Études Bibliques
Les alliances entre Dieu et les hommes La notion de berith - בריתProjet de publication d’un séminaire d’E. Smilevitch
Comité de rédaction du Beth Hamidrach « Michné Torah » 21 novembre 2011
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Lettre du comité de rédaction Le Beth Hamidrach « Michné Torah », dirigé par E. Smilevitch est un lieu d'étude traditionnelle de la Torah, du Talmud, et de la philosophie juive. Ouvert à tous, il propose un cercle d'étude quotidien, ainsi que des cours hebdomadaires à destination d'un large public mixte. Sa vocation est de « Répéter la Torah », à l'instar des Michné Torah de la tradition juive : le dernier livre de la Torah (Deutéronome), ou la compilation de la loi orale par Maïmonide. La répétition n'est pas la reproduction de l'identique, elle est un recommencement. Elle est une occasion nouvelle de renouer avec les textes primordiaux, car seul le déplacement permet des retrouvailles. Invitant à reprendre à nouveaux frais les questions éternelles, et penser les vieux problèmes sans craindre une langue inédite. De juillet 2008 à juin 2009, E. Smilevitch a donné un cours hebdomadaire sur le thème de l’alliance entre Dieu et les hommes dans la Torah. Ce séminaire, synthèse de plusieurs années d’études, s’est révélé essentiel pour nombre de ses participants. Pour deux raisons : Primo, parce que ce séminaire pose la question fondamentale et difficile de notre rapport à Dieu. L’idée d’une alliance entre Dieu et les hommes implique que quelque chose est vécu et partagé avec Dieu. Travailler ce sujet pendant près d’un an a permis de sensibiliser et 2
de guider chacun dans la compréhension de lui-même et dans sa recherche métaphysique. Secundo, parce que ce séminaire est une traduction et un travail minutieux de construction des ponts essentiels entre les textes du passé et notre présent. À travers l’étude de versets de la Torah et de passages du Talmud, c’est au final certains des problèmes les plus actuels de notre vie qui ont été réfléchis, analysés, interprétés. Le projet de transcrire et de rédiger cette série de cours s’est imposé naturellement. La marque écrite permet d’affiner et d’éclaircir tous les thèmes qui y sont abordés. Elle offre aussi à un public plus large la possibilité de profiter de cette longue et passionnante réflexion. D’abord entreprise à titre privé, la rédaction des cours s’est avérée impossible à achever sans soutien. Vous trouverez dans les pages qui suivent une description détaillée de l’état des lieux de ce projet. L’intérêt du séminaire et notre désir de le publier sont grands, et nous souhaitons vous les faire partager dans l’espoir que nos efforts vous semblent dignes d’encouragement et de soutien. Cordialement, Comité de rédaction de « Michné Torah », Nathan Grandjean, Michaël Broll, Albert Bellicha, Binyamin Lubetzki.
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Projet de publication Le séminaire est composé de 29 cours. Chaque cours dure entre une heure et demie et deux heures. Dans un premier temps nous avons synthétisé chaque cours puis nous avons commencé à les transcrire. Actuellement, seul le premier a été relu et corrigé par E. Smilevitch, sa forme est globalement aboutie. Les quatre suivants sont à l’état brut (transcription orale linéaire), tous les autres doivent être transcrits à partir des enregistrements, puis relus et mis en forme. Coût global du projet Nous estimons le coût de l’ensemble de notre projet à 19000 euros, Durée du travail : deux ans.
Objet
Somme
Transcription : 24 cours x 20h x 10€/h
4800€
Relecture et mise en forme : 28 cours x 150€
4200€
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1000€
Edition, mise en page
Impression de 1000 exemplaires
Marge de dépassement
7500€
10 %
Total
19000€
NB. Le coût de la transcription est estimé au vu de la qualité audio moyenne des enregistrements, un cours de deux heures a été évalué par un professionnel à environ 15 heures de travail. Le coût de l’impression est estimé pour un ouvrage de 350 pages, format 12,5 sur 20,5 cm, couverture souple, collé, sans reliure, qualité papier moyenne. Diffusion La diffusion du livre sera assurée par les éditions Ruben, qui ont déjà publié l’œuvre de Crescas, Lumière de l’Eternel, en 2010, en collaboration avec les éditions Hermann.
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MAQUETTE DU PREMIER COURS
Le Dieu de Noa'h (cours du 8 juillet 2008) I. La notion de berith Je veux réfléchir avec vous au principe fondamental de la Torah selon lequel il existe une relation explicite et contraignante entre Dieu et les hommes, que l'on nomme ( בריתberith). On traduit en général ce terme par le mot « alliance ». On parle, par exemple, de l'alliance entre Dieu et Israël pour qualifier le contenu de l’enseignement de la Torah, ainsi qu’entre Dieu et les hommes à travers Noa'h (« Noé » selon la transcription française). Cette traduction n'est pas erronée dans son principe mais ses connotations contemporaines sont trompeuses. On ne parle aujourd'hui d'alliance que dans des contextes de concurrences militaires, politiques ou économiques. Par exemple, les « Alliés » lors de la seconde guerre mondiale, ou l'alliance Atlantique. Même en économie ou en politique, toute alliance est stratégique. Elle vise un résultat et se dissout dans le résultat. Toute alliance traduit une lutte d'intérêts. On « fait alliance » avec certains intérêts contre d'autres. Or, cette connotation est totalement absente de la Torah. L'évidence impose que la berith entre Dieu et les hommes n'est dirigée contre personne. Et l'ensemble de la tradition juive postule que 7
la berith de la Torah est éternelle. Elle ne vise pas un résultat pratique utile, elle n’est pas intéressée. Elle exprime un état de l'homme et du monde. La logique de l'intérêt qui prévaut aujourd'hui dans la notion d'alliance rend cette traduction inadéquate. Il est donc plus sage de s'en tenir à la traduction du Targoum Onkelos qui rend le plus souvent ce terme par les mots « pacte, serment ». Sur cette base, je crois qu'il faut entendre le principe de la berith comme une sorte « d'engagement solennel », et que c'est sous cet angle qu'il faut interpréter toutes ses occurrences. Notre thème est donc ici la berith fondamentale et fondatrice de l'humanité, à savoir la berith avec Noa'h au lendemain du déluge. Mais avant d'entamer l'examen forcément métaphysique d'une berith avec le Créateur, il me semble qu'il faut commencer par poser quelques principes simples, les notions premières qui nous permettront de nous orienter dans la question. Car la notion de berith n'est pas réservée à Dieu, elle peut tout à fait concerner deux hommes et lier ensemble deux peuples. Dégageons d'abord les principes essentiels de la notion de berith considérée en général, dans sa forme globale, à partir de l'exemple d'Avraham et Avimélekh rapporté dans Beréchit 21 (22-34). ַאב ְָּרהָּם- ְצבָּאֹו אֶ ל-כב ַויְהִי ָּבעֵת ַההִוא וַי ֹּא ֶמר ֲאבִי ֶמלְֶך ּופִיכ ֹּל שַר ֹלהִים-ש ְבעָּה לִי בֵא ָּ כג ְו ַעתָּה ִה. ַאתָּה עֹּשֶה-לֵאמ ֹּר ֱאֹלהִים ִע ְמָך בְכ ֹּל ֲאשֶר ָּעשִיתִי ִע ְמָך תַ ֲעשֶה עִמָּ דִי-שק ֹּר לִי ּו ְלנִינִי ּו ְלנֶ ְכדִי ַכ ֶחסֶד ֲאשֶר ְ ִת-ֵהנָּה ִאם כה וְהֹו ִכ ַַח. ש ֵב ַַע ָּ כד וַי ֹּא ֶמר ַאב ְָּרהָּם ָאנֹּכִי ִא. ג ְַר ָּתה בָּּה-ָָּארץ ֲאשֶר ֶ ה-ְועִם כו. א ֹּדֹות ְב ֵאר ַה ַמי ִם ֲאשֶר גָּזְלּו ַעבְדֵי אֲ בִימֶ לְֶך- ֲאבִי ֶמלְֶך עַל-ַאב ְָּרהָּם אֶת ִהגַדְ ַָּת לִי- ַאתָּה ֹלא- ַה ָּדבָּר ַהזֶה ְוגַם-וַי ֹּא ֶמר ֲאבִי ֶמלְֶך ֹלא י ָּ ַד ְעתִי מִי ָּעשָּה אֶת כז ַוי ִ ַקח ַאב ְָּרהָּם צ ֹּאן ּובָּקָּר ַוי ִתֵ ן. ש ַמ ְעתִי ִב ְלתִי הַיֹום ָּ ְוגַם ָאנֹּכִי ֹלא 8
