, nous serions tenté de dire qu‟il cultive par les fêtes nationales scolaires une identité nationale surtout négative. De surcroît, il ne comporte pas non plus de références explicites à un contenu démocratique, ouvert et tolérant. Toutefois, son intervention ne se signale pas par des prises de positions extrêmes ou agressives. Pour cette raison, nous infléchirons notre évaluation en classant comme modérément négatives (MN) les conceptions de l‟identité nationale cultivées à travers les fêtes nationales scolaires par ce professeur. Autre national-Étranger : Il est surtout réservé en ce qui concerne la participation des élèves étrangers aux manifestations scolaires nationales, bien qu‟il estime que les fêtes scolaires constituent une bonne occasion pour diffuser des idéaux hellénochrétiens aux élèves étrangers. Pour le port du drapeau grec par des étrangers, il est assez. Globalement, il s‟agit d‟un professeur dont les idées concernant la participation des élèves étrangers à ces fêtes sont assez confuses et plutôt négatives. Pour cette raison, nous intégrons l‟attitude de ce professeur à la direction modérément négative.
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Professeur n° 24: Son entretien se trouve analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 25: Sexe : H Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Grec est présenté comme un patriote qui aime et lutte pour sa patrie, la liberté et la démocratie. Il pense que les fêtes nationales scolaires ne sont pas le moment pertinent pour autocritique. Orthodoxie : il se pose en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire en soutenant que l‟Orthodoxie s‟identifie à l‟histoire grecque et que la grande majorité relève de cette confession. Il ne fait aucune référence aux minorités religieuses. Doctrine hellénochrétienne : bien qu‟il soutienne la nécessité de présenter la vérité historique aux élèves, quand il touche à l‟imaginaire nationale et à ses représentations et manifestations, il se montre très réservé et va jusqu‟à justifier les falsifications historiques. Mondialisation : il fait référence à la mondialisation comme un état de fait pour lequel coexistent une approche plus ouverte et une approche fermée, et entre les deux il préfère la deuxième. Ce professeur déclare sans ambages que pour lui tant la nation grecque que la confession religieuse se trouvent au centre de sa logique quand il organise des fêtes nationales scolaires. Il ne fait aucune référence claire concernant les minorités religieuses et la nécessité d‟une coexistence pacifique entre les peuples et les nations. Pour ces raisons nous intégrons le professeur concerné à la direction modérément négative. Autre national-Étranger : Il envisage positivement la participation égale des élèves étrangers tant qu‟aux fêtes nationales scolaires que pour le port du drapeau grec. Il considère que c‟est honneur pour la Grèce et les Grecs quand un élève étranger exprime spontanément le désir de porter le drapeau grec et par conséquent son attitude s‟intègre à la direction complètement positive.
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Professeur n° 26: Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : le Grec est présenté comme une entité qui a montré esprit libéral et magnanimité à certains moments de son histoire mais en même temps dans cette histoire coexistent aussi des éléments négatifs (« notre histoire a connu beaucoup d’heures glorieuses…nous luttons toujours pour la Liberté. Nous avons un esprit libre, sans contrainte…nous devons accepter qu’actuellement la situation ne soit pas très bonne...nous n’avons pas de conscience du bien commun…nous regardons souvent seulement notre soimême »). Orthodoxie : il est contre les manifestations religieuses dans le cadre de l‟école publique. Il pense que, en raison des conditions actuelles que connaît la société grecque (présence des immigrés), l‟organisation des manifestations religieuses doit relever des compétences de l‟Église et non de celles de d‟École. Doctrine hellénochrétienne : il est pour la présentation des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle, mais d‟une façon modérée sans agressivité ni provocations envers les gens qui assistent aux commémorations nationales (« pourquoi pas. Nous devons présenter aux élèves la vérité historique. Nous ne pouvons pas rester dans une histoire scolaire qui répète toujours les mêmes choses…mais toujours avec documents car dans la fête il y a les parents, les autres camarades… »). Mondialisation : les références à la mondialisation sont absentes. Le professeur reste dans une description des conditions de la période de la fête qu‟il organise et il ne fait aucun lien de cause à effet entre la réalité grecque actuelle et les évolutions que vit actuellement au monde. Tout l‟esprit et le ton de l‟entretien revêtent une allure traditionnelle. Bien qu‟il ne s‟y trouve ni de commentaire positif ni de commentaire négatif, nous pouvons relever certains éléments discrets qui donnent une certaine tonalité au récit : la tolérance concernant les minorités religieuses, la présentation attentive des approches historiques qui battent en brèche le discours historique traditionnel et une présentation modérée du Soi national-Grec - 390 -
témoignent que ce professeur cultive par les fêtes nationales une identité nationale modérément positive dans l‟ensemble. Autre national-Étranger : Ce professeur se montre tout à fait favorable à la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Selon lui, cette participation doit se faire sur un pied d‟égalité et de manière facultative non seulement en ce qui concerne les fêtes, mais également pour le port du drapeau grec durant les défilés scolaires. Il soutient que, puisqu‟un élève étranger est premier de sa classe, cela constitue une satisfaction morale pour les professeurs car un de leurs élèves qui est arrivé en Grèce, sans savoir la langue et confronté à de multiples problèmes, aura réussi à se distinguer. Ainsi, l‟attitude de professeur concret s‟intègre à la direction complètement positive.
