UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (Paris VI) FACULTE DE MEDECINE PIERRE ET MARIE CURIE
THESE N°2012PA06G077
Année 2012
DOCTORAT EN MEDECINE SPECIALITE : Médecine générale PAR Anne-Laure Payen-Rousseau née le 08/10/1984 à Paris
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 18/12/12
Médecine humanitaire : conception d!un projet pilote de télémédecine. DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Professeur Gabriel PERLEMUTER PRESIDENT DU JURY : Madame le Professeur Catherine BUFFET
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A Monsieur le Professeur Gabriel Perlemuter, hépato-gastro-entérologue, fondateur du site Masantenet. Vous avez accepté de diriger cette thèse, nos échanges furent riches et enthousiasmants, merci, vous avez rendu ce travail possible.
A notre Présidente du Jury, Madame le Professeur Catherine Buffet, hépatogastro-entérologue, responsable télémédecine à l!APHP. Nous sommes ravis que vous ayez accepté de juger notre travail et nous vous en sommes reconnaissants.
A Monsieur le Professeur Jean Lafortune ; médecin généraliste, enseignant à l!UPMC, tuteur de DES. A Monsieur le Professeur Alain Deloche ; chirurgien cardiaque, co-fondateur de MSF et MDM, créateur de la Chaîne de l!espoir. A Monsieur le Docteur Dominique Tirmarche, médecin généraliste, enseignant à l!UPMC, acteur du centre d!action sociale Maison dans la rue. A Madame le Docteur Jeanine Rochefort, médecin généraliste, déléguée régionale Ile-de-France de Médecins du Monde. A Madame le Docteur Laurence Taieb, médecin généraliste, enseignant à l!UPMC, créatrice de la consultation précarité de Melun. A Monsieur Laurent Guérin, Ingénieur des mines, rapporteur général du conseil national du numérique et coauteur de l!ouvrage Les Grandes Entreprises et la Base de la Pyramide. Cinq histoires françaises (Collection Libres Opinions, Presses des Mines).
Nous avons le privilège de vous compter parmi les membres de notre jury, nous vous en remercions sincèrement.
A Monsieur le Docteur Richard Wootton et à Monsieur le Docteur Laurent Bonnardot qui par leurs recherches, leurs publications et leurs projets sont les pionniers qui nous ont aidés dans notre domaine de recherche. A Monsieur le Professeur Léon Perlemuter, fondateur du site Masantenet.
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Pour Rémi, à toi mon chéri qui m'entends parler de médecine et d'humanitaire depuis que nous sommes sur les bancs de l!école et qui as toujours su mieux que moi quel serait notre avenir. Merci. Je veux ton bonheur pour toujours.
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A notre fille Roxane.
Aux patients. A ceux qui m!ont enseigné la médecine.
A mes parents et à Guillaume, Emmanuelle, Claire, Caroline, Frédéric. A mes grands-parents et mes beaux-parents. A Emmanuelle et Isabelle Desjoyaux.
A Saskia, Anaïs, Guillaume, Marie, Marc & Marc, Diane, Mathilde, Juliette, Charlotte,
Etienne, Eve,
Aurore, Benjamin, Aurore, Alexandre, Nathalie, Julien,
Sophie, Jean-Baptiste et Jean-François, Solenne, François, Alix, Clément, Florence, Laurent, Guillaume, Céline, Gaël, Cécile, Claire, Franck, Elisabeth, Laetitia, Corinne.
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Plan Liste des abréviations ........................................................................................... 9! Introduction........................................................................................................... 10
I.! Qu!est-ce que la télémédecine ?................................................................... 12! 1. La médecine « à distance » ............................................................................ 12! Historique des TIC (Technologies de l!Information et de la Communication).. 12! L!apparition de la télémédecine....................................................................... 20! Quel recul sur les projets de télémédecine ? .................................................. 27! 2 Les différentes formes de télémédecine .......................................................... 31! La Téléconsultation ........................................................................................ 32! La télé expertise .............................................................................................. 33! La télésurveillance........................................................................................... 34! La téléassistance............................................................................................. 35! La télérégulation .............................................................................................. 36! 3.
Les enjeux de la télémédecine/ à quels besoins répond la télémédecine ?38! Permettre la diffusion des connaissances médicales...................................... 38! La gestion des urgences ................................................................................. 46! Gestion des situations de crises sanitaires ..................................................... 47
II. Qu!est-ce que l!humanitaire ? ......................................................................... 49!
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1.! Les fondations de l!humanitaire : une naissance au carrefour d!enjeux religieux, politiques et philosophiques .................................................................... 49! 2.! Les débuts de l!action humanitaire ............................................................... 55! 3.! De L!engagement personnel à la première organisation transnationale ...... 57! 4.! Le choc de la 2eme guerre mondiale et les limites de l!organisation croix rouge ..................................................................................................................... 60! 5.! Naissance de l!ONU et des associations humanitaires ................................ 61! 6.! Conflit du Biafra : un tournant pour l!humanitaire : le début des médecins sans frontières ........................................................................................................ 62! 7.! Les mouvements sans frontières ................................................................. 64! 8.! Les frontières de l!humanitaire ..................................................................... 66! 9.! Impasses et transformations de l!humanitaire moderne............................... 68! 10.! L!humanitaire au XXI ème siècle ................................................................ 71
III. En quoi la télémédecine répond-elle à une vraie demande des humanitaires ? ......................................................................................................... 76! 1.! La vision globale........................................................................................... 76! 2.! Les applications de la télémédecine pour l!humanitaire de développement 79! L!accès à l!information et à la connaissance. .................................................. 79! Recueil d!indicateurs de qualité ....................................................................... 81! Amélioration de la prévention, de l éducation et de la sensibilisation ............. 82! Un meilleur travail en réseau entre professionnels en cas de catastrophe ..... 83! 3.! Le contexte technologique............................................................................ 84! L!immense succès de la téléphonie mobile dans le Monde ............................ 84! Le cas particulier de l!Afrique .......................................................................... 87!
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Une pénétration d!Internet en progression ...................................................... 88! Lien entre TIC et développement .................................................................... 90! 4. Le support politique : les gouvernements à l!origine de l!offre de soins en télémédecine .......................................................................................................... 91! La téléphonie mobile et les autorités de régulation ......................................... 92! Le Haut débit ................................................................................................... 93! Favoriser la concurrence dans le secteur des TIC .......................................... 93! Les e-administrations ...................................................................................... 93! 5.! Le support juridique de la télémédecine appliquée à l!humanitaire : droits et obligations de chacun, les responsabilités ............................................................. 94! Support juridique de l!action humanitaire en télémédecine ............................. 94! Le cadre juridique français de la télémédecine ............................................... 95! La téléconsultation .......................................................................................... 96! La téléexpertise ............................................................................................... 99! La télésurveillance........................................................................................... 99! La téléassistance........................................................................................... 100! La télérégulation ............................................................................................ 100! 6. Support économique : quel modèle économique pour la télémédecine ?..... 101! Le passage à l!échelle ................................................................................... 101! Le coût de la télémédecine............................................................................ 102! Les modèles .................................................................................................. 102! Business sociaux : l'humanitaire par l'entreprise........................................... 103! 7. La recherche en télémédecine appliquée à l!humanitaire ............................. 107
IV. Concevoir un service de télémédecine adapté à l'humanitaire ............... 111!
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Les
services
populaires
d!interaction
médecin/patient :
Masantenet
(www.masantenet.com)........................................................................................ 111! Les
services
populaires
d!interaction
médecin/patient :
Healthtap
(www.healthtap.com)............................................................................................ 120! 2. Notre service : TeleHealth ............................................................................ 121! A quoi ressemble le service ? ....................................................................... 121! Dispositif technologique ................................................................................ 122! Le réseau de médecins ................................................................................. 130! Contraintes technologiques ........................................................................... 130! Déploiement et mise en place ....................................................................... 131! Le choix de l!open-source ............................................................................. 133! Quel intérêt pour le patient ? ......................................................................... 134! Quel intérêt pour le médecin ? ...................................................................... 134! La notion de « contexte » .............................................................................. 136! La question de la langue ............................................................................... 138! Le modèle économique ................................................................................. 138! Pilote et passage à l!échelle .......................................................................... 139! Quelle suite pour un tel service? ................................................................... 139
Discussion .......................................................................................................... 143! Conclusion .......................................................................................................... 147! Bibliographie....................................................................................................... 148! Résumé ............................................................................................................... 159! Résumé en anglais ............................................................................................. 158!
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Liste des abréviations ARPA : Agence des Projets de Recherche Avancée ARS : Agence Régionale de Santé CH : Centre Hospitalier CHU : Centre Hospitalo-Universitaire CICR : Comité International de la Croix Rouge CNOM : Conseil National de l!Ordre des Médecins DAI : Défibrillateur Automatique Implantable DGOS : Direction Générale de l!Offre de Soins HPST : Hôpital Patients Santé et Territoires HTA : Hypertension Artérielle IPS : Index de Pression Systolique MDM : Médecins du Monde MSF : Médecins Sans Frontières NASA : Administration Nationale de l!Aéronautique et de l!Espace OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies PED : Pays En Développement PTT : Postes, Télégraphes et Téléphones SIH : Système d!Information Hospitalier SAU : Service d!Accueil des Urgences TIC : Technologies de l!Information et de la Communication
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Introduction La télémédecine est une forme de pratique médicale mettant en rapport des patients avec des médecins ou des professionnels de santé à distance grâce aux technologies de l!information et de la communication. Elle qualifie une action de médecine synchrone (le chirurgien qui opère le malade à distance grâce à des instruments miniaturisés de robotique par exemple) ou asynchrone (c!est le cas lorsque des examens d!imagerie sont transmis pour interprétation à distance). La terminologie assez confuse qui entoure le terme de télémédecine ne l'a pas desservi et ce qui avait été commencé à être défini sous cette terminologie a aussi été qualifié de "télésanté", "santé en ligne", "e-médecine", "santé connectée", "m-santé", "cybersanté",
etc.
Nous
avons
choisi
d!utiliser
dans
ce
travail
le
mot
« télémédecine », plus approprié. C!est aussi le terme employé par le Conseil National de l!Ordre des Médecins (CNOM). L'humanitaire est également un concept à la définition évolutive : si on distingue classiquement l'humanitaire d'urgence et de développement, les conceptions de l'urgence et du développement sont nombreuses, et les formes de l'aide tout autant. Nous étudions dans cette thèse les possibilités de la télémédecine pour l'humanitaire de développement, dans le but de concevoir un service de télémédecine qui puisse bénéficier des avancées technologiques dans les pays en développement et dans les pays développés ainsi que des expérimentations réussies dans le domaine. Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ont contribué plus que toute autre technologie à une vision du monde "sans
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frontières", pouvant ainsi faire de la télémédecine une nouvelle « médecine sans frontières » complémentaire des formes d'action humanitaire existantes. Nous rapportons dans ce travail les projets développés dans les domaines de la télémédecine et de l!humanitaire, les résultats qui s!y rattachent et les possibilités qu!ils ouvrent. Enfin, nous analysons la base de données du service Masantenet mettant en relation des patients sur le terrain avec des médecins. Le fruit de ces réflexions nous amène à proposer un projet pilote de télémédecine appliqué à l!humanitaire. Ce service, grâce à un dispositif technologique simple adapté à un logiciel libre, peut être utilisé partout dans le monde.
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I. Qu!est-ce que la télémédecine ? 1. La médecine « à distance » Historique des TIC (Technologies de l!Information et de la Communication)
Le mot télécommunication signifie « partager loin » et est utilisé pour la première fois en 1904 par l!ingénieur des PT (Postes et Télégraphes, le dernier T, téléphone étant encore à inventer) Edouard Estaunié,
au moment où les technologies qui
décollent le plus dans ce domaine s!appellent le télégraphe puis le téléphone. (1,2) Etrange de penser que c!est ce même mot qui est resté pour qualifier des innovations aussi récentes que les réseaux sociaux mondiaux et les Smartphones : les télécommunications représentent effectivement un domaine où les technologies évoluent à pas de géant, répondant à un besoin fondamental de l!humanité : communiquer. (3) L!histoire ne commence réellement que depuis un siècle et demi. Auparavant, bien sûr les hommes tentent de s!affranchir des barrières du temps et de l!espace pour transmettre des informations à distance, les moyens étaient néanmoins assez rudimentaires : on parle alors d!une préhistoire des télécommunications. (4) La transmission de signaux de fumées pour communiquer est une des grandes innovations de ce temps. Homère en parle déjà dans l!Iliade, et le général romain Aetius fit parvenir à Rome la nouvelle de sa victoire sur Attila de cette manière. (5) Les Chinois perfectionnent cette première étape technique en munissant des cerfs-
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volants de lampes, alors que les navigateurs inventent un système de pavillons hissés aux mâts. Il faut attendre toutefois le XVIIIème siècle pour que le code international des signaux maritimes, qui donne le sens de chaque pavillon, soit partagé. (3) Ces procédés mettent déjà en œuvre des procédés optiques de transmissions mais avec une quantité d!information contenue dans chaque message nécessairement faible (l!arrivée d!un assaillant, une intention d!abordage, etc.). Sur la terre, c!est le pigeon voyageur qui permet de faire remonter des messages à l!étatmajor sur la situation du terrain. Il est considéré comme tellement fiable que c!est un des moyens de communication qui persiste jusqu!à la première guerre mondiale. Néanmoins le routage n!a pas toute la flexibilité désirée, un pigeon ne sait faire qu!une chose, c!est retourner vers son pigeonnier. Bref l!homme doit innover pour faire face à de plus grands besoins de communication.
A la fin du XVIIIème, le premier entrepreneur des télécommunications entre en scène et ouvre ainsi l!ère des télécommunications modernes. Il s!agit de Claude Chappe, un ingénieur français, qui avec l!invention du premier « télégraphe optique» remporte un franc succès dès 1792. (6) Cette machine télégraphique a un fonctionnement assez simple : au sommet de tours placées à vue les unes des autres, des bras articulés permettent de transmettre des signaux. L!Espagne et l!Italie s!approprient rapidement ce système. (7) Par contre, de l!autre côté de la Manche, impossible dans la brume anglaise de distinguer les signaux. Il faut attendre l!arrivée prochaine du télégraphe électrique pour comprendre les messages malgré les aléas météorologiques.
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Samuel Morse, n!est ni un ingénieur, ni même technicien scientifique, mais un artiste peintre. C!est grâce à lui qu!apparaît un des outils révolutionnaires des télécommunications modernes : le télégraphe électrique accompagné du fameux code morse. L!étonnante simplicité de ce code (un trait, un point, un système à « deux bits » diraient les informaticiens) n!entache pas la richesse des possibilités qui sont ouvertes avec cette invention. (8) Le premier message parcourt la liaison télégraphique entre Washington et Baltimore le 1er janvier 1845, il restera célèbre a plus d!un titre : « What hath God wrought ? » (« Quelle est l!œuvre de Dieu ? »). (3) Durant les dix années suivantes, 37 000 km de lignes sont tirées et les télécommunications
deviennent
une
opportunité
économique
formidable.
Simultanément, un jeune garçon de douze ans voyant sa mère devenir sourde développe un intérêt soudain pour l!acoustique : il s!agit d "Alexander Graham Bell, il dépose le 14 février 1876 son célèbre brevet sur le téléphone. Du téléphone à la radio il n!y a qu!un pas et en 1896, un jeune homme, chercheur et homme d'affaires entreprenant, Gugliemo Marconi, réalise la première transmission radiotélégraphique. En 1901, c!est ce même chercheur qui effectue la première transmission radio entre le Canada et l!Angleterre, ce qui lui vaut le prix Nobel en 1909. Les premiers programmes quotidiens de radiodiffusion débutent en 1920 en Angleterre (la Marconi Company), aux Etats-Unis ainsi qu!en URSS. (3) En 1938, Il y a près de 75 ans, le jeune Orson Welles donne une leçon intéressante sur le pouvoir des médias. Il effectue une émission de science-fiction sur une attaque martienne si réaliste qu!un million d!auditeurs y croient et des milliers descendent dans la rue. (9) Jusqu!aux années 1950/1960, les télécommunications se perfectionnent à un rythme régulier. Les innovations techniques permises par les ingénieurs permettent
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le déploiement de réseaux. Ces mêmes réseaux seront exploités par la prochaine révolution des télécommunications : celle de l!informatique. (10) L!union soviétique lance en 1958 « Spoutnik », le premier satellite dans l!espace. Cette même année aux USA est créée l!ARPA (Agence des projets de recherche avancée) pour assurer la supériorité militaire et technologique des Etats-Unis après l!humiliation ayant suivi le lancement du premier Spoutnik. Les Américains se rassurent, quatre ans plus tard le satellite Telstar est lancé depuis la Floride, mais ce n!est
finalement
pas
a
posteriori
l!innovation
qui
marquera
le
plus
les
télécommunications cette année-là. En effet, en 1962, J.C.R. Licklider est promu à la tête du bureau de traitement de l!information de l!ARPA. (11) et il doit gérer trois terminaux distants de plusieurs milliers de kilomètres. Les besoins de création d!inter-réseaux deviennent, par conséquent, évidents. On peut alors lire à cette époque une interview de J.C.R. Licklider dans le New-York Time rapportant : « Je me suis dit, hé, mec, ce qu'il me reste à faire est évident : au lieu d'avoir ces trois terminaux, il nous faut un terminal qui va partout où tu veux et où il existe un ordinateur interactif. Cette idée était l'ARPAnet. » (12) ARPAnet, considéré comme le précurseur d!internet, n!aura pas d!application militaire mais se développera au sein des Universités américaines dès 1969. Progressivement de nouvelles universités sont intégrées ; elles constituent à chaque fois de nouveaux nœuds du réseau. En 1972 naissent l!arobase et le premier courrier électronique : loin du contenu solennel du premier message télégraphique, c!est cette fois la première ligne d!un clavier QWERTY que le premier courrier électronique a transmis.
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Dans le monde entier de nouveaux réseaux se créent et s!accompagnent de la rapide nécessité de fusionner tous types de réseau sans tenir compte de leurs caractéristiques. En 1983 ARPAnet adopte alors un mode de fonctionnement, le TCP/IP (Transmission Control Protocol en Internet Protocol) qui sera la base d!internet.
En 1989, T. Berners Lee, un chercheur utilisant le réseau de communication du CERN (Centre Européen pour la Recherche Nucléaire), conçoit l!idée de la « Toile » : tout internaute pourrait naviguer d!un contenu d!Internet à un autre grâce à des liens hypertextes et à un navigateur. Ses trois innovations: les adresses web, le lien Hypertext Transfer Protocol (HTTP) et le Hypertext Markup Language (HTML) font naître le World Wide Web, la « toile d!araignée mondiale ». Plus qu!une innovation, internet est aussi une idéologie, et Tim Berners Lee en fait volontairement une innovation libre de droits. En 1993, un premier navigateur Web est créé, Mosaic. Avec le développement d!un autre navigateur, Netscape, internet passe bientôt du cercle des initiés à celui du grand public. Un an plus tard, deux étudiants de Stanford conçoivent l!annuaire internet « Yahoo ! » permettant de trouver rapidement des sites grâce à un contenu hiérarchique. Il y a 16 ans « Yahoo ! » entrait en bourse, faisant basculer cette startup dans l!économie traditionnelle des grandes entreprises. (12)
Une des valeurs fondamentales d!internet est l!utilisation de technologies libres de droit, accessibles par tous ceux qui ont des compétences de développement. Cela signifie que n!importe quelle personne peut lancer son projet sur internet, et cela se traduit sur le plan économique par la création d!une multiplicité de start-ups. Les
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cours de ces jeunes entreprises évoluent de manière spectaculaire créant une bulle spéculative qui éclate en 2000, prolongée par la crise boursière de 2001. L!eéconomie est ralentie pour plusieurs années, mais le net gagne en maturité. Le réseau continue toutefois son expansion avec l!apparition sur le web d!un contenu généré par l!utilisateur lui-même, à travers les forums de discussion et l!apparition des wikis. (14) Ce sont ces fameux sites web dont les pages sont modifiables par les visiteurs afin de permettre l'écriture et l'illustration collaboratives des documents numériques qu'ils contiennent. (15) Ce concept tout simple de contenu généré par les utilisateurs (ou User Generated Content) permet de rédiger facilement des documentations, rapports et autres, en groupe. A très grande échelle, il révèle toute sa puissance avec une encyclopédie comme Wikipédia qui contient bien plus de vingt millions d!articles, toutes langues confondues. (13) La toile n!est plus un ensemble de documents dont on retire de l!information (on parlait alors de web 1.0) mais une communauté d!individus pouvant apporter des informations aux sites web et avoir le contrôle de certaines données. Ainsi, le volume et le rythme de production de l!information en ligne explosent sous l!effet de la multiplication et de la diversité des contributeurs ! C!est dans ce sens que l!on parle du web 2.0. (14) Il a fallu un peu moins de 20 ans pour que la Toile constitue un média incontournable, dans la santé comme pour les autres secteurs d!activité. En 2010, 71% de la population a accès à internet fixe à domicile, plus d!un Français sur deux l!utilise tous les jours et 25 millions de Français se sont inscrits auprès d!au moins un réseau social. (15) Tous les acteurs du système de santé sont désormais présents sur le web, des associations de patients aux établissements de soins en passant par les mutuelles et assurances. Quant aux médecins, le livre blanc du CNOM (Conseil
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National de l!Ordre des Médecins) les invite à investir plus largement le Web. Le CNOM souligne que « le web offre aux médecins des ressources et des outils qui peuvent les aider dans leurs exercices ». D!autre part il les invite en effet à adopter « une attitude accompagnatrice, pédagogique, voire anticipatrice vis-à-vis des usages du web santé ».
Un grand nombre de médecins s!est déjà emparé des nouvelles technologies de l!information et de la télécommunication (TIC). Nous nous attacherons donc, pour finir, à vous rapporter où se situe le corps médical dans les dernières évolutions à marche accélérée du web santé. Au début de l!année 2011 en France, près d!un médecin sur deux possède un Smartphone (47% des médecins généralistes et 48% des spécialistes, soit +12% par rapport à l!année 2010. (16) Il faut noter d!autre part que pour l!ensemble de la population française, 38% des détenteurs de téléphone mobile sont détenteurs d!un smartphone. (17) En ce qui concerne l!équipement, la prédominance est à l!iPhone qui est utilisé par 70% des médecins détenteurs de smartphone d!après le « premier baromètre sur les médecins utilisateurs de smartphone », étude réalisée par Vidal en association avec le CNOM. (18) . Le smartphone devient un véritable outil de travail, 59% des généralistes contre 52% des spécialistes disent accéder à des bases de données médicales via cet équipement ; il permet à 75% des généralistes et 78% des spécialistes de naviguer sur internet, enfin par ce biais 59% des généralistes et 60% des spécialistes recherchent les coordonnées d!un confrère. Les pratiques changent, et le Smartphone accompagne le prescripteur. En effet, 53% des médecins utilisateurs ont téléchargé des applications médicales dont 68% concernent les bases de données
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médicamenteuses et 65% les interactions médicamenteuses. (18) Les applications téléchargées se répartissent comme telles (16) :
figure1 : type d’applications téléchargées par le corps médical. (16)
Comme le souligne le CNOM dans son livre blanc sur la « Déontologie médicale sur le Web » (19), malgré le foisonnement et le succès des sites web, mais aussi des forums, des blogs et autres « espaces virtuels, porteurs d!informations concernant la santé et la médecine , le grand public reconnaît que les médecins sont la première source fiable d!information ». Le CNOM met particulièrement en valeur l!évolution des usages ainsi que l!ensemble des potentialités que peuvent revêtir ces dernières avancées des télécommunications qui constituent le web santé. Sa première préconisation est de mettre le web au service de la relation médecin-patient. Les nouvelles technologies n!étant que des outils supplémentaires au service de la médecine, elle-même au service du patient.