שבַע ִכבְש ֹּת הַצ ֹּאן ֶ -כח ַויַצֵב ַאב ְָּרהָּם אֶת. שנֵיהֶם ב ְִרית ְ ַל ֲאבִי ֶמלְֶך ַויִכ ְְרתּו שבַע ְכבָּש ֹּת ָּה ֵאלֶה אֲ שֶר ֶ ַאב ְָּרהָּם ָּמה ֵהנָּה-כט וַי ֹּא ֶמר ֲאבִי ֶמלְֶך ֶאל. ְל ַב ְדהֶן לִי-שבַע ְכבָּש ֹּת ִתקַח ִמי ָּ ִדי ַבעֲבּור תִ ְהי ֶה ֶ -ל וַי ֹּא ֶמר כִי אֶת. ִה ַצ ְב ַָּת ְל ַב ָּדנָּה כֵן ק ָָּּרא ַל ָּמקֹום הַהּוא בְאֵר-לא עַל. ַה ְבאֵר הַז ֹּאת-ְל ֵעדָּה כִי ָּחפ ְַרתִי אֶת שבַע ַוי ָּקָּ ם אֲ בִימֶ לְֶך ָּ לב ַויִכ ְְרתּו ב ְִרית ִב ְבאֵר. שנֵיהֶם ְ שבְעּו ְ ִשבַע כִי שָּם נ ָּ של ִבבְאֵ ר שָּ בַע ֶ לג ַויִטַע ֶא. שתִים ְ א ֶֶרץ ְפ ִל-שבּו ֶאל ֻׁ ָּ ְצבָּאֹו ַוי-ּופִיכ ֹּל שַר לד ַויָּגָּר ַאב ְָּרהָּם ְבא ֶֶרץ ְפלִשְתִים י ָּמִים. שָּם ְבשֵם ה' ֵאל עֹולָּם-ַויִק ְָּרא .ַרבִים (22) A cette époque-là, Avimélekh, accompagné de Pikhol le commandant de son armée, parla à Avraham en ces termes : Le Souverain te soutient dans toutes tes entreprises. (23) Désormais, jure-moi ici même par le Souverain de ne jamais me tromper, ni mes enfants ni mes petits-enfants ; tout comme je t'ai témoigné de la générosité fais-en de même envers moi et envers le pays dans lequel tu résides. (24) Je le jure, répondit Avraham. (25) Et Avraham fit la leçon à Avimélekh au sujet du puits d'eau que les serviteurs d'Avimélekh avaient volé. (26) Avimélekh répondit : J'ignore qui a fait pareille chose, toi-même tu ne m'en avais rien dit, et moi-même je ne l'ai appris qu'aujourd'hui. (27) Avraham prit ovins et bovins et les donna à Avimélekh, et ils conclurent tous deux un pacte. (28) Avraham disposa les sept brebis à part. (29) Avimélekh demanda à Avraham : Que signifient ces sept brebis que tu as placées séparément ? (30) Ce sont les sept brebis que tu recevras de ma part, répondit Avraham, elles témoigneront pour moi du fait que j'ai creusé ce puits. (31) C'est pourquoi l'on appela ce lieu « Bèèr-Chèva », car c'est là qu'ils jurèrent (nichbèou) tous deux. (32) Ils conclurent un pacte à Bèèr-Chèva, puis Avimélekh se leva ainsi que Pikhol le commandant de son armée, et ils retournèrent vers la terre des 9
Pélichtéens. (33) Il planta une aire de nourriture à BèèrChèva et là il invoqua le nom de Dieu Suzerain du Monde. (34) Avraham résida dans le pays des Pélichtéens de nombreuses années. Avimélekh roi des Pélichtéens et son général d'armée demandent à Avraham une שבועה, un serment. Avraham jure de ne jamais tromper les habitants du pays qui l'accueille. C'est-à-dire de ne jamais avoir une attitude fausse envers eux et de se montrer toujours sincère et loyal. Ensuite, on relate le différend qui les oppose au sujet d'un puits et qu'Avimélekh s'engage à régler. Enfin apparaît l'expression « שנֵיהֶם ַב ְִרית ְ ַ « — » ַויִכ ְְרתּוet ils conclurent tous deux un pacte ». Littéralement cette expression veut dire « les deux tranchèrent un pacte ». Notez qu'en français l'expression sonne mal, on ne tranche pas un pacte, une alliance ou un engagement. On dirait plutôt qu'ils ont « scellés un pacte », comme on appose un sceau au bas d'un document. Alors que la berith dont parle la Torah ne suppose aucun document, c'est un contrat purement oral. L'expression constante de la Torah pour évoquer le fait que l'on « scelle » un pacte est qu'on le « tranche ». Le verbe כרתdécrit ici l'acte par lequel les deux parties sont engagées. Ce n'est pas un mince paradoxe que d'exprimer un pacte, un engagement réciproque par l'acte de trancher quelque chose. D'après Rachi sur Beréchit 15: 10, « le mode d'action habituel de ceux qui tranchent une berith est de diviser un animal et de passer entre les morceaux ». C'est précisément le mode opératoire décrit lors de la première berith avec Avraham, qu'on nomme pour cette raison בריתַביןַהבתרים (« alliance entre les morceaux »), car l'importance de la 10
coupure y est mise en évidence. Mais je ne crois pas que cela suffise à expliquer l'usage du verbe כרת, et ce n'est d'ailleurs pas l'intention de Rachi. Le paradoxe est que ce même terme sert aussi à exprimer la rupture d'une relation comme le montre l'expression ספר ַכריתות (Devarim 24:1) qui désigne « un acte écrit de divorce ». Cette question lexicologique n'est pas essentielle pour la question qui nous occupe ici, puisque ce verbe ne figure pas dans la berith avec Noa'h. Toutefois, puisqu’il s’impose ensuite de façon décisive, il faut en dire un mot. Si une berith s'exprime par une coupure, c'est qu'elle tranche quelque chose chez les contractants comme on tronçonne un corps pour séparer ses morceaux. Car en s'engageant et en s'interdisant réciproquement certaines choses, les contractants perdent une partie de leurs possibles. Ils doivent donc trancher dans le vif de leurs ambitions et de leurs envies pour stabiliser leur relation autour de choses convenues entre eux. Cette interprétation n'est pour l’instant qu'une hypothèse, elle se vérifiera et se confirmera par la suite. Remarquez au passage que le Targoum Onkelos traduit presque systématiquement les termes « » שבועהet « » בריתpar le même mot en araméen : « » קיים, c'est-à-dire un serment. Il est donc clair pour lui que ces deux notions relèvent du même registre, et qu'il revient au même pour lui de parler de berith ou de serment. Pour notre part, nous dirons donc qu'une berith est un engagement sous serment. Nous avons affaire ici à une situation classique dans les relations humaines : deux hommes font un serment pour éviter un conflit possible entre eux et entre leurs descendants. Le fait paraît si simple, si nécessaire aux relations humaines, qu'il faut nous demander à l'inverse 11
pourquoi, pour notre part, nous ne le faisons jamais. Car on ne vit jamais ce genre de situation qui prescrirait de s'engager sous serment vis-à-vis de quelqu'un. Il faudrait une situation d'exception pour qu'un besoin pareil se fasse sentir. Pourquoi ? Pour bien comprendre ce dont il s'agit, il faut reconstruire le contexte qui sous-tend la berith entre Avraham et Avimélekh. Parallèlement, il faut établir le contexte qui justifie que de nos jours nous ne ressentons plus la nécessité d'une berith entre les hommes. Intervention : Mais il existe pourtant des alliances entre les nations ! Réponse : C'est vrai qu'aujourd'hui cela existe encore entre nations. Mais d'abord il faut être prudent, parce qu'en français le mot « alliance » implique toujours (même implicitement) que l'accord est dirigé « contre un tiers », ce qui n'est manifestement pas le cas ici. Ensuite, vous admettez comme moi que ce genre de relation ne se produit plus de nos jours entre des particuliers. Prenez alors le problème sous cet angle : pourquoi faut-il un pacte entre des nations alors que ce n'est pas nécessaire entre individus ? Intervention : Dans le traité conclu entre Avraham et Avimelekh, les individus n'interviennent pas comme des personnes privées mais comme des représentants d'un pouvoir politique qui, par leur alliance, engagent tous leurs sujets. Réponse : D'accord, mais tu ne réponds pas à la question que je pose : qu'est-ce qui rend nécessaire l'établissement d'un pacte ou d'une alliance ? Vous ne relevez pas la raison pour laquelle il faut en arriver là, et
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pourquoi en tant que particulier nous ne nous trouvons jamais dans une situation pareille. Il me semble que ce genre de situation ne se produit jamais aujourd'hui entre des personnes privées parce que nous vivons dans un cadre légal. Nous n'avons pas à nous soucier de cela parce que toutes nos relations prennent déjà place à l'intérieur d'un cadre légal établi. Tandis que conclure une berith devient nécessaire lorsqu'il n'existe pas entre deux personnes ou deux collectivités – peu importe – de cadre légal. Autrement dit, lorsque rien n'empêche un conflit entre deux partis il peut devenir nécessaire de faire un pacte. Il faut une berith uniquement lorsque l'on n'évolue pas ou plus dans un cadre où nous serions à priori déjà engagés et soumis à une loi commune. J'insiste sur ce dernier terme, je veux dire la loi commune. Car c'est elle qui rend inutile les engagements entre particuliers tant qu'ils sont soumis à la même loi. Protégés par le cadre légal, nous n'avons nul besoin de faire des pactes parce que nous sommes déjà assurés de l'engagement de l'autre. Je ne parle pas de ce qui se produit effectivement dans les faits. Je raisonne uniquement en droit. Toutes nos relations sociales sont fondées sur l'assurance acquise à priori du comportement de l'autre, à cause des lois et des structures du cadre légal dans lequel nous vivons avec l'autre. Est-ce que cela revient à dire qu'à la base de notre société il y aurait une berith, c'est-à-dire un engagement réciproque entre les hommes vivant sur le même sol, ou entre d'éventuels pères fondateurs ? Il suffit de formuler la question pour connaître la réponse : on sait pertinemment que ce n'est pas le cas. Je sais bien que la démocratie moderne prétend s'appuyer sur une théorie du contrat. Mais ce 13
