PREMIER RAPPORT D’ETAPE DE LA COMMISSION DE CONTROLE DES INFORMATIONS NOMINATIVES SUR LES INTERACTIONS ENTRE LES NORMES APPLICABLES A MONACO EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX, LE FINANCEMENT DU TERRORISME ET LA CORRUPTION ET LA LOI N° 1.165 DU 23 DECEMBRE 1993, MODIFIEE, RELATIVE A LA PROTECTION DES INFORMATIONS NOMINATIVES
Juin 2011
SOMMAIRE Prolégomènes.........................................................................................................................p.3 PARTIE I : L’applicabilité des normes...................................................................................p.4 I – Statut et missions du SICCFIN .........................................................................................p.4 II- Les échanges d’informations du SICCFIN........................................................................p.6 III- Interactions du SICCFIN avec les instances internationales .........................................p.8 - Le GAFI..................................................................................................................................p.8 - Le MONEYVAL ......................................................................................................................p.9 - Le GRECO .............................................................................................................................p.10 IV- Le devoir de vigilance des banques au sujet de la clientèle selon la banque des règlements internationaux (B.R.I) .........................................................................................p.11 - Sur la politique d’acceptation des nouveaux clients ................................................................p.11 - Sur l’identification de la clientèle ............................................................................................p.11 V – L’applicabilité directe partielle du droit prudentiel français .........................................p.13 - La Convention franco-Monégasque du 14 avril 1945..............................................................p.13 - L’échange de lettres entre la France et Monaco du 18 mai 1963 ...........................................p.13 - L’accord sous forme d’échange de lettres du 27 novembre 1987 ...........................................p.13 - L’accord sous forme d’échange de lettres des 6 avril et 10 mai 2001 .....................................p.14 - L’ordonnance n° 15.185 du 14/01/2002............ ......................................................................p.16 - L’accord sous forme d’échange de lettres du 20 octobre 2011 ...............................................p.16 VI – La problématique de la collecte pléthorique des données d’identification ................p.18
PARTIE II – Les normes applicables .....................................................................................p.20 I – Les recommandations du GAFI ........................................................................................p.20 - Les recommandations n° 4 et 5 (le devoir de vigil ance)..........................................................p.20 - La recommandation n° 6 (les P.P.E) .............. ........................................................................p.20 - La recommandation n° 9 (identification et intermé diation) ......................................................p.21 - La recommandation n° 10 (collecte et conservation ) ..............................................................p.21 - La recommandation n° 12 (champ d’application des recommandations n° 5, 6, 8 à 11) .........p.21 - La recommandation n° 28 (procédures d’enquêtes) . ..............................................................p.22 II- Les Notes Interprétatives relatives à ces recommandations ..........................................p.23 - Sur les recommandations n° 5, 12 et 16 .......... .......................................................................p.23 - Sur la recommandation n° 5 ...................... .............................................................................p.23 - Devoir de vigilance : l’interdiction d’avertir le client .................................................................p.23 - Devoir de vigilance : les personnes morales et les constructions juridiques ...........................p.24 - Le moment de la vérification...................................................................................................p.25 - Devoir de vigilance : Les mesures simplifiées ou réduites ......................................................p.25 1
- L’identification des clients existants ........................................................................................p.26 - Sur les hypothèses d’intermédiation de la 9ème recommandation .........................................p.26 - Sur la nature des transactions visées dans la 10ème recommandation en matière d’assurance ..............................................................................................................................p.27 III- Le premier rapport de progrès présenté au Comité MONEYVAL du 16 mars 2009 ou l’émergence de la loi n° 1.362 .................... ............................................................................p.28 - L’identification du bénéficiaire effectif (personnes physique / personne morale) .....................p.28 - L’identification des dirigeants .................................................................................................p.30 - Au moyen d’un document…probant ou officiel ? ....................................................................p.30 - Dont il est conservé copie ......................................................................................................p.31 - A quel moment ? ....................................................................................................................p.32 - Pour combien de temps ?.......................................................................................................p.33 - L’avertissement du client et le secret professionnel ................................................................p.34
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PROLEGOMENES La lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la corruption est actuellement une priorité pour l’ensemble de la communauté internationale et des institutions spécialisées compétente pour en connaître. Ces fléaux ont des conséquences qui s’étendent bien au delà des frontières, et ils peuvent affecter significativement l’économie des pays, la stabilité financière internationale. Le produit de ces activités criminelles alimente par ailleurs toutes sortes de trafics incompatibles avec les notions de dignité humaine et de Droits de l’Homme tels que nous les concevons dans la société contemporaine. Refuser de concevoir ces activités illicites dans une acception macroscopique serait une erreur irréparable, tant les blanchisseurs de capitaux savent exploiter les différentiels de législation existant même dans des zones de commerce et d’échange très intégrées. Le « treaty shopping » ou « shopping des traités » participe considérablement à l’explosion des flux de capitaux. Les flux de capitaux engendrés par ces activités appellent des autorités de contrôle, des autorités de supervision et des Etats, des réponses et des moyens à la hauteur du danger qu’ils représentent. La prévention et le contrôle des flux de capitaux s’appuient essentiellement sur la vérification des opérations en cause et notamment sur l’analyse d’informations nominatives essentielles pour reconstituer les flux et en déterminer les initiateurs et les bénéficiaires. A Monaco, la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption et l’ordonnance n° 2.318 du même jour sont parmi les outils juridiques majeurs consacrés à lutter contre cette délinquance complexe et protéiforme. La Commission de Contrôle des Informations Nominatives est chargée de vérifier la régularité des traitements qui lui sont soumis notamment par les personnes mentionnées dans la loi n° 1.362 précitée. Leurs difficultés à articuler les dispositions de la loi n° 1.362 avec celle de la loi n° 1.165 au regard de leurs ob ligations vis-à-vis de la CCIN nous a naturellement conduit à mettre en place un groupe de travail à l’écoute de l’ensemble des professionnels concernées pour les accompagner dans leurs démarches. Au moyen de différentes interventions, la Commission de Contrôle des Informations Nominatives tentera donc avec l’ensemble des professionnels concernés de faire la démonstration qu’une lutte efficace contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption ne peut être effectuée qu’au travers d’un cadre légal clairement défini dans son objet, et irréprochable dans l’application de la loi.
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PARTIE I : L’APPLICABILITE DES NORMES I.
Statut et missions du SICCFIN
Au travers de trois articles, le chapitre V de la Loi n° 1.362 du 03/08/2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption est consacré au Service d’Informations et de contrôle sur les circuits financiers : Article 15.- « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (SICCFIN) est l’autorité centrale nationale chargée de recueillir, analyser et transmettre les informations en lien avec la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption. A ce titre, il est chargé de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations transmises par les organismes et les personnes visés à l’article premier et au chiffre 3° de l’article 2, conformément aux dispositions du Chapitre VI. Le Service est chargé, sous réserve de réciprocité, de répondre aux demandes de renseignements émanant de services étrangers qui exercent des compétences analogues, sous réserve que ceux-ci soient soumis aux mêmes obligations de secret professionnel et dès lors que les renseignements fournis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que celles de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption. Les attributions du Service sont précisées par ordonnance souveraine ». Article 16.- « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers procède à l’examen des déclarations et des demandes mentionnées à l’article précédent et, dans ce cadre, peut demander tout renseignement complémentaire, conformément à l’article 27. Dès que cet examen fait apparaître un indice sérieux de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de corruption, le Service établit un rapport qu’il transmet au Procureur Général, accompagné de tout document pertinent, à l’exception de la déclaration elle-même qui ne doit figurer en aucun cas dans les pièces de procédure, sous peine des sanctions prévues à l’article 308 du Code pénal . Lorsque le Service saisit le Procureur Général, il en informe l’organisme ou la personne qui a effectué la déclaration ». Article 17.- « Les agents du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers sont commissionnés et assermentés pour l’exercice de leur mission. Ils ne peuvent utiliser ou divulguer les renseignements recueillis dans le cadre de cet exercice à d’autres fins que celles prescrites par la présente loi, sous peine des sanctions prévues à l’article 308 du Code pénal. Le Service tient des statistiques détaillées et publie un rapport annuel de ses activités ». Les missions du SICCFIN sont définies aux articles 35 à 38 de l’Ordonnance n. 2.318 du 03/08/2009 fixant les conditions d'application de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption :
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Article 35.- « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers peut proposer toute évolution légale ou réglementaire qu’il estime nécessaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption. Il peut diffuser toute instruction ou recommandation qu’il estime nécessaire concernant l’application des mesures prévues par la loi et la présente ordonnance ». Article 36.- « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers est désigné en tant qu’autorité spécialisée dans la lutte contre la corruption au sens de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe du 27 janvier 1999 ». Article 37.- « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers est chargé de veiller au respect par les professionnels des dispositions de la loi et des mesures d’application prises pour son exécution. À cette fin, il peut effectuer des contrôles sur pièces et sur place, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé, et dans les conditions fixées par les articles 18 et 19 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, susvisée, no tamment : -
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accéder à tous locaux à usage professionnel ; procéder à toutes les opérations de vérification qu’il juge nécessaires, et s’assurer de la mise en place des procédures décrites au Chapitre VII, du système de surveillance prévu à l’article 31 et des mesures de formation et de sensibilisation du personnel détaillées à l’article 34 ; se faire communiquer tout contrats, livres, documents comptables, registres de procès-verbaux, rapport d’audit et de contrôle et tous documents professionnels, et en prendre copie s’il échet ; recueillir auprès des dirigeants ou des représentants des professionnels ainsi que de toute personne, tous renseignements ou justificatifs utiles pour l’exercice de la mission dont il est saisi.
Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers, à l’issue de la visite et des opérations de vérification et, après avoir reçu les explications des dirigeants ou des représentants des professionnels, établit un rapport de contrôle dont un exemplaire est remis au professionnel ». Article 38.- « Dans le cadre de ses missions, lorsque le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers constate une méconnaissance des obligations fixées par la loi ou ses textes d’application, il adresse au professionnel concerné une lettre lui enjoignant de prendre les mesures appropriées pour y pallier, le cas échéant dans un délai déterminé, et demander que des rapports réguliers sur l’avancement de leur mise en œuvre soient présentés. À défaut de mise en place des mesures demandées, les dispositions de l’article 39 de la loi s’appliquent ». II.
Les échanges d’informations du SICCFIN
L’article 34 de la loi n° 1.362 mérite d’être préci sé quant à l’étendue de la collaboration du SICCFIN avec des services étrangers. A cet égard, cet article dispose que : « Dans le cadre de l’application du présent Chapitre, le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers peut collaborer et échanger des informations, avec des services étrangers ou avec des organismes nationaux remplissant des fonctions de supervision.
