MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008
Sanitary inspection in saughterhouses Intervenant/Speaker : Eric POUDELET European Commission, Brussels
Résumé : Speech (original) : Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Collègues, Je suis particulièrement heureux d'être avec vous aujourd'hui et je tiens à remercier la Présidence française de me donner l'occasion d'ouvrir ce séminaire sur l'inspection des viandes, thème qui, en effet, se situe au cœur des préoccupations vétérinaires depuis des siècles. Avant de mieux positionner ce séminaire dans le nouveau cadre juridique du paquet "hygiène", je souhaiterais faire quelques incursions dans le passé pour illustrer le côté multiséculaire de la sécurité alimentaire en générale et de l'inspection des viandes en particulier. L'importance du rôle joué par l'alimentation, dans le développement d'un pays, n'a échappé à aucune civilisation. Chez tous les peuples policés, on vit le législateur intervenir pour garantir à l'individu la salubrité des denrées les plus indispensables. Ainsi, dans un ouvrage récent sur les peurs alimentaires, une place privilégiée était accordée à un exemple de législation qui illustre bien cette nécessité de mesures préventives et qui, par certains aspects, préfigure l'inspection des viandes telle que nous la connaissons. Ce texte est connu sous le nom de "Charte de Mirepoix". Il a été promulgué en 1303 par Jean Ier de Lévis, le plus puissant vassal de Philippe Le Bel en Languedoc. Dans le préambule de cette charte, le seigneur de Mirepoix exprime ses préoccupations : il convient, écrit-il, d'éviter les périls qui pourraient survenir de la consommation de viande. Ces périls ne sont pas connus très précisément à cette époque. Ils sont plutôt du domaine de l'incertain ou du potentiel mais il affirme que c'est le devoir du seigneur de faire son possible pour les éviter. Le premier objectif de la charte est donc très clair et relève de ce que nous appelons aujourd'hui de la sécurité alimentaire. Et si le classement en tête du document a un sens, on pourrait en conclure que déjà ce souci de santé publique est prioritaire et passe avant le second objectif invoqué qui est de permettre aux bouchers de retirer un gain légitime de leur commerce. C'est dans ce même esprit que nous nous situons aujourd'hui quand, au travers de nos législations, nous œuvrons pour assurer le plus haut niveau de sécurité des aliments tout en maintenant une libre circulation de ces mêmes aliments dans des conditions de marché équitables et loyales pour les opérateurs. L'étude un peu plus détaillée de ce texte permet aussi de s'apercevoir qu'au-delà des principes généraux évoqués jusqu'ici, un niveau adapté de détail est introduit dans la charte pour minimiser les risques pour le consommateur. Ceux-ci vont de la prohibition totale de consommation comme pour la viande de cheval pour des raisons éthiques liées à l'image et l'importance de cet animal à cette époque-là, mais aussi pour la viande de chèvre parce que la mauvaise réputation de cet animal faisait qu'on la suspectait d'être constamment fiévreuse et par là-même le vecteur d'un mal bien connu qu'est la fièvre de Malte, jusqu'à des règles particulières pour la viande bovine, ovine et porcine permettant de dépister
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 certaines maladies propres à ces animaux et donc de faire disparaître tout risque de "périls" pour le consommateur. L'exemple de la viande porcine est, à ce titre, intéressant : tandis que les ovins ne doivent subir qu'une inspection, avant l'abattage, et les bovins aussi une seule, après abattage, les porcs sont eux soumis à un double examen, avant et après abattage. Lors du premier examen, il faut coucher l'animal sur le côté tout en maintenant son museau bien ouvert pour examiner sa langue par la vue et le toucher. Ainsi, en passant le doigt sous la langue, on verra ou sentira les pustules sublinguales qui signalent la ladrerie de façon évidente. Lors du second examen, un contrôle attentif et un œil exercé sont nécessaires pour détecter la présence potentielle de "grains" dans la chair, c'est-à-dire la présence de larves enkystées dans la masse musculaire. Je refermerai cet aparté sur le passé sur un simple constat : on s'aperçoit à la lecture de cette charte que les principes de base de l'inspection des viandes ne sont pas nés de l'esprit du législateur au ème ème 19 ou 20 siècle mais sont bien le fruit d'une lente évolution qui a