Les recherches en partenariat – avril 2011
LE RAPPORT DES CADRES À L’ENTREPRISE
Recherche en partenariat CRM/Apec menée par Olivier Herrbach, Karim Mignonac, David Moustaud
CRM Centre de Recherche en Management EAC 5032 UT1-CNRS Université Toulouse 1 Capitole-IAE
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Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Association pour l’emploi des Cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901 et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre collective, l’Apec en a la qualité d’auteur. L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les partenaires sociaux (MEDEF, CFDT CADRES, CFE-CGC, UGICA-CFTC, UCI-FO, UGICT-CGT). Toute reproduction totale ou partielle par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec, est strictement interdite et constituerait une contrefaçon (article L122-4 et L335-2 du code de la Propriété intellectuelle).
LE RAPPORT DES CADRES À L’ENTREPRISE Recherche en partenariat CRM / Apec. Équipe de recherche CRM : Olivier Herrbach, Karim Mignonac, David Moustaud. Équipe Apec de suivi des recherches en partenariat : Hélène Alexandre, Caroline Legrand, Gaël Bouron, Raymond Pronier. Avril 2011
Sommaire
PRéSENTATION générale PRéSENTATION de l’équipe de recherche
Le Centre de Recherche en Management L’équipe
p. 3 p. 4
Le contexte Ancrage théorique : identification et distanciation Actualité des mécanismes de distanciation
PRéSENTATION DE LA RECHERCHE p. 5 p. 5 p. 6
modèle et protocole de recherche
Le cœur du modèle : l’identification et la distanciation Les trois variables explicatives Les quatre variables expliquées
Méthodologie Résultats
p. 9 p. 10 p. 11
l’enquête quantitative p. 13 p. 15
l’enquête qualitative
Méthodologie de la recherche qualitative Résultats : un rapport à l’entreprise entre fatalisme et pragmatisme Conclusion
p. 35 p. 38 p. 44
conclusion générale Annexe I Annexe II Bibliographie
annexes p. 47 p. 53 p. 55
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présentation générale Les partenariats de recherche Le département Études et Recherche de l’Apec a lancé en 2007 un premier appel à projets auprès des laboratoires et centres de recherche. « Le rapport des cadres à l’entreprise » fait partie de cette première vague et, depuis, l’appel est renouvelé chaque année*. Cette démarche vise à renforcer les liens avec les milieux de la recherche en développant des partenariats sur des thématiques intéressant l’Apec, les partenaires sociaux et les clients de l’Apec. Chaque recherche porte des sujets différents et l’apport de l’Apec varie selon les projets : apport financier pour optimiser des travaux en cours, appui technique pour des enquêtes sur Internet, contrat CIFRE… L’objectif est de construire de véritables partenariats : les chercheurs apportent leurs expertises pointues et spécialisées pour approfondir les sujets et étudier des méthodologies spécifiques, le département Études et Recherche de l’Apec apporte lui une connaissance approfondie de l’emploi cadre développée depuis plus de quarante ans. Le rapport des cadres à l’entreprise L’analyse des rapports entre les cadres et les entreprises suscite de nombreux travaux de recherche. Ces recherches ont souvent révélé des attitudes croissantes de distanciation envers l’entreprise. La distanciation peut générer des coûts pour l’entreprise (rotation importante du personnel, performance réduite, gestion interne plus difficile) ou pour l’individu lui-même, qui perd les bénéfices psychologiques liés à son identification à un groupe social valorisé à ses yeux et à ceux d’autrui. Mais la distanciation peut également être pour l’individu, à l’inverse, un mécanisme protecteur contre un investissement impossible ou excessif, et donc un élément bénéfique. C’est pourquoi la recherche réalisée par le Centre de Recherche en Management se propose d’associer à la notion de distanciation à l’entreprise, la notion d’identification à l’entreprise, en les considérant non pas comme opposées, mais comme complémentaires. Cela conduit à conceptualiser une réalité plus complexe et plus ambigüe. Pour mener cette réflexion, l’équipe a appliqué deux méthodes : une quantitative, avec un questionnaire en ligne auprès de cadres aboutissant à un traitement statistique approfondi (échelles d’aptitudes, corrélation, analyse factorielle, régression), l’autre qualitative, avec des entretiens menés auprès de cadres. Le modèle théorique et l’appareillage méthodologique est issu de la recherche contemporaine en psychologie organisationnelle. COMPORTEMENT ORGANISATIONNEL (organizational behavior) C’est une discipline académique qui s’intéresse au comportement humain dans les organisations. Elle se situe au carrefour de disciplines diverses telles que la psychologie sociale, la psychologie industrielle, la sociologie et les sciences de gestion et porte ses investigations à trois niveaux d’analyse : les individus, les groupes et l’organisation dans son ensemble. Le comportement organisationnel étudie de nombreux phénomènes utiles à la compréhension des processus individuels et collectifs, tels que les attitudes au travail, la motivation et les états affectifs (niveau individuel), la cohésion d’équipe, le conflit et la communication (niveau collectif), ainsi que la culture d’entreprise, la socialisation et le changement organisationnel (niveau organisationnel). Source : Herrbach, O., Mignonac, K. et Richebé, N., Les ressources humaines de A à Z – 400 mots pour comprendre, Dunod, 2009.
Le modèle de recherche repose sur un ensemble de onze variables concordantes avec la problématique. Elles sont toutes de nature à caractériser le rapport des cadres à l’entreprise, soit en tant que facteur explicatif, soit en tant que facteur expliqué. * Deux autres rapports ont déjà été publiés dans la collection Apec Les recherches en partenariat : La division internationale du travail dans les services informatiques : Off shore et politiques des ressources humaines dans les grandes SSII, recherche menée par le LISE (Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique, Unité Mixte de Recherche du CNRS et du CNAM) et Les modes de gestion des cadres en difficulté, recherche menée par l’Institut de Recherche en Gestion et Economie (IREGE) de l’Université de Savoie. Les deux recherches ont fait l’objet de présentation lors des premiers Entretiens Experts de l’Apec organisés en novembre 2009 à Paris.
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Chacun des éléments du modèle a été quantifié à l’aide d’un instrument de mesure dédié, repris de la littérature académique et inclus dans le questionnaire en ligne. Chaque outil de mesure utilisé est destiné à évaluer un comportement ou une attitude et consiste en un ensemble d’affirmations sur lesquelles le répondant doit se positionner. Ainsi, chaque notion (telle que l’identification, par exemple) a été évaluée concrètement par l’intermédiaire des réponses données par les participants à un groupe d’items préétabli, validé par plusieurs recherches antérieures. Etant donné qu’ils ont jusqu’à présent été utilisés pour la plupart dans un contexte anglophone, ils ont été traduits en français pour les utiliser dans un contexte francophone. La totalité des items (une cinquantaine au total pour onze concepts mesurés) sont présentés dans la partie « Premiers résultats » avec leurs fréquences. Les trois principaux enseignements • La relation complémentaire entre identification et distanciation. Alors que l’on pourrait penser, comme le fait l’approche traditionnelle de l’identification, que la distanciation est le « contraire » de l’identification, il est manifeste que cela n’est pas le cas. En effet, les deux variables ne sont que très faiblement corrélées et, par exemple, un nombre important d’individus présentent des scores importants dans les deux variables. Ainsi, identification et distanciation constituent bien deux dimensions différentes, ce qui peut permettre de construire une typologie en quatre catégories de cadres : les identifiés (identification forte, distanciation faible), les distanciés (identification faible, distanciation forte), les neutres (identification et distanciation faibles), les ambivalents (identification et distanciation fortes). • Le rôle du soutien organisationnel. Le soutien de l’organisation (aide concrète, reconnaissance, considération) constitue un déterminant fort de l’identification des cadres à l’entreprise et diminue significativement l’intention de départ. • La performance des cadres ne varie pas ou très peu en fonction du type de rapport à l’entreprise. Il est donc important pour les entreprises de relativiser l’importance d’une identification forte et d’une distanciation faible des cadres à l’entreprise. En réalité, le positionnement identitaire des cadres ne détermine pas significativement leur performance.
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présentation de l’équipe de recherche ■■ Le centre de recherche La présente étude a été conduite dans le cadre d’une convention entre l’Apec et le Laboratoire Interdisciplinaire de recherche sur les Ressources Humaines et l’Emploi (LIRHE) signée en 2007. Depuis la restructuration du CNRS, les activités du LIRHE ont été réparties entre plusieurs structures de recherche, dont le Centre de Recherche en Management (CRM) auquel sont intégrés les participants à la présente recherche. Centre de recherche de l’Université Toulouse 1 et du CNRS, le LIRHE regroupait une vingtaine de directeurs de recherche (directeurs de recherche du CNRS, professeurs des universités, maîtres de conférences habilités à diriger des recherches) et une dizaine d’ingénieurs d’études ou de recherche dans les disciplines du droit du travail et du droit social, de l’économie de l’emploi et de la gestion des ressources humaines. Trois départements le composaient : gestion des ressources humaines (comportements au travail, compétences, modes de rémunérations, évaluation des politiques de GRH), droit du travail et de l’emploi (contrat de travail, nouvelles formes d’emploi, licenciement, négociation collective) et économie de l’emploi et des ressources humaines (formation, emploi, salaires, insertion des jeunes sur le marché du travail, changement technique et organisation de la production). La pluridisciplinarité, autour des thèmes de l’emploi et de la gestion des ressources humaines a constitué un mode de fonctionnement privilégié et représentait une des marques distinctives du laboratoire parmi les structures de recherche comparables. Des projets transversaux
ont porté sur les thématiques suivantes : gestion des compétences, formation, carrière, formes et reconnaissance du travail, systèmes de rémunérations ; relation entre entreprises, normes sociales ; nouvelles formes d’organisation du travail, flexibilité. Le LIRHE a en outre participé à plusieurs programmes internationaux sur l’emploi, la formation et la gestion des ressources humaines en collaboration avec des centres de recherche de l’Union Européenne et de l’Amérique du Nord. Le LIRHE était également impliqué dans la formation par la recherche (il accueillait en permanence plus de 30 doctorants des 3 disciplines) et était équipe d’accueil des masters recherche Économie appliquée, Économie, mathématiques et économétrie, Sciences de gestion et Droit du travail et de l’emploi. Il était par ailleurs impliqué dans plusieurs masters professionnels : le master Intelligence économique, le master Management des ressources humaines, le master Ingénierie de la formation et le master européen Sciences sociales comparées du travail. En 2009, le LIRHE a été fermé dans le cadre de la réorganisation du CNRS. Son département gestion des ressources humaines est désormais intégré au Centre de Recherche en Management (CRM) de l’Université Toulouse 1 – Capitole. Le CRM est un laboratoire de sciences de gestion qui regroupe cinq départements : finance, comptabilité, stratégie, gestion des ressources humaines et marketing (www.univ-tlse1.fr/crm). Il est issu du regroupement des équipes de recherche toulousaines en sciences de gestion.
■■ L’équipe L’équipe de travail qui a travaillé sur la présente étude était composée de : Olivier Herrbach (coordination du projet) Professeur de sciences de gestion à l’Université Bordeaux IV, ses recherches portent sur les attitudes et les comportements au travail (implication, identification, émotions). Ses travaux ont été publiés dans des revues académiques nationales et internationales.
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Karim Mignonac (conception de l’étude quantitative) Professeur de sciences de gestion à l’Université Toulouse I, où il dirige l’Ecole doctorale de Sciences de gestion. Ses travaux s’intéressent aux modalités de la relation d’emploi, l’implication au travail et la gestion des carrières. Ils ont été publiés dans des revues académiques francophones et internationales. David Moustaud (conception de l’étude qualitative) Doctorant en sciences de gestion, il réalise une thèse sur la notion de cynisme organisationnel à l’Université Bordeaux IV.
PRéSENTATION DE LA RECHERCHE ■■ Le contexte En 2003, le département Études et Recherche de l’Apec a réalisé une typologie des cadres sur la relation que les cadres (hors direction générale) entretiennent avec leur entreprise. Les « Cadrotypes Apec » ont fait état de six types de positionnement : les « épanouis », les « investis », les « mitigés », les « détachés », les « sceptiques » et les « mécontents ». Cette typologie a en outre établi trois degrés de lien avec l’entreprise : un lien fort, un lien distendu et un lien rompu. L’analyse suggérait que ces deux derniers liens pourraient être de nature à perturber le fondement des politiques de gestion des ressources humaines, c’est-à-dire la recherche de la convergence des intérêts des cadres avec ceux de leur entreprise. L’étude a toutefois montré que l’existence de ces différents niveaux de lien ne reflétait pas forcément une relation négative entre les cadres et les entreprises, mais plutôt une relation pragmatique, contractuelle et, plus largement, inscrite dans un contexte flexible où la gestion individualisée des carrières et des parcours professionnels devient la norme. L’analyse de ces rapports entre les cadres et les entreprises mérite toutefois d’être approfondie. La recherche que nous avons conduite entend donc apporter un approfondissement de l’étude sur les « Cadrotypes » de 2003 au regard, tout d’abord, de l’évolution du contexte économique et social, mais aussi par l’utilisation d’un
appareillage méthodologique issu de la recherche contemporaine en psychologie organisationnelle et, surtout, d’un modèle théorique plus complet, intégrant explicitement la notion de distanciation en parallèle de celle d’identification. Les recherches récentes sur les rapports entre les salariés et l’entreprise révèlent en effet des attitudes croissantes de distanciation, voire de rejet, par rapport à l’entreprise. En particulier, sous l’influence de la pression concurrentielle, du non-plafonnement des horaires et de l’exigence à fournir des résultats de plus en plus rapidement, un « malaise » s’est progressivement installé chez de nombreux cadres. Des syndromes de burnout (« épuisement professionnel ») se manifestent de plus en plus souvent par des attitudes de retrait ou par des problèmes de santé mentale (de type dépression) chez nombre d’individus. De même, la flexibilité accrue du marché du travail fait craindre aux cadres une détérioration de leurs conditions de travail. Enfin, l’incertitude sur l’avenir et les mécanismes de mondialisation, opérant un déplacement du centre de gravité du dynamisme économique vers l’Asie, mettent à mal la relation d’emploi classique fondée sur la conciliation des intérêts des cadres avec les intérêts de leur entreprise. C’est pourquoi la relation des cadres avec l’entreprise mérite d’être réexaminée empiriquement en lumière de ce nouveau contexte.
■■ Ancrage théorique : identification et distanciation Traditionnellement, la psychologie organisationnelle traite essentiellement du processus d’identification du salarié à l’entreprise, et non de celui de distanciation (ou « dés-identification »). Prenant appui sur la théorie de l’identité sociale, l’identification est définie comme le processus qui consiste à incorporer les attributs identitaires d’un groupe social dans la définition de soi. Un cadre peut ainsi s’identifier à son équipe de travail, à son métier, mais également – et de manière privilégiée en raison du rôle symbolique de l’appartenance à un collectif de travail – à son entreprise. Il en intègre les valeurs et la culture. Cette identification est positive pour l’entreprise, car de nombreux travaux ont montré qu’elle était significativement corrélée à la performance au travail. En outre, elle est source de fidélisation. Il est donc dans l’intérêt de l’entreprise que les cadres s’identifient à elle. Mais il est aussi, parallèlement, dans l’intérêt du salarié lui-même de s’identifier à son entreprise, car cela donne du sens à son activité professionnelle et lui procure un sentiment d’appartenance sociale bénéfique pour son image de soi et son équilibre personnel. Des conceptualisations plus récentes montrent pourtant
que le rapport à l’entreprise est plus complexe qu’il n’y paraît et qu’il est nécessaire de l’analyser non seulement par le prisme de l’identification, mais aussi par celui de la distanciation. Un salarié se distancie (ou se « dés-identifie ») de l’entreprise lorsqu’il constate, accepte, intériorise, voire valorise, l’idée de ne pas avoir les mêmes attributs, valeurs ou principes que ceux qui définissent son organisation. Il peut même aller jusqu’à épouser – plus ou moins consciemment – des valeurs opposées à celles de son organisation d’appartenance générant, parfois, une répulsion envers la culture de son entreprise. La distanciation peut générer des coûts pour l’entreprise (roulement du personnel, performance réduite, gestion interne plus difficile) ou pour l’individu lui-même, qui perd les bénéfices psychologiques liés à l’identification à un groupe social valorisé à ses yeux ou à ceux d’autrui. Mais la distanciation peut également être, à l’inverse, un mécanisme protecteur pour l’individu contre un investissement impossible ou excessif vis-à-vis de l’entreprise, et donc un élément bénéfique. L’intérêt de compléter la notion d’identification par celle de distanciation est que, dans la mesure où identification © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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présentation de la recherche
et distanciation ne sont pas considérées comme opposées, mais comme complémentaires, elles permettent de conceptualiser une réalité plus complexe et plus ambigüe de la relation cadre/entreprise. Kreiner et Ashforth1 ont ainsi proposé un modèle qui distingue quatre posi-
tionnements identitaires différents des salariés avec leur entreprise en fonction de leur niveau respectif d’identification et de distanciation. Selon leur intensité respective, ils ont défini quatre types de positionnements distincts qui sont présentés dans le modèle ci-dessous.
Identification Faible
Forte
Faible
Indifférence
Assimilation
Forte
Rejet
Ambivalence
Distanciation
Du point de vue de l’employeur, l’assimilation de soi à l’entreprise (identification élevée, distanciation faible) est, à première vue, l’attitude à favoriser. Comme l’attestent de nombreux travaux en psychologie organisationnelle, elle est potentiellement source de performance et, surtout, de fidélité. Dans l’identification ambivalente, les salariés présentent un rapport à la fois identifié et distancié avec l’organisation. Cela peut être le cas, par exemple, lorsqu’un cadre contribue volontiers à accomplir les objectifs qui lui sont assignés par le manage-
ment, tout en désapprouvant leurs conséquences sur ses conditions de travail, sur celles de ses équipes ou celles d’autres personnes dans l’entreprise. Le rejet se manifeste quant à lui par une attitude uniquement distanciée par rapport à l’employeur. Enfin, l’identification neutre reflète quant à elle un rapport tout simplement indifférent, ni identifié, ni distancié. La présente recherche consiste donc à déterminer les rapports des cadres français avec leur entreprise par le prisme du double mécanisme d’identification et de distanciation.
■■ Actualité des mécanismes de distanciation Alors que le discours managérial classique prône un rapport des cadres avec leur entreprise empreint de dévouement, d’efforts partagés et caractérisé par une relation « gagnant-gagnant », qu’en est-il dans la réalité telle qu’elle est vécue par les principaux intéressés ? Une des questions sous-jacentes à notre recherche est de se demander comment les bonnes intentions contenues dans les messages de communication interne ou institutionnelle des entreprises sont vraiment perçus dans le quotidien professionnel des cadres. Il se pourrait que ces derniers prennent une forme de distance critique vis-àvis des discours officiellement diffusés. Des travaux récents sur les rapports entre les salariés et l’entreprise révèlent en effet des attitudes de distanciation croissantes depuis 2003. Ces attitudes prennent la forme d’un certain scepticisme lié à l’écart que l’on peut constater entre les discours officiels et les pratiques réelles. Il s’ensuit une distanciation ironique ou
désenchantée des salariés vis-à-vis de l’entreprise, dont la prise en compte permet aussi d’intégrer l’évolution de la société contemporaine, qui se caractérise, comme illustré en particulier par les théoriciens de la postmodernité, par un phénomène croissant de distanciation par rapports aux institutions. La distanciation, la volonté de ne pas paraître « naïf » à ses propres yeux ou à ceux d’autrui par une identification trop facile, l’usage systématique de la dérision qui, par exemple, caractérise l’humour télévisuel d’aujourd’hui, sont des symptômes de cette difficulté croissante de l’individu à « croire » et à s’engager de manière générale. En un mot, la société moderne fait preuve d’un scepticisme généralisé, et d’aucuns prétendent qu’elle est devenue cynique : les gens sont devenus capables et désireux de démystifier, de résister aux tentatives de manipulation et de lire entre les lignes, même si par ailleurs ils continuent, nécessité oblige, à se soumettre
1. Kreiner, G.E., & Ashforth, B.E. (2004). Evidence toward an expanded model of organizational identification. Journal of Organizational Behavior, 25, 1–27.
