HISTOIRE DE LA RADIO ET DE LA TÉLÉVISION EN FRANCE Chapitre 1 - La suprématie de la radio 1/4 Guillaume Blanc
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PLAN DU COURS Chap. 1 - La suprématie de la radio (début 20ème s. - années 1950) I. La mise au point de la TSF (1865-1922) II. L'essor des stations (années 20 et 30) III. La guerre des ondes (années 1940) IV. Radio privées et radiodiffusion d'Etat (années 1950)
Chap. 2 - L'hégémonie de la télévision (années 1960 - début 21ème s.) I. La naissance et la consolidation de la télévision (années 1960) II. La consolidation de la télévision sous de Gaulle (années 1960)
III. Les prémices d'une libéralisation (années 1970) IV. Les bases d'un système mixte de radio-télévision (années 1980) V. Recompositions et consolidations (années 1990-2000) Hist. Radio TV – Chap. 1.I
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I. LA DÉCOUVERTE DE LA TSF (1865-1922) 1. Le télégraphe aux origines de la radio 2. De multiples découvertes
3. Marconi : de l’invention aux premières utilisations 4. Un intérêt stratégique, commercial et militaire
5. Un rôle politique dès la 1ère guerre mondiale 3 Hist. Radio TV – Chap. 1.I
Selon P. Flichy, les historiographies de la radio sont très nombreuses : les grandes encyclopédies attribuent cinq inventeurs à la radio :
Pour le Lexicon der Deutschen Buchgemeinschaft, Hertz en est le père,
Pour la Malaïa Saviestkaîa Entsiklopedia c'est Popov.
La Nuova Enciclopedia Sonzogno donne évidemment la première place à Marconi.
Le Larousse universel le cite mais après Branly
l'Encyclopedia Britannica choisit Lodge. 4
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Nous retiendrons que : La radio est une invention collective, née de la coopération d'inventeurs de diverses nations dont les travaux ont commencé au milieu du 19e siècle.
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1. LE TÉLÉGRAPHE AUX ORIGINES DE LA RADIO
Si le télégraphe optique existe depuis l’antiquité, le télégraphe Chappe se développe fin XVIIIe.
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Les trente dernières années du 19ème siècle voient s’accélérer les progrès des transports et l'essor des télécommunications, notamment le télégraphe électrique, rendu mondial grâce a la pose de câbles transatlantiques.
Dès 1872, il est possible de télégraphier de Londres à Tokyo, de New York à Paris en quelques minutes.
L'engouement pour l’Electricité se traduit par une fascination sociale (cf. expos universelles, J. Vernes, etc.). 7
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En 1876, Alexander Graham Bell dépose le brevet du téléphone.
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Pourtant, des obstacles techniques et financiers s'opposent à la diffusion élargie du télégraphe et du téléphone : les câbles sont chers, difficiles à poser.
Au même moment, nombre de scientifiques s'interrogent sur la nature de l'électricité.
A la fin des années 1880 se produit une avancée majeure : la découverte des ondes hertziennes.
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2. DE MULTIPLES DÉCOUVERTES
L'invention de la TSF s'inscrit dans une longue lignée de recherches techniques qui avaient pour objectif d'affranchir la télégraphie des fils.
Quelques expériences de précurseurs : En 1844, l'Américain Samuel Morse est le premier qui réussit à télégraphier sans fil grâce à la conductibilité électrique du sol et de l'eau (télégraphie par conduction naturelle) : 1600 mètres. Simple possibilité théorique, l'idée de transmission sans fil devient, avec les années 1890, un problème concret auquel s'attaquent les ingénieurs électriciens.
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Année clef : 1888
En 1888, Heinrich Rudolph Hertz démontre l’existence d’ondes radio.
Ces ondes sont des impulsions électriques invisibles se propageant dans l’atmosphère et l’espace.
Ces ondes radio (du latin radius, rayon) sont appelées « hertziennes » du nom de leur découvreur. Elles se propagent à la vitesse de la lumière. Les ondes courtes peuvent faire le tour du monde. 11
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En France, Edouard Branly, professeur à l'Institut catholique, poursuit des expériences sur la conductibilité électrique qui le conduiront à réaliser en 1890 un dispositif expérimental confirmant les données de Hertz. Il s’agit d’un tube à limaille métallique détecteur d'ondes: le cohéreur.
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En Angleterre, en Russie, en Italie, plusieurs chercheurs étudient déjà les ondes hertziennes.
1894 : A Oxford, Oliver Lodge perfectionne le cohéreur de Branly et parvient à émettre à plus de soixante-dix mètres de distance.