Professeur n° 27 : Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : Le Soi national-Grec est présenté comme une entité historique qui, durant des périodes de difficultés, est caractérisé par la combativité, la souplesse, l‟agilité d‟esprit, l‟héroïsme, la stabilité, la placidité, la patience (« je présente le Grec comme quelqu’un qui durant des périodes difficiles, dépasse son soi-même. Durant les périodes dures, le Grec combat avec désintéressement et avec héroïsme pour sa patrie… »). Orthodoxie : Les manifestations religieuses et l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire ne constituent pas une préoccupation majeure. Il n‟y a aucune référence positive concernant le couplage entre le Grec et l‟Orthodoxie ; mais, à l‟inverse, on n‟y trouve pas non plus de référence à la tolérance religieuse ni au respect des minorités religieuses. Doctrine hellénochrétienne : Il est pour la présentation nette ou, au minimum, pour l‟introduction discrète des approches historiques qui contestent la doctrine hellénochrétienne à condition qu‟elles soient documentées et éprouvées dans le temps. Il craint que les élèves ne soient pas mûrs pour accepter ces approches et ainsi il ne veut pas « semer » la contestation.
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Mondialisation : La mondialisation est considérée de manière neutre. Il n‟y a aucune référence concernant la mondialisation ni comme un processus « dangereux pour la particularité grecque », ni comme un processus important qui rapprocherait les peuples et les cultures. Malgré l‟impression plutôt positive donnée par le ton de ce discours l‟approche des fêtes nationales que présente ce professeur est globalement négative. Il n‟y a pas d‟actualisation et aucune critique de la réalité grecque actuelle. Il n‟y aucune référence à la nécessité pour les fêtes nationales ou pour la mondialisation de devenir un moyen de développement de l‟amitié et de la compréhension mutuelle entre les peuples et aucune référence aux minorités religieuses qui fréquentent l‟école grecque et vivent dans la société grecque. Ainsi, nous aboutissons à la conclusion qu‟il cultive une identité nationale surtout modérément négative. Autre national-Étranger : Ce professeur envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques complètement positivement. Il soutient l‟idée d‟une participation égale et facultative non seulement aux fêtes nationales grecques mais aussi pour le port du drapeau grec durant les manifestations scolaires. Selon notre modèle méthodologique, nous aboutissons à la conclusion que l‟attitude de ce professeur est complètement positive.
Professeur n° 28 : L‟entretien est présenté analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 29 : L‟entretien est présenté analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 30 : L‟entretien est présenté analytiquement dans le texte principal.
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Professeur n° 31 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : oui - membre de l‟association culturelle Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui Soi national-Grec : Le Grec se présente comme une entité pleine de contradictions. « Combattant » voire « activiste » dans les périodes difficiles pour la nation, il manque totalement de discipline en temps de paix. Ceci posé, on ne trouve nulle part dans son discours de marques d‟exagération pour valoriser les qualités de Grec. Orthodoxie : il est surtout positif pour les manifestations religieuses dans le cadre scolaire. Mais il confère à celles-ci une valeur essentiellement traditionaliste, spirituelle et humaniste, sans exagérations ni outrances nationalistes ou religieuses (« pour moi l’assistance à la messe constitue un sujet personnel. Simplement l’école donne l’occasion aux élèves d’aller à l’Église…nous ne voulons pas imposer nos convictions religieuses aux autres. Nous respectons les élèves des autres confessions religieuses… »). Doctrine hellénochrétienne : il se montre favorable à des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Il ne cherche pas à dissimuler les approches en question, mais sans esprit de provocation des personnes qui assistent à la fête. Pour cette raison, il utilise surtout les extraits des nouveaux manuels scolaires qui donnent une autre vue des évènements historiques, loin de la narration traditionnelle ethnocentrique. Mondialisation : La mondialisation est envisagée comme un évènement positif. Il pense que l‟ouverture des frontières allait être profitable pour la Grèce. Selon lui, l‟interaction avec les autres civilisations et la civilisation grecque est un processus comportant beaucoup d‟aspects positifs (« nous ne pouvons pas rester renfermés sur notre soi-même…nous ne pouvons pas reproduire toujours une image erronée de notre soimême…Ce contact avec les autres civilisations est une bonne occasion pour profiter des points positifs des autres et offrir les nôtres »). Le discours de ce professeur se caractérise par un style surtout modéré. Il évite les expressions à coloration nationaliste concernant le Soi national-Grec et il fait aussi référence aux défauts des Grecs actuels. Il envisage les manifestations religieuses et l‟assistance des élèves à la messe plutôt positivement, mais dans une optique traditionnelle et spirituelle. Il ne - 393 -
tente pas de masquer les approches historiques qui contestent l‟historiographie nationale, mais les présente sans excès ni exagérations. Enfin, la mondialisation est, pour lui, un processus surtout positif qui rapproche les civilisations plus qu‟elles ne l‟étaient auparavant. Toutes les raisons ci-dessus nous montrent, en les rapportant à notre modèle méthodologique, que ce professeur cultive une identité modérément positive. Autre national-Étranger : Il soutient la participation facultative mais à égalité de droits, des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires et au port du drapeau grec. Comme argument en faveur de la participation égale et de l‟amour des élèves étrangers pour la Grèce, il cite certains évènements où les élèves étrangers soutenaient le Grèce plus vigoureusement que les autochtones. En prenant en compte notre modèle méthodologique, nous dirons que ce professeur à une attitude complètement positive face aux élèves étrangers. Professeur n° 32 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : oui - membre de l‟organisation Axio Neit (adoption d‟un enfant à distance). Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il est grandi en Allemagne et il est élève à l‟école de la communauté hellénique. Soi national-Grec : il présente le Soi national-Grec comme quelqu‟un qui lutte pour la Liberté et pour sa patrie. Bien qu‟il reconnaisse les carences et problèmes de la Grèce actuelle, il évite de les évoquer en préférant rester dans le cadre traditionnel d‟une fête qui exalte le Grec (« Le Grec est quelqu’un qui lutte pour la Liberté…son histoire est pleine des combats pour la liberté de sa patrie…si nous regardons notre histoire, elle est pleine des combats, de sang et de sacrifices… ». Orthodoxie : Au cours de la commémoration du 25ème mars, il présente le caractère national de cette fête sans occulter sa dimension religieuse. Il se dit en faveur des manifestations religieuses à l‟école et pour l‟assistance des élèves à la messe dans le cadre scolaire. Mais bien qu‟il soit pour le maintien de l‟enseignement des principes de l‟orthodoxie dans l‟éducation publique grecque, son discours reste très modéré, sans aucune
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trace d‟extrémisme (« Bien sûr, je suis pour l’assistance des élèves à la messe. Je pense que ce jour est une bonne occasion pour les enfants d’aller à l’église… n’oublions pas que l’orthodoxie constitue une partie de notre histoire…et nous devons garder ses valeurs ». Doctrine hellénochrétienne : la présentation des évènements historiques reste dans le cadre traditionnel. Il ne conteste pas l‟historiographie officielle, même s‟il sait qu‟elle ne correspond pas exactement à la réalité historique. Il préfère rester dans un cadre ethnocentrique en se désintéressant des faits historiquement attestés. Mondialisation : bien qu‟il s‟en tienne aux valeurs conventionnelles et rigides véhiculées par les fêtes nationales, il envisage positivement l‟éventualité d‟une fête plus ouverte, plus extravertie et plus actuelle (« nous ne pouvons pas répéter toujours le même refrain…nous devons être ouverts aux autres peuples et aux autres civilisations…mais, nous ne devons pas abandonner notre histoire et notre tradition… »). Ainsi, si le récit de ce professeur reste dans des limites modérées, il reste partisan sans faille d‟une idée traditionnelle de la célébration des fêtes nationales. Il met en avant le caractère combattant du Grec, il envisage positivement les manifestations religieuses dans l‟école publique et il ne conteste pas du tout la doctrine hellénochrétienne. Visiblement, le séjour de ce professeur à l‟étranger et plus précisément en Allemagne a influencé son point de vue sur la Grèce et sa relation avec la confession orthodoxe. Dans les communautés helléniques d‟Allemagne domine la doctrine hellénochrétienne et les enfants qui participent aux manifestations de la communauté sont très largement baignés dans cette doctrine et influencés par elle. Pour les raisons ci-dessus, nous aboutissons à la conclusion que ce professeur cultive une identité surtout modérément négative. Autre national-Étranger : Ce professeur envisage la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales grecques complètement positivement. Il soutient la participation facultative mais à égalité de droits, des élèves étrangers au port du drapeau grec. Il fait référence à son expérience en tant qu‟élève en Allemagne en disant que le port du drapeau ne créait aucun climat raciste ni dans la classe ni dans l‟école. Pour les raisons cidessus, nous concluons que l‟attitude de ce professeur concernant les élèves étrangers est complètement positive.
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Professeur n° 33 : Sexe : F Convections politiques : centre-droite Culture participative : oui - association bénévole, association culturelle et œuvre pastorale de l‟Église Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟école polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travail dans une école avec grand pourcentage des élèves étrangers. Soi national-Grec : il présente le Grec comme une entité héroïque qui lutte pour la Liberté. Mais, ce qui est remarquable est la fixation de ce professeur sur le rôle de l‟orthodoxie. Il identifie le Grec à l‟Orthodoxe en soutenant que l‟Orthodoxie est l‟élément le plus important de la nation grecque (« nous combattons toujours pour la Liberté…je présente le Grec comme un héros qui lutte pour la Liberté, pour l’Indépendance… notre histoire est pleine de combats et sacrifices… »). Orthodoxie : Il entreprend un couplage entre les événements nationaux grecs et les événements religieux liés à l‟Orthodoxie. Il approche l‟Orthodoxie comme une autre forme de mondialisation qui rapproche les gens. Il envisage les manifestations religieuses et l‟assistance à la messe des élèves plutôt positivement. Il soutient que le cours de catéchisme constitue une réponse crédible face aux problèmes de violence, de drogue et aux angoisses existentielles des gens d‟aujourd‟hui. Doctrine hellénochrétienne : il est pour le discours traditionnel ethnocentrique. Il envisage l‟historiographie officielle comme un récit historique crédible qui répond avec fidélité aux besoins de la Grèce actuelle. Mondialisation : il envisage la mondialisation comme un processus exclusivement économique, mais en même temps il ne lui est pas hostile Il pense que la mondialisation constitue une réalité inéluctable dans laquelle la Grèce doit garder ses particularismes. En lisant attentivement cet entretien, on aboutit à la conclusion que ce professeur cultive une identité surtout modérément négative. Il ne déroge pas à une image glorieuse du Soi national et à la narration de l‟historiographie officielle sans approches historiques qui la contestent. La mondialisation constitue pour lui un processus sans aucune dimension positive et en outre la présentation de la confession orthodoxe est partout. Le Grec est identifié à l‟Orthodoxe et les références aux autres confessions, qui existent dans la société grecque, sont passées sous silence. - 396 -
Autre national-Étranger : Ce professeur bien qu‟il soutienne la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires, il est pour cette participation car la grande majorité de ces élèves sont chrétiens. C‟est-à-dire il accepte leur participation à cause de leur choix confessionnel. En ce qui concerne le drapeau, il soutient que la tenue du drapeau grec de la part d‟un élève étranger est contraire à la logique. Un élève étranger peut prendre une autre récompense mais pas l‟honneur de porter le drapeau grec. Ainsi, nous intégrons l‟attitude de ce professeur à la direction modérément positive.