n'est qu'une thèse idéologique, non une assertion concrète pratique. Il suffit de voir comment s'opère l'assimilation des populations immigrées dans nos sociétés pour savoir que l'idée de contrat ou de pacte n'en fait absolument pas partie. Je sais que l'État français s'exerce actuellement à des sortes de rattrapages, faisant signer aux nouveaux immigrants une vague reconnaissance de la loi française. Mais aucun accord n'est ici conclu, il ne s'agit que de renforcer idéologiquement l'appareil d'État et la coercition de la loi. Un accord supposerait que l'autre partie, qui est ici la partie contrainte par le pacte, c'est-àdire la masse des populations immigrées, aurait, comme tel, droit de cité, qu'elle pourrait proposer son mode d'engagement et sa propre manière de se lier à l'autre et d'être lié à lui. Pareille possibilité ne demande pas un simple supplément de civilité de la part des autorités du pays, elle est carrément contradictoire avec la souveraineté absolue et originelle en droit de la loi du pays. Laissons donc temporairement de côté le problème idéologique de l'origine du droit, tenons-nous en aux faits. Il n'existe pas de berith entre les hommes de nos jours parce qu'un cadre légal commun soumet déjà tous les individus d'un même état à une contrainte pratique et à un mode de société défini rigoureusement. Il en ressort que la nécessité et le sens d'une berith ne naissent que d'une absence de cadre légal, qui rend le rapport avec autrui totalement imprévisible. Une berith suppose un cadre sauvage. Le problème que je soulève ici est le suivant : comment est-on engagé vis-à-vis des autres ? Nous pensons avec évidence que nous sommes toujours déjà engagés vis-à-vis des autres, ce qui nous donne aussi 14
réciproquement des droits, comme s'il s'agissait d'une situation naturelle qui va de soi. Mais en fait, ce n'est que parce qu'il existe « derrière nous » une structure entière très sophistiquée et parfaitement opérationnelle : des lois, une police pour les faire respecter, un système juridique pour les faire appliquer, une armée pour les protéger, etc. Si deux hommes se rencontraient de « but en blanc » que se passerait-il ? Le livre de Beréchit remet en question tous les principes fondés pour nous dans l'évidence parce qu'il suppose au contraire un cadre sauvage et non légal entre les hommes. Par exemple, Avraham arrive dans le fief d'Avimelekh, celui-ci trouve la femme d'Avraham attirante, que fait-il ? Il la prend. Personne ne descend dans la rue pour réclamer les droits d'Avraham. Le problème paraît simple : la nécessité d'une berith naît d'une situation dépourvue de toute forme de légalité. Cela revient à dire qu'un pacte devient nécessaire lorsque, du point de vue du droit ou de la morale, rien n'empêche de causer un tort. Si légalement mon droit est protégé, je n'en viendrais jamais à réclamer d'autrui un serment, un engagement solennel pour me prémunir d'un tort. Par contre, si nous évoluons dans un contexte dans lequel autrui n'est aucunement engagé vis-à-vis de moi, alors une berith peut devenir nécessaire. C'est ce point qu'il va falloir scruter de près dans le pacte entre Dieu et Noa'h. Je vais l'énoncer rapidement, nous y reviendrons ensuite plus longuement. La première berith que la Torah nous présente a lieu entre Dieu et Noa'h, lorsque Dieu s'engage à ne plus détruire le monde. Or, sans cet engagement, sans cette berith, qu'en est-il ? La réponse est inscrite noir sur blanc : avant la berith Dieu a détruit le monde ! Il vient juste de le faire. C'est ce que j'appelle le cadre 15
sauvage : avant la berith rien n'engageait Dieu à ne pas éradiquer l'ensemble des êtres vivants. Voilà un problème qu'il faudra suivre jusqu'au bout. Pour en revenir à Avraham et Avimelekh, ce dernier considère Avraham comme quelqu'un de puissant qui pourrait lui causer du tort puisque rien ne l'en empêcherait. C'est justement parce que rien ne retient Avraham de causer du tort à Avimelekh, qu'une berith est nécessaire entre eux. Avimelekh veut qu'Avraham s'engage sous serment pour se protéger de lui. Cela soulève une question difficile pour nous. Selon cette remarque, tout pacte se scelle hors d'un cadre légal, ce qui veut dire qu'avant la berith rien n'engageait les partis entre eux. Ce qui se vérifie donc aussi pour le מתן ַתורה. Avant qu'on ne reçoive la Torah, rien ne nous engageait ni ne nous obligeait de droit à accomplir ses préceptes. Nous sommes tellement habitués à notre cadre et à sa légitimité « naturelle » qu'il nous est difficile d'apercevoir que rien a priori ne nous y engageait avant que n'existe la berith qui a constitué ce cadre et fondé ce droit. Résumons pour conclure les remarques que nous avons faites. Premièrement, la question de l'engagement, de la שבועה. Comment un serment ou un pacte fonctionne-t-il, comment s'établit-il ? Aujourd'hui, par exemple, tout le monde a foi dans les écritures notariales, mais il ne s'agit que d'un procédé légal, une institution juridique impliquant que ma signature m'engage. Si on ne vit pas dans un cadre légal, pourquoi ce que j'ai écrit sur un bout de papier m'engagerait-il ? Dans la Torah, la שבועהprésente un degré d'engagement très fort, du moins la שבועה ַבשם, le serment proféré au nom de Dieu. Il est dit à son propos que celui qui ne la respecte pas n'est pas 16
pardonné : ( לא ַינקהChemot 20:7). Prenons les choses sous un angle concret. Je demande un service à quelqu'un, il me répond qu'il viendra demain. Sa réponse est censée constituer un engagement de sa part. Pourtant il est clair pour les deux partis que cet engagement est souple, il dépend de beaucoup de paramètres. Il peut se produire un cas de force majeure, l'autre parti peut avoir finalement quelque chose de plus important à faire, il peut simplement oublier… Le demandeur est tout à fait conscient de ces cas de figure. C'est pourquoi d'ailleurs, s'il veut un engagement plus fort de la part de l'autre parti, il ne se contentera pas de sa parole, il lui demandera de jurer. Qu'est-ce que cela veut dire ? Étant donné l'importance du châtiment pour le non-respect d'un serment dans la Torah, cela signifie que le respect d'un engagement n'a rien d'intrinsèque ou de naturel ; il est fonction en réalité de l'intensité de la culpabilité qui découle de sa transgression. Mis à part peut-être les engagements comportant des contreparties financières, tout serment fonctionne sur la base de la culpabilité de celui qui ne le respecterait pas. Jurer par le nom de Dieu c'est en quelque sorte prendre Dieu à témoin de notre engagement, c'est augmenter l'intensité de l'engagement et donc de la culpabilité qui peut en découler. Deuxièmement, il ne peut exister de berith que dans un contexte dépourvu de toute légalité. On le sait d'autant mieux que, dans le cadre de la Torah, on ne jure pas sur les préceptes puisque, par définition, nous y sommes déjà engagés. Tout nouvel engagement portant sur des choses que nous sommes déjà prescrits de faire ou de ne pas faire est donc impossible. Dire « je jure de respecter la mitsva ou la Torah, ou inversement je jure de transgresser 17
la mitsva ou la Torah » n'est pas un serment, c'est une phrase creuse et dépourvue de sens (voir Rambam, Hilkhot Chevoua 5:14-16). Dans la terminologie de la Guemara, nous sommes déjà engagés sous serment depuis le jour où la Torah a été donnée (Yoma 73 b, Nedarim 8 a). Une berith suppose donc l'absence complète de tout engagement antérieur, car c’est elle qui détermine ces engagements.