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L!apparition de la télémédecine Les origines La télémédecine recouvre étymologiquement l!exercice de cette médecine pratiquée à distance, du préfixe grec « télé » signifiant « loin de ». Suivant la définition proposée par Le Collège des médecins du Québec, elle est caractérisée comme « l!exercice de la médecine à distance à l!aide des moyens de télécommunications ». (20) Ce qui fait d!elle un concept finalement peu nouveau existant donc depuis… l!apparition des signaux de fumée, les Amérindiens signalant par ce biais la présence de plantes médicinales dans la région permettant une bonne ou une mauvaise médecine. Hippocrate parle d!ailleurs des thérapeutiques indiennes. La modernisation des télécommunications a, par la suite, permis aux médecins d!affiner l!exercice de leur art en s!appuyant sur des technologies de plus en plus performantes. Comme l!affirme le Pr B.Glorion lors d!une table ronde du conseil national de l!ordre sur la télémédecine, « il n!existe pas de technique mise à la disposition des médecins qui ait été refusée et dont les médecins n!aient pas usée ». (23) Certaines nouvelles façons d!exercer la médecine au service des patients sont particulièrement frappantes dans le développement de la télémédecine, les voici : La radiotélégraphie, développée aux Etats Unis par Marconi dès 1896 (partie I.1.A) a permis les constructions de stations radio côtières et l!introduction de matériel radio dans les bateaux. La première licence pour radio de service médical aux bateaux a été publiée en 1920 à l!Institut d!Eglise des marins de New-York. Différents pays ont ensuite développé des services de télémédecine fonctionnant par radio, pour les navigateurs. (Suède, Hollande, Allemagne). En 1935, le Professeur en médecine
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Guido Guida crée le Centro Internazionale Radio Medico. L!objectif de ce centre, basé à Rome dans une des pièces de la maison du professeur, était de fournir gratuitement par radio une assistance médicale disponible 24 heures sur 24 pour les marins de toutes nationalités, naviguant sur toutes les mers du monde. (24) Ces
pratiques sont les ancêtres de la réponse délivrée par téléphone aujourd!hui, que ce soit par le médecin traitant ou par les services d!aide médicale d!urgence. Le prochain tournant de la télémédecine vient de l!espace, dans la fin des années 1950. La NASA joue un rôle prépondérant dans le vol spatial habité, et développe la surveillance médicale à distance des astronautes. Désormais, on ne peut plus considérer la télémédecine comme une discipline mais plutôt comme la réunion de trois disciplines que sont la médecine, les technologies de l!équipement médical
et les TIC. Ainsi le concept de télémédecine et sa complexité se dessinent peu à peu. (21) Les premières opérations de téléconsultations se développent autour du Nebraska Psychiatric Institute dans les années 60. Dans la fin des années 70, l!essor des liaisons par satellite permet, via la télémédecine, l!accès aux soins de personnes difficilement accessibles. En 1965 a lieu la première visio-conférence en chirurgie cardiaque entre les Etats-Unis et la Suisse. En 1973 a lieu le premier congrès international sur la télémédecine au Michigan, lequel est l!occasion du lancement de nombreux projets.
Ces projets de télémédecine sont dès lors conçus et mis en œuvre. Mais, globalement, la littérature spécialisée constate un échec de la majorité d!entre eux ou
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du moins des résultats incertains et pour la plupart non évalués, en raison, notamment, des faibles performances technologiques, des coûts élevés et surtout d!une mauvaise organisation des réseaux mis en place. Il n!y a pas eu beaucoup d!études médico-économiques sur cette première génération de projets et sur leurs enseignements techniques. (23)
L!émergence d!une définition La
télémédecine
connaît
un
premier
tournant
avec
l!apparition
de
la
visioconférence, cette technologie permettant de tenir des réunions à distance. (24) Par la suite, très rapidement le développement d!internet donne à la télémédecine le socle de ses caractéristiques modernes. La transmission de grandes quantités d!informations multimédias, permet de commenter ensemble et à distance des documents, puis des vidéos, et très vite ce sont les téléconsultations qui sont rendues possibles. Le concept de télémédecine, simple à première vue s!enrichit des évolutions des disciplines à son origine pour petit à petit se rapprocher de la définition donnée actuellement par les grandes institutions. En effet, pour le conseil national de l!ordre, « la télémédecine est une des formes de coopération dans l!exercice médical, mettant en rapport à distance, grâce aux technologies de l!information et de la communication, un patient (et/ou les données médicales nécessaires) et un ou plusieurs médecins et professionnels de santé, à des fins médicales de diagnostic, de décision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologie médicale ». (25) Pour l!OMS, la télémédecine est une composante de la médecine. « Elle désigne, en général, la fourniture de services de soins de santé, lorsque l!éloignement est un facteur déterminant, par des professionnels des soins de santé faisant appel aux technologies de l!information et
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des communications, d!une part, pour assurer l!échange d!informations valides à des fins de diagnostic, de traitement et de prévention des maladies et des blessures et, d!autre part, pour les besoins tant des activités de la formation permanente des prestataires de soins de santé que des travaux de recherche et d!évaluation, toujours dans l!optique de l!amélioration de la santé des individus et des communautés dont ils font partie ». (26) Dans la suite de ce travail, nous conserverons la définition que donne le Conseil de l!Ordre pour la télémédecine. Elle rassemble les données les plus complexes de manière synthétique et par le respect de la déontologie médicale, elle prend en compte une dimension éthique. Ce dernier aspect me paraît fondamental. En effet, l!enthousiasme lié à l!évolution accélérée des techniques de l!information et de la communication fait parfois perdre de vue que l!objet de toute forme de médecine est de servir le patient. Les précurseurs de la télémédecine moderne saisissent déjà des opportunités que les dernières avancées techniques peuvent représenter pour la télémédecine. Le Professeur Louis Lareng crée en France l!Institut Européen de Télémédecine avec l!Université Paul Sabatier et le CHU de Toulouse, nous sommes seulement en 1989. La Société Européenne de Télémédecine voit le jour en 1991. A partir de 1993, le gouvernement décide de faire de la Région Midi-Pyrénées un territoire expérimental pour le développement de la Télémédecine. Très vite, un Service Télémédecine est créé au CHU de Toulouse (en 2004). (27,28) Parallèlement, l!évolution des technologies (celle de la robotique en plus de celles de l!information et de la communication) permet la première intervention chirurgicale dans le cadre de la télémédecine. L!opération a nécessité la compétence d!une équipe médicale, d!ingénieurs de France Télécom et d!ingénieurs spécialisés dans les systèmes robotiques. Le 7 septembre 2001, c!est une première mondiale, le
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geste opératoire a traversé l!Atlantique ; le chirurgien ayant effectué l!opération se trouvait dans un immeuble à Manhattan et la patiente au bloc opératoire du CHU de Strasbourg. (29) A la demande du ministre de la Santé et des Sports de l!époque, Roselyne Bachelot, les conseillers généraux des établissements de santé, D. Acker et P. Simon, ont produit le premier rapport prospectif sur la télémédecine. Publié en 2008, ce document décrit les enjeux d!un déploiement opérationnel de la télémédecine dans les prochaines années, considérant que ce déploiement est aujourd!hui une nécessité de santé publique. « La télémédecine représente un levier pour restructurer l!hôpital, réorganiser la filière de soins et mettre en place une gradation des soins ». (23) Parallèlement, la Commission Galien (Haut Conseil français pour la télésanté et des coopérations francophones) produit un rapport qui promeut la généralisation de la télémédecine, demande un soutien politique plus important et en souligne l!urgence par le titre même du rapport : Télésanté, autonomie et bien-être : la maison brûle ! (30) En outre, à la demande du président Sarkozy un rapport parlementaire est publié fin 2009 avec la proposition d!un plan quinquennal écoresponsable fondé sur 15 recommandations pour le déploiement de la télésanté en France. (31) Sur le plan juridique, la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) a enfin donné en juillet 2009 une définition légale de la télémédecine dans son article 78 : «Elle permet d!établir un diagnostic, d!assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d!effectuer une surveillance de l!état des patients ». (32) Ainsi, il existe une stratégie nationale de développement de la télémédecine en France, les ARS (Agences Régionales de Santé) possèdent
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chacune un programme de développement de la télémédecine qui fait partie du projet régional de santé. La DGOS (Direction Générale de l!Offre de Soins), quant à elle, doit présenter un plan triennal de déploiement national de la télémédecine. Le financement de tels engagements des pouvoirs publics est assuré en 2007 par le plan Hôpital 2012 où est prévu l!investissement de 1,5 milliards d!euros dans le développement des Systèmes d!Informations Hospitaliers (SIH). (32) Comme pour tout système innovant, la télémédecine connaît ses premiers promoteurs visionnaires : deux cent cinquante-six projets de télémédecine sont répertoriés dans l!hexagone. La stratégie nationale du déploiement de la télémédecine en France est exposée dans le décret du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine. Le comité de pilotage national de ce projet a identifié, en mars 2011, cinq priorités nationales. Ces dernières ont pour but d!améliorer l!accès aux soins et leurs qualités, la qualité de vie des malades, la réponse à un problème de santé publique. - permanence des soins en imagerie médicale - prise en charge des accidents vasculaires cérébraux - santé des personnes détenues - prise en charge d!une maladie chronique - soins en structure médico-sociale ou en hospitalisation à domicile. (33)
En octobre 2011 ; devant l!assemblée nationale ; Nora Berra, secrétaire d!état à la santé a réaffirmé l!engagement fort des pouvoirs publics dans l!essor et la généralisation de la télémédecine pour répondre aux défis de notre système de santé. (34) Les enjeux sont clairs : - d!une part réduire les inégalités d!accès aux soins
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- d!autre part donner une réponse organisationnelle et technique aux nombreux défis épidémiologiques et de démographie des professionnels de santé auxquels fait face le système de santé aujourd!hui.
La place prise par la télémédecine se dessine donc de mieux en mieux, avec de grands pas faits ces dernières années. Les appels à projets sont désormais nombreux et ils ne sont pas seulement gouvernementaux. L!un des exemples les plus marquants est la compétition proposée par la fondation X-Prize. Cette organisation à but non lucratif fait rêver un public international par les défis proposés. Les enjeux sont, tout simplement, de résoudre les problèmes de notre époque, d!innover pour le bénéfice de l!humanité. Les prix distribués sont de plusieurs millions de dollars. Le modèle ayant inspiré cette organisation est l!aventure proposée en 1919 : réaliser le premier vol Paris –New-York sans escale. Lindbergh releva le défi, ce qui révolutionna à jamais l!industrie de l!aviation. Dans le domaine de la santé, deux X-Prize sont lancés. D!une part dix millions de dollars seront offerts à celui qui saura imaginer un service permettant de télésurveiller de nombreux paramètres de santé et diagnostiquer à distance plusieurs maladies. Le dispositif sans fil doit tenir dans la paume de la main. (35) L!autre X-Prize proposé par Nokia est un défi similaire au précédent. Il s!agit d!imaginer un avenir où chacun a accès à des soins personnalisés grâce à une technologie mesurant des données de santé personnelles, fournissant des indications et recommandations pertinentes selon la situation et communiquant les informations au médecin. (36)
En résumé, des
technologies pour permettre un suivi médical à distance, pour tous, voilà ce qui est proposé aujourd!hui aux innovateurs pour révolutionner le monde de la santé.
26
Quel recul sur les projets de télémédecine ?
Les critères de jugement d!une activité de télémédecine sont encore à l!heure actuelle assez flous comme en témoignent les revues systématiques de la littérature médicale (37–39). La recherche en télémédecine existe, au croisement des domaines de la médecine, des TIC et de l!organisation des soins. Les résultats recherchés, la méthodologie et les sujets choisis sont différents suivant la spécialité de l!équipe conduisant l!étude.
Un article traitant de la méthodologie pour évaluer un travail de télémédecine est publié en novembre 2011. (40) Cet article inclut toutes les revues de la littérature depuis 2005 concernant l!impact des projets de télémédecine et ceux résumant la méthodologie pour juger de tels travaux. Sur mille cinq cent quatre-vingt treize articles sélectionnés, cinquante revues systématiques de la littérature sont retenues car traitant explicitement du sujet. Il est mis en évidence le manque d!essais contrôlés, randomisés, des populations d!étude trop hétérogènes pour permettre des méta-analyses.
De
nombreuses
propositions
méthodologiques
(approches
qualitatives et quantitatives, recherche formative) sont mises en avant pour conceptualiser un service de télémédecine innovant. Néanmoins, il n!existe pas encore de critères de jugements communément admis par la communauté scientifique pour juger de l!efficacité d!un projet pilote de télémédecine.
La recherche dans ce domaine s!organise cependant. En France, fin 2011, le premier recensement des activités de télémédecine a eu lieu : pas moins de deux
27
cent cinquante-six projets ont été recensés sur l!hexagone. Un retour sur ces projets a été présenté lors de la journée « télémédecine en action » le 10 mai 2012. Les initiatives de télémédecine se répartissent comme telles (figure 2):
Figure 2 : répartition des projets de télémédecine dans les différentes régions en France (40)
Parmi ces projets, peu ont été jugés réellement opérationnels, c!est-à-dire permettant une prise en charge pérenne de patients (44% soit cent trente projets seulement sont concernés). Les priorités nationales n!ont pas été tellement prises en compte par les promoteurs de projets de télémédecine. En effet, 51% des projets opérationnels recensés concernent les maladies chroniques et imagerie. La priorité AVC ne compte que
8% des projets opérationnels ; en ce qui concerne les
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structures médico-sociales ou HAD et la santé des détenus, ils n!intéressent que 3% des initiatives opérationnelles. Par ailleurs, 57% des projets sont hospitaliers et pour 80% relèvent de l!hôpital public. Ce qui paraît être la conséquence de la mobilisation plus facile des ressources financières, humaines et techniques dans ce secteur. Les expériences restent souvent individuelles, sans accompagnement institutionnel et organisationnel. Par conséquent, même pour les projets les plus emblématiques, le volume des actes est souvent faible et la pérennité des installations incertaine malgré leur ancienneté. (40,41) Vingt-cinq projets pilotes fonctionnant en routine sont analysés et décortiqués dans le rapport de l!ANAP (Agence Nationale d!Appui à la Performance des établissements de santé et médio-sociaux) en mai 2012 dans l!objectif d!aider les professionnels de santé et les ARS à mettre en place de nouvelles organisations portées par la télémédecine. Le comité scientifique de l!ANAP a dégagé cinq facteurs clés du succès de telles entreprises, qu!il m!a paru intéressant de rapporter ici : •
un projet médical répondant à un besoin,
•
un portage médical fort soutenu par un coordonnateur,
•
une organisation adaptée et protocolisée,
•
des nouvelles compétences à évaluer,
•
un modèle économique construit.
Dans le cadre de la mise en œuvre du plan national de déploiement de la télémédecine, le Groupe de travail « Technique / Systèmes d!information » a produit en mars 2012 cinq recommandations destinées aux porteurs de projet et peuvent s!appliquer aux trois étapes successives de mise en œuvre d!un dispositif de télémédecine. (40)
29
Figure 3 :les recommandations développées par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance pour le développement de projets de télémédecine (40)
L!action nationale pour l!année 2012 est axée sur les projets pilotes en télémédecine. Monsieur Selleret, à la direction de la DGOS, l!a rappelé dans son discours, d!ouverture de la journée télésanté 2012 (le 29 mars 2012) et une diffusion de recommandations et de modèles de bonnes pratiques est en cours d!élaboration pour accompagner les nouveaux projets. La télémédecine ne fait pas encore partie d!une organisation protocolisée ; parallèlement les études en évaluant les bénéfices cliniques et médico-économiques ne sont pas d!un fort niveau de preuve. Toutefois, les initiatives existantes montrent à
30
quel point les défis relevés par un système de télémédecine opérationnel sont de taille pour le système de santé actuel.
2 Les différentes formes de télémédecine
Le Conseil de l!Ordre a publié en 2009 son livre blanc sur la télémédecine. En effet, bien que dans le cadre de la télémédecine, la médecine ne se pratique pas de cette manière classique où la rencontre clinique du patient et du praticien se font dans un même lieu il paraissait indispensable d!attacher et limiter la pratique de la télémédecine à la médecine. Pour clarifier la fonction de la télémédecine dans un réseau de soins, nous proposons d!en définir les différentes applications. Nous avons défini cinq activités de télémédecine qui recouvrent le champ de la télémédecine. En effet, ce préalable est nécessaire car l!utilisation du préfixe « télé » associé soit à la spécialité concernée (télécardiologie, télédermatologie, etc.) soit au traitement ou à la pathologie traitée (télédialyse, télé-AVC, etc.) n!est pas assez précise pour qualifier vraiment un travail de télémédecine. Nous nous sommes fondés sur le rapport du ministère de la santé sur la télémédecine ainsi que sur le décret d!application du 19 octobre 2010 pour introduire les définitions que nous réutiliserons dans ce travail. (32,33,41) Nous avons choisi de préciser certaines définitions par des exemples ou des données qualitatives issues d!entretiens, les études de fort niveau de preuve n!étant pas disponibles.
31
La téléconsultation La téléconsultation est définie comme un « acte médical qui se réalise en présence du patient qui dialogue avec le médecin requérant et/ou le ou les médecins télé consultants requis ». (23) La région Midi-Pyrénées, pionnière en matière de téléconsultation est l!expérience française la plus ancienne et la plus importante. Son exceptionnel réseau de télémédecine est constitué de soixante-cinq établissements de santé publics ou privés, vingt-deux cabinets libéraux, trois maisons médicales et sept réseaux de soins. Parmi les nombreux bénéfices retirés de cette opération, on retrouve en particulier une solution face aux problématiques posées par une population vieillissante et porteuse de maladies chroniques. (30) Cette expérience et les suivantes que nous nous proposons de vous rapporter nous paraissent être des réponses à la recherche de l!équité d!accès aux soins, pour tous et partout qui est un devoir pour les soignants. En 1998, l!Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lance la « Santé pour tous au XXIème siècle » dont un des fondements éthiques repose sur « l!équité en matière de santé et une solidarité agissante entre les pays, entre des groupes de population dans les pays et entre les sexes ». (43) La téléconsultation, c!est aussi la formidable solution mise en place par la Guyane pour faire face à l!inégalité d!accès aux soins (territoire recouvert à 95% par la forêt primaire dense et impénétrable, certains villages de la forêt amazonienne n!étant raccordés qu!en pirogue). Le satellite permet de transférer des données importantes du patient dont de l!imagerie. Ainsi, entre 2001 et 2011, c!est trois mille cent soixante-deux téléconsultations et télé expertises qui sont comptabilisées sur le serveur dans plus de huit spécialités différentes. (44) Un partenariat entre le Centre Hospitalier de Cayenne et le CNES (Centre National d!Etudes Spatiales) a permis de
32
mettre au point une station portable de télémédecine. Il s!agit d!une valise de téléconsultation médicale qui contient un PC portable, un appareil photo numérique, un microscope, un webcam, un ECG numérique, un brassard de TA, un testeur de glycémie, le tout pesant douze kg et relié à un terminal de transmission par satellite. (44–47) Nous avons pu rencontrer à ce sujet Nathalie Ribeiro du CNES ainsi que le Dr Poirot du SAMU de Necker, médecin du MEDES et ayant participé à la conception de la valise de téléconsultation.
Cette dernière a été testée en Antarctique, en
téléconsultation pour l!armée, embarquée dans l!Airbus 380, elle pourrait aussi connaître des applications pour le secours en montagne dans les Pyrénées (48,49). En outre c!est ce qui a été développé pour certaines populations contraintes en milieu pénitentiaire, expérience qui m!a été racontée par le Dr Bonnardot, auteur du mémoire de Master d!éthique médicale : « Enjeux éthiques du mode d!accès aux soins en situation d!isolement -si proche, si loin-
Difficultés d!accès aux soins
spécialisés en milieu pénitentiaire ». (21)
La télé expertise La télé expertise a été limitée souvent dans sa définition aux échanges entre spécialistes pour obtenir un deuxième avis. (50) Il nous semble souhaitable, par souci de simplification, d!élargir cette définition à tout acte diagnostique et/ou thérapeutique qui se réalise en dehors de la présence du patient. L!acte médical de télé expertise se décrit comme un échange entre deux ou plusieurs médecins qui arrêtent ensemble un diagnostic et/ou une thérapeutique sur la base des données cliniques, radiologiques et/ou biologiques qui figurent dans le dossier médical d!un patient. » (23).
33
La télé expertise est considérée comme un acte médical par l!Ordre des Médecins depuis plus de 10 ans maintenant. (51) Un des projets qui nous est apparu particulièrement intéressant en la matière est le protocole DIABSAT mené par la région Midi-Pyrénées en partenariat avec le CNES. (52) Il s!agit de dépister les complications du diabète grâce à un véhicule mobile à bord duquel se trouve une infirmière diplômée d!état (IDE). L!IDE réalise un dépistage gratuit et sans RDV de la rétinopathie diabétique, de l!atteinte rénale (recherche de microalbuminurie), de l!artériopathie des membres inférieurs (à l!aide d!un stéthoscope doppler), de la neuropathie des membres inférieurs (test au monofilament) et du risque de plaie du pied (gradation podologique et enregistrement des pressions plantaires). Les données sont télétransmises au CHU via un serveur central et internet. Les spécialistes interprètent les données et font parvenir leurs comptes-rendus par retour de courrier. Les résultats ne sont pas encore entièrement disponibles. Néanmoins sur
519
patients
dépistés,
18%
présentent
une
rétinopathie,
25%
une
microalbuminurie, 15% un test au monofilament pathologique, 16% un IPS pathologique et 17% des plaies du pied à haut risque.
La télésurveillance « La télésurveillance est un acte médical qui découle de la transmission et de l!interprétation par un médecin d!un indicateur clinique, radiologique ou biologique, recueilli par le patient lui-même ou par un professionnel de santé. L!interprétation peut conduire à la décision d!une intervention auprès du patient. Il est interprété aujourd!hui par un médecin, ce dernier pouvant à l!avenir déléguer à un autre professionnel de santé une conduite à suivre. Celle-ci s!appuiera sur un protocole
34
écrit de surveillance du dit indicateur qui aura été validé par le médecin traitant ou un médecin requis - Au Québec, les indicateurs de surveillance d!un diabète, d!une hypertension artérielle ou d!une insuffisance cardiaque sont interprétés par des infirmiers cliniciens dont la plupart ont atteint le niveau de la maîtrise. Le médecin n!est sollicité qu!en cas d!anomalie de l!indicateur ». (23) L!hospitalisation à domicile de patientes enceintes à l!APHP (HAD grossesse) pratique la télésurveillance de certaines grossesses. La femme enceinte réalise seule le monitoring fœtal le matin et l!envoie via un dispositif de télémédecine au centre qui assure le suivi de la grossesse. La femme est au centre de la prise en charge, et acquiert ainsi sa propre expertise. Chez nos confrères québécois, la télésurveillance à domicile des patients insuffisants cardiaques a permis de diminuer de plus de 60% le taux de recours à l!hospitalisation (23). Au CHU de Bordeaux, en cardiologie, le patient signe une fiche de consentement pour un suivi par télésurveillance. Cette disposition est prévue par la charte de télécardiologie disponible en ligne pour les cardiologues qui voudraient organiser ce type de pratique. (23,40)
La téléassistance « La télé assistance peut être un acte médical lorsqu!un médecin assiste à distance un autre médecin en train de réaliser un acte médical ou chirurgical. Le médecin peut également assister un autre professionnel de santé qui réalise un acte de soins ou d!imagerie, voire dans le cadre de l!urgence, assister à distance un secouriste ou toute personne portant assistance à personne en danger en attendant l!arrivée d!un médecin. » (23)
35
Les actes de téléassistance sont déjà bien présents dans plusieurs spécialités. La chirurgie est de plus en plus pilotée à distance grâce à la robotique, notamment dans la microchirurgie cancérologique viscérale. Les actes aujourd!hui réalisés par coelioscopie pourront être améliorés par une assistance distante. La téléassistance concerne aussi les actes réalisés par un non médecin aidé d!un médecin. La fibrinolyse
d!un
patient
présentant
un
AVC
avant
le
transfert
en
Unité
Neurovasculaire est un cas bien concret. Elle s!associe à une situation de téléconsultation pour le neurologue par rapport à l!AVC suspecté.
La télérégulation Elle constitue la « réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale des urgences ou de la permanence des soins ». Parmi les exemples les plus parlants : les centres 15 qui sont organisés pour répondre 24 heures sur 24 aux demandes d!aide médicale urgente, on compte vingt-trois millions d!appels par an dans ce contexte. D!autres services de type call-centers sont développés par les assureurs santé et les mutuelles. (19) Dans des pays voisins, des pratiques de télémédecine se développent. Même si les systèmes de santé sont différents, les techniques développées et l!évolution des services sont intéressants. En Suisse, deux centres d!appel assurent des activités de conseils médicaux téléphoniques, Medgate et Medi24. Les deux services ont le statut de cabinet médical, leur activité s!apparentait initialement à de la télérégulation mais prend de plus en plus la forme de téléconsultations. Medgate traite jusqu!à quatre mille cinq cents consultations à distance par jour et Medi24 plus de trois mille. Les deux services se partagent le marché des caisses d!assurance maladie. L!activité
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s!est développée au point d!amener à débattre sur une révision de la loi sur l!assurance maladie pour rendre ou non obligatoire par les assureurs la couverture du conseil médical par téléphone. L!évolution d!un simple tri des patients à une véritable activité de télémédecine s!est faite en quelques années. Suivant les estimations, le problème médical d!un patient sur deux voire deux patients sur trois est entièrement traité à distance. D!ailleurs, depuis 2011, Medi24 lance un service de télédermatologie, les patients transmettant eux- mêmes leurs photos. L!Angleterre lance NHS Direct en 1997, service de conseil médical téléphonique, puis un site web depuis 2000. Ces services ont permis à un patient sur deux de se prendre directement en charge, évitant 1,1 millions de recours aux urgences et 1,6 millions de rendez-vous inutiles en cabinet médical, soit cent cinq millions de livres d!économie pour le système de soins. (19).