Professeur n° 34 : Sexe : H Convections politiques : Centre Culture participative : oui - président d‟une association culturelle. Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟École polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travaille à l‟école avec grand pourcentage des étrangers - il habitait à l‟étranger. Soi national-Grec : Le Grec est présenté comme une entité qui lutte pour la Liberté. Bien que ce professeur pense que le Grec actuel se caractérise par certains défauts comme le manque de conscience collective, il reste pourtant dans un cadre traditionnel mais sans exagérations ni prises de position extrêmes. Orthodoxie : il est absolument opposé à toutes les manifestations religieuses et à l‟assistance à la messe des élèves dans le cadre scolaire. En même temps, il n‟hésite pas à exprimer son soutien à la mise en place d‟une éducation laïque. Doctrine hellénochrétienne : il envisage surtout positivement les approches qui contestent l‟historiographie officielle, bien qu‟il respecte le cadre administratif actuellement en vigueur pour les fêtes. Mondialisation : les références de ce professeur à la mondialisation et à son influence sur la réalisation des fêtes nationales scolaires sont absentes. Toutefois, à un point de l‟entretien, il donne une image plutôt positive de la mondialisation. Ce professeur appartient à une petite minorité qui s‟exprime sans préférences idéologiques. Il s‟abstient de manifester, par les fêtes nationales scolaires, ses convictions réelles et il reste dans un cadre traditionnel. Mais ce qui est remarquable est qu‟il donne aux
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fêtes nationales un caractère surtout éducatif, sans faire preuve d‟aucun extrémisme nationaliste. Bien qu‟il reste dans une logique de fonctionnaire, il est très prudent quand il s‟exprime sur le Soi national-Grec, sur la relation entre l‟Orthodoxie et le Grec et sur le discours national de l‟historiographie officielle. Pour toutes les raisons ci-dessus et conformément à notre modèle méthodologique, nous intégrons ce professeur à la direction modérément positive.
Autre national-Étranger : Ce professeur envisage la participation des enfants étrangers aux fêtes nationales scolaires également et facultativement. En ce qui concerne le port du drapeau grec, il soutient que c‟est une question tranchée par les lois et par conséquent il ne saurait être ni pour, ni contre. Bien qu‟il reste positif concernant le port du drapeau, il s‟en remet à la loi et il évite prendre position sur un sujet qui a causé des conflits dans la société grecque. Par conséquent et malgré le style de son discours qui est positif, nous intégrons ce professeur à la direction modérément positive.
Professeur n° 35 : Sexe : F Convections politiques : Gauche. Culture participative : oui - membre d‟une association bénévole (reboisement), membre d‟une équipe de théâtre. Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération d‟École polytechnique. Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travaille dans une école avec grand pourcentage des élèves étrangers. Soi national-Grec : les Grec est présenté comme susceptible et adaptable. Les références à la réalité actuelle sont absentes tout comme les références à l‟antiquité grecque. Le professeur reste dans un cadre plutôt modéré sans exagérations négatives ou positives pour le Soi national-Grec. Orthodoxie : il envisage les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire avec une certaine réserve. Il donne à la croyance religieuse un caractère essentiellement individuel et il est pour les droits des minorités religieuses dans le cadre scolaire. Il évite les références à l‟identification entre le Grec et l‟Orthodoxe.
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Doctrine hellénochrétienne : il est pour les approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Bien qu‟il évite les références directes aux sujets discutés, il n‟hésite cependant pas à sous-entendre les approches qui échappent au cadre traditionnel et ethnocentrique. Mondialisation : la mondialisation est envisagée de manière plutôt favorable. Il la présente comme une réalité inéluctable à laquelle la Grèce et le système éducatif doivent s‟adapter. Il soutient que, à cause de la mondialisation et l‟arrivée des immigrants, les fêtes nationales doivent être plus ouvertes et plus extraverties que par le passé. Le récit du professeur ci-dessus et tout le ton de son discours révèlent une personnalité qui cultive une identité modérément positive dans l‟ensemble. Il envisage les quatre sous-catégories de notre étude avec un esprit plutôt modéré. Les nouveaux défis de la mondialisation, la doctrine hellénochrétienne, le Soi national-Grec et la relation entre le Grec et l‟Orthodoxe constituent des sujets qu‟il perçoit sans démesure. Mais on remarquera aussi qu manquent totalement les références à la réalité actuelle grecque. Très souvent, ce professeur donne l‟impression qu‟il organise les fêtes nationales scolaires hors du cadre actuel de la réalité grecque. Pour toutes ces raisons nous ne pouvons intégrer ce discours à une direction complètement positive et nous maintenons notre avis initial. Autre national-Étranger : Il est pour la participation égale et facultative des élèves étrangers aux manifestations scolaires à contenu national et au port du drapeau grec durant les manifestations scolaires. Il considère que tous les enfants de la classe sont « ses enfants » et par conséquent aucune distinction n‟a lieu d‟être entre eux. En prenant en compte la méthodologie de notre étude, l‟attitude de ce professeur face aux élèves étrangers est complètement positive.