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Cette coopération n’est possible que sous réserve de réciprocité et que si ces entités sont soumises à des obligations de secret professionnel analogues à celles du Service en vue de l’accomplissement de leur mission et présentent des garanties suffisantes que les informations fournies ne pourront être utilisées à d’autres fins que celles de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption ». Cette disposition se fait l’écho de la Recommandation 40 du GAFI rédigée ainsi que suit : « Les pays devraient faire en sorte que leurs autorités compétentes accordent à leurs homologues étrangers la coopération internationale la plus large possible. Il conviendrait que soient mis en place des dispositifs clairs et efficaces pour faciliter un échange rapide et constructif directement entre les homologues de chaque pays, spontanément ou sur demande, des informations ayant trait aussi bien au blanchiment de capitaux qu’aux infractions sous-jacentes. Ces échanges devraient être autorisés sans condition indûment restrictive. En particulier : a)
b) c)
Les autorités compétentes ne devraient pas refuser une demande d’entraide au seul motif que la demande est également considérée comme portant sur des questions fiscales ; Les pays ne devraient pas, pour refuser la coopération, invoquer les lois qui imposent aux institutions financières de préserver le secret ou la confidentialité ; Les autorités compétentes devraient pouvoir exécuter des demandes d’informations et, si possible, procéder à des enquêtes, pour le compte d’homologues étrangers.
Lorsque la possibilité d’obtenir des informations recherchées par une autorité compétente étrangère ne fait pas partie des prérogatives de l’autorité homologue, les pays sont également encouragés à permettre un échange rapide et constructif d’informations avec les autorités non homologues. La coopération avec les autorités étrangères autres que les autorités homologues pourrait avoir lieu directement ou indirectement. Lorsqu’elles ont un doute quant à la démarche à suivre, les autorités compétentes devraient d’abord contacter leurs homologues étrangers pour qu’ils leur prêtent assistance. Les pays devraient mettre en place des contrôles et des garanties pour faire en sorte que les informations échangées par les autorités compétentes ne soient utilisées que de la manière autorisée et en conformité avec leurs obligations de protection de la vie privée et de protection des données ». Il est intéressant d’abord de noter que les notes interprétatives disposent que la Recommandation 40 « ne couvre pas la coopération se rapportant à l’entraide judiciaire ou à l’extradition ». Par ailleurs, l’échange indirect d’informations avec les autorités étrangères autres qu’homologues, c’est-à-dire « les autorités qui exercent des responsabilités et fonctions similaires », vise des situations où la demande d’information provient de l’autorité étrangère via une ou plusieurs autorités nationales ou étrangères avant d’être reçue par l’autorité demandant l’information. Dans cette hypothèse le GAFI préconise que « l’autorité compétente demandant l’information devrait toujours indiquer clairement dans quel but et pour le compte de qui la demande est formulée ». A cet égard, il convient de relever que l’article 34 de la loi n° 1.362 est peu disert quant aux modalités de l’échange d’information avec l’autorité étrangère.
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L’Ordonnance n° 2.318 du 03/08/2009 fixant les cond itions d'application de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 est quant à elle totalement taisante à ce sujet. Il convient d’inviter le SICCFIN à préciser la procédure et la nature des échanges d’informations avec les autorités étrangères. S’agissant de l’absence de droit d'accès indirect aux informations nominatives, il pourrait être suggéré au SICCFIN de se rapprocher de la CCIN aux fins de l’organiser et de combler ce vide juridique. En effet, conformément à l’article 35 de l’Ordonnance n° 2.318 précitée : « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers peut proposer toute évolution légale ou réglementaire qu’il estime nécessaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption. Il peut diffuser toute instruction ou recommandation qu’il estime nécessaire concernant l’application des mesures prévues par la loi et la présente ordonnance ». III. Interactions du SICCFIN avec les instances internationales 1. Le GAFI Sur le site internet du SICCFIN (http://www.siccfin.gouv.mc) à l’onglet « Dispositions légales », il précisé notamment que : « L’article 218-1 [du code pénal monégasque] soumet également à une peine identique celui qui aura tenté de commettre les infractions visées à l’article 218 ou celui qui se sera entendu ou associé avec d'autres en vue de les commettre. Pour l’application de l’article 218 du code pénal, depuis la modification de la loi intervenue en 2006, "est qualifié de biens et de capitaux d'origine illicite le produit des infractions punies en droit monégasque d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans" ainsi que le produit de certaines autres infractions passibles de peines inférieures. La définition monégasque du blanchiment de capitaux recouvre toutes les catégories d’infractions retenues par le GAFI dans le glossaire de ses 40 Recommandations ». Le site internet du SICCFIN dispose à cet égard d’un onglet spécifique uniquement consacré aux Communication MONEYVAL et GAFI. Cependant, le lien entre la Principauté de Monaco et le GAFI mérite d’être plus amplement exposé. En effet, le GAFI (Groupe d’Action Financière) a été créé en juillet 1989 par le Groupe des Sept (G7) lors du sommet de Paris afin d’examiner et de développer les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux. Son mandat actuel révisé, qui s’achèvera en décembre 2012, a été étendu aux efforts de lutte contre le financement du terrorisme. Pour assurer sa mission, il a déjà émis 40 recommandations générales et 9 spéciales dont il encourage l’adoption et la mise en œuvre universelle. Il évalue les progrès réalisés par les pays en commençant par ses membres.
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La Principauté de Monaco n’est pas membre du GAFI. Cependant, le point 6ème de l’article 11 de l’Ordonnance n° 15.185 du 14/01/200 2 rendant exécutoire la Convention sous forme d'échange de lettres dénommée « Convention monétaire entre le Gouvernement de la République Française, au nom de la Communauté Européenne, et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco » dispose : « La Principauté de Monaco prend des mesures d'effets équivalents à la directive communautaire relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, selon les recommandations du Groupe d'action financière internationale contre le blanchiment des capitaux (GAFI) ». En effet, cette Ordonnance avait été adoptée dans le cadre du processus d’introduction de l'euro dans la Principauté de Monaco, et auxquelles la Commission européenne et la Banque centrale européenne avaient été pleinement associées. A cet égard, la Principauté de Monaco s’est donc engagée à prendre des mesures d’effets équivalents à la directive communautaire selon les recommandations du GAFI. En conséquence et d’un point de vue juridique, il s’agit de seules recommandations impliquant l’adoption de dispositions équivalentes à celle-ci. 2. Le MONEYVAL Il examine les mesures mises en place pour contrer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les États membres du Conseil de l’Europe (et les pays désireux d’adhérer au Conseil de l’Europe qui décident de souscrire au mandat du Comité) n’appartenant pas au Groupe d’Action en matière Financière (GAFI). Les États membres du Conseil de l’Europe qui sont membres de MONEYVAL mais adhérent ensuite au GAFI, peuvent choisir de rester membres à part entière de MONEYVAL. MONEYVAL est l’un des principaux organismes régionaux de type GAFI et il travaille en étroite collaboration avec celui-ci. 3. Le GRECO L’article 36 de l’Ordonnance n. 2.318 du 03/08/2009 fixant les conditions d'application de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lut te contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption dispose : « Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers est désigné en tant qu’autorité spécialisée dans la lutte contre la corruption au sens de la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe du 27 janvier 1999 ». Selon l’article 32 de ladite Convention, il est exposé que : 1. « La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe et des Etats non membres qui ont participé à son élaboration. Ces Etats peuvent exprimer leur consentement à être liés par : a. b.
signature sans réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation; ou signature sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, suivie de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
2. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. 8
3. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle quatorze Etats auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention, conformément aux dispositions du paragraphe 1. Un tel Etat qui n'est pas membre du Groupe d'Etats contre la Corruption (GRECO) au moment de la ratification le deviendra automatiquement le jour de l'entrée en vigueur de la présente Convention. 4. Pour tout Etat signataire qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Convention, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de l'expression de son consentement à être lié par la Convention conformément aux dispositions du paragraphe 1. Un Etat signataire non membre du Groupe d'Etats contre la Corruption (GRECO) au moment de la ratification le deviendra automatiquement le jour de l'entrée en vigueur de la présente Convention à son égard ». Concernant la Principauté de Monaco, cette Convention est entrée en vigueur le 1 juillet 2007 sous les deux réserves suivantes : er
Les réserves consignées dans l'instrument 19 mars 2007
de ratification déposé le
1- « Conformément aux dispositions de l'article 37, paragraphe 1, de la Convention, la Principauté de Monaco se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale les faits de corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères visés aux articles 5 et 6 de la Convention.[Note du Secrétariat : Par une lettre de la Représentante Permanente de Monaco, datée du 12 mars 2010, enregistrée au Secrétariat Général le 15 mars 2010 - le Gouvernement de Monaco a informé le Secrétaire Général de son intention de maintenir cette réserve, dans son intégralité, pour une période de trois ans (article 38 de la Convention) (Période couverte: du 01/07/2010 au 01/07/2013).] Période d'effet : 01/7/2007. 2- Conformément à l'article 37, paragraphe 1, de la Convention, la Principauté de Monaco se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale, en tout ou partie, les actes de trafic d'influence définis à l'article 12 de la Convention. [Note du Secrétariat : Par une lettre de la Représentante Permanente de Monaco, datée du 12 mars 2010, enregistrée au Secrétariat Général le 15 mars 2010 - le Gouvernement de Monaco a informé le Secrétaire Général de son intention de maintenir cette réserve, dans son intégralité, pour une période de trois ans (article 38 de la Convention) (Période couverte: du 01/07/2010 au 01/07/2013).] Période d'effet : 01/7/2007 ». Aussi, eu égard au point 4 de l’article 32 de la convention précitée, la Principauté de Monaco est donc membre du GRECO, dont la mission est d’évaluer ses membres « à travers un processus dynamique d’évaluation et de pression mutuelles par les pairs (…) ». Tous les membres participent et se soumettent sans restriction aux évaluations mutuelles et aux procédures de conformité. La procédure d’évaluation « horizontale » aboutit à des recommandations dont le but est la poursuite des réformes nécessaires dans les domaines législatif, institutionnel et pratique. La procédure de conformité a pour objectif d’évaluer les mesures prises par les membres pour mettre en œuvre ces recommandations.