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au moins en apparence aux normes de fonctionnement des organisations. Ce désengagement n’est d’ailleurs pas nécessairement un phénomène négatif car, comme le soulignent Fleming et Spicer2, le cynisme est aussi, paradoxalement, un moyen pour l’individu contemporain de se protéger, par l’intermédiaire de la distanciation, voire du détachement, dans un contexte général où l’identification à des valeurs ou à des groupes sociaux apparaît problématique. Le cynisme organisationnel est, curieusement, une notion encore mal connue dans le contexte francophone, mais qui a suscité l’intérêt des chercheurs anglo-saxons depuis une vingtaine d’années. Leurs travaux ont montré que le cynisme peut apparaître lorsqu’un cadre croit que son entreprise manque d’intégrité, notamment à cause de ses doubles discours contradictoires (par exemple, affirmer se préoccuper de l’environnement, tout en continuant à polluer). Il peut aussi se caractériser par un vif scepticisme par rapport au changement organisationnel annoncé si de précédents changements se sont mal passés. En cette première acception, le cynisme est donc une réaction défensive face à un excès de tension ou bien face à une culture d’entreprise aliénante qui cherche à « coloniser » l’identité personnelle des sala-
riés. Mais, à l’inverse, le cynisme peut aussi se développer comme réaction agressive chez un cadre, lorsqu’il renonce à toute forme de scrupules ou de morale, soit à cause d’une activité professionnelle qui l’amène à perdre de vue ses valeurs personnelles (en s’identifiant à l’excès à la performance de l’entreprise), soit lorsqu’il cherche, avant tout, à promouvoir son propre intérêt au détriment de tout le reste. Sous sa double facette (« défensive » ou « agressive »), le cynisme entretient donc un rapport complexe avec l’identification, la distanciation, la neutralité ou l’ambivalence, et ce, à la fois par rapport à l’entreprise, mais aussi par rapport à la « morale », aux intérêts d’autrui et aux intérêts propres des cadres. En outre, il peut avoir des conséquences importantes sur la vie au travail et sur les relations que les cadres entretiennent entre eux et avec les autres salariés. C’est pourquoi la problématique de recherche a proposé une étude conjointe du cynisme organisationnel et des conséquences plus « positives » liées au positionnement identitaire des individus. Après avoir présenté les variables autour desquelles le modèle conceptuel s’articule, nous présenterons les modalités et les résultats de la phase quantitative, puis de la phase qualitative.
2. Fleming, P., & Spicer, A. (2003). Working at a cynical distance : Implications for power, subjectivity and resistance. Organization, 10, 157-179.
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modèle et protocole de recherche Notre modèle de recherche repose sur un ensemble de onze variables concordantes avec notre problématique. Elles sont toutes de nature à caractériser le rapport des cadres à l’entreprise, soit en tant que facteur explicatif de l’identification et de la distanciation, soit en tant que conséquence. Trois variables explicatives ont été retenues : deux sont organisationnelles (le « prestige externe perçu » et « le soutien organisationnel perçu ») ;
la troisième variable est individuelle (le « besoin d’identification organisationnelle »). Le cœur de la recherche est ensuite constitué par « l’identification » et « la distanciation » par rapport à l’entreprise. Puis, quatre autres variables représentent les facteurs expliqués : la « performance de rôle », la « citoyenneté organisationnelle », le « cynisme organisationnel » et « l’intention de départ ».
Variables explicatives
Variables expliquées
Performance de rôle
Prestige externe perçu Identification Soutien organisationnel perçu
Citoyenneté organisationnelle
Distanciation Cynisme organisationnel
Besoin d’identification organisationnelle
Intention de départ
■■ Le cœur du modèle : l’identification et la distanciation La théorie de l’identité sociale considère que l’identité d’une personne dérive de deux éléments distincts : l’identité personnelle (les caractéristiques propres à l’individu) et l’identité sociale, qui repose sur l’appartenance de la personne à un ou plusieurs groupes sociaux. A cet égard, les entreprises sont tout naturellement une source importante de construction identitaire des individus. Certains considèrent même que l’identité dérivée de l’appartenance organisationnelle est, pour beaucoup de salariés, plus importante que le fait de faire partie d’autres catégories sociales telles qu’une classe d’âge ou un groupe ethnique. L’identification de l’individu à son entreprise traduit le « rapprochement, voire la fusion de l’identité personnelle avec l’identité professionnelle »3. Le cadre qui est identifié intègre à son identité personnelle
des attributs de son entreprise supposés valorisants non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur. Cette identification se manifeste par l’accord de la personne avec des items tels que : « Quand quelqu’un critique mon entreprise, je me sens personnellement attaqué(e). » « Lorsque je parle de mon entreprise, je dis plus souvent “nous” que “ils”. » « Je considère les succès de mon entreprise comme étant aussi les miens. » La distanciation traduit, en revanche, un rejet plus ou moins avéré de l’entreprise. Le cadre considère comme plus problématique que son identité personnelle soit associée à celle de l’entreprise. Il va ressentir de la gêne, voire de la honte, de faire partie de son entreprise. Ceci
3. Kreiner, G.E., & Ashforth, B.E. (2004). Evidence toward an expanded model of organizational identification. Journal of Organizational Behavior, 25, 1–27.
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peut aller jusqu’à délibérément revendiquer dans son entourage privé le fait d’être, en tant qu’individu, parfaitement distinct de son entreprise. La distanciation se manifeste par l’accord de la personne avec des items tels que : « Je me sens parfois gêné(e) de faire partie de cette entreprise. » « Je trouve que mon entreprise a des comportements dés-
honorants. ». Il est important de rappeler que, dans la conceptualisation que nous adoptons, la distanciation n’est pas le contraire de l’identification. Il s’agit de deux dimensions distinctes et complémentaires qui peuvent être antagonistes, ou pas. En effet, un cadre peut se sentir à la fois identifié et distancié par rapport à son entreprise.
■■ Les trois variables explicatives Le besoin d’identification organisationnelle Le besoin d’identification organisationnelle est une caractéristique individuelle, propre à chaque personne. Il traduit le « besoin plus ou moins fort qu’un individu ressent de s’identifier à une organisation en général »4. Manifestation du besoin plus large d’appartenance sociale, le besoin d’identification organisationnelle se traduit par une attente du cadre vis-à-vis de son entreprise, qui va plus ou moins bien répondre à cette demande. Il est important de souligner que ce besoin est un trait de personnalité qui ne dépend pas du contexte dans lequel le salarié évolue, mais qui est propre à l’histoire et à la psychologie de la personne. Notons également que le besoin d’identification que ressent l’individu est distinct du fait d’être effectivement identifié à l’entreprise. Un cadre peut très bien ressentir un besoin d’identification important, sans pour autant s’identifier à son entreprise. Le besoin d’identification organisationnelle se manifeste par l’accord de la personne avec des items tels que : « Je ne serais pas moi-même sans une organisation où travailler. » « Peu importe l’entreprise où je travaille, j’ai besoin d’épouser les valeurs qu’elle défend. » Le prestige externe perçu Le prestige externe perçu se définit comme « la manière selon laquelle un membre d’une organisation interprète et évalue la réputation de son organisation »5. Si cette image est favorable, elle permet au cadre de se définir en tant que membre de son organisation et de renforcer son estime de soi par l’intermédiaire de cette appartenance sociale valorisée. Le prestige externe perçu se manifeste
par l’accord de la personne avec des items tels que : « Mon entourage personnel a une bonne opinion de mon entreprise. » « Beaucoup de gens seraient fiers de travailler dans mon entreprise. » Le soutien organisationnel perçu Le soutien organisationnel perçu fait référence aux croyances qu’ont les individus de la manière dont leur organisation apprécie leur contribution, s’intéresse à leur bien-être, prend en compte leurs objectifs et leurs valeurs, est disposée à les aider lorsqu’ils ont un problème. La notion de soutien organisationnel repose sur différents travaux qui tendent à montrer que les salariés « personnifient » l’entreprise, voyant dans les actes d’autres individus (et en particulier leurs supérieurs hiérarchiques) les actions de l’entreprise elle-même. Il correspond globalement à « la croyance globale d’un salarié à propos du degré d’attention que l’entreprise lui porte et de la façon dont elle valorise ses contributions »6. Selon la norme de réciprocité développée par la théorie de l’échange social, le cadre est alors reconnaissant du soutien qu’il reçoit. Il se sent redevable vis-à-vis de son entreprise et réagit au traitement favorable qu’il reçoit en témoignant, en contrepartie, un engagement plus fort à son employeur. Le soutien organisationnel se manifeste par l’accord d’un personne avec des items tels que : « Mon entreprise est réellement attentive à mon bienêtre. » « Mon entreprise fait le nécessaire pour m’aider à effectuer mon travail au mieux de mes capacités. »
4. Glynn, M.A. (1998). Individuals’ need for organizational identification (nOID) : Speculations on individual differences in the propensity to identify. In D. Whetten & P. Godfrey (Eds.), Identity in organizations : Developing theory through conversations. Thousand Oaks : Sage, 238–244 5. Mael, F., & Ashforth, B.E. (1992). Alumni and their alma mater : A partial test of the reformulated model of organizational identification. Journal of Organizational Behavior, 13, 1, 103–123 6. Eisenberger, R. Huntington, R., Hutchinson, S. & Sowa, D. (1986). Perceived organizational support. Journal of Applied Psychology, 71, 3, 500–507.
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modèle et protocole de recherche
■■ Les quatre variables expliquées • La performance de rôle
• Le cynisme organisationnel sous ses trois facettes
La performance reflète, de manière générale, l’efficacité du cadre au travail et sa capacité à atteindre les résultats fixés. Plus précisément, la performance dite « de rôle » traduit la manière dont un salarié remplit les tâches qui lui sont assignées par l’entreprise dans le cadre de sa mission. Elle se distingue de la performance « extra-rôle » qui correspond à la performance qui va au-delà de celle qui a été assignée au salarié. La performance est difficile à évaluer sur la base de l’information « déclarée » par l’individu. Toutefois, une étude récente sur les systèmes d’évaluation de la performance a montré que la mesure de la performance déclarée par le salarié se rapproche beaucoup de sa performance « objective » lorsque l’on demande au salarié, non pas sa propre estimation de sa performance, mais celle d’autrui, et en particulier de son supérieur hiérarchique7. On peut donc appréhender la performance de rôle de quelqu’un en utilisant ses réponses à des items du type : « A l’occasion de mon dernier entretien annuel d’évaluation, mon supérieur hiérarchique a qualifié ma performance globale au travail de… » « Quand mon entreprise évalue mon travail, elle me note généralement comme… »
Le cynisme est une attitude générale, défensive ou agressive, résultant d’un contexte où toute forme de croyance ou d’engagement peut être perçue de manière péjorative. Cela peut se manifester par une désillusion ou un désenchantement du salarié, notamment à cause de l’écart qu’il y a entre les discours officiels tenus par les entreprises, empreints de bonnes intentions ou de bonnes résolutions, et la réalité des faits tels qu’ils sont perçus par les cadres sur le terrain et dans l’intimité des décisions. Cela entraîne un vif scepticisme des salariés vis-à-vis des décisions et des discours de la direction. Cela peut aussi se manifester par des attitudes critiques, ironiques, sceptiques ou aigries. Le cynisme organisationnel est ainsi divisé en trois facettes. • Le scepticisme est relatif à ce que le cadre va « penser » de l’entreprise et de ses discours9. Il s’agit donc de la composante cognitive du cynisme organisationnel, qui se reflète dans l’accord de la personne avec des items tels que : « Je pense que mon entreprise a tendance à annoncer une chose et à faire autre chose. » « Il y a un écart entre ce que mon entreprise attend de ses salariés et la manière dont elle les récompense. » • La désillusion est basée sur un « ressenti » affectif, une déception10. En cela, elle reflète la composante affective du cynisme organisationnel. La désillusion se reflète dans l’accord de la personne avec des items tels que : « J’ai perdu l’enthousiasme que j’avais pour mon travail. » « Parfois, je me demande si mon travail est d’une quelconque utilité. » • Le dénigrement est caractérisé par une manière d’agir ou de communiquer plutôt « critique »11. On se trouve donc ici dans une des dimensions comportementales du cynisme organisationnel. Le dénigrement se reflète dans l’accord de la personne avec des items tels que : « Je m’abstiens de faire des suggestions d’amélioration car je pense que rien ne changera de toute façon. » « Il m’arrive d’avoir recours à l’humour caustique en parlant de mon entreprise. » La notion de cynisme organisationnel, bien utilisée et connue dans les recherches anglo-saxonnes depuis une
• Les comportements de citoyenneté organisationnelle Les comportements de citoyenneté organisationnelle consistent à valoriser son entreprise auprès de son entourage personnel et dans sa vie de tous les jours. Bien que non indispensable à la correcte exécution du travail de l’individu, ils traduisent une relation positive du cadre à son entreprise qui se comporte comme un bon vecteur de communication et comme un défenseur de son entreprise8. Ils sont favorables à la bonne image de l’entreprise et à l’implication des cadres. Les comportements de citoyenneté organisationnelle se reflètent dans l’accord d’un salarié avec des items tels que : « Je dis autour de moi qu’il est agréable de travailler dans mon entreprise. » « Je prends la défense de mon entreprise quand d’autres salariés la critiquent.»
7. Schoorman, F.D., & Mayer, R.C. (2008). The value of common perspectives in self reported appraisals. You get what you ask for. Organizational Research Method, 11, 1, 14–159. 8. Lee, K., & Allen, N. (2002). Organizational citizenship behavior and workplace deviance: The role of affect and cognitions. Journal of Applied Psychology, 87, 1, 131-142. 9. Dean, J., Brandes, P., & Dharwadkar, R. (1998). Organizational cynicism. Academy of Management Review, 23, 12, 341¬–353. 10. Bakker, A.B., Demerouti, E., & Schaufeli, W.B. (2002). Validation of the Maslach Burnout Inventory – General Survey: An Internet study. Anxiety, Stress, and Coping, 15, 245–260. 11. Naus, F., van Iterson, A., & Noe, R. (2007). Organizational cynicism: Extending the exit, voice, loyalty, and neglect model of employees’ responses to adverse conditions in the workplace. Human Relations, 60, 5, 683–718.
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11
modèle et protocole de recherche
dizaine d’années, n’a que très peu fait l’objet de travaux dans un contexte francophone. L’intégration de cette notion dans une étude du rapport des cadres à l’entreprise revêt donc un caractère novateur susceptible d’éclairer les rapports des individus à leur entreprise.
tion de départ se reflète dans l’accord de la personne avec des items tels que : « Je pense souvent à quitter mon entreprise » « J’ai l’intention de chercher un emploi dans une autre entreprise durant l’année qui vient. »
• L’intention de départ
Deux études ont été conduites à partir de ce cadre conceptuel général : une étude quantitative par Internet et une étude qualitative par entretiens semi-directifs. Chacune des deux phases a permis de mettre en évidence des résultats par rapport à notre problématique. Elles seront successivement présentées, avant d’être comparées.
L’intention de départ représente la volonté du salarié de quitter son entreprise. Cette notion caractérise le départ potentiel et la rupture perçue de la relation de long terme du cadre avec l’entreprise12. Elle peut générer de nombreux coûts (coûts de recrutement et manque à gagner lié à la perte d’un salarié expérimenté). L’inten-
12. Griffeth, R.W., Hom, P.W., & Gaertner, S. (2000). A meta-analysis of antecedents and correlates of employee turnover: Update, moderator tests, and research implications for the next millennium. Journal of Management, 26, 463–88.
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l’enquête quantitative ■■ méthodologie Population et échantillon La première phase de notre étude a consisté en une enquête par questionnaire sur Internet (voir le questionnaire en annexe). Une demande de participation a été envoyée par mail à 4 500 cadres issus de la base de données Apec et les volontaires ont été invités à compléter l’enquête en ligne sur un site dédié. 938 cadres
ont participé à l’enquête (soit un taux de retour de 21 %), dont 771 ont fourni des réponses complètes, ce qui représente un taux de retour effectif de 17 %. 74 % des participants ont répondu à une première vague d’enquête et 26 % à la relance. Les caractéristiques des individus inclus dans l’échantillon sont présentées ci-après (il s’agit du dépouillement de la partie « signalétique »).
Compte tenu de la taille importante de l’échantillon et de la relative homogénéité de la population « cadre » par opposition à une population hétérogène de type « grand public », la représentativité statistique semble satisfaisante. - plus de 500 salariés : 51 %
• Sexe : - femmes : 35 % - hommes : 65 %
- de 5 à 9 ans : 29 % - de 10 à 14 ans : 8 % - 15 ans et plus : 8 %
• Âge : - moins de 30 ans : 16 % - de 30 à 39 ans : 47 % - de 40 à 49 ans : 28 % - 50 ans et plus : 9 %
• Fonction actuelle : - commercial : 14% - gestion – administration – RH : 19% - informatique : 15% - production industrielle /construction : 8% - recherche – études – développement : 19% - direction générale : 5% - autre : 20%
• Lieu de résidence : - Ile-de-France : 34 % - autres régions : 66 % • Expérience en tant que cadre : - moins d’un an : 2 % - de 1 à 4 ans : 19 % - de 5 à 9 ans : 32 % - de 10 à 14 ans : 24 % - de 15 à 19 ans : 13 % - 20 ans et plus : 10 %
• Secteur d’activité de l’entreprise: - industrie / construction : 37% - commerce / transport : 11% - activité financières et immobilières : 8% - services aux personnes : 4% - autres : 17%
• Ancienneté dans l’entreprise actuelle : - moins d’un an : 15 % - de 1 à 4 ans : 40 %
• Taille de l’entreprise : - moins de 100 salariés : 25 % - de 100 à 249 salariés : 15 % - de 250 à 499 salariés : 9 %
• Formation principale : - Niveau : . < bac + 2 : 6% . bac + 2 : 12% . bac + 3 : 6% . bac + 4 : 15% . bac + 5 et + : 61% - Filière : . université : 38 % . école de commerce : 13 % . école d’ingénieurs : 25 % . autre école de spécialité : 16 % . autres : 8 % - Discipline d’études : . Sciences fondamentales et appliquées : 30 % . Droit, sciences politiques : 4 % . Lettres, sciences humaines : 5 % . Economie, GRH : 19 % . Commerce, marketing : 14 % . Autre : 28 %
Comparaison de l’échantillon avec la population des cadres français Cette décomposition de l’échantillon ne présente pas de surprise s’agissant d’une population de cadres. La répartition entre hommes et femmes est ainsi conforme à celle de l’AGIRC en 2008 (34%). On constate cependant quelques différences avec la structure de l’emploi cadre fournie par l’Apec. En effet, la structure des cadres ayant répondu à l’enquête comprend davantage d’individus dans les tranches d’âge inférieures ou égales à 44 ans. Concernant la fonction, il y a relativement moins de cadres en « gestion – administration » et « production industrielle ». Les différences au niveau de l’âge proviennent très probablement de l’effet « Internet » dans l’administration du questionnaire et, concernant la fonction exercée, de la catégorie « Autre » du questionnaire qui ne spécifie pas de fonction particulière et qui rassemble près de 30 % des individus. Cependant, on verra que l’âge et la fonction n’exercent qu’une faible influence sur les résultats de la recherche.