Professeur n° 36 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : oui - association culture, association bénévole (protection d‟environnement, médecins sans frontières). Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟École polytechnique
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Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travail dans une école avec grand pourcentage des élèves étrangers. Soi national-Grec : le Grec est présenté comme une entité qui aime sa patrie, mais qui est très méfiant à l‟égard du pouvoir et surtout du pouvoir étatique position qui dénonce implicitement un manque de conscience sociale et collective. Il est présenté aussi comme un cosmopolite qui vit avec les étrangers depuis des siècles. Orthodoxie : il se range en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire et les perçoit comme la matérialisation d‟une envie d‟une partie de la communauté scolaire. Mais, en même temps, il respecte les convictions des autres minorités religieuses en acceptant leur droit de s‟abstenir des manifestations scolaires religieuses. Doctrine hellénochrétienne : il est pour les approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle, il suffira qu‟elles soient conformes à ses convictions personnelles. Mais la présentation de ces approches est mise en avant avec discernement, discrètement, sans exagérations. Mondialisation : bien que son propos ne contienne aucune référence directe à la mondialisation, il utilise des expressions positives quand il fait référence aux conditions actuelles, en particulier lorsqu‟il s‟exprime sur la présence des étrangers en Grèce. Cela signifie qu‟il envisage la mondialisation surtout comme une réalité qui ne constitue pas un danger pour l‟homogénéité religieuse et nationale de la société grecque, mais pas non plus comme une chance pour la Grèce de s‟ouvrir au monde. Ce professeur cultive, selon notre modèle méthodologique, une identité surtout modérément positive. Les références continues à la notion de la Liberté, pas seulement nationale mais individuelle, ainsi que tout le style de son discours montrent qu‟il met en avant certaines valeurs diachroniques et universelles. La présentation du Soi national est très modérée sans exagérations, les minorités religieuses sont envisagées avec respect, les approches contestant l‟historiographie officielle ne manquent pas et la mondialisation n‟est pour lui un processus ni positif, ni négatif. Par conséquent, au vu des références qui concernent les quatre sous-catégories de notre étude, le ton est largement démocratique et tolérant.
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Autre national-Étranger : Ce professeur envisage de façon complètement positive tant la participation des élèves étrangers aux manifestations nationales scolaires que le port du drapeau grec durant les défilés scolaires. Il n‟hésite pas aussi à dire qu‟il ferait de même s‟il habitait à l‟étranger, c‟est-à-dire il participerait à toutes les manifestations du pays où il serait installé. Par conséquent et selon notre modèle méthodologique nous intégrons ce professeur à la direction complètement positive.
Professeur n° 37 : Sexe : H Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans - génération jeune Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travaille dans une école avec grand pourcentage des élèves étrangers Soi national-Grec : le Grec est présenté comme une entité généreuse, héroïque et fière. Bien qu‟il pense que la société grecque soit caractérisée par une « grande rouerie et beaucoup d’obséquiosité » il évite de faire référence à ces aspects négatifs de la société grecque et il présente le Soi national-Grec idéalisé et sans défauts. Orthodoxie : il est contre les manifestations religieuses et contre l‟assistance à la messe des élèves dans le cadre scolaire. Il fait référence aux élèves étrangers de l‟école en disant que ces manifestations ne plaisent pas non plus aux élèves. Doctrine hellénochrétienne : il reste dans un cadre traditionnel concernant le contenu des fêtes nationales. Il ne met pas en avant les approches contestant l‟historiographie officielle car il ne veut pas provoquer le public. Par conséquent, il reste dans une logique ethnocentrique. Mondialisation : il envisage la mondialisation comme un processus surtout positif et non pas comme une menace pour la Grèce. Il est pour l‟intégration des éléments étrangers dans la culture grecque et pour l‟intégration des immigrants dans la société grecque. Bien que ce professeur présente une image contradictoire, tout le style de son discours relève surtout de la direction modérément positive. Quand il insiste sur le fait qu‟il faut garder un style traditionnel aux fêtes nationales, il s‟agit de conserver une habitude et non de
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manifester ses préférences idéologiques. Certes, une partie du contenu des fêtes qu‟il organise, reste toujours dans un cadre ethnocentrique. Mais une autre partie est plutôt extravertie et tolérante. En synthétisant les deux approches différentes et en prenant en compte tout le style et tout le ton de son discours, nous aboutissons à la conclusion que finalement il cultive par les fêtes nationales scolaires une identité surtout modérément positive. Autre national-Étranger : Il est pour la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Il est également favorable au port du drapeau grec durant les manifestations scolaires de la part des élèves étrangers. Il garde une position très claire et ferme, sans dérobades ni contradictions et par conséquent nous intégrons son attitude à la direction complètement positive.