Ces cinq actes permettent de délimiter le champ de la télémédecine. Le terme « télédiagnostic », utilisé par les radiologues pour l!imagerie télétransmise ou par les anatomopathologistes pour l!interprétation d!un prélèvement est en fait la conclusion d!une téléconsultation ou d!une télé-expertise et non un acte à proprement parler. (23) Il était important de délimiter le cadre des actes de télémédecine pour clarifier la suite de ce travail.
37
3. Les enjeux de la télémédecine/ à quels besoins répond la télémédecine ? Voici les enjeux auxquels répond la télémédecine : Permettre la diffusion des connaissances médicales « J'ai présenté une stéatose hépatique qui s'est résorbée ; quand j'ai fait l'échographie il y a un mois, il n'y avait plus rien ; depuis je n'arrête pas de boire...est ce que cela peut être déjà revenu? » Voilà la question que Gwenaëlle, 35 ans, pose aux médecins du site Masantenet.com. Sur cette plateforme, un lien est créé directement entre les internautes et les professionnels de santé. Ces derniers proposent de l!information sur l!actualité médicale et sur de nombreuses pathologies, classées par thématiques. (53) Healthtap est le grand frère américain de « Masantenet ». Les fondateurs du site sont partis du constat qu!il était difficile d!obtenir de l!information fiable en ligne sur des questions de santé personnalisées. L!information obtenue est souvent trop générale et il est difficile de s!assurer qu!elle est digne de confiance. En 2010 une étude américaine (54) rapporte que plus de la moitié des adultes pensent que l!information délivrée par internet sur la santé est inutile alors que sur google c!est pourtant plus de 1,2 milliard de recherches sur ce sujet qui sont faites tous les mois. Maintenant, plus de dix sept mille médecins répondent aux questions de patients sur la plateforme de Healthtap, et des centaines d!institutions de soins donnent une information personnalisée, disponible immédiatement et gratuitement en ligne, ou sur des applications mobiles. (55)
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Pour le médecin, des outils qui peuvent être assimilés à des outils de téléexpertise se développent, notamment par le biais du téléphone portable qui est devenu le support idéal de tels outils. L!application Epocrates propose plusieurs outils diagnostics et thérapeutiques mais, mieux encore, elle permet d!identifier quel traitement est pris par le patient, en s!appuyant sur un descriptif du produit. « Mais si Docteur, vous savez c!est les pilules bleues, les petites que je prends en même temps que la trithérapie ? Ah zut mais comment s "appellent-elles déjà ? Mais si des comprimés un peu carrés… ». .. Voilà des hésitations que les praticiens entendent de plus en plus souvent de la part de patients polymédiqués. C!est sans doute la raison pour laquelle 45% des médecins aux USA ont téléchargé l!application. D!ailleurs, Epocrates propose aussi de vérifier les effets secondaires des traitements identifiés comme pris par le patient. (56) Au delà de ces logiciels, les évolutions de la télémédecine sont incarnées par la dimension participative introduite par le web 2.0. Des cercles de FMC en ligne se constituent et sont à l!origine de « cas cliniques 2.0 ». Quelques médecins sont les auteurs de
micro-publications sur Twitter.
Ils discutent entre médecins,
publiquement mais derrière un pseudonyme, d!anecdotes médicales ou même de vrais cas cliniques, et ce en moins de 140 signes (contrainte imposée par le site). Certains médecins ont fait de Twitter un vrai outil de télémédecine et se réfèrent en direct aux spécialistes présents sur le réseau quand ils ont besoin de compléments d!information. Par exemple, voici une observation postée par un généraliste sur le réseau : « homme 70 ans avec lésion sus-mammaire gauche d'allure suspecte existant depuis au moins deux mois...» une photo y est associée. Réponse d!un confrère quelques minutes plus tard : « on dirait un botryomycome. À enlever pour anapath. #Diag différentiel le spinocellulaire :/ tu nous tiens au courant ?». (19) Le
39
réseau Twitter s!est ainsi transformé en un vrai outil de télémédecine, minimal mais très distribué : si les pratiques sur ce réseau sont encore marginales, elles tendent à se développer, posant par là-même des problèmes de confidentialité des données sur un réseau où celles-ci sont entièrement publiques. Du point de vue du patient, le web santé représente un foisonnement d!informations disparates, et les pouvoirs publics comme le CNOM enjoignent aux professionnels de santé d!accompagner les patients dans leurs recherches sur le net pour promouvoir une information de qualité. Avec la télémédecine, c!est aussi la notion de « patient empowerment » (le pouvoir au patient) qui émerge. Les patients utilisant un dispositif de télésurveillance peuvent surveiller eux-mêmes leurs paramètres et évaluer la conduite à tenir à l!aide d!un protocole. Ces patients témoignent d!une meilleure compréhension de leur maladie et de la prise en charge associée. En outre, dans la plupart des projets analysés, les professionnels de santé y participant décrivent un enrichissement de leurs connaissances et de leurs compétences, en particulier via les téléconsultations. (40)
40
Un enjeu démographique : L!accès médical des zones défavorisées/ Offrir aux patients le bénéfice de l!avis d!un spécialiste/ Permettre aux médecins libéraux de discuter d!une prise en charge avec le CHU « An 18 year old pregnant married woman, in Iraq, suffering from severe preeclampsia. Her doctors wished to abort the baby in order to save her life. We put the doctors in touch with an Obstetric and Gynaecological Consultant in Leeds and a Specialist Anaesthetist in Spain. They both gave continuous advice by email on a daily basis for some 2 " weeks, until the foetus was viable, and a healthy baby was then delivered by caesarean section. Mother and baby went home. » Cette jeune femme fait partie des nombreux patients qui ont bénéficié de la « télémédecine low cost » mise en place par l!association « Swinfen Charitable Trust ». Cette association met en relation des praticiens des pays en voie de développement avec des médecins et chirurgiens qui donnent gratuitement leurs conseils. Un système de messagerie web sécurisée permet de transmettre des photos, de l!imagerie, du texte, à cinq cent vingt-deux consultants de 68 pays différents assurant une réponse en 1,8 jours en moyenne. (57) « Où que vous soyez… Un accompagnement psychiatrique de qualité » c!est ce que proposent aux expatriés les psychiatres et pédopsychiatres ayant signé une convention d!exercice avec Eutelmed. Le Dr Bernard Astruc, psychiatre et cofondateur d!Eutelmed, n!hésite pas à affirmer que « la psychiatrie est ce qui se prête le mieux à la télémédecine ». Toutefois la téléconsultation est-elle équivalente au face à face? Une étude canadienne incluant près de cinq cents patients a tenté de répondre à cette question en comparant les deux méthodes entre 2001 et 2004. L!amélioration psychique des patients, évaluée par questionnaire s!est avérée comparable entre le groupe consultation classique et le groupe téléconsultation. Il en
41
était de même pour le taux de satisfaction des patients par rapport à la technique employée. (58,59). En Guyane, un dépistage de la tuberculose systématique a été organisé après plusieurs décès suspect chez les Indiens wayana qui vivent au cœur de la forêt amazonienne. Chaque radio de thorax est transmise au CHU de Cayenne ou elle bénéficie de l!interprétation d!un spécialiste. La région Midi-Pyrénées permet d!offrir du recul sur ces entreprises de télémédecine. Le réseau de téléconsultations entre la ville et l!hôpital dans la région MidiPyrénées permet de modifier 28% des prises en charge choisies initialement par le médecin appelant.
Figure 4 : Représentation des résultats obtenues sur l’approche initiale du médecin appelant dans la suite d’une téléconsultation entre la ville et l’hôpital dans la Région MidiPyrénées. Analyse de 13521 dossiers entre Avril 96 et décembre 2007. Dans la région Midi-Pyrénées, c!est quasiment un transfert sur deux qui peut être évité (48% plus exactement) 42
figure 5 : Inidence de la téléconsultation et décision médicale de transfert ou non transfert sur les dossiers traités entre avril 96 et décembre 2007 dans la région Midi-Pyrénées.
Enfin les « pertes de chance » pour le patient ont été estimées dans la région MidiPyrénées. Elles ont été quantifiées en dénombrant les téléconsultations qui ont permis de rectifier un avis initial du médecin référent qui n!aurait pas estimé que le transfert était nécessaire. Il a été mis en valeur que 16% de téléconsultations représentent une « perte de chances » évitée.
43
figure 6 : Quantification du nombre de transfert décidé après téléconsultation dans la région Midi-Pyrénées entre Avril 96 et décembre 2007 (23,60)
Eviter les déplacements
inutiles
voire
dangereux,
gérer
les
maladies
chroniques, soutien à domicile « Monsieur H. 78 ans habite à Paimpol ; une ambulance l!emmène trois fois par semaine à 50km de chez lui pour être dialysé au CH de Saint Brieuc, c!est l!évolution d!un diabète de type 2 découvert à la cinquantaine qui a fini par avoir raison de ses reins. Et c!est toujours un peu compliqué d!équilibrer son diabète avec cette vie là… » La télédialyse améliore considérablement les conditions de vie des patients, qui peuvent être dialysés à des horaires acceptables pour leur âge, sur leurs lieux de vie. C!est l!expérience de la Bretagne qui a organisé pour les patients anciennement suivis au CH de St Brieuc des séances de dialyse à distance, assorties d!une téléconsultation du néphrologue à chaque séance. (40)
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En cardiologie, les apports de la télémédecine paraissent de plus en plus évidents. Le nombre de patients atteints d!insuffisance cardiaque et les coûts de l!hospitalisation liés à cette pathologie font de la télésurveillance une option à privilégier pour la prise en charge de ces patients. Le suivi d!indicateurs simples : poids, tension artérielle, fréquence cardiaque, électrocardiographie, ventilation à domicile permet d!activer des thérapeutiques simples et de prévenir les hospitalisations. De même pour l!HTA qui touche 10% de la population générale, la télésurveillance des chiffres tensionnels devrait permettre une meilleure adhérence au traitement et une diminution des complications iatrogènes. Enfin, la mise en place de la
télésurveillance des prothèses implantées (pacemakers, défibrillateurs) est
aujourd!hui très avancée et extrêmement impressionnante. Le site de la société française de cardiologie propose le téléchargement d!une charte de télécardiologie validée par le CNOM pour que les praticiens puissent organiser de tels suivis pour leurs patients. De plus, le suivi en télémédecine des DAI a été évalué dans une étude randomisée. Ce sont des données qui restent encore extrêmement rares pour les initiatives de télémédecine (pour la plupart récentes, ces innovations sont souvent mal évaluées). L!étude EVATEL, étude multicentrique française, incluant mille cinq cent un patients est la plus large étude randomisée évaluant la télécardiologie chez les porteurs de défibrillateurs. On ne retrouvait pas de différences entre les deux bras de l!étude concernant le critère de jugement principal : événement cardiovasculaire majeur et une diminution de 37% des chocs inappropriées (un des critères de jugement secondaires). D!autres évaluations, notamment médico-économiques sont désormais nécessaires. (61,62) Ophdiat est une autre application de la télémédecine, elle fait partie du programme de l!AP-HP, il s!agit d!une opération de dépistage de la rétinopathie diabétique. La
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rétine est photographiée par un professionnel paramédical qui assure la transmission sécurisée des clichés à Lariboisière. La qualité est assurée par une double lecture concordante. C!est « un gain de temps médical et organisationnel » témoignent dans leur présentation de mars 2012 Mme Chabouis, coordinatrice du réseau et Mme Buffet, consultante, pour la télémédecine dans le groupement hospitalier Saint Louis Lariboisière Fernand Widal. Le chef de service d!ophtalmologie à l!initiative de ce projet a d!ailleurs remporté le prix du manager public de l!année pour le réseau OPHDIAT. (40). De nombreuses propositions d!applications de la télémédecine ont d!ailleurs été évoquées lors de cette présentation (dermatologie, gériatrie, orthopédie, staff maladies rares…). Et les initiatives existantes sont trop nombreuses pour les citer toutes . La gestion des urgences « A 3h du matin, en dehors des urgences, le seul endroit qui vous reçoit encore c!est le commissariat, vous avez envie de vous retrouver chez les flics ? Alors toutes les nuits de garde que vous passerez dans mon service d!urgence, vous accueillerez chaque personne sans jamais remettre en cause la raison de sa venue » se plaisait à nous dire un chef de pôle avant le début de la garde dans un grand hôpital parisien. Bien sûr, face à des traitements sur des lieux de vie de plus en plus complexes, des patients âgés de plus en plus isolés, on comprend qu!on choisisse de se rendre dans un service d!urgence bien qu!il soit surchargé. Mais quel dommage d!ajouter aux problématiques existant déjà, celle d!une consultation supplémentaire à l!hôpital. La réponse aux patients est urgente mais un certain nombre de fois elle pourrait être
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faite par un simple appel téléphonique complété éventuellement par la vidéo pour adapter un traitement, rassurer, et épargner un stress supplémentaire à des personnes déjà malades mais aussi à des professionnels qualifiés, ressource humaine rare. La télémédecine constitue donc aussi une solution au problème de la gestion des urgences et de la répartition démographique inégale des professionnels de santé. Un des enjeux n!est pas l!adoption des technologies par toute les tranches de la population mais probablement plus un problème d!usage dans les populations les moins technophiles. Un constat similaire peut être fait en cabinet de médecine de ville, quand des patients s!ajoutent dans des programmes de consultations déjà serrés pour un problème qui aurait pu facilement être résolu à distance, par téléphone. C!est un des objectifs que le CNOM a énoncé dans son livre blanc au sujet de la déontologie médicale sur le web : il s!agit de « reconnaître l!acte de conseil par téléphone ou par courriel pour un patient habituellement suivi ». (19)
Gestion des situations de crises sanitaires Peu de temps après le séisme en Haïti, l!organisation d!une aide humanitaire sans précédent a été mise en place grâce aux technologies de l!information et de la communication. Des programmes de télémédecine ont été mis en place à partir du programme spatial à l!origine développé par la NASA pour les astronautes. Les volontaires médicaux étaient équipés de téléphones cellulaires comportant des appareils photos permettant d!organiser des téléconsultations avec d!autres centres médicaux en particulier à Miami. Les médecins ne sont pas toujours mobilisables
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pour un long séjour sur place dans un pays nécessitant une aide urgente ; toutefois, pour des consultations de télémédecine, ils sont le plus souvent prêts à aider. (63) D!autres outils ont été mis en place, notamment un outil open source développé par la société Ushahidi. N!importe qui en Haiti pouvait signaler un accident aux organismes
de
secours
en
envoyant
un
SMS
au
4636,
un
e-mail
à
[email protected] ou un tweet avec les hashtags #haiti ou #haitiquake. D!autres messages ont été des demandes à transmettre ou des messages à des proches. L!un des énormes enjeux qui a été tenu fut de traduire ces messages le plus rapidement depuis le français ou le créole et de les relayer à l!international. Des volontaires tout autour du monde ont été mobilisés pour cela. Voilà le genre de messages qu!ils traduisaient (les noms et numéros ont été effacés) •
“My name is Jean ____ my brother is working in Unicef and I live in C__ 11 A___ I have 2 people that is still alive under the building still ! Send Help!”
Ces messages permettaient d!organiser les soins médicaux en fonction de la gravité des patients signalés. Ce système pourrait s!apparenter à de la télérégulation d!une crise humanitaire. Les secours nécessaires à envoyer sur les lieux sont plus appropriés au type de sinistre quand celui-ci est identifié au préalable par les personnes présentes sur place. (64,65) D!autant plus que Google qui héberge des fichiers d!imagerie par satellite, a fourni des cartes de situation gratuitement pour l!organisation des secours médicaux en Haïti. Ces cartes de situations ont été communiqées aux bénévoles qui pouvaient les compléter en temps réel suivant les types de secours qu!ils jugeaient nécessaires.
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II. Qu!est-ce que l!humanitaire ?
Il n!existe pas de définition consensuelle de l!action humanitaire tant les réalités qu!elles recouvrent sont diverses. Toutefois les différents visages qu!elle a pris au fil du temps permettent d!en saisir les enjeux actuels. Nous aimons cette idée de l!humanitaire qui n!entre pas dans les schémas préétablis. On ne peut pas saisir ce qu!est l!action humanitaire actuelle, sans en connaître les déterminants historiques dont les conséquences perdurent encore aujourd!hui et sont à l!origine de nombreuses incompréhensions. Nous voudrions vous raconter l!histoire de l!humanitaire, cette histoire faite de visionnaires successifs, introduisant au fil du temps des concepts révolutionnaires dans des paysages qu!on pensait figés. Nous avons pu brièvement discuter de médecine humanitaire avec le Docteur JeanChristophe Rufin, ainsi qu!avec un de ses amis Monsieur Ryfman, qui dirige le master
Coopération
internationale,
Action
Humanitaire
et
Politiques
de
Développement de l!université Paris I. Une partie de nos propos fait référence à l!ouvrage L!Aventure humanitaire de Jean-Christophe Rufin (67) ainsi qu!à l!ouvrage de Philippe Ryfman Une Histoire de l!humanitaire. (66)
1. Les fondations de l!humanitaire : une naissance au carrefour d!enjeux religieux, politiques et philosophiques Les images de volontaires s!afférant sous des tentes, des caisses de matériel estampillé des logos des ONG, les stocks de vaccins et autres médicaments, sont les images qui sont associées aux initiatives humanitaires actuelles. Toutefois bien
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avant l!invention des « stages de formation/action humanitaire et préparation des volontaires au départ », les trois grandes religions du Livre participaient déjà aux fondements de l!organisation de ces initiatives désintéressées.
On parle de pratiquer la Tsedaka dans le judaïsme. Ce mot hébreu parfois traduit par aumône signifie plutôt charité, mais aussi justice, droiture et s!inscrit dans un contexte bien plus profond que la simple entraide. Le secours dû à l!étranger, l!orphelin, la veuve et le pauvre, selon l!ordre retenu par la Bible, va plus loin que le simple assistanat. Le judaïsme enseigne que les biens produits par la terre sont redevables à Dieu ; le grain est donc abandonné pour que le pauvre puisse conserver sa dignité en récoltant lui-même ce que Dieu veut lui donner. C!est ce qu!on peut lire dans ce passage du lévitique. Lev. 19 :9-10 : « Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champs sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. (…) Tu abandonneras cela au pauvre et à l!étranger ». Maïmonide, philosophe et médecin juif, a écrit le seul ouvrage traitant de tous les détails de l!observance du judaïsme. Il distingue huit niveaux de charité suivant le type de dons : allant du premier niveau : la « charité préventive » dans lequel il s!agit par exemple de donner du travail à l!indigent ou lui permettre de lancer une affaire en lui avançant des fonds. Ce concept est bien connu grâce à la sentence célèbre de Maïmonide : « Donne un poisson à un homme, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie ». Les autres niveaux, selon la forme du don fait, vont jusqu!au huitième ou l!on donne contre son gré.
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Le croyant musulman, quant à lui, pratique la « Zakkat ». Il s!agit d!une aumône qui constitue l!un des cinq piliers de l!Islam. Cette assistance aux plus démunis prend parfois la figure d!une imposition par les services fiscaux de certains pays musulmans. La Sadaqa est une vertu de l!Islam qui pourrait recouvrir la Zakat, sauf qu!elle ne fait pas partie des cinq piliers de la foi. Elle représente ce don de soi envers les autres et peut prendre toutes les formes possibles : préoccupation des autres par le dialogue, construction d!une maison, etc. Ce concept est une réalité si présente qu!il est à l!origine de la puissance financière du croissant rouge iranien, l!un des mieux organisés et des plus présents du monde musulman. (66)
Comme les deux autres grandes religions monothéistes, la charité chrétienne a permis de paver les fondations des débuts de l!action humanitaire. Max Huber, président du Comité International de la Croix Rouge de 1928 à 1944, le fait particulièrement remarquer dans son livre « Le Bon Samaritain : Considérations sur l!Evangile et le travail de la Croix Rouge ». Dans la parabole de la Bible, le Bon Samaritain n!appartient à aucune institution et procure son aide à une victime au nom de son humanité et non pour telle ou telle particularité. Le concept de charité dans sa forme chrétienne prend sa source dans la tradition juive. La charité est déclarée la plus grande des vertus par l!apôtre Paul. L!une des figures marquantes de ce concept est Saint Vincent de Paul. Il crée, au XVIIème siècle, en France, l!ordre des Filles de la Charité, l!œuvre des Enfants trouvés et l!ordre des Lazaristes. Ainsi, à travers ces différentes fondations, il s!occupe de tous les exclus de la société. Les différentes actions mises en place se doivent d!être très organisées pour être efficaces à grande échelle. Toutefois, en soulageant la misère, Vincent de Paul la désigne aussi. Il permet à la régente Anne d!Autriche et au Dauphin, futur Louis XIV,
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de reprendre à leur compte ces actions de charité pour en faire des moyens de contrôle politique et social. (67)
En effet, le Paris du XVIIème siècle attire, comme toute grande ville, des miséreux qui y voient l!espérance d!une vie meilleure. La capitale regorge de mendiants et des ghettos s!y développent. Le plus célèbre, la cour des Miracles, est situé près de l!actuelle porte Saint Denis. On estime qu!environ trente mille personnes y vivent (un chiffre énorme pour Paris qui compte alors cinq cent mille habitants). Henri Sauval, historien français du XVIIème siècle, connaît bien cette cour des miracles pour s!y être rendu lui-même et la décrit comme " une place d'une grandeur considérable et un très grand cul-de-sac puant, boueux, irrégulier, qui n'est point pavé, abritant plus de mille familles ". (68,69). Ces pauvres dont s!occupe Vincent de Paul, inquiètent les représentants de l!autorité, ils constituent une contre- société qui, pour une part, donne à Paris sa réputation de coupe-gorge. En 1656, le Conseil prend une décision extrême ; un édit royal annonce la création d!un « hôpital général des pauvres » qui regroupe plusieurs établissements de la capitale comme Bicêtre, la Salpêtrière. Cet hôpital devient le lieu d!enfermement des marginaux qui doivent fuir la ville s!ils ne se plient pas aux règles. Cette opération de grande envergure appelée « Le Grand Renfermement » contraste avec l!attitude d!assistance jusque-là privilégiée aussi bien laïque qu!ecclésiastique et illustre les rapports parfois étroits entre humanitaire et action politique. (67)
De la Renaissance aux Lumières, les bases de l!humanitaire se définissent hors de toutes références religieuses. Les idées humanistes qui germaient depuis la
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Renaissance trouvent leur aboutissement au siècle des Lumières et les rapports de l!homme au monde deviennent totalement différents. On cherche la figure de l!homme libre, la raison de l!homme se tend vers la conquête de sa dignité. Le plus grand questionnement philosophique sur la connaissance a pour objet l!existence ou non d!un monde ordonnancé par Dieu. Cette constance à percer les mystères d!un monde compréhensible par la raison humaine est un élément important de la constitution d!un nouveau courant de pensées. C!est l!avènement du sujet pensant en tant qu!individu décidant par son raisonnement propre et non pas sous le joug des us et coutumes. Les inégalités, sociales ou naturelles ne sont plus considérées comme héréditaires mais résultent de l!influence de l!environnement. Dans son essai « Was ist Aufklärung », Emmanuel Kant définira les lumières de cette manière : « Les Lumières c!est la sortie de l!homme hors de l!état de tutelle dont il est lui-même responsable ». D!ailleurs « Sapere Aude ! » (Aie le courage de te servir de ton propre entendement !) est connu pour être la devise des Lumières. (70) Ce renouveau intellectuel et culturel permet de redéfinir la notion d!amour de l!homme hors de toutes références religieuses. Le terme de charité est remplacé par ceux de « bienfaisance », « philanthropie » et surtout « humanité ». L! « humanité » est décrite dans l!Encyclopédie de Diderot et d!Alembert comme « un noble et sublime enthousiasme qui se tourmente des peines des autres et du besoin de les soulager ». Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, diverses philosophes des Lumières (Turgot, Lavoisier, Marat, Condorcet) participent à l!élaboration d!une « littérature humanitaire » qui traite de multiples sujets tel l!esclavage ou l!indigence. (65). Dans les textes de Voltaire et Rousseau, les appels à la bonté et à l!amour des hommes sont nombreux. L!héritage des lumières dans l!action humanitaire réside dans une contestation de l!ordre établi une contestation de l!ordre social bien sûr.
