Yannick AUBRY
Guide pratique et juridique de l’expatrié
Troisième édition
© Éditions d'Organisation, 1999, 2001, 2003 ISBN : 2-7081-2867-1
III
Partie 3 - LE CONTRAT DE TRAVAIL
e droit du travail étant d’application territoriale, quelles qu’en soient les conditions, une mobilité internationale produira des effets sur les relations du travail.
L
Envoyé à l’étranger par une entreprise française ? Recruté par une société étrangère ? ... les relations juridiques salarié-employeur seront modifiées
Elle fait sortir du cadre habituel des relations employeur-salarié telles qu’elles résultent du droit du travail et des conventions collectives. Forme du contrat de travail, congés payés, calcul de rémunération, licenciement, contentieux, retour en France... une période de travail à l’étranger implique des clauses inhabituelles dans la gestion des ressources humaines traditionnelles. Il est important de rédiger un document spécial destiné à définir les conditions de la mission à l’étranger. Il convient d’être vigilant sur son contenu. Car en dehors de quelques points particuliers (compétence des Tribunaux en cas de litige, garantie légale de réintégration dans certains cas, parfois convention collective applicable, etc.) le cadre juridique spécifique d’une expatriation n’est pas très contraignant. Les documents contractuels seront le texte de référence en cas de difficultés.
CHAPITRE I – LES DOCUMENTS CONTRACTUELS CHAPITRE II – LE CONTENU D’UN DOCUMENT TYPE CHAPITRE III – DANS CERTAINS CAS, ...UNE GARANTIE DE RÉINTÉGRATION
p. 36 p. 40 p. 52
35 © Éditions d’Organisation
Guide pratique et juridique de l’expatrié
CHAPITRE I
LES DOCUMENTS CONTRACTUELS Le cadre contractuel de la Mobilité Internationale d’une personne variera selon que le salarié appartient déjà à l’entreprise, qu’il est recruté spécialement pour la mission à l’étranger ou qu’il est recruté directement par une société étrangère. En pratique, il n’existe pas de règle unique quant à la forme et au contenu des documents nécessaires… à l’exception de la rédaction d’un contrat local lorsque la réglementation du pays l’exige. Mais, afin que l’opération soit parfaitement organisée et sécurisée, à la fois pour le salarié et l’employeur, une mobilité internationale impose plusieurs documents contractuels selon la situation : ♦ Premier document : le contrat de travail originel, ♦ Deuxième document : un avenant d’expatriation/détachement, ♦ Troisième document : un contrat de travail local, ♦ Quatrième document : un accord tripartite de transfert.
1er DOCUMENT – LE CONTRAT DE TRAVAIL ORIGINEL L’envoi à l’étranger par un employeur français ne rompt pas le contrat de travail originel qui le lie à son collaborateur. Son application est seulement suspendue et modifiée par un autre document (avenant d’expatriation/détachement ou lettre de mission) qui l’adapte aux nouvelles conditions de travail. Le salarié reste juridiquement rattaché à l’entreprise française qui expatrie (c’est elle qui devra assurer la réintégration en fin de mission et qui payera les charges sociales pour ceux qui ont le statut sécurité sociale de détaché). Simplement, le salarié passe pour une période temporaire sous le contrôle de l’entreprise étrangère auprès de laquelle il est envoyé.
2e DOCUMENT – L’AVENANT D’EXPATRIATION Quel que soit le nom qui lui est donné (avenant d’expatriation, lettre de mission, lettre de détachement, etc.), l’envoi d’un salarié à l’étranger par un employeur français doit faire l’objet d’un document particulier dont le but est de préciser les conditions pratiques, matérielles et juridiques de la mission. Pendant sa durée de validité, il se substitue au contrat de travail originel et constitue la seule référence en cas de litige.
36 © Éditions d’Organisation
Il faut procéder méthodiquement, examiner tous les points et rédiger un texte adapté pour répondre - par avance - aux questions qui pourraient se poser au cours de la mission à l’étranger et éliminer tout vide juridique, ... sinon, attention aux mauvaises surprises !