L’année suivante, en 1895, le russe Alexandre Popov met au point un récepteur amélioré grâce à une antenne verticale.
Les éléments nécessaires à la transmission des ondes sont déjà au point mais personne n'a encore eu l'idée de les intégrer en un système cohérent de télécommunications 13
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3. MARCONI : DE L’INVENTION AUX PREMIÈRES UTILISATIONS
Guglielmo Marconi (1874-1937) n'a reçu aucune véritable formation scientifique. Son idée : utiliser les ondes hertziennes pour transmettre des signaux.
Il reprend les découvertes de Hertz et le cohéreur de Branly mais ajoute deux innovations : un système morse et une antenne pour l'émission.
Fin septembre 1895, il parvient à transmettre à plusieurs centaines de mètres.
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1896 :
Année de naissance de la radio si on considère qu'il s'agit de la première transmission de signaux télégraphiques sans fil.
C'est également l’année du premier radiotélégraphie déposé par Marconi.
Marconi envisage déjà l'utilisation commerciale de sa découverte. Son invention est refusée par le gouvernement italien.
Il part en février 1896 pour l'Angleterre, grande puissance maritime de l'époque qui contrôle les principales compagnies de télégraphe de la planète.
brevet
de
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A Londres, Marconi réussit les tests proposés par le ministère des Postes (transmissions sur plusieurs km).
En juillet 1897, son système est breveté; il fonde alors sa propre société.
Pour assurer la diffusion de son invention, il se lance dans des opérations de promotion spectaculaires qui lui assurent sa réussite aux Etats-Unis, alors qu’en France, en octobre 1898, Eugène Ducretet réussit la première liaison entre la tour Eiffel et le Panthéon..
On peut opérer un parallèle avec la logique qui a prévalu pour la micro-informatique, Microsoft (Bill Gates et Paul Allen) déposant des brevets pour imposer des standards et le paiement de licences. 16
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L'armée, puis la marine britannique adoptent cette invention, Marconi crée peu à peu un quasimonopole.
La supériorité de Marconi sur les autres inventeurs tient à deux phénomènes : Une avance de quelques mois toujours conservée : course à l’innovation. Des recherches techniques pour accroître la fiabilité et les performances du système.
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Une station TSF à terre…
…et dans un navire
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4. UN INTÉRÊT STRATÉGIQUE, COMMERCIAL ET MILITAIRE
Durant les années 1900-1910, les scientifiques et les industriels restent prudents à l'égard d'un système qui est loin d'avoir fait ses preuves.
Multiples limitations : Même à courte distance, la réception reste très mauvaise ; Le record de rapidité de la TSF permet de transmettre 15 mots minute contre 500 pour le télégraphe (procédés d’automatisation) ; Des interférences brouillent la réception.
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Mais les progrès s’accélèrent :
12 décembre 1901 : première liaison transatlantique. Marconi installe sur les falaises de Cornouailles la station émettrice du Poldhu. A Terre-Neuve, Kemp, son assistant, perçoit le signal en provenance de GrandeBretagne : trois points, la lettre S en morse.
Cette liaison transatlantique confirme le succès de Marconi qui installe des stations de TSF sur les côtes anglaises et américaines.
La TSF sert rapidement à relier les navires aux ports de la côte. 20
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En France, le capitaine Gustave Ferrié (futur Général Ferrié) est à l’origine du développement de la TSF :
En 1902, il fait connaître la TSF en assurant la liaison avec la Martinique coupée du monde après l'éruption de la Montagne pelée.
Sur sa demande, l'armée accepte en 1903 d'utiliser la tour Eiffel pour y installer un émetteur. 21
En 1905, lors de la guerre russo-japonaise, l’intérêt militaire de la TSF est évident.
La TSF apparaît ainsi comme une arme de guerre, attisant déjà les rivalités nationalistes.
Il faut sur ce point rappeler le contexte politique de montée des nationalismes au début du 20ème siècle, et la rivalité des empires coloniaux.
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Une recherche de contrôle des Ondes :
Pour s'assurer le contrôle des ondes, Marconi interdit à ses stations de part et d'autre de l'Atlantique de communiquer avec les navires équipés d'autres systèmes.
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Violente réaction de l'Allemagne (système Slaby).
En 1906, la 2ème conférence internationale de Berlin sur la TSF impose à Marconi de communiquer avec tous les navires, quel que soit leur système de transmission.
Ce type de pratique peut être rapprochée de la question des standards : PAL/SECAM, VHS, DVD HD, Windows, etc. cf. Position de Bill Gates.
