DÉBATS DES COMMUNES 427 4 juin 1872
CHAMBRE DES COMMUNES Le mardi 4 juin 1872
L’ORATEUR prend le fauteuil à trois heures vingt-cinq. _______________ Prière _______________ DÉPÊCHE DU GOUVERNEMENT IMPÉRIAL
L’hon. M. MACKENZIE demande si le Gouvernement a l’intention de soumettre un plan général cette session pour obtenir des statistiques cruciales. L’hon. M. POPE répond que telle n’est pas son intention mais qu’un plan général est à l’étude. L’hon. M. MACKENZIE demande en outre si les rapports de la Nouvelle-Écosse seront imprimés dans le rapport du Département.
L’ORATEUR présente un message de son Excellence le Gouverneur-Général transmettant copie d’une dépêche du Secrétaire d’État pour les colonies, accusant réception d’une Adresse du Sénat et de la Chambre des communes de la Puissance du Canada, félicitant Sa Majesté au sujet de la guérison de Son Altesse Royale le Prince de Galles de sa maladie récente, et transmettant les remerciements de celle-ci pour l’expression de leur sympathie et les assurant qu’elle apprécie l’esprit de loyauté à sa personne dont fait preuve leur adresse.
L’hon. M. POPE répond qu’ils feront l’objet d’un rapport distinct préparé par M. Cosgrove.
* * *
L’hon. M. WOOD signale que pendant deux années consécutives, lorsque ce crédit a été examiné par la Chambre, le Gouvernement a annoncé qu’il se pencherait sur la question des statistiques et qu’il soumettrait un plan général. Il y a deux ans, il a prétexté qu’il n’avait pas eu le temps de préparer un plan et à la dernière session, il a annoncé qu’on ne pouvait plus tolérer cette situation particulière — à savoir que les statistiques sont rassemblées en Nouvelle-Écosse et nulle part ailleurs. Le ministre de la Justice, l’auteur de cette déclaration, a aussi dit que le Gouvernement était en train d’étudier un plan général qui s’appliquerait à toutes les provinces.
BUDGET SUPPLÉMENTAIRE L’ORATEUR remet aussi un message du Gouverneur-Général transmettant le budget supplémentaire des sommes requises pour le service de l’année expirant le 30 juin 1873. * * * COMITÉ DES SUBSIDES Sur motion de l’hon. sir FRANCIS HINCKS, la Chambre se forme de nouveau en Comité des subsides, M. STEPHENSON occupant le fauteuil. Au sujet du crédit de 3 950 $ pour un bureau de la statistique à Halifax, L’hon. M. ANGLIN demande si M. Cosgrave, qui a été employé comme commissaire du recensement à Halifax, est le gentilhomme du même nom qui, d’après les comptes publics qu’il a consultés, touchait un salaire de commis dans un des départements à Ottawa. L’hon. M. POPE ne le sait pas, mais s’informera. Le crédit est voté. Au sujet du crédit de 1 850 $ pour faire face aux traitements des sous-régistraires en Nouvelle-Écosse et à l’allocation pour les rapports de mariages,
L’hon. M. MACKENZIE signale que personne n’a jamais vu ce rapport puis qu’il n’a pas été déposé devant le Parlement. Les rapports devraient être inclus dans les rapports départementaux. L’hon. M. POPE est d’avis qu’il s’agit là d’une bonne suggestion et qu’on devrait y donner suite si cela est possible.
Il est primordial d’adopter un système efficace pour rassembler des données statistiques. Le Canada, à cet égard, est en retard sur tous les autres pays, surtout en ce qui concerne la collecte de statistiques cruciales. Le député aimerait savoir si le Gouvernement est disposé à présenter un plan à la prochaine session comme il l’a promis. L’hon. sir JOHN. A. MACDONALD répond qu’il n’a certainement rien promis à la dernière session puisqu’il n’était pas là lorsque les crédits ont été votés. L’hon. M. WOOD fait remarquer qu’il s’agissait peut-être de la session précédente car il se souvient que l’honorable député a bel et bien déclaré qu’on ne pouvait plus tolérer cette situation particulière et que le Gouvernement serait prêt à proposer un plan général. L’hon. sir JOHN A. MACDONALD rétorque qu’il se souvient de la discussion et qu’il a peut-être effectivement tenu ces propos; il
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ne se souvient toutefois pas des mots exacts. Il n’y a pas à douter que la situation relative à la collecte des statistiques laisse à désirer, mais il ne voit pas comment on pourrait concevoir un système satisfaisant, sinon à grands frais, sans que les gouvernements locaux et le Gouvernement de la Puissance s’entendent sur la question. Il est vrai que le Parlement de la Puissance a le pouvoir de donner des ordres à tous les officiers provinciaux et de les obliger à soumettre des rapports; il croit néanmoins qu’il serait tout à fait inopportun de recourir à ce pouvoir sauf en cas de force majeure. En principe, les officiers nommés par les gouvernements locaux devraient rendre tous leurs services à ces gouvernements et le Gouvernement de la Puissance devrait faire exécuter par ses propres officiers toute tâche qu’il exige. Il en est ainsi aux États-Unis et il estime qu’il s’agit là d’une bonne façon de procéder. Le problème qui se pose alors vient de ce que le Gouvernement ne dispose d’aucun officier pour rassembler des données statistiques à l’échelle de la Puissance. Lorsqu’il a tenu les propos que lui attribue le député de Brant-Sud (l’hon. M. Wood), il pensait alors qu’il devrait y avoir, entre la Puissance et les gouvernements provinciaux, une entente prévoyant l’élaboration d’un plan général à cette fin, comme l’a suggéré le député. Le Gouvernement sera peut-être en mesure de prendre une telle mesure au cours de la prochaine législature. L’hon. M. HOLTON espère que ce n’est pas là le sort réservé au pays. L’hon. sir JOHN A. MACDONALD craint que le député ne doive s’y soumettre. Le crédit est voté. Au sujet du crédit de 190 000 $ pour le recensement. L’hon. M. MACKENZIE demande des précisions. L’hon. M. POPE répond qu’en 1870-1871 on a dépensé 150 000 $ sur le crédit de 310 000 $. Pour l’exercice en cours, on a dépensé jusqu’à maintenant 250 000 $. On estime avoir besoin d’environ 7 000 $ de plus pour le reste de l’année en cours. Cette dernière somme servira au paiement des dépenses associées à la compilation et à l’impression des rapports ainsi qu’à la tenue du recensement dans le Nord-Ouest. Ce crédit de 190 000 $ est un report du solde inattendu de l’année dernière. L’hon. M. ANGLIN demande quel est le montant total des dépenses associées au recensement? L’hon. M. POPE répond qu’elles sont d’environ 410 000 $. Jusqu’à maintenant, on a effectué un tiers de la compilation et on s’attend que d’ici environ trois mois, le premier volume du rapport soit entre les mains de l’imprimeur, sinon imprimé. Le crédit est adopté. Au sujet du crédit de 18 212 $ pour faire face aux traitements des
agents et des employés de l’émigration. M. BOLTON espère que le bureau de l’émigration à Londres deviendra plus efficace. L’hon. M. POPE répond qu’on a ordonné à l’agent du bureau de Londres de fournir aux émigrants toute l’information possible sur les différentes provinces du Canada et que lors de son récent séjour dans ce pays, on lui avait remis tout ce qu’on pouvait obtenir sur le sujet. Son traitement a été augmenté et on lui accorde une allocation plus libérale pour ses dépenses. On lui a aussi ordonné, s’il peut le faire à un coût raisonnable, de fournir un bureau plus commode, plus accessible aux émigrants et auquel les Canadiens pourront s’adresser lorsqu’ils séjournent à Londres. M. YOUNG estime qu’on devrait divulguer toute l’information en ce qui concerne les dépenses de ce département étant donné qu’elles sont passées rapidement d’infimes à très importantes. La Chambre a le droit de savoir comment tout cet argent doit être dépensé et quel avantage le pays peut s’attendre à en retirer. L’hon. POPE explique qu’il s’agit dans tous les cas d’agents spéciaux nommés pour une courte période — la plupart d’entre eux pour six mois. Le député a déclaré que ce crédit est élevé. Il (l’hon. M. Pope) l’admet, mais on s’est rendu compte que les agents des États-Unis sont dispersés dans toutes les régions de la mère patrie et y font circuler des rapports défavorables en provenance du Canada. Il faut donc prendre des mesures pour mettre les choses au point en ce qui concerne le Canada. (Applaudissements.) Pour ce faire, on ne peut se contenter de nommer des agents rattachés à des villes et des cités, puisque ceux-ci ne rejoignent pas, à ce qu’on dit, les personnes qui sont désireuses d’émigrer. Alors que le Gouvernement s’attend à une forte émigration, on sait que la demande de main-d’œuvre est très forte dans la mère patrie et que les employeurs de cette dernière essaient de contrer l’émigration. Il faut entrer en concurrence avec eux. Pour ce faire, le Gouvernement estime avoir besoin de plus d’argent et d’hommes pour accomplir le travail que la population exige des agents. M. YOUNG n’a pas l’intention de critiquer le principe, il demande simplement des précisions. Il est d’avis qu’on a fait preuve de négligence par le passé et est porté à encourager tous les efforts qui seront déployés pour attirer des émigrants en plus grand nombre. Il suppose qu’il s’agit là d’une politique que le gouvernement met à l’essai, et il a personnellement tendance à lui faire confiance. (Applaudissements.) Il s’attend toutefois à des résultats appréciables étant donné une telle augmentation des dépenses. Il demande dans quels pays ont été dépêchés les agents. L’hon. M. POPE répond que des agents ont été affectés dans tous les districts ruraux de l’Angleterre, trois en Écosse et d’autres en Allemagne, en Belgique, en Alsace et en Lorraine, en Irlande, ainsi que dans les provinces scandinaves. Il peut se permettre de dire que, même s’il s’attendait à une baisse de l’émigration cette année, ses agents l’ont informé que celle-ci augmentera et que les émigrants appartiendront à une meilleure classe sociale. On a
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demandé aux agents de faire en sorte qu’il en soit ainsi. On constate déjà une augmentation par rapport à l’année dernière. Il ne s’attend pas que ces débours supplémentaires influent cette année sur les résultats. Il faut renseigner les gens sur les avantages qu’offre le Canada avant de s’attendre à obtenir des résultats appréciables. M. WRIGHT (Ottawa (Comté)) déclare que c’est grâce à la Société qui a été formée à Ottawa qu’on a pu améliorer la classe sociale des émigrants. On a parlé d’un « arrangement pour faire venir de la main-d’œuvre à bon marché ». Tout ce qu’il peut dire, c’est que si ce dernier ressemble à celui qui nous intéresse, c’est un bon arrangement. L’initiative prise par le ministre de l’Agriculture de venir en aide à ces sociétés, sera avantageuse pour le pays et il espère qu’elle se poursuivra.