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13
L’enquête quantitative
Échelles de mesure Chacun des éléments de notre modèle de recherche a été mesuré à l’aide d’un instrument dédié (ensemble d’items) repris de la littérature académique et inclus dans le questionnaire en ligne. Chaque instrument que nous avons utilisé est destiné à évaluer un comportement ou une attitude et consiste donc en un ensemble d’affirmations par rapport auxquelles le répondant doit se positionner. Ainsi, toutes les notions de notre recherche (telle que l’identification, par exemple) ont été évaluées concrètement par l’intermédiaire des réponses données par les participants à ce groupe d’items préétabli, validé par plusieurs recherches antérieures. Étant donné qu’ils ont jusqu’à présent été utilisés pour la plupart dans un contexte anglophone, nous les avons traduits en français pour les utiliser dans un contexte francophone. La totalité des items (une cinquantaine au total pour onze concepts mesurés) sont présentés dans la partie « Résultats » avec leurs fréquences. Nos échelles de mesure ont été opérationnalisées grâce à des échelles dites de Likert. Dans ce format de réponse, le répondant doit estimer son niveau d’accord ou de désaccord avec chaque affirmation de l’échelle. Pour cela, nous avons utilisé une échelle bipolaire symétrique
sur cinq niveaux, qui est le format habituellement utilisé par les chercheurs. Cela donne le format de réponse suivant : - Pas du tout d’accord : 1 point - Plutôt pas d’accord : 2 points - Ni d’accord, ni pas d’accord : 3 points - Plutôt d’accord : 4 points - Tout à fait d’accord : 5 points Chaque variable (ou notion) est ensuite évaluée en faisant la moyenne des scores du groupe d’items qui est destiné à l’évaluer. Ainsi, pour chaque notion, on obtient après l’administration du questionnaire à chaque répondant, un score compris entre 1 et 5, positionné autour de la valeur médiane théorique de 3. Ces scores moyens permettent de mesurer plus finement les notions étudiées que des items pris individuellement, d’effectuer des calculs de moyenne, des analyses de variance et de corrélations, ainsi que de réaliser des typologies. Le tableau suivant donne le détail des items du questionnaire qui mesurent chaque notion de l’étude.
Tableau récapitulatif des variables / items du questionnaire quantitatif VARIABLES
ITEMS DU QUESTIONNAIRE*
Prestige externe perçu
Items n° 1 à 6
Identification organisationnelle
Items n° 7 à 11
Distanciation organisationnelle
Items n° 12 à 16
Soutien organisationnel perçu
Items n° 17 à 22
Cynisme organisationnel cognitif : scepticisme
Items n° 24 à 28
Cynisme organisationnel affectif : désillusion
Items n° 29 à 33
Intention de départ
Items n° 34 à 35
Besoin d’identification organisationnelle
Items n° 36 à 42
Comportements de citoyenneté organisationnelle
Items n° 43 à 45
Cynisme organisationnel comportemental : dénigrement
Items n° 46 à 50
Performance
Items n° 23 et fiche signalétique
Fiabilité des instruments de mesure Il est nécessaire pour chaque recherche de vérifier la fiabilité des outils de mesure utilisés. La fiabilité d’un outil est sa capacité à mesurer avec précision la notion sous-jacente. Les instruments que nous avons utilisés existaient déjà auparavant et ont fait l’objet de plusieurs études antérieures. Ce degré d’« expérience » de l’outil * Voir détails des items en annexe I, pages 48-50.
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renforce sa fiabilité. Pour confirmer la fiabilité des outils, nous avons calculé le coefficient alpha de Cronbach pour chaque groupe d’items. Ce coefficient est classiquement utilisé en psychologie organisationnelle et s’interprète selon le tableau suivant :
L’enquête quantitative
Alpha
Niveau de fiabilité
0,90 et plus
Excellent
Entre 0,8 et 0,9
Très bien
Entre 0,7 et 0,8
Bien
Entre 0,6 et 0,7
Acceptable
Inférieur à 0,6
Insuffisant
Dans notre recherche, les alphas de Cronbach relevés pour l’échantillon ont été les suivants : - besoin d’identification organisationnelle : 0,72 - prestige externe perçu : 0,83 - soutien organisationnel perçu : 0,91
- identification : 0,83 - distanciation : 0,89 - performance de rôle : 0,61 - comportements de citoyenneté organisationnelle : 0,80 - scepticisme : 0,89 - désillusion : 0,86 - dénigrement : 0,82 - intention de départ : 0,91 (deux items) La fiabilité de l’ensemble des mesures utilisées est donc satisfaisante.
Validité Un outil de mesure est valide s’il mesure vraiment ce qu’il est censé mesurer, et pas un autre concept. Pour attester la validité des outils, nous avons vérifié, grâce à des analyses en composantes principales (ACP), la validité discriminante de chaque groupe d’items. Concrètement, nous avons conduit une ACP pour chaque groupe de deux ou trois concepts différents (prestige externe et soutien organisationnel, soutien organisationnel et citoyenneté
organisationnelle, besoin d’identification et identification, distanciation, scepticisme, désillusion et dénigrement, distanciation et intention de départ, identification et prestige externe perçu). Sur chacun de ces groupes de concepts, les analyses en composantes principales font ressortir des axes factoriels contenant uniquement les items propres à chaque concept, ce qui atteste de la validité discriminante des notions étudiées.
■■ Résultats Les résultats de la phase quantitative sont présentés de manière détaillée, d’abord en examinant les scores obtenus pour chacun des onze concepts choisis dans le modèle de recherche (analyses descriptives), puis en considérant les résultats par catégories d’individus (analyses catégorielles). Enfin, en prenant pour référence le
modèle de Kreiner et Ashforth (2004) tel que présentée en introduction, une analyse typologique nous a permis de déterminer quatre types de cadres en fonction de leur rapport à l’entreprise : les identifiés, les ambivalents, les neutres et les distanciés.
Analyses descriptives Pour chacune des notions appréhendées dans le questionnaire, nous proposons tout d’abord un tableau qui rapporte la fréquence des réponses pour chacun des
items. Nous indiquons ensuite la moyenne et l’écart-type des variables obtenues en faisant la moyenne des scores des items.
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L’enquête quantitative
• Un besoin d’identification organisationnelle largement partagé Quelles sont vos aspirations ? Items
Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Cela me manquerait vraiment si je n’appartenais pas à une entreprise»
8%
14 %
19 %
31 %
28 %
« En général, plus mes objectifs et mes valeurs sont semblables à ceux de mon employeur et plus je suis heureux (se) »
2%
4%
17 %
47 %
30 %
« De manière générale, je ne ressens pas le besoin de m’identifier à l’entreprise dans laquelle je travaille » (item inversé)
17 %
44 %
19 %
17 %
3%
« J’aimerais travailler dans une entreprise qui me ferait penser que ses succès et ses échecs sont aussi les miens »
2%
8%
26 %
46 %
18 %
« Quand je parle de l’entreprise dans laquelle je travaille, je préfère pouvoir dire "nous" plutôt que "ils" »
2%
4%
10 %
57 %
27 %
« Je ne serais pas moi-même sans une organisation où travailler »
7%
17 %
26 %
37 %
13 %
« Peu importe l’entreprise où je travaille, j’ai besoin d’épouser les valeurs qu’elle défend »
4%
11 %
21 %
48 %
16 %
Résultats pour la variable agrégée « besoin d’identification organisationnelle » : Moyenne = 3,68/5 ; écart type = 0,62.
Commentaires : Avec une moyenne proche de 3,7 sur 5 et un écart type modeste, les résultats sont assez nets : les cadres expriment en moyenne un important besoin de s’identifier à leur entreprise. L’entreprise n’est donc pas seulement considérée de manière strictement pragmatique comme le moyen de gagner sa vie, mais aussi comme une entité sociale source d’attributs identitaires que les cadres souhaitent intégrer à leur identité.
• Le prestige externe perçu Quelle est l’image de votre entreprise ? Items
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Mon entourage personnel a une bonne opinion de mon entreprise »
4%
14 %
24 %
45%
13 %
« En général, les gens trouvent qu’il est valorisant de travailler dans mon entreprise »
3%
14 %
27 %
45 %
11 %
« Mon entreprise est considérée comme l’une des meilleures dans son secteur d’activité »
2%
11 %
22 %
44 %
21 %
« Les salariés des autres entreprises n’ont pas beaucoup d’estime pour mon entreprise » (item inversé)
12 %
38 %
33 %
15 %
2%
« Beaucoup de gens seraient fiers de travailler dans mon entreprise »
2%
15 %
42 %
35 %
6%
29 %
35 %
22 %
11 %
3%
« Mon entreprise n’a pas une bonne réputation » (item inversé)
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Pas du tout d’accord
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L’enquête quantitative
Résultats pour la variable agrégée « prestige externe perçu » : Moyenne = 3,52/5 ; écart-type = 0,72.
Commentaires : Les résultats à propos du prestige externe perçu sont également significatifs et montrent que les cadres ont, en moyenne, une image plutôt favorable de leur entreprise. Ce prestige externe est potentiellement une source de valorisation sociale et d’estime de soi pour les individus qui s’identifient à leur entreprise.
• Le soutien organisationnel perçu : un facteur explicatif majeur Vous sentez-vous soutenu par votre entreprise ? Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
« Mon entreprise prend réellement en considération mes objectifs et mes valeurs »
13 %
28 %
25 %
31 %
3%
« Mon entreprise cherche à rendre mon travail aussi intéressant que possible »
11 %
29 %
25 %
30 %
5%
« Mon entreprise fait le nécessaire pour m’aider à effectuer mon travail au mieux de mes capacités »
13 %
26 %
24 %
32 %
5%
« Mon entreprise est réellement attentive à mon bien-être »
20 %
30 %
28 %
19 %
3%
« Quand j’ai un problème, mon entreprise m’apporte son aide »
11 %
24 %
32 %
29 %
4%
9%
38 %
20 %
26 %
7%
Items
« Quand bien même je réaliserais un travail exceptionnel, mon entreprise ne le remarquerait pas » (item inversé)
Résultats pour la variable agrégée « soutien organisationnel perçu » : Moyenne = 2,87/5 ; écart-type = 0,92. Commentaires : Ici, la moyenne est plutôt faible, sous la médiane théorique. On voit ainsi que le « statut de l’organisation » (prestige externe perçu) est souvent plus fort que le « statut dans l’organisation » du cadre (soutien organisationnel perçu). Les cadres perçoivent donc généralement un soutien organisationnel insuffisant de la part de leur entreprise. On constate toutefois un écart-type assez important qui
Tout à fait d’accord
traduit des différences marquées entre répondants. Puisque ces résultats sont clivants, ils sont de nature à expliquer les variations d’autres variables. Un examen des coefficients de corrélation effectué par ailleurs montre ainsi des liens significatifs entre le soutien organisationnel perçu et le cynisme, l’intention de départ, la distanciation et la citoyenneté organisationnelle. Ainsi, les cadres qui se sentent soutenus, compris et valorisés par leur management sont aussi relativement citoyens et fidèles à leur entreprise. En revanche, les cadres qui perçoivent un soutien organisationnel insuffisant sont généralement désengagés et critiques vis-àvis de leur entreprise. Ils s’en distancient et souhaitent souvent la quitter.
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L’enquête quantitative
• Identification et distanciation : deux concepts complémentaires L’identification organisationnelle Vous identifiez-vous à votre entreprise ? Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
« Je m’intéresse beaucoup à ce que les autres pensent de mon entreprise »
10 %
19 %
28 %
36 %
7%
« Quand quelqu’un critique mon entreprise, je me sens personnellement attaqué(e) »
14 %
24 %
20 %
37 %
5%
« Lorsque je parle de mon entreprise, je dis plus souvent "nous" que "ils"»
5%
11 %
9%
48 %
27 %
« Je considère les succès de mon entreprise comme étant aussi les miens »
4%
10 %
26 %
46 %
14 %
« Quand quelqu’un dit du bien de mon entreprise, je le prends comme un compliment personnel »
7%
18 %
35 %
34 %
6%
Items
Tout à fait d’accord
Résultats pour la variable agrégée « identification organisationnelle » : Moyenne = 3,31/5 ; écart-type = 0,83.
son activité professionnelle et lui procure un sentiment d’appartenance sociale bénéfique pour l’estime de soi et l’équilibre personnel.
Commentaires :
En mettant en corrélation les variables « identification organisationnelle » et « besoin d’identification organisationnelle », on constate qu’une partie des cadres (environ un sur cinq) ne s’identifient pas à leur entreprise malgré un besoin réel. On pourrait penser que, pour les personnes concernées, cette insatisfaction serait une des causes du mal-être des cadres ou, en tout cas, un facteur aggravant.
Avec un score de 3.31 sur 5, on peut dire que l’identification est en moyenne assez élevée chez la population cadre. L’examen des résultats montrent que 60 % environ des individus s’identifient à leur entreprise. Cela exprime un lien étroit, puisque identitaire, des cadres à leur employeur. Cette identification donne au cadre du sens à La distanciation organisationnelle
Inversement, avez-vous des reproches à faire à votre entreprise ? Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
« Je me sens parfois gêné(e) de faire partie de cette entreprise »
31 %
34 %
19 %
14 %
2%
« Mon entreprise a déjà fait des choses que j’estime incorrectes d’un point de vue moral »
22 %
21 %
16 %
29 %
12 %
« Il m’est arrivé d’avoir honte de ce qui se passe dans mon entreprise »
24 %
23 %
15 %
28 %
10 %
« Je trouve que mon entreprise a des comportements déshonorants »
35 %
26 %
18 %
16 %
5%
« Je veux qu’on sache que je ne suis pas d’accord avec la manière dont se comporte mon entreprise »
29 %
23 %
24 %
18 %
6%
Items
18
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Tout à fait d’accord
L’enquête quantitative
Résultats pour la variable agrégée « distanciation » : Moyenne = 2,52/5 ; écart-type = 1,04. Commentaires : Alors que l’identification moyenne des répondants est relativement élevée, la distanciation est, quant à elle, plus faible avec un score moyen de 2,5 sur 5. Cependant, l’écart type est élevé (1,04), ce qui traduit des différences marquées entre répondants. Ainsi, 20 % des cadres présentent une distanciation importante vis-à-vis
de leur entreprise. L’examen des coefficients de corrélation montre que la distanciation est significativement corrélée au cynisme organisationnel (scepticisme et dénigrement notamment). Les cadres « distants » sont donc critiques vis-à-vis des discours et des décisions prises par leur entreprise. A l’inverse, la distanciation est négativement corrélée au soutien organisationnel, aux comportements citoyens et à l’intention de départ. Ainsi un cadre « distancié » perçoit donc généralement un soutien organisationnel insuffisant et a une forte intention de quitter son entreprise.
• Les comportements de citoyenneté organisationnelle Et vous, comment parlez-vous de votre entreprise ? Items
Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Je dis autour de moi qu’il est agréable de travailler dans mon entreprise »
9%
21 %
26 %
37 %
7%
« Je prends la défense de mon entreprise quand d’autres salariés la critiquent »
6%
18 %
30 %
40 %
6%
« A l’extérieur, je présente toujours mon entreprise de façon positive »
3%
11 %
25 %
48 %
13 %
Résultats pour la variable agrégée « citoyenneté organisationnelle » : Moyenne = 3,30/5 ; écart-type = 0,86.
Commentaires : Une forte proportion de cadres manifeste un niveau important de citoyenneté à leur entreprise. Cette citoyenneté est source d’implication du cadre vis-à-vis de son entreprise, ainsi que de fierté. Il se positionne en défenseur de son employeur et en adopte les valeurs.
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L’enquête quantitative
• Le cynisme organisationnel : scepticisme, désillusion et dénigrement Scepticisme Que pensez-vous de votre entreprise ? Items
Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Je pense que mon entreprise a tendance à annoncer une chose et à faire autre chose
8%
31 %
27 %
27 %
7%
« Les priorités affichées par mon entreprise sont éloignées de ce qu'elle fait en réalité »
10 %
39 %
20 %
25 %
6%
« Quand mon entreprise annonce qu'elle va faire quelque chose, j'estime peu probable que cela se réalise un jour »
13 %
39 %
24 %
20 %
4%
« Il y a un écart entre ce que mon entreprise attend de ses salariés et la manière dont elle les récompense »
4%
16 %
19 %
40 %
21 %
« J'ai du mal à voir la cohérence entre ce que mon entreprise dit qu’elle va faire et ce qu'elle fait en réalité »
10 %
31 %
25 %
27 %
7%
Résultats pour la variable agrégée « scepticisme » : Moyenne = 2,96/5 ; écart-type = 0,90. Commentaires : Cette facette du cynisme organisationnel est celle qui présente les scores les plus élevés. Dans l’ensemble, un tiers des cadres est sceptique vis-à-vis des décisions et
des discours de son entreprise en général, ce qui traduit une rupture de confiance. On observe par ailleurs que le scepticisme est fortement corrélé à de nombreuses autres variables dont particulièrement, et négativement, le soutien organisationnel perçu. Ainsi, ici encore, un soutien organisationnel perçu comme insuffisant est relié à davantage de scepticisme chez un nombre important d’individus.
désillusion Que pensez-vous de votre emploi ? Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
« Je suis devenu(e) assez sceptique en ce qui concerne l’utilité de mon travail »
29 %
38 %
14 %
15 %
4%
« Depuis que j’exerce cet emploi, mon travail m’intéresse moins »
22 %
31 %
14 %
24 %
9%
« J’ai perdu l’enthousiasme que j’avais pour mon travail »
20 %
28 %
12 %
29 %
11 %
« Parfois, je me demande si le travail que je fais est d’une quelconque utilité »
30 %
38 %
12 %
16 %
4%
« J’aimerais juste accomplir mon travail et, à côté, être laissé(e) en paix »
22 %
31 %
23 %
18 %
6%
Items
20
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
Tout à fait d’accord
L’enquête quantitative
Résultats pour la variable agrégée « désillusion » : Moyenne = 2,51/5 ; écart-type = 0,98. Commentaires : La désillusion présente le score le plus faible parmi les trois facettes du cynisme. Mais elle présente l’écart-type le plus élevé, ce qui traduit une dispersion importante
des individus. On constate ainsi tout de même que 24% des cadres sont dans la désillusion. Ces derniers ressentent donc une émotion négative vis-à-vis de leur entreprise, caractérisée notamment par une forte déception et par une forme de désenchantement. Cette désillusion induit un manque d’enthousiasme dans le travail ainsi qu’une forme de renoncement général.
dénigrement Et vous, comment parlez-vous de votre entreprise ? Items
Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Il m’arrive d’être sarcastique à propos des slogans ou des initiatives de mon entreprise »
8%
24 %
24 %
38 %
6%
« Ce que la direction de mon entreprise me demande de faire me laisse souvent dubitatif »
9%
31 %
31 %
24 %
5%
« Je m’abstiens de faire des suggestions d’amélioration car je pense que rien ne changera de toute façon »
28 %
44 %
11 %
12 %
5%
« Je parle avec mes collègues de l’incompétence du management de mon entreprise »
15 %
20 %
20 %
32 %
13 %
« Il m’arrive d’avoir recours à l’humour caustique en parlant de mon entreprise »
13 %
20 %
22 %
37 %
8%
Résultats pour la variable agrégée « dénigrement » : Moyenne = 2,85/5 ; écart-type = 0,86. Commentaires : Le dénigrement, qui traduit une attitude critique active chez les individus, présente un score global assez faible en moyenne sur l’ensemble de l’échantillon. Toutefois, un tiers des cadres obtiennent un score de dénigrement supérieur 3 sur 5.