Professeur n° 38 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟École polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travaille dans une école avec grand pourcentage des élèves étrangers Soi national-Grec : il donne une image très modérée du Soi national-Grec. Le Grec se présente comme quelqu‟un désireux d‟apprendre, comme un homme de progrès, mais sans responsabilité vis à vis des aspects négatifs de la société grecque contemporaine. Il pense que la grande responsabilité de la mauvaise situation actuelle de la Grèce revient surtout à la classe politique qui soit supporte, soit fomente cette situation. Orthodoxie : il est pour la tenue des manifestations religieuses dans le cadre scolaire, mais exclusivement pour les enfants qui le souhaitent. Il soutient le caractère facultatif de ces manifestations en respectant les enfants des autres confessions. Doctrine hellénochrétienne : il est pour la présentation objective des évènements historiques et des approches qui contestent l‟historiographie officielle. Il soutient que la présentation véritable et discrète de l‟histoire touche l‟intérêt des élèves. Mondialisation : L‟absence totale de référence à la mondialisation dans son discours, n‟a pas pour corollaire une peur concernant les nouvelles conditions socioéconomiques. Au
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contraire, il accepte la réalité actuelle avec compréhension et tolérance en entreprenant de donner aux fêtes qu‟il organise un contenu surtout internationaliste. En lisant attentivement l‟entretien de ce professeur, nous aboutissons à la conclusion qu‟il cultive une identité surtout modérément positive. Si la fréquence des références positives dans le texte s‟avère faible, selon notre modèle méthodologique, il n‟y a toutefois aucun extrémisme, aucune exagération dans ses positions. La compréhension et la tolérance envers les minorités nationales et religieuses sont diffuses dans tout le texte et sans aussi que le ton soit exagéré. Il s‟agit surtout d‟un professeur qui fait la synthèse entre la tradition scolaire et les besoins actuels. Autre national-Étranger : Il soutient que la participation égale des élèves étrangers aux manifestations scolaires à contenu national et au port du drapeau grec est un moyen important concernant leur intégration à la société grecque. Il considère que, par ces manifestations, les enfants aiment la Grèce et finalement sont destinés à y demeurer pour toujours. Par conséquent ce professeur envisage complètement positivement la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires.
Professeur n° 39 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : oui - association culturelle (groupe de théâtre) et association bénévole (aux hôpitaux). Classe d‟âge : plus de 45 ans - génération de l‟École polytechnique Contact quotidien avec les élèves étrangers : oui - il travaille dans une école avec un grand pourcentage des élèves étrangers. Soi national-Grec : bien qu‟il ait une opinion peu flatteuse concernant le Grec d‟aujourd‟hui, il en présente par les fêtes nationales une image idéalisée : en effet le Soi national-Grec dispose de toutes les caractéristiques du patriote qui lutte pour son pays, alors qu‟il fait une distinction marquée entre le Grec d‟aujourd‟hui chargé de beaucoup de défauts et celui de l‟antiquité de toutes les qualités.
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Orthodoxie : il est surtout positif concernant les manifestations religieuses et l‟assistance à la messe des élèves dans le cadre scolaires. Bien qu‟il considère que la tenue des ces manifestations ressemble à une farce, à une mauvaise comédie, pourtant il soutient que cela contribue à l‟instruction des enfants. Bien sûr, il respecte les choix des enfants des autres confessions en confortant leur exception. Doctrine hellénochrétienne : il est pour la présentation discrète des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Il pense que la présentation de ces approches offre aux élèves des stimuli pour rechercher et trouver la vérité historique sans manipulations ni arrière pensées. Mondialisation : les références positives ou négatives à la mondialisation manquent. Mais malgré cela, dans tout le discours domine un parfum internationaliste qui présente la Grèce comme messagère de paix et vecteur de culture. Cela signifie qu‟il n‟éprouve aucune crainte ni vis à vis des nouvelles conditions qui ont engendré la mondialisation ni vis à vis des immigrants qui se trouvent en Grèce depuis vingt ans.
Bien que ce professeur reste dans un cadre traditionnel concernant le contenu et la réalisation des fêtes nationales scolaires, tout le style de son discours est caractérisé par un ton modéré, en dépit de ses positons en faveur des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire. Autre national-Étranger : Ce professeur soutient la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. Il se montre aussi favorable au port du drapeau grec par les élèves étrangers durant les manifestations scolaires et il soutient que cet événement constitue un honneur non seulement pour eux mais pour la Grèce aussi. En prenant en compte notre modèle méthodologique, nous aboutissons à la conclusion que ce professeur envisage complètement positivement la participation des élèves étrangers aux manifestations scolaires à contenu national.