sujet du système de recrutement d’une main-d’œuvre à bon marché, il n’avait pas l’intention de discréditer le système adopté par la société organisée à Ottawa. Il estime qu’il s’agit d’une excellente société et regrette qu’il n’en existe pas davantage. Il a dit que, en vertu du bill introduit par le ministre de l’Agriculture (l’hon. M. Pope), lequel prévoit le versement d’avances aux émigrants qui s’engagent à les acquitter en travaillant dans le pays, ces personnes seront exceptionnellement avantagées par rapport au reste de la collectivité. Il a décrit le bill à très juste titre comme établissant un système de recrutement d’une main-d’œuvre à bon marché.
M. BODWELL ne doute pas que les mesures qui ont été prises feront augmenter le nombre d’émigrants. Il estime que les Allemands font de bons colons ou de bons citoyens. On lui a dit qu’une cinquantaine ou une soixantaine de milliers d’Allemands, qui se trouvent actuellement à Riga, en Russie, veulent venir au Canada. Il veut savoir si le Gouvernement prendra des dispositions pour assurer leur venue.
L’hon. M. POPE nie qu’il s’agisse de quelque chose du genre. Le bill dispose simplement qu’une personne peut être embauchée à l’étranger pour accomplir un certain travail et qu’une avance peut lui être versée à certaines conditions; il prévoit également que, lorsque cette personne arrivera dans le pays, elle sera en aussi bonne position qu’un travailleur embauché ici. Elle sera protégée par les mêmes lois; il est absurde de parler d’un système pour recruter de la main-d’œuvre à bon marché. Tous les agents ont fait savoir qu’il faut absolument trouver des moyens d’aider les émigrants. Cette solution en est une parmi tant d’autres et il la considère très appropriée.
M. RYAN (Montréal-Ouest) fait remarquer qu’il faut reconnaître les efforts qu’a déployés le Gouvernement en matière d’émigration. Il croit que, compte tenu des grands travaux publics qui seront entrepris, on devrait promettre davantage aux immigrants pour qu’ils restent au Canada.
M. CURRIER fait remarquer que lorsque des hommes ont été engagés ici comme bûcherons, ils étaient tenus de respecter l’arrangement pris; il ne voit pas pourquoi on ne devrait pas adopter un système analogue pour les émigrants qui viennent de la mère patrie.
L’hon. M. HOLTON signale qu’il n’y a pas de doute que l’échec des efforts déployés par le passé est attribuable au relâchement et à l’inconstance dont a fait preuve le Gouvernement. Il approuve la démarche du ministre de l’Agriculture qui demande d’augmenter les crédits, pour vérifier s’il est possible d’attirer des immigrants dans le pays. Il n’est pas optimiste quant au résultat, mais il vaut mieux avoir l’audace de le faire. Il se contente de dire que s’il (l’hon. M. Pope) obtient cette importante somme, il devra rendre rigoureusement compte des résultats. M. CURRIER déclare que, au sujet de la Société qui a été formée à Ottawa et dont il assume la présidence, le nombre important d’émigrants déjà arrivés au Canada témoigne des efforts qu’elle a déployés. On continue d’envoyer de l’argent pour aider les immigrants et un arrangement a été pris pour que les sommes avancées soient remboursées par versements.
Le crédit est voté. Au sujet de la quarantaine à St. John, Nouveau-Brunswick, L’hon. M. MACKENZIE demande pourquoi les honoraires des médecins à St. John et à Halifax sont différents. L’hon. M. POPE n’en connaît pas la raison, mais il s’informera. L’hon. M. ANGLIN mentionne qu’à St. John, le médecin doit résider sur l’Île et qu’il a été impossible de trouver quelqu’un d’autre qui acceptait des honoraires moindres. L’hon. M. MACKENZIE ne voit pas pourquoi celui-ci doit habiter dans l’Île. Il n’en va pas ainsi pour le médecin de Halifax. L’hon. M. ANGLIN fait remarquer que les installations pour la quarantaine s’y trouvent et que c’est nécessaire. Quant à lui, toutefois, il considère excessive l’allocation pour le service de traversiers. Ce coût ne représente pas le tiers du montant et ne sert que de prétexte pour augmenter le salaire.
L’hon. M. POPE en réponse au député de Bothwell (M. Mills), fait remarquer que le Gouvernement a échangé des lettres avec le Secrétaire d’État pour les colonies au sujet des soixante ou quatrevingt mille émigrants Mennonites qui aimeraient venir habiter dans notre pays. Le Gouvernement leur a fait savoir que, pour répondre à leur demande, si ceux-ci envoyaient un ou deux des leurs pour voir le pays, il défrayerait le coût de leur séjour. Toute l’information leur a été transmise et, en réponse à une de leur question, on leur a dit qu’ils seraient exemptés de l’obligation militaire.
L’hon. M. GRAY soutient qu’il est nécessaire que le médecin habite dans l’Île. En ce qui a trait au service de traversiers, le montant n’est pas excessif. En effet, étant donné la rapidité du commerce, il est nécessaire d’y avoir plus d’employés qu’aux endroits ordinaires.