II. Exposé du pacte entre Dieu et Noa'h Avant de présenter les versets exposant le pacte entre Dieu et Noa'h juste après le Déluge, rappelons que la notion d’un pacte entre Dieu et Noa'h apparaît déjà avant le Déluge (Beréchit 6:17 sq.) : -בָּשָּרַאֲ שֶר-שחֵתַכָּל ַ ָָּארץַ ְל ֶ ה- ַה ַמבּולַ ַמי ִםַעַל-יז ַו ֲאנִיַ ִהנְנִיַ ֵמבִיאַ ֶאת ַב ְִריתִ י-יח ַו ֲהקִמ ֹּתִיַאֶת. ָָּארץַיִגְוָּע ֶ ב-ש ָּמי ִםַכ ֹּל ֲאשֶר ָּ בֹוַרּו ַַחַ ַחי ִיםַ ִמ ַתחַתַ ַה . ָּבנֶיָךַ ִאתְָּך-שתְָךַּונְשֵי ְ ַה ֵתבָּהַ ַאתָּהַּו ָּבנֶיָךַ ְו ִא-ִא ָּתְךַּובָּאתַָּאֶל (17) Et moi, je suis résolu à amener le déluge d'eau sur terre afin de détruire de sous les cieux toute chair habitée d'un souffle de vie. Tout ce qui est sur terre périra. (18) J'instituerai mon pacte avec toi ; ainsi tu pourras entrer dans le coffre, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils. Ce pacte, cet engagement de Dieu est une annonce faite à Noa'h : והקמתי ַאת ַבריתי ַאתך, « J'instituerai mon pacte avec toi » (au futur). Ce verset est énigmatique, il ne précise pas de quel engagement il parle et les interprètes sont tous en désaccord sur son interprétation : 18
il y a autant de lectures que de lecteurs. Nous réservons donc son interprétation pour la suite. Lisons pour l'instant la section exposant le pacte entre Dieu et Noa'h juste après le Déluge (Beréchit 8:15 — 9 :17) : טו ַוי ְ ַדבֵר ֱַאֹ-להִים אֶל-נ ֹּ ַַח לֵאמ ֹּר .טז צֵא ִַמןַ -ה ֵתבָּה אַתָּ ה וְאִ שְתְָך ּו ָּבנֶיָך ּונְשֵיָּ -בנֶיָך ִאתְָּך .יז כָּלַ -ה ַחי ָּה ֲאשֶרִ -אתְָך ִמכָּל-בָּשָּר בָּעֹוף ְשָּרצּו ָָּארץ ַ ַהיְצֵא ַ(הוצא) אִתְָּך ו ְ ּו ַב ְב ֵהמָּה ּו ְבכָּל-ה ֶָּר ֶמש הָּר ֹּ ֵמש עַל-ה ֶ ָָּארץ .יח ַויֵצֵא-נ ֹּ ַַח ּו ָּבנָּיו ְו ִאשְתֹו ּונְשֵיָּ -בנָּיו אִ תֹו . ָָּארץ ּופָּרּו ו ְָּרבּו עַל-ה ֶ ב ֶ שפְח ֹּתֵיהֶם ָָּארץ לְמִ ְ יט כָּלַ -ה ַחי ָּה כָּל-ה ֶָּר ֶמש ְוכָּל-הָּעֹוף כ ֹּל רֹו ֵמש עַל-ה ֶ יָּצְאּו ִמןַ -ה ֵתבָּה .כ ַויִבֶן נ ֹּ ַַח ִמזְ ֵב ַַח לַה' ַוי ִ ַקח ִמכ ֹּל ַה ְב ֵהמָּה ַהטְה ָֹּּרה ּומִ כ ֹּל הָּעֹוף ַהטָּהֹור ַויַעַל עֹֹּלת ַב ִמזְ ֵב ַַח .כא ַוי ַָּרח ה' אֶתֵ -רי ַַח ַהנִיח ֹּ ַַח וַי ֹּאמֶ ר ה' ֶאל-לִבֹו ֹלא-אֹּסִף ְל ַקלֵל עֹוד אֶתָּ -ה ֲא ָּד ָּמה ַבעֲבּור הָָּאדָּם כִי יֵצֶר לֵב הָָּאדָּם ַרע ִמנְע ָֻּׁריו וְֹלא-אֹּסִף עֹוד ְלהַכֹות אֶת-כָּל-חַי ַכ ֲאשֶר ָּעשִיתִי .כב ע ֹּד כָּל- ָָּארץ ז ֶַרע ְו ָּקצִיר וְק ֹּר וָּח ֹּם ְו ַקי ִץ וָּח ֶֹּרף וְיֹום ָּו ַליְלָּה ֹלא יִשְ ב ֹּתּו .א י ְ ֵמי ה ֶ ּורבּו ּומִ לְאּו אֶת- ַויְב ֶָּרְך ֱַאֹ-להִים אֶת-נ ֹּ ַַח ְואֶתָּ -בנָּיו וַי ֹּא ֶמר ָּלהֶם פְרּו ְ ָָּארץ ְועַל כָּל-עֹוף הַשָּמָּ י ִם ּומֹור ֲאכֶם ְו ִח ְתכֶם י ִ ְהי ֶה עַל כָּלַ -חי ַת ה ֶ ַ ָָּארץ .ב ה ֶ בְכ ֹּל ֲאשֶר ת ְִרמ ֹּש ָּה ֲא ָּד ָּמה ּו ְבכָּלְ -דגֵי ַהי ָּם ְבי ֶ ְדכֶם נִתָּנּו .ג כָּלֶ -רמֶ ש אֲ שֶר הּוא-חַי ָּלכֶם י ִ ְהי ֶה לְָא ְכלָּה ְכי ֶֶרק ֵעשֶב נָּ ַתתִי ָּלכֶם אֶת-כ ֹּל .ד אַ ְך-בָּשָּר ְבנַפְשֹו דָּמֹו ֹלא ַת ֹּאכֵלּו .ה ְואְַך אֶתִ -ד ְמכֶם ְלנַפְשֹּתֵיכֶם אֶ דְר ֹּש מִ י ַד כָּל- ַחי ָּה ֶאד ְְרשֶנּו ּו ִמי ַד הָָּאדָּם ִמי ַד אִיש ָאחִיו ֶאדְר ֹּש אֶת-נֶפֶש הָָּאדָּם .ו שֹּפְֵך שפְֵך כִי ְב ֶצלֶם ֱַאֹ-להִים ָּעשָּה אֶת-הָָּאדָּם .ז וְאַתֶ ם דַם הָָּאדָּם בָָּאדָּם דָּמֹו י ִ ָּ ּורבּו-בָּּה . ָָּארץ ְ ּורבּו ש ְִרצּו ב ֶ פְרּו ְ ח וַי ֹּא ֶמר ֱַאֹ-להִים ֶאל-נ ֹּ ַַח ְו ֶאלָּ -בנָּיו אִתֹו לֵאמ ֹּר .ט וַאֲ נִי ִהנְנִי מֵ קִים אֶת-ב ְִרי ִתי ִא ְתכֶם ְואֶת-ז ְַר ֲעכֶם ַאח ֲֵריכֶם .י ְואֵת כָּל-נֶפֶש ַה ַחי ָּה אֲ שֶר ָָּארץ ִא ְתכֶם ִמכ ֹּל י ֹּ ְצאֵי הַתֵ בָּה לְכ ֹּל ַחי ַת ִא ְתכֶם בָּעֹוף ַב ְב ֵהמָּה ּו ְבכָּלַ -חי ַת ה ֶ ָָּארץ .יא ַו ֲהקִמֹּתִי אֶת-ב ְִרי ִתי ִא ְתכֶם וְֹלא-יִכ ֵָּרת כָּל-בָּשָּר עֹוד מִמֵ י ה ֶ ָָּארץ .יב וַי ֹּא ֶמר ֱַאֹ-להִים ז ֹּאת אֹות- שחֵת ה ֶ ַה ַמבּול וְֹלא-י ִ ְהי ֶה עֹוד ַמבּול ְל ַ ַהב ְִרית ֲאשֶרֲ -אנִי נ ֹּ ֵתן בֵינִי ּובֵינֵיכֶם ּובֵין כָּל-נֶפֶש ַחי ָּה ֲאשֶר אִתְ כֶם לְד ֹּר ֹּת ָָּארץ .יד שתִי נָּ ַתתִי ֶב ָּענָּן ְו ָּהי ְ ָּתה לְאֹות ב ְִרית בֵינִי ּובֵין ה ֶ עֹולָּם .יג אֶתַ -ק ְ ָָּארץ ְונ ְִר ֲא ָּתה ַה ֶקשֶת ֶב ָּענָּן .טו ְוזָּכ ְַרתִ י אֶת-ב ְִריתִי ְו ָּהי ָּה ְב ַענְנִי ָּענָּן עַל-ה ֶ ֲאשֶר בֵינִי ּובֵינֵיכֶם ּובֵין כָּל-נֶפֶש ַחי ָּה ְבכָּלָּ -בשָּר וְֹלא-י ִ ְהי ֶה עֹוד הַמַ י ִם 19
ּוראִיתִ י ַָּה ִלזְכ ֹּר ב ְִרית ְ טז ְו ָּהיְתָּה ַה ֶקשֶת ֶב ָּענָּן. ָּבשָּר-שחֵת כָּל ַ ְל ַמבּול ְל יז. ָָּארץ ֶ ה- ָּבשָּר ֲאשֶר עַל-נֶפֶש ַחי ָּה ְבכָּל-עֹולָּם בֵין ֱאֹלהִים ּובֵין כָּל בָּשָּר- ַהב ְִרית ֲאשֶר ֲהקִמֹּתִי בֵינִי ּובֵין כָּל-נ ֹּ ַַח ז ֹּאת אֹות-ֹלהִים אֶל-וַי ֹּא ֶמר ֱַא . ָָּארץ ֶ ה-ֲאשֶר עַל (15) Le Souverain parla à Noa'h en ces termes : (16) Sors du coffre, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi ; (17) que tout animal de toute chair qui est auprès de toi, le volatile, la bête, et le reptile qui grouille sur terre, sortent avec toi ; qu'ils prolifèrent dans le monde, qu'ils fructifient et se multiplient sur la terre. (18) Noa'h sortit, accompagné de ses fils, de sa femme et des femmes de ses fils. (19) Tous les animaux, tous les reptiles, tous les volatiles, tout ce qui grouille sur terre, quittèrent le coffre selon leurs lignées. (20) Noa'h bâtit un autel pour Dieu ; il prit de chaque bête pure et de chaque volatile pur, et il éleva des holocaustes sur l'autel. (21) Dieu sentit un parfum d'apaisement et il dit en son cœur : Je ne referai plus le malheur de la terre à cause du genre humain, car le cœur humain est naturellement mauvais dès sa naissance ; et je ne frapperai plus toute vie comme je l'ai fait. (22) Tant que durera la terre, semailles et récoltes, froidures et canicules, étés et hivers, jours et nuits, jamais ne cesseront. (9:1) Le Souverain fut provident envers Noa'h et ses fils, il leur dit : Fructifiez et multipliez, et emplissez la terre. (2) Votre crainte et votre terreur s'imposeront à toute bête sauvage et à tout volatile des cieux, à tout ce qui grouillera sur terre et à tout poisson de la mer, et ils seront remis entre vos mains. (3) Tout reptile qui vit sera votre nourriture, comme la verdeur de la plante je vous ai tout donné. (4) Cependant la chair dans la vitalité de son sang, vous ne les mangerez pas. (5) Et cependant encore, votre propre sang en votre 20
corps je vous en demanderai compte, à toute bête sauvage j'en demanderai compte ; du fait d'un être humain, du fait d'un frère, je demanderai compte de la vie humaine. (6) Qui verse le sang de l'humanité par l'humanité son sang sera versé, car il a fait l'humanité selon l'empreinte du Souverain. (7) Quant à vous, fructifiez et multipliez, proliférez sur la terre et abondez en elle. (9:8) Le Souverain dit à Noa'h et à ses fils avec lui : (9) J'institue mon pacte avec vous et avec votre postérité, (10) ainsi qu'envers toute animalité vivante qui est auprès de vous, le volatile, le bétail, et la bête sauvage qui vous accompagnent, parmi tous ceux qui sortent du coffre, y compris les bêtes sauvages. (11) Je rendrai tangible mon pacte envers vous, et jamais toute chair ne sera plus éradiquée par les eaux diluviennes ; il n'y aura plus d'autre déluge pour détruire la terre. (12) Le Souverain dit : Voici le signe du pacte que j'interpose entre moi et vous, et toute animalité vivante qui vous accompagne, pour les générations à jamais. (13) J'ai placé mon arc dans la nue, comme signe du pacte entre moi et la terre. (14) Ainsi, lorsque j'amoncellerai les nuages au-dessus de la terre, l'arc apparaîtra dans la nue, (15) et je me souviendrai du pacte entre moi et vous, et toute animalité vivante de toute chair ; et les eaux ne deviendront plus jamais déluge ni n'extermineront toute chair. (16) L'arc se déploiera dans la nue, et je le verrai afin de me rappeler le pacte établi à jamais entre le Souverain et toute animalité vivante de toute chair résidant sur la terre. (17) Le Souverain dit à Noa'h : Vois le signe du pacte que j'ai institué entre moi et toute chair résidant sur la terre.