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Rousseau revendique avec constance l!égalité politique ce qui deviendra un idéal révolutionnaire. Plus que cela il s!agit aussi d!une contestation de l!ordre du monde : catastrophes naturelles, épidémies, famines ne sont plus des manifestations de la puissance divine mais des preuves que l!Homme doit compter sur sa raison pour faire face à ces fatalités. En 1755 le tremblement de terre de Lisbonne, à l!origine de 60 000 morts, est la première catastrophe naturelle de l!histoire à faire l!objet d!un débat public. Les Lumières s!insurgent contre le manque de moyens mis à disposition des victimes par la monarchie portugaise. (66) Ce souci de tous les hommes, propre à l!esprit des Lumières, reste à l!ère de la globalisation actuelle, toujours plus vrai. Par ailleurs, à partir de 1830 environ, avoir de « l!humanité » se dira « être humanitaire ». (67) Ces nouveaux concepts qui éclairent l!action humanitaire du XVIIIème siècle connaissent des échos considérables en France et en Angleterre surtout. Néanmoins, ils ne touchent qu!un public éclairé d!intellectuels, hauts fonctionnaires, et grandes familles aristocratiques ou bourgeoises. Le peuple, lui, n!est pas vraiment troublé par l!agitation de cette élite. La majorité des paysans, même français, n!a jamais entendu parler de Voltaire ou de Rousseau. La philosophie de l!égalité se heurte à l!édifice encore solide de l!aristocratie. C!est une révolution politique, la Révolution française, qui fait suite à la révolution philosophique des Lumières, et marquera une rupture radicale de l!action humanitaire avec le domaine de la charité chrétienne. La fin de l!ancien régime et le remplacement de la monarchie absolue par une monarchie constitutionnelle s!accompagnent d!abord de l!effondrement du système caritatif existant. Cette idée de l!action humanitaire indissociable de la démocratie n!en est encore qu!à ses balbutiements.
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En parallèle, outre Atlantique a lieu l!autre grande révolution politique de l!époque, la Révolution américaine, aboutissant à la création d!une nouvelle nation dotée d!institutions propres et d!une constitution inspirée des Lumières. Le retentissement de ces changements politiques fut considérable en Europe et en particulier en France. Les innovations intellectuelles qui forment aujourd!hui les valeurs américaines sont affirmées dans des textes de références (Constitution bien sûr mais aussi Déclaration d!Indépendance) : liberté, égalité, recherche du bonheur. Cette nouvelle démocratie donne un formidable élan à l!action humanitaire à travers l!engagement dans des associations : associations des femmes de la bourgeoisie bostonienne, des quakers, sociétés antiesclavagistes, … les initiatives sont innombrables.
2. Les débuts de l!action humanitaire AU XIXème siècle, Tocqueville fasciné par une telle mobilisation souligne le premier le lien entre construction démocratique et liberté associative. (62) C!est le commencement de l!histoire de l!aide humanitaire aux Etats Unis : des crédits de secours sont votés par le Congrès, une opération d!aide aux habitants de Caracas, victimes de tremblements de terre, s!organise. Historiquement il s!agit de la première action humanitaire internationale. La première initiative non gouvernementale transnationale a lieu en Grande Bretagne. Il s!agit de la lutte pour l!interdiction de la traite puis en faveur de l!abolition de l!esclavage. La British and Foreign Anti Slavery Society est créée en 1823, elle peut être considérée comme la première « pré-ONG ». A la suite de ses actions, seulement dix années après la naissance de cette association, l!esclavage est aboli.
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Le panorama de l!action humanitaire se constitue peu à peu. Parallèlement, apparaissent les personnalités marquantes de ceux qui ont apporté des solutions innovantes améliorant la condition des hommes. En 1853, la guerre de Crimée oppose l!empire russe d!une part et d!autre part, l!Empire ottoman, le Royaume-Uni, l!Empire français et le royaume de Sardaigne. Pour la première fois dans une guerre, un photographe est engagé par un gouvernement pour faire un reportage. Ainsi plus de trois cents photos sont réalisées autour de ce conflit par le Britannique Roger Fenton et sont à l!origine d!une immense émotion dans l!opinion publique anglaise. En effet, l!armée perd sur le terrain sept à dix fois plus d!hommes du fait de maladies infectieuses et de conditions d!hygiènes déplorables qu!à cause de blessures graves. L!infirmière Florence Nightingale, au début sans autre moyen que son incroyable aplomb et ses convictions hygiénistes très profondes, parvient à améliorer le fonctionnement des hôpitaux. Elle écrit un plaidoyer publié par le Times (qui faisait déjà figure d!institution à l!époque) pour obtenir une solution gouvernementale au mauvais état des installations des troupes en Crimée. Grâce à elle, les médecins militaires acceptent pour la première fois la présence de femmes -autres que des religieuses- auprès des soldats hospitalisés. L!application des recommandations sanitaires de Nightingale a des résultats spectaculaires. La première édition du Dictionary of National Biography (1911) affirme que le taux de mortalité des soldats est passé de 42% à 2%, grâce à ses améliorations en matière d'hygiène. La guerre de Crimée marque la naissance de l!association entre médias et humanitaire, entre mobilisation de l!opinion publique et organisation d!actions de secours. Plus tard Bernard Kouchner n!hésitera pas à dire que « l!information et l!humanitaire sont le remède contre les douleurs extrêmes ». Quant à Florence Nightingale, les effets des changements
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qu!elle a apportés sont encore présents aujourd!hui. Elle a jeté les bases des soins infirmiers professionnels et est à l!origine de la première école d!infirmières laïque du monde. (67,71,72) Une autre grande figure de la création d!action médicale mobile et de lutte contre les grandes endémies est le médecin militaire Etienne Jamot. Durant presque vingt ans, il sillonne la brousse, luttant contre la trypanosomiase africaine. Il constitue avec, en particulier, le Docteur Schweitzer - Prix Nobel de la Paix en 1952 - ces modèles de vies désintéressées, consacrées à un service humanitaire et partageant la vie de ceux qui sont secourus. Ces exemples souvent au croisement entre la figure du médecin et celle du missionnaire ne sont pas toujours sans lien avec une volonté d!expansion coloniale. Il reste que ce sont des témoins de l!importance de l!engagement individuel à l!origine d!une véritable action humanitaire.
3. De L!engagement personnel à la première organisation transnationale « Chaque crête de rocher est le théâtre d!un combat opiniâtre ; ce sont des monceaux de cadavres dans les collines ou dans les ravins (…) les blessés même se défendent jusqu!à leur dernière extrémité, celui qui n!a plus d!armes saisit à la gorge son adversaire qu!il déchire avec ses dents » Ainsi raconte Henri Dunant après avoir vu les quarante à cinquante mille blessés et morts qui se trouvent encore sur les champs de bataille de Solferino le 24 juin 1859 sans que personne ne leur prête assistance. Tout manque, puisqu!il n!y a que six médecins militaires français et aucune école ne formant à la profession d!infirmier en France (les principes de Nightingale n!ont pas encore traversé la Manche). Grâce aux femmes des villages voisins, Dunant improvise des soins sans faire de
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différences quant à l!origine des victimes ce qui est une innovation fondamentale dans l!action humanitaire. Effectivement cette manière de procéder dans un conflit nous paraît habituelle, c!était une extraordinaire avancée à l!époque. La deuxième très grande innovation qui apparaît dans cette même nuit du 24 juin 1859 est celle de la neutralité du sauveteur. Il devient possible de donner des soins sans crainte d!être capturé. Les sauveteurs ne sont donc pas forcés d!abandonner leurs blessés en cas de percée adverse. Enfin, Dunant, comme Nightingale, comprend qu!il faut utiliser les moyens de communications de masse pour faire pression sur les gouvernements. Trois années après les affrontements, toujours profondément marqué par ce qu!il a vécu, il publie « Un souvenir de Solferino », livre qui fait le tour de toutes les cours d!Europe. Victor Hugo, comme Charles Dickens en recommandent la lecture, plusieurs millions d!exemplaires sont diffusés. « Un souvenir de Solferino » permet à Dunant de faire aboutir une troisième idée révolutionnaire : celle d!une organisation des secours libérée de la contingence nationale. Il affirme que: « Si une société internationale de secours eût existé lors de Solferino, et si des infirmiers volontaires s!étaient trouvés à Castiglione le 24, le 25 et le 26 juin, ou Brescia vers la même époque, comme aussi à Mantoue ou à Vérone, quel bien inappréciable ils eussent pu faire ! ». (66,73,74,75). De la période allant de 1863 à 1914, la vision de Henri Dunant devient réalité par la création du Comité International de Secours aux blessés, qui devient le Comité International de la Croix Rouge (CICR) en 1875 -nom d!association encore en vigueur actuellement- et dont le rôle sera toujours plus opérationnel sur cette période. Dans l!année de la fondation du CICR, ses fondateurs réunissent quatorze gouvernements européens ce qui aboutit un an plus tard à la signature de la première convention de Genève. Convention qui comporte dix articles seulement, et
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qui vise à l!amélioration du sort des militaires blessés sur les champs de bataille. A partir de cette signature, le droit international humanitaire prend corps. Il est intéressant de noter que son origine est non gouvernementale mais qu!il est absolument dépendant de la parole donnée par chacun des états. En outre, ces premières fondations juridiques concilient d!étonnantes contradictions en voulant assurer le respect de la dignité humaine tout en ne se mettant pas en travers des « nécessités »
militaires
et
des
réglementations
propres
édictées
par
les
gouvernements en guerre et leurs forces armées. Les idées véhiculées par la Croix Rouge remportent un immense succès et rapidement de nombreux pays vont créer leur propre comité national de Croix Rouge ou de Croissant Rouge pour les pays musulmans. Lors de la première guerre mondiale, la Croix Rouge intervient à une échelle encore jamais imaginée. Les effectifs du personnel du siège sont de douze personnes en août 1914 ; puis deux cents en septembre et mille deux cents en 1918. L!American Red Cross déploie en Europe quatre fois plus de volontaires que n!en compte de soldats le corps expéditionnaire américain. Les Sociétés nationales ont mis à disposition des volontaires pour les services d!ambulances et autres activités menées derrière les lignes de front. Le CICR étend son action de protection aux prisonniers de guerre et ouvre un bureau pour les listes de prisonniers, l!envoi de colis d!articles de secours et de messages destinés aux civils très nombreux à être coupés de leurs proches. Le CICR reçoit en 1917 le Prix Nobel de la Paix. Au lendemain de la première guerre mondiale, la première organisation transnationale est portée par une très grande popularité. L!association crée une Ligue des Croix Rouge destinée à œuvrer en temps de paix dans des actions sur le long terme. Le CICR, quand à lui, reste garant du respect du droit humanitaire et de l!organisation
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d!actions en temps de guerre. Il se dessine déjà ces deux versants de l!action d!aide : l!humanitaire d!urgence et les opérations de développement. La Fédération Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, créée en 1919, assure la coopération entre ces différentes organisations humanitaires ; c!est la plus importante organisation humanitaire du monde. Néanmoins, l!organisation manque de bases juridiques et malgré tous ses efforts pour la protection des civils notamment, ces manquements auront des conséquences catastrophiques. C!est déjà le cas en 1921 lors de la famine en Ukraine, malgré la pureté des intentions du fondateur de la Croix Rouge, elle fait l!objet d!une manipulation politique déclarée de la part du régime bolchévique.
4. Le choc de la 2eme guerre mondiale et les limites de l!organisation Croix Rouge L!action de la Croix Rouge est controversée durant cette période. En réponse aux critiques, une enquête indépendante dont les conclusions ont été publiées en 1988 tente de clarifier l!action de la Croix Rouge en faveur des victimes des persécutions nazies. Effectivement, il s!agit d!une page d!histoire lourde à porter, dès le début de l!année 1942, la Croix Rouge Internationale est informée du génocide juif et choisit de se taire. Durant la seconde guerre, l!association organise un gigantesque système d!assistance similaire à celui mis en place durant la première guerre. Pour préserver cette activité de secours, la Croix rouge prend la décision dramatique de ne pas témoigner sur ce qu!elle sait des camps concentrationnaires. Les dirigeants suisses ne perçoivent pas la monstruosité du génocide ni le caractère dérisoire des actions humanitaires traditionnelles organisées d!une part. Et d!autre part, il apparaît aujourd!hui que le CICR a été instrumentalisé au profit de la neutralité suisse. En
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outre, la capacité des régimes totalitaires à se mettre hors la loi, le cynisme et la mauvaise foi des gouvernements mettent la Croix Rouge face aux limites de ses principes énoncés dans un climat d!honnêteté. Elle ne peut rien lorsque l!Allemagne nazie refuse aux résistants français et aux militaires polonais le statut de prisonnier de guerre. Elle s!adaptera par la suite aux changements annoncés par cette guerre en permettant au CICR un droit d!initiative qui lui permettra de n!être plus enfermé dans ses textes. Il a été reproché à la Croix Rouge, par la première convention de Genève, d!avoir voulu réglementer la guerre, et non de l!avoir prévenue ou condamnée. A la sortie de ce conflit mondial, de nouveaux types d!acteurs permettent de recomposer la scène humanitaire. (66,67,76,77)
5. Naissance de l!ONU et des associations humanitaires L!organisation des Nations Unies est créée en 1945, par les Etats-Unis et l!URSS, pour maintenir la Paix dans le monde et faire respecter le droit international humanitaire. Elle comprend plusieurs agences dont l!Organisation Mondiale de la Santé ; le Haut-Commissariat pour les Réfugiés, le Fond des Nations-Unies pour l!Enfance (UNICEF). Des organismes privés à but non lucratif issus d!initiatives privées comme publiques, fleurissent après la deuxième guerre mondiale. Ils seront vite identifiés sous le nom d!Organisations Non Gouvernementales. La multiplicité des engagements individuels est frappante, surtout aux Etats Unis. CARE (Cooperative for American Remittancies in Europe) nait en 1945, elle reste un des grands acteurs du paysage humanitaire moderne (mais elle s!appelle aujourd!hui Cooperative for Assistance and Relief Everywhere). OXFAM (Oxford Comittee For
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Famine Relief) voit le jour en Grande Bretagne en 1942, ce groupe milite dès sa création pour venir au secours des Grecs, victimes de la famine provoquée par le blocus des Anglais. Son opposition forte à la stratégie politique en place reste une des caractéristiques de l!association. D!autant plus qu!OXFAM compte toujours parmi les leaders mondiaux de l!action d!urgence. IRC (International Rescue Comittee) et CRS (Catholic Relief Service) sont d!autres organisations qui apparaissent pendant cette période. (66,78,79) Une mention particulière doit être faite pour l!association United Nations Relief and Rehabilitation Administration (UNRRA) qui, elle, est créée à l!initiative des alliés et représente quarante-quatre nations. Environ 20 millions de personnes bénéficient de son assistance en Europe et en Extrême-Orient. L!UNRRA organise le rapatriement de sept millions de réfugiés. Elle est, encore aujourd!hui, à l!origine d!une des plus importantes actions humanitaires de l!histoire. Elle sera dissoute fin 1946 au début de la guerre froide et partiellement remplacées par plusieurs agences (dont l!OMS) et le plan Marshall qui débute en 1948. (66,80)
6. Conflit du Biafra : un tournant pour l!humanitaire : le début des médecins sans frontières La guerre civile du Nigeria commence avec la sécession de la région orientale du Nigeria qui s!autoproclame République du Biafra. Le gouvernement central plonge la population dans la famine en organisant une répression brutale par blocus terrestre et maritime de la région et déclenche une guerre de reconquête de la province rebelle. L!ONU, dont un des rôles majeurs est de promouvoir l!application du droit international et la sécurité entre les nations, ne peut agir sur le conflit car il est intérieur au Nigeria. La population civile coincée dans la poche biafraise craint les
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massacres de la part de l!armée nigeriane et n!a d!autre choix que de soutenir le gouvernement du Biafra. Ces personnes enfermées sur quelques milliers de kilomètres carrés subissent une terrible famine et près de deux millions de personnes meurent de faim, de soif et d!épidémies. Du côté des ONG, les « french doctors », dont Xavier Emmanuelli et Bernard Kouchner, qui agissent sur place pour la Croix Rouge ou d!autres organisations internationales, sont bouleversés par les souffrances des civils, et rompent avec la tradition solidement ancrée de neutralité au CICR. Les médecins, majoritaires, mais rapidement rejoints par les journalistes, dénoncent ce qu!ils pensent être un génocide. Le lien humanitaire/média fait une nouvelle fois ses preuves. Toutefois l!analyse politique a posteriori montre qu!il ne s!agit pas d!un génocide mais d!une guerre totale. Les médecins témoignant sont devenus malgré eux les relais d!une propagande instrumentalisant les atrocités subies par les civils au profit des rebelles de la Sécession biafraise. Malgré tout, les « French doctors », Xavier Emmanuelli, Alain Deloche, Bernard Kouchner, sont à l!origine d!une évolution nécessaire du paysage humanitaire, ils fondent Médecins Sans Frontières en 1971. Le conflit du Biafra reste un tournant fondateur d!une nouvelle forme d!action humanitaire non gouvernementale. Ces nouvelles ONG ne respectent plus la neutralité et affirment que la solidarité n!est plus limitée par les frontières des états ni par les impératifs stratégiques et diplomatiques. Une des figures les plus notoires de cette mouvance « sans frontiériste » est Bernard Kouchner, l!un des douze fondateurs de Médecins sans frontières. Les ONG du mouvement des sans frontières se rendent indépendante des états en s!appuyant sur l!opinion publique et donnent une part importante à la médiatisation des actions. (66,79,81).
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7. Les mouvements sans frontières Lentement à partir de 1970 puis massivement dans les deux décennies suivantes de nombreuses ONG sont créées sur le modèle « sans frontières ». On ne compte plus les conflits qui explosent dans le monde à cette époque : guerre civile angolaise éclatant en 1975 lors de l!indépendance du pays, premier conflit armé au Darfour en 1987, la guerre civile précédant la chute de la République démocratique de Somalie et qui dure encore aujourd!hui, le conflit armé opposant entre 1978 et 1979 le Viêt Nam aux Khmers rouges suivi de la guerre civile au Cambodge qui dure jusque dans les années 90, le conflit qui ravage l!Afghanistan pendant 10 ans à partir de 1979, dressant les moudjahidines contre l!invasion soviétique, la révolution contre la dynastie politique des Somoza au Nicaragua en 1978. La liste se poursuit malheureusement longuement. Il s!agit essentiellement de conflits internes aux pays, de conflits dits de basse intensité, c!est à dire de niveau militaire faible, mais redoutables pour les populations civiles. La réponse humanitaire est longue à se mettre en place de la part de la Croix Rouge qui historiquement est dépendante d!un droit humanitaire défini entre états et n!est pas préparée à ces nouvelles demandes d!assistance. Quant à l!ONU, elle est paralysée car elle ne peut agir que dans les affaires mettant en rapports les états et non les affaires intérieures. Ce sont les volontaires de ces nouvelles ONG « sans frontières » qui sont partout, sur les zones de combats, avec les populations civiles éprouvées par les guérillas internes, dans les camps de réfugiés. 1960, c!est aussi l!avènement de la communication télévisuelle, avec le début officiel de la télévision en couleur en France en 1967. Des images de médecins partageant les souffrances des enfants du Soudan, de volontaires vivant dans le maquis Khmer Rouge, d!humanitaires distribuant de la
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nourriture à des femmes afghanes sont autant de représentations qui sont distribuées dans le monde entier par le petit écran. L!outil télévisuel privilégie l!information dans son instantanéité plutôt que l!analyse. La mise en scène de ces actions individuelles humanitaires dans des contextes d!urgence fascine. Les nouvelles ONG font preuve d!un talent, jusqu!alors rare dans le milieu associatif, pour la médiatisation. Il s!agit à la fois de témoigner, mais aussi de susciter des financements. En 1988 au Soudan, la guerre civile provoque une famine considérable. MSF soutient la population et lance un « Silence, on meurt ! » alarmant l!opinion publique sur la sévérité de la crise et l!insuffisance d!aide. La conjugaison du secours et du témoignage est fondamentale dans l!action de MSF. Dans cette association, il est affirmé que« Si nous ne sommes pas sûrs que la parole sauve, nous sommes certains que le silence tue». (82) Kouchner saura mettre des mots sur cette nouvelle médiatisation de l!action humanitaire moderne en la dénommant « loi du tapage médiatique » et en affirmant que « sans image, pas d!indignation ». Plus tard, Bernard Kouchner, alors ministre de la santé et de l!action humanitaire du président Mitterrand, inspirera une campagne de collecte de riz en 1992, par une mise en scène minutieusement préparée. Le « french doctor » est immortalisé par les journalistes, un sac de riz sur l "épaule sur une plage somalienne, après plusieurs prises de vues. Ce geste restera l!un des plus célèbres et des plus controversés de Kouchner, il lui vaudra le sobriquet « un tiers-mondiste, deux tiers mondains ». Toutefois le monde entier se souvient de cette demande d!aide pour un pays qui demeure, encore aujourd!hui, l!un des plus pauvres du globe. Le témoignage et le devoir de dénonciation tentent de s!opposer aux manipulations politiques et aux dérives humanitaires d!un côté. Sur l!autre versant, l!organisation de l!assistance doit nécessairement se faire en urgence et la recherche d!efficacité sur
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le terrain sont une priorité. La question de l!organisation de l!action humanitaire n!est pas résolue et reste une source inépuisable de débats dans les milieux tant associatifs que politiques ou journalistiques. Le couple média/humanitaire n!est pas prêt de se séparer avec, actuellement, la diffusion d!Internet en média de masse. La toile héberge, bien sûr, des sites proposant des formes d!engagement « à la carte » à l!internaute ; elle est aussi le lieu intarissable de diffusion de textes, images et vidéos provenant de personnels humanitaires mais surtout de n!importe quelle personne présente sur un lieu sinistré. Le flux d!information est aujourd!hui incessant et dépasse largement la durée de présence des journalistes sur les lieux de crises. (66,67).
8. Les frontières de l!humanitaire Le mouvement sans frontière connaît une première scission avec l!opération « Un bateau pour le Vietnam ». Ce projet, défendu par Bernard Kouchner a pour but d!affréter un bateau avec, à son bord, des personnels de santé mais aussi des journalistes, pour sauver les réfugiés en mer qui fuient leur pays et rendre compte de la situation. Ce projet donne lieu à une importante controverse parmi les dirigeants de MSF, certains jugeant l!opération trop médiatique. Kouchner et une quinzaine de responsables quittent finalement l!association pour fonder, en 1980, Médecins du Monde. Plus encore que ces divergences de points de vue dans l!organisation des secours, ce sont des difficultés plus internes que vont connaître les jeunes ONG qui se sont axées principalement sur l!humanitaire d! « urgence » aux dépens des actions de « développement ». Le caractère spectaculaire et les effets souvent immédiats des actions ponctuelles lors des crises aiguës est plus facilement mis en
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scène via les médias et provoque de grandes émotions dans l!opinion publique. Par conséquent, les dons sont largement captés pour ce type de projets, aux dépens d!actions dans la durée. En outre, les flux financiers et humains associés à l!activité humanitaire moderne sont une dimension à prendre en compte. Lors de la famine en Ethiopie des années 1984-1985, est illustré tragiquement le détournement de l!aide humanitaire. Les réactions du gouvernement éthiopien face à la famine sont condamnées par la communauté internationale. En premier lieu, les populations du nord de l!Ethiopie ont subi une politique de déplacement contraint vers le sud. Ensuite, les agriculteurs forcés de quitter leur foyer ont été installés dans des villages créés de toutes pièces et rassemblés autour des points d!eau parfois sans aucune autre infrastructure (écoles, services médicaux, …). Suite à cela, la productivité agricole a encore chuté. L!émotion internationale suscitée par les images de la famine amène les organisations humanitaires à intervenir en masse. Ainsi les secours apportés sont détournés par un gouvernement qui mène sa politique d!homogénéisation démographique. Les volontaires humanitaires participent à leur insu au déplacement forcé des Ethiopiens et 200 000 personnes meurent. L! « information spectacle » suscite l!émotion, brise les velléités des débats et les dons pleuvent sur les ONG qui agissent sans beaucoup d!esprit critique. Seuls les Médecins sans Frontières refusent de cautionner les agissements du gouvernement et sont expulsés d!Ethiopie. Lors de ces années 1984-1985, la chanson « SOS Ethiopie » écrite par Renaud, le disque « We are the world », enregistré par 45 chanteurs américains sont autant de mouvements d!artistes contre la famine qui permettent de récolter des fonds entièrement reversés à l!Ethiopie et pour une part mobilisés par un régime politique aggravant la famine. Ce désastre illustre malheureusement ce que peut être
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le « piège humanitaire ».(67) De nombreux conflits ne durent que par l!apport de secours humanitaires, certains gouvernements tirent profit des aides internationales qui leur sont fournies, des activités stratégiques et militaires se couvrent des estampilles des ONG reconnues comme protectrices depuis la Convention de La Haye sur les lois de la guerre (1907). (67).