Commentaire sur les résultats des trois facettes du cynisme organisationnel : Le cynisme est présent chez une proportion relativement importante des cadres. Entre un quart et un tiers d’entre eux présentent des scores supérieur à 3 sur 5 sur au moins une de ses trois facettes. On constate presque systématiquement que ces individus perçoivent un soutien organisationnel insuffisant et une intention de départ importante. Ainsi ces notions de scepticisme, de désillusion et de dénigrement représentent une réalité qu’il ne faut pas ignorer.
• L’intention de départ Pas du tout d’accord
Plutôt pas d’accord
Ni d’accord, ni pas d’accord
Plutôt d’accord
Tout à fait d’accord
« Je pense souvent à quitter mon entreprise »
13 %
15 %
20 %
30 %
22 %
« J’ai l’intention de chercher un emploi dans une autre entreprise durant l’année qui vient »
14 %
13 %
17 %
26 %
30 %
Items
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
21
L’enquête quantitative
Résultats pour la variable agrégée « intention de départ » : Moyenne = 3,39/5 ; Ecart type = 1,29 Commentaires : Nous constatons une part importante de cadres qui déclarent une intention de départ élevée (49%). Comme vu précédemment, les cadres concernés sont plus fréquemment cyniques, ont moins de comportements de
citoyenneté et perçoivent un soutien organisationnel faible. Seule une minorité des répondants apparaît ne pas envisager de quitter son employeur au moment de l’enquête. Ces résultats sont habituels lorsque l’on étudie des populations de cadres, en particulier lorsque l’échantillon est, comme ici, un peu plus jeune que l’échantillon de référence. Les départs effectifs sont toutefois moins fréquents, compte tenu des contraintes personnelles et de la situation du marché de l’emploi.
• La performance de rôle « À l’occasion de mon dernier entretien annuel d’évaluation, mon supérieur hiérarchique a qualifié ma performance globale au travail de » (menu déroulant) : - Très en-dessous des attentes 2 % - Plutôt en-dessous des attentes 5 % - Conforme aux attentes 36 % - Plutôt au-dessus aux attentes 43 % - Très au-dessus des attentes 14 %
« Si j’avais à qualifier moi-même ma performance au travail par rapport à celle de mes collègues, je dirais que je me situe » (menu déroulant) : - Très en-dessous 1% - Plutôt en-dessous 4% - Dans la moyenne 30 % - Plutôt au-dessus 57 % - Très au-dessus 8%
« Quand mon entreprise évalue mon travail, elle me note généralement comme un salarié performant » : - Pas du tout d’accord 1% - Plutôt pas d’accord 4% - Ni d’accord, ni pas d’accord 24 % - Plutôt d’accord 59 % - Tout à fait d’accord 12 %
Résultat pour la variable agrégée « performance de rôle » : Moyenne = 3,68/5 ; Ecart type = 0,60. Commentaires : La moyenne est supérieure au point médian, ce qui montre que la majorité des répondants pensent que leur perfor-
22
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
mance est supérieure à celle des autres. Rappelons donc ici que ce qui importe est le positionnement des répondants les uns par rapport aux autres et pas le score absolu, d’une part, et qu’il a été montré que cette évaluation est effectivement corrélée avec la performance « objective », d’autre part. La manière dont les cadres se positionnent sur la variable agrégée reflète donc leur performance relative à défaut de leur performance absolue.
L’enquête quantitative
Analyses catégorielles Nous allons maintenant présenter les résultats des variables pour chaque catégorie d’individus : • sexe • âge • expérience en tant que cadre • ancienneté dans l’entreprise actuelle
• fonction actuelle • secteur d’activité • taille de l’entreprise • niveau de formation initiale • filière du diplôme principal • discipline du diplôme principal
• Sexe Hommes
Femmes
Besoin d’identification
3,66
3,73
Prestige externe perçu
3,59
3,47
Soutien organisationnel perçu
2,87
2,90
Identification
3,41
3,14
Distanciation
2,48
2,59
Performance de rôle
3,70
3,70
Comportements citoyens
3,38
3,15
Scepticisme
2,92
2,99
Désillusion
2,46
2,58
Dénigrement
2,83
2,91
Intention de départ
3,33
3,46
Commentaires : Seules deux différences statistiquement significatives apparaissent entre les hommes et les femmes. Tout d’abord, les hommes semblent s’identifier à l’entreprise plus que les femmes. De même, ils sont sensiblement un peu plus citoyens de leur entreprise que les femmes. En revanche, la performance de rôle est identique pour les deux sexes.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
23
L’enquête quantitative
• Âge 25-29 ans
30- 34 ans
35 - 39 ans
45 - 49 ans
50 - 54 ans
55 ans et plus
Prestige externe
3,55
3,54
3,51
3,47
3,60
3,50
3,63
Identification
3,20
3,23
3,26
3,39
3,50
3,62
3,50
Distanciation
2,57
2,63
2,52
2,43
2,38
2,37
2,51
Soutien organisationnel
3,04
2,83
2,80
2,87
2,80
2,98
2,94
Scepticisme
3,02
2,96
2,95
2,95
2,91
2,86
2,72
Intention de départ
3,34
3,57
3,44
3,36
3,47
2,80
2,71
Désillusion
2,41
2,68
2,50
2,47
2,46
2,30
2,25
Besoin d’identification
3,62
3,69
3,65
3,61
3,80
4,00
3,72
Comportements citoyens
3,32
3,10
3,35
3,40
3,40
3,50
3,57
Dénigrement
3,01
3,01
2,84
2,77
2,77
2,34
2,53
Performance
3,68
3,71
3,74
3,69
3,72
3,70
3,63
Commentaires : On relève une plus forte identification à partir de 40-45 ans. Parallèlement, on note une intention de départ plus forte de 25 à 49 ans, caractérisant probablement la volonté de faire progresser sa carrière en changeant d’entreprise. Cette intention de départ est plus faible à partir de 50 ans, à cause des difficultés bien connues des séniors à retrouver un emploi à partir d’un certain âge. On note enfin que la performance de rôle ne varie pas en fonction de la classe d’âge.
24
40 - 44 ans
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
L’enquête quantitative
• Expérience en tant que cadre Moins d’un an
1 - 4 ans
5 - 9 ans
10 - 14 ans
15 - 19 ans
20 ans et plus
Prestige externe
4,02
3,51
3,56
3,44
3,42
3,74
Identification
3,38
3,19
3,27
3,33
3,41
3,56
Distanciation
2,21
2,57
2,61
2,52
2,34
2,33
Soutien organisationnel
3,48
2,96
2,89
2,73
2,86
2,94
Scepticisme
2,27
3,00
3,00
2,98
2,93
2,73
Intention de départ
2,07
3,57
3,50
3,36
3,23
3,01
Désillusion
1,90
2,47
2,55
2,58
2,51
2,31
Besoin d’identification
3,75
3,61
3,69
3,63
3,71
3,86
Comportements citoyens
3,76
3,16
3,27
3,29
3,36
3,53
Dénigrement
2,38
2,92
2,95
2,91
2,74
2,51
Performance
3,33
3,66
3,74
3,67
3,70
3,80
Commentaires : Les salariés ayant moins d’un an d’expérience présentent un niveau de prestige externe perçu et de citoyenneté organisationnelle plus élevé que les autres. A l’inverse, ils ont un niveau de scepticisme plus faible. Ces résultats sur les salariés « récents » dans la fonction cadre s’expliquent probablement par « l’enthousiasme » du premier emploi dans la fonction. En ce qui concerne les cadres ayant une expérience supérieure à 15 ans, ils s’identifient davantage à l’entreprise et en sont moins distanciés que les autres. Ce résultat est concordant avec le score d’identification plus impor-
tant pour les cadres dont l’âge a dépassé 40 ans. Cela peut s’expliquer, soit par un phénomène générationnel, soit par un effet de « maturité ». Par ailleurs, l’intention de départ est plus faible pour les cadres « récents » dans la fonction (ce qui est normal) et pour les cadres ayant plus de 20 ans d’expérience (sans doute à cause des difficultés des séniors à retrouver un nouvel emploi). On note de même que plus l’expérience est longue, plus la performance est élevée, et que le besoin d’identification organisationnelle est relativement constant.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
25
L’enquête quantitative
• Ancienneté dans l’entreprise actuelle Moins d’un an
1 - 4 ans
5 - 9 ans
10 - 14 ans
15 ans et plus
Prestige externe perçu
3,65
3,49
3,46
3,56
3,72
Identification
3,38
3,32
3,20
3,32
3,58
Distanciation
2,23
2,48
2,74
2,51
2,41
Soutien organisationnel
3,29
2,93
2,70
2,70
2,68
Scepticisme
2,54
2,98
3,08
3,00
2,94
Intention de départ
2,59
3,31
3,77
3,71
3,41
Désillusion
2,16
2,47
2,72
2,50
2,50
Besoin d’identification
3,64
3,69
3,63
3,74
3,85
Comportements citoyens
3,47
3,31
3,17
3,33
3,32
Dénigrement
2,46
2,83
3,06
2,94
2,88
Performance
3,60
3,69
3,71
3,77
3,85
Commentaires : On note des résultats relativement proches des précédents (ancienneté dans la fonction). On constate toutefois que les cadres ayant moins d’un an d’expérience ont, sur les trois facettes du cynisme organisationnel, un niveau moins élevé que les
autres. Cela laisse penser que le cynisme est une attitude moins présente chez les nouveaux arrivés dans l’entreprise, mais qui vient plus tard dans la carrière, éventuellement à la suite à de déceptions vis-à-vis de l’entreprise.
• Fonction actuelle Commercial
26
GestionAdministration- Informatique GRH-Com.
Production Recherche industrielle Etudes Construction Développement
Direction Générale
Autres
Prestige externe
3,53
3,58
3,40
3,42
3,51
3,68
3,60
Identification
3,37
3,31
3,02
3,45
3,24
3,89
3,38
Distanciation
2,58
2,48
2,64
2,36
2,62
2,15
2,46
Soutien organisationnel
2,85
3,03
2,82
2,96
2,68
3,07
2,90
Scepticisme
2,88
2,83
2,89
2,97
3,21
2,68
2,95
Intention de départ
3,46
3,38
3,30
3,15
3,50
2,88
3,48
Désillusion
2,50
2,44
2,52
2,34
2,63
2,10
2,60
Besoin d’identification
3,76
3,72
3,50
3,65
3,59
4,01
3,74
Comportements citoyens
3,43
3,35
3,09
3,47
3,10
3,82
3,30
Dénigrement
2,84
2,76
2,92
2,80
3,08
2,28
2,86
Performance
3,71
3,72
3,77
3,54
3,71
3,84
3,65
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
L’enquête quantitative
Commentaires : Les cadres de l’informatique présentent un niveau d’identification et de citoyenneté moins important que les autres. Les cadres de la « production industrielle » ont une intention de départ moins forte que les autres, peut-être à cause des menaces de désindustrialisation et de délocalisation propres à ce secteur. Enfin, les cadres
« recherche – développement » semblent plus cyniques que les autres. Les cadres de la direction générale ont un statut particulier. Ils sont moins cyniques et moins distanciés que les autres. Ils sont aussi plus citoyens et plus identifiés. Ils ont enfin un besoin d’identification plus élevé. Ces résultats ne sont pas surprenants compte tenu de leur position spécifique dans l’entreprise.
• Secteur d’activité IndustrieConstruction
CommerceTransports
Activités financières et immobilières
Services aux entreprises
Services aux personnes
Autres
Prestige externe
3,58
3,52
3,61
3,37
3,56
3,58
Identification
3,37
3,46
3,32
3,29
3,41
3,13
Distanciation
2,51
2,54
2,44
2,46
2,48
2,63
Soutien organisationnel
2,87
2,86
2,81
2,99
3,02
2,76
Scepticisme
2,97
2,96
2,67
2,92
2,89
3,04
Intention de départ
3,29
3,59
3,34
3,34
3,28
3,51
Désillusion
2,43
2,47
2,51
2,55
2,37
2,63
Besoin d’identification
3,70
3,83
3,74
3,64
3,72
3,57
Comportements citoyens
3,33
3,36
3,39
3,25
3,27
3,21
Dénigrement
2,86
2,76
2,91
2,84
2,78
2,93
Performance
3,66
3,67
3,80
3,72
3,72
3,74
Commentaires : Le secteur d’activité n’est pas un critère véritablement différenciant.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
27
L’enquête quantitative
• Taille de l’entreprise Moins de 100 salariés
100 – 249 salariés
250 – 499 salariés
500 salariés et plus
Prestige externe
3,38
3,39
3,63
3,62
Identification
3,54
3,2
3,42
3,20
Distanciation
2,47
2,54
2,51
2,53
Soutien organisationnel
3,04
2,87
2,93
2,79
Scepticisme
2,93
3,05
2,78
2,95
Intention de départ
3,42
3,57
3,35
3,30
Désillusion
2,44
2,56
2,40
2,53
Besoin d’identification
3,76
3,59
3,59
3,69
Comportements citoyens
3,41
3,29
3,45
3,22
Dénigrement
2,68
2,90
2,60
2,97
Performance
3,64
3,61
3,78
3,75
Commentaire : On ne note pas de résultat significatif quant à l’impact de la taille de l’entreprise, à l’exception de la perception
d’un niveau de prestige plus élevé lorsque la taille de l’entreprise augmente.
• Niveau de formation initiale < Bac + 2
Bac + 2
Bac + 3
Bac + 4
Bac + 5 et >
Prestige externe
3,48
3,46
3,50
3,46
3,57
Identification
3,55
3,37
3,45
3,31
3,27
Distanciation
2,59
2,50
2,64
2,56
2,48
Soutien organisationnel
2,86
2,69
3,05
2,92
2,89
Scepticisme
3,02
3,00
3,06
2,88
2,93
Intention de départ
3,39
3,54
3,64
3,40
3,31
Désillusion
2,50
2,52
2,73
2,47
2,48
Besoin d’identification
3,63
3,76
3,75
3,75
3,65
Comportements citoyens
3,43
3,23
3,46
3,35
3,27
Dénigrement
2,68
2,86
2,91
2,80
2,88
Performance
3,57
3,69
3,68
3,72
3,71
Commentaire : On ne note pas non plus de différence significative liée au niveau de diplôme.
28
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
L’enquête quantitative
• Filière du diplôme principal Université
École de commerce
École d’ingénieurs
École spécialisée
Autres
3,52
3,58
3,60
3,49
3,36
Prestige externe Identification
3,22
3,41
3,31
3,38
3,51
Distanciation
2,47
2,45
2,53
2,44
2,90
Soutien organisationnel
2,93
2,90
2,83
2,96
2,59
Scepticisme
2,96
2,92
2,92
2,85
3,20
Intention de départ
3,42
3,48
3,17
3,42
3,54
Désillusion
2,50
2,47
2,44
2,54
2,68
Besoin d’identification
3,62
3,83
3,68
3,64
3,82
Comportements citoyens
3,26
3,31
3,26
3,41
3,38
Dénigrement
2,86
2,85
2,85
2,84
2,89
Performance
3,71
3,76
3,70
3,74
3,53
Commentaire : Les cadres issus d’une école d’ingénieurs ont une intention de départ plus faible que les autres. • Discipline du diplôme Sciences
DroitSciences politiques
LettresSciences humainesCom.
ÉconomieGestionRessources Humaines
CommerceMarketing
Médico-social Culture Formation
Autres
Prestige externe
3,48
3,56
3,36
3,63
3,63
3,76
3,50
Identification
3,26
3,17
3,07
3,35
3,35
2,82
3,33
Distanciation
2,51
2,45
2,73
2,41
2,41
2,34
2,57
Soutien organisationnel
2,84
2,79
2,80
3,04
3,04
2,83
2,82
Scepticisme
2,96
2,81
3,18
2,82
2,82
3,05
2,97
Intention de départ
3,32
3,51
3,59
3,28
3,28
3,28
3,39
Désillusion
2,51
2,80
2,57
2,40
2,40
2,74
2,50
Besoin d’identification
3,60
3,56
3,60
3,72
3,72
3,61
3,68
Comportements citoyens
3,18
2,97
3,01
3,49
3,49
2,95
3,35
Dénigrement
2,93
3,21
3,00
2,73
2,73
2,71
2,79
Performance
3,67
3,76
3,84
3,69
3,69
3,52
3,66
Commentaires : Les cadres issus de formations « économie-gestion » et « commerce-marketing » s’identifient plus à l’entreprise, perçoivent un meilleur soutien organisationnel et sont plus citoyens que les autres. Ce résultat peut s’expliquer
notamment par le caractère fortement « managérial » des études liées au commerce et à la gestion. Inversement, les cadres issus de « lettres-sciences humaines » et « droit, sciences politiques » semblent plus cyniques, donc plus critiques, que les autres.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
29
L’enquête quantitative
Analyse typologique des rapports à l’entreprise Une analyse typologique a été conduite pour distinguer les rapports à l’entreprise en fonction des mécanismes d’identification et de distanciation. Cette analyse a révélé les quatre types de rapport identitaire : « identifié », « ambivalent », « neutre » et « distancié ». • Méthode Les variables « Identification » et « Distanciation » ont fait l’objet d’un traitement statistique pour déterminer des catégories de cadres. Quatre classes ont été créées avec la méthode des nuées dynamiques de manière à définir quatre types de rapports identitaires à l’entre-
prise. Le principe consiste à tenir compte, pour chaque individu, des deux scores (de 1 à 5) obtenus en termes d’identification et de distanciation. Ceci se justifie par le fait que certains individus ont un score élevé en identification et faible en distanciation, ce qui caractérise les individus qui s’identifient de manière importante à leur entreprise. Inversement, d’autres individus avaient un score faible en identification et important en distanciation. Par ailleurs, certains individus présentaient des scores important dans les deux variables, alors que d’autres au contraire présentaient des scores faibles dans ces deux mêmes variables. Cette observation nous a permis de créer les quatre catégories :
IDENTIFICATION +
Classe 1 Identifiés
Classe 2 Ambivalents
DISTANCIATION –
DISTANCIATION + Classe 3 Neutres
Classe 4 Distanciés
IDENTIFICATION –
- Les individus qui ont un score d’identification plus élevé et un score de distanciation plus faible sont ceux que l’on appelle les « identifiés ». - Les individus qui ont leurs deux scores d’identification et de distanciation élevés ont un rapport identitaire paradoxal à l’entreprise (ils se distancient et ils s’identifient en même temps). On les appelle les « ambivalents ». - Les individus qui ont leurs deux scores d’identification et de distanciation faibles ne s’inscrivent pas dans un rapport identitaire à l’entreprise. On les appelle les « neutres ». - Les individus qui ont un score d’identification faible
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© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
et un score de distanciation élevé sont ceux que l’on appelle les « distanciés ». • Résultats Précisons que le rapport des cadres à l’entreprise n’est pas permanent et inhérent à la personnalité des individus. Il s’agit d’un rapport très contextualisé. Selon les situations, une même personne peut, au cours de sa carrière, avoir un rapport identifié, distancié, ambigu ou neutre avec les différentes entreprises dans lesquelles elle a travaillé. La répartition des répondants entre les quatre catégories est présentée dans le tableau suivant.