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Repérons d'abord la ligne générale et les principales articulations de ces sections, en intégrant le commentaire de Rachi pour plus de clarté. Il y a ici deux sections, ponctuée chacune de plusieurs moments. Il importe de bien comprendre l'énoncé littéral de la Torah pour repérer et analyser les différents éléments qui constituent le pacte avec Noa'h. La première section est divisée en quatre moments : Dieu commande à Noa'h de quitter le « coffre » qu'il a construit avec tout ceux qui sont dedans. La Torah nous indique au passage que tant que dura le Déluge, tant que les êtres humains et les animaux étaient enfermés, tout rapport de procréation leur était interdit. Dès qu'ils sont dehors sur la terre ferme, ces rapports deviennent à nouveau permis, c'est pourquoi la question de la procréation intervient dès le début de la section, pour autoriser à nouveau les rapports, pour autant que ceux-ci respectent les lignées naturelles et ne se croisent pas entre espèces. Pourtant Noa'h ignore cette permission. Rachi fait remarquer qu’il ne sort pas accompagné de sa femme mais « accompagné de ses fils » — les hommes d'un côté et les femmes d'un autre. Chacun reste profondément circonspect sur l'avenir de l'humanité et se garde bien d'engendrer des enfants tant qu'il n'est pas assuré du destin de sa progéniture. Le Déluge est présent à tous les esprits. Puis Noa'h bâtit un autel pour Dieu et offre des holocaustes en guise de remerciement pour sa survie. Il offre un sacrifice de reconnaissance qui plaît à Dieu. Dieu s'engage alors par serment (שבועה, cf. Yechaya 54:9 et traité Chevouot 36 a) à ne plus détruire à nouveau la 22
terre ni toute forme de vie « à cause du genre humain ». On est ici au cœur du problème du pacte avec Noa'h : la raison qui motive explicitement le serment divin paraît contradictoire. Dieu s'engage à ne plus détruire le genre humain ni toute vie à cause de lui … « car le cœur humain est naturellement mauvais dès sa naissance ». La raison avancée aurait dû provoquer l'extinction définitive de l'humanité. Au lieu de cela, elle sert de mobile pour un serment garantissant sa survie et celle du monde. C'est la difficulté majeure qui nous occupera plus loin et dont on verra qu'elle commande l'ensemble du pacte entre Dieu et Noa'h. Une fois garanti le sort de la terre et des hommes, la procréation redevient l'expression de la providence divine. Jusqu'à présent, tant que Dieu ne s'était pas engagé sous serment à respecter la vie humaine comme telle, cette bénédiction naturelle restait caduque. C'est seulement maintenant qu'elle redevient pertinente. Puis Dieu permet à l'humanité de consommer la chair animale alors que celle-ci lui était jusque-là interdite. Avant le Déluge, seule la consommation des végétaux était autorisée aux hommes. Telle était la loi alimentaire exclusive de l'humanité depuis sa création : « Le Souverain dit : Je vous ai fait don de toute plante perpétuant semence sur toute la surface de la terre, ainsi que de tout arbre qui porte un fruit d'arbre perpétuant semence, ils seront votre nourriture. De même qu'à toute bête sauvage, à tout volatile des cieux et à tout reptile sur terre, doué d'un corps vivant, je donne toute verdeur de plante pour nourriture » (Beréchit 1:29-30). Hommes et animaux étaient égaux, et jusqu'à la fin du déluge l'humanité n'a pas la permission de tuer des bêtes pour s'en nourrir. Désormais, il est permis aux hommes de 23
consommer les autres êtres vivants comme les végétaux auparavant. Commence alors la série des préceptes prescrits aux descendants de Noa'h. La permission de consommer la chair animale entraîne en effet une restriction majeure. « Cependant la chair dans la vitalité de son sang, vous ne la mangerez pas ». C'est la seule interdiction alimentaire prescrite à l'humanité après le Déluge : les hommes n'ont pas le droit de consommer un être vivant, ils ne peuvent consommer que sa chair morte. Il faut tuer l'animal avant de s'en nourrir. Cette permission de tuer entraîne à son tour une restriction majeure : il est interdit aux hommes et aux animaux de tuer des êtres humains. Cette interdiction majeure a deux conséquences. Si un homme ou un animal tue un être humain, y compris s'il se tue luimême, Dieu lui en demandera compte. « Et cependant encore, votre propre sang en votre corps je vous en demanderai compte, à toute bête sauvage j'en demanderai compte ; du fait d'un être humain, du fait d'un frère, je demanderai compte de la vie humaine. » Si en outre un homme commet un meurtre en présence de témoins, les autres hommes devront le juger et mettre à mort le meurtrier. Les hommes doivent s'ériger en juge et punir le crime : « Qui verse le sang de l'humanité par l'humanité son sang sera versé, car il a fait l'humanité selon l'empreinte du Souverain ». Enfin, en complément de l'interdit du meurtre, Dieu prescrit et commande aux hommes de se reproduire et de se répandre sur la terre. Il prescrit désormais la vie de façon unilatérale. La seconde section est consacrée au nouveau pacte scellé avec Noa'h. Après avoir exposé les règles du 24
contrat qui engage désormais les hommes, la partie du pacte qui leur incombe devant Dieu, la Torah expose ensuite la part à laquelle Dieu s'engage. Cette section comporte trois moments. Dieu annonce d'abord qu'il conclut un pacte avec toute l'humanité et toutes les formes de vie animale sans restriction, en sorte que « jamais toute chair ne sera plus éradiquée par les eaux diluviennes ; il n'y aura plus d'autre déluge pour détruire la terre. » Puis il présente le signe qui scelle le pacte entre eux et commande l'attitude de Dieu envers la vie terrestre sous toutes ses formes. Ce signe est l'arc-en-ciel qui apparaît dans la nue et qui annonce la fin de la pluie. Contrairement aux évidences qui circulent d’ordinaire à ce sujet, ce signe placé par Dieu n'est pas destiné aux hommes. Il est destiné à avertir Dieu et à lui rappeler son serment de ne plus détruire la vie. Le sens du texte ne souffre aucune ambigüité : « j'ai placé mon arc dans la nue, comme signe du pacte entre moi et la terre … et je le verrai afin de me rappeler le pacte établi à jamais entre le Souverain et toute animalité vivante de toute chair résidant sur la terre. » Voyant l'arc-en-ciel, alors qu'il voudrait à nouveau ravager le monde comme il l'a déjà fait, Dieu s'en retiendra et lui laissera la vie quand bien même, selon lui, il ne la mérite pas. Enfin, dernier temps, il montre ce signe à Noa'h pour qu'il en comprenne le sens à chaque fois qu'il le voit. L'arc-en-ciel indique à l'humanité qu'elle est sauvée malgré ses fautes. C'est le thème central que l'on voyait déjà apparaître plus haut et qu'il nous faudra comprendre.