9. Impasses et transformations de l!humanitaire moderne L!information spectacle s!associe à l!humanitaire qui se confond parfois malheureusement avec l!intervention militaire. C!est le cas en Somalie. La guerre civile s!est installée dans ce pays depuis 1991, les populations fuient les massacres et les pillages, les circuits d!approvisionnement sont désorganisés, c!est la famine. En 1992, le conseil de sécurité crée la première mission de l!ONU en Somalie mais elle est incapable de remplir ses objectifs. Les Etats-Unis proposent à l!ONU une intervention renforcée sous leur autorité avec un fort contingent US. L!UNITAF (Force d!Intervention Unifiée) est donc sous l!autorité de l!ONU mais avec un commandement autonome; sa mission est d!employer tous les moyens nécessaires pour instaurer aussitôt que possible des conditions de sécurité pour les opérations de secours humanitaires en Somalie . L!opération américaine est nommée « Restore Hope » et conçue dès le début comme très médiatisée avec sa ration d!images de marines débarquant de nuit sur les plages sous les projecteurs des journalistes. Le début de l!intervention est plutôt un succès, tant au plan des secours aux populations que de la reconstruction des infrastructures. Puis en 1993, cette croisade devient une lutte partisane contre l!un des leaders somaliens, le général Aïdid. La situation se dégrade et n!est plus une opération de maintien de la paix à laquelle l!ONU est rodée depuis 1956 (avec l!envoi des casques bleus entre l!Egypte et Israël). Les Nations
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Unies sont discréditées par leur intervention dans le jeu intérieur somalien. En outre devant la montée des tensions, les points de vue du Président Bush et du secrétaire général de l!ONU divergent. Certains contingents armés nationaux présents sur place en Somalie s!en référent à leur capitale plus qu!à leur commandement, les soutiens de la population locale sont faibles, la présence étrangère étant parfois assimilée à un néo-colonialisme, enfin les constructions claniques compliquées de la Somalie sont peu connues de l!ONU. L!ensemble de ces écueils analysés a posteriori permettent de comprendre comment les forces alliées ont fini par devenir un belligérant comme les autres en Somalie. La débâcle des troupes, en 1993, est un choc, en particulier pour les Américains. Un manuel retenant les points absolument nécessaires à la réussite des interventions internationales de maintien de la paix a été réalisé à la suite de ces échecs. Il souligne en particulier la nécessité de disposer d!un mandat clair, réaliste, exécutable et une planification reposant sur des informations sûres. (67,79,83–85). La politique étrangère des Etats Unis est réévaluée, ils abandonnent l!idée de faire du pays un agent de la paix dans le monde entier en ne souhaitant plus intervenir dans les « pays non stratégiques à la sécurité nationale américaine ».(85) L!année suivant le retrait précipité de l!ONU en Somalie, a lieu le début des massacres systématiques des minorités ethniques Tutsis au Rwanda. Le changement d!orientation internationale de la part des Américains expliquera leur immobilisme dans cette tragédie. En outre, cette nouvelle politique fait tache d!huile sur les autres états membres des Nations Unies qui sont très réticents à agir. La mission des Nations Unies pour l!Assistance au Rwanda est réduite de 2165 membres à 270 de 1993 à 1994. Une épidémie de choléra dans les camps de réfugiés attire finalement une aide humanitaire tellement désorganisée qu!elle aggravera un chaos déjà
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présent. Enfin, l!absence de volonté politique des états comme des Nations Unies de sortir les populations de la crise conduit certaines associations, comme MSF, à se retirer du conflit. (66,86) Il fallut du temps pour que des enseignements soient tirés de ces échecs. Le droit d!ingérence n!est pas une notion nouvelle mais permet une évolution de l!humanitaire moderne. Il apparaît en 1979 dans la bouche d!un philosophe : Jean-François Revel. Le concept est développé par Bernard Kouchner et Mario Bettati. Il s!agit de la reconnaissance
du
droit
qu'ont
une
ou
plusieurs
nations
de
violer
la
souveraineté nationale d'un autre État, dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale. (87) Il est complété par un autre concept, « la responsabilité de protéger » lorsqu!un Etat se montre incapable ou non désireux de protéger sa population face aux crimes les plus graves. Cette disposition est adoptée officiellement en 2005 lors d!un des plus grands rassemblements de chefs d!Etats et de gouvernement de l!histoire au 60ème sommet mondial des Nations Unies. (88) En 1994, au Kosovo, c!est avec la politique que l!humanitaire se confond. L!humanitaire justifie cette fois le recours à la force contre le régime de Belgrade. Le ministre anglais Tony Blair va jusqu!à employer le terme « guerre humanitaire » pour qualifier le conflit. Un objectif militaire et politique précis est donné aux casques bleus : protéger la population albanophone du Kosovo. Les forces de l!OTAN attaquent alors la Serbie et le Kosovo pour interrompre la répression qui s!abat sur ces populations. A la fin du conflit entre la Serbie et l!OTAN, c!est Bernard Kouchner qui devient le représentant spécial des Nations Unies au Kosovo et qui engage un processus de reconstruction du pays. Il écrit alors : « Je n!ai jamais été plus heureux qu!au Kosovo. Je m!y suis senti utile, animé par deux convictions qui n!en sont
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qu!une : l!humanitaire c!est de la politique ». (66) Nous pouvons souhaiter qu!au contraire l!humanitaire prenne dans notre siècle une place distincte des stratégies gouvernementales et militaires, clarifiant le rôle de chacun. Ces transformations progressives de la réalité de l!humanitaire sont à l!origine d!une maturité et d!une plus grande lucidité des acteurs qui, forts de ces expériences, sauront rester vigilants contre les manipulations qui peuvent gangrener les secours organisés.
10.
L!humanitaire au XXI ème siècle
Les crises qui marquent le début de notre siècle et où les secours humanitaires apportés sont déterminants sont déjà nombreuses. Toutefois à l!ère de la globalisation plusieurs évolutions sont intéressantes à repérer. Après le passage du séisme de 2004 dans l!Océan Indien, un tsunami allant jusqu!à 35 mètres de hauteur touche les rivages de l!Indonésie, du Sri Lanka, du sud de l "Inde et de l!ouest de la Thaïlande. Près de 250 000 personnes sont décédées ou disparues. Il s!agit du tsunami le plus grave de l!histoire et la mobilisation internationale est la plus importante de l!histoire de l!aide humanitaire. L!information est relayée via internet en plus des médias traditionnels et ce sont plusieurs centaines de millions voire des milliards de personnes qui sont touchées par la nouvelle. Les fonds récoltés sont aussi sans précédent, 13,5 milliards de dollars recueillis en 6 mois. Pour la première fois, toutes les phases d!aide - de l!urgence au développement- sont couvertes, elles étaient estimées à 13 milliards de dollars. MSF suscite une vive polémique en déclarant dès janvier 2005 que l!ensemble des sommes reçues ne serait pas dépensé. L!ONG demande à ses donateurs l!autorisation d!utiliser le surplus des dons sur des crises moins médiatisées, au
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Darfour et au Congo en particulier. MDM suit la même procédure. Les critiques sont nombreuses pour le président de la Croix Rouge Française qui choisit de placer une partie des fonds collectés non dépensés sur des comptes bancaires en vue d!organiser une aide durable au développement. La reconstruction économique et sociale des pays fait partie des nouveaux concepts de l!aide humanitaire moderne qui est de moins en moins segmentée entre action d!urgence et de développement. (66,89,90) Les associations issues du mouvement sans frontières s!organisent progressivement pour intégrer les actions de développement à leur programme d!action. Ainsi, La Chaine de l!espoir, permet d!opérer en urgence des enfants ne pouvant pas bénéficier de chirurgie appropriée dans leur pays et met son expertise au service des enfants victimes de catastrophes humanitaires. L!association permet aussi aux équipes médicales locales de se former, de s!équiper et intervient dans la scolarisation des enfants. L!aide humanitaire de développement prend même véritablement son envol au XXIème siècle avec l!adoption par les Nations Unies lors de la déclaration du millénaire en 2000 fixant huit objectifs pour le développement. Cette déclaration fait franchir un pas important dans la direction des personnes qui n!ont pas accès aux biens et services essentiels en adoptant une série d!engagements en leur faveur. En mettant en avant la partie développement de l!aide humanitaire, ils permettent aussi de promouvoir les actions sur le long terme impliquant la population et les institutions locales. Les objectifs du millénaire en terme de santé sont de réduire la mortalité infantile et d'améliorer la santé maternelle, de combattre certaines maladies en particulier: le paludisme, le VIH/SIDA, la tuberculose. Le 8ème objectif du millénaire est de mettre en place un partenariat mondial pour le développement. L'ONU propose aux pays de mettre en place une coopération avec le secteur privé, pour
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permettre aux TIC d'être à la portée de tous. Ce qui continue d'être mis en avant par le sommet du G8 où il a été promis une aide aux pays en développement dans l'accès aux soins de santé pour tous.
Le web réagira aussi pour le séisme qui touche Haïti en 2010, coupé de moyens téléphoniques et dont l!aéroport est fermé. Une poignée d!internautes haïtiens témoigne de la réalité de la situation sur Facebook, Twitter, Youtube ou Daily Motion. Ils permettent une mobilisation de l!aide internationale ; Haïti restera relié au monde grâce au satellite, via internet. Carel Pedre, un journaliste haïtien, est le premier à rapporter les dégâts, ses messages sont connus dans le monde entier, voici le genre d!information qu!on pouvait obtenir sur twitter : « DIGICEL IS WORKING! CALL UR FAMILY NOW!! » Digicel est une compagnie téléphonique locale, cela annonçait des possibilités de communications avec le pays et d!organisation des secours. (91,92). L!organisation des Nations Unies s!est rapidement mobilisée pour organiser l!aide humanitaire mais plus encore c!est le Président Obama qui a pris les rênes des opérations (quatre mille six cents hommes sur le terrain ; dix mille cinq cents en mer pour les appuyer ;167 millions de dollars d!aide). De nombreuses nationalités ont exprimés leur solidarité avec Haïti, la nation américaine a renoué avec l!image d!une intervention basée sur l!assistance et non sur l!affrontement armé et marque une nouvelle rupture avec la politique extérieure précédemment mise en place (invasion de l!Afghanistan et de l!Irak justifiée par une doctrine de guerre contre l! « axe du mal »). (93) Les TIC changent l!organisation de l!aide mais pas encore totalement. Plus de neuf cents associations sont présentes sur les lieux du sinistre mais elles ne sont pas coordonnées et symbolisent autant de méthodes et de buts différents. John Holmes, sous- secrétaire aux Nations Unies se plaint que de petits progrès
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seulement sont faits sur la zone critique du tremblement de terre. Il est encore difficile de savoir avec précision où les secours sont nécessaires et la nature des aides demandées. Les retours des personnes aidées sont indispensables, et encore maintenant où beaucoup d!Haïtiens n!ont pas pu retrouver des conditions de vie décente. (94) Les TIC sont un enjeu de taille pour l!organisation de l!aide.
En outre, le niveau de compétence des travailleurs humanitaires augmente, en réponse à la complexité de la question humanitaire. Des métiers spécifiques sont créés, les associations d!aides empruntent de plus en plus au fonctionnement des entreprises classiques pour améliorer efficacité et spécialisation du service fourni. Professionnels des TIC, du marketing, de la gestion, des ressources humaines, le nombre de salariés dans l!humanitaire augmente. Et ce sont, dans les ONG les plus modernes, les chasseurs de têtes qui recrutent ces nouveaux acteurs du monde associatif. Les situations de crises étant de plus en plus complexes, la seule affinité avec la cause défendue n!est plus un critère suffisant pour travailler dans ce milieu malgré l!exigence de l!engagement personnel. (66,95) Dans le nouveau paysage humanitaire, les assises du Droit International Humanitaire sont plus solides et le fruit des réflexions engagées à l!épreuve de la confrontation tant avec les régimes totalitaires qu!avec la souveraineté absolue des Etats. Le mouvement Croix Rouge/Croissant Rouge est à l!origine d!un code de conduite humanitaire fournissant des principes aux volontaires intervenant sur place : Les principes d!humanité, d!impartialité, de neutralité, d!indépendance et de responsabilité humanitaire. (66) Malgré les écueils et les transformations qu!a pu connaître l!action humanitaire au fil de son histoire, elle incarne toujours aujourd"hui cette morale en acte de
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l!engagement et du courage. Elle reste sans doute investie de cette espérance d!un monde meilleur lorsque le monde politique n!est plus à même de répondre à cette attente.
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III. En quoi la télémédecine répond-elle à une vraie demande des humanitaires ? Nous nous intéressons ici aux applications que peut avoir la télémédecine pour l!humanitaire de développement, où son utilité peut être au premier abord questionnée. Il y a de nombreux problèmes d!inégalité à l!accès aux soins dans les pays en développement (PED), auxquels la télémédecine peut apporter une réponse.
1. La vision globale Bien qu!il y ait eu un progrès significatif dans la plupart des pays sur ces trente dernières années, les conditions fondamentales de santé ne sont pas encore remplies dans un certain nombre de pays. La plupart des morts et des maladies parmi les populations pauvres des PED sont dues à des problèmes qui ont des solutions connues et pour qui une prévention est possible. Néanmoins la santé est toujours très inégalitaire dans les PED, et même de plus en plus inégalitaire entre riches et pauvres, à l!intérieur même des pays. Cette division est sensible dans les pays dits « pauvres », qui font face à des maladies infectieuses, à une mortalité infantile et maternelle élevée, à des épidémies de SIDA et à la montée rapide de maladies dues à la pauvreté. Dans beaucoup de ces pays, l!accès aux soins est difficile ou impossible pour ces populations, notamment à cause d!un manque de professionnels de santé, malgré les tentatives plus ou moins bien fondées des gouvernements pour établir des systèmes de santé égalitaires. Sur les dix dernières années, le développement de ces systèmes de santé s!est accompagné d!un développement beaucoup plus rapide des Technologies de
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l!Information et de la Communication (TIC) dans ces mêmes pays, qui a permis une baisse très importante du coût des télécommunications. Ces technologies sont très prometteuses pour les secteurs de la santé partout dans le monde.
En 2007, on a demandé à Lord Crisp, Professeur honoraire à la London School of Hygiene and Tropical Medicine comment l!expérience et l!expertise des pays développés pouvaient être utilisés pour améliorer l!offre de soins dans les pays en développement, et plus spécifiquement pour les faire progresser vers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (qui sont, nous le rappelons : réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre certaines maladies en particulier: le paludisme, le VIH/SIDA, la tuberculose). Lord Crisp a déclaré qu!il n!y aurait pas de progrès à moins: -
que les PED puissent prendre l!initiative de développer leurs propres solutions, et qu!ils soient aidés par des partenaires locaux et internationaux.
-
que les pays développés saisissent l!opportunité (et la responsabilité) d!aider à former, éduquer et employer des professionnels de santé dans les PED.
-
qu!il y ait des recherches et des évaluations plus rigoureuses en termes de bonnes pratiques, d!utilisation de nouvelles informations, de communication. (96)
Clairement, la télémédecine peut jouer un rôle majeur pour faciliter toutes ces activités. Imaginez le paysage médical mondial si chaque hôpital des pays occidentaux était relié à des hôpitaux dans les PED et qu!avait lieu un partage de l!expertise de chacun. L!intérêt est de taille pour ceux qui veulent apprendre des pays développés mais aussi pour ceux qui veulent apprendre des PED. En ce qui
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concerne les pays développés, il s!agit d!apprendre ces pathologies peu fréquente chez eux, mais aussi de mieux connaître le monde qui nous entoure en comprenant les déterminants socioculturels des patients soignés, leurs représentations, et celles des médecins. Les systèmes de santé des pays riches peuvent trouver des orientations pour une meilleur gestion des ressources en étudiant les soins organisés dans un contexte médical à moyens restreints. Les TIC et la télémédecine ont un potentiel très intéressant pour fournir un apprentissage mutuel entre Nord et Sud et une collaboration mondiale en matière de e-santé : la télémédecine pour changer la manière dont on perçoit le monde. Si ce tableau semble un peu idyllique, nous n!en sommes qu!aux premiers jours de la télémédecine humanitaire. L!enthousiasme et la vision des pionniers sont très motivants et rappellent ceux des pionniers de l!humanitaire sans frontières. Les contraintes politiques, techniques, financières auxquelles les médecins locaux doivent faire face quotidiennement, leur capacité à chercher à obtenir le maximum d!information de l!extérieur dans des conditions difficiles, sont aussi une inspiration pour nos systèmes de santé dans les pays riches : avec l!augmentation des coûts et de la demande dans le monde développé, il est très probable que d!ici quelques années, il nous faudra trouver dans ces modestes initiatives des leçons.
Les considérations qui vont suivre font apparaître le cadre (changeant) dans lequel peut évoluer la télémédecine humanitaire.
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2. Les applications de la télémédecine pour l!humanitaire de développement Les applications des TIC dans le domaine de la santé en PED sont extrêmement enthousiasmantes.
Richard
Wootton,
médecin
australien
spécialiste
de
la
télémdecine en PED, notamment à l!origine de la rédaction des journaux Telecare and Telehealth a recensé plusieurs de ces applications dans l!ouvrage « Telehealth in the Developing World ». (97) Il fait contribuer soixante personnes dans cet ouvrage, des personnalités diverses aussi différentes que les figures politiques du ministre de la santé au Sri Lanka Pamitha Abeykoon, le ministre du travail italien Gianfranco Costanzo, des personnes issues de l!OMS ou d!ONG, ainsi que de très nombreux professionnels de santé du monde entier qui montrent la diversité des profils liés à ces sujets. Nous avons pu référencer plusieurs applications de la télémédecine pour l!humanitaire de développement, notamment à travers les cas présentés dans cet ouvrage. L!accès à l!information et à la connaissance. L!amélioration de l!accès aux informations de santé est évident tant au plan de la diffusion de littérature médicale que de l!amélioration de l!evidence based medecine. La diffusion des méthodes de recherche et des résultats, la collaboration entre médecins et professionnels de santé, permet une amélioration significative du diagnostic.
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Pour les PED cela signifie un désenclavement de communautés de santé parfois très isolées, un perfectionnement des enseignements diffusés dans les universités, et un meilleur niveau de preuve des résultats de la recherche. Un des exemples frappant de ces évolutions en est donné par l!association Swinfen Trust. Swinfen Trust est cette association qui met en relation par mail des médecins locaux en PED avec des médecins spécialistes du monde entier, nous l!avons évoqué dans la partie I.3. Leur partenariat avec MSF leur a permis de collaborer dans les soins d!enfants à travers le monde : des chirurgiens maxillofaciaux se sont ainsi mis en relation pour soigner dès la naissance une macroglossie très délabrante, une tumeur de l!œil chez un garçon de 4 ans ou discuter de la hauteur d!une amputation de jambe chez un garçon népalais de 11 ans présentant une plaie par morsure de serpent depuis 25 jours. (98) R. Wootton et L. Bonnardot estiment, dans l!article Telemedicine in the humanitarian field (98), que dans les pays en voie de développement, lors d!une consultation sur 100 environ, un deuxième avis serait nécessaire. Ce qui représente environ cinq millions de demandes d!avis par an. Or aujourd!hui seulement cinq mille demandes sont faites tous les ans sur les réseaux de télémédecine. Leur analyse révèle donc que seulement 0,1% des demandes de deuxième avis sont couvertes. Il s!agit d!ordre de grandeur et non de données précises. Toutefois, ces estimations mettent en évidence le besoin d!interactions entre médecins et laissent imaginer les solutions à mettre en place pour y répondre. Si l!évalutation était faite en ce qui concerne les besoins d!avis médicaux en premier recours par les patients, nous pouvons supposer, que les chiffres seraient dix ou cent fois plus importants que le nombre de second avis nécessaires.
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C!est pour satisfaire ces demandes que La Chaine de l!espoir permet non seulement à des enfants d!être soignés en France mais aussi de diffuser des connaissances médicales par télémédecine pour répondre à une demande croissante des soins. Des téléconférences sont organisées pour la préparation de la mission entre des chirurgiens français et l!équipe locale en Afghanistan, en Irak ou en Colombie. (99) Recueil d!indicateurs de qualité Les indicateurs de qualité et de suivi des tendances sont enrichis par les technologies de l!information. Le recueil des indicateurs de santé publique est facilité, le maniement des données est plus aisée pour mettre au point des modèles expliquant les tendances de santé, en analyser les déterminants, et les implications possibles, ce qui est crucial pour certains des PED qui avaient auparavant peu de suivi en la matière. C!est encore un soutien pour la recherche et la politique de santé publique. Il est aussi prouvé que l!utilisation des TIC diminue les erreurs par des mesures enregistrées, fiables de paramètres essentiels, le monitoring des soins et encore une fois la diffusion des connaissances. Une application impressionnante du service a été développée autour d!une des priorités de l!OMS : le traitement des trois millions de personnes vivant avec le VIH et l!augmentation à l!accès aux traitements par antirétroviraux. C!est un enjeu de taille lorsque dans de nombreuses régions du monde les traitements sont limités et que les personnels de santé prenant en charge les patients séropositifs ne sont pas des spécialistes. Un service de télémédecine international contenant des informations, des recommandations et une possibilité de partager des données entre confrères pour le VIH a été mis en place par les Nations Unies et analysé entre 2003 et 2008.
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Les médecins de plus de trente-cinq PED se sont servis de ce service. 67% des professionnels utilisateurs ont rapporté que les avis dispensés par le service étaient utiles pour au moins trois-quart des patients. (97). Amélioration de la prévention, de l éducation et de la sensibilisation L!amélioration de la prévention, de l!éducation et de la sensibilisation à des problèmes de santé publique de la population, des professionnels de santé, des chercheurs et des politiques est une autre évolution rendue possible par l!utilisation des TIC. L!éducation et la formation à la santé sont plus efficaces et plus efficientes grâce aux technologies. Les applications de santé proposées sont plus performantes, les populations touchées plus diverses et l!information délivrée plus adaptée et fiable s!affranchit des barrières du temps et de l!espace. L!accès aux soins est simplifié, en particulier pour les populations pauvres qui sont souvent jeunes et peu suivies par les professionnels de santé. L!exemple du service de télésanté développé en Colombie, mis en place pour répondre aux populations rurales, et développé plus tard dans cette partie rentre dans cette catégorie. (100)
L!éducation des patients revient également à les rendre plus autonomes, assistés par les technologies qui permettent de suivre un traitement à domicile, de rendre les soins de plus en plus personnalisés. C!est ce qu!on observe pour le diabète en particulier : l!utilisation des technologies permet aux patients de maîtriser de mieux en mieux la pathologie dont ils sont atteints et de les aider dans la gestion quotidienne de la maladie. Le patient télécharge gratuitement une application sur son smartphone depuis le site web www.diabeo.com. Il peut ensuite intégrer dans le programme la prescription du médecin, sa glycémie, son type de repas, le
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programme propose ensuite une ligne de conduite en termes de doses d!insuline. Dans le contexte des dépenses de soins énormes de l!assurance maladie pour le diabète, ce logiciel pourrait être le premier à être remboursé par l!assurance maladie. (101) Un meilleur travail en réseau entre professionnels en cas de catastrophe La télémédecine permet d!améliorer la collaboration et la synchronisation entre acteurs de soins. Cela permet aussi d!organiser des réponses appropriées face aux catastrophes naturelles et aux demandes de soins d!urgence. C!est d!ailleurs une priorité de l!OMS : renforcer l!accès aux TIC pour lutter contre les conséquences des changements climatiques. Le risque de catastrophe augmentant dans les PED comme dans les pays développés avec une augmentation de 192% notamment pour les populations vivant sur des littoraux sujets à des cyclones. Indépendamment des conséquences du changement climatique, il faut savoir que plus de la moitié des plus grandes villes du monde se trouvent dans des zones où le risque de tremblements de terre est très élevé. La majorité des pays ne disposent pas de systèmes opérationnels des pertes provoquées par les catastrophes ce qui ne permet pas de mettre en place une aide d!urgence rapidement. Seuls quarante pays possèdent un système d!inventaire de catastrophe. Pour l!OMS « le transfert des technologies et le partage du savoir sont essentiels pour progresser en matière de réduction des risques de catastrophe ». (102).
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3. Le contexte technologique L'utilisation des technologies de l'information et de la télécommunication peut permettre aujourd'hui à la médecine d'être réellement sans frontières. L!expansion des TIC dans les pays en développement crée un support technologique sans précédent pour le déploiement de services de télémédecine. Ces technologies ont connu une croissance extraordinaire sur les dix dernières années tout autour du monde, une croissance propulsée par des avances technologiques et des investissements économiques, qui ont permis l!intégration des TIC dans la vie quotidienne.
L!immense succès de la téléphonie mobile dans le Monde Dans son rapport 2012 sur le partenariat mondial pour le développement, l'ONU souligne que l'accès aux TIC s'améliore dans tous les pays même si des inégalités persistent. (102) Fin 2011 on compte six milliards d'abonnements à un téléphone mobile dans le monde. Ce chiffre croit très rapidement : il a augmenté de 20% par rapport à 2010, réduisant ainsi l'écart entre les pays en développement et développés. En décembre 2011, dans les pays en développement, près de quatre personnes sur cinq (79% précisément) ont un abonnement à un service de téléphonie mobile. Toutefois, dans les pays les plus pauvres du monde, seulement une personne sur trois peut utiliser un téléphone cellulaire en 2010. Dans le monde, le nombre d!abonnements pour 100 habitants est passé de 41,8% en 2006 à 86,7%
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en
2011.