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IV. Le devoir de vigilance des banques au sujet de la clientèle selon la banque des règlements internationaux (B.R.I.) Pour illustrer la diversité des normes et recommandations émises par les différentes législations et les organismes prudentiels en matière de prévention et de lutte contre le blanchiment de capitaux, il conviendrait de citer le Comité de Bâle, qui est composé de représentants des banques centrales et des autorités prudentielles notamment du G20. Il émet des Recommandations en matière : -
de renforcement de la sécurité et de la fiabilité du système financier, d’établissement de standards minimaux en matière de contrôle prudentiel, de diffusion et la promotion des meilleures pratiques bancaires et de surveillance, de promotion de coopération internationale en matière de contrôle prudentiel.
S’agissant des banques, le GAFI opère un renvoi aux énonciations du document de Bâle1 relatif au devoir de vigilance vis-à-vis de la clientèle. Ce document non contraignant met en lumière les lacunes et les déficiences des politiques suivies par les banques en matière de « connaissance clientèle (C.C.) ». En effet, la connaissance clientèle est en étroite connexité avec la lutte contre le blanchiment. Par conséquent, il a publié des Recommandations CC. Le GAFI accorde manifestement un crédit certain à l’égard de ces Recommandations : « Le cas échéant, le document de Bâle concernant le devoir de vigilance relatif à la clientèle pourrait aussi fournir des indications pour les comptes similaires détenus par d’autres types d’institutions financières ». Sur la politique d’acceptation des nouveaux clients Le Comité de Bâle considère que « les banques devraient définir des politiques et procédures claires d’acceptation des nouveaux clients comprenant notamment la description des types de clientèle susceptibles de représenter pour elles un risque supérieur à la moyenne ». Il ajoute qu’ « elles devraient prendre en compte des facteurs tels que les antécédents de leurs clients, leur pays d’origine, le fait qu’il s’agit de personnages publics ou en vue, les liens entre comptes, leurs activités professionnelles ainsi que d’autres indicateurs de risques ». Il préconise par ailleurs une graduation du devoir de vigilance applicable au client en fonction de son profil. Sur l’identification de la clientèle Le document de Bâle dispose que « l’identification de la clientèle est un éléments clé des normes CC ». Au point 26, il dispose que « les banques devraient élaborer des règles claires [précisant] quelles sont les données à conserver sur l’identification de la clientèle et les transactions individuelles et sur quelles durée ».
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« Devoir de diligence des banques au sujet de la clientèle », octobre 2001, Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Banque des Règlements Internationaux (B.R.I.) ;
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Il recommande par ailleurs que : « Pour entamer la procédure d’identification et en exploiter les résultats, les banques devraient se procurer des pièces d’identité du client et en conserver des copies pendant au moins cinq ans après la clôture du compte. Elles devraient également garder, sur la même période, tous les enregistrements des transactions financières à compter de leur réalisation ». Pour mémoire, le GAFI préconise que « les institutions financières devraient conserver une trace écrite des données d’identification obtenues au titre des mesures de vigilance (par exemple, copies ou enregistrement des documents officiels tels que les passeports, les cartes d'identité, les permis de conduire ou des documents similaires), les livres de comptes et la correspondance commerciale pendant cinq ans au moins après la fin de la relation d'affaires ». Force est de constater que les Recommandations du Comité de Bâle vont au delà de ce que requiert le GAFI. En effet, ce dernier préconise uniquement la conservation d’une trace écrite des données d’identification et il laisse un large choix quant aux modalités d’exécution. Ledit Comité de Bâle va encore plus loin s’agissant de l’identification et de la vérification des clients à distance :
-
« Pour accepter de nouveaux clients à distance, les banques devraient : Leur appliquer des procédures d’identification tout aussi efficaces que pour les clients se présentant à un entretien ; Prendre des mesures spécifiques et adéquates pour limiter ce risque accru, notamment : o authentification des documents présentés ; o demande de documents supplémentaires ; o contact indépendant avec le client ; o intermédiation d’un tiers, sous réserve des critères énoncés au paragraphe 36 ; ou o exigence d’un premier paiement par l’intermédiaire d’un compte ouvert au nom du client auprès d’un établissement soumis à des normes de diligence semblables ».
V. L’applicabilité directe et partielle du droit prudentiel français La Convention franco-Monégasque du 14 avril 1945 L’article 1er de la Convention franco-monégasque relative au contrôle des changes signée à Paris le 14 avril 1945 dispose : « Les textes actuellement en vigueur en France en matière de réglementation des changes sont applicables de plein droit dans la Principauté de Monaco. Y seront également applicables de plein droit toutes nouvelles dispositions légales ou réglementaires qui viendraient à être adoptées en France dans ce domaine. En conséquence, le territoire de la Principauté de Monaco est, pour l’application de cette réglementation, assimilé au territoire français ».
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L’échange de lettres entre la France et Monaco du 18 mai 1963 Cet échange de lettres a notamment apporté des précisions s’agissant de l’interprétation des dispositions de la Convention susvisée du 14 avril 1945 et qui ont pour effet : 1.
« De rendre applicables à Monaco la législation et la réglementation concernant les banques et les établissements financiers en vigueur en France ; les modifications qui y seront apportées seront applicables un jour franc après que le journal officiel français qui les contient sera parvenu à Monaco. Pour l’application de ces dispositions, ne sont pas considérées comme étrangères les personnes physiques ou morales monégasques ;
2.
De rendre applicable à Monaco les prescriptions d’ordre général prises en exécution de la législation et de la réglementation françaises sous forme d’arrêtés, de décisions de caractère général du Conseil national du crédit et du titre, de décisions, instructions ou circulaires de la Commission de contrôle des banques ou du gouverneur de la Banque de France ; ces prescriptions sont applicables dès leur communication à l’administration monégasque et aux établissements intéressés.
Les prescriptions ci-dessus peuvent, toutefois, contenir des dispositions particulières pour tenir compte de la situation de la Principauté ». L’accord sous forme d’échange de lettres du 27 novembre 1987 (ABROGE) La loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’act ivité et au contrôle des établissements de crédit a modifié la législation bancaire en France. Cet accord à ajuster l’échange de lettres du 18 mai 1963, et précise notamment que : « Article 1er. – La législation en vigueur en France concernant les banques et établissements financiers et la réglementation de caractère général prise pour son application par le Comité de la réglementation bancaire sont applicables à Monaco. Les modifications qui seront apportées à ce régime seront applicables à Monaco un jour après que le journal officiel français qui les contient sera parvenu à Monaco. Les instructions, circulaires, décisions ou avis pris en application de la législation et de la réglementation bancaire françaises sont applicables à Monaco dès leur communication à l’administration monégasque et aux établissements de crédit concernés. Pour tenir compte de la situation de la Principauté, les dispositions, prescriptions et règles visées ci-dessus peuvent, le cas échéant, recevoir les modifications nécessaires ». Cependant, l’alinéa 3ème de l’article 4 pose certaines limites à l’application de la loi française à Monaco : « Enfin, demeurent exclues de l’application à Monaco les dispositions, prescriptions et règles ne concernant pas strictement la réglementation et l’organisation spécifiques des établissements visés reprises aux articles L. 511-39 [commissaires aux comptes], L. 312-1 [droit au compte], L. 313-23 [cession et nantissement des créances professionnelles], L. 5195 [règles de bonne conduite / démarchage] du Code monétaire et financier. Les articles L. 613-18 [désignation d’un administrateur provisoire / ABROGE], L. 613-21 [sanctions disciplinaires / ABROGE], L. 613-22 [pouvoir disciplinaire / ABROGE] et L. 511-35 [établissement des comptes annuels] du Code s’appliquent en tenant compte des dispositions spécifiques du droit monégasque relatives à l’exercice des fonctions d’administrateur ou de liquidateur de sociétés et de commissaire aux comptes. L’article 13 12
de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 et les articl es L. 613-20 [secret professionnel / ABROGE] et L. 511-33 [secret professionnel] s’appliquent en tenant compte des dispositions propres au droit pénal monégasque et au droit monégasque des sociétés. Les dispositions de l’article L. 613-20-II [surveillance par l’A.C.P.] ne peuvent concerner des établissements de crédit monégasques qu’avec l’accord du Gouvernement princier. Les difficultés éventuelles d’application du présent accord seront réglées d’un commun accord par un groupe de travail réunissant les administrations compétentes des deux Etats ». L’accord sous forme d’échange de lettres signées à Paris et Monaco les 6 avril et 10 mai 2001 Dans le cadre notamment de l’accès complet des établissements de crédit monégasques à TARGET, aux opérations de politique monétaire du SEBC et aux systèmes de règlements et de livraison de titres, cet accord tend à ajuster les dispositions de l’échange de lettres du 27 novembre 1987. Il convient de retenir les éléments suivants : 1.
« Les établissements de crédit installés dans la Principauté de Monaco sont autorisés à communiquer à leur société mère les informations nécessaires à la surveillance sur base consolidée d’une autorité de supervision bancaire étrangère si elle y est soumise.
Les personnes recevant ces informations sont tenues au secret professionnel dans les conditions visées à l’article L. 511-33 du code monétaire et financier applicable en tenant compte des dispositions de l’article 308 du code pénal monégasque ; ces informations ne peuvent être transmises à des tiers, hormis l’autorité de supervision bancaire visée à l’alinéa précédent, qu’avec l’accord préalable de l’établissement de crédit monégasque concerné (…). 1.
(…) Le secret professionnel prévu à l’article L. 613-20 [ABROGE] susvisé n’est pas opposable à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, d’une liquidation des biens d’un établissement de crédit ayant une succursale à Monaco (…).
2.
La Commission bancaire peut procéder, dans des cas déterminés, à des vérifications sur place d’une succursale ou d’une filiale d’un établissement de crédit installée à Monaco, sur demande d’une autorité de supervision étrangère ».
A titre de remarque, il peut être relevé que la communication d’informations à la société mère soumise au contrôle d’une autorité prudentielle est expressément prévue et les personnes recevant ces informations sont soumises au secret professionnel. La notion de « surveillance sur base consolidée » n’est en effet pas clairement définie, mais elle contient sans aucun doute possible un volet consacré aux flux d’informations appartenant à la clientèle2. Le second alinéa ne prévoit par principe aucune autre communication d’informations hors celle concernant l’autorité de supervision. La communication de ces informations à des tiers nécessite l’accord préalable de l’établissement de crédit monégasque. Il faudrait compléter cette disposition par « et de l’autorité de protection des informations nominative compétente ». En effet, cette disposition pose plusieurs difficultés.