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III. L'enjeu du déluge dans le pacte entre Dieu et Noa'h « Car le cœur humain est naturellement mauvais dès sa naissance » — כִי ַיֵצֶר ַלֵב ַהָָּאדָּם ַַרע ַ ִמנְע ָֻּׁריו. Notre traduction prend acte de la remarque d’Ibn Ezra : s'il est vrai que dans la Michna le terme « » יצרest utilisé dans le sens de « » יצר ַהטובet « » יצר ַהרע, c'est-à-dire un « penchant » qui serait bon ou mauvais, en revanche, dans la Torah, son sens est plus radical, il désigne la nature dont une chose est faite, son principe générateur. Observez l’étrangeté du début de cette section. Une fois sorti du coffre, Noa'h offre un grand sacrifice ( )קרבןde sa propre initiative, Dieu ne le lui a pas demandé. La réaction de Dieu se produit d'abord en aparté, il ne s'adresse pas encore à Noa'h, il se parle à lui-même. Et il tient ce propos étrange sur la nature du cœur humain qu'il accompagne par l’engagement de ne plus détruire la vie terrestre. Le ton global du début de cette section met en avant que l'engagement est principalement du côté de Dieu. Même si les hommes sont ensuite engagés par les mitsvot (« les commandements »), il est clair ici que Dieu s'engage de façon presque unilatérale à ne plus détruire le monde. Et la destruction du monde, à travers le déluge est l'enjeu central du pacte. Arrêtons-nous un moment sur cette idée. Une des conséquences de l'engagement de Dieu envers Noa'h est que le ( מבולdéluge) n'est jamais répertorié dans la Torah écrite ou orale comme un ( עונשchâtiment) possible. On trouve dans la Torah et la Michna quantité de châtiments collectifs particulièrement violents (mort, exil, 26
destruction, etc.) mais il n'est enseigné nulle part que le מבולpourrait constituer pour nous aujourd'hui une punition. Au contraire, on apprend ici — et c'est tout l'enjeu de cette section — qu'il ne se produira plus d'autre déluge. Mais la difficulté, pour nous, est précisément de devoir apprendre ici à vivre avec l’idée que la perpétuation du monde et des hommes n'est pas une évidence naturelle, mais qu'elle résulte d'un pacte explicite liant le Créateur aux hommes. En conséquence, comme tout pacte ou engagement, elle a ses conditions et ses limites. On lit par exemple dans la Guemara H'oulïn (92 a-b) que les descendants de Noa'h ont accepté trente lois ou préceptes (Rachi sur place déclare ignorer l'origine de cet enseignement, puisque l'on ne compte d'habitude que sept lois ou préceptes, mais voir Sanhédrïn 56 b sq.). Et la Guemara ajoute qu'ils n'en respectent que trois, à savoir de ne pas écrire de contrat de mariage entre hommes, de ne pas vendre la chair humaine au marché et d'avoir du respect ou de la considération pour l’enseignement biblique. Si l'on y réfléchit un peu, étant donné la nature toujours réciproque d'un pacte et la gravité des trois dernières lois évoquées, on est peut-être en droit de conclure que, sans elles, le monde est à nouveau exposé à sa perte. On rétorquera sans doute que la représentation d'une destruction du monde est l'un des fantasmes les plus éculés de l'humanité, que la littérature et le cinéma exploitent sans vergogne. Mais, je vous ferai remarquer que, précisément, cette représentation ne vaut que comme fantasme. Elle témoigne moins d'une destruction du monde que d'une destruction de la loi et de l'ordre établi. Elle s'accompagne de viol, de meurtre, d'inceste. Elle met 27
toujours en scène quelques humains totalement saints ou totalement hagards, au-delà des lois et de la morale. Et quel serait l'intérêt d'une littérature qui, après avoir soigneusement ravagé le monde, mettrait en scène son recommencement sous l'égide de la loi et de l'ordre alors que toutes ces représentations sont accompagnées, implicitement ou explicitement, de rumeurs perverses et souvent sadiques ? A moins qu'il ne s'agisse d'une forme suprême de perversion. Tandis que l'idée d'une fin de toute forme de vie, telle que le déluge l'expose, évoque plutôt un buttoir, une idée limite impossible à concevoir vraiment, et que l'on n'envisage qu'à travers un détour ou une métaphore. Comme l'exprime Rachi dans son commentaire sur Beréchit 6:7, le déluge est un « effacement », comme on efface des signes dessinés sur la terre. Le déluge est la disparition du signe, le règne du silence minéral, aqueux. Lisons en effet la section qui annonce le déluge Beréchit 6:5-8 : ַיֵצֶר ַ ַמחְשְ ב ֹּת ַלִבֹו ַַרק-ָָּארץ ַ ְוכָּל ֶ ה ַוי ְַרא ַי ְהוָּה ַכִי ַַרבָּה ַָּרעַתַהָָּאדָּם ַב ז. לִבֹו-ָָּארץַ ַוי ִ ְת ַעצֵבַאֶל ֶ הָָּאדָּםַב-שהַאֶת ָּ ָּע-ו ַויִנָּחֶםַי ְהוָּהַכִי. הַיֹום-ַרעַכָּל - ב ָָּּראתִיַ ֵמעַלַ ְפנֵיַ ָּהאֲדָּמָּהַמֵָאדָּםַעַד-הָָּאדָּם ֲאשֶר-וַי ֹּאמֶרַי ְהוָּהַ ֶא ְמחֶהַאֶת ח וְנ ֹּ ַח ַמָּ צָּא חֵן. ש ָּמי ִםַכִי נִ ַח ְמתִיַכִי ֲעשִיתִם ָּ עֹוףַ ַה- ֶר ֶמשַ ְועַד-ְב ֵה ָּמהַעַד .ְבעֵינֵי י ְהוָּה (6:5) Dieu vit que la méchanceté de l'humanité sur terre était immense, et que le fond de toutes les pensées de son cœur était borné au mal tout le temps. (6) Dieu se ravisa d'avoir fait le genre humain sur terre et il se désola en son cœur de devoir le supprimer. (7) Dieu dit : J'effacerai l'humanité que j'ai créée de la surface de la terre, du genre humain jusqu'à la bête, jusqu'au reptile et au volatile des cieux; (car tout a été créé pour l'humanité) 28
or je me suis ravisé de les avoir faits. (8) Mais Noa'h trouva grâce aux yeux de Dieu. A propos des mots « j'effacerai l'humanité », Rachi explique : « puisque l'homme est poussière, je lui lancerai de l'eau et je l'effacerai ». L'éradication de l'humanité c'est la résorption du signe « homme », comme un coup de gomme. Plus radicalement, c’est l’effacement de toute voix. À travers l'éradication de l’ensemble de la vie animale terrestre, les voix de tous les êtres vivants s'éteignent dans le silence, les vagues et le ressac de la mer. C'est seulement à travers une torsion de notre esprit que l'on imagine le réel du déluge. En fait, imaginer sérieusement le מבולnous obligerait à faire face à une chose complètement insensée… Penser que le monde peut être réellement entièrement effacé est absolument fou, telle une extorsion violente de la voix, de la parole et du langage, un surgissement brutal du réel dans une absolue minéralité. Ce passage est fondamental pour nous parce qu'il nous permet d'interroger nos évidences premières. Qui peut soutenir sérieusement que le monde pourrait être totalement ravagé et détruit, réduit au mutisme absolu ? On est incapable de penser pleinement une chose pareille. Bien sûr, on peut être conscient du fait que nous allons mourir, qu'il peut se produire des catastrophes, mais se retrouver dans une situation dans laquelle tout signe, tout sens, toute voix seraient abolis et où plus rien ne signifierait, est impossible pour notre esprit. On peut, certes, présenter un monde du silence en spectacle ; mais, c’est à condition qu’il fasse sens pour des êtres parlants, lesquels « endurent » ce silence dans leur propre voix. D’ailleurs, ce genre de spectacle est 29
souvent accompagné d’un commentaire qui le relève, car le silence n’a de présence qu’à l’intérieur de la parole. Pourtant, c'est ce que ce passage nous oblige à concevoir à travers le détour de l'effacement. Et nous ne parvenons à donner sens et statut à ce texte, que parce que Noa'h a survécu, sauvant avec lui toute la faune. Nous parvenons à nous situer par rapport à ce texte grâce aux filiations qui rattachent toute l'humanité à Noa'h. A travers lui, nous survivons au déluge. Il importe peu à mes yeux que le déluge ait réellement eut lieu et qu'il s'agisse d'un fait historique. Je me suis déjà expliqué à ce sujet ailleurs : l’enseignement de la Torah n’est pas de nature historique et le seul réel pertinent dans l’étude est celui de notre présent. Il est donc fondamental de cerner le réel dont ce texte fait état à travers ce qui, dans ce récit, nous habite encore et toujours. Dire que l'histoire biblique est traversée par le déluge signifie que la mémoire des hommes en est imprégnée, et qu'elle structure et forme notre perception actuelle du monde. Pour autant qu'un être humain se rattache à Noa'h, il considère que la survie de l'humanité, et plus largement la perpétuation de la voix et de la parole, sont liés à une promesse. Ce n'est pas le déluge comme phénomène mondain ou fait historique qui compte, mais la possibilité présente au cœur des hommes d'un effacement total de la vie terrestre en tant que possibilité réelle et éternellement suspendue. Le déluge énonce l'un des paradigmes de la condition humaine, en faisant surgir devant nous la nécessité brute d'une continuation de la vie humaine et animale, intrinsèque à la voix et au signe, l'impossibilité sémantique d'une fin de la vie. Même un athée complet comme Sartre considère dans Les mots que l'idée d'une 30
fin du monde et de l'humanité est inconcevable. Comme si la possibilité d'une fin de la voix signifiait l'extinction de ma propre parole maintenant. On comprend mieux ainsi la raison pour laquelle la procréation est le thème dominant de la section du pacte avec Noa'h, car elle est la clé et le répondant au niveau des pratiques humaines du problème du déluge. Accepter de donner la vie, de prolonger l'humanité, c'est s'inscrire dans cette chaîne des existences qui affirment l'impossibilité d'une fin de la voix et de la parole. Mais on voit bien que cette impossibilité n'est pas physique, il s'agit plutôt d'arracher le sens du langage et de la parole à un possible effacement radical et absolu.