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La TSF et la transmission de la voix humaine, révolution dans le domaine de la radio rendue possible grâce à deux innovations :
1. La transmission par modulation
d'amplitude (AM) du son et de la voix par Reginald Fessenden dès décembre 1900.
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2. Une évolution technologique dérivée de la lampe à
filament d'Edison (21 octobre 1879) : la triode, amplificateur mis au point par Lee de Forest en 1907, et qui sera à la base de toute l’électronique moderne (remplacée depuis par le transistor).
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Lee de Forest réalise sa première grande démonstration en France en 1908 : il émet du haut de la tour Eiffel la musique d’un phonographe.
Deux ans plus tard, à New York, il transmet à plus de trente kilomètres le récital du ténor Caruso.
Alors que Marconi ne voyait dans la TSF qu'un complément du télégraphe à l'usage des compagnies maritimes et des gouvernements, Lee de Forest prévoit déjà la radio :
"Un jour l'opéra pourra être apporté dans chaque maison. [...] Un jour, les nouvelles et même la publicité seront envoyées par le téléphone sans fil." 27
La généralisation de la TSF maritime : 2 épisodes marquants :
Le 13 janvier 1909, une collision entre deux navires près des côtes américaines : un des navires, muni d'un système radio, lance des appels de détresse, ce qui permettra un sauvetage.
En 1912, le naufrage du Titanic (711 rescapés, 1490 morts) permet à la TSF d'acquérir une aura nouvelle. Dans l'imagination populaire, Titanic et TSF seront longtemps liés, la TSF permettant de suivre le naufrage « en direct ». 28
Conséquences : en 1912, deux conférences (avec 60 pays) établissent les règles et les procédures radio à mettre en œuvre sur les bateaux :
Radio à bord des navires transportant des passagers obligatoire ;
Bande de fréquences spéciale pour les signaux de détresse ;
L'usage du fameux signal de détresse S.O.S. (save our soul) qui, en code Morse, se compose de trois émissions brèves, suivies de trois longues, etc.
Ces mesures ont été peu à peu délaissées à partir des années 1980 et abandonnées en 1999 (réseau satellite a pris le relais). 29
A la veille de la Première Guerre mondiale, Marconi a construit le monopole de la radiocommunication = vision industrielle.
La situation est très différente avec De Forest dont on a précédemment parlé. Quelques mois après avoir déposé le brevet de la triode (récepteur à lampe), il écrit dans son journal (cf. Flichy) :
« Ma présente tâche (particulièrement agréable) est de distribuer de douces mélodies "à la volée" à travers les villes et les mers de façon à ce que les marins au loin puissent écouter à travers les ondes la musique de chez eux. » 30
Autres ex. : De Forest transmet un appel pour le droit de vote des femmes et réalise des journaux radio. Ses expériences resteront marginales faute d'une diffusion massive des récepteurs (la triode n'est pas encore industrialisée) et surtout d'un mode de paiement des programmes radio.
De Forest est un inventeur aussi important que Marconi. Tous deux ont mis au point les techniques de base de la radio, ils en ont également défini les usages sociaux. Marconi imagine un mode de mise sur le marché, De Forest reste centré sur les usages culturels de son invention.
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5. LE RÔLE POLITIQUE DE LA TSF DURANT LA 1ÈRE GUERRE MONDIALE
Les premiers postes à galène (minéral composé de sulfure de plomb aux propriétés semiconductrices)
A la veille de la guerre de 1914, les ondes sont déjà encombrées. Une multitude d'auditeurs et d'opérateurs amateurs découvrent la radio et se procurent des récepteurs à cristaux peu coûteux, les premiers postes à galène.
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La radio commence à avoir un rôle politique de premier ordre : chaque gouvernement s’attribue une longueur d'onde pour ses communications militaires.
la TSF est au cœur de la guerre : En août 1914, dès le début de la guerre, l'Angleterre coupe les câbles sous-marins reliant l'Allemagne au reste du monde. Le blocus est déjà celui de l'information. Les pays belligérants réaffirment le monopole d'Etat des télécommunications. En France, Ferrié réquisitionne les entreprises de matériel radio, fait fabriquer les triodes en série.
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La TSF sert alors de relais à divers appels aux peuples : en 1916, les catholiques irlandais transmettent sur les ondes leur message de révolte; en 1917, idem pour la révolution bolchevique en Russie.
En janvier 1918, le président américain Wilson s'adresse directement aux peuples d'Europe pour leur faire connaître son programme de paix en 14 points (« la paix dans le monde pour l’établissement de la démocratie »).
1918 : la production est industrialisée, la télégraphie sans fil va céder peu à peu la place à la radio. 34