2
Surveillance bancaire consolidée : Flux d’informations appartenant à la clientèle – pratique des autorités et obstacles des législations étrangères, Mémoire MBL, Professeur Anne Héritier Lachat, Manuel Borla, Université de Genève, juin 2007 ;
13
Si l’établissement monégasque donne son accord pour une communication d’informations par la société mère à une entité située dans un pays ne bénéficiant pas d’un niveau de protection adéquat, les informations sont menacées à deux titres : -
à l’égard de l’absence de protection adéquate de l’entité bénéficiaire de second rang ; à l’égard de l’éventuelle absence de justification d’une telle communication.
Si le traitement à Monaco n’est pas modifié et que la communication n’est effectuée qu’au niveau de la société mère, il reste que cette communication n’est possible qu’avec l’accord de l’entité monégasque. Il en résulte qu’un tel accord devrait être soumis à la CCIN dans la mesure où l’entité monégasque reste le donneur d’ordre. A défaut, cela ouvrirait la voie à un mécanisme de fraude à la loi n° 1.165 qui consisterait à ne prévoir que la communication d’informations à la société mère qui serait chargée de redistribuer l’information pour le compte de l’entité monégasque sans aucun contrôle de la CCIN Cela s’avère d’autant plus nécessaire que l’article 14 de la loi n° 1.165 ne peut valablement s’appliquer en raison de la nature particulière des traitements soumis à la loi n° 1.362. Il conviendra en toutes hypothèses que l’entité monégasque anticipe toutes communications ultérieures susceptibles de requérir son accord. Il est rappelé à cet égard que l’article 21 de la loi n° 1.165 dispose que : « Sont punis d’un emprisonnement d’un à six mois et de l’amende prévue au chiffre 3 de l’article 26 du code pénal ou de l’une de ces deux peines seulement : (…) 3° ceux qui, par suite d’imprudence ou de négligenc es, ne préservent pas ou ne font pas préserver la sécurité des informations nominatives ou divulguent ou laissent divulguer des informations ayant pour effet de porter atteinte à la réputation d’une personne ou à sa vie privée et familiale ; 5° ceux qui, hors les cas prévus aux articles 20 et 20-1, transfèrent ou font procéder au transfert d’informations nominatives vers des pays ou organismes ne disposant pas d’une protection adéquate ». Les dispositions des 1° 2° 6° 7° 8° l’article 22 so nt également susceptibles de s’appliquer sans préjudice des sanctions prévues à l’article 23 de la même loi. L’ordonnance n° 15.185 du 14/01/2002 rendant exécut oire la Convention sous forme d’échange de lettres dénommée « Convention monétaire entre le Gouvernement de la République Française, au nom de la Communauté Européenne, et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco » Ladite Convention monétaire intervenue sous forme d’échange de lettres en date respectivement du 24 et du 26 décembre 2001 a reçu pleine et entière exécution à compter du 26 décembre 2001. Elle est intervenue aux fin d’organiser à compter du 1er janvier 2002 le passage à l’euro à Monaco.
14
Dans le cadre de la présente étude, il convient de retenir que l’article 11 de ladite ordonnance dispose que : « 2. La Principauté de Monaco applique les dispositions prises par la France pour transposer les actes communautaires relatifs à l'activité et au contrôle des établissements de crédit et à la prévention des risques systémiques dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement et de livraison de titres figurant à l'annexe A. À cet effet, la Principauté de Monaco applique, en premier lieu, les dispositions du Code monétaire et financier français relatives à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que les textes réglementaires pris pour leur application comme prévu par la convention francomonégasque relative aux contrôles des changes du 14 avril 1945 et par les échanges de lettres entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco du 18 mai 1963, du 27 novembre 1987 et du 10 mai 2001 relatifs à la réglementation bancaire et, en second lieu, les dispositions du Code monétaire et financier français relatives à la prévention des risques systémiques dans les systèmes de paiement et les systèmes de règlement et de livraison de titres. 6. La Principauté de Monaco prend des mesures d'effets équivalents à la directive communautaire relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, selon les recommandations du Groupe d'action financière internationale contre le blanchiment des capitaux (GAFI) ». L’accord sous forme d’échange de lettres portant abrogation de l’accord sous forme d’échange de lettres en date du 27 novembre 1987 modifiant l’échange de lettres du 18 mai 1963, signées à Paris et à Monaco le 20 octobre 2010 Cet accord est intervenu afin de prendre en considération les évolutions du droit bancaire français de ces dernières années. Certaines de ses dispositions méritent d’être reprises dans la présente étude : « Article 1er. – La législation en vigueur en France et la réglementation de caractère général prise pour son application concernant les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique sont applicables à Monaco. Les instructions, décisions, ou avis pris en application de la législation et de la réglementation bancaire françaises sont applicables à Monaco, dès leur communication à l’administration monégasque et aux établissements concernés (…). Article 2. – L’Autorité de contrôle prudentiel agréé les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique installés sur le territoire monégasque. Les agents de la Banque de France chargés d’assurer les contrôles sur place prennent l’attache des autorités monégasques qui les assistent au besoin dans l’accomplissement de leur mission (…). Article 3. – Un représentant du Gouvernement princier participe sans voix délibérative au comité consultatif du secteur financier pour les sujets relevant du domaine d’applicabilité directe du droit français à Monaco. Le Gouvernement princier est associé à l’élaboration de la législation et de la réglementation applicable aux établissements visés à l’article 1er par la participation sans voix délibérative d’un de ses représentants aux réunions du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (…). 15
Article 4. – Demeurent exclues de l’application à Monaco les dispositions, prescriptions et règles ne concernant pas strictement la réglementation et l’organisation spécifiques des établissements visés et notamment celles reprises aux articles L. 511-39 [commissaires aux comptes], L. 312-1 [droit au compte] et L. 313-23 à L. 313-29-1 [cessions et nantissements de créances professionnelles] du code monétaire et financier. Les articles L. 612-34 [administrateur provisoire], L. 612-39 [sanctions], L. 613-24 [procédures collectives], L. 511-35 [obligations comptables] et L. 511-38 [commissaires aux comptes] du même code s’appliquent en tenant compte des dispositions spécifiques du droit monégasque relatives à l’exercice des fonctions d’administrateur ou de liquidateur de sociétés et de commissaire aux comptes. Les articles L. 500-1 [prestataires de services], L. 511-33 [secret professionnel], L. 632-15 [communication de documents] du même code s’appliquent en tenant compte des dispositions propres au droit pénal monégasque et au droit monégasque des sociétés et selon les modalités définies dans l’accord sous forme d’échange de lettres des 6 avril et 10 mai 2001. Article 5. – Les difficultés éventuelles d’application des dispositions du présent accord sont réglées d’un commun accord par un groupe de travail réunissant les administrations compétentes des deux Etats parties (…) ». Il convient de rappeler que cet accord sous forme d’échange de lettres du 20 octobre 2010 tient compte de la transposition de la directive 2007/64/CE sur les services de paiement en droit français et, par anticipation, de celle de la directive 2009/110/CE relative à la monnaie électronique, ainsi que des évolutions concernant les entités participant à l’élaboration de la législation bancaire et à la supervision du secteur bancaire. Par ailleurs, la rédaction de l’article 4 de l’échange de lettres susvisé laisse à penser qu’en matière de protection des informations nominatives, la législation française ne trouve pas à s’appliquer dans la mesure où le présent échange de lettres ne concerne que la législation et la réglementation de caractère général prise pour son application concernant les établissements de crédit, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique au regard de la réglementation et l’organisation spécifiques de ces établissements. L’accord sous forme d’échange de lettres des 6 avril et 10 mai 2001 confirme quelque peu cette analyse en prévoyant expressément la communication d’informations de la filiale monégasque vers sa société mère étrangère, et en n’autorisant la communication d’informations vers des tiers qu’avec l’accord préalable de l’établissement monégasque concerné. VI. La problématique de la collecte pléthorique de données d’identification La notion d’authentification par une banque des documents présentés peut porter à interrogation dans la mesure où il n’entre à notre connaissance pas dans les attributions d’une banque monégasque de procéder à l’expertise de documents officiels notamment. Les législations monégasques et internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ne devraient pas être un prétexte pour exercer un contrôle discrétionnaire sur le client et pour organiser une collecte pléthorique des données d’identification du client. En effet, une collecte excessive au regard de la loi n° 1.362 pourrait même constituer en soi un détournement de finalité par delà le caractère non adéquat et excessif du traitement au regard de l’article 10-1 de la loi n° 1.165.
16
Lorsque sont collectées les informations nominatives aux fins de mettre en œuvre un traitement fondé sur la loi n° 1.362 précitée, les obligations de l’établissement concerné sont remplies en matière de devoirs d’identification et de vérification. Une collecte excédant ces informations donc n’est pas rattachable à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Pour ces raisons, il semble que les énumérations d’informations nominatives figurant dans la loi n° 1.362 et l’Ordonnance Souveraine n° 2.318, doivent être d’interprétation stricte. Dans le cadre du Rapport sur le projet de loi n° 86 2 du 17 juillet 2009, relatif à l’examen des obligation de vigilance de la loi n° 1.362, ladite Commission avait justement supprimé le terme « notamment » du texte primitif, considérant qu’il « impliquait une énumération non exhaustive des diligences à accomplir afin de limiter ces obligations de vigilance constante à l’égard de la relation d’affaires et d’éviter qu’elles ne soient trop déraisonnablement étendues ». Il semble que la volonté du législateur a donc été d’encadrer strictement la collecte d’informations nominatives. Il a été observé que la Principauté de Monaco s’est donc engagée à prendre des mesures d’effets équivalents à la directive communautaire selon les Recommandations du GAFI. Ces Recommandations laissent par ailleurs une marge de manœuvre relativement importante aux Etats concernés par ces dispositions pour les adapter en droit interne. De ces exigences relayées par le MONEYVAL est née la loi n° 1.362 du 03 août 2009 et l’Ordonnance Souveraine n° 2.318 du même jour. A ce titre, la référence légale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme et de corruption en Principauté de Monaco est la loi n° 1.362. Dans le cadre de son rôle d’autorité de protection des informations nominatives, la Commission de Contrôle des Informations Nominatives observe des disparités importantes entre les procédures mises en place par les entreprises et les organismes concernés par la loi n° 1.362 et les obligations qui en découlent. C es procédures sont en outre souvent guidées par des appréciations maximalistes de ladite loi. En conséquence, la Commission de Contrôle des Informations Nominatives souhaite attirer l’attention des professionnels chargés de veiller au respect des dispositions afférentes à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, sur la nécessité de mettre en œuvre des procédures normalisées en matière d’identification et de vérification de la clientèle, et qui concilient respectivement : -
la loi n° 1.362 précitée et l’Ordonnance Souverai ne qui s’y rapporte ; la loi n° 1.165 précitée et l’Ordonnance Souverai ne qui s’y rapporte ; les dispositions de droit international contraignantes ayant une applicabilité directe en Principauté de Monaco ; la législation française applicable ; toutes normes émanant d’une autorité prudentielle compétente et notamment l’A.C.P3.