L’hon. M. ANGLIN lorsqu’il a fait l’autre jour la remarque au
L’hon. M. TILLEY fait remarquer qu’il est futile d’avoir une
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discussion sur le fait que le Nouveau-Brunswick reçoit plus que la Nouvelle-Écosse. C’est plutôt le contraire. (Rires.) Ce salaire n’est pas excessif et il ne croit pas que le montant pour le service de traversiers soit trop élevé. Il est nécessaire, selon lui, d’employer deux passeurs, lesquels doivent souvent parcourir entre trois et quatre milles pour arraisonner des navires. Le crédit est voté. Au sujet du crédit pour faire face aux dépenses que nécessiteront d’autres mesures concernant la salubrité publique. L’hon. M. POPE fait remarquer que ce montant a été inscrit au Budget en raison de la menace du choléra, mais que si l’on n’avait pas besoin de cet argent, pas une piastre ne sera dépensée. Adopté. Au sujet du crédit pour payer les octrois aux provinces afin de les aider à encourager l’émigration. M. YOUNG veut savoir quel est le montant qui doit être réparti entre les différentes provinces. L’hon. sir FRANCIS HINCKS signale que cette question a été décidée lors d’une conférence tenue à Ottawa et à laquelle étaient représentées les provinces de la Puissance; il y a été décidé de répartir les 70 000 $ de la façon suivante : 25 000 $ à l’Ontario, 20 000 $ au Québec, 10 000 $ chaque à la Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick et 5 000 $ au Manitoba. L’hon. M. ANGLIN accuse le Gouvernement du NouveauBrunswick d’utiliser l’argent voté pour encourager l’émigration à des fins politiques; en effet, qu’il a fait des approches à M. Gough, chef de l’Opposition, pour qu’il accepte l’agence de l’immigration en lui disant qu’il était la personne la plus compétente que l’on puisse obtenir; celui-ci ayant refusé, il a offert l’agence à son beaupère, M. Macpherson, un gentilhomme dans la gêne qui a été contraint d’accepter le poste et s’est rendu en Angleterre, mais qui, à la surprise d’un grand nombre, est revenu à temps pour occuper son siège à l’assemblée législative. Ses dépenses ont bien sûr été assumées par la province, mais personne ne peut dire si sa mission a porté fruit. L’hon. sir FRANCIS HINCKS fait remarquer qu’il est entendu que le Gouvernement du Nouveau-Brunswick doit recevoir 10 000 $ à la condition qu’il affecte le même montant au titre de l’émigration. L’hon. M. SMITH (Westmorland) croit qu’il est mesquin et méchant de la part du député de porter des accusations contre le Gouvernement local alors qu’aucun de ses membres ne se trouve à la Chambre pour se défendre. M. Macpherson, dont il a été question, n’est pas homme dont on puisse acheter le silence et n’est pas non plus réduit à la pauvreté comme on l’a affirmé. Il (l’hon. M. Smith) ne doute pas que celui-ci s’est rendu en Angleterre contre rémunération; mais il s’agit d’un homme public qui représente la population depuis nombre d’années et qui est revenu dans son pays et a voté à l’assemblée législative contre le
Gouvernement qui l’avait dépêché là-bas. On ne peut certainement pas dire que le silence de cet homme ait été acheté. L’hon. sir FRANCIS HINCKS est convaincu que la Conférence sur l’émigration a servi l’intérêt supérieur de chacune des provinces en ce qui a trait à l’immigration. M. BOLTON partage le point de vue du député de Westmorland (l’hon. M. Smith). Il se trouvait justement à l’assemblée législative lorsque l’agent de l’émigration est revenu; un député du gouvernement l’a alors défié de dire, s’il le pouvait, qu’il avait subi l’influence du Gouvernement. Il (M. Macpherson) a déclaré qu’il n’avait subi l’influence d’aucun député du Gouvernement et n’avait été approché par aucun d’eux. L’hon. M. ANGLIN attire l’attention de la Chambre sur un discours prononcé au cours de la dernière session et dans lequel celui-ci dénonçait la nomination d’un député de l’assemblée législative à un poste de commissaire du recensement, la nomination ayant été annulée avant les travaux de la Chambre locale. L’hon. M. CHAUVEAU corrobore la déclaration du ministre des Finances (l’hon. sir Francis Hincks) selon laquelle la Conférence sur l’émigration a été profitable aux provinces. Il a été convenu que le Gouvernement fédéral devrait mettre à la disposition de ces dernières une subvention qui leur permettrait de se lancer avec plus d’énergie dans cette affaire. Il croit que la petite dispute que viennent tout juste d’avoir les députés du NouveauBrunswick est excusable après le combat que se sont livrés ceux de l’Ontario hier soir; mais il avertit la Chambre que si les questions provinciales sont débattues de façon assi générales, le Québec réclamera un débat, lequel, promet-il, devra durer trois soirs et se dérouler entièrement en français. L’hon. M. WOOD invoque un argument d’un point de vue constitutionnel, soutenant que les assemblées législatives des provinces seront réduites à de simples conseils de comté si l’on maintient le cap actuel, et préconisant de laisser à chaque province le soin de s’occuper de l’émigration. M. YOUNG fait remarquer que le crédit augmente pour ainsi dire les subventions versées aux Provinces, ce qui risque de créer un précédent dont on pourrait abuser à l’avenir. Il espère qu’on ne demandera pas un tel crédit une autre année. M. MILLS partage le point de vue exprimé par le député de Brant-Sud (l’hon. M. Wood) en ce qui concerne la constitution et les droits des provinces. M. PICKARD regrette que la question ait été soulevée. En ce qui concerne M. Gough, il a réglé cette question par une lettre portant sa propre signature, à la satisfaction des dix-neuf vingtièmes de toute la population du Nouveau-Brunswick; il attend toujours une réponse. Il a cru alors et croit toujours qu’il ne se trouve, dans toute la Puissance, de personne plus compétente que M. Gough comme agent de l’émigration. Il connaît bien M. Macpherson et sait
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qu’il est au-dessus de tout soupçon. Le crédit est voté. Au sujet du crédit pour aider à l’émigration et faire face à ses dépenses. L’hon. M. ANGLIN demande des explications. L’hon. M. POPE fait remarquer que l’on dépense des sommes considérables dans le pays pour les tarifs de chemin de fer et les aliments et que les frais associés à la publicité, à l’impression et à la diffusion de l’information sont donc élevés; il a prévu 30 000 $ pour cette rubrique. Les compagnies de transport de voyageurs en Grande-Bretagne ont l’habitude de toucher des commissions des compagnies de chemin de fer du Grand-Tronc et American pour inciter les émigrants à se rendre le plus loin possible sur leurs voies et il espère contrebalancer cela, dans une certaine mesure du moins. Il a prévu à cette fin 10 000 $. Le reste de la somme servira à aider les émigrants à payer leur passage ainsi qu’à couvrir d’autres dépenses. Il se sent responsable et ne dépensera pas l’argent si ce n’est pas nécessaire. De fortes pressions ont été exercées cette année, depuis la mère patrie, contre l’émigration; on nous a quand même laissé entendre qu’on pourrait faire quelque chose s’il y avait une aide financière. L’hon. M. MACKENZIE déclare que s’il existe un crédit que la Chambre approuvera avec entrain, c’est bien celui-là. C’est une question très complexe, et il ne veut pas trop insister pour obtenir les détails sur la façon dont l’argent sera dépensé. Il espère que, grâce aux crédits proposés par les Gouvernements provinciaux et celui de la Puissance, l’émigration sera forte. Il approuve sincèrement le crédit. M. CARTWRIGHT demande à M. Pope s’il a prêté une attention particulière à l’émigration depuis la Norvège et l’Allemagne. On pourrait attirer de ces deux pays des émigrants de premier ordre pour le Nord-Ouest. L’hon. M. POPE signale que des agents sont sur place et que l’on recevra un grand nombre d’émigrants de ces pays. Ils auront droit à des tarifs de transport réduits, comme ceux qui viennent d’Irlande, ainsi qu’à des terres gratuites dans le Nord-Ouest. M. BOLTON juge inefficace le bureau de l’émigration de Londres et demande si les Gouvernements locaux et celui de la Puissance transmettent l’information à ce bureau. Alors qu’il se trouvait à Londres récemment il a constaté que ce bureau manquait d’information sur le Canada. On lui a également dit que le sousministre de l’Agriculture est opposé à l’émigration et que s’il en est autrement, il faut dissiper cette impression. Il est d’avis qu’il faut diffuser l’information pertinente. L’hon. POPE répond que le bureau a reçu des milliers de brochures dont une traite plus particulièrement du Manitoba. Il en recevra sous peu une autre pour le Nord-Ouest. L’agent de Londres
a reçu instruction d’assurer à ces brochures la plus grande diffusion possible. M. OLIVER demande si le ministre de l’Agriculture a l’intention de prêter main-forte à Mlle Rye et Mlle Macpherson. L’hon. POPE répond que le Gouvernement local s’en occupe. Le crédit est voté. Au sujet des crédits se rapportant au Chemin de fer Intercontinental. L’hon. M. LANGEVIN signale qu’il est prévu de construire un embranchement jusqu’à Pointe-au-Père, où il faudra construire des jetées pour que les vapeurs en provenance d’Europe puissent débarquer les voyageurs et leurs bagages, ainsi que les émigrants et le courrier, de manière à en assurer la distribution vers l’est et vers l’ouest. Les ingénieurs ont étudié différents emplacements dans le Bas-Saint-Laurent et sont d’avis que Pointe-au-Père est de loin celui qui convient le mieux à cette fin. L’eau y étant plus profonde, les travaux de construction de jetées et de bassins y seront plus faciles. M. JOLY espère que le Gouvernement s’assurera qu’il s’agit bien du meilleur emplacement. Des sommes d’argent considérables, plus d’un million de piastres, ont déjà été dépensées à différents endroits dans le Bas-Saint-Laurent, alors que les recettes sont comparativement assez minimes. Les quais sont construits le mieux possible, mais ils pourront à peine être utilisés à marée basse; il reconnaît la nécessité de la chose et espère que les efforts se limiteront à trouver le meilleur emplacement à cette fin. L’hon. M. LANGEVIN signale que l’ouvrage est prévu pour la navigation estivale et non pour l’hiver. Le Gouvernement étudie sérieusement la question et reconnaît la nécessité de choisir l’emplacement le plus propice pour un port qui, dans la mesure du possible, pourrait être ouvert toute l’année. Il lui manque des données pour prendre une décision. M. THOMPSON (Haldimand) fait allusion au crédit relatif aux locomotives et demande si ces dernières sont neuves ou d’occasion. L’hon. M. LANGEVIN répond qu’il s’agit de nouvelles locomotives. L’hon. M. ANGLIN demande si les rails sont fournis dans les délais requis. L’hon. M. LANGEVIN répond que oui et fait remarquer que la réputation des contracteurs est telle qu’ils ne manqueront pas à leur engagement. Le Comité suspend ses travaux et rapporte les résolutions qui ont été adoptées. Comme il est six heures, la séance est suspendue.