Une règle essentielle : pas de travail à l’étranger sans un document écrit qui en précise les conditions.
En principe, les entreprises habituées à gérer des expatriés ont conçu un modèle type d’avenant spécifique à cette situation. La difficulté n’existera éventuellement que pour les salariés d’une société qui ne maîtrise pas les particularités et contraintes de la gestion du personnel envoyé à l’étranger.
3e DOCUMENT – LE CONTRAT DE TRAVAIL DE DROIT LOCAL Le plus souvent, le salarié aura un contrat de travail conforme au droit du pays dans lequel vous l’envoyez… ne serai-ce que : ♦ pour l’obtention d’une autorisation de Un document à présenter aux administrations étrangères. travail pour les expatriations hors États membres de l’Union Européenne (ce Le contrat de travail local devra être remis aux sercontrat devra parfois être soumis au visa de vices de l’immigration ou de police pour l’obtenl’administration du pays), tion d’un permis de travail (obligatoire pour travailler légalement dans un pays) ou d’une carte de ♦ pour l’obtention d’une carte de séjour séjour dans les pays de l’Union Européenne... pour les missions dans les pays membres Parfois, surtout en Afrique, il doit reprendre des clauses types et être soumis à l’agrément préade l’Union Européenne, ou lable du Ministère du Travail du pays. ♦ parce que le droit du travail du pays l’exige. Son contenu est très variable et dépend de la législation du pays d’affectation. Cependant, il devra respecter une règle incontournable : en aucun cas, il ne pourra déroger aux dispositions considérées d’ordre public par la législation du pays (protection sociale, conditions de travail, etc.). Mais, selon la situation, les conséquences de ce document seront différentes : a) pour une personne envoyée à l’étranger par l’entreprise française qui l’employait avant la mission.
37
© Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
MÉTHODOLOGIE RECOMMANDÉE
Guide pratique et juridique de l’expatrié
Le contrat local sera secondaire par rapport au contrat de travail d’origine et à l’avenant signé avec l’employeur français. Il régira seulement les rapports entre le salarié et l’implantation étrangère d’accueil et n’aura que peu d’incidences dans les relations avec l’employeur français. Sur place, il ne s’imposera que pour les dispositions considérées localement comme étant « d’ordre public » auxquelles il est impossible de déroger (ces dispositions sont variables selon les pays : congés payés, durée de travail, etc.).
b) pour une personne recrutée directement et seulement sous contrat local par une société étrangère. La personne est employée dans des conditions équivalentes à celles des locaux. Elle est alors placée sous la stricte application du droit du travail du pays… notamment en matière de licenciement et de protection sociale. Le seul employeur sera l’entreprise étrangère et le salarié n’aura aucun lien avec la société-mère ou la filiale française. Cette situation a été confirmée par une décision de la Cour d’Appel de Paris (13 janvier 1998) rendue dans le cadre d’un litige qui opposait un salarié français embauché par SHELL aux Pays-Bas et sa filiale française : ce salarié avait été expatrié par SHELL (Pays-Bas) dans plusieurs pays et n’avait jamais eu de liens contractuels avec SHELL FRANCE. Il estimait que le contrat de travail initial qui le liait avec SHELL Pays-Bas engageait le Groupe et donc SHELL FRANCE. La Cour d’Appel a rejeté sa demande aux motifs que : ♦ « s’il existe des liens étroits entre toutes les sociétés du Groupe, ces sociétés ont une personnalité propre, même si l’une d’entre elles a pu à titre occasionnel apparaître comme le mandataire d’une autre » ; ♦ « l’existence d’un groupe international de sociétés ne saurait rendre la société française responsable des activités des sociétés étrangères ». Il appartient au salarié d’être vigilant et d’analyser soigneusement l’offre qui lui sera faite. Nous conseillons de porter une grande attention sur la protection sociale et de prendre les précautions nécessaires pour qu’il soit maintenu à certains régimes français (sécurité sociale, retraite, chômage...), que l’employeur étranger accepte d’affilier le salarié ou qu’il adhère personnellement. Qu’il s’agisse d’une expatriation ou d’un détachement par une société française ou d’un recrutement directement à l’étranger, le contrat local devra respecter les règles édictées par la législation du pays.