L’enquête quantitative
Proportion de cadres dans chacun des quatre types de rapports à l’entreprise
IDENTIFICATION +
Identifiés 28 %
Ambivalents 33 %
DISTANCIATION –
DISTANCIATION + Neutres 22 %
Distanciés 17 %
IDENTIFICATION –
Ainsi, 28 % des cadres s’identifient à leur entreprise (les identifiés), alors que 17 % en sont distanciés. 33 % sont ambivalents, ils s’identifient en même temps qu’ils se distancient de leur entreprise. Enfin, 22 % ne s’inscrivent dans aucun rapport identitaire à l’entreprise (les
neutres). En calculant les moyennes des scores des variables d’étude pour chacun des quatre types de rapport à l’entreprise, on obtient les résultats suivants :
Moyennes des variables pour chaque type de rapport à l’entreprise Identifiés 28,4 %
Distanciés 17,1 %
Ambigus 32,9 %
Neutres 21,6 %
Prestige externe perçu
3,94
2,99
3,38
3,60
Identification
3,99
2,15
3,67
2,80
Distanciation
1,45
3,84
3,18
1,86
Soutien organisationnel
3,57
2,00
2,69
2,92
Scepticisme
2,29
3,72
3,24
2,79
Intention de départ
2,58
4,29
3,67
3,32
Désillusion
1,93
3,24
2,67
2,44
Besoin d’identification
3,89
3,41
3,81
3,42
Comportements citoyens
3,95
2,30
3,29
3,24
Dénigrement
2,23
3,56
3,06
2,79
Performance de rôle
3,81
3,55
3,64
3,70
Ce tableau fait apparaître des différences significatives entre les groupes.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
31
L’enquête quantitative
Les cadres ayant un rapport « identifié »
Les cadres ayant un rapport « ambivalent »
Ils représentent 28 % des individus, soit une part importante des répondants. Pour l’entreprise, ils représentent les cadres potentiellement les plus intéressants. Ils perçoivent un meilleur soutien organisationnel, pensent appartenir à une entreprise dont l’image est bonne et sont plus citoyens que les autres. Ils sont moins cyniques que les autres et ont moins l’intention de quitter leur entreprise. Ce sont plus souvent des hommes que des femmes, mais leur performance de rôle relative n’est pas significativement supérieure à celle des autres.
Ce sont les plus intéressants à analyser, car ils présentent un paradoxe. Ils sont à la fois identifiés et distanciés et représentent une part importante des cadres (33 %), soit pratiquement un tiers des individus. Leur rapport ambigu avec l’entreprise fait qu’ils en sont relativement citoyens. Mais ils perçoivent également un soutien organisationnel assez faible, font preuve de davantage de scepticisme et ont une intention de départ assez élevée. Ainsi, malgré un besoin d’indentification élevé pour certains et une identification assez importante à leur entreprise, ils souhaitent en partir. Cette attitude peut justement provenir du soutien organisationnel qu’ils perçoivent comme relativement faible. Ce type de rapport révèle une relation identitaire complexe et paradoxale des cadres à l’entreprise. Plusieurs situations peuvent caractériser un tel positionnement identitaire. Tout d’abord, cela peut être le cas de cadres qui ont à mettre en œuvre des décisions avec lesquelles ils sont en désaccord, et ce, pour plusieurs raisons : soit parce qu’ils désapprouvent les conséquences de ces décisions sur leurs subordonnés, soit parce que la décision qu’ils doivent mettre en œuvre n’a pas été comprise (car insuffisamment justifiée et expliquée par le management). Cela peut être aussi le cas de cadres qui n’ont pas, dans leur vie privée, de ressources sociales ou familiales satisfaisantes pour structurer leur identité. L’appartenance à l’entreprise est alors pour eux une source privilégiée d’identification à un groupe social. Or, s’ils ne sont pas en accord avec la culture et les valeurs de cette entreprise, ils peuvent être conduits au mécanisme paradoxal qui consiste à s’identifier tout en se distanciant de l’entreprise. Cette situation inconfortable d’un point de vue psychique est probablement une des causes du mal-être actuel des cadres dont le scepticisme, la désillusion et le dénigrement sont les symptômes. On constate que les hommes sont proportionnellement plus présents dans ce type de rapport que ne le sont les femmes.
Les cadres ayant un rapport « distancié » Ils représentent 17 % des répondants. Ce sont, en première approche, les cadres les moins intéressants pour les entreprises. A l’inverse des identifiés, ils sont moins citoyens que les autres, ne se sentent pas suffisamment soutenus par leur entreprise et pensent plus souvent appartenir à une entreprise dont l’image n’est pas bonne. Ils sont plus cyniques que les autres et ont une intention de départ importante. On constate que les femmes sont proportionnellement plus présentes dans ce type de rapport que ne le sont les hommes. Les cadres ayant un rapport « neutre » Ni identifiés, ni distanciés, ils représentent 22 % des individus. Leurs attitudes ne sont pas toujours négatives vis-à-vis de l’entreprise, car ils en sont plutôt citoyens. Ils perçoivent un soutien organisationnel moyen. Ils sont généralement moins cyniques que ceux qui ont un rapport distancié ou ambigu, par contre leur intention de départ est assez importante. Ce type de rapport montre qu’une part non négligeable des cadres ne s’inscrit pas dans un rapport identitaire avec l’entreprise. On peut qualifier leur relation de pragmatique : sans illusion ni scepticisme, leur entreprise leur sert surtout à gagner leur vie. Ils peuvent défendre leur entreprise dans leur entourage personnel, mais n’ont pas de scrupule à déclarer qu’ils peuvent ou qu’ils souhaitent en changer. On constate que les femmes sont proportionnellement davantage présentes dans ce type de rapport que ne le sont les hommes.
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© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
• Autres constats relevés La performance de rôle relative ne varie pas ou très peu en fonction du type de rapport à l’entreprise. Il est donc important pour les entreprises de relativiser l’identification (ou la distanciation) organisationnelle comme facteur supposé de performance de rôle.
L’enquête quantitative
Performance de rôle en fonction du rapport identitaire (Moyenne sur une échelle de 1 à 5) 4,0
3,64
4,0
3,64
3,81 3,55
3,70
3,81
3,70
3,55
3,0
3,0 2,0
2,0 1,0
1,0 0,0
Ambivalents
Distanciés
0,0 Ambivalents des individus Distanciés Des différences selon les caractéristiques Les résultats de tests d’indépendance (chi-deux) entre les différents types de rapport à l’entreprise et les caractéristiques des individus permettent de révéler des résultats supplémentaires. Femmes
Femmes Distanciées 22 %
Identifiées 20 %
Distanciées 22 %
Identifiées 20 %
Neutres 29 %
Neutres 29 %
Ambivalentes 29 %
Ambivalentes 29 %
• En ce qui concerne la durée d’expérience en tant que cadre : Les « ambivalents » sont plus présents chez les cadres qui ont entre 1 et 14 ans d’expérience. Les distanciés sont aussi plus présents chez les cadres qui ont entre 1 et 9 ans d’expérience. En revanche, les identifiés sont
Identifiés
Neutres
Identifiés • En ce qui concerneNeutres le sexe : Comme indiqué précédemment, les résultats sont très significatifs : le sexe est lié aux rapports d’identification. Les femmes sont plus particulièrement présentes chez les neutres et les distanciés. Les hommes sont particulièrement présents chez les identifiés et les ambigus. Hommes
Distanciés 15 % Neutres 18 %
Hommes
Distanciés 15 %
Identifiés 33 %
Identifiés 33 %
Neutres Ambivalents 18 % 35 % Ambivalents 35 %
significativement plus présents dans la tranche 15 ans et plus. On en conclut que la distanciation est un rapport plus présent chez les cadres au début de leur carrière, alors que l’identification est un rapport qui vient plus facilement avec plusieurs années d’expérience dans la fonc© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
33
L’enquête quantitative
tion – peut-être à cause d’un effet d’expérience ou d’un phénomène générationnel. • En ce qui concerne l’ancienneté dans l’entreprise : Les résultats sont à peu près analogues à ceux de la variable précédente. Cela nous permet d’en déduire que plus les cadres sont expérimentés, plus ils sont identifiés. A l’inverse, plus ils sont récents dans l’entreprise, plus ils sont distanciés. • En ce qui concerne la fonction : On peut noter les résultats suivants : - les cadres commerciaux sont souvent plus « ambivalents » - les cadres informatiques sont souvent plus « distanciés » ou « neutres » - les cadres de la recherche – développement sont plus souvent « distanciés » - les cadres de direction générale sont fortement « identifiés ». • En ce qui concerne la filière du diplôme principal : On note que les ingénieurs, ainsi que les cadres issus de l’université, sont plus souvent « neutres » et que les cadres issus d’une autre école de spécialité sont plus fortement « identifiés ». Quelques résultats sur l’analyse du cynisme organisationnel en lien avec les caractéristiques des individus : Le niveau de cynisme est plus faible lorsque les cadres sont soit très récents dans leur entreprise (moins d’un an), soit très anciens (15 ans et plus). Cette répartition par les extrêmes suggère que le cynisme est une attitude qui s’installe progressivement dans le temps. Il a par contre tendance à s’estomper avec plus de 15 ans d’ancienneté. On note d’autre part que le niveau de dénigrement est plus faible chez les cadres « commerciaux », les cadres « gestionnaires » et les cadres de la « direction générale ». Il est en revanche plus fort chez les cadres « recherche-étude-développement ».
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© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
Autres résultats notables - Plus la taille de l’entreprise est grande, plus le prestige externe perçu est important ; - Les cadres issus d’entreprises à faible effectif (moins de 100 salariés) perçoivent un meilleur soutien organisationnel. Il semble en effet que le management des ressources humaines soit perçu comme de meilleure qualité dans les entreprises à effectifs limités ; - Plus l’ancienneté dans l’entreprise est importante, moins le soutien organisationnel perçu est élevé. Cela pose le problème pour les entreprises du management des « anciens ». Conclusion La relation entre identification et distanciation Alors que l’on pourrait penser, conformément à l’approche traditionnelle de l’identification, que la distanciation est le « contraire » de l’identification, notre enquête a permis de confirmer que cela n’est pas le cas. En effet, les deux variables ne sont apparues que faiblement corrélées et certains individus présentent des scores élevés dans les deux variables. Cela est aussi corroboré par l’absence de corrélation significative entre le besoin d’identification organisationnelle et la distanciation. Ainsi, identification et distanciation sont bien deux dimensions différentes, ce qui montre que le rapport identitaire des cadres à l’entreprise est complexe et repose sur des mécanismes divers. Ceci s’est traduit par l’existence de quatre groupes de cadres obtenus en « croisant » les niveaux d’identification et de distanciation, pour lesquels nous avons mis en évidence des différences. Afin de compléter les résultats de cette phase quantitative, il a été jugé pertinent de mener une série d’entretiens de recherche destiné à en approfondir et à en compléter les résultats. Le compte rendu de cette phase qualitative est proposé dans le chapitre suivant.
l’enquête qualitative La seconde phase de l’étude a consisté en une série d’entretiens individuels qui ont été menés avec un échantillon de cadres. L’objectif de cette phase a été d’analyser plus finement les mécanismes à l’œuvre dans le rapport du cadre à l’entreprise et, ce faisant, de donner de l’épaisseur aux données quantitatives et de les compléter. En effet, les onze concepts mesurés dans le questionnaire pourraient paraître désincarnés quand ils ne sont pas contextualisés et replacés dans des situa-
tions individuelles plus riches. L’étude qualitative est ainsi complémentaire aux résultats quantitatifs et vient donc tout d’abord en soutien de la première phase ; elle permet d’approfondir l’étude de la relation que le cadre entretient avec l’entreprise. Mais il s’agit également de découvrir, pour chaque catégorie de rapport identitaire à l’entreprise, d’autres éléments intéressants qui n’ont pas pu être mesurés, ni anticipés dans une étude par questionnaire fermé.
■■ Méthodologie de la recherche qualitative Échantillonnage Par principe, un échantillon qualitatif n’a pas à faire l’objet d’une recherche de représentativité, car l’objectif d’une recherche qualitative n’est pas de généraliser les résultats obtenus à la population d’ensemble. Il est cependant conseillé de construire ce que l’on appelle un échantillon « raisonné », c’est-à-dire un panel d’interviewés qui correspond à peu près à la structure de la population d’ensemble étudiée. Dès lors, l’échantillon qualitatif de cette étude a été constitué en fonction des quatre types de rapport du cadre à l’entreprise que la phase quantitative à permis de caractériser : les rapports « identifié », « ambigu », « neutre » et « distancié ». Au total, 444 individus ont répondus « Oui » à la question « Êtes-vous d’accord pour participer à un entretien qualitatif ? ». Sur ces individus, un tri, effectué à partir des données quantitatives, a permis de dégager un ensemble de 100 personnes les plus représentatives du rapport qu’elles ont à l’entreprise et faisant partie des régions Île-de-France, Aquitaine et Midi-Pyrénées. Puisque l’étude quantitative n’a montré aucune relation significative entre la variable « lieu de résidence » et les
autres variables, le fait de choisir un critère géographique pour sélectionner l’échantillon qualitatif n’introduit pas de biais dans la sélection des individus. Les cent individus éligibles aux entretiens qualitatifs se répartissent de la manière suivante : - 30 individus qui ont un rapport « ambigu » avec l’entreprise - 17 individus qui ont un rapport « distancié » - 29 individus qui ont un rapport « identifié » - 22 individus qui ont un rapport « neutre ». Sur ces 100 personnes issues de la base de données Apec, 10 ont accepté le rendez-vous et ont passé l’entretien. Sept entretiens supplémentaires ont été menés avec des cadres ne faisant pas partie de la base de données Apec. Donc, au final, dix-sept entretiens d’environ une heure ont été menés entre le mois d’août 2009 et le début de l’année 2010. Les caractéristiques et les profils des individus sont les suivants :
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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L’enquête qualitative
TABLEAU RéCAPITULATIF DES INDIVIDUS Individus / Profils
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Caractéristiques
Synthèse
Profil n° 1
Cadre technique dans l’automobile, Paris, homme, 30 ans.
Identifié à son entreprise, mais d’un rapport pragmatique et sans illusion.
Profil n° 2
Ingénieur dans l’aéronautique, Midi-Pyrénées, femme mariée avec enfants, 45 ans.
Identifiée à son entreprise, mais lucide et sans illusion, pragmatique dans son rapport à l’entreprise. Elle dit gérer les différents rôles identitaires qu’elle joue dans sa vie (cadre et mère de famille).
Profil n° 3
Responsable d’agence, établissement financier, Aquitaine, homme père de famille, 38 ans.
Identifié à son entreprise de manière importante. Il travaille dans une banque, autrefois publique et a vécu la transition d’un mode de management de type « semi-public » vers un management de type « capitaliste » et rationalisant. Il se plaint beaucoup d’un manque de soutien de la part de sa hiérarchie, souffre d’un manque de reconnaissance.
Profil n° 4
Cadre dans le tourisme, Aquitaine, femme mariée avec enfants, 52 ans.
Identifiée à son entreprise. Ne fait pas de différence entre sa vie privée et professionnelle. Elle est très engagée dans tous les domaines, professionnels et privés.
Profil n° 5
Cadre dans un organisme de formation, Aquitaine, femme célibataire, 27 ans.
Identifiée à son entreprise. Elle occupe récemment cette fonction et est très engagée, mais a peu réfléchi à ses rapports à l’entreprise du fait de sa carrière courte.
Profil n° 6
Responsable qualité, établissement financier, Aquitaine, homme célibataire, 52 ans.
Rapport ambigu à l’entreprise, très impliqué, très citoyen, et, en même temps, il reconnaît jouer un rôle et ne pas être lui-même au travail et en présence de ses collègues.
Profil n° 7
Ingénieur, Aquitaine, marié, père de famille, 45 ans.
Ambigu. Son rapport à l’entreprise est épanouissant, il s’y implique beaucoup. Cela lui permet d’entretenir son identité et sa liberté dans un autre contexte que celui de sa famille. Mais il est en même temps très critique sur le mode de management.
Profil n° 8
Gestionnaire de patrimoine, Aquitaine, homme célibataire, 29 ans.
Ambigu. Identifié à son entreprise, relativement citoyen, mais en même temps très critique et cynique. Il reconnaît tenir un double discours sur son entreprise selon qu’il est dans un contexte privé ou professionnel.
Profil n° 9
Cadre RH, Midi-Pyrénées, homme en couple non marié, 41 ans, travaillant pour une grande entreprise lors de l’administration du questionnaire quantitatif.
Ambigu lors de l’administration du questionnaire quantitatif. Mais son changement de situation professionnelle l’a rendu très identifié à sa nouvelle entreprise, qu’il a lui même créée.
Profil n° 10
Cadre informatique dans une grande entreprise, Paris, femme célibataire, 42 ans.
Ambiguë, mais lucide sur ses rapports à l’entreprise. Elle s’identifie à son travail, mais se distancie de certaines pratiques managériales de son entreprise (promesses non tenues, double discours entre la communication interne et externe).
Profil n° 11
Cadre commercial, Aquitaine, femme divorcée avec enfants, 45 ans, en poste dans une entreprise lors de l’administration du questionnaire quantitatif.
Distanciée. Autrefois très identifiée et impliquée dans sa vie au travail qu’elle ne différenciait pas de sa vie privée. Elle a depuis subi un licenciement. Passée par une profonde désillusion, elle est alors devenue très distanciée et très critique vis-à-vis de cette entreprise.
Profil n° 12
Cadre technique dans l’automobile, Paris, homme divorcé.
Distancié. Il se dit très déçu de l’évolution de l’industrie automobile en France. Il se plaint beaucoup du cynisme présent dans son entreprise et ressent une forme de dépression. Il accuse notamment le contexte économique, politique et idéologique.
© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
L’enquête qualitative
TABLEAU RéCAPITULATIF DES INDIVIDUS (suite) Individus / Profils
Caractéristiques
Synthèse
Profil n° 13
Chef de projet informatique, région parisienne, femme célibataire, 36 ans.
Distanciée. Elle entretient une relation très pragmatique à son entreprise. Elle en reste distante d’un point de vue identitaire, car elle sépare catégoriquement sa vie privée, dans laquelle elle s’épanouit, et sa vie professionnelle.
Profil n° 14
Cadre dans une association à vocation sociale, femme célibataire, 43 ans.
Distanciée. Elle considère que l’entreprise est un mal nécessaire auquel elle ne s’identifie pas. Elle revendique même l’inverse. Elle se plaint notamment d’une insuffisance de soutien organisationnel, de mensonges et d’un cynisme ambiant permanent. Elle est pourtant très impliquée dans son travail pour lequel elle affirme avoir la vocation.
Profil n° 15
Ingénieur géologue, Midi-Pyrénées, homme en couple non marié, 40 ans.