Fig 7 : taux de pénétration des TIC (lignes téléphoniques fixes, téléphonie mobile, internautes, abonnements à large bande fixe et mobile) pour 100 habitants entre les années 2001 et 2011 dans le monde (102)
La fracture numérique dans le domaine de la téléphonie mobile se réduit depuis 2008. Dans les pays développés, le taux de pénétration des téléphones cellulaires mobiles est proche de la saturation. Le nombre d!abonnements n!a augmenté que de 1% entre 2009 et 2010. Dans les pays en développement, la croissance est très rapide et ne montre pas de signe de ralentissement. Le fossé entre pays développés et en développement se comble peu à peu.
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figure 8 : pourcentage de la population abonnée aux services de téléphonie cellulaire mobile et internautes dans les pays développés et en développement entre 2000 et 2011. (102)
Il faut noter que certains pays gardent un taux de pénétration bas en ce qui concerne les abonnements à des services de téléphonie cellulaire mobile. C!est le cas pour l!Océanie et l!Afrique subsaharienne dont le taux de pénétration est inférieur à 50% en 2010. En revanche, le taux de pénétration en Amérique Latine dépasse les 100%.
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Figure 9 : nombre d’abonnés à la téléphonie mobile pour 100 habitants dans les années 2000, 2009 et 2010 Le cas particulier de l!Afrique Avec un taux de pénétration de 73%, soit 735 millions d!abonnements, le succès rapide de la téléphonie mobile - croissance de 20%/an au cours des cinq dernières années - a démontré qu!il était possible d!établir en Afrique des modèles économiques rentables à destination du grand public (56 milliards de dollars de revenus en 2011, dont 49 pour les opérateurs). Même si les disparités restent fortes, l!usage des services mobiles se répand dans toutes les activités sociales et professionnelles, y compris en milieu rural. Le « m-
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banking » permet pour la première fois au plus grand nombre d!accéder à des services financiers, contribuant grandement à monétiser l!économie (le volume brassé par M-Pesa au Kenya atteint 30% du PIB). L!accès aux informations des marchés (ex : cours agricoles) améliore leur fonctionnement en réduisant les coûts de transactions. En plus de la santé, ces nouveaux services transforment également l!éducation et la vie démocratique. Une pénétration d!Internet en progression L'utilisation d'internet connait la même progression rapide dans les pays en voie de développement, mais un fossé persiste entre pays développés et en développement. Le nombre d!internautes dans le monde est de 2,4 milliards, cela veut dire qu!au moins un tiers de la population mondiale peut avoir accès à Internet. Il y a cinq ans il s!agissait d!une personne sur cinq seulement.
Figure 10 nombre d’internautes dans le monde pour 100 habitants en 2010. (102) Ces taux de pénétration ne rendent certes pas compte des accès mutualisés comme les cybercafés.
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figure 11 : Nombre d ‘abonnés aux réseaux fixes et mobiles à large bande dans les pays développés et en développement entre 2001 et 2011. (102) Les gouvernements et les investisseurs ont joué un rôle important dans la diffusion de réseaux à haut débit. Les abonnements aux réseaux fixes à haut débit ont plus que doublé ces cinq dernières années. Les réseaux internet mobiles connaissent une croissance bien plus dynamique que pour les réseaux fixes. On estime à 1,2 milliards fin 2011, le nombre d!abonnés actifs à un réseau internet mobile. La 3G, cette génération de normes de téléphonie mobile qui autorise un accès internet haut débit, se démocratise avec une couverture « 3G » proposée aujourd!hui par plus de cent soixante pays. Pour un très grand nombre de personnes vivant dans les pays en développement, le mobile, notamment avec des formules prépayées, devient le moyen le plus populaire d!accéder à internet. C!est une des particularités fondamentales de la diffusion d!internet dans ces pays : étant donné l!absence de réseaux filaires de téléphonie fixe, c!est avant tout par le téléphone mobile qu!internet va se populariser. L!action des régulateurs (gestion du spectre, concurrence) et
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l!investissement conduisent à une extension des couvertures 2G voire 3G et une diminution des coûts d!accès. D!autre part, le prix des terminaux mobiles est en baisse constante tandis que les contenus et services locaux se multiplient. (103) Lien entre TIC et développement
Un rapport de l!ONU de 2005 établit clairement le lien entre TIC et développement, à l!aide d!un indicateur composite appelé le « ICT Diffusion Index », qui prend en compte les dimensions complexes de l!accès, la connectivité et la politique technologique dans un pays. (104) L!index donne un score entre 0 (absence de diffusion des TIC) et 1(diffusion très satisfaisante), qui offre un statut général des différentes régions du monde. La figure 12 ci-dessous permet de met en rapport diffusion des TIC et taux de mortalité Le rapprochement est intéressant, bien qu!il ne permette pas d!établir de véritable lien de causalité entre la diffusion des technologies et le taux de mortalité. En effet, les TIC font parties d!un contexte général de développement qui en lui même améliore l!environnement et crée un milieu plus favorable pour la santé.
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Figure 12 : diffusion des TIC en fonction du taux de mortalité classé entre un stade 1 taux de mortalité très élevé et 5 taux de mortalité bas. (97)
L!OMS affirme que l!effet sur le développement que peut avoir l!accès des personnes à internet via une connexion mobile, est considérable. L!évolution de technologies sans fil à haut débit est clairement un des moyens pour atteindre les objectifs du millénaire en termes de développement. (102)
4. Le support politique : les gouvernements à l!origine de l!offre de soins en télémédecine Nous allons parler ici des enjeux du déploiement des TIC, socle nécessaire de la télémédecine et enjeu avant tout politique.
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La téléphonie mobile et les autorités de régulation Outre la politique de santé, les gouvernements ont la charge de créer un environnement favorable à la diffusion des nouvelles technologies : l!extension des TIC à tous les groupes sociaux dans le cadre de la croissance économique, le type d'accès et le réseau de communication mis en place, ainsi que la promotion de l!innovation dans ce domaine sont du ressort des politiques. Les autorités de régulation,
quant à
elles,
sont
comme
des
arbitres
sur
le
terrain des
télécommunications, leur rôle est complémentaire des ministères. Elles veillent à l!application
des
lois
édictées
par
les
politiques
sur
les
réseaux
de
télécommunication, et surveillent trois paramètres : la qualité du service, la couverture géographique et les tarifs. Les régulateurs sont indispensables pour un bon déploiement des technologies. En Afrique les régulateurs ont favorisé un véritable essor du développement des TIC ; pour 90% des pays africains, ce sont des autorités indépendantes des acteurs politiques, et c!est la seule région du monde qui atteint un tel niveau. Hamadoun Touré, premier secrétaire général de l!Union Internationale des télécommunications, est le premier Subsaharien à occuper cette fonction et y a été reconduit en 2010 après quatre ans de service. Il affirme que sans politique ambitieuse des états africains en faveur du haut débit, les objectifs du millénaire permettant par exemple la télémédecine ne seront pas atteints. Il ajoute « les Etats et les régulateurs doivent jouer leur rôle dans le domaine du haut débit, notamment en veillant à la baisse des tarifs pour rendre accessible internet au plus grand nombre. (105)
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Le Haut débit Au plan mondial, la plupart des politiques se sont axées sur la construction de réseaux hauts débits nationaux. Cela nécessite souvent de gros investissements, et lorsque les investissements privés sont limités, le secteur public construit et exploite les infrastructures lui-même. Ce fut le cas en Australie, en Malaisie et à Singapour. En France, au Kenya et en Thaïlande ce sont des partenariats public/privé qui jouent ce rôle. La commission européenne s!est aussi impliquée sur la question en distribuant des subventions directes garantissant l!accès aux réseaux haut débit. (102) Favoriser la concurrence dans le secteur des TIC Dans plus de 90% des pays du monde la concurrence est autorisée pour la prestation de ces services. En 2011, 92% des pays autorisent la concurrence pour les services 3G . Plus de 65% des prestataires dans le monde sont déjà privatisés. Certains pays enfin libéralisent leurs marchés en autorisant une participation majoritaire étrangère sur leurs marchés nationaux des TIC et en simplifiant leur régime de licences. Les e-administrations Des portails nationaux sur internet sont maintenant présents dans plus de 179 pays, avec des informations en particulier de santé accessibles à tous et dont la qualité est contrôlée. 70% des pouvoirs publics centralisent les informations pour la prestation de service en ligne sur un portail unique à partir duquel les citoyens ont accès à l!ensemble des documents en 2012 ; ils n!étaient que 26% en 2003. Ces changements accroissent l!efficacité des politiques mises en place et appuient la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement. (102) 93
5. Le support juridique l!humanitaire : droits responsabilités
de et
la télémédecine appliquée à obligations de chacun, les
Support juridique de l!action humanitaire en télémédecine Les actions humanitaires ne s!inscrivent pas dans un cadre juridique unique. Elles sont au carrefour du droit national et du droit international public, en particulier pour des branches spécifiques du droit international public : droits de l!homme, droit international humanitaire, droit pénal international. L!action humanitaire nationale ou internationale se déroule nécessairement sur le territoire d!un état. Nous avons détaillé le cadre juridique imposé à la télémédecine sur le sol français, étant donné que c!est un des états où le cadre juridique est très bien défini et que notre projet de télémédecine (détaillé dans la partie IV) est conçu dans l!hexagone. Comme le recommande le Conseil National de l!Ordre des Médecins (CNOM), une convention doit lier les médecins requérants, requis et les patients à travers le service de télémédecine proposé. Pour un service international, le problème de la juridiction compétente se pose. Une clause attributive de juridiction des cours compétentes doit figurer au contrat. (19). La télémédecine étant d!un usage récent, le droit l!encadre petit à petit mais certains aspects restent flous. Il est encore aujourd!hui difficile de trouver une assurance prête à couvrir un médecin participant à un service de télémédecine et encore plus un interne même sous la conduite d!un chef. Il n!a pas par exemple été possible à un interne de participer aux conseils donnés aux patients en ligne sur le site Masantenet.com jusqu!à aujourd!hui à cause de questions juridiques. Comme presque toujours, les pratiques innovantes émergeront et remettront en question le
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socle juridique traditionnel. Certaines précisions faites par le législateur ne manqueront pas de s!adapter à ce nouvel environnement dans les années qui viennent. C!est notamment la nécessité d!un cadre international à la télémédecine que nous esquisserons plus loin.
Le cadre juridique français de la télémédecine Le cadre juridique de la télémédecine en France n!est aujourd!hui plus un frein à sa mise en œuvre car il est bien défini. Le CNOM a exprimé son opinion et ses recommandations sur le sujet en 2009 en stipulant que « L!acte de télémédecine constitue un acte médical à part entière, quant à son indication et sa qualité. Il n!en est pas une forme dégradée. » (25) La loi du 13 août 2004 complète les dispositions précédentes en précisant dans son article 32 que la télémédecine permet « d!effectuer des actes médicaux dans le strict respect des règles de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité d!un médecin en contact avec le patient par des moyens de communications appropriés à la réalisation de l!acte médical. » et l!article suivant ajoute
que
« les
schémas
régionaux
d!organisation
sanitaire
intègrent
la
télémédecine. Chaque schéma définit les modes opérationnels pour répondre aux exigences de la santé publique et l!accès aux soins. » (106) Il est nécessaire de partir des cinq actes principaux de télémédecine pour lever les ambiguïtés qui peuvent persister tant les domaines concernés peuvent être vastes, même si la plupart des initiatives dans le cadre de l!humanitaire concernent principalement (pour le moment) la téléconsultation et la télé-expertise. La figure 1 résume quatre des principales applications de télémédecine et leur cadre juridique.
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figure 13 le cadre juridique de la télémédecine reprécisé par l’Agence National d’Appui à la Performance. (40)
La téléconsultation En ce qui concerne la téléconsultation, elle doit être de qualité au moins équivalente, sinon supérieure à la qualité de l!acte médical traditionnel. L!arrêt de la cour de cassation du 4 janvier 2005 rappelle que la télémédecine rend plus rapides et plus larges les possibilités d!accès aux soins et améliore donc les moyens dont dispose le médecin traitant du patient pour exercer son art. Bien sûr le médecin est tenu à une obligation de moyen et non de résultats. Jusqu!en 2004, la réalisation de l!examen physique au cours de la consultation était considérée comme la condition préalable et obligée à toute prescription de médicaments. La loi du 13 août 2004, en autorisant l!acte de télémédecine, met fin à
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l!interdiction de l!exercice médical à distance. Cette même loi reconnaît la délivrance d!une ordonnance par courriel, par un auteur bien identifié et dont l!intégrité et la confidentialité de la prescription soient bien établies. Un examen clinique du patient doit avoir été fait préalablement sauf en cas d!urgence exceptionnelle. Finalement, la télémédecine ne modifie pas l!acte médical usuel, elle permet de l!améliorer en le réalisant dans les situations qui améliorent l!accès aux soins, leur qualité, leur sécurité. Cela ne change pas ; le médecin agit toujours « sous contrôle de sa conscience et dans le respect des règles professionnelles » (Cour de Cassation 1er civ 28 juin 1989). La différence repose sur l!équipement nécessaire à une téléconsultation qui puisse permettre au médecin requis de dialoguer avec le patient de manière compréhensive et confidentielle et qui permet aux différents intervenants de se voir. Pour ce qui est de la nature des responsabilités engagées, il faut différencier les lieux, public ou privé, où une téléconsultation se réalise. Lorsque la téléconsultation a lieu entre deux établissements publics de santé, le cadre juridique est celui de l!exercice public de la médecine. Les établissements sont donc responsables des actes de télémédecine réalisés par leurs médecins. Parmi les missions du Service Public Hospitalier (loi hospitalière du 31 décembre 1970), il existe l!obligation d!adaptabilité aux meilleures techniques et aux meilleurs soins. Par conséquent, une convention entre les hôpitaux n!est pas nécessaire si la télémédecine améliore effectivement les soins. Pour une téléconsultation entre deux établissements de soins privés, les principes d!organisation sont les mêmes. Toutefois, il faut garder à l!esprit que le médecin requérant est alors lié par un contrat médical avec le patient hospitalisé mais que le médecin requis dans l!autre établissement n!a pas de contrat médical avec le patient.
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Le CNOM recommande donc de mettre en place un contrat entre les établissements comportant en particulier les obligations déontologiques des médecins téléconsultés. (107) La téléconsultation entre un établissement publique et un établissement privé ou entre praticiens libéraux est un schéma qui recouvre des rapports juridiques inédits jusqu!alors. Il s!agit d!une coopération entre des médecins autonomes les uns par rapport aux autres mais agissant conjointement pendant la téléconsultation. La nature juridique de cette coopération est nouvelle car le co-diagnostic et la coprescription n!existent pas en droit médical. Les médecins ont un statut juridique différent suivant leur cadre de travail et il est possible de différencier quand s!applique le droit privé et le droit public dans cette situation. Néanmoins, peut-être qu!à l!avenir le droit définira ce qu!est le mode collectif d!exercice de la médecine. Le patient peut aussi être seul, accompagné d!une personne de confiance ou d!un infirmier face au médecin téléconsulté. Ces consultations ont été mises en place en particulier pour le suivi de maladies chroniques. Le médecin requis utilise la visioconférence et utilise les données immédiates de l!interrogatoire. Une caméra mobile peut permettre de montrer certaines lésions dermatologiques ou vasculaires. Si un examen clinique est nécessaire, le patient est orienté vers une structure médicale proche du domicile du patient. L!enjeu de la mise en place d!une téléconsultation est de fournir les moyens permettant aux médecins téléconsultés de respecter les obligations déontologiques attachées à l!exercice de leur profession.
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La téléexpertise C!est un champ nouveau de la responsabilité médicale en particulier lorsque des praticiens de statuts juridiques parfois différents (publics et privés) collaborent pour élaborer un diagnostic et/ou une démarche thérapeutique à partir d!un dossier médical partagé. Cet acte de télémédecine doit être conforme à l!article 60 du code de déontologie médicale « le médecin doit proposer la consultation d!un confrère dès que les circonstances l!exigent ou accepter celle qui est demandée par le patient ou son entourage ». Le compte rendu d! un acte de téléexpertise doit comporter le nom et la signature de l!expert consulté. Le Conseil d!Etat estime que dans le cas le plus général, le médecin requérant est seul responsable de la décision diagnostique vis-àvis du patient, avec la possibilité d!engager une action contre le médecin requis dans le cadre de la responsabilité contractuelle partagée. Il est certain que les niveaux de compétence des médecins engagés dans la prise en charge du patient, intervient aussi. Cet exercice collectif de la médecine par téléexpertise est une pratique qui devrait s!étendre dans les prochaines années, compte-tenu de l!hyperspécialisation de la médecine. La jurisprudence ajustera certainement les responsabilités engagées de manière plus nette au fur et à mesure de l!évolution des pratiques. La télésurveillance La télésurveillance trouve une de ses principales applications dans le suivi des maladies chroniques. Le premier temps de cette pratique est le recueil de l!indicateur. Acte effectué par le patient ou par un infirmier. Ce dernier, professionnel de santé, engage sa responsabilité dans la réalisation de cette mission. Le métier d!infirmier évolue vers une plus grande autonomie au niveau des actes mis en place auprès des malades. Dans la télésurveillance d!indicateurs de maladies chroniques,
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cela pourrait se traduire par un plus grand nombre de patients traités à domicile. Le fait qu!un indicateur de santé soit télétransmis ne modifie pas les règles qui figurent dans le décret de compétence infirmier. Dans le deuxième temps de la télésurveillance, le médecin interprète l!indicateur. Il s!agit d!un acte intellectuel qui engage la responsabilité du médecin. La téléassistance Le régime des responsabilités est similaire à celui décrit pour la téléconsultation et la téléexpertise. Dans le cas où un médecin assiste un autre médecin par télémédecine (téléchirurgie, ou téléradiologie par exemple), les responsabilités de la démarche diagnostique ou de l!acte thérapeutique sont partagées. Dans le cas où un médecin assiste un infirmier (nous pouvons imaginer que ce soit en télédialyse), le médecin engage sa responsabilité sur le versant de l!assistance, l!infirmier est responsable de l!exécution de l!acte. La télérégulation Les réponses médicales fournies par téléphone aux appelants sont considérés aujourd!hui comme de simples conseils médicaux. Dans le futur, la régulation médicale pourrait évoluer vers la téléconsultation grâce à la visioconférence. La responsabilité juridique reviendrait à l!établissement hébergeur du centre de régulation médicale de la permanence de soins. (40)
Dans le soutien au déploiement de la télémédecine, le gouvernement propose des contrats de télémédecine-type disponibles sur internet.
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6. Support économique : quel modèle économique pour la télémédecine ? Un support économique durable est une des bases indispensables de la réussite d!une entreprise de télémédecine. Les concepts développés dans cette partie reposent sur ceux de l!ouvrage Les Grandes Entreprises et la base de la pyramide. Cinq histoires françaises coécrit par Laurent Guérin.
Le passage à l!échelle supérieure Un des enjeux des projets pilotes de télémédecine est de passer à grande échelle, ce qui implique que les projets soient économiquement viables sur le long terme. Pour obtenir des capitaux des investisseurs du secteur privé, les services de télémédecine doivent démontrer une efficacité et une pertinence tant en termes de santé publique qu!à des niveaux plus locaux dans des pays à moyen et bas niveaux de revenus. Les fonds privés peuvent être insuffisants ; dans le cadre de marchés trop incertains ou de très faible pouvoir d!achat des consommateurs, le secteur public devra soutenir ces services de télémédecine en limitant par exemple les coûts administratifs ou en engageant des partenariats public/privé. La santé faisant partie des piliers essentiels, au même titre que l!éducation, à la construction de toute société, les services de télémédecine doivent s"aligner sur un modèle économique équivalent et être soutenus par une politique de santé allant dans ce sens. Les services de télémédecine sont un bénéfice en termes de santé
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publique car ils permettent une diminution de la survenue des pathologies tout autant qu!une réduction des coûts de santé.
Le coût de la télémédecine Le coût d'un service de déploiement et de maintenance d'un service de télémédecine n'est pas négligeable. Etant donné que l'un des objectifs de ces services est de réduire le coût des soins, il est important de prendre ce paramètre en compte. Peu d'études existent cependant, qui analysent en détail le retour sur investissement financier des réseaux de télémédecine. L'analyse économique d'un système de télémédecine consistant en une communication vocale entre sept centres de santé et trente-deux postes de santé mis en place au Pérou montre un gain économique sur 4 ans positif. Le bénéfice économique net du service après 4 ans de service est clairement positif, montrant que les frais évités en termes de déplacement de personnel sont clairement supérieurs aux frais de déploiement et de maintenance de l'installation. (108) Cette analyse date de 2001, et les coûts de ces technologies sont encore décroissants. Le déploiement de réseaux mobiles à grande échelle a notamment permis une réduction du coût des communications par rapport aux précédents. Le coût technologique des infrastructures de communication est en baisse, de même que le coût des machines qui se connectent au réseau, qui suivent l'évolution du coût du matériel technologique. Les modèles Plusieurs modèles peuvent être proposés pour un service de télémédecine :
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- l!organisation à but non lucratif : le financement vient de donateurs ou d!instances publiques. L!avantage de ce modèle est de permettre un développement rapide par le réinvestissement des profits réalisés dans l!activité de télémédecine ; aux dépens des profits distribués à ses membres. - l!association à but lucratif : développant services et produits générant un revenu distribué aux investisseurs et au personnel. Une orientation philanthropique de ces associations peut pousser les investisseurs à prendre un risque en plaçant des capitaux dans de nouveaux marchés améliorant les services rendus. Difficile toutefois de trouver une très forte rentabilité dans les modèles à vocation humanitaire explorés dans nos travaux. - le modèle mêlant capitaux publics et privés : ce modèle est intéressant dans la télémédecine où l!implication du gouvernement est un prérequis, et où l!apport des secteurs privés de pointe dans les nouvelles technologies est tout aussi important. La rentabilité est un aspect important. - le business social : une nouvelle forme de modèle que nous détaillerons plus tard qui tente de créer une activité rentable économiquement mais dont le but est d'atteindre un objectif social et non des bénéfices pour les investisseurs.
Business sociaux : l'humanitaire par l'entreprise. Depuis quelques années, de nouveaux modèles économiques, adaptés aux contextes de la pauvreté, émergent. On assiste à un changement de paradigme retentissant. Le rôle des ONG et des états est de plus en plus contesté dans l!accès aux biens et services essentiels pour les milliards d!êtres humains vivant dans les pays en développement. L!idée révolutionnaire qui transforme la problématique de la
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réduction de la pauvreté est celle qui réconcilie l!homme d!affaire et le militant. L!idée, développée depuis les années 2000 par Coimbatore Prahalad, un universitaire anglo-saxon d!origine indienne et Muhammad Yunus, l!économiste Prix Nobel de la Paix et fondateur du micro-crédit, est d!appeler les grandes entreprises, en particulier celles qui sont implantées dans des secteurs critiques du point de vue humanitaire, à innover dans des modèles économiques adaptés aux contextes de la pauvreté. Le peu de dollars dont disposent les personnes pauvres est suffisant dans de nombreux cas pour les faire accéder durablement aux biens et services vitaux, si l!offre est adaptée au contexte : faible pouvoir d!achat, absence d!infrastructures, de réseau de distribution, culture différente. C. K. Prahalad, professeur de management à l!université du Michigan, est connu pour son livre « The Fortune at the Bottom of the Pyramid : Eradicating Poverty through Profits » (2004), la théorie développée en fait un penseur influent dans le monde de l!économie. Le marché « du bas de la pyramide » est constitué par ces milliards d!individus vivant avec quelques dollars par jour. Le rapport de la Banque Mondiale de 2008 (The developing world is poorer than we thought but not less successful in the fight against poverty) relève qu!1,4 milliards de personnes vivent sous le seuil de pauvreté international fixé à 1,25 dollars par jour et 2,6 milliards consomment pour moins de 2 dollars par jour (en parité de pouvoir d!achat). Pour Prahalad, cela représente un marché de 13 milliards de dollars dont le secteur privé, en particulier les multinationales, pourrait s!emparer. Cette logique « gagnantgagnant » bénéficierait donc aux entreprises qui bénéficieraient donc d!énormes gisements de croissance encore latents. Pour les clients pauvres, ce serait une amélioration de la qualité de vie par des produits adaptés mais aussi une création locale d!emplois qui découlerait du succès du projet. Ces intérêts mutuels
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garantissent la pérennité de l!organisation, à la différence du don, d!après l!auteur, penseur libéral. La clé est de baisser les coûts de production et les gains du pouvoir d!achat, l!accroissement du revenu réel conditionnant la sortie de la pauvreté. Les idées de Prahalad ont renouvelé totalement les politiques de pauvreté. La liste des sociétés qui ont tenté de mettre en place des solutions économiques qui servent le Base de la Pyramide est toujours plus longue. Parmi les grands groupes français, on compte : Danone, Veolia, Lafarge, Schneider Electric, Orange, Renault, Total, Axa, BNP Paribas, SFR, EDF, Sanofi-Aventis… Et dans le monde : Unilever, Cemex, Adidas, BASF, Coca-Cola, Procter&Gamble, … Très souvent, les objectifs sociaux de ces entreprises sont axés autour de la santé, un des enjeux sociaux prioritaires en PED. Et dans les faits, que deviennent ces promesses dans les mains des entreprises ? Etudions l'exemple d'une entreprise qui a fait le parti d'une initiative appuyée sur le système de santé local, et sur la télémédecine : Essilor. Essilor est le leader mondial de la fabrication de verres optiques. Claude Darnault, le directeur du développement durable de cette entreprise, résume les enjeux de cette manière : « Environ deux milliards de personnes dans le monde ont un accès normal à des professionnels de la vue, c!est à dire à peu près le tiers de la population mondiale. Plus de quatre milliards n!y ont qu!un accès limité ou inexistant. Aujourd!hui 2,4 milliards d!individus attendent encore de pouvoir améliorer leur vue». L!OMS s!était emparée de cette problématique en 1995 et a fixé comme objectif à l!horizon 2020 d!éradiquer la cécité évitable. Les troubles visuels étant provoqués majoritairement par deux types de pathologies: la cataracte et les erreurs de réfraction non corrigées. Jusqu!à aujourd!hui les interventions les plus célèbres en matière d!accès aux services de santé dans les PED sont l!amélioration de l!accès
105
aux interventions chirurgicales. Le groupement d!hôpitaux indiens Aravind et Sankara Nethralaya a pris en charge le transport et l!hébergement de patients des zones rurales et proposé des opérations de la cataracte « à la chaîne » avec un taux de réussite supérieur à la moyenne des hôpitaux français. L!Inde se rapproche des objectifs de l!OMS sur le traitement de la cataracte mais pas pour les troubles de la réfraction, avec 78% des Indiens qui ne sont pas équipés de lunettes par manque d!accès aux soins. Essilor a choisi de s!appuyer sur son réseau de professionnels de la vue, locaux, pour construire une offre adaptée aux marchés du bas de la pyramide. Le groupement hospitalier Aravind et Sankara Nethralaya réalise dans les zones rurales des examens de télédiagnostic (les fonds d!œil étant transmis par satellite à un professionnel qui les analyse) à bord de camionnettes se déplaçant dans les villages. Le diagnostic est donné au patient, assorti d!un rendez-vous pour une opération si nécessaire ou d!une prescription de lunettes si nécessaire. Essilor a donc simplement créé une activité d!optique-lunetterie complémentaire de l!activité ophtalmologique qui permet d!acheter les lunettes sur place. En pratique, une fourgonnette « optique » accompagne celle de télédiagnostic. Parallèlement, Essilor s!attèle à un effort de sensibilisation puisque le taux de conversion d!une ordonnance en achat de lunettes est bien plus élevé chez une personne qui a pu faire l!expérience d!une vision corrigée. Les résultats sont porteurs d!espoir et la rentabilité de
l!opération
est
jugée
correcte,
rapporte
le
président
d!Essilor
Asie.