38 © Éditions d’Organisation
Dans certains cas et pour certains pays (Australie, Canada, États-Unis, Union Européenne), une entreprise française peut souhaiter transférer du personnel qu’elle emploie déjà en utilisant un statut local déconnecté de sa politique habituelle de mobilité internationale. Cette solution est parfaitement réalisable dans le cadre d’un accord de transfert tripartite entre la société française, la société étrangère d’accueil et le salarié. Cet accord sera le document unique qui régira les conditions de la mission. Il remplacera l’avenant d’expatriation et le contrat local (ne pas oublier d’y insérer les dispositions réputées d’ordre public par le droit de travail du pays d’affectation). Son contenu dépend de la volonté des parties. Mais, indépendamment des dispositions définissant la mission à effectuer à l’étranger, même si cela n’a aucun caractère obligatoire, nous conseillons de prévoir systématiquement : ♦ la rupture du contrat de travail français, ♦ la conclusion d’un contrat de droit local, ♦ l’application du droit du pays d’accueil et la compétence des juges locaux pour tout litige intervenant au cours de la mission, ♦ le maintien aux régimes de retraite français si le salarié le souhaite, ♦ les conditions de réintégration au sein de la société française en fin de mission, ♦ la conservation des avantages acquis à la date du transfert.
À manipuler avec précaution !
Malgré les avantages qu’elle procure, une telle procédure ne doit pas être systématisée. La décision d’y recourir doit être impérativement réservée à certains pays dont les conditions d’emploi (notamment de rémunération), de travail et de vie sont équivalentes à celles de la France. Elle doit être prise au cas par cas après une étude approfondie de la fonction et de la situation du salarié. Enfin, pour éviter qu’elle n’entraîne l’échec de la mission et des litiges ultérieurs, elle doit toujours être assortie de « mesures d’accompagnement ». Les entreprises qui ne sont pas familières de cette procédure auront tout intérêt à s’entourer des avis de spécialistes avant de se lancer dans une mobilité sous statut local.
39 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
4e DOCUMENT – L’ACCORD DE TRANSFERT TRIPARTITE
Guide pratique et juridique de l’expatrié
SCHÉMA LE PLUS COURANT DES RELATIONS CONTRACTUELLES suspendu pendant le séjour à l’étranger
Contrat de travail français
fin de la mission
Lettre ou avenant de détachement Fixe les conditions réelles de l’expatriation
Contrat de droit local chaque fois que la législation du pays l’exige – Conforme à cette législation
CHAPITRE II
LE CONTENU D’UN DOCUMENT TYPE La diversité des situations ne permet pas de proposer un avenant d’expatriation unique, valable pour toutes les entreprises et toutes les mobilités. Cependant, il est nécessaire que le document contractuel soit le plus complet possible et contienne toutes les règles applicables dans les relations entre les deux parties. Ce document devant être adapté à une affectation à l’étranger, il contiendra des dispositions inhabituelles dans un contrat « franco-français ». Sans que cela ait force de loi, sans que cela soit limitatif parce que la liberté contractuelle est la règle en la matière, nous vous indiquons ce qui constitue, à notre avis, des mentions minimales acceptables par tous.
40 © Éditions d’Organisation
« Ces dispositions constituent un avenant à votre contrat de travail qui reste en vigueur pour toutes les clauses autres que celles modifiées par le présent texte ».
