UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Essai présenté au
PROGRAMME DE MAITRÎSE EN FISCALITÉ
La « rectification fiscale » au Québec : Où en sommes-nous ?
Par Maude Caron-Morin
Juin 2014
© Maude Caron-Morin, 2014
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TABLE DES MATIÈRES Table des matières ............................................................................................................ 2 Liste des abbréviations ..................................................................................................... 4 Remerciements ................................................................................................................. 5 Sommaire .......................................................................................................................... 6 CHAPITRE I : Les arrêts Services environnementaux AES et Riopel ............................. 8 1.1. Les faits de l’arrêt Services environnementaux AES.............................................. 8 1.2. La décision de la Cour Supérieure du Québec ....................................................... 9 1.3. La décision de la Cour d’appel .............................................................................. 9 1.4. Les faits de l’arrêt Riopel ..................................................................................... 11 1.5. La décision de la Cour Supérieure du Québec ..................................................... 14 1.6. La décision de la Cour d’appel ............................................................................ 15 1.7. La décision de la Cour Suprême du Canada ........................................................ 16 1.7.1. La position défendue par les autorités fiscales .............................................. 17 1.7.2. La position défendue par les intimés Services environnementaux AES ........ 19 1.7.3. La position défendue par les intimés Riopel ................................................. 21 1.7.4. Les questions en litige ................................................................................... 24 1.7.5. Analyse et conclusions .................................................................................. 24 CHAPITRE II : Le cadre législatif de la rectification .................................................... 27 2.1. La formation du contrat ....................................................................................... 27 2.2. Les règles d’interprétation des contrats ............................................................... 28 CHAPITRE III : La « rectification fiscale » avant les arrêts Services environnementaux AES et Riopel .................................................................................................................. 29 3.1. La Doctrine of Rectification en common law ...................................................... 29 3.1.1. L’arrêt Juliar ................................................................................................. 29 3.1.2. L’application de la Doctrine of rectification au Québec ............................... 30 3.2. La thèse prônant l’inexistence du recours en rectification en droit civil québécois .................................................................................................................................... 31 CHAPITRE IV : Les limites au recours en rectification fiscale au Québec................... 34 4.1. Les problèmes relatifs à la preuve civile.............................................................. 34 4.2. Les « planifications fiscales audacieuses » .......................................................... 37 4.3. Les questions procédurales .................................................................................. 38 4.3.1. La coexistence du recours en rectification et l’annulation du contrat ........... 38 4.3.2. La nécessité de faire intervenir les autorités fiscales dans le cadre d’un recours en rectification ............................................................................................ 41 4.4. Les causes pendantes en matière de rectification ................................................ 42 4.4.1. L’affaire Couche-Tard inc. ........................................................................... 42 4.4.2. L’affaire Jean-Coutu ..................................................................................... 44
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4.4.3. Qu’en pensera la Cour d’appel du Québec? .................................................. 45 4.5. Et la responsabilité professionnelle? .................................................................... 46 Conclusion ...................................................................................................................... 48 ANNEXE A : Organigrammes de l’arrêt Couche-Tard ................................................. 51 ANNEXE B : Organigrammes de l’arrêt Jean Coutu .................................................... 53 Bibliographie .................................................................................................................. 61
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LISTE DES ABBRÉVIATIONS
ARC
Agence du Revenu du Canada
ARQ
Agence du Revenu du Québec
C.C.Q.
Code civil du Québec
C.P.C.
Code de procédure civile
REATB
Revenu étranger accumulé, tiré de biens
JVM
Juste valeur marchande
L.I.
Loi sur les impôts
L.I.R.
Loi de l’impôt sur le revenu
PBR
Prix de base rajusté
PGC
Procureur général du Canada
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REMERCIEMENTS La rédaction de cet essai m’a permis de conjuguer l’intérêt que je porte au droit et à la fiscalité en présentant un sujet à la frontière du droit civil des obligations et du droit fiscal. À cet égard, j’aimerais remercier mon directeur d’essai, Me Wilfrid Lefebvre, qui m’a offert son aide et son temps bien que sa pratique du droit lui impose au quotidien un emploi du temps excessivement chargé. Je désire le remercier pour le rôle qu’il a joué dans le cadre de mon passage à l’Université de Sherbrooke en tant que directeur d’essai mais également en tant que professeur. J’aimerais également remercier l’équipe de chez
Joli-cœur Lacasse S.E.N.C.R.L.,
l’étude au sein de laquelle j’évolue, et qui m’ont fait confiance, qui m’ont impliquée si généreusement dans leurs dossiers et qui me permettent jour après jour de devenir une meilleure juriste. À ce titre, j’aimerais remercier tout particulièrement Mes Isabelle Tremblay, Bobby Doyon et André Lareau, des fiscalistes passionnés qui ont semé en moi la graine de la fiscalité et qui ont su me transmettre leur passion avec brio. Finalement, j’aimerais remercier ma famille qui m’a supportée de la petite école jusqu’à la maîtrise en fiscalité et pour qui j’ai toujours été « LA » meilleure avocate du Québec. Bien que je puisse douter avec raison de leur impartialité, ils m’ont permis de croire qu’en déployant les efforts nécessaires je pouvais accomplir de grandes choses et mon admission au Barreau du Québec ainsi que l’obtention de cette maîtrise en fiscalité en sont la preuve. Je dédis le présent texte à mon père. J’aimerais partager avec lui le sentiment de fierté que je vis aujourd’hui par le dépôt de cet essai.
SOMMAIRE La « rectification fiscale » a fait son apparition au Québec au tournant des années 2000. Son entrée dans le paysage québécois est en grande partie attribuable à la Doctrine of rectification connue des provinces de common law qui permet de rectifier rétroactivement des opérations constatées par écrit ayant déclenché des conséquences fiscales imprévues et de rendre ces corrections opposables aux autorités fiscales. Les contribuables québécois faisant face à des planifications ayant engendré des impacts fiscaux non désirés en sont venus à se questionner sur l’existence d’un recours semblable à celui de la common law en droit civil. Les premières décisions rendues au Québec en matière de rectification se sont appuyées sur les principes dégagés par la jurisprudence de common law, notamment ceux de l’arrêt Juliar 1 abondamment invoqué par les contribuables qui ont introduit les premières requêtes en rectification pour justifier leur droit à ce remède. Toutefois, le droit civil statutaire n’octroyant pas aux tribunaux une latitude comparable à celle des tribunaux de common law, nous pouvons à bon droit nous questionner sur le bien-fondé de l’importation au Québec de la Doctrine of rectification. Pour cette raison, la rectification n’a pas toujours reçu le même accueil au fil des années et des situations au Québec. Elle a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre au sein de la communauté fiscale depuis son apparition. Alors que d’un côté du spectre, le fisc prônait l’inexistence totale de la rectification au Québec, de l’autre côté, les praticiens invoquaient le pouvoir résiduaire des tribunaux supérieurs de rendre toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties ainsi que les règles d’interprétation des contrats prévues au Code civil du Québec2 pour défendre leur droit à la rectification. Malgré les nombreuses causes en rectification introduites devant les tribunaux au début des années 2000, les autorités fiscales ont soulevé de nouveau, pour la première fois depuis l’arrêt B.E.A. Holdings 3 en 2003, l’inexistence en droit civil québécois de la
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Juliar v. R., 99 D.T.C. 5743(C.S. Ont.) conf. par 2000 D.T.C. 6589 (C.A. Ont.) [ci-après Juliar]. Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64. 3 B.E.A. Holdings inc. c. Trafsys inc., 2003 CanLII 23661 (C.S. Qué.), inf. par 2004 CanLII 73069 (C.A. Qué.). 2
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doctrine de la rectification dans les affaires Riopel4 et Services environnementaux AES5. L’importance nationale des prétentions défendues dans chaque dossier a permis à l’ARQ d’obtenir la permission d’en appeler devant la Cour Suprême du Canada qui se saisit rarement d’un dossier à caractère fiscal. À l’automne 2013, dans un jugement unanime, la Cour, sous la plume du juge Lebel, a rejeté les pourvois introduits par l’ARQ et, par le fait même, confirmé l’existence du recours en rectification dans un contexte civiliste. Dans le présent essai, nous débuterons en analysant les thèses qui se sont affrontées de la Cour Supérieure à la Cour Suprême du Canada dans les affaires Riopel et Services environnementaux AES ainsi que les conclusions du plus haut tribunal canadien à cet égard. Nous aborderons ensuite les assises légales du jugement rendu par la Cour Suprême qui se situent à la frontière du droit civil des obligations et du droit fiscal. Nous poursuivrons avec un exposé sommaire de l’état du droit antérieur aux arrêts Riopel et Services environnementaux AES qui nous a mené des premières réflexions quant à l’existence d’un tel recours en droit civil jusqu’aux pourvois introduits par l’ARQ devant la Cour Suprême du Canada. Nous traiterons des limites et problématiques qui demeurent toujours en suspens quant aux tenants et aboutissants de la rectification en sol québécois depuis les enseignements de la Cour Suprême. Nous terminerons avec les dossiers pendants devant les tribunaux du Québec en matière de rectification et nous poserons notre pronostic quant à l’issue de ces causes.
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Archambault c. Agence du revenu du Canada, 2010 QCCS 1576, inf. par 2011 QCCA 954, conf. par 2013 CSC 65 [ci-après Riopel]. 5 Services environnementaux AES inc. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2009 QCCS 790, conf. par 2011 QCCA 394, conf. par 2013 CSC 65 [ci-après Services environnementaux AES].
CHAPITRE I LES ARRÊTS SERVICES ENVIRONNEMENTAUX AES ET RIOPEL 1.1. Les faits de l’arrêt Services environnementaux AES En novembre 2001, Services environnementaux AES (ci-après « Services AES ») et le Centre technologique environnementaux AES (ci-après « Centre AES ») ont déposé une requête pour jugement déclaratoire et rectification devant la Cour Supérieure du Québec. Services AES, unique actionnaire de Centre AES, désirait céder une partie de sa participation dans la société à un tiers, et ce, sans impact fiscal immédiat. Centre AES a procédé à un remaniement de son capital-actions conformément aux articles 86 L.I.R.6 et 541 à 543 L.I.7. Croyant à tort que le PBR de sa participation dans Centre AES était de 1 217 029 dollars, soit de un dollar par action, Services AES a échangé ses 1 217 029 actions de catégorie A contre 4 500 000 actions de catégorie B ayant un capital versé total de un dollar et un billet payable à demande de 1 217 028 dollars. L’intention de Services AES et de Centre AES était de procéder à l’échange des actions en report d’impôt, conformément aux avantages offerts par le mécanisme de l’article 86 L.I.R. Or, peu de temps après l’opération, Services AES fût cotisée par l’ARC relativement à un gain en capital de 840 000 dollars en raison de l’échange des actions de Centre AES. Les professionnels engagés par les sociétés en cause ont commis une erreur lors du calcul du PBR des actions échangées ayant pour effet de faire perdre à la société le bénéfice de l’échange des actions sans impacts fiscal. Selon l’ARC, le PBR des actions échangées était plutôt de 96 000 dollars. Afin de corriger l’erreur relative au PBR des actions et d’ainsi annuler le gain en capital inattendu, les deux sociétés impliquées dans la transaction ont présenté une requête pour jugement déclaratoire et rectification devant la Cour Supérieure du Québec. Les conclusions recherchées visaient notamment à demander au tribunal de corriger l’erreur
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Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5esupp.), c.1, art. 86. Loi sur les impôts, L.R.Q. c. I-3, art. 541 à 543.