Une telle démarche permettrait une uniformisation des règles en la matière, par exemple par professions ou secteur d’activité, et simplifierait les démarches et les
3. L’Autorité de Contrôle Prudentiel qui résulte de la fusion des quatre autorités de la banque et de l’assurance CB, ACAM, CEA et CECEI et dont la mission consiste à veiller à la qualité de la situation financière des entités des secteurs qu'elle supervise dans le but de garantir la stabilité du système financier et la protection de leurs clientèles.
17
procédures des professionnels concernés qui sont actuellement soumis à de constants arbitrages qui ne leur appartiennent au demeurant pas de juger. La Commission de Contrôle des Informations Nominatives propose de s’associer à toutes démarches effectuées en ce sens dans le cadre de sa mission de protection des informations nominatives et dans un souci de coopération avec les différents acteurs chargés de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption.
18
PARTIE II : LES NORMES APPLICABLES I.
Les Recommandations du GAFI
Les Recommandations n° 4 et 5 organisent le devoir de vigilance (« due diligence ») relatif à la clientèle et le devoir de conservation des documents : « Les institutions financières devraient prendre les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, notamment en identifiant et en vérifiant l’identité de leurs clients, lorsque : -
elles nouent des relations d’affaire ; elles effectuent des transactions occasionnelles : supérieures au seuil désigné applicable ; ou sous forme de virements électroniques dans les circonstances visées par la Note interprétative de la Recommandation Spéciale VII ; il y a suspicion de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ; ou l’institution financière a des doutes quant à la véracité ou à la pertinence des données d’identification du client précédemment obtenues. Les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle sont les suivantes :
a) b)
c)
Identifier le client et vérifier son identité au moyen de documents, données et informations de source fiable et indépendante. Identifier le bénéficiaire effectif, et prendre des mesures raisonnables pour vérifier cette identité de telle manière que l’institution financière ait une connaissance satisfaisante de l’identité du bénéficiaire effectif (…) Obtenir des informations sur l’objet et la nature envisagée de la relation d’affaires et assurer un examen attentif des transactions effectuées pendant la relation d’affaires, afin de s’assurer que les transactions effectuées pendant toute la durée de cette relation d’affaires, afin de s’assurer que les transactions effectuées sont cohérentes avec la connaissance qu’à l’institution de son client, de ses activités commerciales, de son profil de risque et, lorsque cela est nécessaire, de l’origine des fonds (…) ». La Recommandation n° 6 : Les personnes politiquemen t exposées
« Les institutions financières devraient, s’agissant de personnes politiquement exposées, mettre en œuvre les mesures de vigilance normales, et en outre : a) b) c) d)
Disposer de systèmes de gestion des risques adéquats afin de déterminer si le client est une personne politiquement exposée. Obtenir l’autorisation de la haute direction avant de nouer une relation d’affaires avec de tels clients. Prendre toutes mesures raisonnables pour identifier l’origine du patrimoine et l’origine des fonds. Assurer une surveillance renforcée et continue de la relation d’affaires ».
19
La Recommandation n° 9 pose des critères relatifs à l’identification du client et au devoir de vigilance dans les hypothèses d’intermédiation. « Les critères qui devraient être respectés sont les suivants : a.
Une institution financière ayant recours à un tiers doit immédiatement obtenir les informations nécessaires concernant les éléments (a) à (c) des mesures de vigilance relatives à la clientèle. Les institutions financières devraient prendre les mesures adéquates pour s'assurer que le tiers est à même de fournir, sur demande et dans les délais les plus brefs, des copies des données d’identification et autres documents pertinents liés au devoir de vigilance relatif à la clientèle.
b.
L'institution financière devrait s'assurer que le tiers est soumis à une réglementation et fait l'objet d’une surveillance, et qu’il a pris les mesures visant à se conformer aux mesures de vigilance relatives à la clientèle, conformément aux Recommandations 5 et 10 ».
La Recommandation n° 10 se rapporte aux questions d e la collecte et de la conservation des documents : « Les institutions financières devraient conserver, pendant au moins cinq ans, toutes les pièces nécessaires se rapportant aux transactions effectuées, à la fois nationales et internationales, afin de leur permettre de répondre rapidement aux demandes d'information des autorités compétentes. Ces pièces doivent permettre de reconstituer les transactions individuelles (y compris, le cas échéant, les montants et les types de devises en cause) de façon à fournir, si nécessaire, des preuves en cas de poursuites pénales. Les institutions financières devraient conserver une trace écrite des données d’identification obtenues au titre des mesures de vigilance (par exemple, copies ou enregistrement des documents officiels tels que les passeports, les cartes d'identité, les permis de conduire ou des documents similaires), les livres de comptes et la correspondance commerciale pendant cinq ans au moins après la fin de la relation d'affaires. Les données d'identification et les pièces se rapportant aux transactions devraient être mises à disposition des autorités nationales compétentes pour l’accomplissement de leur mission ». La Recommandation n° 12 prévoit le champ d’applicat ion des dispositions issues des Recommandations 5, 6, 8 à 11. Il s’agit des entreprises et des professions non financières suivantes : a. b. c.
d.
« Casinos - lorsque les clients effectuent des transactions financières égales ou supérieures au seuil désigné applicable. Agents immobiliers - lorsqu'ils effectuent des transactions pour leurs clients concernant l'achat et la vente de biens immobiliers. Négociants en métaux précieux ou en pierres précieuses - lorsqu'ils effectuent avec un client des transactions en espèces dont le montant est égal ou supérieur au seuil désigné applicable. Avocats, notaires, autres professions juridiques indépendantes et comptables lorsqu'ils préparent ou effectuent des transactions pour leurs clients dans le cadre des activités suivantes : o achat et vente de biens immobiliers ; o gestion des capitaux, des titres ou autres actifs du client ; o gestion de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ; o organisation des apports pour la création, l'exploitation ou la gestion de sociétés ; 20
e.
o création, exploitation ou gestion de personnes morales ou de constructions juridiques, et achat et vente d'entités commerciales. Prestataires de services aux sociétés et trusts - lorsqu'ils préparent ou effectuent des transactions pour un client dans le cadre des activités visées par les définitions figurant dans le Glossaire ». La Recommandation n° 28 se rapporte aux procédures d’enquêtes.
« Lorsqu’elles se livrent à des enquêtes sur le blanchiment de capitaux et les infractions sous-jacentes, les autorités compétentes devraient pouvoir obtenir des documents et des informations pour les utiliser dans le cadre de ces enquêtes et pour engager les poursuites et actions qui s’y rapportent. Ceci inclut le pouvoir d’appliquer des mesures coercitives pour la production de documents détenus par des institutions financières ou d’autres personnes, pour la fouille de personnes et de locaux et pour la saisie et l’obtention d’éléments de preuve ».
II.
Les Notes Interprétatives relatives à ces Recommandations Les Recommandations du GAFI ont par ailleurs fait l’objet de Notes Interprétatives. Sur les Recommandations 5, 12 et 16 :
« Les seuils désignés de transaction (dans le cadre des Recommandations 5, 12 et 16) sont les suivants : -
Institutions financières (pour les clients occasionnels dans le cadre de la Recommandation 5) – USD/€ 15.000 ; Casinos, y compris ceux sur internet (dans le cadre de la Recommandation 12) – USD/€ 3.000 ; Négociants en métaux précieux et en pierres précieuses lorsque la transaction se fait en espèces (dans le cadre des Recommandations 12 et 16) – USD/€ 15.000.
Les transactions financières dépassant l’un des seuils désignés sont celles où la transaction est exécutée en une seule ou plusieurs opérations entre lesquelles semble exister un lien ». Sur la Recommandation 5 : Devoir de vigilance relatif à la clientèle et interdiction d’avertir le client : 3.
« Si lors de l’établissement d’une relation d’affaires, ou au cours de cette relation, ou lorsqu’elle procède à des transactions occasionnelles, une institution financière soupçonne que des transactions se rapportent à des opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, elle devrait : a) En principe, chercher à identifier le client et le bénéficiaire effectif, qu’il soit permanent ou occasionnel, et à vérifier leur identité nonobstant toute dérogation ou applicabilité d’un seuil désigné. b) Faire une déclaration d’opérations suspectes à la CRF conformément à la Recommandation 13.
2.
La Recommandation 14 interdit aux institutions financières, à leurs dirigeants et à leurs salariés de divulguer le fait qu’une déclaration d’opérations suspectes ou des informations connexes a été portée à la connaissance de la CRF. Le risque existe que le client soit involontairement informé lorsque l’institution financière s’efforce de 21
remplir ses obligations de vigilance relatives à la clientèle dans ces circonstances. Le fait que le client soit informé d’une éventuelle déclaration d’opérations suspectes ou d’une éventuelle enquête pourrait compromettre les efforts ultérieurs d’enquête portant sur les opérations pour lesquelles il y a soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. C’est pourquoi, si une institution financière soupçonne qu’une transaction se rapporte à une opération de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, elle doit prendre en compte le risque de divulgation de l’information lorsqu’elle remplit ses obligations de vigilance relatives à la clientèle. Si l’institution financière peut raisonnablement considérer qu’en s’acquittant de son devoir de vigilance relatif à la clientèle elle alertera le client ou futur client, elle pourra choisir de ne pas accomplir cette procédure et devra alors effectuer une déclaration d’opérations suspectes. Les institutions financières devraient veiller à ce que leurs employés soient bien sensibilisés à ces questions lorsqu’ils s’acquittent du devoir de vigilance relatif à la clientèle ». Devoir de vigilance relatif à la clientèle : le cas des personnes morales et des constructions juridiques « Lorsqu’elles accomplissent les éléments (a) et (b) des mesures de vigilance relatives à la clientèle et que des personnes morales ou des constructions juridiques sont en cause, les institutions financières devraient : a) b)
c)
Vérifier que toute personne prétendant agir au nom du client est autorisée à le faire et identifier cette personne. Identifier le client et vérifier son identité – les types de mesures normalement nécessaires pour s’acquitter de cette obligation de manière satisfaisante sont l’obtention d’une preuve de la constitution ou une preuve similaire du statut juridique de la personne morale ou de la construction juridique, ainsi que l’obtention des renseignements concernant le nom du client, les noms des administrateurs de trusts, la forme juridique, l’adresse, les dirigeants et les dispositions régissant le pouvoir d’engager la personne morale ou la construction juridique. Identifier les bénéficiaires effectifs, ce qui inclut une compréhension de la propriété et de la structure de contrôle, et prendre toutes mesures raisonnables pour vérifier l’identité de ces personnes. Les types de mesures normalement nécessaires pour s’acquitter de manière satisfaisante de cette obligation sont l’identification des personnes physiques détenant une participation de contrôle, et l’identification des personnes physiques qui constituent la tête pensante de la personne morale ou la construction juridique. Lorsque le client ou le détenteur d’une participation de contrôle est une société faisant appel public à l’épargne, et qui est soumise à des obligations réglementaires d’information, il n’est pas nécessaire de chercher à identifier les actionnaires de cette société ni de vérifier leur identité.