2. – LA DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
L’avenant doit indiquer la date à partir de laquelle le salarié sera affecté à l’étranger... cette mention déterminera le point de départ de l’application des conditions particulières : le régime de protection sociale ainsi que le paiement des salaires et avantages spéciaux liés à la mission. Pour éviter toute difficulté ultérieure, il est indispensable d’introduire une réserve afin que l’employeur puisse avancer ou retarder le départ si l’intérêt de la mission l’exige ainsi que de subordonner l’entrée en vigueur de l’avenant à la survenance de certains événements qui échappent à la volonté de l’entreprise : ♦ résultat de visite médicale d’aptitude à l’expatriation pour le salarié et les membres de la famille qui l’accompagnent, ♦ obtention de visas et autres titres autorisant le séjour et le travail dans le pays, ♦ homologations particulières liées à la nature des fonctions, etc.
Proposition de texte : « vous serez envoyé à ................. à compter du ........ 2003 Cette date pourra être modifiée pour motif tenant à la bonne gestion de la société (ou de l’implantation étrangère) ou pour cas de force majeure. Dans tous les cas, le présent avenant ne prendra effet qu’après l’obtention par vous-même et les membres de votre famille qui vous accompagnent, des visas et titres de séjours et de travail imposés par la législation .................... en matière d’immigration et des autres homologations que la nature de votre mission rendraient nécessaires ». Avant le départ, vous vous soumettrez, ainsi que les membres de votre famille désignés ciaprès qui vous accompagnent à ...................., à un contrôle médical effectué par l’organisme qui vous sera indiqué. Ce contrôle sera renouvelé tous les ans à l’occasion d’un séjour que vous effectuerez en France. En cas d’inaptitude constatée, le présent avenant sera annulé de plein droit.
41 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
1. – UNE INTRODUCTION CLASSIQUE
Guide pratique et juridique de l’expatrié
3. – LE LIEU DE TRAVAIL
Il est nécessaire de préciser le lieu de travail : le pays bien sûr, mais si possible, indiquer le nom et les coordonnées de la société ou de l’implantation d’accueil. Dans le cas où ses fonctions conduiraient le salarié à sortir du pays d’affectation, il est également utile de mentionner le ou les pays où il sera amené à travailler.
4. – LA FONCTION
L’avenant doit contenir la définition la plus précise possible de la mission et indiquer : ♦ le titre et la qualification de l’emploi, ♦ le rattachement hiérarchique avec la société locale, et ♦ les liens institutionnels ou fonctionnels conservés avec la société française.
5. – LA DURÉE DE LA MISSION
La durée de la mission doit être prévue. Le choix est laissé aux parties : ce peut être une durée déterminée ou indéterminée. Mais, la pratique la plus répandue consiste à prévoir une durée déterminée, un an ou deux, avec un renouvellement par reconduction tacite ou expresse. Cette manière de pratiquer n’est valable que dans le cas du transfert à l’étranger d’un salarié déjà employé par l’entreprise. Si vous recrutez quelqu’un spécialement pour une mission à durée déterminée, vous aurez le choix entre deux solutions : ♦ faire un contrat de travail « classique » à durée indéterminée de droit français et un avenant d’expatriation, ♦ faire un contrat de travail à durée déterminée ne couvrant que la mission. Dans ce cas, vous devrez respecter les dispositions du droit français qui régissent le CDD. L’épée de Damoclès de la « garantie d’emploi »
Quelques entreprises françaises ont compris (trop tard) à leurs dépens qu’elles avaient eu tort d’être trop précises dans la rédaction de la clause « durée » de leurs avenants de mobilité ou de prévoir une durée minimum : en 1994 et, plus récemment en 1998, la Cour de Cassation a considéré qu’il s’agissait d’une « garantie d’emploi » et a condamné les employeurs à verser au salarié le solde des salaires restant dus entre la rupture anticipée de la mission et le terme de la période garantie, majoré de dommages et intérêts.