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des professionnels relativement au PBR des actions échangées afin que les documents légaux reflètent leur intention commune, soit celle de procéder à l’échange des actions sans impact fiscal conformément à l’article 86 L.I.R. Plus précisément, elles ont demandé que la mention « la somme de 1 217 028 $ » au titre du PBR soit substituée par « la somme de 95 000 $ » et d’ajouter une mention relativement à l’émission de 1 122 029 actions privilégiées de catégorie C ayant une valeur de 1 122 029 $. L’ARC et l’ARQ, alors mises en cause, ont contesté la requête en rectification présentée par Services AES et Centre AES. 1.2. La décision de la Cour Supérieure du Québec Dans un court jugement, la juge Sylviane Borenstein a conclu que la Cour Supérieure du Québec avait le pouvoir de donner droit à la requête présentée par les contribuables et que les faits non contestés militaient en faveur de cette conclusion. La juge a ordonné la rectification de la convention intervenue entre Services AES et Centre AES avec effet rétroactif à la date de signature. Elle a également déclaré les corrections opposables aux autorités fiscales. Au soutien de sa décision, la juge Borenstein s’est en grande partie fondée sur les analyses faites quelques années plus tôt par les juges Raoul Barbe et Roger Banford relativement aux pouvoirs des tribunaux en matière de rectification de contrats dans les arrêts Imasco Ltée c. La Société de Détail Imasco inc. 8, Brochu c. Placements Donald Brochu inc. 9 et Brochu c. Gestion Dalavi inc.10
1.3. La décision de la Cour d’appel L’ARQ a porté en appel la décision de la juge Borenstein devant la Cour d’appel du Québec invoquant que seule l’erreur matérielle aurait permis à la Cour Supérieure du Québec de rendre une ordonnance de rectification. Or, comme l’erreur invoquée par les contribuables était de nature à vicier leur consentement, le pouvoir de la Cour Supérieure se limitait à ordonner l’annulation du contrat11. De l’avis de l’ARQ, c’est 8
Imasco Ltée c. La Société de Détail Imasco inc., 26 novembre 2002, C.S. Montréal, no 500-05-075094027. 9 Brochu c. Placements Donald Brochu inc., 2007 QCCS 6500. 10 Brochu c. Gestion Dalavi inc., 2007 QCCS 6499. 11 Supra note 2, art. 1400 et 1407.
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erronément que la juge Borenstein aurait importé la Doctrine of rectification dans un litige québécois, son application se limitant aux provinces de common law. Les intimées, quant à eux, ont invoqué le pouvoir résiduaire des cours supérieures prévu par la Loi constitutionnelle de 1867 12 et le C.p.c. de « rendre toute ordonnance appropriée pour pourvoir aux cas où la loi n’a pas prévu de remède spécifique »13 afin de justifier leur droit à la rectification. La Cour d’appel a confirmé la décision de première instance en concluant que les tribunaux québécois disposaient de pouvoirs suffisants en vertu du droit civil pour permettre, à certaines conditions, la correction d’un contrat lorsque la preuve prépondérante démontre la présence d’une divergence entre le libellé de l’acte et l’intention commune des parties, et ce, sans avoir à recourir à la doctrine de common law en matière de rectification. Dans le cadre de son analyse, la Cour d’appel a pris soin de distinguer l'erreur viciant le consentement de l’erreur relative à une divergence entre l'intention commune des parties et leur intention déclarée au contrat comme suit : « [14] Il existe ici deux façons d'analyser l'inexactitude dans le constat du prix de base rajusté des actions dans les documents constatant la transaction du 15 décembre 1998 entre AES et Centre technologique : a) l'erreur qui vicie le consentement, ou 2) une divergence entre l'intention commune des parties et leur intention déclarée au contrat. [15] Dans la mesure où elle n'est pas inexcusable, l'erreur portant sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement vicie celui-ci (art. 1400 C.c.Q.). [16] L'erreur peut être commune, mais, même commune, elle ne peut déboucher que sur la nullité du contrat et non sur sa correction. [17] Par ailleurs, lorsqu'il constate non pas une erreur mais un écart entre l'intention commune des parties (le negotium) et leur intention déclarée au contrat (l'instrumentum), le juge peut tenir compte de cet écart en donnant effet au contrat (article 1425 C.c.Q.), à condition, bien évidemment, que la demande soit légitime et que la correction proposée n'affecte en rien les droits des tiers14. »
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Loi constitutionnelle de 1867, 3- & 31 Vict., c. 3 (R.-U.), art. 96. Code de procédure civile, L.R.Q., c. C‑25, art. 46. 14 Services environnementaux AES inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2011 QCCA 394 para. 1417. 13
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Conformément à l’article 1400 C.c.Q., en présence d’une erreur autre qu’une erreur inexcusable relative à la nature du contrat, à l’objet de la prestation ou à tout autre élément essentiel du contrat, le consentement de la partie qui l’invoque est vicié et donc non valable. Ce type d’erreur ne peut mener qu’à l’annulation du contrat remettant ainsi les parties dans leur état initial. Cependant, dans le cas d’une divergence entre l’intention commune des parties, le negotium, et le libellé du contrat, l’instrumentum, la Cour d’appel conclut qu’il serait possible d’apporter des corrections au contrat afin que l’entente écrite reflète la volonté commune des parties, sous réserve des droits acquis par les tiers15. La Cour d’appel a justifié sa position sur la base des règles prévues au C.c.Q. en matière d’interprétation des contrats16. Selon la Cour d’appel, le recours déclaratoire demandant la rectification d’un libellé contractuel non conforme à la volonté des parties est le recours judiciaire approprié qui permettrait de mettre en œuvre l’article 1425 du C.c.Q. Dans le cas de Services environnementaux AES, la Cour d’appel a indiqué qu’il était raisonnable de conclure que l’intention commune des parties au moment de la signature de la convention était de faire une transaction conforme aux articles 86 de la L.I.R. et 541 à 543 de la L.I. afin de reporter les impacts fiscaux engendrés par la réorganisation corporative. Or, les documents légaux préparés par leurs professionnels ne faisaient pas état de cette volonté commune puisque les conditions de ces dispositions n’étant pas rencontrées, la transaction a engendré des conséquences fiscales immédiates. La Cour d’appel a conclu que la demande de rectification des contribuables était légitime et que les autorités fiscales n’en subissaient aucun préjudice. Pour ces motifs, la Cour d’appel a rejeté l’appel et maintenu le jugement de première instance. 1.4. Les faits de l’arrêt Riopel Madame Archambault et monsieur Riopel opéraient conjointement une entreprise incorporée sous la raison sociale de
Déchiquetage Mobile J.R. inc. (ci-après
« Déchiquetage »). Monsieur Riopel était également actionnaire unique d’une société de portefeuille, Entreprise J.P.F. Riopel inc. (ci-après « J.P.F. »). Suite à la disposition des 15
Sobey’s Québec inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, 2005 QCCA 1172 [ci-après Sobey’s Québec]. 16 Supra note 2, art. 1425.
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éléments d’actifs de la société Déchiquetage à un tiers lui laissant comme seul actif le produit de disposition, le conseiller légal des requérants leur a suggéré de fusionner J.F.P. et Déchiquetage. Afin d’arriver à cette fin, une planification fiscale en plusieurs étapes consécutives a été élaborée par les conseillers fiscaux des contribuables afin de permettre aux requérants de cristalliser la fusion des deux sociétés en transférant les actions de madame Archambault à la société J.P.F, sans impact fiscal. La planification élaborée initialement devait se dérouler dans l’ordre suivant : 1. Le 30 octobre 2004, Madame Archambault devait disposer de ses 20 000 actions de catégorie A sans valeur nominale du capital-actions de la société Déchiquetage en faveur de J.P.F. pour un produit de disposition de 720 000$ payable comme suit : a. un billet de 335 000 $ correspondant au PBR des actions et donc au coût d’acquisition; b. l'émission de 385 000 actions privilégiées de catégorie C de la société J.P.F. ayant un prix de rachat de 385 000 $ représentant la différence entre la JVM et le PBR; 2. Le 1er novembre 2004, Déchiquetage et J.P.F. devaient fusionner ; 3. Le 4 novembre 2004, le billet à ordre émis en faveur de Madame Archambault devait être remboursé par la société issue de la fusion, Entreprise J.P.F. Riopel inc. (ci-après « Riopel ») et les actions privilégiées de catégorie C devait être rachetées; 4. Le dividende réputé généré par le rachat des actions de Madame Archambault par Riopel devait être versé, en franchise d’impôt, à même le compte de dividende en capital de la société issue de la fusion ; Or, une erreur s’est produite lors de la mise en œuvre de la fusion. Les rédacteurs des statuts de fusion ont omis de faire état de la disposition des actions de la société Déchiquetage détenues par madame Archambault en faveur de J.P.F. ayant comme conséquence que, selon les écrits, la fusion serait survenue avant la disposition des actions.
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Bien que les statuts de fusion aient déjà été transmis à l’ARC lorsque les professionnels ont constaté l’erreur, ces derniers ont élaboré une seconde planification pour corriger la problématique, et ce, sans consulter leurs clients. Cette seconde planification devait se dérouler ainsi : 1. Maintien de la fusion tel que survenu; 2. Conversion des actions du capital-actions de Déchiquetage en 720 actions ordinaires de catégorie O-1 sans valeur nominale du capital-actions de la société issue de la fusion; 3. Rachat par Riopel des 720 actions ordinaires de madame Archambault par roulement fiscal, moyennant un billet à demande de 335 000 $ et émission de 385 000 actions privilégiées de catégorie « C » sans valeur nominale, rachetables. Tel que prévu dans cette seconde planification, Riopel a remboursé le billet de 335 000$ à Madame Archambault et lui a racheté ses actions. Or, quelques années plus tard, cette dernière a reçu un avis cotisation de l’ARC et de l’ARQ pour un montant de 150 000 $ portant intérêt depuis la fin de l’année fiscale du rachat. En raison de l’erreur des professionnels dans la mise en œuvre de la planification, madame Archambault s’est vu attribuer un dividende réputé de 335 000$17. Parallèlement aux avis d’opposition déposés à l’encontre des cotisations émises par les autorités fiscales, les contribuables ont présenté devant la Cour Supérieure du Québec une requête en rectification du contrat de vente invoquant que les écrits ne reflétaient pas l’intention commune des parties au moment de la rencontre avec leurs professionnels. Les corrections recherchées par les requérants étaient les suivantes : Modification de la date de la transaction, du nom de la société, du nombre et de la catégorie d’actions disposées indiquée dans le contrat; Modification du nombre et des catégories d’actions décrites dans l’annexe des statuts de fusion; 17
Mme. Archambault s’est vu attribuer un dividende réputé de 335 000$ en raison du paragraphe 84(3) L.I.R. qui prévoit un dividende réputé égal à l’excédent éventuel entre la somme reçue pour les actions sur le capital déclaré des actions, soit 385,000$ moins 11,000$.
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Correction des formulaires transmis aux autorités fiscales pour faire état des modifications ainsi apportées. L’ARC et l’ARQ ont contesté la requête en rectification des contribuables au motif qu’à défaut d’erreur matérielle dans le document légal, la Cour Supérieure du Québec ne disposait pas de pouvoirs suffisants pour ordonner la rectification des écrits et pour les rendre opposables aux tiers rétroactivement à la date de la signature. Les autorités fiscales ont invoqué que la requête des contribuables visait à changer la nature du contrat et l’essence de la transaction plutôt qu’à corriger des erreurs purement matérielles. 1.5. La décision de la Cour Supérieure du Québec Dans le cadre de son analyse, la Cour Supérieure s’est penchée sur le jugement rendu par le juge Dufresne, dans l'affaire B.E.A. Holdings, référant lui-même aux célèbres auteurs en droit civil québécois, Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin. À cette occasion, la juge Nantel a rappelé que lorsque le droit fiscal est appliqué au Québec, il faut se référer au droit civil de la province à titre supplétif et plutôt qu’aux principes élaborés par la common law. Par conséquent, dans le cadre d’une requête en rectification présentée devant une cour supérieure du Québec, les tribunaux ne peuvent appliquer la Doctrine of rectification connue des provinces de common law. Selon la Cour Supérieure, la correction de documents serait effectivement possible en droit civil québécois mais dans des cas beaucoup plus restreints que ceux permis par la Doctrine of rectification. Le droit civil n’octroie aux cours supérieures le pouvoir de rectification de documents que dans les cas où il y a présence d’une « erreur matérielle ». À cet égard, la juge Nantel a souligné l’importance de distinguer l’erreur matérielle de l’erreur de consentement. Elle définie l’erreur matérielle comme étant une erreur apparente qui ne vicie pas le consentement des parties et qui portent sur les termes employés par ces derniers pour communiquer leur entente. L’erreur matérielle vise notamment les fautes de rédaction et les erreurs de calcul. L’erreur viciant le consentement, quant à elle, porte sur l’essence même du contrat et sur les termes et conditions de celui-ci. Selon la juge Nantel, dans de telles circonstances, le tribunal n’est pas autorisé à corriger la teneur de l’entente intervenue
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entre les parties. Au soutien de ses prétentions, la Cour s’est fondée sur le raisonnement de la Cour d’appel dans l’affaire B.E.A. Holdings qui a conclu qu’en cas d’erreur portant sur le consentement, l’une des conditions à la formation de l’obligation n’étant pas rencontrée, le contrat devait être déclaré nul d’une nullité ab initio. Dans de telles circonstances, le seul recours à la portée des parties serait de demander l’annulation de leur contrat. Selon la Cour Supérieure, les requérants ne cherchaient pas la correction d’une « erreur matérielle » mais bien le bénéfice d’avantages fiscaux que leur avaient promis leurs professionnels en corrigeant des éléments essentiels du contrat. Concluant qu’il n’y avait pas d’erreur matérielle en l’instance et que le recours en annulation aurait été plus approprié dans les circonstances, la Cour a rejeté la requête des contribuables. 1.6. La décision de la Cour d’appel Les contribuables ont porté la décision de la Cour Supérieure du Québec en appel. Au soutien de leurs prétentions, ils ont invoqué que le contrat dont ils demandaient la rectification ne reflétait aucunement leur intention commune au moment de sa création. Ils ont appuyé leur requête en rectification sur les articles 2, 20, 31, 46 et 453 du C.p.c. qui octroient un large pouvoir aux tribunaux supérieurs de rendre toute ordonnance propre à pourvoir aux cas où la loi n’a pas prévu de remède spécifique et sur l'article 123.141 de la Loi sur les compagnies
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relativement à la correction des statuts de
fusion. La Cour d’appel a rejeté les prétentions des autorités fiscales et a reconnu que l’intention initiale des contribuables lors de la première rencontre avec leurs professionnels était de procéder à une fusion en quatre étapes sans impact fiscal. Le mandat des professionnels engagés par ces derniers était spécifique quant aux résultats espérés. Par conséquent, s’appuyant sur l’article 1425 C.c.Q., la Cour d’appel a réformé le jugement de première instance, invoquant que l’intention réelle des parties se devait de primer sur l’intention déclarée dans l’acte dont elles demandaient la rectification. Au soutien de ses prétentions, la Cour d’appel a effectué un parallèle intéressant entre la rectification contractuelle et l’inscription de faux prévu par le C.p.c. et permettant de 18
Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38, art. 123.141.