Les informations ou données pertinentes peuvent être obtenues à partir des registres publics, auprès du client ou à partir d’autres sources fiables ». A cet égard, les notes interprétatives précisent qu’il convient de s’en remettre aux mesures d’identification et de vérification déjà effectuées, et que les mesures relatives au devoir de vigilance prévues dans la Recommandation 5 « n’impliquent pas que les institutions financières identifient chaque client ou vérifient son identité chaque fois qu’elles procèdent à une transaction ». Les mesures d’identification et de vérification déjà prises sont donc suffisantes, à moins qu’il n’y ait des doutes quant à la véracité des informations obtenues. La notion de
22
« doute » est une notion vague qui ne devrait pas laisser une place trop importante à la subjectivité. Il conviendrait d’être attentif quant à l’appréciation du risque par les acteurs concernés. Les notes interprétatives donnent les exemples suivants : -
La suspicion de blanchiment de capitaux en liaison avec ce client ; Une modification très sensible des opérations effectuées sur le compte du client et qui n’est pas conforme à l’activité connue du client.
Aux fins d’objectiver ce débat, il pourrait être proposé aux « compliance officers » c’est à dire aux personnes chargées de veiller au contrôle des règles prudentielles, d’établir une liste type des situations objectives répondant à cette notion de « doute ».
Le moment de la vérification Le point 6ème de l’explication de la Recommandation 5 figurant dans les notes interprétatives met en lumière l’importance du moment où doit être opéré la vérification. Il est expliqué « qu’il serait permis d’achever les vérifications après l’établissement de la relation d’affaires, parce qu’il est essentiel de ne pas interrompre le déroulement normal de la transaction ». Un certain nombre d’exemples sont encore cités : -
-
« Opérations n’impliquant pas la présence physique des parties. Opérations sur valeurs mobilières. Dans le secteur des valeurs mobilières, les sociétés et intermédiaires peuvent être dans l’obligation d’exécuter très rapidement les transactions, aux conditions du marché valables au moment où le client les contacte, et la réalisation de la transaction peut être nécessaire avant que la vérification de l’identité ne soit terminée. Les activités d’assurance vie. Pour les opérations d’assurance vie, les pays peuvent autoriser l’identification et la vérification de l’identité du bénéficiaire de la police d’assurance après établissement de la relation d’affaires avec le titulaire de la police. Toutefois, dans tous ces cas, l’identification et la vérification doivent intervenir au moment ou avant la liquidation des prestations, ou au moment où le bénéficiaire a l’intention d’exercer les droits acquis au titre de la police d’assurance ».
Dans la mesure où il ne s’agit que d’exemples, il peut en être déduit qu’il s’agit d’une liste non exhaustive. Par ailleurs, la durée qui sépare la transaction de l’identification et de la vérification du client peut se révéler relativement longue. Le premier exemple retient par ailleurs l’attention en ce que dans le domaine bancaire et financier, l’essentiel des opérations n’implique jamais la présence physique des parties. Il faudrait alors comprendre que l’identification et la vérification du client pourraient finalement être différées qu’au jour de la première opération qui « impliquerait » la présence physique des parties. Une telle assertion ne manque pas de surprendre et il est même légitime de s’interroger sur le choix du mot. Impliquer signifie « avoir pour conséquence logique ou inéluctable ». L’hypothèse de la traduction littérale peut en outre être écartée dans la mesure où le français et l’anglais sont les deux langues officielles du GAFI. Ainsi l’identification et la vérification sembleraient pouvoir être différés jusqu’au jour d’une opération ayant pour conséquence logique ou inéluctable de mettre physiquement en présence les parties. A l’ère du contrat et de la signature électronique, cette disposition mériterait d’être précisée en ce qu’elle a des incidences immédiates sur le champ d’application du dispositif anti blanchiment.
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Les mesures simplifiées ou réduites du devoir de vigilance Lorsque le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme est faible, le GAFI dispose que « dans ces circonstances, il pourrait être raisonnable pour un pays d’autoriser ses institutions financières à appliquer des mesures simplifiées ou réduites de vigilance relatives à la clientèle lorsqu’il s’agit d’identifier le client et le bénéficiaire effectif et de vérifier leur identité ». Il évoque à cet égard les exemples suivants : -
-
« Les institutions financières, lorsqu’elles sont soumises à des obligations de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme conformes aux Recommandations du GAFI et qu’elles font l’objet d’une surveillance pour la conformité à ces obligations ; Les sociétés faisant appel public à l’épargne qui sont soumises à des obligations réglementaires d’information ; Les administrations et les entreprises publiques ».
Le GAFI préconise également que ces mesures simplifiées de vigilance soient applicables aux bénéficiaires effectifs de comptes groupés détenus par des entreprises ou professions non financières désignées, dès lors que ces entreprises ou professions sont soumises à des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme en conformité avec les Recommandations du GAFI. S’agissant des banques, le GAFI opère un renvoi aux énonciations du document de Bâle relatif au devoir de vigilance vis-à-vis de la clientèle et notamment au point 2.2.4 qui fournit des indications précises sur les situations où une institution détenant des comptes peut confier à un client ayant qualité d’intermédiaire financier professionnel l’exécution des obligations de vigilance sur les clients de ce dernier ou ses propres clients (les bénéficiaires effectifs du compte bancaire). D’autres situations sont susceptibles de se voir appliquer des mesures simplifiées ou réduites de vigilance à l’égard de la clientèle notamment, à titre indicatif : -
-
« Les polices d’assurance vie lorsque la prime annuelle n’est pas supérieure à 1000 USD/€ lorsqu’elles comportent une prime unique qui n’est pas supérieure à 2500 USD/€ ; Les polices d’assurance pour les régimes de retraite s’il n’y a pas de clause de rachat et si la police d’assurance ne peut pas être utilisée comme sûreté ; Les régimes de retraite ou similaires qui servent des prestations de retraite aux employés, lorsque les cotisations sont acquittées par prélèvement sur les salaires et que la réglementation du régime n’autorise pas la cession des droits détenus par un membre dans le cadre du régime ». Les obligations d’identification des clients existants
S’agissant de l’identification des clients existants, le GAFI opère un renvoi au document du Comité de Bâle, précisant qu’il devrait servir de lignes directrices pour l’application des procédures en la matière. Il n’y attache cependant aucun caractère impératif ou contraignant, et ajoute par ailleurs que son domaine d’application concerne les procédures des « institutions exerçant des activités bancaires » et qu’il pourrait en outre s’appliquer « aux autres institutions financières lorsqu’ils sont pertinents ».
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Les hypothèses d’intermédiation de la 9ème Recommandation Les notes interprétatives précisent le champ d’application des Recommandations à l’égard de ces opérations. Ainsi, la Recommandation 9 « ne s’applique pas aux relations de sous-traitance ou de mandat », ni « aux relations, comptes ou transactions entre institutions financières pour leurs clients, [ces dernières étant régies par les recommandations 5 et 7] ». La nature des transactions visées dans la 10ème Recommandation en matière d’assurance Cette note indique que pour « ce qui concerne les activités d’assurance, le terme « transactions » vise le produit même d’assurance, le paiement de la prime et les prestations ». Cette disposition anodine est riche en informations s’agissant de la question de la conservation. En effet, il a été vu précédemment que les institutions financières devraient conserver toutes les pièces nécessaires se rapportant aux transactions effectuées ; ces pièces devant permettre de reconstituer les transactions individuelles. La Recommandation 10 encourage à conserver une trace écrite des données d’identification et préconise de mettre à disposition [des autorités nationales compétentes pour l’accomplissement de leur mission] « les données d'identification et les pièces se rapportant aux transactions ». Il faut donc comprendre que l’obligation de conservation ne concerne pas toutes les pièces entourant la transaction au sens large du terme, mais celles qui se rapportent au produit même d’assurance, au paiement de la prime, et aux prestations. Cette analyse est par ailleurs corroborée par le fait que les pièces conservées doivent permettre la reconstitution des transactions individuelles. Le terme de « reconstitution » traduit le fait de « restituer dans sa vérité quelque chose qui a disparu et dont il n’existe plus que des éléments ou des témoignages ». Par ailleurs, la Recommandation 10 dispose que « les institutions financières devraient conserver une trace écrite des données d’identification obtenues au titre des mesures de vigilance. La Recommandation 10 n’exige en aucune manière la numérisation d’un quelconque document quel que soit sa nature. III. Le premier rapport de progrès présenté au Comité MONEYVAL par Monaco du 16 mars 20094 ou l’émergence de la loi n° 1.362 Le présent rapport n’est que cité pour la bonne forme dans la présente étude dans la mesure où il est intervenu sous l’égide de la loi n° 1.162 du 07 juillet 1993 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les Recommandations du MONEYVAL ont cependant eu une influence notable sur les travaux préparatoires de la loi n° 1.362 du 03 août 2009. Elles ne seront cependant pas
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Premier rapport de progrès présenté au comité MONEYVAL par MONACO : MONEYVAL (2009) 7 REV 1, Comité Européen pour les Problèmes Criminels (C.D.P.C.), Comité d’Experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) ;
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reprises dans la présente étude en ce qu’elles Recommandations du GAFI précédemment évoquées.
reprennent
en substance les
Cependant, la réponse5 à la question relative à la prise en compte des mesures qui se rapportent à la Troisième Directive (2005/60/CE) et à la Directive d’Application (2006/70/CE) mérite d’être plus amplement développée. L’identification du bénéficiaire effectif Sur la notion de « bénéficiaire effectif », le Gouvernement Princier répond que : « l’identification des bénéficiaires économiques effectifs conformément à l’article 5 de la loi porte sur les éléments d’identification suivants : - pour les personnes physiques : • nom, • prénom, • date de naissance, • adresse ». -
pour les personnes morales : • désignation sociale, • siège social, • liste des dirigeants, • connaissance des dispositions régissant le pouvoir d’engager la personne morale, l’entité juridique ou le trust ».