DÉBATS DES COMMUNES 432 4 juin 1872
SÉANCE DU SOIR AMÉLIORATION DES CANAUX L’hon. M. LANGEVIN se lève pour proposer que la Chambre se forme en Comité pour étudier certaines résolutions concernant l’agrandissement des canaux de la Puissance. 1. Résolu, Que dans les résolutions adoptées par le huitième parlement provincial du Canada, sur lesquelles fut fondée une Adresse à Sa Majesté, demandant l’union des Provinces de l’Amérique Britannique du Nord, il était affirmé que les améliorations requises pour le développement du commerce du grand Ouest avec les bords de la mer étaient de la plus haute importance et qu’il était déclaré que ces améliorations devraient être commencées aussitôt que l’état des finances le permettrait. 2. Résolu, Que le temps est arrivé où l’état des finances et la condition matérielle de la Puissance demandent et permettent l’amélioration de notre système de canalisation, de manière à suffire au commerce croissant du pays, et à donner de plus grandes facilités au transport du trafic et du commerce de la Puissance. 3. Résolu, Que cette Chambre est d’opinion que le Gouvernement du Canada devrait procéder de suite à l’amélioration et à l’agrandissement des canaux du Canada, d’après les dimensions et dans la mesure recommandées dans le rapport de la Commission des canaux, mis devant cette Chambre durant la dernière session. 4. Résolu, Que prenant en considération la valeur et le volume du commerce entre les Provinces de l’Intérieur et les Provinces Maritimes de la Puissance, cette Chambre est en outre d’opinion que la construction d’un canal par lequel des navires de mer puissent passer du golfe du St. Laurent à la Baie de Fundy, sans rompre charge ou faire un voyage long et souvent périlleux, autour des côtes de la Nouvelle-Écosse, est d’une importance nationale, et que ce canal devrait être commencé sans délai. Il fait remarquer que, lors de la Confédération, les quatre provinces sont convenues que, lorsque les finances le permettraient, le Gouvernement proposerait l’agrandissement des canaux. Le Gouvernement estime que le moment est venu et que l’on pourrait demander au Parlement d’entreprendre ces travaux. La situation du pays exige qu’il en soit ainsi. En effet, de 2 320 000 qu’elle était en 1851, la population se chiffre maintenant à 3 500 000 âmes. Le commerce du pays connaît un essor analogue. D’une part, les exportations qui, durant la première année de la Confédération, en 1867-1868, se chiffraient à 55 500 000 $, ont atteint l’année suivante 60 000 000 $ et, en 1869, 73 000 000 $; elles se chiffrent maintenant à 74 173 000 $. D’autre part, les importations qui représentaient 73 500 000 $ la première année de la Confédération, sont passées en 1871 à 96 000 000 $. Il en est de même pour le revenu du pays, qui était de 13 687 000 $ la première année de la Confédération et de 18 2000 000 $ la deuxième et de 15 500 000 $ la troisième année, est passé à 19 300 000 $ en 1870-1871. Cette importante augmentation, tant des importations et des exportations
que du revenu du pays, témoigne des progrès accomplis depuis le début de l’union il y a cinq ans. En outre, le territoire compris dans les limites de la Confédération de 1867 a été étendu pour comprendre non seulement la Province de Manitoba et le Nord-Ouest, mais aussi une région qui atteint les rives du Pacifique. Ce vaste territoire, il en est convaincu, saura, étant donné les richesses qu’il contient et les immenses ressources d’une bonne partie de son sol, attirer beaucoup d’émigrants, ce qui contribuera largement au revenu de la Puissance. La population qui s’y établira fera naître inévitablement un important commerce dont une bonne partie doit converger vers l’est, ce qui justifie aussi l’agrandissement des canaux. Si nous considérons un autre point de vue et tenons compte des ressources manufacturières du pays, nous constaterons que la prospérité règne partout; que toutes les Provinces exploitent rapidement leurs ressources et que de nouvelles lignes de chemin de fer s’étendent dans toutes les directions et donnent accès à de nouveaux territoires. Mais il y a, au-delà de nos frontières, ce que l’on appelle le « Far West » dont le commerce doit, dans une large mesure, trouver ses débouchés en passant par la Puissance jusqu’à l’océan Atlantique. Les commissaires des canaux ont déclaré l’an dernier à ce sujet dans leur rapport : « En 1841, il y a trente ans à peine, la valeur brute du commerce des lacs était estimée à 65 000 000 $. Dix ans plus tard, elle a plus que quadruplé, puisqu’en 1851, on l’évaluait à 300 000 000 $, pour un tonnage de 74 000 tonnes en ce qui a trait aux vapeurs et de 138 000 tonnes dans le cas des voiliers; à l’heure actuelle, la valeur globale de ce même commerce ne peut être inférieure à 700 000 000 $. En 1851, le tonnage des lacs, comme il a déjà été dit, ne dépassait pas 212 000 tonnes tandis qu’en 1861, il est passé à 450 000 tonnes, dont plus de 80 000 tonnes sont attribuables à des navires canadiens. En 1864, le tonnage était d’environ 547 267 tonnes évalué à 17 537 440 $ en devises américaines. » Le député lit ce paragraphe pour faire ressortir l’importance du commerce sur les lacs, même si nous ne nous limitons qu’aux États de l’Ohio, du Michigan, de l’Indiana, de l’Illinois, de l’Iowa, du Wisconsin et du Minnesota. La production de blé dans ces États s’est accrue entre les années 1850 et 1869 pour passer de 43 millions à 150 millions de boisseaux. Ces chiffres témoignent de l’importance du produit qu’il faut acheminer jusqu’au littoral. Quel commerce immense nous attend, si seulement nous faisons notre part pour en assurer l’acheminement à travers ce pays. Il est primordial de nous protéger ce commerce si nous voulons maintenir notre position, conserver notre importance en tant qu’État de notre continent et en profiter au même titre que les États-Unis qui en retirent des avantages depuis un certain nombre d’années. Il est vrai que le Saint-Laurent est un magnifique fleuve mais il est toutefois impossible de l’utiliser pour transporter les marchandises de l’ouest tant que des améliorations ne seront pas apportées aux canaux. Nous savons fort bien que ces canaux trop petits ne peuvent accueillir de gros bâtiments. Nous savons aussi que le canal Érié, le Mississippi et les lignes de chemin de fer des États-Unis
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représentent pour nous de puissants rivaux pour l’acheminement du trafic et, à moins que nous ne fassions ce que nous dicte la nature, le commerce qui doit passer par notre pays continuera de se faire par des voies qui ne sont pas des voies naturelles commerciales. Ce que font les Américains au sujet du canal Érié montre à quel point ils souhaitent conserver le commerce de l’Ouest. Il y a deux ans à peine, ils ont réduit de moitié les droits de péage, et tout récemment, l’assemblée législative de l’État de New York a offert une prime de 10 000 $ pour le meilleur mode de transport qui puisse être proposé pour la navigation à vapeur sur ce canal, afin de faciliter le transbordement des marchandises. Les dimensions des écluses sur le canal Érié sont de 110 pieds sur 18 pieds, pour 7 pieds de profondeur d’eau. Si l’on compare ces dimensions à celles des écluses que l’on se propose de construire sur nos canaux, en l’occurrence 270 pieds sur 45 pieds, avec une profondeur supplémentaire de 12 pieds au seuil, il semble que les améliorations apportées révolutionneront le commerce et feront du Saint-Laurent ce que à quoi il est destiné, selon le père de l’un de ses honorables collègues : la grande voie de communication du continent nordaméricain. Il voudrait, s’ils le lui permettent, leur communiquer certains faits qui illustrent l’importance et la croissance du commerce sur les lacs. Il a demandé aux autorités les plus compétentes qui soient de compiler des statistiques à ce sujet, pour qu’il puisse présenter à la Chambre des chiffres fiables. Les cinq ports de