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corriger une erreur dans un acte authentique portant sur un élément que l’officier public avait pour mission de constater. Lorsqu’un notaire commet une erreur lors de la rédaction d’un acte authentique, les tribunaux n’hésitent pas à rectifier l’écrit afin que l’acte fasse état de la volonté des parties19. Selon la Cour d’appel, bien qu’un contrat soit un acte sous seing privé ne jouissant pas de la même valeur qu’un acte authentique, les parties devraient être en mesure d’obtenir un remède semblable à celui de l’inscription de faux lorsqu’une erreur est commise au moment de la rédaction. Tout comme dans l’affaire Services environnementaux AES, la Cour d’appel a appuyé ses conclusions sur l’article 1425 C.c.Q. qui prévoit que l’intention commune des parties doit primer sur l’intention déclarée. En obiter dictum, la Cour d’appel a soulevé la problématique ayant trait au véhicule procédural approprié pour contester un acte sous seing privé qui contient des erreurs quant à son contenu. Elle a notamment souligné la discorde existant entre les auteurs dans le domaine relativement à l’opportunité de procéder via l’article 89 C.p.c. qui permet notamment de contester une partie importante d’un tel écrit 20 . Cependant, puisque les parties n’ont pas soulevé la question à la première occasion utile, la Cour ne s’est pas prononcée sur le sujet. 1.7. La décision de la Cour Suprême du Canada L’ARQ a porté les deux affaires en appel devant la Cour Suprême du Canada. Les pourvois ont été autorisés les 13 octobre et 15 décembre 2011. L’ARC a également agi à titre d’intervenante dans les deux affaires afin d’appuyer les prétentions de l’ARQ. Par un jugement unanime en date du 28 novembre 2013, la Cour Suprême, sous la plume du juge Lebel, a rejeté simultanément les deux affaires confirmant ainsi l’existence en droit civil québécois du recours en rectification lors d’une divergence entre l’intention commune des parties contractantes, le negotium, et l’intention déclarée, l’instrumentum.
19 20
Voir par ex. Vaillancourt c. Fafard, 2005 QCCA 700. Supra note 13, art. 89 et supra note 2, art. 2828 et 2829.
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1.7.1. La position défendue par les autorités fiscales La position défendue par l’ARQ dans les deux affaires est similaire. En premier lieu, l’ARQ prétendait que la rectification était une question touchant le droit substantif plutôt que le droit procédural. Tel que l’a énoncé la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Lac d’Amiante du Québec ltée. c. 2858-0702 Québec inc.21, au Québec, le droit substantif est codifié par le C.c.Q. Or, selon l’ARQ, le C.c.Q. n’offrirait aucun fondement juridique à un recours en rectification contractuelle. La Cour d’appel aurait étendu indûment la portée de l’article 1425 C.c.Q. en voyant dans cette disposition un fondement légal à un recours en rectification. Selon l’ARQ, l’article 1425 C.c.Q. ne pourrait servir que de guide à l’interprétation contractuelle en cas d’ambigüité dans le libellé du contrat et ne pourrait être invoqué en présence d’un texte clair22 comme celui dans les affaires Riopel et Services environnementaux AES. Le droit substantif n’offrant aucune assise juridique à la rectification au Québec, les tribunaux n’avaient aucun pouvoir pour donner droit à ce type de recours. Les tribunaux québécois puisent leurs pouvoirs au sein du droit codifié. Contrairement aux tribunaux de common law, ils ne jouissent pas des mêmes pouvoirs inhérents leur permettant de rendre des ordonnances en equity lorsque la loi est silencieuse sur un sujet. De l’avis de l’ARQ, les articles 2, 20, 46 C.p.c. accordant aux cours supérieures le pouvoir de rendre toute ordonnance de nature à sauvegarder les droits des parties ne seraient pas suffisants en soi pour fonder le pouvoir des tribunaux d’accueillir des requêtes dont les remèdes recherchés ne sont pas prévus par le droit substantif. Le seul recours qui serait prévu par le droit substantif en cas d’erreur contractuelle serait l’annulation de la convention avec effet rétroactif23. Le silence du Législateur relativement à la rectification contractuelle serait la preuve de l’inexistence de ce recours en droit civil québécois. À l’instar de la juge Nantel siégeant en première instance dans l’affaire Riopel, l’ARQ prétendait qu’en vertu du droit civil québécois « [s]eules les erreurs dites matérielles pourraient être corrigées24 » par le biais de l’article 1425 C.c.Q. Or, dans l’affaire Riopel 21
Lac d’Amiante du Québec ltée. c. 2858-0702 Québec inc., 2001 CSC 51 para. 40 [ci-après Lac d’Amiante du Québec]. 22 Nixon c. Pinelli, [2000] R.J.Q. 2858 para. 37 (C.A. Qué). 23 Supra note 2, art. 1400 et 1407. 24 Services environnementaux AES inc. c. Québec (Agence du revenu), 2013 CSC 65 para. 22 [ci-après Services environnementaux AES et Riopel].
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comme dans Services environnementaux AES, « [l]es erreurs soulevées par les intimés ne constituaient pas des erreurs de ce type 25 », mais des erreurs économiques se qualifiant de lésion au sens du C.c.Q. Ce type d’erreur porte sur le coût ou la valeur des conséquences de la prestation faisant l’objet du contrat plutôt que sur les éléments essentiels du contrat lui-même. Règle générale, ce type d’erreur ne peut être invoqué que par des mineurs ou des majeurs inaptes ayant conclu un contrat afin d’en requérir l’annulation 26 . Cependant, dans certaines circonstances, les tribunaux ont accepté qu’elle soit invoquée avec succès par des majeurs aptes à contracter lorsque la valeur des conséquences de la prestation constituait une considération principale du consentement27. L’ARQ était cependant d’avis, qu’en l’espèce, les contribuables n’étaient pas plus exigibles à l’annulation qu’à la rectification de leurs conventions puisqu’ils ne rencontraient pas les conditions élaborées par la jurisprudence pour avoir droit à l’annulation de leurs contrats pour cause d’erreur économique. La survenance de conséquences fiscales inattendues ne devrait pas, selon l’ARQ, constituer une cause d’annulation de contrat puisqu’il s’agit de conséquences de prévision irréalisées 28 . Puisque les conséquences fiscales d’une transaction sont déterminées par une tierce partie non impliquée dans l’opération, soit le fisc, les impacts fiscaux prédits par les contribuables comporteraient indéniablement un certain degré d’incertitude. Il ne s’agit donc pas d’une erreur au sens du C.c.Q. mais plutôt de la non réalisation d’une prévision faite par les contribuables. Au soutien de ses prétentions, l’ARQ s’est également appuyée sur l’arrêt Pitt29 rendu par la England and Wales Court of Appeal en matière d’annulation de contrat en présence de conséquences fiscales non prévues. Il est surprenant de constater que l’ARQ ait invoqué une décision rendue par un tribunal de droit anglo-saxon alors qu’elle a elle-même réfuté l’application de la common law devant les instances inférieures dans les litiges en cause. Les conclusions de la England and Wales Court of 25
Ibid. Voir par ex. Roussel c. Caisse Desjardins de Sainte-Foy, 2004 CanLII 39113 (C.A. Qué.). 27 Ibid. 28 Voir par ex. Astral Communications Inc. c. Complexe du Fort Enrg., REJB 1999-14756 (C.S. Qué) [ciaprès Astral Communications]. 29 Pitt and another v Holt, Futter and another v. Futter and others, [2011] EWCA Civ. 197. 26
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Appeal sont à l’effet que les tribunaux ne devraient pas annuler une transaction pour cause de conséquences fiscales inattendues. Le procureur général du Canada (ci-après « PGC ») est intervenu dans les deux dossiers afin de soutenir les prétentions de l’ARQ selon lesquelles le recours en rectification en droit civil québécois n’existerait pas au-delà de la correction d’erreur matérielle. Plus particulièrement, le PGC a demandé à la Cour Suprême du Canada de rétablir les conditions d’application de la rectification énoncées dans les arrêts Shafron c. KRG insurance Brokers (Western) inc.30et Performance industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd 31 . et qui auraient été indûment élargies au fil des années par la jurisprudence postérieure à l’arrêt Juliar32. 1.7.2. La position défendue par les intimés Services environnementaux AES Les représentants de Services environnementaux AES ont d’abord invoqué le droit reconnu par les tribunaux depuis plusieurs années des contribuables d’organiser leurs affaires de façon à minimiser leur charge fiscale au maximum, sous réserve du respect de la loi 33 . À cet égard, le Législateur a notamment mis en place le mécanisme de l’article 86 L.I.R. afin que les contribuables puissent, en présence de toutes les conditions nécessaires à son application, bénéficier d’un transfert en franchise d’impôt, souvent appelé « roulement parfait ». En l’espèce, le consentement des contribuables était fondé sur le possibilité pour eux de bénéficier de ce mécanisme expressément prévu par le Législateur lors de l’échange de leurs actions. L’intention initiale des contribuables était donc de rencontrer l’ensemble des conditions énoncées à l’article 86 L.I.R., dont notamment celle voulant que la contrepartie autre qu’en action n’excède pas le PBR des actions transférées. Il s’agit de cette intention commune que les contribuables ont demandé à la Cour Supérieure de reconnaître en lui demandant de corriger le montant du billet reçu lors du roulement afin que ce dernier n’excède pas le PBR des actions « roulées ».
30
Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western) Inc., 2009 CSC 6 [ci-après Shafron]. Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., 2002 CSC 19 [ci-après Performance Industries]. 32 Supra note 1. 33 Voir par ex. Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54 para. 11. 31
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Les intimés Services environnementaux AES ont également invoqué l’assentiment des autorités fiscales à donner préséance aux transactions réellement survenues plutôt qu’aux écrits les constatant au moment d’émettre une cotisation, notamment en présence d’un trompe-l’œil. Puisque ce raisonnement serait possible lorsqu’il permet d’avantager le fisc, il devrait être tout autant valable lorsqu’il bénéficie aux contribuables. Les autorités fiscales, dans le cas de Services environnementaux AES, ont d’ailleurs admis que les écrits sur la base desquels la cotisation avait été émise ne reflétaient pas l’intention commune des contribuables. Selon les intimés Services environnementaux AES, l’entente initiale portant sur le transfert d’actions sans impact fiscal immédiat conformément à l’article 86 L.I.R. était indéniable. Or, le billet à demande instrumentant le transfert ne reflétait pas cette entente initiale. Au surplus, l’erreur quant au PBR des actions transférées n’en était pas une de nature à vicier le consentement des contribuables et à donner ouverture à l’annulation de la transaction conformément aux articles 1400 et 1407 C.c.Q. En effet, pour être en présence d’une erreur invalidant le consentement, il faut que celui-ci soit obtenu sur la base d’une erreur qui, si elle avait été connue dès le départ, aurait poussé la partie qui l’a commise à ne pas contracter. En l’espèce, si les contribuables avaient su que le PBR des actions visées par le roulement était de 96 001$ plutôt que 1 217 028$, ils auraient tout de même procéder au transfert. Ce n’est que le montant inscrit sur le billet à demande qui aurait été différent. Les intimés ont également reproché aux autorités fiscales de définir erronément le moment de la naissance de l’obligation. Tel que prévu par le C.c.Q., le contrat naît au moment de l’échange de consentement et non au moment de sa consignation par écrit34. Par conséquent, les intimés ne demandaient qu’à faire reconnaître les impacts fiscaux de leur transaction sur la base de leur contrat réel au sens du droit civil plutôt que sur la base des écrits le constatant.