Neutre. Il est relativement indifférent à son entreprise même s’il critique beaucoup les méthodes de management « très éloignées du terrain ». Il fait son métier par obligation et trouve sa source d’épanouissement dans un tout autre domaine (l’histoire, la culture en général).
Profil n° 16
Ingénieur géologue, Aquitaine, homme marié avec enfants, 52 ans.
Neutre. Pour lui, l’essentiel est son travail pour lequel il peut s’identifier. Il est en revanche indifférent à l’entité « entreprise » pour laquelle il travaille.
Profil n° 17
Cadre « achats » dans la soustraitance aéronautique, MidiPyrénées, femme célibataire, 29 ans.
Neutre car, compte tenu de son âge, elle se dit encore en phase d’observation et d’interrogation sur ses rapports à l’entreprise. Elle dit avoir ressenti de nombreuses désillusions.
Déroulement des entretiens Les entretiens ont été semi-directifs et menés en face-àface. Ils se sont déroulés, au choix de l’individu, soit sur son lieu de travail – dans un endroit discret lorsque cela était possible – soit dans un café. L’outil utilisé est un guide d’entretien qui reprend les onze concepts mesurés lors de la phase quantitative. Les questions sont généralement ouvertes et les notions évoquées sont « dé-conceptualisées », c’est à dire décrites dans les termes du langage courant, de manière à faciliter la compréhension des questions et à libérer au maximum la parole des répondants. Le guide d’entretien, présenté en annexe en fin de rapport, comporte quatre phases : - une courte phase d’ouverture qui incite le répondant à se mettre dans son contexte professionnel et à préciser sa place dans l’entreprise ; - une phase de centrage qui a pour objectif d’annoncer le thème principal de la recherche, à savoir le rapport que le cadre entretient avec son entreprise ; - une phase d’approfondissement dans laquelle chacun des onze concepts est évoqué par des questions ouvertes ; - une phase de conclusion qui a été l’occasion pour les répondants, avant de refermer la discussion, de
bénéficier d’un moment pour donner une opinion ou pour évoquer des choses plus personnelles ou intimes. Sur les dix-sept entretiens, onze ont pu être enregistrés, puis retranscrits. Les six autres ont fait l’objet d’une prise de notes, puis d’une synthèse. Les cadres interrogés ont tout de suite manifesté un intérêt pour le sujet de l’étude qui, selon eux, posaient des questions de fond sur leur ressenti vis-à-vis de leur entreprise, et s’intéressait à eux plutôt qu’à leurs résultats ou à leur performance. Chaque entretien s’est bien déroulé, la relation à chaque individu a été satisfaisante. Aucun entretien n’a dû être écourté, aucune question ou sujet n’a été évité. Cependant, sur les 17 entretiens, six n’ont pas été enregistrés conformément à la demande des individus concernés. Une des difficultés a consisté à libérer la parole sur un sujet intime (son identité) pour que les individus puissent s’exprimer en confiance et sans tabou. La garantie de la confidentialité de leur nom et du nom de leur entreprise, le sens de l’écoute et le questionnement progressif du chercheur ont permis progressivement, au cours des entretiens, d’obtenir des informations parfois très personnelles. © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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L’enquête qualitative
Une autre difficulté a consisté à dépasser, dans les développements et les explications de chaque individu, le simple récit factuel. Il faut en effet inciter les participants à s’exprimer sur les concepts définis par le sujet de l’étude. Or, les personnes se limitaient parfois, au début de l’entretien en tous cas, à évoquer des situations anecdotiques qui n’apportaient pas une information de qualité pour l’étude. Afin de résoudre ce problème, l’interviewer s’appuyait sur ces récits de situations, point de départ nécessaire du dialogue, pour rebondir vers une
discussion plus personnelle et plus fondamentale. La dernière difficulté, qui révèle d’ailleurs un des apports de l’étude, a été de dissocier le rapport au travail ou au métier du rapport à l’entreprise. En effet, à la question sur le rapport à l’entreprise, les individus répondaient souvent sur le rapport au travail. Un effort de pédagogie de la part du chercheur a permis de dissocier ces deux objets pour se concentrer sur le rapport à l’entité « entreprise ».
Dépouillement et analyse de contenu Le dépouillement des données qualitatives s’est appuyé sur des méthodes simples d’analyse de contenu : les réponses et les développements des individus à chaque thème évoqué ont été comparés entre eux de manière à relever les occurrences et les co-occurrences, les points de convergences et de divergences. La synthèse de ce travail a permis d’approfondir notre analyse des méca-
nismes à l’œuvre dans les rapports d’identification et de distanciation du cadre à l’entreprise, ainsi que de faire émerger trois grandes idées complémentaires qui, sans avoir été évoquées de manière explicite par le chercheur, sont presque systématiquement développées par les répondants.
■■ Résultats : un rapport à l’entreprise entre fatalisme et pragmatisme La phase qualitative de la recherche a mis en exergue une première série d’éléments en complément de la phase quantitative. Mais l’analyse des entretiens menés a aussi permis de faire émerger plusieurs autres éléments qui n’apparaissent pas dans les données quantitatives, mais qu’il semble nécessaire d’intégrer dans notre étude du rapport des cadres à l’entreprise. Trois grandes idées ont ainsi émergé. Tout d’abord, le fait d’évoquer le rapport que le cadre entretient avec son entreprise a fait apparaître presque systématiquement une réflexion sur la vision personnelle que le cadre se fait de l’entreprise en général, en tant qu’entité économique et sociale. De même, les questions d’identification et de distanciation
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© Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
ont naturellement amené les individus à s’interroger sur leur propre identité, en opposant notamment le rapport à l’entreprise avec le rapport à leur propre vie privée. Enfin, lors de la phase terminale des entretiens, il était fréquent que des individus évoquent le contexte idéologique, politique et économique comme principale cause des mécanismes de distanciation et du cynisme entre les cadres et l’entreprise. Ce contexte, considéré parfois à regret comme inévitable, a pour conséquence de faire osciller les cadres entre fatalisme et pragmatisme dans leur identité professionnelle et personnelle, ainsi que dans leur rapport à l’entreprise. Ces différents éléments seront successivement abordés.
L’enquête qualitative
Les déterminants et les conséquences de la construction identitaire des cadres Les entretiens confirment l’existence d’un besoin d’identification organisationnelle important chez les cadres, comme apparu lors de la phase quantitative. C’est tout d’abord l’exercice professionnel qui prend davantage de sens en luimême lorsque l’on est identifié à son organisation. L’extrait suivant est particulièrement significatif à cet égard. « J’ai besoin de me retrouver dans l’identité de l’entreprise avec des valeurs communes, des grandes valeurs qui sont le respect de la personne et ce genre de choses, pour faire le métier que je fait. Sans ça, je ne pourrais pas le faire… ou en tout cas pas bien. » (profil n°1) Mais c’est également la place prise par le travail dans l’identité de la personne qui est en jeu dans l’appartenance organisationnelle. Une part essentielle de l’équilibre de l’individu est dépendante de l’exercice du travail dans un contexte social. « Oui, si je n’étais pas dans une entreprise, je serais différente. Je serais même déprimée… Je l’ai vu pour mes congés maternité, ça a été une catastrophe. J’avais l’impression de ne plus exister et de ne servir à rien. » (profil n°4) Pourtant, si ce sont les caractéristiques individuelles qui servent de support aux mécanismes d’identification, les caractéristiques de l’entreprise sont déterminantes en ce qui concerne les modalités de ces mécanismes. De ce point de vue, conformément à la première approche théorique retenue dans cette étude (la théorie de l’identité sociale), les bénéfices identitaires liés à cette appartenance organisationnelle reposent largement sur la perception d’une image de l’entreprise valorisante. L’extrait suivant illustre le « transfert » sur l’individu des attributs organisationnels, caractéristique centrale des mécanismes d’identification. « Quand on est fier de son entreprise, signature de gros contrats, etc., c’est très agréable, ça me plait, ça me remplit, me permet de m’affirmer, et ça rejaillit sur mon être, l’image que j’ai de moi-même, ça me donne de l’assurance. » (profil n°6) Les entreprises qui bénéficient d’une image favorable sont ainsi en position de tirer bénéfice de cette situation en termes d’attractivité sur le marché de l’emploi. « L’image que mon entreprise a dans l’opinion publique est importante pour moi… Si l’image avait été plus négative… Je n’aurais peut être pas postulé… » (profil n°2)
Cette manière dont l’image organisationnelle peut être transférée sur les individus qui en font partie est d’ailleurs susceptible d’opérer également dans le cas où l’entreprise ne bénéficie pas d’une image aussi favorable. « Ma meilleure amie travaille chez […]. Quand on commence à parler boulot, on lui dit « Oui, toi chez […] bof ». On va lui dire qu’elle est fainéante, qu’elle ne fait rien. Alors que c’est une bosseuse elle aussi. » (profil n°2) Mais, indépendamment de l’image de l’entreprise, c’est pour beaucoup le rapport spécifique de l’individu avec l’entreprise – plutôt que l’image de l’entreprise dans son ensemble – qui explique la manière dont chacun se positionne. Les entretiens confirment clairement que la manière dont les cadres se sentent soutenus ou pas au sein de leur entreprise impacte fortement le rapport qu’ils ont avec elle. Lorsqu’il y a perception d’un soutien et de reconnaissance, l’impact bénéfique s’en fait ressentir. « La reconnaissance, c’est très important, c’est essentiel pour la mobilisation sur le travail, à la fois en quali et en quanti. C’est vraiment quelque chose qui peut complètement me décourager ou m’encourager. » (profil n°6) Inversement, l’absence de soutien organisationnel perçu se traduit par une perte de reconnaissance, prélude à un départ de l’entreprise. « Le souhait que j’ai eu c’était de partir de cette entreprise parce que je commençais vraiment à me perdre… Il faut être clair, dans ce service on était trois cadres, on est tous partis. … Vous avez l’impression de ne servir à rien, d’être incompris… Un malaise et une angoisse permanents, j’allais au travail à reculons. » (profil n°9) Ces éléments sur l’image perçue et le soutien perçu illustrent la distinction effectuée dans la littérature académique, et retrouvée dans notre enquête par questionnaire, entre le statut de l’organisation et le statut de l’individu dans l’organisation. Le statut de l’organisation se reflète dans l’image perçue de l’entreprise et ses mécanismes sont décrits par la théorie de l’identité sociale ; le statut de l’individu dans l’organisation se reflète dans le soutien perçu, dont les mécanismes font l’objet de la théorie de l’échange social. L’identité de l’individu se construit alors sur la base de l’articulation de ces deux éléments. © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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L’enquête qualitative
Sur ce point, notre modèle théorique repose sur la distinction entre les mécanismes d’identification et de distanciation et sur la possibilité de leur coexistence chez un même individu. L’existence de quatre groupes (identifiés, ambivalents, neutres, distanciés) a été confirmée par l’étude quantitative et la phase qualitative nous a également permis de mettre au jour la coexistence des logiques d’identification et de distanciation. Voici tout d’abord un extrait d’entretien caractéristique d’un cadre identifié. Il met l’accent sur la contribution de l’entreprise à la construction personnelle de l’individu. « Ce n’est pas prépondérant dans ma personnalité, loin de là, mais c’est vrai que cette entreprise là, dans laquelle j’ai été formé depuis le début, m’a beaucoup marqué… positivement, car elle m’a permis de démarrer dans la profession et en plus elle est très connue du grand public. Donc inévitablement, elle fait partie de votre histoire... » (profil n°3) L’identification, quand elle se passe bien, apporte en effet des bénéfices à la personne, y compris dans sa vie personnelle. « Quand je me présente à des personnes qui ne me connaissent pas, je ne dis pas spontanément dans quelle entreprise je travaille, ça ne se fait pas. Mais c’est vrai que quand la discussion se porte sur le boulot, le fait de le dire m’apporte un sentiment de fierté. » (profil n°5) A contrario, l’extrait suivant est caractéristique d’un cadre distancié qui rejette explicitement les valeurs de son contexte organisationnel. Il souligne en particulier les efforts nécessaires au maintien de ce positionnement identitaire. « Non seulement je n’adhère pas à ces nouvelles valeurs et à cette nouvelle culture d’entreprise, mais en plus je le revendique… même si je suis obligé de le cacher au bureau évidemment. Ca ne facilite pas les choses, on se sent quand même mal à l’aise. » (profil n°14) Le rejet fortement exprimé dans cet extrait est à contraster de la citation suivante, qui est caractéristique d’un cadre neutre. Il n’y pas de construction identitaire à partir de l’entreprise, mais pas de rejet explicite – et chargé émotionnellement – non plus. « Je vais être claire, je ne travaille que parce que j’y suis obligée ! Si j’avais le choix je m’engagerais certainement dans des activités ou des associations à but non lucratif pour faire quelque chose de mes journées, mais pas dans une entreprise… Je n’ai pas besoin d’une entreprise pour être moi même. Je fais mon boulot, je bosse correctement, mais ce n’est pas ma priorité. » (profil n°17) Un autre participant évoque une forme de clivage de son
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identité entre les éléments personnels et les éléments professionnels. Ici encore, la neutralité se manifeste par l’absence de distanciation explicite. « Mon identité professionnelle est très distincte de mon identité personnelle. Mon identité professionnelle est une partie visible, mais le reste est caché dans l’entreprise. Mon identité professionnelle est réduite : mon choix de vie est tu au bureau, mon identité politique aussi, mon appétit de culture est une chose qui ne s’exprime pas au bureau… » (profil n°6) Enfin, le dernier positionnement identitaire repose sur l’ambivalence. L’extrait d’entretien suivant est illustratif de ce dernier positionnement. Il montre en effet comment l’ambivalence peut conduire à séparer le contexte professionnel en plusieurs composantes, dont certaines seront favorables et d’autres moins. « Avec mon équipe, il n’y a pas de problème. J’ai même plusieurs collègues que je vois à l’extérieur… oui c’est comme un groupe social auquel on peut s’identifier. Quant à l’entreprise en elle même, c’est différent. Elle a une bonne image donc c’est valorisant, mais quand on sait ce qu’il se passe à l’intérieur… mensonges, manipulations… alors là non, ce n’est pas moi… » (profil n°7) Les entretiens ont également fourni des éléments sur les conséquences du positionnement identitaire des répondants. Plusieurs conséquences ont été envisagées dans cette étude. En ce qui concerne la performance de rôle, rappelons que l’étude quantitative a montré qu’on ne trouve pas de différence significative entre les quatre groupes de cadres. Ce résultat confirme la forte conscience professionnelle généralement trouvée dans les travaux sur les cadres d’entreprise, qui maintiennent leur niveau de performance en dépit de ce qu’ils peuvent ressentir par rapport à leur employeur. L’exemple suivant est significatif à cet égard. « J’ai un rapport assez fort avec l’entreprise car je me dis, « je suis payé, qu’est ce que j’apporte à l’entreprise ? » Quand j’étais en démission complète, je ne me posais plus cette question. Et c’est extrêmement inconfortable ! Vous avez l’impression de voler votre argent, d’être vous même escroqué, de pas avoir les bases d’un rapport de confiance… Moi je suis confortable avec une entreprise pour laquelle je contribue à hauteur de ce que je peux donner de mieux, et d’être justement rémunéré pour ce que je donne. En général d’ailleurs, je donne un peu plus… C’est peut être lié à un besoin de se dépasser, mais c’est surtout très satisfaisant. » Au-delà de la performance de rôle, les comportements de citoyenneté sont également mis en exergue par certains répondants.
L’enquête qualitative
« Je défends l’entreprise et le secteur d’activité. Je pense que c’est important d’adhérer à son activité, pour moi c’est une éthique professionnelle. » (profil n°6) À l’inverse, l’étude quantitative avait confirmé l’existence de trois formes de cynisme organisationnel (scepticisme, désillusion et dénigrement). Un soutien organisationnel perçu comme insuffisant est susceptible de générer du scepticisme, composante cognitive du cynisme, chez nombre de cadres. Les cadres « distanciés » ou « ambigus », tout particulièrement, peuvent être critiques vis-à-vis des discours et des décisions prises par leur entreprise, mais même les cadres « neutres » peuvent faire ce constat, illustré par les verbatim suivants : « Je me sens sceptique de manière générale face à la stratégie de l’entreprise, à laquelle je ne crois pas. C’est l’aveuglement des chefs par la pression de l’actionnaire : trop de retour sur investissement avec des politiques extrêmement court-termistes. » (profil n°7) Ceci peut aller pour certains jusqu’à des mécanismes de désillusion, composante affective du cynisme. La désillusion se manifeste par un ressenti affectif vis-à-vis de leur entreprise, qui pourra être caractérisé notamment par la déception et une forme de désenchantement. Ce désenchantement induit un manque d’enthousiasme dans le travail ainsi qu’une attitude de résignation. « La désillusion dans l’entreprise (sourire) ? Ha oui, je pense qu’on est tous passé par là. » (profil n°17) « Je pense que c’est nécessaire, un mal nécessaire. Bon après, c’est pas toujours agréable non plus. C’est le jeu de l’entreprise. Quand on connaît l’entreprise, on sait que c’est comme ça quoi… »
Enfin, rappelons qu’un tiers des cadres avaient obtenu un score de dénigrement assez élevé dans l’étude quantitative. Les entretiens ont également mis en évidence les divers comportements qui illustrent cette composante comportementale du cynisme organisationnel. Comme le montre l’extrait suivant, il peut s’agir d’utiliser ce moyen pour supporter la pression. « Quand on se regroupe en dehors de l’entreprise, alors oui, on dénigre… On s’en donne à cœur joie. Mais je pense que c’est nécessaire, on se défoule, on en a besoin. Après, ça nous permet d’avoir l’air normal au boulot. » (profil n°14) Les mécanismes de retrait peuvent aller jusqu’à l’intention de départ, qui apparaît comme la manifestation ultime du cynisme organisationnel. « On m’a déjà instrumentalisé en me laissant penser que j’obtiendrais quelque chose, alors que les mêmes personnes savaient très bien que je ne l’obtiendrais pas. J’y ai cru... Ça rompt la confiance. Au début, je me suis dit ça va passer, mais au bout d’un moment je me suis dit qu’il fallait que je parte. » (profil n°17) « Je suis arrivé ici parce que je n’étais pas reconnu dans l’entreprise où j’étais avant, j’avais vraiment un problème complet de reconnaissance, et donc je n’étais pas bien. » (profil n°8) Les entretiens ont ainsi jusqu’ici illustré les éléments structurants de notre cadre conceptuel et les résultats de l’enquête par questionnaire. Mais l’intérêt de mobiliser une phase qualitative dans une recherche est de faire émerger des éléments complémentaires qui permettent de positionner plus finement les résultats de l’enquête par questionnaire.