L!expérimentation est plus prometteuse que les dons effectués par des ONG de lunettes faites de montures recyclées et de verres standardisés, qui se heurtaient au désir des clients d!acquérir un produit esthétique qu!ils auraient choisi. (109)
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Le filtre de l!assistanat remplacé par celui de la recherche de partenaires économiques constituant un marché potentiel et une source de croissance pour les entreprises est un tournant socio-économique décisif. Ces évolutions doivent pousser les grandes entreprises à s!intéresser aux milliards d!individus jusque là ignorés par leurs services et à trouver des solutions ingénieuses à leur offrir. Pour notre exemple, nous pensons que plusieurs entreprises désireuses de s'installer en PED ou déjà installées pourraient être des financeurs d'activités de télémédecine. C'est le cas notamment des entreprises du secteur de la santé, qui ont intérêt à ce que se développe une plus grande éducation en matière de santé dans ces pays et des opérateurs télécoms, dont le réseau est valorisé par ce nouvel usage.
Bien que ces nouveaux modèles de financement de capitalisme social ne soient pas encore très bien définis, ils n'en restent pas moins intéressants à explorer pour des services de télémédecine humanitaires.
7. La recherche en télémédecine appliquée à l!humanitaire Nous avons cherché dans notre travail à répondre à la question « Quel service de télémédecine concevoir dans le cadre de la médecine humanitaire ? » Une analyse de la littérature médicale montre qu!aujourd!hui la recherche en télémédecine en est à ses débuts, que les études sont peu nombreuses et n!ont qu!un faible niveau de preuve. L!OMS publie un article en mai 2012 cherchant à « synthétiser l!expérience, les performances et la production scientifique des réseaux de télémédecine à long terme offrant des services humanitaires ». Seuls neuf réseaux à long terme sont identifiés. Sept d!entre eux ont fourni leur production
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scientifique. Ces réseaux sont opérationnels depuis en moyenne 11 ans et sont tous impliqués dans des activités de téléconsultations à des fins humanitaires. Les services comportent entre quinze et plus de cinq cents experts traitant 50 à 500 cas par an. Les auteurs de l!article relèvent cinquante-neuf revues publiés par ces réseaux dont quarante-quatre répertoriés dans Medline. Ces dernières sont analysées, le niveau de preuve est étudié par l!analyse du plan des études. Les auteurs retrouvent vingt-neuf publications présentant des essais cliniques non contrôlés, quinze articles sont des cas cliniques. Au total, selon les normes conventionnelles, le niveau de preuve des articles est classé entre faible et moyen. Toutefois, plus de la moitié des publications prouvent que les initiatives sont durables et l!accès aux soins amélioré. Par ailleurs, peu d!études traitent de la viabilité économique. (110) Ces résultats pourraient intéresser les décideurs des PED quant à la mise en place de réseaux similaires. Un des auteurs de cet article, Richard Wootton, a accepté de répondre à nos questions sur le sujet. Il est souvent contacté par des équipes qui souhaitent mettre en place des réseaux de télémédecine mais sont souvent découragés par les coûts impliqués. La discussion avec Mr Wootton a permis de souligner la quasi absence de services mettant en relation directement des patients de pays en développement avec des médecins à l!étranger. L!interaction médecin-patient est pourtant l!essentiel de ce qui fait la médecine. C!est ce qui nous a intéressés. Les données de la littérature sont peu nombreuses à ce sujet. Nous avons retrouvé dans les articles rapportant de telles expériences une demande plutôt importante et motivante des patients pour ce type de service. C!est le cas en Colombie où un service de télémédecine a été mis en place entre les régions rurales et Bogota. L!analyse des
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usages durant six mois permet de constater que non seulement une très grande majorité est satisfaite mais 63% des personnes pensent utiliser le service à nouveau. 65% des patients soulignent que la télémédecine améliore les soins médicaux ; pour plus de la moitié des personnes interrogées, la télémédecine permet de perfectionner les soins, de sauver du temps et de l!argent. Pour 27% des patients, la téléconsultation ne permettait pas une aussi bonne prise en charge que le traditionnel face à face. (100). En Suède, les utilisateurs mettent en avant le côté pratique de ces services (étude sur 1223 questionnaires) (111) ; le nombre d!utilisateurs suédois de ces services augmente au fil du temps surtout chez les femmes jeunes et d!âge moyen.. Une enquête à Tel Aviv sur un site de conseil médical en ligne met en évidence que 82% des patients posent une question avant même d!aller consulter leur médecin traitant. (112) L!analyse d!un service de téléconsultation en Iran montre que les questions les plus posées concernent des sujets sensibles difficiles à aborder même face à un médecin et pour lesquels les patients manquent d!information. En effet, la majorité des téléconsultations concernent des questions spécifiques de gynécologie, de psychologie et de psychiatrie (113), Les résultats de ces papiers sont de faible niveau de preuve mais permettent de saisir des tendances générales d!initiatives encore isolées. Malgré le manque de recul sur le plan de la recherche, ces expériences de télémédecine médecin/patient sont instructives : notre service s!appuiera sur ces expériences.
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En conclusion, remarquons que l!absence de frontières des technologies et des besoins médicaux semble esquisser le contour d!une télémédecine mondiale, d!une politique mondiale et locale qui soutienne les initiatives internationales et permette leur développement.
110
IV. Concevoir un service de télémédecine adapté à l'humanitaire Les projets pilotes de télémédecine mettant en rapport des médecins et des patients sont peu nombreux. Les données de la littérature sur cette question ne permettent pas d!aider à la mise en place d!un projet pilote. Nous vous proposons donc une analyse des messages du site Masantenet afin d!anticiper les besoins et les difficultés de mise en place de notre projet pilote. Nous expliquerons comment fonctionne Healthtap, le cousin américain du service Masantenet dont font partie des milliers de médecins. Puis nous expliquerons la conception d!un nouveau service de télémédecine qui prenne en compte les conclusions effectuées sur les expériences précédentes et les avancées en termes d!usage et de technologies.
Les services populaires d!interaction Masantenet (www.masantenet.com)
médecin/patient :
Ce site, que nous avons introduit, animé par les Professeurs Gabriel et Léon Perlemuter, permet d!obtenir un conseil de santé en ligne prodigué par des médecins. Le service permet d!établir un lien direct entre les patients et les professionnels de santé en permettant aux patients de poser une question directement à un professionnel, et d!obtenir ainsi des renseignements et conseils médicaux personnalisés, qui les orienteront plus aisément dans le système de soins. Les racines de cette initiative viennent de plusieurs constatations de la part des médecins du site : les consultations médicales sont souvent surchargées, certaines problématiques ne nécessitent pas cette attente parfois longue et stressante pour le
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patient et peuvent être gérées à distance. En outre les zones de désertifications médicales et l!inhibition à poser certaines questions font de Masantenet un outil que les patients utilisent de plus en plus au fil du temps. Ainsi 1500 à 2000 pages du site sont vues chaque jour, et 20 à 25% des visiteurs poseront directement leur question à l!équipe pendant leurs passages. Le site est gratuit, les fondateurs sont en recherche de modèle économique, une des pistes explorées serait la proposition d!un forfait « premium » aux patients qui souhaitent poser des questions aux médecins de manière illimitée (le nombre de questions est actuellement limité pour les patients : une tous les 15 jours). La recherche Google « question santé en ligne » fait apparaître Masantenet en haut de la première page. Les questions posées qui ont obtenues une réponse sont en libre accès pour tous les internautes, le site a obtenu le label « Health on net » pour la qualité des informations mises en ligne. La base de Masantenet contient plus de 4000 questions, aucune publication de pubmed ne rapporte l!analyse d!une telle quantité d!informations. Voilà les résultats de nos investigations sur cette base de questions.
Tout d!abord, nous allons vous rapporter les informations qui concernent les patients qui recherchent des informations sur ce site. Le 30 janvier 2011, le premier internaute pose la première question, cette même année les milliers de questions posées viendront surtout de France mais aussi des Etats-Unis, et des îles des Caraïbes, du Maroc, de l!Algérie, de Tunisie, du Cameroun et du Sénégal, enfin, de Turquie, de Syrie et de Roumanie et de Russie.
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figure 14: provenance des questions de Masantenet à travers le monde en novembre 2011. La taille du point rouge représente le nombre de questions envoyées dans la zone.
Sans aucune publicité ni parution dans la presse, le site Masantenet a obtenu rapidement un nombre de connexions important et qui continue de croître de façon exponentielle. En 2012, d!autres pays s!ajoutent aux précédents : la Réunion, l!Egypte et l!Irak, l!Ukraine, la Chine, et le Japon, le Canada.
113
figure 15 : provenance des questions de Masantenet à travers le monde en novembre 2012. La taille du point rouge représente le nombre de questions envoyées dans la zone.
L!analyse des 4226 questions de la base de Masantenet a permis de mieux cerner un profil d!utilisateurs. En ce qui concerne l!âge des internautes, la majorité a entre quinze et trente et un ans. Ces jeunes internautes ont posé à eux seuls 2858 questions, le pic se situant à l!âge de vingt-quatre ans. La 25ème année comporte un biais car c!est l!âge proposé par défaut aux utilisateurs, et l!on suppose qu!un certain nombre de visiteurs ne modifient pas cette variable. En retirant l!âge de 25 ans de l!analyse, il reste 2299 questions posées par les 15/31 ans. Ce sont donc vraisemblablement des jeunes qui sont à la recherche de conseils médicaux. Aux âges extrêmes, on retrouve douze questions posées par les patients de douze ans et une question par une personne de quatre-vingt-cinq ans entre le 30 janvier 2011 et le 12 novembre 2012.
114
figure 16 : nombre de questions posées sur le site Masantenet en fonction de l’âge des patientsdepuis l ouverture du site jusqu’en novembre 2012.
Chaque question est ainsi référencée par le patient lui-même, à qui il est proposé vingt
catégories
(articulation,
cancer,
cœur,
dermatologie,
douleur,
drogues/alcool/tabac, enfants, foie/digestion, grossesse/gynécologie, handicap, infection/virus, pneumologie,
nutrition/diabète/surpoids/cholestérol, prostate,
psychiatrie/neurologie,
Sécurité
ophtalmologie/ORL, sociale/médecine
du
travail/incapacité, sexologie, sommeil et autre). La grossesse et la gynécologie arrivent de loin en tête des questions les plus posées, il s!agit de plus de 22% des demandes (22,51%). La deuxième catégorie la plus représentée recouvre des problématiques diverses rassemblées dans « autre ». Certaines questions auraient
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pu être classées dans une autre rubrique et se trouvent à tort classées dans cette partie. D!autres concernent des syndromes génétiques, des questions sur la déontologie médicale, des problématiques endocriniennes, néphrologiques et autres demandes d!orientation diagnostiques orientées par des symptômes et examens complémentaires. Au total, la rubrique « autre » recouvre 16,74% des questions. Elle est suivie par la thématique « douleur », représentant 11% des questions. Viennent ensuite la dermatologie (9,05%) et la sexologie (6,53%).
figure 17 : pourcentage des questions en fonction des catégories thématiques renseignées par les patients sur le site Masantenet depuis l’ouverture du site jusqu’en novembre 2012.
Nous aborderons maintenant ce qui se dit dans ces questions posées sur le site. Une analyse sémantique des termes « médicaux » utilisés dans ces questions révèle que ce sont les mots « douleur » au pluriel et au singulier ainsi que le mot « mal » qui reviennent le plus fréquemment, c!est à dire 1881 fois. Ensuite c!est le mot
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« médecin » qui est le plus cité. « Problème » et « traitement » sont autant employés et arrivent en sixième position. Suivis de « sang », « enceinte » et « pilule ». « Ventre » est le treizième mot le plus employé. « Rapport/rapports » et « grossesse » reviennent à eux seuls plus de 560 fois. Enfin il est intéressant de noter que « peur » et « souffre » sont employés couramment par les internautes et sont à la dix-septième et dix-huitième place de cette analyse sémantique des mots les plus employés sur le site de Masantenet.
figure 18 : analyse sémantique des termes les plus utilisés dans les questions de patients sur le site Masantenet (la taille du mot représente la fréquence de son emploi parmi les questions)
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Pour ce qui est des réponses faites par les médecins, le mot qui revient justement le plus est « médecin », suivi de « consulter », « traitement » et « douleur ». La « grossesse » arrive en quatorzième position, suivie d!ailleurs de pilule quatre rangs après. Suivent infection » en vingtième et « examen « en vingt-deuxième » position.
figure 19 : analyse sémantique des termes les plus utilisés par les médecins sur le site Masantenet (la taille du mot représente la fréquence de son emploi parmi les réponses)
La vocation du site est bien mise en évidence à travers cette analyse sémantique. Il ne s!agit pas de consultation en ligne ni de court-circuiter les médecins généralistes
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ou spécialistes, mais bien de proposer des informations médicales dans des termes simples et clairs et d!orienter si besoin le patient dans le système de soins.
Le type de conseil prodigué est aussi un aspect de notre analyse qu!il nous a paru important de rapporter. Ainsi, nous avons classé un échantillon des échanges de la base de Masantenet en les catégorisant selon quatre aspects : - les échanges qui permettent une orientation du patient dans le système de soins, - les messages qui développent l!autonomisation de l!internaute vis à vis de la question de santé qu!il soulève, - les questions qui comportaient insuffisamment de données pour répondre de manière satisfaisante, - et les interrogations pour lesquelles le médecin conseillait de se tourner vers un proche (parent de l!enfant, conjoint). Nous avons considéré qu!un échange pouvait entrer dans plusieurs des catégories précédemment citées. Au total,
82,95% des interactions médecins/patients analysées permettent au
patient, par les informations qu!il reçoit, d!obtenir une plus grande indépendance vis à vis des soucis soulevés. 41,58% des échanges aboutissent à l!orientation du patient dans le système de soins vers le professionnel le plus approprié. Il y a trop peu d!informations pour traiter le problème dans 7,48% des cas et enfin à l!issue de 2,29% des échanges, les personnes sont encouragées à communiquer avec leurs proches. Ces informations ont permis de nous assurer de cette demande réellement internationale de conseils de santé de la part d!internautes, pour la plupart une population jeune de moins de trente ans. Les patients sont à même de formuler sans
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aide une question précise, permettant au médecin de répondre dans la plupart des cas à ces questions de santé. Les questions les plus fréquentes, gynécologiques et obstétricales rejoignent les priorités identifiées par l!OMS (Objectif du Millénaire pour le développement) : « améliorer la santé maternelle », dans une moindre mesure « diminuer la mortalité infantile », et surtout « promouvoir l!autonomisation des femmes ». Quant aux questions qui touchent le champ de la douleur, elles restent une priorité pour les médecins de toutes spécialités. Les réponses faites par les médecins emploient des mots qui se comprennent malgré la diversité des situations des patients sur le terrain. Enfin, la plupart des messages permettent soit d!améliorer l!autonomie du patient soit de l!orienter de la manière la plus efficace dans le système de soins.
Les services populaires d!interaction médecin/patient : Healthtap (www.healthtap.com) Le service américain Healthtap propose depuis avril 2011 de répondre aux questions de santé au sujet de la grossesse et de la pédiatrie. Dès septembre 2011, Healthtap a étendu ses services à tous les domaines de la médecine. Les réponses aux patients sont gratuites et proviennent de médecins généralistes ou spécialistes. Les médecins qui répondent aux patients sont aussi prêts à accepter une révision de leurs réponses par leurs pairs. En effet chaque confrère enregistré sur le site peut ajouter une précision à la réponse faite au patient ou tout simplement la corroborer. Ce système qui peut ressembler à la manière dont l!encyclopédie Wikipédia est élaborée, attire les foules. En un an, plus de 17 000 médecins américains se sont inscrits sur le site. Le service est devenu le réseau interactif de médecins en ligne le plus important du monde. Le site HealthTap a été une inspiration pour notre service,
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notamment au vu des mécaniques utilisées pour convaincre les médecins d!adhérer au service. Nous avons demandé notre enregistrement en tant que médecin sur Healthtap et avons recherché à obtenir de leur part d!exploiter la base de données mais nous nous sommes vus adresser un refus, le service n!acceptant pas d!autres médecins que les médecins américains.
2. Notre service : TeleHealth Nous allons désormais expliciter le service que nous avons conçu, destiné à établir une communication directe patient/médecin « sans frontières » s!appuyant sur le déploiement technologique en PED. A quoi ressemble le service ? TeleHealth permet à un patient d!obtenir gratuitement une réponse à une question de santé en moins de 24h. Le dispositif technologique sur lequel nous nous appuyons est le téléphone portable, dont nous avons relaté la diffusion extraordinaire dans le monde entier au chapitre précédent. En effet, le téléphone portable est une technologie qui a plus d!utilisateurs dans les PED que les réseaux d!eau ou d!électricité, et constitue à notre sens l!un des moyens de communication les plus universels qui soient. Nous utilisons donc le SMS pour permettre au patient d!adresser sa question au service. Le médecin qui lui répondra peut être : -
soit un médecin « local » qui a accès au service
121
-
Soit un médecin « étranger » qui a accès au service dans le cas où aucun médecin local n!a répondu dans les 12h ou si un médecin « local » sollicite l!aide du réseau de médecins
Nous voyons ici que notre service est en fait un service dual qui mélange interactions patient/médecin et médecin/médecin. Comme explicité précédemment, la plupart des initiatives existantes en terme de télémédecine asynchrone dans les pays en développement concerne principalement les interactions médecin/médecin entre un ou plusieurs médecins sur le terrain qui échangent de manière asynchrone avec un médecin situé à distance. Ce type d'interactions a été bien couvert par plusieurs études qui montrent les bénéfices apportés par de telles solutions (partie III). Nous pensons effectivement qu!il est préférable que cela soit un médecin qui connaisse au mieux le contexte du patient et puisse éventuellement l!examiner ou le recommander. Notre service permet également une interaction entre patient et médecin « étranger » que nous avons également voulu encourager au vu de l!intérêt porté par patients et médecins aux services Healhtap et Masantenet. Dispositif technologique Nous avons souhaité un dispositif technologique très simple à mettre en place de manière à assurer un déploiement maximal du service. Notre service s!adosse donc d!un côté sur le réseau mobile local existant d!une part et sur le réseau internet d!autre part.
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L!interaction se déroule ainsi : -
le patient envoie sa question par SMS au numéro de téléphone du service (mille caractères maximum)
-
un SMS de retour accuse réception et demande au patient son nom, qu!il renvoie par SMS
-
Le message est réceptionné par un téléphone portable connecté à un ordinateur relié à internet (en 3G ou connexion filaire)
-
Le message est envoyé sur le serveur TeleHealth qui envoie le message à la communauté de médecins locaux
-
En cas de non-réponse au bout de 12h, le serveur renvoie le message à la communauté de médecins « étrangers ». Une analyse sémantique (analyse des termes contenus dans le message) aura permis de cibler les médecins à qui adresser la question en priorité (ex : la présence du mot « oeil » dans le message laisse penser qu!un ophtalmologiste sera le plus à même de répondre à la question)
-
Les médecins à qui la question a été proposée sur leur interface web ou smartphone peuvent répondre à la demande, commenter ou corroborer la réponse d!un confrère
-
La réponse effectue le chemin inverse pour ensuite être renvoyée au patient 24h après son envoi
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F i g u r Figure 20 : Fonctionnement du service Telehealth depuis l’envoi d’une question par un e patient jusqu’à la réponse du médecin.
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0
Interface 1 : les questions telles qu’elles apparaissent au médecin participant à Telehealth 125
Interface 2: une question est posée par une patiente sur Telehealth 126
Interface 3: un médecin y apporte une réponse sur Telehealth 127
Interface 4: la question posée par un confrère à un médecin sur Telehealth 128
Interface 5: une réponse est apportée par un médecin sur Telehealth 129
Le réseau de médecins Quels médecins vont répondre aux questions des patients ? Comme indiqué cidessus, nous souhaitons que des médecins locaux utilisent Telehealth. Pour s!inscrire en tant que médecin au service, il suffit de disposer d!un accès à internet (via un ordinateur ou un smartphone) et d!avancer une preuve que l!on est médecin (copie du diplôme de docteur en médecine). Le service TeleHealth peut être ainsi déployé entièrement localement avec uniquement des médecins locaux. Mais il peut être également connecté à différents réseaux de médecins « étrangers » dans d!autres pays du globe, désireux de contribuer aux échanges. Nous chercherons dans un premier temps à collaborer avec des réseaux existants type HealthTap ou Masantenet, avant de déployer notre propre réseau une fois que le service aura gagné en taille et en légitimité.
Contraintes technologiques Les contraintes technologiques sont les suivantes : - Passage du réseau GSM à internet : il est crucial pour des raisons de coût de pouvoir le plus tôt possible acheminer le SMS du patient à un ordinateur connecté à internet. Nous utilisons pour cela le logiciel FrontlineSMS que nous détaillerons plus dans la suite. Ce logiciel permet aux utilisateurs munis d!un simple téléphone connecté à un ordinateur d!envoyer et de recevoir un gros volume de SMS. - Le « dispatching » du message sur le serveur : un autre enjeu crucial pour le déploiement du service est celui de pouvoir cibler une question avec un médecin susceptible d!y répondre, car c!est sa spécialité ou parce qu!il connaît particulièrement bien le contexte. Cette question devient de plus en plus importante au fur et à mesure que le service rencontre une grande audience.
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Nous choisissons ici de prendre en compte plusieurs paramètres pour classer au mieux une question envoyée par SMS par un patient: -
les termes utilisés dans la question, et principalement parmi eux les termes médicaux. Les questions sont analysées syntaxiquement (ou « parsées » selon le terme consacré) sur le serveur afin de repérer les termes médicaux. La prépondérance de certains termes permet de présupposer la spécialité médicale la plus à même de répondre au message, et ainsi de rediriger le message vers des médecins de cette spécialité
-
les interactions précédentes entre le patient à l!origine du message et le médecin qui y répond, si elles ont déjà eu lieu. On cherche ainsi à privilégier des relations durables entre médecins et patients, et l!on proposera plus facilement à un médecin une question d!un patient à qui il a précédemment répondu.