34
Supra note 2, art. 1378 et 1385.
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1.7.3. La position défendue par les intimés Riopel Les intimés Riopel ont, eux aussi, soulevé les dispositions du C.c.Q. traitant du moment de la formation du contrat au soutien de leurs prétentions. À l’instar des intimés Services environnementaux AES, ils ont conclu que l’unique contrat ayant force légale entre eux était celui né au moment de la rencontre avec leurs fiscalistes le 1er septembre 2004, plutôt que celui consigné par écrit. Ce serait à tord que le fisc prétendrait que les conventions écrites constituaient un nouveau contrat annulant et remplaçant le premier puisque celles-ci n’étaient qu’une consignation par écrit du contrat initial. En effet, tel que nous l’a enseigné la Cour Suprême du Canada plusieurs années auparavant : « [s]elon les principes du droit civil énoncé dans le Code civil du Québec, il ne faut pas confondre un contrat avec l’écrit qui en constate les termes 35. »
Ces mêmes propos ont été repris dans l’ouvrage portant sur les obligations en droit civil des auteurs Pineau, Burman et Gaudet : « il ne faut pas confondre l’acte juridique avec « l’acte instrumentaire », qui est le titre constatant et prouvant l’acte intervenu. […] Il faut donc différencier l’acte-instrument de preuve (instrumentum) et l’opération elle-même, la vente (negotium)36. »
De plus, la tentative des professionnels de remédier à l’erreur commise lors de la mise en œuvre de la planification fiscale prévue initialement ne pouvait, elle non plus, constituer un deuxième contrat annulant et remplaçant le premier puisque les contribuables, n’étant pas informés de cette modification, ne pouvaient a fortiori y consentir. Or, en vertu du C.c.Q., l’expression expresse ou tacite du consentement est une condition sine qua non à la formation d’un contrat. Par conséquent, les autorités fiscales se devaient de déterminer les conséquences fiscales de la transaction à partir de l’entente survenue lors de la rencontre des contribuables avec leurs professionnels et qui consistait à effectuer une fusion sans impact fiscal immédiat. De plus, les autorités fiscales auraient erré en droit en prétendant que l’application de l’article 1425 C.c.Q. pour interpréter un contrat nécessitait la présence d’une ambiguïté et que les tribunaux devaient se garder d’interpréter un texte clair. En effet, sous le 35
Guardian c. Victoria Tire Sales, [1979] 2 R.C.S. 849, 869 [ci-après Guardian]. Jean Pineau, Danielle Burman et Serge Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal, Thémis, 2000, par. 21 [ci-après Pineau, Burman et Gaudet]. 36
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régime du Code civil du Bas-Canada, le prédécesseur de l’article 1425 C.c.Q. se lisait comme suit : 1013. Lors que la commune intention des parties dans un contrat est douteuse, elle doit être déterminée par interprétation plutôt que par le sens littéral des termes du contrat 37. (Nos soulignements)
Le nouvel article 1425 C.c.Q., tel que nous le connaissons aujourd’hui, se lit ainsi : 1425. Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes utilisés.
L’élément de doute ayant été retiré de la version actuelle de cette disposition, on ne peut qu’en conclure que la présence d’une ambigüité n’est plus nécessaire pour se livrer à un exercice interprétatif d’un contrat. C’est d’ailleurs la conclusion qu’en tirent les tribunaux civilistes et les auteurs versés dans le domaine38. De plus, la Cour d’appel dans l’arrêt Sobeys Québec a, par le passé, énoncé qu’un écart entre l’intention commune et l’intention déclarée dans un écrit constituait une ambigüité suffisante pour se livrer à un exercice interprétatif39. Par conséquent, les intimés ayant démontré de façon prépondérante l’écart entre leur entente initiale et l’intention déclarée dans leurs conventions écrites, la Cour se devait de donner préséance à cette volonté commune plutôt qu’au libellé de leurs contrats, et ce, conformément à l’article 1425 C.c.Q. L’argument invoqué par les autorités fiscales voulant que la rectification contractuelle ne trouve aucune assise légale dans le droit substantif serait lui aussi erroné. En effet, l’appelante a invoqué que le C.c.Q. ne prévoyait aucun pouvoir permettant aux tribunaux de corriger un contrat hormis les cas d’erreur matérielle. En raison du silence du Législateur relativement à la correction de contrats ne reflétant pas l’intention commune des parties, on se devait de conclure à l’absence de ce type de remède en droit civil québécois. Cependant, le C.c.Q. ne prévoit aucune disposition spécifique permettant la correction d’erreurs matérielles dont le fisc reconnaît l’existence. C’est en 37
Code civil du Bas-Canada, L.Q. 1980, c. 39, art. 1013. Voir par ex. Pineau, Burman et Gaudet supra note 36, par. 224, Guardian supra note 35, par. 48, Richer c. Mutuelle du Canada (La), Cie d’assurance sur la vie, [1987] R.J.Q. 1703 (C.A. Qué.), Confédération, Cie d’assurance-vie c. Lacroix, [1996] R.R.A. 930 (C.A. Qué.). 39 Sobeys Québec supra note 15, para. 47-50. 38
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se fondant sur les dispositions relatives à l’interprétation des contrats que les tribunaux ont conclu qu’ils possédaient les pouvoirs nécessaires à la correction de ce type d’erreur. Par conséquent, l’utilisation des règles d’interprétation contractuelle, notamment celle prévue à l’article 1425 C.c.Q., serait également suffisante pour justifier le pouvoir des tribunaux de rectifier une divergence entre le negotium et l’instrumentum au même titre que la correction d’erreurs matérielles. En 1976, la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Versafood Services Ltd. c. Alstar Industries Ltd. 40 , avait d’ailleurs déjà reconnu la possibilité d’invoquer les règles d’interprétation des contrats prévues au C.c.Q. pour obtenir la rectification d’une erreur dans le libellé d’un écrit afin de donner plein effet à l’intention commune des parties. De plus, contrairement à ce que prétendait l’ARQ, les conséquences fiscales des transactions envisagées n’étaient pas des éléments comportant intrinsèquement un degré d’incertitude puisque déterminées par une tierce partie à l’entente. Les impacts fiscaux de la planification sont déterminés par le Législateur qui a mis en place des mécanismes de réorganisation corporative sans impact fiscal. L’intention des contribuables était de se prévaloir de ces mécanismes prévus par la loi lorsqu’ils ont donné leur consentement à leurs conseillers fiscaux. En effet, les conséquences fiscales engendrées par la planification ont été un élément décisif dans le choix de la méthode utilisée pour obtenir le résultat voulu, soit la fusion des sociétés en franchise d’impôt, lors des discussions préalables. Les tribunaux des instances inférieures ont d’ailleurs reconnu cet élément essentiel du consentement des parties. L’ARQ aurait également tort de prétendre que les intimés ont manqué de diligence dans le cadre de leur planification corporative en laissant « carte blanche » à leurs professionnels. Ce comportement des contribuables ne peut se qualifier « d’erreur inexcusable » au sens du C.c.Q. puisque pour ce faire, le contribuable doit avoir adopté une conduite qui s’éloigne de celle qu’aurait adoptée une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Or, les contribuables ont fait preuve de prudence et de diligence suffisante en se référant à des professionnels de la fiscalité pour réaliser leur projet de réorganisation.
40
Versafood Services Ltd. c. Alstar Industries Ltd., [1976] C.A. 388, 390 (C.A. Qué.).
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1.7.4. Les questions en litige La Cour Suprême du Canada a formulé deux questions en litige, l’une étant de nature procédurale et l’autre étant une question de droit substantiel : 1. « [L]es recours entrepris sont-ils compatibles avec la procédure civile du Québec? 41 » 2. « [L]e droit civil québécois permet-il les opérations de modification ou de correction de contrats réalisées par les intimés et dont la Cour d’appel a reconnu la recevabilité? 42 » 1.7.5. Analyse et conclusions La Cour Suprême s’est d’abord questionnée sur le moment où des pourparlers en vue de conclure un contrat franchissent le « Rubicon » de l’existence légale d’un contrat. Après avoir passé en revue les dispositions pertinentes du C.c.Q., la Cour a conclu que le contrat naît au moment où les obligations réciproques des parties sont suffisamment circonscrites pour établir qu’elles ont un accord de volonté relativement à une transaction donnée. À moins d’une disposition contraire, ce contrat n’est soumis à aucune obligation légale de consignation par écrit. C’est ainsi que la Cour Suprême invite à la prudence afin de ne pas confondre le contrat né par l’échange des consentements de l’écrit qui ne fait que le constater et qui ne crée aucun contrat en soi. Dans le cas de Riopel, la Cour Suprême a conclu que le contrat était né le 1er septembre 2004 lors de la rencontre entre les contribuables et leurs professionnels et où a eu lieu une entente verbale afin de procéder à une fusion sans impact fiscal immédiat. Dans Services environnementaux AES, la Cour a conclu qu’il y avait une entente verbale, claire et non équivoque, entre les parties visant à procéder à un échange d’actions en report d’impôt par le biais de l’article 86 L.I.R. Toutefois, l’annulation ou la rectification d’un contrat est tributaire des droits acquis par les tiers. À cet égard, la Cour Suprême a établi que les autorités fiscales n’étaient pas
41 42
Supra note 24, para. 55. Supra note 24.
25
des tiers dont les droits étaient affectés par une rectification contractuelle. Pour en arriver à cette conclusion, il faudrait conclure que les autorités fiscales sont des ayants droit à titre particulier, ce qui n’est pas possible en l’espèce puisqu’elles ne peuvent prétendre à un droit au maintien d’une cotisation fondée sur un écrit erroné ne constatant pas le réel contrat ayant force légale entre les parties. La Cour Suprême s’est exprimée comme suit sur cette question : « [44] […] En raison de leur position, il faut se demander si [les autorités fiscales] peuvent invoquer des droits acquis au maintien d’un écrit erroné, même si l’existence d’une erreur est établie et s’il est démontré que les documents transmis au fisc ne correspondent pas à la volonté réelle des parties. [45] Pour juger en ce sens, il faudrait décider que, dès la conclusion des opérations des intimés, les Agences sont devenues des ayants droit particuliers — qui auraient obtenu le droit de percevoir une partie du produit économique des transactions — et qu’elles pouvaient se fonder définitivement sur la volonté déclarée des parties. Je ne conteste pas que les procédures de perception des impôts, les voies de recours et les sûretés diverses établies par la loi pour faciliter le recouvrement des créances fiscales accordent à ces organismes des droits dans le produit d’opérations juridiques variées. […] [52] […] En droit civil, le fisc ne possède pas de droit acquis au bénéfice d’une erreur que les parties à un contrat auraient commise, puis corrigée de consentement mutuel 43. »
Relativement à la nécessité d’une ambigüité pour se livrer à un exercice interprétatif d’un contrat, la Cour Suprême a conclu que la preuve de la divergence entre l’intention initiale et l’intention déclarée dans le contrat suffisait pour permettre le recours aux principes d’interprétation des contrats dont l’article 1425 C.c.Q. fait partie. Nous nous permettons de citer le juge Lebel à ce sujet : « [48] Dans le contexte de la mise en œuvre de l’art. 1425 C.c.Q., à l’instar de la Cour d’appel, je reconnais que la recherche de l’intention ou volonté commune des parties représente une véritable opération d’interprétation. La divergence révélée par la preuve entre la volonté commune des parties et l’expression de cette volonté — ou volonté déclarée — soulève en elle-même un problème d’interprétation44. »
Dans le cas de Services environnementaux AES et Riopel, la recherche de l’intention commune ayant donné naissance au contrat ne fût d’aucune difficulté puisque toutes les 43
Supra note 24, para. 44, 45 et 52. Supra note 24, para. 48.
44
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parties impliquées dans la transaction s’entendaient sur le contenu de cette intention commune et sur sa divergence avec celle déclarée dans les écrits. Par conséquent, la tâche de la Cour se limitait à appliquer l’article 1425 C.c.Q et à donner préséance à la volonté commune des parties en corrigeant les écrits la constatant. C’est ainsi que la Cour Suprême du Canada a rejeté les deux pourvois introduits par l’ARQ.