suivi celle de nos connaissances et dont l'objectif reste d'assurer le niveau le plus élevé de protection pour la santé du consommateur. Ce processus d'évolution n'est d'ailleurs pas prêt de s'arrêter. Tout le monde, je pense, en tout cas dans la Communauté, se souvient de la directive 64/433, qui peu de temps après la signature du traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne, a harmonisé les règles applicables à la production de viandes destinées aux échanges entre les différents Etats membres. Cette directive, qui a été révisée à plusieurs reprises et notamment avant l'achèvement du marché unique, reflétait les meilleures techniques d'inspection, que l'on pourrait décrire comme "classiques". Elle était particulièrement détaillée et prescriptive, fixant les moyens à mettre en œuvre et les méthodes à suivre par les opérateurs. Avec l'adoption, tout d'abord, du Livre Blanc sur la sécurité alimentaire en 2000, puis plus récemment du règlement (EC) n° 178/2002 sur les principes généraux en matière de sécurité alimentaire et enfin avec l'entrée en vigueur en janvier 2006 du paquet "hygiène", je suis convaincu que le processus de modernisation de l'inspection des viandes a pris un nouveau tournant et qu'une nouvelle marche a été franchie. En effet, pour renforcer la protection du consommateur : •
ce paquet législatif met en place une démarche intégrée qui couvre, dans un même cadre juridique, l'ensemble des denrées alimentaires ainsi que l'ensemble des étapes de la chaîne alimentaire – selon l'image maintenant consacrée "de la fourche à la fourchette",
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 •
ce paquet législatif revisite la manière de légiférer en éliminant les détails inutiles dans un souci de simplification mais aussi et surtout en définissant des objectifs à atteindre plutôt que des méthodes à suivre,
•
ce paquet législatif met en exergue l'analyse des risques avant toute prise de décision et cela, tant au niveau du législateur avant de réviser ou proposer de nouvelles mesures qu'au niveau de l'opérateur dans le choix des procédures ou des moyens à mettre en œuvre pour garantir la sécurité des aliments fabriqués au travers notamment du système HACCP,
•
ce paquet législatif rend les opérateurs responsables en premier lieu de la sécurité des aliments placés sous leur contrôle,
•
mais il offre la souplesse nécessaire pour permettre à toute entreprise du secteur alimentaire, et notamment aux micro-entreprises, d'atteindre les objectifs fixés par la réglementation communautaire.
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 De façon plus spécifique dans le secteur des viandes, ce paquet "hygiène" a introduit un certain nombre de nouveautés non seulement pour les opérateurs mais aussi pour les autorités chargées de les contrôler. Ainsi, sans faire une énumération à la Prévert et sans aller trop dans le détail car cela vous sera présenté dans la suite de la semaine par d'autres intervenants, on peut noter: •
côté industrie, −
l'accès au marché communautaire pour tous les établissements, quelle que soit leur taille. Il n'existe en effet plus d'établissements dits "à faible capacité", ceux-là même qui, dans la législation précédemment en vigueur, n'avaient pas accès au marché communautaire. Les règles du paquet "hygiène" ont été définies de telle manière que tout abattoir doit être agréé pour lui permettre de placer ses produits en toute liberté sur le marché communautaire.
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 Une mesure transitoire se terminant au 31 décembre 2009 a, toutefois, été introduite dans la législation pour permettre aux opérateurs d'obtenir et aux autorités de délivrer cet agrément. Aucune prolongation de cette mesure n'est prévue.
•
−
la généralisation de façon progressive d'échanges d'informations entre éleveurs et abatteurs pour toutes les espèces, afin d'assurer une meilleure programmation des abattages fondée sur le risque,
−
l'introduction de procédures basées sur les principes de l'HACCP,
côté autorités compétentes, −
un changement profond dans l'approche avec laquelle sont réalisés les contrôles officiels,
−
l'implication d'autres personnels dans la mise en œuvre des activités de contrôle,
−
l'introduction de nouvelles méthodes d'inspection des viandes,
−
la possibilité d'expérimenter à petite échelle mais officiellement de nouvelles méthodes d'inspection au travers de projets-pilote,
−
l'assouplissement des règles en matière de contrôle des Trichines.