Cette disposition résulte de l’article 13 de l’Ordonnance n° 2.318 précitée dans sa version en vigueur. Or l’article 5 de la loi n° 1.3 62 prévoit d’ « identifier et prendre toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’identité de la ou des personnes au profit de laquelle ou desquelles l’opération ou la transaction est effectuée (…) ». Cette disposition se fait directement l’écho de l’alinéa 4ème de l’article 3 de la même loi et selon lequel : « L’identification et la vérification portent sur le nom, le prénom, et l’adresse pour les personnes physiques ». Le rajout de la date de naissance dans l’Ordonnance d’application est de nature à surprendre. L’article 13 alinéa 2ème de l’Ordonnance 2.318 énonce que « les professionnels prennent toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’identité des bénéficiaires économiques effectifs au moyen des documents prévus à l’article 6 ». L’article 6 de la même Ordonnance dispose que : « Lors de l’identification de clients personnes physiques, la vérification de leur identité conformément à l’article 3 de la loi, doit être opérée, en leur présence au moyen de tout document officiel en cours de validité portant leur photographie. Lorsque l’adresse du client n’est pas mentionnée sur le document probant qu’il présente, ou en cas de doute quant à l’exactitude de l’adresse mentionnée, le professionnel est tenu de vérifier cette information au moyen d’un autre document susceptible de faire preuve de son adresse réelle et dont il est conservé copie ».
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Rapport de progrès MONEYVAL précité sur la notion de bénéficiaire économique effectif, pages 106 et 107 ;
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Or il a été exposé que l’article 3 de la loi n° 1.3 62 se bornait à la collecte du nom, du prénom et de l’adresse pour les personnes physiques. Il y a donc manifestement une erreur de correspondance entre la loi et son ordonnance d’application. D’un point du vue purement logique, il est difficile de justifier la coexistence de deux régimes d’identification et de vérification selon que la personne concernée est un client direct ou le « bénéficiaire économique effectif ». En effet, le client direct est un bénéficiaire économique effectif. Par ailleurs et concernant la notion de « bénéficiaire économique effectif » dans l’hypothèse d’une personne morale, il peut être relevé que dans le rapport de progrès MONEYVAL, le projet d’Ordonnance Souveraine prévoyait une identification portant sur « la désignation sociale, le siège social, la liste des administrateurs et la connaissance des dispositions régissant le pouvoir d’engager la personne morale, l’entité juridique ou le trust ». Le texte définitif ne fait plus référence à la liste des administrateurs, mais à la liste des dirigeants. L’identification des dirigeants Deux questions peuvent conséquemment se poser à la lumière de ces textes. D’abord, il semble que les administrateurs ne peuvent faire l’objet ni d’une identification, ni d’une vérification, ni d’une collecte d’information. Seuls sont concernés les dirigeants. A cet égard, il conviendrait que soient précisés d’une part la notion de dirigeant puisqu’il peut s’agir d’une personne morale ou d’une personne physique. Dans ce dernier cas, convient-il ou non de procéder à l’identification et à la vérification en cascade de l’ensemble des dirigeants « personnes morales » jusqu’à trouver une personne physique en bout de chaîne ? Rien ne le garantit par ailleurs puisque dans un schéma d’autocontrôle deux sociétés peuvent se diriger mutuellement. Ensuite les notions de dirigeant de droit ou de fait ne figurent pas dans la loi. Il semble donc qu’il ne faut retenir que la notion de dirigeant de droit. Or la notion de dirigeant de fait permettrait sans doute de procéder plus utilement à la recherche du bénéficiaire économique effectif. En effet, s’il est créé une chaine de sociétés dirigées par des personnes morales successives, il sera naturel de chercher à identifier les dirigeants. Cependant, le véritable bénéficiaire économique effectif n’est pas nécessairement un dirigeant, et il peut même être un actionnaire minoritaire noyé au sein d’une nébuleuse de sociétés. Le bénéficiaire économique effectif peut parfaitement prendre l’apparence d’un actionnaire minoritaire détenteur d’un important compte courant associé rémunéré par la société. Cependant le risque attaché à la notion de dirigeant de fait est lié au caractère téléologique de sa définition. Le dirigeant de fait ne peut être qualifié ainsi qu’à l’issue d’une analyse a posteriori puisqu’il n’est justement pas un dirigeant de droit. La recherche d’un dirigeant de fait pourrait être source de dérives en matière de protection de la vie privée puisqu’elle pourrait être le prétexte idoine pour identifier et vérifier un très grand nombre de personnes. Au moyen d’un document … probant ou officiel ? L’article 3 de la loi n° 1.362 dispose que « les organismes et les personnes visés aux articles premier et 2 doivent, lorsqu’ils nouent une relation d’affaires, identifier leurs clients habituels ainsi que leurs mandataires et vérifier les identités de chacun d’entre eux au moyen d’un document probant, dont ils conservent copie (…) ».
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L’article 6 de l’ordonnance souveraine n° 2.318 du 3 août 2009 précitée dispose que : « Lors de l’identification de clients personnes physiques, la vérification de leur identité conformément à l’article 3 de la loi, doit être opérée, en leur présence au moyen de tout document officiel en cours de validité portant leur photographie. Lorsque l’adresse du client n’est pas mentionnée sur le document probant qu’il présente, ou en cas de doute quant à l’exactitude de l’adresse mentionnée, le professionnel est tenu de vérifier cette information au moyen d’un autre document susceptible de faire preuve de son adresse réelle et dont il est conservé copie ». La transmutation du « document probant » en « document officiel en cours de validité portant photographie » peut porter à interrogation sachant que la loi et l’ordonnance souveraine sont datées du même jour. A titre anecdotique, il convient de rappeler que depuis 1955, les Français n'ont plus l'obligation de détenir une carte d'identité. Lorsqu'ils ont à justifier de leur identité, ils peuvent présenter un document officiel portant leur photographie : un passeport, même périmé depuis moins de deux ans, un permis de conduire, une carte d'invalidité, une carte d'abonnement aux transports collectifs ou une carte d'identité professionnelle par exemple. Par ailleurs, la carte nationale d'identité en France, même périmée, elle permet à son titulaire de justifier de son identité sur le territoire national, à condition que la photographie soit ressemblante. En cours de validité, elle vaut document de circulation transfrontière pour se rendre dans les pays de l'Union Européenne voire, sous certaines conditions, dans certains pays tiers. L’article 6 de l’ordonnance souveraine précitée reprend dans la seconde phrase le terme de « document probant » en faisant référence au « document officiel en cours de validité portant photographie ». Il est évident qu’il s’agit d’un document probant, mais il relèverait du syllogisme de considérer qu’un document n’est probant que dans l’hypothèse où il s’agit d’un document officiel en cours de validité avec photographie. Or il ne fait aucun doute que seul un document probant est requis : Tout d’abord la loi n° 1.362 prévaut sur l’ordonnance souveraine et d’a utre part l’ordonnance elle-même dispose que si l’adresse ne figure pas sur le document probant il convient de vérifier cette information. Or la carte nationale d’identité et le passeport contiennent l’adresse. En conséquence, il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas des seuls documents probant admissibles au sens de la loi n° 1.362 et de son or donnance d’application. Dont il est conservé copie Selon le dictionnaire Larousse, la copie est « la reproduction d’un écrit ». Cette reproduction peut être écrite (copie manuscrite), dactylographiée (tapuscrit) ou imprimé (copie réimpression). La copie n’est donc pas synonyme de photocopie et encore moins de numérisation. Il est donc pris copie (et non photocopie ou numérisation) des noms, prénoms, et adresses des personnes concernées figurant sur un document probant (et donc pas seulement la CIN ou le passeport). Il en résulte que la numérisation de la pièce d’identité (CIN, passeport) dans les traitements dont s’agit est disproportionnée par rapport à la finalité poursuivie puisque la loi
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elle-même ne prévoit ni un document spécifique mais un « document probant », ni la numérisation mais seulement la copie de certaines informations figurant sur ledit document6. Cette analyse trouve par ailleurs un argument logique peu contestable : Photocopier ou numériser une carte nationale d’identité française par exemple revient à collecter : La photographie, le nom de famille, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la taille, la nationalité, le domicile ou la résidence de l'intéressé ou, le cas échéant, sa commune de rattachement et, si celui-ci le demande, le nom dont l'usage est autorisé par la loi, l'autorité de délivrance du document, la date de celle-ci, sa durée de validité avec indication de sa limite de validité, le nom et la signature de l'autorité qui a délivré la carte, le numéro de la carte, la photographie et la signature du titulaire. Par ailleurs, et s’agissant des documents relatifs à l’identification et à la vérification du client, l’article 10 de la loi n° 1.362 prévoit « une copie de tous les documents probants ayant successivement servi à l’identification et à la vérification de l’identité » dans le cadre des articles 3 et 5 de la loi n° 1.362. Sur cet aspect, le rapport sur le projet de loi n° 862 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption7 a pu préciser que : « Au vu du caractère déjà très contraignant des obligations qui sont faites [aux organismes et aux personnes visées aux articles premier et 2] dans les dispositions précédentes, la Commission a souhaité supprimer la référence à des systèmes permettant de répondre rapidement au SICCFIN. En effet, une telle rédaction aurait pu être interprétée comme contraignant les professionnels à se doter d’un système de traitement automatique des données et de transmission. Or, la Commission a jugé qu’une telle obligation entrainerait, pour certaines activités, une charge disproportionnée. Par conséquent, elle a souhaité amender l’article de façon à ce que la portée de l’obligation faite aux professionnels soit adaptée aux moyens propres dont ils disposent ». Cet amendement concernant les obligations de conservation écarte sans équivoque toute obligation pour les professionnels de se doter d’un système de traitement automatique des données et de transmission. A quel moment ? S’agissant des clients habituels, l’article 3 de la loi n° 1.362 y répond clairement : « lorsque se noue la relation d’affaires ». Ce n’est donc pas avant que se noue la relation d’affaires. Il est intéressant de noter que le projet de loi qui avait été présenté au MONEYVAL prévoyait l’identification des clients habituels « avant la relation d’affaires ». Il y a donc eu une volonté délibérée du législateur de fixer le moment de la vérification « lorsque se noue la relation d’affaires » (contrairement à la Recommandation du rapport MONEYVAL).