CHAPITRE II LE CADRE LÉGISLATIF DE LA RECTIFICATION 2.1. La formation du contrat L’une des conditions essentielles à la formation du contrat constitue l’expression de la volonté de chacune des parties de se lier contractuellement l’une envers l’autre relativement à l’objet de l’obligation, ses conditions et ses modalités. Cet accord de volonté est exprimé par l’échange exprès ou tacite de consentement des cocontractants. La formation d’un contrat implique également qu’une partie, le débiteur, s’engage envers l’autre partie, le créancier, à exécuter une prestation de faire ou de ne pas faire quelque chose. L’objet de la prestation doit être déterminé ou déterminable au moment de la formation du contrat à défaut de quoi, le consentement de la partie qui s’oblige à faire quelque chose ne peut être valide. Le C.c.Q. définit la formation du contrat comme suit : 1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation. […] 1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le respect d'une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n'assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle. Il est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet45. (Nos soulignements)
En présence d’un accord de volonté entre deux ou plusieurs parties aptes à exercer leurs droits civils relativement à un objet et une cause licite déterminés ou déterminables, un contrat ayant pleine force contraignante naît sans que les parties n’aient à le consigner par écrit sauf lorsque la loi l’exigence expressément, notamment dans le cadre de transactions impliquant des biens immeubles. 45
Supra note 2, art. 1378 et 1385.
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C’est sur la base de ce principe connu du droit civil sous le nom « d’autonomie de la volonté » qui prévoit que le seul échange de consentement suffit à former le contrat que la Cour Suprême a rejeté les pourvois des autorités fiscales dans les affaires Services environnementaux AES et Riopel. L’ARQ prétendait erronément pouvoir cotiser les contribuables sur la foi de la consignation écrite de leurs transactions. Toutefois, la Cour Suprême a rappelé aux autorités fiscales qu’en vertu du droit civil, le réel contrat ayant force de loi entre les cocontractants était plutôt celui né au moment de leur échange de consentement visant à procéder à une transaction donnée par le biais d’une planification spécifique. 2.2. Les règles d’interprétation des contrats Il faut éviter de confondre les principes d’interprétation de la loi établis par la jurisprudence et les règles d’interprétation contractuelle qui, elles, sont codifiées aux articles 1425 à 1432 C.c.Q. Le principe au cœur de l’interprétation des contrats constitue la recherche de l’intention commune des parties. Ce principe découle du fait que, tout comme le droit français, le droit québécois des obligations repose sur le consensualisme. Selon ce principe, on doit distinguer le contrat de l’élément matériel qui le constate. En effet, sous réserve des exceptions en matière immobilière, la constatation matérielle de la volonté des parties de se lier contractuellement n’est pas nécessaire à l’existence du contrat. Dans un système consensualiste comme au Québec, la volonté interne des parties de conclure un contrat donné a préséance sur la consignation par écrit de l’acte juridique envisagé en cas de conflit entre ces deux volontés46. C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’article 1425 C.c.Q. Ainsi, bien que plusieurs ne voyaient dans cette disposition qu’un guide à l’interprétation du contrat, la Cour Suprême du Canada a confirmé, dans les affaires Services environnementaux AES et Riopel, que l’article 1425 C.c.Q. était plutôt une disposition susceptible d’être mise en œuvre par le biais du recours déclaratoire en rectification lors d’une divergence entre l’intention réelle des parties et l’intention déclarée dans leurs conventions écrites.
46
Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 6e éd. Par Pierre-Gabriel Jobin avec la collaboration de Nathalie Vézina, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2005, para. 176.
CHAPITRE III LA « RECTIFICATION FISCALE » AVANT LES ARRÊTS SERVICES ENVIRONNEMENTAUX AES ET RIOPEL 3.1. La Doctrine of Rectification en common law 3.1.1. L’arrêt Juliar L’arrêt Juliar47 fût l’une des décisions marquantes rendue dans un contexte de common law qui a forcé la communauté fiscale du Québec à s’interroger sur l’existence d’un recours semblable à celui offert par la Doctrine of rectification en droit civil. Dans cette affaire, les contribuables désiraient effectuer un roulement d’actions détenues par une société opérante vers une société de gestion. Or, leurs professionnels ont commis une erreur relativement au PBR des actions faisant l’objet du roulement ayant pour conséquence l’ajout d’un dividende réputé dans le revenu du contribuable bénéficiaire, conformément au paragraphe 84.1(1) L.I.R. 48 . Les contribuables ont invoqué avec succès la Doctrine of rectification devant la Cour Supérieure de l’Ontario49, jugement qui fût confirmé par la suite par la Cour d’appel de l’Ontario50. Cette doctrine issue des provinces de common law octroie un large pouvoir discrétionnaire aux tribunaux pour ordonner un remède en equity visant à corriger une erreur commise au moment de la constatation par écrit d’une entente intervenue entre deux ou plusieurs parties. Elle permet notamment de corriger ou annuler une transaction ayant engendré des conséquences fiscales imprévues ou non voulues. Pour avoir gain de cause, la partie qui l’invoque doit démontrer l’existence d’un accord préalable, d’une intention commune aux cocontractants, d’un écrit ne constatant pas ou ne reflétant pas fidèlement cette intention et d’une erreur commune aux parties51.
47
Supra note 1. Supra note 6, par. 84.1(1). 49 Juliar v. R., 99 D.T.C. 5743 (C.S. Ont.). 50 Juliar v. R., 2000 D.T.C. 6589 (C.A. Ont.). 51 Ibid. 48
30
3.1.2. L’application de la Doctrine of rectification au Québec Les lois fiscales réfèrent à maintes reprises à des concepts de droit privé sans toutefois les définir. Le lecteur doit donc se référer au droit civil et corporatif de la province dans laquelle les transactions sont survenues pour suppléer aux vides juridiques de la disposition fiscale en cause 52 . L’article 8.1 de la Loi d’interprétation 53 traite spécifiquement de cette interaction entre le droit fiscal et le droit civil : 8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte54.
La difficulté au Québec est double puisque le droit privé tire son origine du droit français alors que celui des autres provinces canadiennes est issu de la coutume britannique. Les juges du Québec siégeant en matière fiscale doivent donc faire preuve de prudence avant d’appliquer les conclusions de jugements rendus par des tribunaux de common law. À cet égard, la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Services environnementaux AES55 et la Cour Supérieure dans l’arrêt Riopel 56 ont expressément réfuté l’application des principes issus de la Doctrine of rectification dans le cadre d’un recours déclaratoire en rectification au Québec. De l’avis de la Cour d’appel, l’importation de cette doctrine de common law ne serait, de toute façon, d’aucune utilité puisque l’article 1425 du C.c.Q. offrirait un remède similaire sans avoir à s’approprier la juridiction inhérente des cours supérieures de common law leur permettant de rendre des ordonnances en equity. La Cour Suprême du Canada a également refusé de commenter, critiquer ou d’approuver les critères développés dans les arrêts Juliar, Performance industries Ltd c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd.et Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western) inc., tous trois survenus dans des provinces de common law dans l’affaire Services environnementaux 52
Voir par ex. Markevich c. Canada, 2003 CSC 9 para. 14. Loi d’interprétation, L.R.C., c. I-21. 54 Supra note 53, art. 8.1. 55 Supra note 14. 56 Archambault c. Agence du revenu du Canada, 2010 QCCS 1576 para. 42. 53
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AES et Riopel bien que le PGC lui ait demandé de rétablir ces critères indûment élargis au fil des années57. Cette conclusion n’est d’aucune surprise puisque, quelques années plus tôt, la Cour Suprême avait déjà énoncé le principe voulant qu’on ne puisse recourir aux principes de common law pour compléter un vide juridique en droit civil québécois dans l’affaire Lac d’amiante du Québec : « 39 Un tribunal québécois ne peut décréter une règle positive de procédure civile uniquement parce qu’il l’estime opportune. À cet égard, dans le domaine de la procédure civile, le tribunal québécois ne possède pas le même pouvoir créateur qu’une cour de common law, quoique l’intelligence et la créativité de l’interprétation judiciaire puissent souvent assurer la flexibilité et l’adaptabilité de la procédure. Bien que mixte, la procédure civile du Québec demeure un droit écrit et codifié, régi par une tradition d’interprétation civiliste. Suivant la tradition civiliste, les tribunaux québécois doivent donc trouver leur marge d’interprétation et de développement du droit à l’intérieur du cadre juridique que constituent le Code et les principes généraux de procédure qui le sous-tendent58. »
3.2. La thèse prônant l’inexistence du recours en rectification en droit civil québécois Plusieurs arguments ont été soulevés par les auteurs prônant l’inexistence du recours en rectification en droit civil québécois59. L’un des principaux était l’absence de recours explicitement prévu par le Législateur en matière de rectification de contrats alors que ce dernier n’a pas été complètement muet sur le sujet. En effet, le Législateur a pris soin d’insérer dans le C.c.Q. et le C.p.c. le droit à la rectification de certains documents et dans certaines circonstances, tel que : Rectification de renseignement dans un dossier personnel60; Rectification de documents lors d’un changement de nom61; Rectification du registre de l’état civil lors du retour d’un absent62; Rectification d’un acte de l’état civil63; Rectification d’une inscription au registre de la publicité des droits64; 57
Supra note 24, para. 55. Supra note 21, para. 39. 59 Voir par ex. Marc Duval, « Arrêts AES et Riopel de la Cour d’appel du Québec : L’article 1425 C.c.Q., outil d’interprétation ou de « rectification »? » (2011) 31 R.P.F.F. 3 et Marc Duval, « Mise à jour concernant l'annulation pour cause d'erreur et la rectification au Québec » (2010) 30 R.P.F.F. 37. 60 Supra note 2, art. 38. 61 Supra note 2, art. 69. 62 Supra note 2, art. 98. 63 Supra note 2, art. 141. 58
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Rectification d’un acte de procédures65; Rectification de jugement66; Rectification d’une sentence arbitrale67; En matière contractuelle, la rectification se limiterait à la correction d’erreur purement matérielle 68 puisqu’aucun pouvoir de rectification n’est explicitement prévu par le Législateur lors d’un écart entre l’intention véritable et l’intention déclarée. En raison de ce vide législatif apparent, les contribuables québécois qui ont introduit les premières requêtes en rectification devant la Cour Supérieure du Québec ont invoqué le pouvoir inhérent de la Cour Supérieure de rendre toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties prévu par le C.p.c. pour justifier leur droit à la rectification 69 . Toutefois, la Cour Suprême du Canada, dans l’affaire Lac d’Amiante du Québec, avait déjà énoncé que les pouvoirs des tribunaux du Québec prévus par le C.p.c. devaient d’abord et avant tout tirer leur origine du droit substantif codifié par le C.c.Q70. Par conséquent, à défaut de disposition spécifique dans le C.c.Q. permettant la rectification contractuelle, ce pouvoir résiduaire des cours supérieures ne serait pas suffisant en soi pour justifier le droit des contribuables à la rectification. Les tenants de cette position étaient plutôt d’avis que le seul recours à la portée des contribuables confrontés à une planification aboutissant à des conséquences fiscales défavorables non prévues serait de demander l’annulation de la transaction en démontrant qu’un des éléments essentiels à leur consentement était l’absence d’impact fiscal. Ce serait, selon eux, le seul recours expressément prévu par le Législateur. Cependant, comme nous le verrons plus loin, ce recours, bien que semblable à la rectification, n’accorde pas les mêmes avantages à ceux qui l’invoque. Confronté à ce silence du Législateur, les tribunaux québécois ont du faire preuve de gymnastique intellectuelle pour justifier les assises légales d’un recours semblable à celui de la Doctrine of rectification en droit civil. La Cour d’appel du Québec, dans 64
Supra note 2, art. 2965. Supra note 13, art. 199. 66 Supra note 13, art. 475 et 520. 67 Supra note 13, art. 945.5. 68 Supra note 46, p. 289. 69 Supra note 13, art. 2, 20, 46. 70 Supra note 21, para. 40. 65
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l’arrêt Services environnementaux AES, fût la première à fonder le droit des contribuables à la correction rétroactive et opposable au fisc de leurs écrits contractuels sur la base de l’article 1425 C.c.Q.71 Cette approche fût confirmée par la Cour Suprême du Canada en appel de cette décision. Tel que nous l’avons vu précédemment, cette disposition s’insère dans les principes d’interprétation contractuelle codifiés par le C.c.Q. et prévoit que l’intention commune des parties au moment de la formation du contrat doit primer sur le libellé de celui-ci.