Professeur n° 40 : Sexe : H Convections politiques : non réponse Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans
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Contact quotidien avec les élèves étrangers : de 5 ans en tant que professeur, il a travaillé les 3 ans en Thrace aux écoles musulmanes. Soi national-Grec : il voit l‟organisation des fêtes de manière très conventionnelle, qui ne sort pas des sentiers battus : il identifie le Grec avec les idéaux de la Démocratie et de la Liberté. Bien qu‟il accepte que le Grec actuel se caractérise par certains défauts, le professeur concerné ne fait aucune référence à ces défauts. Orthodoxie : il se pose en faveur du caractère facultatif de la participation des élèves des autres confessions aux activités religieuses de l‟école grecque et globalement il est modéré en ce qui concerne le rôle de l‟Église et de l‟Orthodoxie dans les affaires publiques de la Grèce. Doctrine hellénochrétienne : il répond au schéma classique des fêtes nationales sans références aux approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle car il ne veut avoir d‟attitude provocante ni envers le public ni envers les autres professeurs qui assistent à la fête. Mondialisation : Il ne se exprime pas ni positivement, ni négativement pour la mondialisation. Il l‟envisage comme une réalité dans laquelle nous devons vivre et il ne fait aucune référence aux dangers et aux chances qu‟elle apporte. Bien que dans le discours en question nous puissions trouver certains éléments positifs (une approche modérée des autres confessions religieuses et l‟acceptation neutre de la mondialisation), finalement ce professeur penche pour une organisation traditionnelle des fêtes nationales scolaires et par conséquent il reproduit une image tant du Soi national-Grec que de la nation grecque qui reste dans le cadre de l‟histoire scolaire. Pour cette raison nous intégrons le contenu de l‟identité nationale que cultive ce professeur à la direction modérément négative. Autre national-Étranger : Il soutient la participation égale et facultative des élèves étrangers tant qu‟aux fêtes nationales scolaires qu‟au port du drapeau grec. Il soutient le traitement égal de tous les enfants quelle que soit leur nationalité et leur choix religieux. Pas conséquent son attitude s‟intègre à la direction complètement positive.
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Professeur n° 41 : L‟entretien est présenté analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 42 : L‟entretien est présenté analytiquement dans le texte principal.
Professeur n° 43 : Sexe : F Convections politiques : Centre Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : il distingue le Soi national-Grec en deux éléments : le Grec d‟aujourd‟hui et le Grec ancien qui est caractérisé par sa combativité et sa grandeur d‟âme. Il fait une petite référence à la nécessité d‟une autocritique mais sans insister et en mettant en avant surtout les caractéristiques positives. Orthodoxie : il envisage positivement la tenue des manifestations religieuses dans l‟espace scolaire et globalement il se pose en faveur du renforcement de la doctrine hellénochrétienne. Doctrine hellénochrétienne : il est contre la présentation des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Il préfère rester dans le cadre classique car il ne veut pas toucher des sujets historiques sensibles. Mondialisation : il approche la nouvelle réalité de la mondialisation globalement de manière neutre mais avec un petit sentiment de peur. Durant la réalisation de la fête, il essaie de garder une certaine distance par rapport aux convictions personnelles. Le professeur concerné réalise les fêtes nationales scolaires dans le cadre traditionnel sans innovations et approches différentes. Mais ce qui est caractéristique du style de son discours c‟est qu‟il exhale un air de modération et de tolérance sans extrémismes idéologiques ni exagérations. Pour cette raison ce professeur cultive globalement, selon notre modèle méthodologique, une identité nationale modérément négative.
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Autre national-Étranger : Il envisage positivement la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires. En ce qui concerne le drapeau grec, il est un peu réservé voire gêné en soutenant que cet élève « doit se sentir Grec ». Par conséquent ce professeur est intégré à la direction modérément positive.
Professeur n° 44 : Sexe : F Convections politiques : Centre-droite Culture participative : oui. Membre des associations culturelles Classe d‟âge : plus de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : le Grec se distingue par son sens de l‟abnégation, du sacrifice de soi, du dévouement à la patrie et du désintéressement. Ce portrait flatteur est assorti certes d‟une autocritique pour les défauts des Grecs, mais elle secondaire. Orthodoxie : il envisage positivement les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire, mais sans extrémismes. Pour lui, ces manifestations appartiennent à la tradition scolaire et présentent un caractère presque exclusivement culturel. Doctrine hellénochrétienne : il reste dans le cadre traditionnel sans références aux opinions historiques différentes par rapport à l‟historiographie étatique. Il reste dans ce cadre surtout à cause de ses convictions personnelles et pas à cause de peur de provoquer le public. Mondialisation : la mondialisation est envisagée surtout neutre. Malgré nos questions, il ne fait aucune référence sur la nouvelle réalité parce que probablement ce sujet ne constitue pas un sujet de la pensée pour la réalité scolaire quotidienne. Ce professeur cultive par les fêtes nationales scolaires une identité nationale surtout modérément négative. Il s‟agit pour une circonstance classique de la direction mentionnée car tant les références relatives que le style total du discours donnent-ils une image conservatrice mais sans exagérations et extrémités. Autre national-Étranger : Il envisage tant la participation des élèves étrangers que le port du drapeau grec positivement. Il soutient le caractère facultatif de cette participation et il
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ne veut pas exclure aucun élève des manifestations scolaires. Pour cette raison nous intégrons son attitude à la direction complètement positive.