Chaque question posée sur le service est ainsi dotée automatiquement d!un score d!affinité vis-à-vis de chaque médecin présent sur le service. Si ce score d!affinité est suffisamment haut, on proposera au médecin de répondre à la question lors de sa prochaine visite sur le service. Si le score est trop bas, cette question ne lui sera pas proposée mais sera proposée à d!autres médecins qui ont un score d!affinité plus élevé. Ce calcul d!affinité doit s!améliorer au fur et à mesure du déploiement du service.
Déploiement et mise en place TeleHealth associe des patients et des médecins qui ne se sont jamais vus et ne se verront peut-être jamais : la mise en place d!un tel service n!est pas forcément
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évidente. Comment des patients à l!autre bout du monde vont-ils entendre parler du service ? Nous n!avons pas souhaité assurer nous-même la promotion de notre projet, qui serait extrêmement coûteuse. Nous souhaitons que TeleHealth se déploie avec et grâce à un intermédiaire local qui puisse assurer localement la promotion du service et sa bonne tenue. Cet intermédiaire sera très probablement une association locale disposant d!une bonne connaissance du terrain et de quelques ressources. Cet intermédiaire nous est nécessaire techniquement, puisqu!il est le propriétaire : - du téléphone portable auquel sont destinées les questions envoyées localement par les patients - de l!ordinateur auquel est relié ce téléphone et sur lequel est installé le logiciel TeleHealth. C!est cet ordinateur qui assurera la diffusion des questions SMS vers internet, puis des réponses d!internet vers les mobiles des patients
L!intermédiaire est donc quelqu!un qui choisit de mettre en place la solution TeleHealth et est prêt à en assumer un certain coût (le coût d!envoi des SMS). Nous pensons que ce sont avant tout des associations locales qui seront intéressées par cette proposition, mais nous sommes ouverts à tout type de demandes. C!est notamment pour cela que nous avons choisi de passer la solution en open-source, de manière à favoriser la libre adoption du logiciel par toute personne intéressée, sans qu!elle ait à nous contacter. Nous imaginons ainsi que des écoles, des villages, des centres de santé et des médecins puissent s!emparer de l!outil et le proposer à leur entourage. La condition importante pour l!utilisation du service est de ne pas chercher à générer de bénéfices dessus. L!intermédiaire est notamment en charge de communiquer localement sur le service et d!en expliciter les règles de fonctionnement.
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Le choix de l!open-source L'open-source est un choix qui nous a semblé naturel pour permettre à notre outil d'être adopté et adapté en fonction des besoins. L'open-source permet la libre redistribution du code, l'accès au code source et aux travaux dérivés sur la base de ce logiciel. La difficulté soulevée par Richard Wootton, médecin spécialisé dans la télémédecine, sur la difficulté de mettre des réseaux en place n!en serait plus une si des outils « prêts à l!emploi » sont déjà disponibles. Reprenons une comparaison définie pour la première fois par Eric Raymond, pionnier, de l'open-source et auteur de l'essai La cathédrale et le bazar. (114) Il y décrit l'organisation des logiciels propriétaires, une organisation hiérarchique basée sur le statut est nécessaire à l'élaboration d'un code fermé pour construire ce qu'on appelle un logiciel propriétaire. Raymond la compare à une structure de cathédrale. A l'opposé, le modèle de développement de l'open-source est comparé à un bazar : cette manière de développer des logiciels, par la coopération d'une multitude de développeurs, se caractérise par une adaptabilité et une flexibilité dite hiérarchie "bazar", impossible dans une structure organisée dans la hiérarchie dite de "statut". Nous souhaitons à travers l'open-source que le projet soit mis en "libre-service" pour toute communauté souhaitant mettre en place un service de télémédecine. C'est en partant des besoins que ces solutions trouveront leur utilité et leur(s) formes(s) définitive(s). Notre inspiration (et une de nos briques techniques essentielles) est le logiciel FrontLine SMS développé à l'origine en 2005 par des défenseurs de l'environnement pour garder le contact avec les communautés du Parc National Kruger en Afrique du
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Sud. Mis à disposition en open-source, il a ensuite été réutilisé par d'autres communautés et ONG dans différents cadres : la surveillance d'élections aux Philippines, en Afghanistan et au Nigeria, la diffusion d!informations d!urgence à Haïti ; diffusion d!informations météorologiques pour les agriculteurs en Mongolie. (115)
Quel intérêt pour le patient ? Pour le patient, l!intérêt est clair : pour le coût d!un SMS (ou plusieurs selon la taille de sa question initiale), il reçoit une réponse médicale de la part d!un médecin local ou d!un spécialiste. Un patient peut même recevoir plusieurs avis de différents médecins de plusieurs nationalités et disposer ainsi d!une information médicale personnalisée, quasiment gratuite, d!une très bonne qualité.
Quel intérêt pour le médecin ? Une question qui surgit rapidement quand nous évoquons notre service est celle de l!intérêt du médecin. Quel intérêt un médecin a-t-il à se rendre sur le service et à passer du temps à répondre à des questions de patients s!il n!y gagne rien financièrement ? Nous pensons que l!intérêt est autre, comme Healthtap et Masantenet l!ont démontré. Nous voyons pour le médecin un intérêt à plusieurs niveaux : - désir d!aider les autres: Pourquoi souhaite-t-on être médecin humanitaire ? Si la réponse varie en fonction des différents intervenants, ce souci d!aider les autres revient quand même constamment. TeleHealth fournit aux médecins une manière
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simple, peu contraignante mais couronnée de résultats, d!aider son prochain en moins de quelques minutes par jour. - reconnaissance parmi ses pairs : TeleHealth est une plateforme de médecins qui répondent à des questions de patients, et nous anticipons que les échanges y seront fréquents entre médecins, pour discuter de cas. Un système de recommandation de réponses entre médecins donne au service une valeur d!évaluation par les pairs (« peer review ») bien connu des médecins publiant des études scientifiques. Un système de réputation pourrait être envisagé, comme le système actuellement mis en place sur HealthTap ou comme sur la plateforme Wikipedia, permettant de démarquer les contributeurs émérites. - e-reputation : Nous souhaitons rendre anonymes côté patient tous les échanges ayant lieu sur TeleHealth mais les publier ensuite sur internet. L!idée est de constituer ainsi une formidable base de connaissances médicales qui puisse servir pour d!autres patients une fois qu!elle est indexée par les moteurs de recherche, ceci afin d!éviter que trop de patients ne posent les mêmes questions. Ces échanges librement consultables viennent s!ajouter à la « e-reputation » du médecin y ayant contribué, c!est-à-dire à sa réputation sur internet. Il est valorisant pour un médecin d!être sélectionné par ses futurs patients sur internet par la qualité des échanges qu!il a pu avoir sur TeleHealth - challenge scientifique et « jeu » : la dimension « ludique » du service. Nous souhaitons créer une certaine « addiction » à TeleHealth et encourager les médecins à donner tous les jours un petit peu de leur temps et de leur savoir pour répondre à des questions. - acquisition de connaissances, compréhension du monde : Il y a une très grande richesse médicale et culturelle qui se dégage de ces échanges. La gestion
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des ressources de santé dans les différents systèmes de soins est une donnée importante à connaître pour les professionnels de santé qui doivent aujourd!hui trouver de nouvelles façons de répondre aux demandes des patients. Pouvoir connaître les réponses que des confrères ont apportés à des problématiques de démographie médicale, d!organisation des soins est important. En outre, le médecin qui répond est confronté à des pathologies qu!il a peu l!habitude de croiser dans sa pratique quotidienne. Il est confronté à ses propres représentations et à celles du patient.
Par
exemple
l!interruption
d!une
grossesse,
la
contraception
ou
l!accouchement sont à envisager sous l!angle médical mais aussi culturel et politique.
La notion de « contexte » Comme nous venons de l! évoquer, la notion de contexte est primordiale pour apporter une réponse pertinente à une question de santé. Il est difficile pour un médecin de donner un avis pour une question à quelqu!un dont on ne connaît pas du tout les conditions de vie, que ce soit sur le plan personnel (dossier patient) ou sur un plan plus global (le système de santé dans son pays d!appartenance, la présence de pathologies particulières, etc.). Notre service ne peut malheureusement résoudre que partiellement cette question, nous n!avons effectivement pas encore de solution souple à la question du dossier médical. Mais en revanche, nous souhaitons constituer une base de référence du contexte médical des pays d!où proviendront les questions. Cette base sera écrite de manière collaborative par les médecins locaux et étrangers. Le contenu de base sera extrait de Wikipedia, qui fournit déjà une source d!informations très pertinentes en matière de santé en PED.
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Interface 6 : un aperçu du contexte dans le service Telehealth 137
La question de la langue Notre service débutera en langue française, mais l!outil pourra être ensuite adopté à d!autres langues. La langue utilisée est la langue dans laquelle est posté le message. Nous avons éventuellement envisagé des solutions de traduction dites « crowdsourcées ». Une communauté de bénévoles bilingues pourrait contribuer à traduire les questions et réponses d!une langue à l!autre. Ce mécanisme a été mis en place de manière très efficace par Google suite au tremblement de terre d!Haïti : Google a mis en place auprès de la diaspora américaine des Etats-Unis des outils pour traduire les SMS de détresse envoyés par les Haïtiens et permettre ainsi leur traitement par les secours anglophones.
Le modèle économique La question du modèle économique est difficile : nous avons choisi une solution relativement peu coûteuse en frais de maintenance afin d!assurer sa pérennité. Les modèles économiques envisagés par les services comme Healthtap et Masantenet s!appliquent peu ici : ils envisagent de faire payer le patient s!il choisit d!avoir une communication plus abondante avec le médecin. Ici, nous n!envisageons pas de faire payer le patient pour le service. Nous pensons que le service aura paradoxalement plus de succès auprès des médecins s!il est clairement gratuit et altruiste, que payant et peu rentable pour eux au vu de leurs autres alternatives.
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Les coûts les plus importants correspondent aux coûts de développement de la solution logicielle : le fait que plusieurs briques existent déjà en open-source et puissent être réutilisées dans le cadre du projet diminue ce coût. Les coûts de communication sont assumés par les diverses parties prenantes : les patients payent le coût de leur SMS initial, l!intermédiaire paye le coût d!envoi des SMS et le médecin paye son propre abonnement smartphone. Seuls les coûts de mise en œuvre des serveurs sont pris en charge par le service, et ils seront proportionnels au succès du service. Une structure associative et une recherche de financement associé sont à envisager, notamment pour promouvoir et tester la solution dans plusieurs terrains d!opération. Pilote et passage à l!échelle Notre prochain objectif est de trouver un partenaire local désireux de tester le projet et de développer la plateforme logicielle. Quelle suite pour un tel service? Autorisons-nous un petit exercice de prospective pour imaginer la perspective que pourrait avoir un tel service d!ici quelques années : The Economist, mars 2016 Gorom, à une vingtaine de kilomètres de Dakar. "Le problème dans la région, c'est le manque de médecins", me confie Ayssé, qui habite depuis 35 ans le village. "L'accès au soin c'est pas facile dans la région". "SMS Santé, c'est vraiment bien pour ça, ça nous rassure et ça nous dit quand c'est vraiment important qu'on se déplace jusqu'à Dakar pour aller voir un docteur".
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SMS Santé est le nom d'une solution mise en place il y a 18 mois par le Dr. Bassari. Il s'agit d'un numéro de téléphone sur lequel n'importe qui peut poser une question de santé, et recevoir une réponse en moins de quelques heures. Le grand intérêt de la solution est que la réponse vient toujours d'un médecin, mais cela peut être d'un médecin n'importe où dans le monde. "J'ai déjà eu un médecin suédois et un médecin belge qui m'ont répondu, confie Ayssé. Je posais des questions pour mes petits-enfants". TeleHealth Derrière la solution, on retrouve un outil : TeleHealth, un outil open-source mis au point en 2012 par une communauté de médecins et développeurs qui constitue le socle technique de la solution. Cet outil permet à partir d'un simple ordinateur relié à Internet de pouvoir envoyer et recevoir des SMS (via l'outil Frontline SMS), de pouvoir sélectionner et router les messages vers un médecin compétent pour y répondre. Cela inclut des médecins résidents locaux, mais également tout un ensemble de médecins dans le monde membres de l'association TeleHealth, qui donnent un peu de temps depuis chez eux pour répondre aux questions de patients du monde entier, via internet ou plus souvent via l'application mobile TeleHealth. Les réponses que ces médecins donnent aux patients enrichissent la base de données TeleHealth (disponible librement en ligne) et contribuent à leur e-reputation. Concrètement, si je tape leur nom sur internet, je peux accéder assez vite aux échanges qu'ils ont pu avoir avec un patient dans le monde entier. Qui a dit qu!il fallait être présent sur le terrain pour faire de l!humanitaire ?
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L'avènement du télé-humanitaire. Le télé-humanitaire, c'est le terme qui a été attribué pour définir une initiative telle que TeleHealth et telle que de nombreuses autres qui l'ont précédée ou suivie : l'application des outils des Technologies de l'Information à la médecine humanitaire. En réalité les barrières sont beaucoup plus floues qu'au préalable? Le fait de répondre en quelques caractères à une question sur son téléphone est-il vraiment de l'humanitaire ou une forme de coopération internationale? Les grandes associations humanitaires telles que MSF et MdM ont été les premières à inclure de telles initiatives parmi leurs rangs. "Nous voyons de telles actions comme très complémentaires de nos actions sur le terrain, qui restent indispensables. En situation de crise, ce n'est pas par les réseaux que vous allez apporter les compresses et les paquets de riz. Mais en terme d'humanitaire d'éducation et de développement, de telles initiatives sont plutôt les bienvenues, surtout qu'elles ont permis à de nouveaux médecins de se familiariser avec le contexte particulier de la médecine en pays en développement. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce nouveau type de communication complémente, mais ne remplace pas les interactions d'un médecin avec son patient. Ici il n'y a pas d'examen physique, pas de prescription et l'information est tirée hors de son contexte. Mais pour des patients qui ont peu d'éducation médicale, c'est un système particulièrement utile. Nous encourageons les questions liées à la compréhension plutôt qu'au pur diagnostic". Quel est le futur du télé-humanitaire? C'est difficile à dire. Les questions/réponses échangées sur TeleHealth et disponibles librement en ligne sur le site sont d'ores et déjà considérées comme un Wikipedia de la médecine. Elles constituent une base extrêmement consultée et pertinente d'échanges médicaux, y compris dans certains
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dialectes. Elle est aujourd'hui extrêmement populaire dans les pays développés et en développement pour trouver une réponse à une question de santé.
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Discussion Nous avons expliqué dans ce travail ce qu!est la télémédecine et ce que recouvre le champ de l!humanitaire. Ces deux notions ont en commun de ne pas être statiques et d!évoluer en permanence. Nous avons tenté d!en donner les meilleures terminologies actuelles. La synthèse des expériences de réseaux de télémédecine à long terme offrant des services humanitaires a été difficile car la production scientifique est faible sur ce sujet tant quantitativement que qualitativement. Les bases de données sont faibles, et la solidité des preuves des papiers publiés est généralement de niveau de preuve intermédiaire.(116) L!analyse des données dont nous disposions – les 4227 échanges soit 8454 messages qui constituent la base du service Masantenet - connaît les mêmes défauts que les études que nous avons rapportées à savoir des difficultés méthodologiques, et un manque de puissance dans l!étude des paramètres relevés. Un biais d!évaluation doit être souligné, lié à l!absence d!organisme indépendant et externe évaluant les données ; et lié à l!absence de méthodologie en aveugle. Dans l!analyse des types de questions posées, nous avions anticipé un facteur de confusion intervenant sur les thèmes des problématiques soulevées liées à la spécialité des médecins répondant sur la plateforme. Le Professeur Gabriel Perlemuter est hépato-gastro-entérologue ; le Professeur Léon Perlemuter est spécialisé en endocrinologie, diabétologie et nutrition. Il nous semblait que la majorité des patients demanderaient des renseignements dans ces domaines de la médecine. Finalement ces champs de la médecine n!interviennent qu!en 8ème et
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9ème position (derrière les champs grossesse/gynécologie, autre, douleur, dermatologie, sexologie, infection/virus). Se pose aussi la question de la reproductibilité des données, les messages étant formulés en français, le site attire un public d!internautes nécessairement francophones. Il reste qu!en dehors de l!Océanie et de l!Antarctique, tous les continents ont finalement hébergé des internautes postant des messages sur le site. Enfin, le site n!a pas de vocation humanitaire. Toutefois, de nombreux exemples permettent de classer les conseils santé dispensés sur Masantenet dans l!action d!aide internationale. Un des exemples est donné par le Sénégal où il n!y a que cinquante ophtalmologistes pour tout le pays (en 2007)(117). La conjonctivite est une affection fréquente appelée « apollo » par les Sénégalais, elle évolue localement par petites épidémies. Souvent soignée par des remèdes traditionnels (lavage oculaire à l!eau de mer, au piment), elle peut prendre des formes gravissimes chez des patients souvent jeunes qui auraient pu bénéficier d!un conseil en ligne. Les conseils médicaux dans ce domaine sont rares, d!autant plus que dans les zones rurales, pour certaines personnes âgées, lorsque plusieurs personnes sont atteintes d! « apollo », cela signifie que « la récolte sera bonne ». Le Dr Boubacar, ophtalmologiste sénégalais, affirme en 2012 que huit cécités sur dix auraient pu être évitées, dans ce pays (118) Aujourd!hui le téléphone portable, technologie désormais accessible aux populations les plus pauvres pourrait s!avérer être le meilleur moyen d!obtenir des informations dans le domaine de la santé pour des populations sous-desservies. La diffusion des TIC est très rapide et va en s!accélérant ; d!autre part, la population mondiale connaît à la fois une forte croissance démographique et un vieillissement qui rend plus que jamais nécessaire la diffusion de prestation de soins de santé. Les projets pilotes expérimentant des initiatives de télémédecine dans le domaine de
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l!humanitaire sont nombreux ; nous en avons rapporté plusieurs dans ce travail. A l!heure actuelle deux dangers guettent principalement ces projets pilotes. Tout d!abord, le modèle économique qui les sous-tend n!est jusqu!à aujourd!hui pas évident et c!est sur cette question que travaillent actuellement les fondateurs de Masantenet. D!autre part, c!est aussi le passage des initiatives locales à une grande échelle qui met parfois en échec les projets proposés. La réussite de cette dimension exige une interopérabilité entre les parties prenantes du projet. Ce n!est pas le cas aujourd!hui. C!est un aspect du problème que nous avons pris en compte dans la conception de notre projet. Ce projet peut se mettre en place depuis n!importe quel téléphone portable si un correspondant local télécharge l!application que nous proposons, disponible en open-source sur son ordinateur. Comme nous l!avons expliqué, il ne reste plus ensuite qu!à fournir le numéro du service à toutes les personnes qui en auraient l!utilité dans la région. Le fait que la maintenance puisse se faire au niveau local est un atout dans notre proposition. Concernant le service que nous avons conçu, il nous reste plusieurs incertitudes : trouver un modèle économique viable, réussir à constituer une base durable de médecins prêts à contribuer au service et trouver un cadre juridique pérenne non dissuasif pour les médecins (notamment au point de vue des assurances). Concernant le modèle économique, nous avons vu que notre service permettait une solution beaucoup moins coûteuse que les services existants, avec une partie des coûts de communication assumée par le relais local. Nous envisageons de constituer notre base de médecins grâce à la connexion à des réseaux de médecin existants d!ores et déjà sur internet, comme le réseau Healthtap pour le monde anglophone ou MaSanteNet dont le service va s!ouvrir peu à peu aux médecins francophones désireux de contribuer. Quant au cadre juridique, le droit français permet d!établir un
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tel service dans certaines conditions ; les assurances françaises sont également en train de regarder les questions de la télémédecine avec une plus grande attention, et commencent à proposer des offres qui couvrent non plus un, mais tout un réseau de médecins, pour un montant modique. Une des questions restantes pour les diverses parties prenantes de ces services est de pouvoir qualifier cette activité de télémédecine que propose le service Téléhealth, mais aussi les sevices Healthtap et Masantenet. En effet, ce n!est pas de la téléconsultation que nous avons définie dans le début de ce travail, ce n!est pas non plus de la télérégulation. Nous pensons que cette activité est une forme de médecine revêtant certains des aspects de la téléexpertise. Nous manquons de données factuelles en ce qui concerne les essais pilotes d!utilisation de téléphones portables dans le domaine de la télémédecine. D!autant plus que le développement des techniques est très rapide et les données deviennent vite moins pertinentes. S!intéresser plus aux preuves qu!au développement des projets dans ce domaine est risqué. L!OMS lance l!observatoire mondial de la cybersanté pour suivre le développement des projets de télémédecine. C!est dans ce cadre que Tore Godal, ancien ministre des affaires étrangères en Norvége, lance : « imaginez que Steve Wozniak et Steve Jobs aient dû apporter la preuve de l!utilité de l!ordinateur qu!ils ont mis au point en 1976. Ils n!auraient pas été en mesure de le faire, mais, cependant, certains investisseurs ont cru que Steve Wozniak et Steve Jobs avaient la possibilité de changer le monde. La communauté internationale qui agit en faveur du développement est disposée à parier sur la cybersanté, sur la base de données factuelles limitées ». (119)
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Conclusion
Nous avons souhaité que les interactions médicales permises par notre service de télémédecine soient bilatérales. D'une part de médecin à médecin, dans un échange à égalité entre confrères distants géographiquement, travaillant dans des environnements différents avec des moyens différents. D!autre part de patient à médecin, en créant des nouvelles relations médecin-patient qui ne pourraient exister sans ces technologies : ces interactions ont un potentiel pour aider le patient à résoudre son problème médical et aider le médecin à améliorer sa pratique puisqu!il est confronté à une plus grande diversité de cas et doit penser en termes de contexte et de pratique différentes. Le fait que les deux parties y trouvent leur compte nous semble fondamental pour l'intérêt du service : un service comme Masantenet préfigure la nature des échanges qui pourraient avoir lieu sur notre réseau. D'autre part, comme nous l'avons expliqué dans ce travail, les services et produits établis sous contraintes dans les pays en développement évoluent fréquemment pour toucher finalement les populations des pays occidentaux : des discussions plus fréquentes entre médecins du Nord et du Sud pourrait contribuer à améliorer la pratique médicale dans les deux environnements. Maintenant que nous avons érigé les premières briques de notre projet pilote, le dernier aspect du travail reste à faire : le développement et la mise à disposition de la solution logicielle, la recherche de financements et le choix d'une zone pilote pour commencer le déploiement du service.
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Résumé en anglais Telemedecine is a form of medical pratice linking patients to physicians or healthcare professionals thanks to telecommunication and information technologies. Telecommunications have had an exponential development lately. The mobile phone is one of the most broadly adopted technologies and the number of subscriptions in the developping world is quickly catching up with this number in developped countries. Global access to the internet is also a tipping point : the web has the potential to make medecine truly without borders. These technologies indeed allow diffusion of medical knowledge, a better access to primary healthcare and contribute to current humanitarian action for development. We report in this work several humanitarian temedecine initiatives. There aren't however a lot of data with great value of proof in scientific publications on this subject. We decided to analyse 8454 messages from the french service MaSanteNet, allowing any internet user to get medical advice from a physician. Our conclusions have led us to design a telemedecine service for humanitarian needs. Our pilot project brings together patients on the field with physicians from wherever in the world with mobile and web technologies. The technological infrastructure we propose is quite simple and opensource, so this service could be adopted anywhere in the world.
Keywords: telemedecine, humanitarian medecine, primary care, pilot project, telehealth
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Résumé La télémédecine est une forme de pratique médicale mettant en rapport des patients avec des médecins ou des professionnels de santé à distance grâce aux technologies de l!information et de la communication. Les télécommunications connaissent un développement exponentiel. Le téléphone portable est l!une des technologies les plus accessibles dans le monde, le nombre d!abonnement à un service de téléphonie mobile dans les pays en voie de développement rejoint celui des pays développés. L!avènement d!internet marque aussi un tournant, la toile tissée par les innombrables connexions pouvant rendre réellement la médecine sans frontières. En effet, ces technologies permettent la diffusion des connaissances médicales, l!amélioration des soins de santé primaires et contribuent de cette manière à l!aide humanitaire de développement. Nous avons expliqué en quoi la télémédecine répondait à certains des enjeux humanitaires actuels. Nous rapportons un grand nombre d!initiatives de télémédecine dans ce travail. Toutefois dans la littérature médicale, il n!existe pas encore de données de haut grade de recommandation sur lesquelles s!appuyer. Nous avons donc analysé 8454 messages constituant la base du service Masantenet permettant à tout internaute d!obtenir un conseil de santé en ligne, prodigué par un médecin. Nos conclusions nous ont amenés à concevoir une solution concrète de télémédecine dans le domaine humanitaire. Notre projet pilote met en rapport des patients sur le terrain et des médecins des quatre coins du monde via un téléphone portable. Le dispositif technologique de notre service est extrêmement simple. Grâce à un logiciel libre, il peut être adopté partout dans le monde. Mots clés : télémédecine, médecine humanitaire, soins primaires, projet pilote, soins de santé à distance 159