71
Supra note 14.
CHAPITRE IV LES LIMITES AU RECOURS EN RECTIFICATION FISCALE AU QUÉBEC
Malgré la récente décision de la Cour Suprême du Canada mettant fin au débat quant à l’existence ou non d’un recours semblable à celui de la Doctrine of rectification en droit civil québécois, plusieurs questions demeurent en suspens. 4.1. Les problèmes relatifs à la preuve civile Lorsqu’on introduit un recours judiciaire en correction d’un écrit constatant un acte juridique, on doit inévitablement tenir compte des règles de preuve civile qui visent à assurer la stabilité juridique des transactions. La preuve civile restreint les cas où le témoignage est admissible pour contredire le contenu d’un écrit constatant un acte juridique72. Parmi les nombreuses règles figurant au chapitre « Des moyens de preuve » du C.c.Q., il est notamment interdit aux parties à un contrat constaté par écrit de le contredire ou d’en changer les termes par leur témoignage à moins qu’il n’y ait un commencement de preuve73; un aveu, le témoignage ou un écrit émanant de la partie adverse ou un élément matériel qui rend vraisemblable le fait allégué74. Il est également permis de présenter une preuve testimoniale visant à interpréter un écrit, à compléter un écrit manifestement incomplet où visant à attaquer la validité de l’acte juridique qu’il constate75. Les dispositions pertinentes du C.c.Q. se lisent comme suit : 2863. Les parties à un acte juridique constaté par un écrit ne peuvent, par témoignage, le contredire ou en changer les termes, à moins qu'il n'y ait un commencement de preuve.
72
Supra note 2, art. 2863 à 2865. Supra note 2, art. 2863. 74 Supra note 2, art. 2865. 75 Supra note 2, art. 2864. 73
35
2864. La preuve par témoignage est admise lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit, de compléter un écrit manifestement incomplet ou d'attaquer la validité de l'acte juridique qu'il constate. 2865. Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.
Tel que le
juge Lebel l’a souligné dans la décision du 28 novembre 2013 76 , le
dénouement des affaires Services environnementaux AES et Riopel aurait pu être tout autre n’eut été de l’absence de contestation des autorités fiscales relativement à la preuve présentée par les contribuables. Dans le cas de Services environnementaux AES, l’ensemble de la preuve a fait l’objet d’admissions écrites par les parties alors que dans l’arrêt Riopel, la preuve documentaire et testimoniale présentée pour démontrer l’intention réelle des parties n’a fait l’objet d’aucune objection de la part du fisc. Par conséquent, les procureurs des intimés n’ont pas été freinés par les objections à la preuve des autorités fiscales quant à la mise en preuve de l’intention initiale des contribuables différente de celle déclarée dans les conventions écrites. De plus, puisque les objections à la preuve ne sont pas d’ordre public, le tribunal ne peut pallier au silence d’une des parties qui omet de s’objecter à la mise en preuve d’une pièce en contravention avec les règles édictées par le C.c.Q. à moins qu’il ne s’agisse d’un élément de preuve obtenu en violation des droits et libertés fondamentaux et qui est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice77. Ainsi, à défaut pour le fisc de s’opposer à la mise en preuve des témoignages des contribuables visant à établir leur intention initiale différente de celle déclarée dans leur contrat, le tribunal ne pourra soulever d’office l’irrecevabilité. La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Sobeys Québec, a établi les balises à l’intérieur desquelles une partie est admise à témoigner pour établir que l’intention déclarée dans la convention écrite ne traduit pas fidèlement la volonté réelle des parties. Lorsque le texte du contrat contient une ambigüité, l’article 2864 C.c.Q. permet aux parties à l’entente de témoigner relativement au libellé de celle-ci afin d’en faciliter l’interprétation. Toutefois, en l’absence de doute dans le libellé, la partie adverse pourra 76 77
Supra note 24, para. 26. Supra note 2, art. 2858 et 2859.
36
s’objecter au témoignage d’une des parties qui vise à contredire le contenu du contrat écrit, et ce, par le biais de l’article 2863 C.c.Q.78. Tout porte à croire que les prochains litiges en matière de rectification fiscale porteront sur la question de la mise en preuve de l’intention commune des parties et de l’entente verbale préalable eu égard aux restrictions imposées par les règles de preuve civile du C.c.Q. À la lumière des enseignements de la Cour Suprême en matière de rectification contractuelle, fort à parier que les autorités fiscales adopteront une position différente relativement à la mise en preuve de l’entente initiale présentée par les contribuables. Il est raisonnable de croire que le fisc s’objectera plus fréquemment à toute preuve de nature à contredire la lettre des contrats dont on demande la rectification. Dans de telles circonstances, la disponibilité d’un mémo interne bien rédigé par les conseillers fiscaux des contribuables peut s’avérer primordiale dans le dénouement d’un litige de ce genre. En effet, l’article 2865 C.c.Q. édicte qu’il y a commencement de preuve lorsqu’il y a un élément matériel émanant de la partie adverse qui rend vraisemblable le fait allégué79. Puisque dans le cadre d’un recours en rectification, les deux parties à l’acte agissent de concert devant les tribunaux, la mise en preuve du mémo interne des fiscalistes retenus par les contribuables suffit pour répondre aux exigences de cette disposition. Par conséquent, les conseillers fiscaux œuvrant en réorganisation et planification corporative auraient tout avantage à indiquer clairement dans leur mémo interne la volonté de leurs clients de se prévaloir du mécanisme « X » prévu par les lois fiscales permettant de procéder à une opération « Y » sans impact fiscal immédiat. Cet élément de preuve rendant vraisemblable l’écart allégué par les parties entre leur intention initiale et l’intention déclarée dans leurs écrits leur permettrait par la suite de témoigner sur le sujet. De plus, l’article 2863 C.c.Q. ne prohibe que le témoignage des parties à l’acte juridique visant à contredire ou à changer les termes de l’écrit le constatant. Par conséquent, les fiscalistes des contribuables seraient admis à témoigner relativement à la commune intention des parties de procéder à une planification fiscale autre que celle déclarée dans les conventions écrites. 78 79
Supra note 15, para. 56. Supra note 2, art. 2865.
37
4.2. Les « planifications fiscales audacieuses » La rectification se révèle être un outil puissant pour les contribuables afin de réviser rétroactivement leurs transactions ayant engendré des conséquences fiscales défavorables et inattendues. Cependant, le juge Lebel a pris soin de souligner que la reconnaissance par la Cour Suprême du recours en rectification contractuelle en droit civil québécois ne devait pas être interprétée comme étant une ouverture aux « planifications fiscales audacieuses80 ». Les contribuables, mais surtout leurs fiscalistes, ne doivent pas élaborer des planifications aux conséquences fiscales incertaines espérant qu’en cas de cotisation par les autorités fiscales, ils pourront réviser l’opération pour réduire ou éliminer les impacts fiscaux. Les tribunaux devront être exigeants relativement à la preuve de l’intention initiale des parties afin d’éviter que des contribuables bénéficient indûment de ce recours aux remèdes excessivement généreux. La Cour Suprême n’a toutefois pas défini de façon précise ce qu’elle entendait par « planification fiscale audacieuse » et n’avait d’ailleurs pas à le faire dans le cadre du débat dont elle était saisie. Cette attitude n’est cependant d’aucune surprise car en pareille matière, chaque cas est un cas d’espèce devant faire l’objet d’une analyse approfondie des faits en cause. À la suite du jugement de la Cour Suprême, la Cour Supérieure du Québec, dans l’arrêt Désourdy et Fiducie Gérald Désourdy81, a rejeté une demande de rectification d’un acte de fiducie contaminé par le paragraphe 75(2) de la L.I.R. jugeant qu’il s’agissait d’une planification fiscale rétroactive. Le greffier saisi du dossier a conclu que les parties n’avaient pas démontré l’existence d’une intention initiale différente de celle déclarée dans l’acte de fiducie et que le simple fait que la rédaction de l’acte ait entrainé des conséquences fiscales désavantageuses ne suffisait pas en soi pour donner droit à la requête, même en l’absence de contestation.
80 81
Supra note 24, par a. 54. Désourdy et Fiducie Gérald Désourdy, 2014 QCCS 147.
38
Il est également important de souligner que dans cette affaire, les autorités fiscales n’avaient pas été mises en cause, et ce, contrairement aux enseignements de la Cour Suprême dans Services environnementaux AES et Riopel82. 4.3. Les questions procédurales 4.3.1. La coexistence du recours en rectification et l’annulation du contrat Le C.c.Q. reconnaît deux types d’erreur, soit l’erreur simple et l’erreur provoquée par le dol83. 1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement. L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement. 1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes. Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.
L’erreur simple est une croyance erronée d’une des parties à un état de fait relativement à la nature du contrat, l’objet de la prestation ou sur tout autre élément essentiel présent ou passé84 ayant déterminé le consentement85. Ce type d’erreur vicie le consentement de la partie qui la commet86 et ne peut mener qu’à l’annulation du contrat puisqu’une des conditions nécessaires à la formation du contrat n’est pas rencontrée : 1416. Tout contrat qui n'est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation peut être frappé de nullité. […] 1439. Le contrat ne peut être résolu, résilié, modifié ou révoqué que pour les causes reconnues par la loi ou de l'accord des parties (nos soulignements) 87.
82
Supra note 24, para. 51. Supra note 2, art. 1400 et 1401. 84 Supra note 46, para. 219 et supra note 28. 85 Supra note 46, para. 212. 86 Supra note 2, art. 1400. 87 Supra note 2, art. 1416 et 1439. 83
39
Toutefois, il importe de souligner que l’erreur inexcusable qui découle de la faute de la partie contractante qui l’invoque ne donne jamais droit à ce recours88. Dans les affaire Services environnementaux AES et Riopel, l’ARQ a invoqué un troisième type d’erreur reconnu par la doctrine et la jurisprudence québécoise, soit l’erreur dite économique et faisant partie de la catégorie des lésions 89 . L’erreur économique est une erreur portant sur le coût ou la valeur de la prestation prévue au contrat. Toutefois, les vices de consentement compris dans le groupe des lésions se distinguent des autres vices de consentement en ce que seuls les mineurs et les majeurs inaptes peuvent l’invoquer avec succès90. Par conséquent, l’erreur économique ne donne jamais droit à l’annulation du contrat pour les personnes autres que ces deux catégories d’individus sous réserve de certaines exceptions. La distinction entre l’erreur simple et l’erreur économique peut, dans la majorité des cas, s’avérer difficile à formuler puisqu’une erreur simple sur l’objet de la prestation entraîne presqu’automatiquement une déformation de la valeur économique de cette prestation. Ainsi, lorsque l’erreur économique découle d’une erreur simple portant sur la nature du contrat, l’annulation de celui-ci sera possible, même si elle est invoquée par un majeur pleinement apte. Le juge Pelletier de la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Légaré c. Morin-Légaré, exprime bien ce propos91 : [83]
Dans la foulée de cette nuance, les Tribunaux n’écartent pas toute possibilité de
faire de l’erreur économique une cause valable d’annulation. Le test est cependant très exigeant. Pour être qualifiée d'erreur sur la considération principale, l'erreur économique doit avoir incité la personne à contracter. Cette erreur doit être au «centre même de la décision de contracter» et s'élever «au rang de considération principale et de condition même de l'engagement». Il incombe par surcroît à celui ou celle qui l'invoque d’en faire la démonstration.
La divergence entre l’intention commune des parties et le libellé du contrat se distingue de l’erreur simple et de l’erreur économique en ce qu’elle permet aux parties de saisir une cour supérieure afin d’obtenir une ordonnance de rectification de leur écrit.