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PLAN DU LIVRE ET RÉSUMÉ DES 29 COURS
I. Introduction Cours du 8 juillet 2008 : Introduction 1/1 Alliance métaphysique. Alliance humaine. L’alliance d’Avraham et d’Avimelekh. Inactualité du serment individuel. Essentialité du cadre légal. L’alliance ne naît que d’un cadre sauvage. Le concept d’engagement. Analyse du terme « » ברית. « Trancher une alliance » : contradiction de langage ? L’alliance de Dieu et de Noah’. Le déluge est-il légal ? Le serment et l’arc en ciel « retiennent » la colère divine. Représentation de Dieu. Place de l’alliance post-déluge dans l’évidence de l’existence du monde.
II. L’alliance Post-Deluge Cours du 15 juillet 2008 : L’alliance post-déluge 1/6 Paradoxe divin : Dieu détruit le monde puis s’engage à ne plus le faire. Évolution de la relation humain / divin. Qu’est-ce qu’un Dieu qui s’engage ? Psychologie divine et anthropomorphisme. La séduction du vin (traité Érouvine 65a). Le repentir n’est jamais absolu. Distinction verdict / jugement. Le jugement reste le même avant et après le déluge : l’homme est intrinsèquement mauvais. Le verdict change. Dieu s’assagit ?...
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Cours du 22 juillet 2008 : L’alliance post-déluge 2/6 La particule « ( » כיverset 21-8) : excuse, explication ou « malgré que » ? L’homme et le jugement. Il n’y a pas de double nature dans la Torah. Le jour de Yom Kippour. Pardon et culpabilité. Le sacrifice de Noah’ : remerciement ou pot-de-vin ? Peut-on s’aimer ? Cynisme et générosité. Notre représentation de Dieu peut évoluer. Cours du 29 juillet 2008 : L’alliance post-déluge 3/6 L’audace de Noah’. L’ouverture d’une relation entre l’homme et Dieu. Retour sur le jugement de Dieu. On est l’histoire qu’on se raconte. Peut-on se juger soi-même « intrinsèquement mauvais » ? Les tréfonds du cœur de l’homme. Dans la Torah, il n’y a pas deux penchants chez l’homme. Même nos qualités sont déterminées par notre culture, notre société, etc. Sommes-nous le juge ou le jugé ? Dieu nous supporte mieux que ce que nous nous supportons nous-mêmes ? L’alliance, c’est accepter notre manquement intrinsèque. Cours du 4 août 2008 : L’alliance post-déluge 4/6 Le jugement reste, le verdict change. On n’est jamais « homme » naturellement. Le juge et le jugé. Noah’ engage une relation. Dieu doit « vivre » avec les 34
hommes. Que veut dire « se juger ». La démarche de Noah’. L’ouverture d’une alliance : relation du jugé avec son juge. Cours du 11 août 2008 : L’alliance post-déluge 5/6 S’accepter sans désespoir. L’humilité de Noah’ et la générosité de Dieu. Le danger des signifiés élogieux de la Torah. Voie moyenne, voie extrême. Que signifie « croire en Dieu » ? Une instance autre que moi-même. Intérêt et limite du surmoi de la psychanalyse. L’importance du nom qu’on donne à l’instance qui nous juge. Les premiers commandements. Loi morale naturelle ou dictée ? L’ordre de procréer. L’évidence d’enfanter. La haine de soi. Place de l’alliance. Cours du 17 août 2008 : L’alliance post-déluge 6/6 Engagement et menace. Un engagement peut-il être absolu ? Cohérence de la section de Noah’. Les commandements noachides sont la conséquence de l’alliance. Qu’en est-il du premier homme (Adam harichone) ? L’empreinte d’un lien avec Dieu. Représentation et Réel. Commandement naturel et commandement imposé. Le transcendant est écrasant. Moral, physique et métaphysique. Les limites de la comparaison avec la relation parents / enfants. Ce que Noah’ a compris. Conséquences sur les relations entre hommes.
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III. L’alliance d’entre les morceaux : la promesse d’une descendance Cours du 1 septembre 2008 : La promesse d’une descendance 1/11 Lecture de la section 15 du livre de la Genèse. Présentation d’Avraham au lendemain d’une guerre victorieuse. L’étonnante crainte d’Avraham comme ouverture de l’alliance. Salaire et thésaurisation. Relation désintéressée contre besoin de reconnaissance. Le capital d’estime nécessaire à toute relation. Dieu peut-il être débordé par une relation ? Avraham veut une descendance. Généalogie et Doctrine. Transmission par engendrement et transmission par enseignement. Cours du 8 septembre 2008 : La promesse d’une descendance 2/11 La peur d’Avraham est connectée à la guerre qu’il a menée contre les rois. La guerre révèle l’impasse d’Avraham. Incompréhension de l’entrée en guerre d’Avraham. Jeu politique et promesse divine. Peut-on avoir une descendance et une terre sans politique ? L’impasse d’Avraham. Esclavage : un droit à l’existence. Le réel réfute la promesse faite à Avraham.