Chicago, Milwaukee, Toledo, Detroit et Cleveland, situés sur les Grands lacs, ont reçu, en 1871, 141 000 000 de boisseaux de farine en grain; Buffalo en a reçu 67 000 000, qui sont arrivés par bateau et non par train, tandis que Port Colborne en a reçu 225 000 000. Ces chiffres montrent l’importance du commerce. Jetons maintenant un coup d’œil sur la croissance du commerce enregistrée à Buffalo, Oswego et Montréal. Buffalo a reçu 47 000 000 de boisseaux en 1860; 51 000 000 en 1865; 45 000 000 en 1869 et 63 000 000 en 1871. Oswego en a reçu 70 000 000 en 1860; 12 000 000 en 1865; 30 000 000 en 1869 et 14 250 000 en 1871. Montréal en a reçu 5 750 000 en 1860; 8 000 000 en 1865; 12 300 000 en 1869 et 16 000 000 en 1871. Ces chiffres montrent que le commerce à Montréal ne cesse de croître, la hausse étant plus forte qu’à Buffalo. Le port d’Oswego n’entre pas en ligne de compte dans cette comparaison en raison de la forte baisse du commerce enregistrée à cet endroit. Ces chiffres montrent également que de plus en plus de navires empruntent chaque année le Saint-Laurent, et que si l’on voulait développer le commerce de l’Ouest, il suffirait de donner aux grands navires de lac les moyens de transborder leur grain sur des bateaux à Montréal pour ainsi détourner une grande partie du commerce sur cette route. Les cargaisons de grain qu’on reçues les cinq ports mentionnés plus haut au cours des quatre dernières années sont les suivantes : — 109 000 000 boisseaux en 1868; 118 000 000 en 1869; 111 000 000 en 1870, et 141 000 000 en 1871, ce qui représente une hausse d’environ 40 pour cent en trois
ans. Après avoir ainsi illustré l’importance que revêt le commerce, il fait état des profits réalisés par les transporteurs. La valeur totale des arrivages sur les canaux de New York s’élève pour les trente cinq dernières années à 227 000 000 $; les profits des transporteurs pour la même période s’élèvent à 122 000 000 $, l’État ayant réalisé un bénéfice de 105 000 000 $. La valeur totale des droits de péage et des marchandises sur les canaux de l’État en 1871 s’élevait à 10 750 000 $, dont pas moins de 7 600 000 $ sont allés dans les poches des transporteurs. Ces chiffres se passent de commentaires. Mais l’effet est encore plus percutant lorsqu’on compare les recettes aux coûts de construction des canaux. Les coûts de construction préliminaires du canal Érié, ainsi que toutes les dépenses y engagées par la suite, ont non seulement été amortis, mais on a également réussi, grâce aux recettes, à payer la presque totalité des coûts de construction des autres canaux de l’État, outre ceux que New York possède déjà et qui s’étendent sur 900 milles, lesquels coûts s’élèvent à plus de 100 000 000 $. Le canal Érié possède un avantage sur notre système de canalisation parce que les grands navires de lac peuvent transporter plus de marchandises au terminus de l’Ouest, où des installations de transbordement rapides permettent de rattraper le temps perdu dû à la longueur du canal. Les frais d’entretien de ces grands bateaux qui, on le sait, peuvent transporter quatre fois plus de marchandises que les bateaux plus petits qui empruntent nos canaux, sont peu élevés par rapport à leur taille. Leurs coûts d’exploitation ne sont pas plus élevés que ceux des bateaux plus petits. Comme les coûts peu élevés sont répartis entre des bateaux plus petits, le commerce rapporte obligatoirement plus. Ce facteur à lui seul incite les navires à emprunter la route américaine au lieu de passer par le canal Welland et le Saint-Laurent. Si nous agrandissons nos canaux, le résultat sera fort différent. Il voudrait maintenant lire de courts extraits tirés de documents pour montrer ce que pensent les Américains du projet d’agrandissement de nos canaux. Ils se rendent compte de l’importance du projet et de l’impact qu’il aura sur leur commerce. Comme s’en souvient la Chambre, on a dit à maintes reprises que le canal maritime autour de Niagara Falls ferait concurrence au canal Welland. Or, cela ne s’est jamais produit et si l’on se fie aux documents publiés aux États-Unis, ce grand projet a été un échec parce qu’on croyait que sa construction détournerait le commerce des canaux américains vers la voie du Saint-Laurent, via Montréal. Il fait la lecture d’extraits du « Memorial as to the proposed Niagara Ship Canal, the course of commerce on the lake, &c. », où l’on fait état des pertes que la construction du canal maritime de Niagara ou l’agrandissement des canaux canadiens feraient subir aux canaux de New York. Il donne ensuite quelques chiffres concernant le commerce sur le canal Welland. En 1870, le tonnage des vapeurs qui empruntaient le canal s’élevait à 264 000 tonneaux et, en 1871, à 396 000 tonneaux.
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Le tonnage des bateaux à voile s’élevait, en 1870, à 408 000 tonneaux et, en 1871, à 355 000 tonneaux. On a tendance à remplacer les bateaux à voile par des vapeurs. Si l’on additionne la valeur totale du tonnage, on constate qu’il était en 1871 de 80 000 tonneaux supérieur à ce qu’il était en 1870. La valeur totale du tonnage des navires et des marchandises pour l’année 1849 s’élevait à 820 000 tonneaux. En 1863, soit vingt ans plus tard, ce total était de 2 500 000 tonneaux; le commerce, lui, avait au cours de cette même période augmenté de vingt pour cent. Si l’on prend uniquement le commerce en provenance de l’Ouest, on constate que, en 1870, le tonnage s’élevait à 876 000 tonneaux et, en 1871, à 962 000 tonneaux, ce qui représente une hausse de 100 000 tonneaux. Il souhaite profiter de cette occasion pour corriger les fausses idées que l’on a au sujet du tonnage des navires américains par rapport à celui des navires canadiens qui empruntent le canal Welland. On a dit que le tonnage moyen des navires canadiens était de 424 tonnes, et celui des navires américains, de 392 tonnes. Il ne fait allusion ici qu’aux vapeurs. Au cours des quatre dernières années, le nombre de navires qui ont emprunté le canal Welland a été le suivant : — 1868, 6,157; 1869, 6 159; 1870,6 740; 1871, 7 729. Au cours de ces années, le tonnage était le suivant : en 1868, 1 148 000 tonneaux; 1869, 1 267 000; 1870, 1 367 000; 1871, 1 554 000. Il semblerait que le commerce croît rapidement; toutefois, le canal est trop étroit, pas assez profond et trop petit à tous les points de vue. Il faut donc l’agrandir. La motion qu’il propose et qu’il a remise aux députés s’applique au canal Welland, au canal du Saint-Laurent et au canal de la Baie Verte. On veut donner au canal Welland les dimensions recommandées dans le rapport de la commission des canaux; ainsi, les écluses auraient 270 pieds de longueur et 45 pieds de largeur, avec douze pieds d’eau au seuil. En ce qui concerne le canal du Saint-Laurent, le gouvernement compte lui donner les mêmes dimensions, quoique que cela pourrait s’avérer difficile. Il ne peut dire de façon positive s’il sera possible de construire des écluses avec douze pieds d’eau au seuil, puisque ces travaux entraîneraient des dépenses plus élevées que celles prévues par la Chambre. La question est à l’étude. Quoi qu’il en soit, on pourrait construire des écluses avec dix pieds et demi au seuil. Il espère que l’analyse permettra de démontrer que les canaux du Saint-Laurent pourraient être construits selon les mêmes dimensions que celles du canal Welland. Les dimensions du canal de la Baie Verte ne pourraient être les mêmes. On propose dans ce cas-ci de construire des écluses de 270 pieds sur 40, avec quinze pieds d’eau au seuil. Les questions relatives aux différents canaux seront réglées séparément, au moment de voter les crédits. Il se dit convaincu que la Chambre sera satisfaite des explications qu’il fournira à ce moment-là, et que les travaux seront exécutés rapidement, sans compromettre l’état des finances du pays. Il propose que la Chambre se forme en comité pour étudier les résolutions, avec le consentement de son Excellence. (Applaudissements.)