Comme je l'ai déjà signalé, le paquet "hygiène" a radicalement modifié le positionnement des opérateurs en matière de sécurité alimentaire, mais aussi celui des autorités compétentes et des inspecteurs affectés au contrôle au jour le jour de la bonne application des exigences réglementaires par les opérateurs. Il était donc essentiel, pour que les autorités compétentes réussissent aussi cette mutation, de veiller à ce que le personnel de contrôle chargé de garantir la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, la santé et le bien-être des animaux et la santé des plantes dispose d'informations les plus actuelles, les précises et les plus claires sur les règles communautaires applicables en la matière. La mise en œuvre du paquet "hygiène" requiert, en effet, un niveau élevé de compétence de la part des autorités de contrôle et il convient d'assurer une vaste harmonisation et une plus grande efficacité des contrôles. C'est dans cet esprit et avec cet objectif que la Commission a lancée l'initiative "Une meilleure formation pour des aliments plus sains" dès 2006 - et j'avoue en être d'autant plus fier que ce projet a été mené au niveau de mon unité. Cette initiative n'a pas pour but de remplacer les mécanismes de formation déjà en place au niveau national mais de les compléter. Après plusieurs modules de formation à l'audit des systèmes HACCP en 2006, 2007 et 2008, la Commission a décidé d'élargir, cette année, le champ des formations proposées à certains secteurs très spécifiques comme celui des viandes. Cet effort devrait perdurer. Nous croyons, en effet, qu'il est essentiel à la bonne mise en œuvre des législations communautaires. Améliorer la formation des inspecteurs officiels pour assurer une meilleure harmonisation des activités de contrôle est déjà un pas vers une modernisation de l'inspection. Alors voilà, le mot-clé est lancé : "modernisation de l'inspection des viandes". C'est le thème qui occupera la suite de nos débats. Avec la mise en place du paquet "hygiène", vous en conviendrez, j'espère, tous, le législateur européen s'est déjà engagé sur cette voie. Cependant, rien n'est complètement gravé dans le marbre. Des améliorations sont possibles et certainement nécessaires. C'est pourquoi la tenue de ce séminaire me paraît d'un intérêt tout
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 particulier pour susciter un bouillonnement d'idées et proposer de nouvelles pistes pour encore faire évoluer notre modèle européen. Ceci est d'autant plus vrai que les conclusions de ce séminaire pourront aussi alimenter les discussions que nous ne manquerons pas d'avoir avant la fin de l'année 2009. Vous n'êtes, en effet, pas sans savoir que la Commission doit pour mai 2009 remettre au Parlement européen et au Conseil un rapport dont l'objectif est d'analyser l'expérience acquise par les autorités mais aussi les autres parties prenantes dans la mise en œuvre du paquet "hygiène". Ce rapport servira de base à une réflexion plus profonde qui, elle-même, devrait déboucher sur l'adoption de propositions visant à améliorer les dispositions contenues aujourd'hui dans le paquet "hygiène, y compris celles en matière d'inspection des viandes. L'abattoir - j'en suis fermement persuadé - est un lieu particulier où de nombreux aspects ayant un impact sur la sécurité des aliments peuvent être contrôlés. C'est le cas par exemple de la santé des animaux, de leur identification mais aussi de leur bien-être. C'est bien sûr aussi le cas de la santé publique. Il m'apparaît donc impossible de retirer complètement le vétérinaire officiel de ce "goulot d'étranglement", et du fait de la multitude de domaines contrôlés, impossible aussi de le remplacer par d'autres professions médicales ou d'ingénieurs. Le vétérinaire officiel doit rester l'élément central de supervision des activités de contrôle dans un abattoir. Il doit devenir plus puissant et avoir le courage, avec le soutien très net de sa hiérarchie, de stopper la chaîne d'abattage si les choses dérapent, car il en a déjà le pouvoir. La coopération entre ce vétérinaire et l'opérateur doit aussi être améliorée, rendue plus efficace, pour mieux avancer sur les faiblesses de l'établissement.
MODERNISATION DE L’INSPECTION SANITAIRE EN ABATTOIRS Lyon, du 7 au 11 juillet 2008 MODERNISATION OF SANITARY INSPECTION IN SLAUGHTERHOUSES Lyons, from 7 to 11 of July 2008 En revanche, j'ai le sentiment que certaines questions doivent être posées comme par exemple : • Le vétérinaire officiel, doit-il continuer à être le seul habilité à réaliser l'inspection physique des viandes sur la chaîne d'abattage? • Doit-il être présent constamment pendant l'inspection? • Pourrait-il simplement être présent lors de l'inspection de lots dont on sait par avance qu'ils présentent des risques? La remontée d'information depuis l'élevage deviendrait encore plus cruciale. • Ne pourrait-on pas procéder à une inspection des viandes encore plus fondée sur le risque? • Pourrait-on aller vers plus d'inspection visuelle, en demandant potentiellement aux opérateurs de préparer les incisions considérées comme toujours nécessaires pour l'inspecteur? • Devrait-on avoir recours à plus d'analyses de laboratoire? • Faudrait-il repenser le système de prélèvement des redevances sanitaires? Voilà quelques thèmes qu'il conviendrait certainement de discuter lors de ce séminaire et qui, je crois, pourraient être à l'origine de nouvelles évolutions réglementaires dans le paquet "hygiène". Mon collègue, Willem Daelman, devrait d'ailleurs développer un peu plus ces idées demain lors de la première session. Ce séminaire est une occasion unique de confronter les points de vue de tous les intervenants dans la filière "viandes" : décideurs, inspecteurs, industrie, consommateurs. D'autres idées devraient pouvoir germer durant ces échanges. Je veux terminer maintenant mon discours en souhaitant réellement un grand succès à ce séminaire et en espérant qu'il nous donnera un certain nombre de pistes, qui pourront encore plus finement être abordées : d'abord, sous Présidence française, lors de la réunion des Chefs des Services Vétérinaires programmée à Strasbourg en octobre prochain, puis au Conseil et au Parlement européen après la remise du rapport par la Commission. Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite des débats des plus fructueux.
[Fin] [2300 mots – Environ 18 minutes]