88
Supra note 2, art. 1400 in fine. Supra note 2, art. 1399, 1405 et 1406. 90 Supra note 2, art. 1405. 91 Légaré c. Morin-Légaré, [2003] R.J.Q. 2545, par. 83 (C.A. Qué). 89
40
La distinction entre une erreur portant sur la nature du contrat, l’objet de la prestation ou sur tout élément essentiel ayant déterminé le consentement et une divergence entre le negotium et l’instrumentum peut s’avérer parfois difficile à démontrer de façon prépondérance. La Cour d’appel, dans l’arrêt Services environnementaux AES 92 a soulevé la nuance parfois ardue à saisir qui existence entre les deux recours. La juge Nantel saisie de l’affaire Riopel en première instance a d’ailleurs rejeté la requête des contribuables jugeant que l’erreur invoquée par ceux-ci était de nature à vicier leur consentement puisqu’elle portait sur la nature de la transaction. La Cour a conclu que le seul recours à la portée des contribuables était l’annulation de leur contrat. La Cour d’appel du Québec et la Cour Suprême du Canada ont infirmé ce jugement et ont plutôt conclu qu’il existait un écart entre l’intention initiale des parties et celle consignée dans leurs écrits. Les intimés Services environnementaux AES ont, selon nous, bien exprimé la distinction que l’on doit faire entre l’erreur viciant le consentement et l’écart entre l’intention commune et l’intention déclarée. L’erreur qui vicie le consentement et qui donne ouverture au recours en annulation est celle qui aurait amené la partie qui la commet à ne pas contracter si elle avait été connue au moment de l’expression de son consentement. Or, en présence d’un écart entre l’intention commune et l’intention déclarée, il n’existe aucune erreur qui aurait amené les parties à ne pas contracter. Il s’agit plutôt d’une erreur dans l’instrumentation du contrat, qui lui, demeure valide. À l’instar de la rectification, l’annulation du contrat a des effets rétroactifs et remet les parties dans l’état où elles étaient au moment de sa signature. Le contrat annulé est réputé n’avoir jamais existé et chaque partie est tenue de restituer les prestations qu’elle a reçue93. Cependant, le recours en nullité offre un remède moins complet que celui de la rectification, particulièrement en matière fiscale, puisqu’il ne substitue pas la relation juridique initiale par celle envisagée initialement. Or, nous savons qu’en fiscalité, le moment de la survenance d’une transaction peut avoir des impacts majeurs. Par conséquent, le fait qu’une opération survienne plusieurs années après le moment où elle aurait dû avoir lieu peut avoir des effets désastreux pour les contribuables.
92 93
Supra note 14. Supra note 2, art. 1422.
41
Malgré tout, en raison des problèmes de preuve civile discutés précédemment, il pourrait tout de même être prudent d’ajouter à une requête en rectification des conclusions subsidiaires en annulation du contrat lorsque la situation le permet afin de protéger les droits des clients. Bien que le recours en annulation de contrat n’offre pas un remède aussi avantageux que la rectification, il permet d’obtenir l’effet rétroactif recherché en présence de conséquences fiscales défavorables non prévues. 4.3.2. La nécessité de faire intervenir les autorités fiscales dans le cadre d’un recours en rectification L’article 5 du C.p.c. se lit comme suit : 5. Il ne peut être prononcé sur une demande en justice sans que la partie contre laquelle elle est formée n'ait été entendue ou dûment appelée.
Comme l’a souligné la Cour Suprême, les autorités fiscales sont liées par les conclusions des tribunaux en matière de rectification fiscale. Il est donc raisonnable de conclure qu’elles devraient à tout le moins être mises en cause lors d’une demande de rectification afin qu’elles puissent faire valoir ses prétentions et protéger ses droits à la créance fiscale qu’elle détient à l’encontre des contribuables94. D’ailleurs dans l’affaire A c. B95, la Cour Supérieure du Québec a accueilli une requête en rétractation de jugement présentée par autorités fiscales à l’encontre d’un jugement en annulation de contrat ayant engendré des conséquences fiscales défavorables et inattendues dans lequel elles n’avaient pas été dûment appelées. La Cour a conclut que les intérêts du fisc étaient indéniablement atteints par l’annulation du contrat et qu’elles auraient eu des arguments sérieux à présenter si elles avaient été mises en cause dans le dossier. Le défaut d’appeler les autorités fiscales dans le cadre d’un litige en annulation ou en rectification de contrat ayant pour effet de modifier rétroactivement des conséquences fiscales équivaut à procéder ex parte, et ce, en violation des principes fondamentaux de procédure civile.
94 95
Supra note 24, para. 51. A c. B, 2013 QCCS 575.
42
4.4. Les causes pendantes en matière de rectification 4.4.1. L’affaire Couche-Tard inc.96 Peu de temps après les arrêts Services environnementaux AES et Riopel, par requête en jugement déclaratoire, Mac’s Convenience Store inc. (ci-après « Mac’s), demandait à la Cour la rectification d’une transaction intervenue à l’intérieur du groupe Couche-Tard et ayant engendré des conséquences fiscales inattendues et défavorables
97
. Plus
particulièrement, Mac’s demandait au Tribunal d’ordonner l’annulation ab initio d’un dividende de 136 millions de dollars déclaré et versé à la défenderesse, Couche-Tard inc., et de corriger les écrits instrumentaires afin qu’ils fassent plutôt état d’une réduction de capital versé pour un montant équivalent. Ainsi, le transfert des fonds entre les deux sociétés aurait eu lieu non seulement en franchise d’impôt, conformément à leur intention commune, mais également sans entraîner les conséquences inattendues en vertu des règles de capitalisation restreinte. Le PGC et l’ARQ ont tous deux été mis en cause dans le dossier. Le dividende a été déclaré par Mac’s alors que cette dernière était débitrice d’une somme de 185 millions de dollars auprès d’une société américaine. Par conséquent, la déclaration du dividende de 136 millions de dollars en faveur de Couche-Tard inc. a eu pour effet d’augmenter le ratio de capitaux propres et de capitaux empruntés de Mac’s au-delà de la limite permise par le paragraphe 18(4) de la L.I.R. l’empêchant ainsi de déduire de son revenu les intérêts payés à la société américaine98. À la suite d’une vérification, les dépenses d’intérêt prises pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 ont été refusées par l’ARC et de nouveaux avis de cotisation ont été émis à la demanderesse. Dans le cadre de son analyse, la juge Hallée saisie du dossier a repris les quatre critères énoncés par la Cour d’appel du Québec dans les arrêts Services environnementaux AES et Riopel qui permettent de déterminer si une demande de rectification doit ou non être accordée :
96
Mac's Convenience Stores inc. c. Couche-Tard inc., 2012 QCCS 2745 [ci-après Couche-Tard]. Voir annexe A pour le schéma des transactions.. 98 Supra note 6, par. 18(4) à (8). 97
43
« Y a-t-il un écart entre l’intention commune des parties (le negotium) à la série d’opérations du 25 avril 2006 et leur intention couchée par écrit (l’instrumentum)? La demande de rectification est-elle légitime? La demande de rectification est-elle nécessaire? La demande de rectification affecte-t-elle les droits des tiers? 99» La Cour a conclu que le premier critère n’était pas rencontré. La preuve ayant démontré qu’aucune discussion concernant les conséquences fiscales de la déclaration du dividende n’avait eu lieu entre la demanderesse et son professionnel, il y avait, selon la juge Hallée, absence d’écart entre l’intention déclarée et l’intention réelle. La résolution corporative faisant état de la déclaration du dividende reflétait, selon la Cour, l’intention réelle de la demanderesse qui était de mettre en œuvre les conseils fiscaux de son professionnel. La déductibilité des intérêts n’ayant jamais été discuté préalablement, la demanderesse ne pouvait a posteriori prétendre que cet élément était au cœur des considérations essentielles des transactions envisagées. Bien que la première étape n’ait pas été franchie, la Cour s’est tout de même penchée sur le second critère, soit celui de déterminer si la demande de rectification est légitime. Une fois de plus, la Cour a conclu à l’illégitimité de la requête de la demanderesse qui visait non pas à corriger une erreur de rédaction mais à substituer un acte juridique par un autre d’une toute autre nature. De l’avis du Tribunal, le fait que cette correction aurait eu pour effet de « réécrire l’histoire fiscale de la transaction »100 s’opposait à la légitimité de la demande. [88] MAC’S demande plutôt de remplacer un acte juridique (une déclaration de dividende) par d’autres actes juridiques (réduction de capital) de nature fort différente afin d’obtenir un traitement fiscal plus favorable et c’est ce qui s’appelle réécrire l’histoire fiscale de la transaction, contrevenant ainsi au critère de légitimité 101.
La décision de la Cour Supérieure a été portée en appel par la demanderesse Mac’s et, de consentement de toutes les parties impliquées, le dossier a été suspendu jusqu’à ce
99
Supra note 96, para. 44. Supra note 96, para. 88. 101 Ibid. 100
44
que la Cour Suprême du Canada rende son jugement dans les affaires Services environnementaux AES et Riopel102. 4.4.2. L’affaire Jean-Coutu103 La décision de la Cour Supérieure du Québec dans l’affaire Jean Coutu a été rendue peu de temps après celle de l’affaire Couche Tard. Elle a, elle aussi, été portée en appel devant la Cour d’appel du Québec qui a suspendu l’instance jusqu’à jugement de la Cour Suprême du Canada dans les arrêts Services environnementaux AES et Riopel104. Dans cette affaire, une société-mère canadienne (ci-après « PJC Canada ») et sa filiale américaine (ci-après « PJC USA ») désiraient éviter de faire mention des pertes théoriques dues à la variation du taux de change sur des emprunts bancaires effectués à l’étranger dans leurs bilans plutôt que dans leurs états des profits et pertes, tel que l’exigent les principes comptables généralement reconnus, afin de ne pas influencer défavorablement les investisseurs actuels et potentiels. La planification recherchée devait se faire sans impact fiscal. C’est ainsi que dans un premier temps, PJC USA a effectué un emprunt au taux du London inter bank offered rate de 120 millions de dollars auprès de PJC Canada en contrepartie d’un billet promissoire. Peu de temps après, PJC Canada a souscrit à des actions ordinaires supplémentaires du capital-actions de PJC USA pour la somme de 70 millions de dollars financée par un prêt de PJC USA au même taux d’intérêt que le prêt de 120 millions de dollars. Les retenues d’impôt de la partie XIII de la L.I.R. ont été effectuées sur les intérêts versés par PJC Canada à PJC USA, en contrepartie de quoi, PCJ USA a pu réclamer un crédit d’impôt étranger auprès des autorités fiscales américaines105. Par le truchement de ces trois opérations, le problème de pertes théoriques aux états financiers a été résolu106. Cependant, à la suite d’une vérification par l’ARC, un impôt 102
Mac's Convenience Stores Inc. c. Canada (Procureur général), 2012 QCCA 1694. Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Jean Coutu Group (PJC) USA, 2012 QCCS 6917 [ci-après Jean Coutu]. 104 Canada c. Groupe Jean Coutu (PJC) inc., 2013 QCCA 373. 105 Voir annexe B pour le schéma des transactions. 106 Le montant net des créances en faveur des banques américaines sur les avances à PJC USA étant négatif, le problème de pertes théoriques dues à la variation du taux de change à l’état des profits et pertes de la société a été en grande partie résolu. 103
45
additionnel de 2,2 millions de dollars a été réclamé à PJC Canada en raison du fait que les intérêts payés à PJC USA constituaient du FAPI. C’est ainsi que PJC Canada a introduit une requête en rectification et pour jugement déclaratoire afin de modifier les livres et registres de la société et d’éliminer les intérêts payables à PJC USA. La requête fût accueillie par le juge Jean-Jude Chabot concluant qu’il était en présence d’une preuve convaincante d’écart entre le negotium et l’instrumentum. À son avis, « [l]a preuve faite à l'enquête démontre manifestement que l'intention claire de PJC Canada et PJC USA était au début de régler un problème de couverture de change sans conséquence fiscale 107 . » De plus, comme les parties s’étaient référées à des professionnels de la fiscalité pour résoudre leur problème, leur erreur quant à la conséquence fiscale inattendue ne pouvait être qualifiée d’« erreur inexcusable ». 4.4.3. Qu’en pensera la Cour d’appel du Québec? Les paris sont ouverts quant à l’issue de ces deux dossiers devant la Cour d’appel du Québec. Les deux dossiers qui avaient été suspendus jusqu’à ce que jugement soit rendu par la Cour Suprême du Canada dans les arrêts Services environnementaux AES et Riopel, ont récemment repris leur cours. Avec les conclusions de la Cour Suprême en main, nous pouvons tenter de prédire le dénouement de ces deux affaires. La preuve présentée devant la Cour Supérieure du Québec dans l’arrêt Couche-Tard indique qu’en aucun temps les conséquences fiscales des transactions découlant de la déclaration du dividende n’ont été discutées entre Mac’s et son professionnel. La déductibilité des intérêts payés à la société américaine n’a jamais été soulevée. Peut-on tout de même démontrer que l’échange de consentement portait sur un transfert de fonds en franchise d’impôt et sans impact sur la prise de dépenses d’intérêts? Pour de grandes sociétés comme celles du groupe Couche-Tard, il est clair que l’intention explicite ou implicite du client est que son fiscaliste mette en place des structures fiscalement avantageuses sans que le client ait à verbaliser cette intention à chaque fois qu’il lui confie un mandat. Toutefois, l’élaboration de planifications fiscales avantageuses ne signifie pas nécessairement la mise en place d’opérations sans impact fiscal. En raison de l’absence de preuve quant à l’expression verbale d’une intention 107
Supra note 103, para. 21.