L’hon. M. MACKENZIE demande si l’on prévoit allouer des crédits pour développer le commerce effectué au moyen de barges remorquées depuis les lacs de l’Ouest jusqu’à Montréal. L’hon. M. LANGEVIN répète que le canal Welland sera agrandi selon les dimensions recommandées dans le rapport de la commission des canaux, et que le gouvernement a l’intention de faire la même chose avec les canaux du Saint-Laurent. Il ne peut dire, pour le moment, si les écluses des canaux du Saint-Laurent auront une profondeur de douze pieds au seuil, parce qu’il n’est pas certain de pouvoir creuser à une telle profondeur sans obtenir au préalable des crédits supplémentaires de la Chambre. Il promet toutefois que les écluses auront dix pieds et demi d’eau au seuil. L’hon. M. MACKENZIE affirme qu’il est presque impossible de développer de manière rentable le commerce de grands navires sur le Saint-Laurent. C’est bien beau de vouloir avoir des navires en provenance d’Europe qui se rendront jusqu’au point le plus éloigné des lacs. Même s’il est possible de le faire, il ne croit pas que cela serait rentable. À son avis, il faudrait ouvrir le canal Welland aux grandes barges, qui assureront le transport de l’ensemble des marchandises dans les années à venir, et de prévoir des points de transbordement à Kingston et à Montréal. Cette solution serait plus économique et faciliterait le transbordement du grain. Selon lui, il sera très difficile d’avoir des écluses avec douze pieds d’eau au seuil dans le SaintLaurent. Il sera presque impossible de creuser à une telle profondeur dans les ports de lac sans que le gouvernement n’accepte au préalable de débloquer des crédits supplémentaires pour ces travaux. En ce qui concerne les écluses, la largeur proposée, soit quarante cinq pieds, n’est pas suffisante. Il faudrait la porter à cinquante cinq pieds. Il cite en exemple le canal américain à Sault Ste. Marie, dont les écluses ont soixante-dix pieds de largeur; il est fort avantageux d’avoir des écluses de telles dimensions. Ne serait-il donc pas préférable de construire des écluses de cette dimension de sorte que plus d’un navire à la fois pourrait emprunter le canal? Si cela était possible, on pourrait transporter plus de marchandises à meilleur coût. Il affirme ne pas avoir examiné les aspects techniques de la question, mais que celle-ci mérite un examen approfondi. Il s’agirait d’un projet rentable, et pas uniquement du point de vue des droits de péages. Ce projet inciterait les marchands à investir dans les grands navires qui assurent le transport en vrac de marchandises entre Chicago et Montréal, et favoriserait la croissance du trafic maritime sur le Saint-Laurent, puisqu’on pourrait non seulement transporter une grande part des marchandises de l’Ouest jusqu’à l’Atlantique, mais également acheminer jusqu’à Chicago et d’autres villes de l’Ouest une grande partie des marchandises provenant d’Europe. Afin d’assurer la réalisation de ces objectifs et d’éviter les erreurs commises dans le passé à l’époque où le Canada ne s’attendait pas à ce que le commerce de l’Ouest prenne une telle ampleur, il serait dommage
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en effet de ne pas agrandir les canaux de manière à ce qu’ils suffisent au commerce pendant des années à venir. En ce qui concerne le Saint-Laurent, on lui a dit qu’à certains endroits, les rapides n’ont que cinq ou six pieds de profondeur. Le niveau d’eau, il est vrai, est exceptionnellement bas. Si les renseignements à ce sujet et concernant l’entrée du canal Beauharnois sont exacts, il faudra effectuer d’important travaux de dynamitage même pour creuser à une profondeur de 11.5 pieds. À son avis, il n’est ni souhaitable ni possible d’obtenir la même profondeur et la même capacité d’accueil pour les grands navires dans les canaux du Saint-Laurent que dans les lacs de l’Ouest. La question sera examinée de près. On pourra, avec l’aide des ingénieurs du ministère et d’autres scientifiques, trouver des solutions de manière à éviter tout regret dans les années à venir. Il est disposé à participer à la réalisation de ces grands projets nationaux, convaincu que la prospérité du pays en dépend grandement; toutefois, il ne faut pas oublier que ces travaux visent à répondre aux besoins des Américains en matière de commerce et à leur donner les moyens d’avoir accès à la mer, ce qui est pour eux impossible en raison de la configuration de leur territoire. Ils pourraient, bien entendu, construire un canal au-tour des chutes Niagara; mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter à ce sujet, tant et aussi longtemps que l’État de New York continue de s’intéresser au canal reliant Buffalo à Albany. M. SHANLY estime qu’il est très important de donner au canal Welland des dimensions suffisamment larges pour pouvoir accueillir des grands navires, et de supprimer le seul obstacle qui existe entre les deux lacs. Il s’oppose toutefois à l’agrandissement du canal Saint-Laurent. Le transbordement pourrait toujours se faire à un endroit ou un autre à la sortie du lac Ontario, vu qu’il serait plus économique d’utiliser des barges que vapeurs pour assurer le transport des marchandises. À son avis, les canaux du Saint-Laurent pourraient continuer d’accueillir, comme par le passé, des barges. Selon lui, les personnes qui veulent qu’on donne aux canaux une profondeur de douze pieds ne se rendent pas compte des coûts d’un tel projet. Non seulement faudrait-il élargir les canaux, mais il faudrait les approfondir à bien des endroits, ce qui entraînerait des dépenses beaucoup plus élevées que ce que pensent la majorité des gens. Voilà pourquoi il estime qu’il faudrait d’abord agrandir le canal Welland, et attendre de voir dans quelle mesure le commerce augmenterait sur les canaux du Saint-Laurent avant d’entreprendre l’agrandissement de ceux-ci. En ce qui concerne les dimensions des écluses recommandées dans le rapport de la commission des canaux, il est d’accord, dans une certaine mesure, avec les propos du député de Lambton (l’hon. M. Mackenzie); toutefois, à son avis, une largeur de cinquante pieds devrait suffire. Il n’est pas d’accord avec l’idée de laisser traverser deux navires à la fois; il espère plutôt qu’on construira des écluses doubles pour accueillir les navires qui remontent et descendent sur le même plan, comme cela se fait sur le canal Érié, à New York.