Deux visions antagonistes de l’entreprise Deux grandes conceptions de l’entreprise ressortent des entretiens. Certains conçoivent prioritairement l’entreprise comme un « lieu de production de richesses » ou comme un « système organisé de production et/ou de commercialisation ». Cette conception, plutôt académique, correspond à une définition de l’entreprise que l’on pourrait trouver dans un ouvrage théorique d’économie ou de gestion. Déshumanisée et désincarnée, elle témoigne d’une vision distante, froide, voire chirurgicale de l’entreprise, ou bien d’une difficulté à cerner précisément les contours parfois flous de l’entité « entreprise ». Elle n’est pourtant pas exclusivement la vision des cadres appartenant à la catégorie « neutres » dans leur rapport identitaire. Les individus qui adhèrent à cette concep-
tion de l’entreprise (3 individus sur 17) ont déclaré que, même s’ils pouvaient s’identifier à leur entreprise, ils déguisaient souvent leur propre identité sur le lieu de travail par souci de pudeur, voire de protection. Les affirmations suivantes le montrent. « Je ne suis pas moi-même au boulot. » (profil n°8) « Je suis obligé de cacher mon mode de vie à mes collègues. » (profil n°6). Ils reconnaissent aussi que cette vision rationnelle et froide de l’entreprise leur permet de ne pas intégrer de choses personnelles ou humaines sur le lieu de travail. C’est ainsi pour eux une méthode de protection de leur propre identité face à une entreprise qui aurait tendance © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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L’enquête qualitative
à homogénéiser les personnalités des salariés ou à les intégrer dans des stéréotypes. « Quand je vais au travail, je redeviens quelqu’un d’autre. Tout à l’heure, j’en parlais avec quelqu’un. Je suis quelqu’un d’extrêmement introverti et on me disait « ce n’est pas possible ! ». Si, au travail le métier que je fais ne me permet pas d’être introverti, il faut être extraverti. Donc je compense comme ça. A partir de là quand je retourne à l’extérieur je redeviens plus moi, je ne vais pas à l’encontre de ma propre personnalité. » (profil n°10) D’autres individus, au contraire, (plus de la moitié parmi les 17 interrogés) voient plutôt l’entreprise comme « une organisation humaine » ou « un lieu de socialisation ». Précisant qu’il s’agit de leur propre « conception personnelle », ils déclarent que l’entreprise est pour eux le moyen de « nouer du lien social ». L’entreprise est ici définie non pas en tant qu’entité, mais en tant que « moyen » d’exister dans la société. Certains (deux participants) poussent même leur vision jusqu’à évoquer une fusion entre l’entreprise et la société en général (profils n°4 et 9). Il n’est pour eux plus question de faire une dif-
férence entre les aspects « privés » et les aspects « professionnels », car ils forment un même tout. Dans l’esprit de ces deux personnes, « l’entreprise c’est la vraie vie ». Cette conception de l’entreprise témoigne d’un rapport plus profond, comme si l’individu était intrinsèquement lié à l’entreprise, comme si cette dernière se substituait à la famille, à la société en général ou à la « cité » en tant qu’entité humaine, sociale et politique. « Moi j’ai un rapport assez fort avec l’entreprise car… dans l’entreprise, on a pas l’impression de voler son argent. On a des objectifs, des résultats, on est rémunéré selon notre valeur, donc on sait vraiment où on va. Alors que dans la société en général, on a des élus qui ne sont pas au niveau, des privilégiés qui ne méritent pas ce qu’ils ont… et à l’inverse, il y a aussi des gens compétents au chômage. Alors que dans une entreprise, on ne triche pas… en entreprise, le contrat social est clair… » (profil n°8) « L’entreprise, c’est un outil aussi pour moi : un outil de structuration pour l’individu que je suis, c’est un outil de reconnaissance dans le groupe social, dans la société en général. » (profil n°6)
Rapport à l’entreprise et rapport à son identité et à sa vie privée Le rapport d’un cadre avec l’entreprise n’a pas de caractère permanent. Les entretiens montrent que certains cadres ont évolué dans leur rapport à l’entreprise en fonction des différentes phases de leur vie. Les phases de vie privée, très souvent évoquées pour expliquer un changement dans le rapport à l’entreprise, sont le fait d’avoir des enfants ou bien, au contraire, d’en être déchargé après leurs études, ou encore d’être célibataire ou non. Ainsi, beaucoup reconnaissent que l’implication qu’ils ont eue dans leur vie privée en devenant mère ou père de famille a modifié leur rapport à l’entreprise. Ils en sont devenus plus distants. En effet, lorsqu’une nouvelle source d’épanouissement est apparue dans leur vie privée, ces cadres ont moins recherché leur épanouissement personnel au travail. Comme si l’identification qu’ils avaient eue à leur entreprise en étant célibataire était venue en remplacement d’un rôle familial ou personnel. C’est cette période de déficit de vie familiale qui a été pour ceux-là l’occasion de s’identifier davantage à l’entreprise. L’identification organisationnelle apparaît ainsi comme un substitut à l’identification familiale ou personnelle. Cette attitude a été vérifiée chez des femmes, mais aussi chez un homme. « Mais moi j’ai un épanouissement personnel à la mai-
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son. Peut-être que, à la décharge de ces gens là, si je n’avais pas ce que j’ai à l’extérieur, je serais probablement comme eux… Car, comme je vous ai dit, je ne pouvais pas rester à la maison parce qu’il me fallait une reconnaissance sociale. » (profil n°2) « Si un jour je n’ai plus de mari et si mes enfants grandissent, c’est sûr que je m’identifierai beaucoup plus à mon entreprise… comme au début de ma carrière en sortant de l’école. » (profil n°13) « Certaines personnes n’ont rien d’autre que le travail. Elles n’existent que par le travail. Et à partir de là, elles sont prêtes à tout pour garder cette existence et cette lumière qui les fait vivre. Mais quand on devient père de famille, on voit les choses différemment, on prend beaucoup plus de distance, de la sagesse plutôt. » (profil n°3) Il est important de préciser que, selon les déclarations des personnes, cette période d’identification à l’entreprise venue compenser une carence dans la vie privée a été plus ou moins consciemment calculée et choisie. Cette forme de « maîtrise » de construction de sa propre identité peut paraître paradoxale au sens où, normalement, on ne choisit pas forcément ses attributs identitaires, qu’ils soient professionnels, familiaux, ethniques
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ou autres, comme on sélectionnerait sa tenue du matin en piochant dans sa garde-robe. Pourtant, lucides vis-àvis de cela, beaucoup de personnes reconnaissent avoir déjà beaucoup réfléchi à leur rapport identitaire à l’entreprise et à leur vie privée, en choisissant consciemment leur(s) cible(s) d’identification en fonction des besoins du moment. Cela tendrait à montrer que le cadre utilise de manière pragmatique les différents attributs identitaires qui se proposent à lui au cours de sa vie. La plupart reconnaissant malgré tout que le besoin d’identification à l’entreprise, même s’il est mis de côté pendant une période de vie familiale très consommatrice de temps, reste présent de manière latente ou même de manière ouvertement exprimée. « Je suis incapable de ne pas travailler dans une entreprise ! J’ai besoin d’un contact social. On peut aussi avoir un contact social en allant dans des associations, mais pour mon épanouissement personnel, j’ai besoin de travailler dans une entreprise… Je ne pourrais pas être auto-entrepreneur ou travailler seule. » (profil n°2) Parmi les entretiens les plus intéressants figurent ceux dont les individus expriment un fort besoin d’identification à leur entreprise, tout en faisant en sorte de s’en distancier le plus possible. Cela concerne particulièrement les personnes qui travaillent dans des secteurs d’activités ou des contextes difficiles, sujets aux délocalisations et/ou à un changement de culture d’entreprise qui va d’un management de type paternaliste vers un management plus rationalisant. Il en est de même quand la culture d’entreprise ne véhicule pas les valeurs jugées positives par les individus qui y travaillent. Un climat social tendu dans certains secteurs d’activités ou bien une entreprise qui a une image négative crée des frustrations parfois lourdes chez ces individus présentant un
besoin d’identification important. « Avant, dans l’automobile, tout allait bien, on était fier, c’était un des fleurons français. J’ai commencé ma carrière dans ce contexte là mais maintenant, tout à changé… Le management est devenu très dur… Ca me manque beaucoup … je n’arrive pas à faire le deuil… On nous fait comprendre qu’on est mauvais. Les gens de ma génération qui ont toujours travaillé dans cette entreprise ne peuvent pas se sentir bien maintenant, ce n’est pas possible. » (profil n°12) Beaucoup voient dans ces situations une des principales sources de mal-être des cadres. Face à cette difficulté, une des attitudes relevées consiste à essayer de séparer son identité professionnelle et son identité personnelle (« Quand je rentre chez moi, je suis une autre personne »). Une autre consiste à adopter une attitude très pragmatique qui consiste à mettre en sourdine son besoin d’identification organisationnelle pour rechercher d’autres attributs identitaires. Ces personnes déclarent adapter leur identification, de manière consciente, en fonction de leur contexte professionnel : une identification quand on se sent bien avec son entreprise, ou au contraire une distanciation quand on se sent moins bien avec elle. Enfin, la dernière attitude constatée est celle de quelqu’un de particulièrement affecté par les changements et les difficultés de son secteur d’activité. Ce cadre explique son profond malaise professionnel (et personnel) par un certain contexte politique et idéologique responsable de son désarroi. « L’actionnaire anonyme est le mal de l’entreprise, il est placé devant l’intérêt du client et du salarié. Donc on a plus l’impression de travailler pour soi, faut faire du chiffre à très court terme, on ne sait pas ce que sera l’entreprise dans 5 ans, c’est très déstabilisant. C’est le système qui veut ça. » (profil n°12).
Un certain contexte idéologique, politique et économique En fin d’entretien, la plupart des participants ont évoqué le contexte idéologique, politique et économique pour expliquer les comportements cyniques des cadres, comportements unanimement constatés. On note une occurrence importante des termes « système », « compétition » ou bien encore « mondialisation » associés à la distanciation identitaire. On relève aussi, dans une moindre mesure, une présence des termes de « pression actionnariale » ou « d’ultralibéralisme ». Mais l’évocation de ces causes, qui ne sont pas personnelles ou individuelles, ni même organisationnelles, se fait sans grand esprit revendicatif vis-à-vis de la société actuelle, mais plutôt sur un ton de renonciation ou de fatalisme. Scepticisme, désillusion et dénigrement semblent natu-
rellement et intrinsèquement faire partie d’un système économique très concurrentiel qui dépasse l’organisation elle-même et auquel ils sont bien obligés, à regret, de s’adapter. Plusieurs occurrences d’expressions comme « C’est comme ça… », « On n’y peut rien… » ou bien « On est pas d’accord mais on fait avec… » montrent que c’est avec lucidité, regret et fatalisme que les cadres évoluent dans cet environnement économique. « Peut-être qu’on va en sortir un peu, mais c’est le système des années 80 où il fallait être le plus beau, être une mère, une femme, une épouse, tout en même temps. Mais on en revient un peu… Les gens de ma génération qui commencent à vieillir s’aperçoivent que ce n’est pas possible… on a tout donné dans les © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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années 80 pour l’entreprise, beaucoup se sont fait virer dans les années 90. Ça a fait bien nuancer les choses… » (profil n°2). Il faut toutefois préciser un biais qui intervient naturellement à ce stade de l’entretien. Puisque la fin de la discussion a souvent concerné des notions politiques ou idéologiques, la retenue des personnes interrogées les a probablement empêchées d’exprimer librement leur perception personnelle. D’où le ton de fatalisme très souvent présent lors des entretiens. Seules deux personnes sur dix sept ont exprimé leur opinion plus personnelle. Celle-ci consistait à expliquer les formes du cynisme (désillusion, scepticisme et dénigrement) présents dans
les entreprises par le « système capitaliste ». « De toute façon, nous vivons dans un monde de compétition… d’ultralibéralisme… qui fait que l’homme ne peut que devenir un loup pour l’homme. Mais le système capitaliste est lié à ça, il faut s’y faire. » (profil n°15) « En fait, au début, si vous n’êtes pas comme ça vous avez l’air d’une extra-terrestre. Je pense que le monde est comme ça, il faut être le plus beau, le plus intelligent, la meilleure position donc… L’homme est un loup pour l’homme donc… C’est exactement ça en fait, donc du coup en ce sens-là oui, moi je vois beaucoup de cynisme. » (profil n°2)
■■ Conclusion Les résultats de l’étude quantitative avaient mis en évidence un lien significatif entre le soutien organisationnel et les autres variables telles que le cynisme, la distanciation, l’intention de départ et la citoyenneté organisationnelle. Les entretiens ont clairement confirmé cela, particulièrement pour l’intention de départ. Il a en effet été facile de déterminer, lors des entretiens, ce qui donne envie aux individus de rester ou de partir de leur entreprise. Plus que la rémunération ou les avantages divers que les cadres peuvent trouver de manière équivalente dans une autre entreprise, le besoin de se sentir compris, encouragé et soutenu par son management s’est révélé être un facteur déterminant dans l’envie de rester ou de partir. Certains cadres ont déclaré que l’insuffisance de soutien organisationnel leur procurait « une dévalorisation complète de soi », « un problème complet de reconnaissance qui fait que je n’étais pas bien » (profil n°17). Certains se sont beaucoup plaint que leur hiérarchie ne « comprenait pas bien leur travail ». Ces insuffisances nuisent à la motivation et incitent très clairement les cadres à vouloir quitter leur entreprise ou à adopter des formes de cynisme. En effet, l’existence de ce cynisme sous ses trois facettes (désillusion, scepticisme et/ou dénigrement) est unanimement constatée par les personnes interrogées. Toutes reconnaissent plus ou moins avoir ressenti une désillusion sur le monde du travail, notamment par rapport à des promesses non tenues, à la compétition entre salariés ou bien à une absence d’honnêteté dans les rapports humains. Tous constatent aussi une dissonance et des contradictions entre les discours officiellement prônés
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dans la communication institutionnelle des entreprises et la réalité du terrain en interne. Certains même reconnaissent être parmi les relais de cette communication qui ne correspond pas à la réalité. Sans forcément l’accepter ni s’en offusquer, beaucoup de personnes déclarent sur un ton de fatalisme qu’elles n’ont pas le choix, qu’elles gèrent leurs scrupules et qu’elles font avec. Cela ne les pousse pas obligatoirement à partir, et cela ne les empêche de vouloir effectuer leur travail du mieux qu’elles peuvent. « Il y a ce qu’il se passe à l’intérieur et qu’on ne peut pas dire à l’extérieur… » « Le problème, c’est quand on ne voit pas la stratégie qui est menée. On me demande de faire des choses totalement nuisibles à mon équipe… que d’ailleurs je ne fais pas. Une partie du management ne connaît rien au terrain, ils prennent des décisions absurdes. Je suis sans arrêt en train d’essayer de gérer des situations contradictoires pour faire en sorte que les choses se passent bien. » (profil n°15) « Je dis pas que c’est normal, je dis pas que c’est bien non plus car mon éducation judéo-chrétienne me dit que ce n’est pas bien. Par contre dans le jeu de la concurrence, dans le jeu de la vision mondiale, j’aurais tendance à dire que si ça permet aux gens de garder leur boulot et de travailler, je pense que ça fait partie du jeu de poker menteur de toute entreprise. Voilà. Mais je ne dis pas que je suis d’accord avec le discours. Mais dans la conjoncture actuelle, toutes les entreprises font ça. » (profil n°2)
conclusion générale Cette étude à la fois quantitative et qualitative a permis de montrer que les rapports identitaires du cadre à l’entreprise sont complexes et potentiellement ambigus. Le fait de combiner étude quantitative et qualitative a en outre permis d’appréhender un même problème sous deux angles différents, avec des points de convergence et de divergence. Les données quantitatives, issues d’un questionnaire fermé, produisent de l’information « objective », mais limitée. Elles nécessitent d’être commentées, mais pas forcément interprétées. Si l’on part du principe que les cadres ont, dans leur rapport à l’entreprise, des motivations dont ils n’ont pas toujours conscience ou qui n’ont pas été verbalisées, l’approche qualitative s’avère nécessaire. Ainsi, alors que l’étude quantitative a permis de catégoriser les différents rapports identitaires du cadre à l’entreprise, l’étude qualitative a permis d’approfondir la question en intégrant des dimensions personnelles qui viennent s’insérer dans le rapport à l’entreprise. Il en est ainsi du rapport à la vie privée, des différentes visions que l’individu peut avoir de l’entité « entreprise » et de la perception du contexte économique et idéologique dans lequel baignent le cadre et l’entreprise. De ces deux approches complémentaires, plusieurs enseignements sont à retirer. Tout d’abord, quatre rapports ont été distingués : un rapport « identifié », caractérisé par un étroit rapprochement entre l’identité personnelle et professionnelle du cadre. Un rapport « distancié », très souvent accompagné d’un soutien organisationnel perçu comme insuffisant, d’un cynisme et d’une intention de départ élevés. Un rapport « neutre », caractérisant les cadres qui ne s’inscrivent pas dans une relation identitaire avec leur entreprise mais plutôt dans un rapport pragmatique. Enfin, un rapport « ambivalent » à l’entreprise dans lequel le cadre va à la fois s’identifier et se distancier à l’entreprise. Ce type de rapport montre, par la même, le caractère distinct des deux dimensions d’identification et de distanciation. Le rapport ambivalent, même s’il n’est pas négatif pour l’entreprise, peut toutefois caractériser chez le cadre une forme de dissonance entre son identité personnelle et son identité professionnelle. Un inconfort personnel et une instabilité identitaire pourraient en être la conséquence. Les différents rapports entre le cadre et l’entreprise sont parfois empreints de fatalisme, parfois d’enthousiasme, le plus souvent de pragmatisme. Mais les individus sont tous relativement lucides et conscients des différents rapports identitaires qui peuvent exister avec l’entreprise. De plus, ce rapport n’est pas permanent. Chaque personne fait varier avec pragmatisme son rapport à l’entreprise en fonction de sa vie personnelle et de ses besoins du moment.
Par ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait penser à première vue, les rapports neutres ou faiblement identifiés ne sont pas forcément une mauvaise chose, à la fois pour le cadre et pour son entreprise. D’une part, parce que la performance de rôle semble ne pas varier véritablement en fonction des relations du cadre à l’entreprise, mais aussi parce que cette forme de distance ou d’indifférence permet à l’individu de protéger son identité personnelle d’une forme de « pression à l’identification » exercée parfois par la culture d’entreprise managériale et par ses valeurs. Cette prise de distance peut donc être facteur d’équilibre personnel. Enfin, le cynisme organisationnel (scepticisme, désillusion et/ou dénigrement) est présent dans les rapports identitaires à l’entreprise. Il traduit à la fois une distance critique vis-à-vis de l’organisation, mais aussi une lucidité sur les pratiques de management des entreprises qui, parfois, peuvent tenir un discours de façade éloigné de la réalité perçue par les cadres dans l’exercice des décisions managériales. Il peut aussi être lié à des désillusions ressenties sur le lieu de travail. C’est souvent avec résignation que les cadres évoluent dans ce contexte, considéré comme inévitable, et comme le symptôme du contexte économique et idéologique actuel. La postmodernité, et tout ce qu’elle implique en termes de système de valeurs individualistes et de méfiance généralisée envers l’institution (dont l’entreprise fait partie) a certainement profondément modifié le rapport des cadres à l’entreprise. D’autre part, un autre résultat majeur de l’étude concerne le rôle du soutien organisationnel. Quand il est perçu de manière positive par les cadres qui se sentent ainsi encouragés, soutenus et valorisés, il est de nature à réduire très sensiblement le cynisme. Il détermine aussi en grande partie l’identification du cadre à l’entreprise, sa citoyenneté organisationnelle et diminue significativement l’intention de départ. Enfin, une des limites de l’étude, qui constitue aussi un des ses enseignements, réside dans la difficulté à isoler le rapport à l’entreprise du rapport au travail. Les cadres ont en effet un rapport quotidien et très étroit avec leur équipe de travail, leurs subordonnés et leurs supérieurs hiérarchiques. Très souvent, les rapports identitaires se font davantage avec cet environnement proche, ainsi qu’avec le métier du cadre, plutôt qu’avec l’entreprise en tant qu’entité. Celle-ci apparaît d’ailleurs parfois secondaire par rapport au métier ou au travail. Ce constat pose la difficulté à considérer l’entreprise en tant qu’entité. Les contours d’une entreprise sont de plus en plus flous, notamment quand elle est, au sein d’un groupe, composée de filiales et de sous filiales. L’actionnariat, en partie anonyme, y est parfois instable et changeant. Pareillement, en ce qui concerne l’image et les valeurs véhiculée © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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conclusion générale
par l’entreprise, il s’agit souvent d’une image façonnée par le marketing qui peut donc paraître factice aux yeux des cadres. Cette image, qui nécessite tout de même une certaine stabilité, peut changer au gré des modes et des valeurs dominantes du moment. Ainsi, pour toutes ces raisons, il n’y a pas peut-être pas toujours pertinence à considérer l’entreprise comme une entité stable et empreinte de valeurs, source d’attributs identitaires comme le sont un métier avec une formation, une religion, ou bien une communauté, quelle qu’elle soit.