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Cf. http://www.ccin.mc/deliberations/autorisations : Délibération n° 2011-08 du 10 janvier 2011, Déli bération n° 2011-07 du 10 janvier 2011, Délibération n° 201 1-06 du 10 janvier 2011, Délibération n° 2011-05 d u 10 janvier 2011 ; 7 Rapport sur le projet de loi n° 862, relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, 17 juillet 2009, page 24 ;
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Cette rédaction emporte deux conséquences immédiates : -
Elle exclut implicitement les prospects (les clients potentiels) ; Elle diffère implicitement le moment de l’identification et la vérification dans certaines hypothèses. S’agissant des clients occasionnels, il en est de même lorsqu’ils souhaitent réaliser :
-
-
« un transfert de fonds ; une opération dont le montant excède un montant fixé par ordonnance souveraine, qu’elle soit effectuée en une seule ou en plusieurs opérations entre lesquelles il semble exister un lien ; une opération, même d’une somme inférieure audit montant, dès qu’il y a soupçon de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de corruption ». Pour combien de temps ?
L’article 10 de la loi n° 1.362 dispose que les org anismes et personnes visés aux articles premier et 2 sont tenus de : -
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-
« conserver pendant cinq ans au moins, après avoir mis fin aux relations avec leurs clients habituels ou occasionnels désignés à l’article 3, une copie de tous les documents probants ayant successivement servi à l’identification et à la vérification de l’identité, ainsi que de tous les documents recueillis ayant permis l’identification prescrite à l’article 5 ; conserver pendant une durée d’au moins cinq ans à partir de l’exécution des opérations, une copie des enregistrements, des livres de comptes, de la connaissance commerciale et des documents relatifs aux opérations effectuées de façon à pouvoir les reconstituer précisément ; enregistrer les opérations effectuées de manière à pouvoir répondre aux demandes de renseignements visées à l’article 27, dans le délai prescrit ; être en mesure de répondre de manière rapide et complète à toute demande d’information du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers tendant à déterminer s’ils entretiennent ou ont entretenu au cours des cinq années précédente une relation d’affaires avec une personne physique ou morale donnée et la nature de cette relation.
Le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers peut demander la prorogation des délais de conservation dans le cadre d’une investigation en cours ». Il résulte de ces dispositions que le délai de conservation des informations relatives à l’identification et à la vérification est de 5 ans à l’issue de la relation d’affaires. S’agissant des opérations effectuées, les documents qui s’y rapportent sont conservés 5 ans à compter de celle-ci. Pour ce qui concerne la prorogation du délai de conservation prévue au dernier alinéa des l’article 10 susvisé, le rapport sur le projet de loi n° 862 énonce que « la Commission8 (…) a cependant souhaité limiter cette possibilité aux documents faisant l’objet d’une investigation en cours par le SICCFIN ». Par ailleurs, la comptabilité doit être conservée pendant 10 ans conformément au droit commun français applicable aux banques et aux établissements financiers en vertu des 8
Rapport sur le projet de loi n° 862, relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, 17 juillet 2009, page 24 ;
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accords sous forme d’échange de lettres précédemment exposés. Au regard des obligations fiscales, le délai de conservation sous la forme « papier » est de 6 ans ou de 3 ans plus l’année en cours suivant les dispositions des articles 80 et 118 du Code des taxes sur le chiffre d’affaires. L’avertissement du client et le secret professionnel Pour des raisons évidentes, le client ne doit pas à être informé de la déclaration de soupçon. Cette divulgation est punie de l’amende figurant au chiffre 4 de l’article 26 du code pénal conformément à l’interdiction posée par l’article 43 de la loi n° 1.362. La question pouvait se poser cependant à l’égard de certaines professions réglementées et notamment celles visées à l’article 2 de la même loi : Les notaires, les huissiers de justice, les experts-comptables et comptables agréés et les avocats-défenseurs et avocats stagiaires. L’article 2 dispose à l’égard de ces professionnels que les dispositions de la loi n° 1.362 leur sont applicables « dans la mesure où elles le prévoient expressément ». Il faut donc comprendre qu’à défaut de disposition expresse, la loi ne leur serait pas applicable. S’agissant des avocats mentionnés au 4°) de l’artic le 2 de la loi n° 1.362, il convient de noter que la loi leur est applicable si des dispositions expresses le prévoient et uniquement lorsque : -
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« ils assistent leurs clients dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant l’achat ou la vente de biens immeubles ou d’entreprises commerciales, dans l’organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, ou encore dans la constitution, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires ; ils agissent au nom de leurs clients et pour le compte de ceux-ci dans toute transaction financière ou immobilière ».
Même dans l’hypothèse de dispositions visant expressément les avocats, le champ d’application de la loi n° 1.362 reste donc théoriq uement à leur égard assez limité. Néanmoins, la rédaction de l’article 23 est sujette à interprétation : « Les notaires et huissiers de justice qui, dans l’exercice de leur profession, ont connaissance de faits qu’ils savent ou soupçonnent être liés au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou à la corruption sont tenus d’en informer immédiatement le Procureur Général. Il en est de même pour les avocats-défenseurs, avocats et avocats stagiaires lorsque, dans l’exercice des activités énumérées au chiffre 4° de l’article 2, ils ont connaissance de tels faits. Ils ne sont toutefois pas tenus d’aviser le Procureur Général si les informations sur ces faits ont été reçues d’un de leurs clients ou obtenues à son sujet lors d’une consultation juridique, lors de l’évaluation de sa situation juridique ou dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de l’intéressé en justice, également lorsqu’il s’agit de conseils relatifs à la manière d’engager, de conduire ou d’éviter une action, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après une procédure y afférente.
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Le Procureur Général informe le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers des faits qui lui sont ainsi signalés ». Tout d’abord, les notaires et les huissiers de justice semblent devoir informer le Procureur Général dès le moindre soupçon né dans le cadre de l’exercice de leur profession. Les avocats bénéficient d’un régime plus favorable puisque l’article 23 alinéa 3ème réduit considérablement l’obligation d’en référer au Procureur Général puisque une simple consultation juridique par exemple permet de s’y soustraire. Il pourrait se poser la question des consultations juridiques effectuées par les experts comptables. En effet, le 2ème alinéa de l’article 2 de la loi n° 1.231 du 12/07 /2000 relative aux professions d’expert comptable et de comptable agréé dispose :
« Il peut accessoirement : * 1° — analyser sous les différents aspects économi ques, fiscaux, juridiques et financiers la situation et le fonctionnement des établissements exploités par les personnes visées au chiffre 1° ci-dessus ; * 2° — conseiller celles-ci dans le domaine de la g estion économique et financière, ainsi que dans les domaines juridiques et fiscaux. L'expert-comptable peut être désigné en qualité d'expert ou d'arbitre ou être chargé par l'autorité administrative ou judiciaire de toute mission d'enquête, d'étude ou de contrôle dans les domaines relevant de sa compétence. Il peut également être désigné en qualité d'administrateur judiciaire, liquidateur ou syndic sous réserve d'avoir été habilité par arrêté ministériel à exercer lesdites fonctions pour une durée fixée par l'arrêté qui le nomme ». L’article 22 de la loi n° 1.362 répond à cette inte rrogation comme un couperet : « Hors les cas prévus aux articles 18 et 21, lorsque les organismes ou les personnes visés à l’article premier et au chiffre 3° de l’art icle 2 ont connaissance d’un ou de plusieurs faits qui pourraient être l’indice d’une infraction de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de corruption, ils en informent immédiatement le Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers par une déclaration. Ils sont également tenus à cette même obligation dans l’hypothèse où une opération est refusée ou ne peut être menée à terme par la faute du client. Cette déclaration doit être effectuée par écrit, selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article 18, et préciser les faits constitutifs dudit indice ». Ainsi, du point de vue du client, les prestations de conseil ne sont pas soumises au même régime au regard de la loi n° 1.362 selon que le conseil exerce la profession d’avocat ou d’expert comptable. Cette observation est par ailleurs intéressante au regard des notes interprétatives qui concluent les Recommandations du GAFI. Au sujet de la Recommandation 14 relative au fait d’avertir le client, le GAFI précise sans aucune ambiguïté que « le fait qu’un avocat, un notaire, une autre profession juridique indépendante ou un comptable, agissant en qualité de juriste professionnel indépendant, s’efforce de dissuader un client de se livrer à une activité illicite ne constitue pas un cas d’avertissement ».
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L’articulation de cette Recommandation avec les dispositions précitées de la loi n 1.362 nécessite un certain niveau d’acrobatie synaptique. En effet, de la dissuasion au soupçon, il n’y qu’un pas, s’agissant des professionnels susvisés à l’exception de l’avocat. Par ailleurs et au sens de la loi n° 1.362, la diss uasion n’a pas véritablement de sens car la connaissance du fait ou de l’intention précède la dissuasion. En ce sens, il faudrait comprendre que le déclenchement de la procédure de soupçon serait lié à la capacité de persuasion du professionnel. De surcroît il peut avertir le client des risques entourant la décision d’accomplir une opération en l’en dissuadant mais il reste tenu de ne pas divulguer au client la dénonciation de celui-ci aux autorités compétentes. Du point de vue du professionnel, il peut être délicat d’informer le client qu’il devra le dénoncer à défaut de renonciation à l’opération. A cet égard, les avocats bénéficient sur ce point d’un avantage concurrentiel substantiel vis-à-vis des experts comptables pour ce qui concerne la prestation de conseil. A cet égard, la note interprétative du GAFI se rapportant à la Recommandation 16 donne toute latitude au législateur national pour déterminer l’étendue du secret professionnel : « Il appartient à chaque pays de déterminer quelles sont les questions qui relèvent du privilège légal ou du secret professionnel. Il s’agira normalement des informations que les avocats, les notaires ou les membres des professions juridiques indépendantes reçoivent ou obtiennent d’un de leurs clients : (a) lorsqu’ils évaluent la situation juridique de leur client, ou (b) lorsqu’ils accomplissent leurs devoirs de défense ou de représentation du client dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives ou dans le cadre de procédures d’arbitrage ou de médiation. Lorsque les comptables sont soumis aux mêmes obligations de secret professionnel, ils ne tombent pas sous l’obligation de déclarer les opérations suspectes ». Il est constant que l’article 29 de la loi n° 1.231 du 12/07/2000 précitée selon lequel « sous réserve de toute disposition législative contraire, les membres de l'Ordre sont tenus au secret professionnel sous les peines prévues à l'article 308 du Code pénal » n’est pas d’un grand secours. Le secret professionnel des experts comptables doit être écarté devant toute disposition législative contraire et notamment la loi n° 1.362.
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