Il est d’accord avec les grandes lignes du rapport. Il croit même qu’il faudrait approfondir le canal Welland de treize pieds, et l’aménager de manière qu’il puisse accueillir les plus gros navires qui quittent le port de Chicago. À son avis, le fait que le niveau d’eau dans le Saint-Laurent soit peu élevé est assez exceptionnel. On peut habituellement s’attendre à ce que les canaux aient une profondeur de neuf pieds. M. JONES (Leeds-Nord et Grenville-Nord) dit que cette question a pendant longtemps capté l’intérêt du public, et qu’on a essayé à diverses reprises de trouver des solutions satisfaisantes. On a tenté de conclure avec les États-Unis un accord de réciprocité sur l’agrandissement des canaux, mais en vain. L’agrandissement des canaux présente certains avantages pour les hommes d’affaires, mais non pour les agriculteurs. Ce sont les États de l’Ouest qui en tireraient surtout parti. Pendant que nous sommes exclus du marché américain, les États de l’Ouest pourraient livrer concurrence à nos agriculteurs sur le marché européen, le seul qui leur est ouvert. Nous devrions donc bien réfléchir avant d’engager de si grandes dépenses pour élargir les canaux, dans l’intérêt surtout des habitants des États-Unis. Notre système de canalisation suffit amplement aux besoins de notre population. M. WORKMAN dit qu’il aurait aimé qu’on propose cette initiative plus tôt. Toutefois, il est heureux de voir que le gouvernement fait preuve d’ouverture d’esprit. Il est d’accord, dans une large mesure, avec les commentaires du député de GrenvilleSud (M. Shanly). Selon lui, le gouvernement devrait d’abord s’occuper de l’agrandissement du canal Welland. Les canaux du Saint-Laurent suffisent pour le moment. Le transport de marchandises s’effectue au moyen de barges ayant un tirant d’eau d’environ huit pieds, et un petit bateau à vapeur peut tirer de quatre à six barges à la fois. Le fait de transborder le grain sur ces embarcations à Kingston et ailleurs a pour effet d’en améliorer la qualité. Les voies qu’empruntent nos bateaux présentent un grand avantage par rapport aux cours d’eau, car la longueur du trajet et la chaleur de l’eau altèrent la qualité du grain. Le transbordement du grain et son transport sur nos eaux plus fraîches permet à celui-ci de conserver sa qualité. L’agrandissement du canal Welland devrait permettre de protéger l’ensemble du commerce du Nord-ouest. Pour ce qui est du canal de la Baie Verte, il a appris que sa construction entraînerait des dépenses de dix ou douze millions de dollars et que, du point de vue technique, ce projet est difficilement réalisable. Toutefois, vu qu’il s’agit d’un projet important, il n’a pas l’intention de s’y opposer s’il peut être exécuté pour une somme raisonnable. Toutefois, s’il s’avère que ce projet n’est qu’un gaspillage de fonds, on ne pourrait en justifier la dépense. Le gouvernement doit donc se montrer prudent et bien étudier la question avant d’entreprendre quoi que ce soit. M. GRANT souligne l’importance de cette question; il affirme que la situation enviable de la Grande-Bretagne s’explique, en partie, par les contacts que ses ports lui ont permis d’établir avec les autres pays. Il parle de l’essor qu’ont connu les villes de New York,
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Québec, Montréal et Ottawa, parce qu’elles sont situées le long de cours d’eau. Les ministres ont à cœur la croissance du pays et veulent, en accordant une telle importance à la construction de canaux, assurer la prospérité économique du pays. Il fait allusion au Traité de Washington et se dit convaincu que toutes les entraves et restrictions commerciales seront levées. Il parle de l’augmentation de la population dans les provinces et espère que la Nouvelle-Écosse sera en mesure d’expédier son charbon et son poisson et d’obtenir en retour des tissus et du grain. Le système de canalisation de la Puissance n’existe que depuis une cinquantaine d’années et les réalisations accomplies jusqu’ici sont honorables. Il ne croit pas, comme on l’a si éloquemment dit, que les navires viendraient d’Europe et qu’ils se rendraient jusqu’aux lacs, vu que l’on a maintenant des barges. Il se dit déçu de voir que la commission des canaux a accordé si peu d’importance à la rivière des Outaouais; à son avis, cette voie deviendra une importance source de revenus du point de vue commercial, et permettra de répondre aux besoins sans cesse croissants du pays. En ce qui concerne le canal de la Baie Verte, sa construction contribuera grandement à resserrer les liens commerciaux entre les provinces. Il faudrait essayer par tous les moyens de développer les ressources de celles-ci. L’agrandissement du canal Welland profitera sans aucun doute aux Américains; il est convaincu que c’est ainsi qu’ils le verront et qu’il y aura bientôt une entente de réciprocité entre les deux pays. Le Traité de Washington, à son avis, constituait une percée; ses négociateurs parviendront également à conclure une entente de réciprocité. M. STREET dit que le ministre des Travaux publics (l’hon. M. Langevin) n’a pas soumis de proposition précise, mais a seulement demandé à la Chambre si elle jugeait souhaitable d’agrandir les canaux. Le gouvernement a déjà recueilli diverses opinions sur la meilleure façon d’assurer le transport des marchandises, et il est convaincu que celui-ci attendra d’avoir tous les renseignements nécessaires en main avant d’entreprendre ce projet. On s’accorde pour dire que les lacs Érié et Ontario devraient être reliés et que, pour ce faire, il faudrait agrandir le canal Welland. On a dit que l’agrandissement des canaux canadiens profiterait aux Américains et leur permettrait de livrer concurrence sur le marché anglais. Toutefois, l’objectif de ce projet devrait être de rendre les canaux utiles et rentables. Les Américains pourraient expédier leurs marchandises à Liverpool sans passer par notre système de canalisation. Tant et aussi longtemps que Liverpool demeurera le marché le plus important qui soit, ils pourront y envoyer leurs marchandises en passant par le Canada ou non.
accueillir les navires qui se rendent présentement à Buffalo, un grand pourcentage du commerce effectué à cet endroit passera par le canal Welland pour se rendre à Montréal. Il cite en exemple le navire qu’il a lui-même construit et qui ne peut transporter que 3 500 barils de farine. Si l’on approfondit les canaux de deux pieds, le même navire pourra transporter 7 000 barils. Le gouvernement a pris une sage décision pour ce qui est de la dimension des écluses. Il espère que le gouvernement ira de l’avant avec le projet. M. MASSON (Soulanges) affirme avoir été un des premiers à se prononcer en faveur de l’agrandissement des canaux. Il est heureux de la façon dont le gouvernement a piloté le dossier. Il parle du rapport de la commission des canaux où il est question du canal Beauharnois, et déclare qu’il serait plus économique de construire un nouveau canal sur la côte nord que d’agrandir le canal lui-même, compte tenu des difficultés techniques que cela peut présenter. M. ROSS (Dundas) déclare que, comme on s’entend pour dire qu’il faudrait agrandir le canal Welland pour favoriser le commerce de l’Ouest, il faudrait prévoir des installations pour développer ce commerce avec les bords de la mer. On lui a dit que nos écluses sont suffisamment larges, mais pas assez longues. Il faut construire des écluses capables d’accueillir un navire transportant 40 000 boisseaux de grain. À son avis, une profondeur de dix pieds et une longueur de 270 pieds devrait suffire. M. RYAN (Montréal-Ouest) désire corriger les propos du député de Lincoln (M. Merritt), qui a déclaré ne pas savoir pourquoi le député de Montréal s’opposait à l’agrandissement des canaux. Il n’y est pas opposé. Le commerce de l’Ouest prend de l’expansion et connaîtra une croissance illimitée si les mesures nécessaires sont prises pour en assurer le développement. Le gouvernement peut être fier de son projet, qui recevra assurément l’approbation des habitants de la côte Est et de la côte Ouest. Si le projet est mené à bien, on pourra transporter cinquante millions de boisseaux en dix ans. En ce qui concerne le canal de la Baie Verte, si le gouvernement le juge réalisable, il est convaincu que le pays appuiera un projet d’une telle importance pour la Puissance.
La question de la dimension des écluses demeure de la plus haute importance. Il espère que le gouvernement accordera à ce dossier toute l’attention qu’il mérite. Il est heureux de voir que ce dernier a jugé important de demander à la Chambre s’il était souhaitable ou non d’agrandir les canaux. Il laisse au gouvernement le soin d’obtenir les conseils techniques voulus de sources compétentes.
M. McCALLUM trouve que des écluses de 45 pieds de largeur devraient suffire. Si le gouvernement jugeait nécessaire d’en avoir de plus larges, cela ne ferait pas tellement augmenter les coûts. Toutefois, il ne serait pas avantageux de laisser passer trois ou quatre navires à la fois. Une profondeur de dix pieds permettrait d’accueillir tout bateau navigant sur les eaux intérieures du pays. Il recommande qu’on construise des élévateurs additionnels à Kingston. L’aménagement de telles installations et le faible niveau d’eau enregistré l’année dernière a eu pour effet de réduire le commerce sur le canal Welland. Cela lui fait plaisir de voir que le député de Lincoln (M. Merritt) croit, comme lui, que les vapeurs sont en train de remplacer les bateaux à voile sur les lacs. Il (M. McCallum) est convaincu que, dans quelques années, le commerce sera assuré au moyen de vapeurs tirant des barges.