Professeur n° 45 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : non Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : il présent le Grec comme un esprit qui aime la Liberté mais en même temps il pose et certains défauts des Grèce. Il évite les expressions exagérées concernant le Soi national-Grec e et il reste dans un cadre modéré. Orthodoxie : il est contre les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire et il soutient que actuellement ces manifestions ont caractère de la obligation scolaire sans sens essentiel. Doctrine hellénochrétienne : il se pose en faveur de la présentation indirecte des approches historiques qui contestent l‟historiographie officielle. Bien qu‟il a peur de provoquer le public, il ne hésité pas de pose des sujets considérable pour l‟idéologie nationale. Mondialisation : il envisage la mondialisation surtout positivement comme une chance pour la collaboration des peuples. Il n‟y a pas de référence de peur et d‟insécurité. Tant les sujets particuliers que tous le style de la narration concernée témoigne un professeur qui cultive par les fêtes nationales scolaire une identité surtout modérément positive. Bien qu‟il pourrait s‟intégrer dans la direction complètement positive pourtant manque une considération totale et cohésive à cause peut-être de l‟âge jeune de professeur concret. Autre national-Étranger : Il soutient la participation égale et facultative des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires et au port du drapeau sans aucune discrimination envers eux. Et il va aussi un marché plus en disant que nous ne devons pas donner aux élèves étrangers des textes et des poèmes nationalistes car cette notre action provoque leurs
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convictions nationales et religieuses. Par conséquent il s‟intègre à la direction complètement positive.
Professeur n° 46 : Sexe : F Convections politiques : Droite Culture participative : oui. Membre du parti politique. Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : il présente le Grec comme combattant et fier et sans éléments d‟autocritique qu‟il les évite. Orthodoxie : bien qu‟il soit pour les manifestations religieuses dans l‟espace scolaire pourtant il est modéré et tolérant concernant les convictions religieuses des élèves des autres confessions. Doctrine hellénochrétienne :
il reste consciemment
fidèle à la doctrine
hellénochrétienne sans aucune référence aux approches qui la conteste. Mondialisation : il envisage la mondialisation surtout comme une réalité. Il n‟est pas influencé par lui durant la réalisation des fêtes mentionnées et il ne s‟exprime ni positivement ni négativement. Ce professeur reste dans un cadre classique et traditionnel. Sans exagération et extrémités il ne met en avant aucune innovation et aucune nouvelle idée pour changer le style et le caractère des fêtes nationales scolaires. Pour cette raison le professeur concerné cultive par ceux fêtes une identité nationale surtout modérément négative. Autre national-Étranger : Il est aussi positif concernant la participation des élèves étrangers aux fêtes nationales scolaires et au port du drapeau grec. Il soutient le caractère facultatif de la participation selon la volonté et les convictions personnelles de chaque élève. Pour cette raison, son attitude est complètement positive.
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Professeur n° 47 : Sexe : F Convections politiques : Centre-gauche Culture participative : oui. Membre des associations bénévoles de l‟Église. Classe d‟âge : moins de 45 ans Contact quotidien avec les élèves étrangers : non Soi national-Grec : il présent le Grec comme une entité qui lutte pour les idéaux de la Liberté et de la Démocratie. Bien qu‟il accepte les défauts de la race pourtant il évite de faire référence aux ces défauts (« nous sommes un peuple qui est identifié à la Démocratie, à la Liberté. Nous ne pouvons pas vivre comme des esclaves…c’est vrai qu’il y a beaucoup de défauts actuellement, mais je pense que nous avons certaines particularités qui nous caractérisent depuis les siècles… »). Orthodoxie : il se pose en faveur de les manifestations religieuses dans l‟espace scolaires et pour l‟avance de la doctrine hellénochrétienne (« bien sûr je suis pour…l’Église constitue un lieu où les enfants viennent en contact avec Dieu. L’Église constitue un lieu où on peut se relaxer et se calmer… »). Doctrine hellénochrétienne : il reste dans un cadre traditionnel sans approches différentes par rapport à l‟historiographie officielle. Il reste réservé en face des nouvelles approches et il considère que les fêtes mentionnées ne sont pas une bonne chance pour toucher ces sujets (« je ne pense pas que les fêtes soient la bonne occasion pour aborder ces sujets…nous présentons les événements depuis des décennies. Il y a un cadre scolaire depuis des décennies et nous travaillons dans ce cadre… »). Mondialisation : il envisage la mondialisation surtout positivement. Il se pose en faveur de l‟acceptation des nouvelles idées mais avec un style critique et en respectant toujours la civilisation grecque (« je ne crois pas que la nouvelle donne constitue de danger pour nous…nous devons présenter notre histoire et notre civilisation…on n’accepte pas passivement la nouvelle situation…on présente son histoire, sa civilisation… »). Ce professeur malgré le style modéré qui sorte toute sa narration, il reste dans un cadre classique depuis les décennies. Aux tous les sujets il n‟intègre aucune nouvelle idée et approche mais il reproduit un modèle et un contenu des fêtes traditionnel. Par conséquent son discours s‟intègre à la direction modérément négative.
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Autre national-Étranger : Il se pose en faveur de la participation libre, égale et facultative des élèves étrangers tant aux fêtes nationales scolaires qu‟au port du drapeau grec. Tandis qu‟un élève remplit les suppositions nécessaires, il peut porter le drapeau indépendamment de sa religion et de sa nationalité (« je n’ai aucune problème. Si cet élève est le meilleur, il peut porter le drapeau… Sa religion et sa nationalité ne jouent aucun rôle… »). Par conséquent son attitude est complètement positive.
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