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La principale préconisation à formuler suite à cette étude serait donc de ne pas forcément se focaliser sur les rapports des cadres à l’entreprise, mais de considérer davantage le rapport des cadres au travail ou au métier. Ainsi, outre le fait de faire attention à la perception d’un soutien organisationnel par les cadres, déterminant dans de nombreux domaines, les entreprises devraient accepter les différences de positionnement identitaire puisqu’elles ne déterminent pas significativement le niveau de performance et agir sur le contenu du travail plutôt que sur le rapport identitaire.
annexes
■■ ANNEXE I QUESTIONNAIRE de l’éTUDE QUANTITATIVE enquête on-line Apec – LE RAPPORT DES CADRES à L’ENTREPRISE • Le message d’accompagnement Madame, Monsieur, L’Apec réalise, en partenariat avec le LIRHE (Laboratoire Interdisciplinaire de recherche sur les Ressources Humaines et l’Emploi), une étude portant sur la relation des cadres à leur entreprise. Dans ce contexte, nous vous proposons de répondre à un questionnaire destiné à évaluer cette relation. L’objet de cette étude porte sur la relation complexe que tout salarié peut avoir avec son employeur au cours de sa carrière. Celle-ci peut recouvrir aussi bien des dimensions positives que des dimensions plus ambiguës. En effet, la pression croissante qui peut être exercée sur les cadres, une ambiance de travail parfois tendue ou les difficultés à concilier sa vie professionnelle et sa vie privée peuvent générer une prise de distance entre le salarié et son employeur aussi bien qu’une identification. Nous vous garantissons la stricte confidentialité des informations que vous fournirez dans ce questionnaire. Vous pouvez être assuré(e) que toutes les informations recueillies n’auront pour seul but que de faire avancer la recherche scientifique en gestion des ressources humaines. Aucune information liée à votre identité ne sera divulguée.
Une série de courtes affirmations va vous être présentée (49 au total). Après lecture de chaque affirmation, vous indiquerez votre accord ou votre désaccord en cochant ou en entourant l’un des éléments suivants : 1. 2. 3. 4. 5.
Pas du tout d’accord Plutôt pas d’accord Ni d’accord, ni pas d’accord Plutôt d’accord Tout à fait d’accord
Selon les affirmations, vous vous référerez soit à l’entreprise en général, soit à l’entreprise dans laquelle vous travaillez actuellement. En aucun cas nous ne vous demanderons le nom de votre entreprise. Merci de répondre à toutes les questions. En effet, même si vous constatez que les items inclus dans chaque thématique se ressemblent, les nuances qu’ils contiennent sont essentielles pour différencier les répondants.
Le temps de réponse est environ de dix minutes. Merci d’avance de votre collaboration.
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annexes
• Le questionnaire Quelle est l’image de votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord 1.
« Mon entourage personnel a une bonne opinion de mon entreprise »
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2.
« En général, les gens trouvent qu’il est valorisant de travailler dans mon entreprise »
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3.
« Mon entreprise est considérée comme l’une des meilleures dans son secteur d’activité »
1
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4.
« Les salariés des autres entreprises n’ont pas beaucoup d’estime pour mon entreprise »
1
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5.
« Beaucoup de gens seraient fiers de travailler dans mon entreprise »
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« Mon entreprise n’a pas une bonne réputation »
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Vous identifiez-vous à votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord 7.
« Quand quelqu’un critique mon entreprise, je me sens personnellement attaqué(e) »
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« Je m’intéresse beaucoup à ce que les autres pensent de mon entreprise »
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« Lorsque je parle de mon entreprise, je dis plus souvent "nous" que "ils"»
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10. « Je considère les succès de mon entreprise comme étant aussi les miens »
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Quand quelqu’un dit du bien de mon entreprise, je le prends comme un com11. «pliment personnel »
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Inversement, avez-vous des reproches à faire à votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord
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12. « Je me sens parfois gêné(e) de faire partie de cette entreprise »
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Mon entreprise a déjà fait des choses que j’estime incorrectes d’un point de 13. «vue moral »
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14. « Il m’est arrivé d’avoir honte de ce qui se passe dans mon entreprise »
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15. « Je trouve que mon entreprise a des comportements scandaleux »
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Je veux qu’on sache que je ne suis pas d’accord avec la manière dont se com16. «porte mon entreprise »
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Vous sentez-vous soutenu par votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord 17. « Mon entreprise cherche à rendre mon travail aussi intéressant que possible »
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Mon entreprise fait le nécessaire pour m’aider à effectuer mon travail au 18. «mieux de mes capacités »
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19. « Mon entreprise prend réellement en considération mes objectifs et mes valeurs »
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20. « Mon entreprise est réellement attentive à mon bien-être »
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21. « Quand j’ai un problème, mon entreprise m’apporte son aide »
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Quand bien même je réaliserais un travail exceptionnel, mon entreprise ne le 22. «remarquerait pas »
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mon entreprise évalue mon travail, elle me note généralement comme 23. «unQuand salarié performant »
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Que pensez-vous de votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord Je pense que mon entreprise a tendance à annoncer une chose et à faire autre 24. «chose »
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Les objectifs affichés par mon entreprise sont éloignés de ce qu'elle fait en 25. «réalité »
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Quand mon entreprise annonce qu'elle va faire quelque chose, j'estime peu pro26. «bable que cela se réalise un jour »
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Il y a un écart entre ce que mon entreprise attend de ses salariés et la 27. «manière dont elle les récompense »
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du mal à voir la cohérence entre ce que mon entreprise dit qu’elle va faire 28. «etJ'ai ce qu'elle fait en réalité »
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Que pensez-vous de votre emploi ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord 29. « Je suis devenu(e) assez sceptique en ce qui concerne l’utilité de mon travail »
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30. « Depuis que j’exerce cet emploi, mon travail m’intéresse moins »
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31. « J’ai perdu l’enthousiasme que j’avais pour mon travail »
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32. « Parfois, je me demande si le travail que je fais est d’une quelconque utilité »
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33. « J’aimerais juste accomplir mon travail et, à côté, être laissé(e) en paix »
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34. « Je pense souvent à quitter mon entreprise »
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l’intention de chercher un emploi dans une autre entreprise durant l’année 35. «quiJ’ai vient »
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Quelles sont vos aspirations ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord 36. « Cela me manquerait vraiment si je n’appartenais pas à une entreprise»
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En général, plus mes objectifs et mes valeurs sont semblables à ceux de mon 37. «employeur et plus je suis heureux (se) »
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De manière générale, je ne ressens pas le besoin de m’identifier à l’entreprise 38. «dans laquelle je travaille »
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travailler dans une entreprise qui me ferait penser que ses succès et 39. «sesJ’aimerais échecs sont aussi les miens »
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je parle de l’entreprise dans laquelle je travaille, je préfère pouvoir dire 40. «« Quand nous » plutôt que « ils » »
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41. « Je ne serais pas moi-même sans une organisation où travailler »
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Peu importe l’entreprise où je travaille, j’ai besoin d’épouser les valeurs qu’elle 42. «défend »
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Et vous, comment parlez-vous de votre entreprise ? 1 : pas du tout d’accord / 2 : plutôt pas d’accord / 3 : sans opinion / 4 : plutôt d’accord / 5 : tout à fait d’accord
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43. « Je dis autour de moi qu’il est agréable de travailler dans mon entreprise »
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44. « Je prends la défense de mon entreprise quand d’autres salariés la critiquent »
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45. « A l’extérieur, je présente toujours mon entreprise de façon positive »
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« Il m’arrive d’être sarcastique à propos des slogans ou des initiatives de mon 46. entreprise »
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Ce que la direction de mon entreprise me demande de faire me laisse souvent 47. «dubitatif »
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Je m’abstiens de faire des suggestions d’amélioration car je pense que rien ne 48. «changera de toute façon »
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Je parle avec mes collègues de l’incompétence du management de mon entre49. «prise »
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50. « Il m’arrive d’avoir recours à l’humour cynique en parlant de mon entreprise »
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• La fiche signalétique Je suis : Mon âge :
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ans
La durée de mon expérience en tant que cadre :
années
Mon ancienneté dans mon entreprise actuelle :
années
A l’occasion de mon dernier entretien annuel d’évaluation, mon supérieur hiérarchique a qualifié ma performance globale au travail de : Très en dessous des attentes Plutôt au dessous des attentes Conforme aux attentes Plutôt au dessus des attentes Très au dessus des attentes Si j’avais à qualifier moi-même ma performance au travail par rapport à celle des mes collègues, je dirais que je me situe : Très en dessous Plutôt en dessous Dans la moyenne Plutôt au dessus Très au dessus Ma fonction : Direction générale Services techniques Marketing, Commercial Gestion administrative Informatique Communication, Création
Production Recherche, Développement Activités tertiaires Finance, Comptabilité Ressources humaines Santé, Social, Culture
Autre, précisez : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mon secteur d’activité : Activités des ménages Assurance Commerce Edition, imprimerie, reproduction Extraction, énergie Hôtels, restaurants Industrie agro-alimentaire Industrie bois, papier Industrie textile, habillement Santé et action social Services collectifs Transport et communication
Agriculture Banque Construction Etudes techniques et R. et D. Fabrication de machines et équipements Immobilier Industrie automobile et fabrication matériels Industrie chimique et pharmaceutique Métallurgie Services aux entreprises Services informatiques
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La taille de mon entreprise : Localisation géographique : Ma formation d’origine : Economie, gestion, Commerce marketing Technique, scientifique, ingénieur Droit, sciences politiques Lettres, sciences humaines, communication Médico-social, culture et éducatif Autre, précisez : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
• Le message de fin de questionnaire Ce questionnaire touche à sa fin. Si vous souhaitez obtenir une synthèse des résultats de cette étude, veuillez cocher la case suivante : « Je souhaite recevoir une synthèse des résultats de l’étude » Enfin, nous vous informons qu’après l’enquête par questionnaire, notre design de recherche prévoit une série d’entretiens (à partir de l’année 2009) destinés à obtenir une information plus « qualitative » qui, bien sûr, obéira aux mêmes règles de confidentialité. Si vous souhaitez être sollicité(e) pour un entretien, merci de cocher la case suivante : « Je veux bien être sollicité pour un entretien confidentiel ultérieur (2009) » Merci de votre collaboration.
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■■ ANNEXE Ii GUIDE D’ENTRETIEN de l’enquête qualitative Le rapport des cadres à l’entreprise « Enseignant et doctorant en sciences de gestion au sein d’un laboratoire de recherche, le LIRHE de Toulouse (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les Ressources Humaines et l’Emploi) mène une étude en partenariat avec l’Apec… Cette étude porte sur le rapport des cadres à l’entreprise... Cet entretien fait suite au questionnaire que vous avez rempli sur internet. » Ouverture : « Nous allons d’abord évoquer votre fonction générale au sein de votre entreprise. » 1. Quels sont votre fonction et votre rôle au sein de votre entreprise ? Comment décririez-vous votre place ? Centrage : 2. « Faites-vous une différence entre votre identité personnelle et votre identité professionnelle ? Est-ce important pour vous ? Pourquoi ? » Approfondissements : « Le soutien que vous apporte votre entreprise » : 3. Vous sentez-vous soutenu(e) et respecté(e) par votre entreprise ? Vos résultats professionnels sont-ils correctement évalués et valorisés par votre entreprise ? Comment vivez-vous cela ? « L’image de votre entreprise » : 4. Quelle est l’image de votre entreprise ? Pensez-vous qu’il est valorisant de travailler pour votre entreprise ? Cette image vous affecte-t-elle ? « Vos aspirations envers votre entreprise » : 5. En général, éprouvez-vous le besoin d’avoir les mêmes valeurs que celle de votre entreprise ? Seriez-vous la même personne si vous ne travailliez pas dans une entreprise ? « Votre rapport à l’entreprise » : 6. Avez-vous le sentiment d’être une personne différente au travail et dans votre vie privée ? 7. Dans quelle mesure votre identité professionnelle est reliée, non pas à votre métier ou a votre formation de base, mais à votre entreprise actuelle ? Pour vous, en
quoi est-ce un problème ? En quoi est-ce un avantage ? 8. Vous identifiez-vous à votre entreprise et à ses valeurs ? Pouvez-vous me donner des exemples ? Quand quelqu’un critique votre entreprise, cela vous affectet-il ? 9. Vous arrive-t-il parfois de revendiquer auprès de votre entourage le fait de ne pas être d’accord avec ce que fait votre entreprise ? A quelles occasions ? Quelles en sont les conséquences pour vous ? 10. Vous souciez-vous de votre identité professionnelle ? Pourquoi ? 11. Pendant votre carrière au sein de votre entreprise actuelle, vous est-il arrivé de vous sentir fier(e) d’appartenir à cette entreprise, et, à d’autres moments, d’en avoir honte ? Comment vivez-vous cela ? Votre rapport à l’entreprise est-il parfois ambivalent ? 12. Ressentez-vous une pression sur votre identité ou sur votre personnalité ? Pouvez-vous la décrire ? 13. Avez-vous vécu une situation particulière durant votre travail dans laquelle vous vous êtes senti(e) distancié(e) de votre entreprise ? Par exemple … Comment la décririez-vous ? « Comment parlez-vous de votre entreprise ? » : 14. Comment parlez-vous de votre entreprise à l’extérieur, dans votre vie privée ? Avez-vous tendance à promouvoir et à défendre votre entreprise ? Est-ce important pour vous ? « Vos projets vis à vis de votre entreprise » : 15. Vous arrive-t-il de penser à quitter votre entreprise ? Est-il important pour vous d’être fidèle à votre entreprise ? Pour quelles raisons ? « Votre performance » : 16. Que pense votre supérieur hiérarchique de votre performance au travail ? Cela vous satisfait-il ? Pour quelles raisons ? © Apec – Le rapport des cadres à l’entreprise
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« Cynisme » :
Conclusion :
17. Pouvez-vous me décrire des situations dans lesquelles vous avez pu vous sentir sceptique ou dubitatif vis-àvis des discours ou des agissements de votre entreprise ? Pour vous, ce scepticisme est-il plutôt une bonne ou une mauvaise chose ?
« Qu’est ce qu’une entreprise pour vous » :
18. Pensez-vous que votre entreprise peut avoir des scrupules à faire des choses que l’on peut considérer comme incorrectes vis-à-vis de la morale ? 19. Ressentez-vous parfois une déception vis à vos de votre entreprise ? A quelle(s) occasion(s) ? Dans quelle mesure cela vous affecte-t-il ? Quelles émotions ressentez-vous ? 20. Vous arrive-t-il parfois de critiquer votre entreprise ? Quand vous critiquez votre entreprise, vous sentez-vous soulagé(e) ? Pourquoi ? Avez–vous des scrupules ?
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21. Les questions que je viens de vous poser vous semblent-elles concerner quelque chose d’important dans votre rapport avec votre entreprise ? Comment caractériseriez-vous cette chose ? 22. Quelle est votre opinion personnelle ? « Nous avons abordé beaucoup de choses personnelles, nous pouvons maintenant reprendre notre vie de tous les jours. » « L’entretien est terminé, je vous remercie de votre participation. »
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■■ BIBLIOGRAPHIE Atwater, D, Atwater, L.E., Cartier, P. et Waldman D.A., An upward feedback field experiment : Supervisors’ cynicism, reactions and commitment to subordinates, Personnel Psychology, 2003, 53.
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L’enquête a été réalisée par emailing du 1er au 9 décembre 2009 auprès d’un échantillon de 1200 cadres du secteur privé représentatifs des cadres du secteur privé actuellement en poste selon l’âge et le sexe.
stress, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que ce dernier constitue un marqueur social positif pour les managers et les dirigeants.
Deux questions sur le stress ont été intégrées et l’analyse des réponses confirme que les cadres sont partagés sur ce sujet et surtout ambigus, les lignes de partage se structurant clairement selon les positions dans l’organisation. Près des deux tiers des cadres interrogés déclarent un niveau de stress élevé et les cadres de Direction générale ou les responsables hiérarchiques déclarent un niveau de stress nettement plus élevé que les cadres experts. Mais le fait de déclarer un niveau de stress élevé ne constitue pas pour autant automatiquement un indicateur de conditions de travail dégradées. En effet, un peu plus de la moitié des cadres déclarent avoir une relation positive au stress, vu jusqu’à un certain niveau comme un stimulant et ce point de vue est de plus en plus fréquent à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie de l’entreprise. 73 % des cadres de Direction générale indiquent avoir une relation positive au stress, alors que c’est le cas de 57 % des cadres responsables hiérarchiques, de 53 % des cadres responsables de projets et de 50 % des cadres experts.
• Jugement positif sur le stress et niveau de stress élevé ou très élevé = un tiers des cadres. ISBN 978-2-7336-06100 Les cadres de Direction générale, les responsables hiérarchiques et les moins de 30 ans sont particulièrement Le rapport des cadres l’entreprise représentés dans cetteà catégorie. • Jugement négatif sur le stress et niveau de stress élevé Association Cadres ou très élevéPour = un l’Emploi tiers des des cadres. 51, boulevard Brune – 75689 Paris Cedex 14 Les cadres de 50 ans et plus sont fortement représentés dans ce groupe. • Jugement positif sur le stress et niveau de stress peu ou pas élevé = 20 % des cadres. Les moins de 30 ans sont sur-représentés dans cette catégorie. • Jugement négatif sur le stress et niveau de stress peu ou pas élevé = 14 % des cadres. Les cadres experts sont légèrement sur-représentés ici. Cette diversité du positionnement des cadres face au stress confirme les analyses des enquêtes qualitatives. Le « stress positif » est indéniablement une valeur pour la majorité des cadres, en particulier chez les responsables hiérarchiques. Ces différences d’appréciation en fonction de la position dans la hiérarchie sont à souligner. En effet, comment les cadres dirigeants et les managers peuvent prévenir le stress s’ils considèrent majoritairement que leur niveau de stress élevé constitue un élément globalement positif ? Pour prévenir le
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E D OB SA 0 11 4 -0 4 . 1 1
Ainsi, les deux opinions – niveau de stress et jugement sur le stress – ne se recoupent pas totalement et quatre catégories de cadres émergent.