M. MERRITT félicite le ministère d’avoir annoncé sa politique sur les canaux. Si le canal Welland est agrandi de manière à
En ce qui concerne le canal Welland, il ne serait pas difficile d’obtenir une profondeur de douze pieds. Il rejette les conclusions
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du rapport qu’a préparé l’officier détaché par le Comité des travaux, affirmant que le coût des travaux de dynamitage au havre du port Colborne seraient beaucoup plus élevés et que le temps requis pour effectuer les travaux serait beaucoup plus long que prévu. Il ajoute qu’on pourrait économiser temps et argent si, au lieu d’agrandir le canal à port Colborne, on utilisait l’accès au port Welland comme chenal principal. Il espère que le gouvernement se penchera sur cette question et que d’autres études seront réalisées avant qu’une décision finale ne soit prise. Le même ingénieur qui a préparé le rapport qu’il a en main a recommandé la construction d’un brise-lames de 2 000 pieds du côté est du havre du port Colborne. Les vents, toutefois, soufflent de l’ouest durant la saison de navigation; le brise-lames construit à cet endroit se transformerait plutôt en fossé d’irrigation, ce qui détruirait le port. Si le gouvernement engageait de grandes dépenses pour améliorer le havre du port Colborne, même un million de dollars, cela n’équivaudrait, dans une large mesure, qu’à un gaspillage de fonds. Il espère que le gouvernement étudiera la question plus à fond avant d’agir, car une dépense d’une telle ampleur ne servirait qu’à démontrer qu’une grave erreur a été commise. Il sert donc une mise en garde au gouvernement et espère que ce dernier tiendra compte de cet avertissement. La Chambre se forme en comité sous la présidence de M. SCATCHERD. Les résolutions sont adoptées sans amendement, le comité s’ajourne et fait rapport de la question. L’hon. M. MACKENZIE dit espérer que le député donnera plus de renseignements sur le canal de la Baie Verte avant de présenter ses résolutions. L’hon. M. LANGEVIN déclare qu’il serait plus pratique pour la Chambre de recevoir tous les détails au moment de l’examen de la question des subsides. L’hon. M. MACKENZIE se dit en accord avec lui. Les résolutions sont ensuite lues pour la première et deuxième fois. * * * SUBSIDES Sur la motion de l’hon. sir GEORGE-É. CARTIER, la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides, à la condition que s’il y a peu de députés en Chambre, aucune question ne sera mise aux voix, ce à quoi personne ne s’oppose. M. STEPHENSON occupe le fauteuil. À propos du crédit de 14 000 $ pour construire un chemin de fer d’embranchement depuis les mines de fer acadiennes, Londonderry, Nouvelle-Écosse, jusqu’au chemin de fer Intercolonial. L’hon. M. LANGEVIN fait la lecture d’un décret en conseil qui a été adopté à ce sujet et qui montre que le gouvernement a imposé
des conditions très sévères à la compagnie minière chargée de construire les fondations de la voie. Le gouvernement fournira les rails, le ballast et les crampons, et assurera l’entretien de la voie, une fois terminée. Le crédit est voté. À propos du crédit de 200 000 $ pour les frais et l’amélioration du fleuve Saint-Laurent entre Montréal et Québec. L’hon. M. MACKENZIE demande si on a l’intention, comme le laisse entendre l’avis publié dans les journaux, de prélever une taxe pour faire face à ces dépenses. L’hon. M. LANGEVIN dit que le ministre des Finances avait donné un avis à cet effet. Le crédit est voté. À propos du crédit de 110 000 $ pour le chemin de fer de la côte Nord, M. BOLTON trouve extraordinaire que cette voie coûte plus de 100 000 $ par année, ce qui est supérieur aux recettes que génère son exploitation. Les dépenses d’exploitation représentent 99 p. 100 des recettes, un pourcentage inégalé dans le reste du monde. Les recettes brutes du chemin de fer s’élèvent à 400 000 $. Or, on a dépensé toute cette somme, en plus d’un autre 100 000 $. M. COFFIN ne comprend pas pourquoi les dépenses d’exploitation et d’entretien des chemins de fer augmentent d’une année à l’autre, et qu’elles sont supérieures aux recettes. Comme la construction de chemins de fer avait été grandement découragée en Nouvelle-Écosse, il estime que le gouvernement devrait augmenter les tarifs pour que les recettes correspondent aux dépenses. M. BODWELL déclare qu’il serait préférable de les vendre à n’importe quelle compagnie qui accepterait de les acheter. L’hon. M. LANGEVIN dit que la voie reliant Halifax à Truro fait partie de l’Intercolonial, et qu’il ne croit pas que le député accepterait qu’on vende ce chemin de fer. Il ne fait aucun doute que, une fois la construction de l’Intercolonial terminée, le gouvernement devra administrer ces chemins de fer ou les confier à une entreprise indépendante. Il ne faut pas oublier que les sociétés privées de chemin de fer en Nouvelle-Écosse n’ont jamais bien marchées. Si les voies ont rapporté si peu, c’est qu’elles étaient en très mauvais état lorsque le gouvernement les a prises en charge. La voie entre Halifax et Truro est parsemée de courbes, ce qui a entraîné une hausse des dépenses. Concernant les droits de péage, il les a comparés à ceux qui s’appliquent aux chemins de fer du Nouveau-Brunswick et trouve qu’il y a peu de différence entre eux. Il faut réparer les voies puisque le trafic va augmenter une fois le chemin de fer Intercolonial terminé. C’est ce qui explique la somme demandée dans le budget. Le trafic augmente et on s’attend à une hausse de 15 000 $ des dépenses pour l’année. Le crédit est voté.
DÉBATS DES COMMUNES 438 4 juin 1872
À propos du crédit de 99 250 $ pour le chemin de fer européen et nord-américain.
M. CARMICHAEL dit que les édifices à Pictou ne conviennent absolument pas au service public.
L’hon. M. ANGLIN demande si la somme de 49 750 $ comprise dans ce crédit suffira à acheter du matériel roulant pour absorber le trafic additionnel.
L’hon. M. MACKENZIE affirme que les recettes de Pictou s’élèvent à quelque 34 000 $, ce qui représente une somme considérable. Toutefois, dans le cas de Sarnia, les recettes douanières sont à elles seules presque aussi élevées. Il faudrait mettre sur pied un système quelconque dans ce domaine.
L’hon. M. LANGEVIN dit que le montant correspond à ce qu’a demandé le surintendant des chemins de fer. On a grandement besoin de matériel roulant et le crédit y afférent n’a pas été adopté par la Chambre. Il a fait un appel d’offres. Si le crédit est voté, il passera sans délai une commande pour acheter le matériel nécessaire. Le crédit est voté. À propos du crédit de 70 000 $ pour l’alimentation temporaire du canal Welland, L’hon. M. LANGEVIN explique qu’il faudra approfondir le canal. Le crédit est voté. À propos du crédit de 10 000 $ pour les chemins militaires de Témiscouata, Matapédia, Huntingdon et port Lewis, L’hon. M. MACKENZIE signale que le premier chemin mentionné n’est pas militaire. Le crédit est voté. À propos du crédit de 165 000 $ pour faire face aux dépenses pour outillage et travaux sur le chemin de la rivière Rouge, L’hon. M. MACKENZIE dénonce le plan adopté par le gouvernement pour la construction du chemin. À son avis, on aurait pu réaliser des économies si l’on avait fait appel à une entreprise privée. Le crédit est voté. À propos du crédit de 644 000 $ pour faire face aux dépenses des édifices publics. L’hon. M. MACKENZIE dit que cela ne répond pas à sa question. Quelle est la ligne de conduite du gouvernement dans ce dossier? S’il a l’intention de construire des édifices de 12 000 $ là où il parvient à prélever la somme de 5 000 $, pourquoi, si tel est le cas, néglige-t-on les villes comme la sienne (l’hon. M. Mackenzie) par exemple, où les recettes sont de huit à dix fois supérieures à celles de Trois-Rivières? L’hon. M. TILLEY dit que dans le cas de Pictou, les recettes justifiaient les dépenses; le gouvernement construit des édifices dans les villes où les recettes sont considérables, et qui comptent plus de 10 000 habitants.
L’hon. M. ANGLIN déclare que si l’on commence à construire des édifices publics dans des petites villes, il faudra étendre le système à toutes les régions, de sorte qu’on risque de se retrouver avec un programme de dépenses qui coûte très cher. L’hon. M. MACKENZIE dit qu’on ne peut adopter ces crédits sans autres explications. M. BOLTON parle du crédit de 12 000 $ pour les édifices de Trois-Rivières, que le ministre des Travaux publics (l’hon. M. Langevin) qualifie d’économie en termes de loyer, etc. Il (M. Bolton) signale qu’il en a coûté au total 870 $ l’année dernière pour percevoir des recettes douanières totalisant 5 000 $, ce qui est moins que l’intérêt payé sur les dépenses de construction de l’immeuble. Tout comme le député de Lambton (l’hon. M. Mackenzie), il croit qu’il faut mettre sur pied un système quelconque. L’hon. sir GEORGE-É. CARTIER dit que les taxes d’accise perçues à Lévis étaient élevées. (Rires.) L’année dernière, elles étaient de 13 000 $. (Applaudissements.) L’hon. M. MACKENZIE dit que, d’après lui, ce montant n’est pas élevé. L’hon. sir GEORGE-É. CARTIER trouve qu’il l’est. M. STIRTON dit que la ville de Guelph a perçu 52 000 $ en recettes douanières, et que cela s’est fait dans un hangar à marchandises de la compagnie du Grand chemin de fer occidental. Personne n’a déposé de plainte. Toutefois, si l’on commence à construire des édifices publics dans les petites villes, il faudra le faire dans toutes les régions du pays. Les crédits sont votés à la condition qu’on en discute plus tard. Le comité s’ajourne et fait rapport de la question. La Chambre s’ajourne à une heure du matin.