46
quelconque de la part du groupe Couche-Tard que le transfert des fonds soit effectué en franchise d’impôt et sans impact sur la déductibilité des intérêts payés à la société américaine, nous sommes d’avis que la Cour d’appel du Québec ne pourra conclure à la présence d’un écart entre l’intention initiale de ceux-ci et l’intention déclarée. Il serait difficile de croire qu’un accord de volonté ait eu lieu relativement à une condition qui n’a jamais été exprimée. La preuve de l’intention commune des parties dans l’affaire Jean Coutu est selon nous beaucoup plus claire quant à l’absence de conséquence fiscale. Les faits en litige sont davantage semblables à ceux de l’arrêt Riopel où les contribuables ont demandé à leurs fiscalistes de mettre en place une planification fiscale afin d’effectuer une transaction en franchise d’impôt. À notre avis, la formation du contrat a eu lieu au moment de la rencontre avec les fiscalistes afin qu’une planification fiscale soit mise en place pour résoudre le problème de pertes théoriques sans impact fiscal. La Cour d’appel reconnaitra, selon nous, que le contrat liant les parties et sur lequel les conséquences fiscales doivent être fondée est celui qui est né lors de cette rencontre. 4.5. Et la responsabilité professionnelle? Dans la plupart des décisions analysées précédemment, les conséquences fiscales défavorables et inattendues sont survenues en raison d’une erreur commise par les fiscalistes et autres professionnels engagés par les contribuables. Dans l’arrêt Services environnementaux AES, les professionnels ont commis une erreur dans l’établissement du PBR des actions faisant l’objet d’un roulement fiscal alors que dans Riopel les rédacteurs des statuts de fusion ont omis de faire mention de la disposition des actions de la société Déchiquetage en faveur de J.P.F. De même, dans Couche-Tard les fiscalistes n’ont pas prévu l’application des règles de capitalisation restreinte dans le cadre de l’élaboration de leur planification fiscale alors que dans Jean Coutu, les professionnels ont omis de prendre en considération les règles de REATB. Il est surprenant de constater qu’hormis l’affaire Couche-Tard 108 , la responsabilité professionnelle des fiscalistes n’ait jamais été soulevée. Dans l’affaire Couche-Tard, l’absence de négligence du fiscaliste ayant suggéré à Mac’s de procéder au transfert des
108
Supra note 96.
47
fonds via le versement d’un dividende a expressément été souligné. De l’avis des contribuables, un fiscaliste prudent et diligent n’aurait jamais prévu l’application des règles de capitalisation restreinte en raison l’absence d’entité non-résidente dans la transaction en cause. Pour que la responsabilité du professionnel soit engagée, il faut démontrer que ce dernier a commis une faute. La notion de « faute » est bien connue du droit civil. Elle réfère à une conduite qui s’éloigne de celle qu’une personne prudente et diligente aurait adoptée dans de telles circonstances109. Les informations fournies dans les décisions examinées relativement à la conduite des professionnels impliqués sont insuffisantes pour porter un jugement sur leur responsabilité professionnelle. Or, il pourrait s’avérer pertinent de considérer cette avenue dans l’éventualité où un recours en annulation et en rectification était rejeté par les tribunaux. Les contribuables pourraient ainsi obtenir une compensation monétaire pour la charge fiscale supplémentaire qu’ils ont dû assumer en raison de la faute que leurs professionnels ont commise dans l’élaboration de leur planification fiscale. Cependant, cette option n’offre qu’un remède partiel en ce que les contribuables devront supporter les frais extrajudiciaires qu’implique une poursuite judiciaire en responsabilité. De plus, la transaction en litige ne sera ni annulée, ni remplacée. Les contribuables devront donc également vivre avec les conséquences engendrées par l’opération non désirée.
109
Voir par ex. Roberge c. Bolduc, [1991] 1 RCS 374.
CONCLUSION Par son jugement dans les arrêts Services environnementaux AES et Riopel, la Cour Suprême du Canada a mis fin à un débat qui perdurait au sein de la communauté fiscale depuis plus de dix ans relativement à l’existence en droit civil du recours en rectification. Se fondant sur l’article 1425 C.c.Q., la Cour Suprême a reconnu que les conséquences fiscales qui devaient être imputées aux contribuables étaient celles découlant de l’entente conclue au moment où toutes les conditions nécessaires à la formation du contrat prévues par le C.c.Q. étaient réunies plutôt que celles découlant de sa constatation par écrit. Les conclusions de la Cour s’appuient sur un principe fondamental du droit civil québécois voulant qu’un accord de volonté suffit pour qu’une obligation civile dont l’exécution forcée est susceptible d’être ordonnée par un tribunal naisse. Sa constatation par écrit ne constitue ni une exigence à son existence légale, ni la formation d’un nouveau contrat annulant et remplaçant le premier à moins d’un nouvel échange de consentement à cet effet. Les conclusions de la Cour Suprême sont toutefois ironiques en ce que, quelques années plus tôt, cette même cour avait traité des conditions d’application de la rectification dans un contexte de common law dans les affaires Performance Industries110et Shafron111. Or, bien que l’introduction du recours en rectification au Québec est plus récente que celle de la Doctrine of rectification en common law et que les premières réflexions sur l’existence d’un tel recours en droit civil proviennent de cette doctrine de droit anglosaxon, la Cour Suprême, dans l’arrêt Services environnementaux AES et Riopel, semble avoir élargi les cas donnant ouverture à la rectification au Québec en comparaison avec ceux que permet la common law. En effet, dans les affaires Performance Industries et Shafron, elle a énoncé que pour avoir droit à la correction de leurs écrits, les contribuables devaient démontrer l’existence de quatre éléments, soit la présence d’une entente verbale préalable, une assertion inexacte et frauduleuse lors de la consignation par écrit de l’entente, une erreur commune aux parties ou une erreur unilatérale et la connaissance de cette erreur par l’autre partie ainsi que la rectification nécessaire afin de 110 111
Supra note 31. Supra note 30.
49
rendre la convention écrite conforme à l’entente initiale. La preuve à administrer dans le cadre d’un recours en rectification en vertu du droit civil se limiterait, quant à elle selon les enseignements de la Cour Suprême, à démontrer la découverte d’une erreur lors de la consignation par écrit de l’entente verbale et la correction nécessaire pour rendre cette convention écrite conforme à la volonté des parties. Les critères élaborés par la Cour Suprême dans les arrêts Services environnementaux AES et Riopel sont donc beaucoup moins restrictifs que ceux qu’elle avait énoncés quelques années plus tôt dans les affaires Performance Industries et Shafron. De plus, il y a plus de trente ans, dans l’affaire Perrault112, la Cour fédérale a rejeté l’appel du contribuable qui contestait l’ajout à son revenu d’une somme de 350 005,50$ à titre d’avantage dont il aurait bénéficié. La société dont l’appelant était actionnaire majoritaire avait versé un dividende de 350 005,50$ à une autre société qui avait à son tour été re-transféré cette somme à son actionnaire majoritaire en règlement d’une dette dont le contribuable était débiteur. L’appelant avait reçu en contrepartie du paiement les actions de la société bénéficiaire du dividende qui étaient détenues par la société dont il était actionnaire. En dépit du fait que la double imposition du dividende soit fortement désavantageuse, la Cour a conclu qu’en présence d’un paiement, quel qu’il soit, effectué par une société ayant pour effet d’éteindre une dette de l’un de ses actionnaires devait inévitablement mener à l’ajout d’un avantage dans le revenu de cet actionnaire. De plus, bien que la transaction aurait pu être réalisée autrement afin d’éviter toute incidence fiscale, la Cour fédérale a conclu que les impacts fiscaux devaient être déterminés en fonction de la façon dont le contribuable avait réellement arrangé ses affaires et qu’à cet égard il était libre de les arranger afin de réduire le plus possible son fardeau fiscal. Il peut cependant y avoir des situations où le contribuable arrange ses affaires de façon peu avantageuse. Cependant, il ne peut, a posteriori, prétendre à un droit au bénéfice de mécanismes prévus par la loi plus avantageux pour procéder à la transaction initiale. Les conclusions de l’affaire Perrault sont encore aujourd’hui valides. La mise en garde de la Cour Suprême quant aux « planifications fiscales audacieuses » nous rappelle que le recours déclaratoire en rectification ne doit pas être perçu comme une possibilité de revoir la façon de procéder à une transaction lorsqu’on conclut, après coup, que la 112
Perrault c. R., [1979] 1 C.F. 155.
50
planification initiale n’était pas la plus fiscalement avantageuse. Afin d’avoir gain de cause dans le cadre d’une demande de rectification, les contribuables doivent faire la preuve que leur intention initiale était de procéder à une opération donnée par le biais d’une planification spécifique mais que les écrits instrumentant cette transaction ne reflètent pas fidèlement la planification envisagée.
51
ANNEXE A ORGANIGRAMMES DE L’ARRÊT COUCHE-TARD113
ACT Prêt 115M$ 300M$ prix
2966565 Canada Dépan
300M$ prix
300M$ act. 115M$
Mach
Reçoit 300M$ de Mach et rembourse billet
CTI Circle K 300M$ prix
Sildel
Mac’s Prêt 300M$ Prêt 300M$
Banque
113
300M$ prix
Ces organigrammes sont tirés des schémas préparés par l’étude Norton Rose Fulbright.
52
Capital 263M$ Dividende 263M$
33 403 400 A.O.
ACT 90 125 136 A.O.
Bank
NS Dépan
Prêt 263M$
Remb 263M$
79 028 275 A.O.
Dividende 227M$
Règlement 263M$ 115M A.P.
CTI 8 787 334 A.O.
ACT Trust
Dividende 136M$
Mac’s
Prêt 263M$ Prêt 172M$
Prêt 91M$
SEC
53
ANNEXE B ORGANIGRAMMES DE L’ARRÊT JEAN COUTU114
OPÉRATIONS ACTUELLES Séquence A 7 février 2005 : Prêt de PJC Canada à PJC USA de 120M$ US (150 744 000$ CAN) et émission d’un billet promissoire de PJC USA à PJC Canada
PJC Canada
Prêt de 120M$ US (150 744 000$CAN)
100%
Billet promissoire de 120M$ US (150 744 000$ CAN)
PJC USA
114
Ces organigrammes proviennent des schémas préparés par l’étude Norton Rose Fulbright.
54
Séquence B 25 février 2005 : Souscription de 10 actions ordinaires additionnelles par PJC Canada dans PJC USA pour 70M$US (86 870 000$CAN)
PJC Canada
100%
PJC USA
Souscription de 10A.O. additionnelles
55
Séquence C 25 février 2005 : Prêt de PJC USA à PJC Canada de 70M$US (86 870$CAN) portant intérêts au « LIBOR » + 2,5%
PJC Canada
100%
Prêt 70M$US
Billet promissoire
PJC USA Résultat de la séquence A (120M$US) + séquence B (70M$US) – Séquence C (70M$US) = 120M$US
56
OPÉRATIONS RECTIFIÉES Séquence A 7 février 2005 : Prêt de PJC Canada à PJC USA de 120M$US (150 744 000$CAN) et émission d’un billet promissoire de PJC USA à PJC Canada
PJC Canada
Prêt de 120M$ US (150 744 000$CAN)
100%
PJC USA
Billet promissoire de 120M$ US (150 744 000$ CAN)
57
Séquence B 25 février 2005 : Souscription de 10 actions ordinaires additionnelles par PJC Canada dans PJC USA pour 70M$US (86 870 000$CAN)
PJC Canada
100%
PJC USA
Souscription de 10A.O. additionnelles
58
Séquence C 25 février 2005 : Remboursement partiel du prêt de 120M$US du 7 février 2005 d’un montant de 70M$US
PJC Canada
100%
PJC USA
Remboursement de 70M$US
59
Séquence D 25 février 2005 : Prêt de PJC Canada à PJC USA de 70M$US (86 870 000$CAN)
PJC Canada
100%
PJC USA
Prêt de 70M$US
60
Séquence E 25 février 2005 : Prêt de PJC USA à PJC Canada de 70M$US (86 870 000$CAN)
PJC Canada
100%
Prêt de 70M$US
PJC USA Résultat : Séquence A (120M$US) + Séquence B (70M$US) – Séquence C (70M$US) + Séquence D (70M$US) – Séquence E (70M$US) = 120M$US
61
BIBLIOGRAPHIE
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