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Cours du 15 septembre 2008 : La promesse d’une descendance 3/11 L’importance pour Avraham d’avoir une descendance. Réel et Imaginaire. Qu’y a-t-il de réel dans un roman ? Analyse de Mme de Bovary de Flaubert. L’imaginaire habite notre réel. L’histoire d’une généalogie, est-ce réel ? L’être « Mme de Bovary » existe-t-il ? Réel du discours et réel de la généalogie. Cours du 22 septembre 2008 : La promesse d’une descendance 4/11 Déconstruction du clivage nature/culture. Les quatre cas de filiation dans le traité Kidouchine. L’opposition nationalité/généalogie correspond à l’opposition esclave/aristocrate. Le serf au moyen-âge. L’esclave a une nationalité et l’homme libre une généalogie. La notion de peuple existe-t-elle encore de nos jours. Le principe généalogique contre le principe territorial est un moyen d’échapper au clivage nature/culture et donc au regard raciste. Cours du 3 novembre 2008 : La promesse d’une descendance 5/11 Rappel des cours précédents. La catégorie des peuples du monde : filiation par le père ; la catégorie du peuple juif : filiation par la mère. Lecture du passage du talmud sur cette différence de filiation. Pourquoi ramener un 37
enfant à ses parents ? Le réel de l’accouchement et le relationnel de la conjugalité. Le mariage ramène l’enfant à son père. L’homme est déterminé à « être » juif mais peut lâcher cette histoire : à travers sa descendance issue d’un mariage avec une non-juive. « Être juif » est une détermination généalogique liée avec le nom de Dieu. Cours du 10 novembre 2008 : La promesse d’une descendance 6/11 Le nom juif correspond à un réel. Nature du dialogue peuple juif/peuples du monde. Tacite, Flavius Joseph. Ce nom juif, ce réel, c’est l’expression de l’alliance faite entre Avraham et Dieu. Exclusivité de l’alliance. Lecture du midrach sur les cogitations d’Avraham. L’ « être juif » est un phénomène du monde. Cours du 17 novembre 2008 : La promesse d’une descendance 7/11 Reprise du midrach : Avraham craint que l’alliance ne soit pas éternelle. Différence Noah’/Avraham. Influence et société. Le réel de la descendance et l’imaginaire de l’enseignement. Une vérité engage-t-elle un homme ? Un commandement est un instant d’éternité dans le réel. Seule la généalogie peut engager définitivement un homme. Métaphore des parents. Le judaïsme existe encore envers et contre tout, il y a quelque chose au-delà de la Raison universelle : il existe une marque généalogique dans le réel. 38
Cours du 24 novembre 2008 : La promesse d’une descendance 8/11 Avraham et Ychmaël : une illustration de la différence entre la Doctrine et la Généalogie. Promesse divine contre déterminisme astral. Regard moderne : le déterminisme psychologique. Tous les grands rêves sontils réalisables ? Lecture du midrach sur le déterminisme astral qui pèse sur Avraham. Présentation des trois voies de réponses proposées. Cours du 1 décembre 2008 : La promesse d’une descendance 9/11 Rappel du Dialogue Avraham/Dieu sur la descendance. La « émouna » : une épreuve de confiance. Approfondissement des réponses du midrach sur le déterminisme astral. Première voie : il y a un déterminisme mais sa structure est plus vaste qu’on ne le croit. Confiance en soi et en son partenaire. Deuxième voie : il n’y a pas de déterminisme, tout peut changer. Difficulté due à la confiance aveugle dans le système, en l’uniforme. Les juifs ont hérité de la première voie. Énigme de la deuxième voie. Cours du 8 décembre 2008 : La promesse d’une descendance 10/11 Bilan des deux premières voies proposées par le midrach : au niveau du discours les juifs prônent la 39
deuxième voie, mais au niveau du réel ils transpirent la première. Troisième voie : l’opposition de deux vérités. La prophétie est une vérité intérieure qui s’oppose à la vérité du réel. Avraham « dialogue » avec cette vérité. Illustration par la section 20 de la Genèse. Qu’est-ce qu’un conflit entre deux vérités. Comment réfuter le réel ? Sens d’une épreuve de foi. Cours du 15 décembre 2008 : La promesse d’une descendance 11/11 Approfondissement du thème foi/vérité. Lecture du Guide des égarés I, 50. Les trois étapes de la croyance. Distinction entre « croire » et « avoir confiance ». Paradoxe chez Maïmonide par rapport à la lecture de traités d’idolâtrie. La vérité intérieure : un roman essentiel pour ma subjectivité. Point d’orgue de l’alliance entre Avraham et Dieu. Le principe de réalité en psychanalyse.
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IV. L’alliance d’entre les morceaux : la promesse d’une terre Cours du 12 janvier 2009 : La promesse d’une terre 1/9 Lecture des versets sur la promesse d’une terre. Controverse sur le déroulement historique des cheminements d’Avraham et de sa famille. Interprétation de Nah’manide. La terre de Kenâane n’est pas une révélation. Rêve classique d’un avenir meilleur autre part. Intrusion d’une notion d’héritage. Le « réel » d’une terre : le prolongement du « réel » de « l’être juif ». L’exil ou la face négative du « réel » d’une terre. Réflexion difficile : ni légale, ni historique. Cours du 19 janvier 2009 : La promesse d’une terre 2/9 Analyse de l’expression «שדִים ְ » ֲאשֶר ַהֹוצֵאתִיָך ַמֵאּור ַכ. Référence unique liée à la mort du frère d’Avraham. Lecture de la section 9 de la Genèse. « Mourir à la face de son père ». Lecture du midrach. Quel cadre supporte-til qu’un père livre son fils aux autorités ? La provocation d’Avraham. Être déterminé par le regard du père. De quoi et en quoi Dieu a délivré Avraham ?
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Cours du 26 janvier 2009 : La promesse d’une terre 3/9 Relation père/fils et relation peuple/terre. Patrie : terre des pères (pater). Avraham n’existe pas seul. La relation au père fixe la relation à la terre en tant que patrie. Our Kassdim ou l’impossible relation père/fils. Qu’est-ce que l’autorité du père ? D’un concept juridique à un concept absolu. La contestation d’un enfant est toujours issue d’un paradoxe des parents. Dans le concept juridique c’est l’État le père suprême. L’enjeu de la terre : fonder une nouvelle configuration des relations père/fils. Cours du 2 février 2009 : La promesse d’une terre 4/9 Illustration de la relation parents/enfants : l’influence de l’acte d’une fille sur la notoriété de son père. Qu’estce qu’un héritage parental ? Évidences reçues et évidences construites. La limite du langage. Différence avec la psychologie. L’origine de l’autorité. Itsh’ak et son fils Essav. Distinction fils et fille. La honte des parents. Cours du 9 février 2009 : La promesse d’une terre 5/9 Reprise de la différence entre autorité légale et autorité parentale. Lecture d’un extrait du traité Kidouchine : l’imposture divine aux yeux des Nations. L’unique autorité légitime est celle des parents. 42
L’illégitimité de la Raison Universelle. Quel est le foyer de l’autorité ? De Térah’ à Avraham : l’absolue responsabilité de son enfant. Bilan de l’expression « ֲאשֶר »הֹוצֵאתִיָך ַמֵאּור כַשְ דִים. Cours du 16 février 2009 : La promesse d’une terre 6/9 Le questionnement d’Avraham vis-à-vis de la terre. Interprétation de Rachi : l’exigence d’un signe. Pourquoi soupçonner Avraham ? Logique de la justice contre irrationnel du signe. La terre et l’irrationnel. Interprétation de Nah’manide : une promesse sans condition. Limite du rapport classique au Dieu rationnel et au Dieu de Justice. L’exil ou le seul réel négatif d’avoir une terre. Cours du 2 mars 2009 : La promesse d’une terre 7/9 Deuxième interprétation de Rachi sur le questionnement d’Avraham. Mérite contre politique : deux modes d’héritage. Habiter une terre, c’est mettre un terme à l’exil. Veut-on vraiment en finir avec l’exil ? Le silence social, politique et économique du peuple juif. Responsabilité et culpabilité. Comment s’alléger du poids d’une faute. Rappel de l’alliance de Noah’ : il existe un dialogue entre la créature et son créateur.
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Cours du 16 mars 2009 : La promesse d’une terre 8/9 Vie sociale engagée : comment lutter contre une culpabilité stérilisante ? Le service du Temple. Lecture d’un extrait du traité Taanit. Fondement du monde et service divin. Le piège du pardon. Responsabilité et insouciance. Place du sacrifice dans le rapport à la faute. L’étude comme autre voie de déculpabilisation. Structurer mon champ des possibles. Dialoguer avec le permis et l’interdit. Cours du 23 mars 2009 : La promesse d’une terre 9/9 Interprétation des détails sacrificiels donnés par le texte. L’apprentissage d’un service. Surenchère du midrach. L’allégorie des empires de l’histoire. Promesse irréalisable ? La voie de l’exil. Le livre de Daniel. Israël face à lui-même et Israël face aux Nations. La terre d’Israël telle qu’Avraham la conçoit. Le double niveau d’existence d’Israël.
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V. L’alliance d’entre les morceaux : l’exil de « Mitsraïm » Cours du 30 mars 2009 : L’exil de « Mitsraïm » 1/1 L’étonnant esclavage en « Mitsraïm » (Égypte). Impossible punition. L’esclavage comme partie intégrante du don de la terre. Dieu est autant celui qui nous libère de l’esclavage que celui qui nous y a mis. Autorité légale, rappel de l’épisode d’Our Kassdim. Le maître et l’esclave : à quel type d’autorité a-t-on affaire ? Comment reconnaître un libérateur. Du maître d’Égypte au Maître du monde. L’alliance, c’est relationnel. Limite d’une réflexion et expérience d’un contre-exemple.
VI. L’alliance d’entre les morceaux : synthèse et conclusion, la justice Cours du 1 juin 2009 : Synthèse et conclusion, la Justice 1/1 Vue d’ensemble de la question d’Avraham et de la réponse de Dieu. En quoi la sortie d’Égypte constitue-telle un fondement ? Parallèle entre la sortie d’Avraham d’Our Kassdim et la sortie de sa descendance d’Égypte. Limites et incompréhensions. Le problème massif du 45
concept d’autorité lorsqu’un peuple veut habiter une terre. Structure de la royauté, du temple et du tribunal : despote et formalisme en puissance. La place unique des prophètes. La nécessité du formel : être injuste au nom de Dieu. La Torah est l’ouverture d’un dialogue avec le principe de justice. La sortie d’Égypte constitue le seul réel au nom duquel on peut s’opposer à l’injustice du formel.
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