42 © Éditions d’Organisation
Proposition de texte : « Votre affectation à .............. est prévue pour une durée de ...... Elle sera prolongée par périodes de ...... à moins que l’une des parties ne fasse expressément connaître à l’autre son intention d’y mettre un terme ...... mois avant l’échéance de la période en cours. ». La société ou sa filiale ……………………… se réservent la possibilité d’augmenter ou de diminuer la durée de période de mise à disposition prévue ci-dessus en fonction des nécessités de l’entreprise et de l’éventuelle intervention de motifs contraignants.
6. – LA PÉRIODE D’ADAPTATION
S’il s’agit du premier séjour de votre collaborateur dans le pays, il est utile de prévoir une période d’adaptation pour lui permettre de faire connaissance avec le pays et les nouvelles conditions de travail... une sorte de période d’essai qui prendra effet le jour de l’arrivée dans le pays d’affectation et permettra de mettre fin à la mission sans conséquences sur le contrat de travail originel… sauf faute grave.
7. – LA LÉGISLATION APPLICABLE
Il est important de savoir quelle sera la législation applicable dans les relations employeur-salarié au cours de la mission : droit français ou du pays d’affectation ? conventions collectives ? En application du principe de l’autonomie des volontés, l’avenant d’expatriation et les différends qui découlent de son exécution sont régis par la loi choisie par les parties. Pour sécuriser la mobilité, il est indispensable d’exprimer de façon claire à quelle législation vous entendez vous référer pour définir les conditions de l’exécution de l’avenant. Si cela n’est pas fait, en cas de problème, c’est en règle générale la législation de l’État où le travail est réalisé qui s’appliquera. Cependant, parfois si la loi applicable n’est pas mentionnée, les tribunaux français pourront aussi décider d’appliquer la loi :
43 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
Une mauvaise rédaction de la clause « durée » peut créer des difficultés importantes en cas de fin anticipée de l’expatriation. Réservez-vous la possibilité de modifier la durée initiale indiquée dans l’avenant.
Guide pratique et juridique de l’expatrié
♦ du lieu de conclusion de l’avenant, ♦ du siège de l’entreprise, ♦ du pays dont le salarié est ressortissant, ou ♦ la législation qui lui est la plus favorable. Cependant, quelle que soit la loi choisie, vous devrez respecter les dispositions de la législation du pays d’affectation qui sont considérées d’ordre public.
Conventions qui prévoient des dispositions relatives au travail à l’étranger : ♦ bâtiment et travaux publics, ♦ bureaux d’études techniques, ♦ cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseil, ♦ industries chimiques, ♦ industries de l’habillement – annexe IV, ♦ journalistes, ♦ métallurgie, ♦ transport aérien.
Quant aux conventions collectives, en principe, elles ne s’appliquent pas aux activités exercées dans un pays étranger, sauf si celle dont dépend l’entreprise française contient une disposition spéciale sur le travail à l’étranger. Dans le cas contraire, l’employeur ou le salarié peuvent inclure dans l’avenant les clauses de la convention collective qui seraient utiles dans le cadre de la mission.
8. – LA JURIDICTION COMPÉTENTE
Si cette attribution de compétence n’est pas écrite dans l’avenant, en cas de litige, vous et le salarié pourrez être confrontés à des difficultés importantes pour déterminer quel tribunal saisir sur l’interprétation de l’avenant d’expatriation et sur l’éventuelle rupture du contrat de travail français. En simplifiant quelque peu, lorsque rien n’est prévu dans l’avenant : ■ pour les missions au sein de l’Union Européenne : un litige doit être porté devant le tribunal du lieu où le salarié travaille habituellement. S’il accomplit son activité sur plusieurs pays, la juridiction compétente est le tribunal du lieu où est établie l’entreprise auprès duquel il a été affecté. ■ pour les missions hors Union Européenne : en application du Code du Travail, c’est le Conseil des Prud’hommes du lieu où l’employeur est situé qui doit être saisi. De plus si le salarié est de nationalité française, il bénéficie d’un « privilège de juridiction » (articles
44 © Éditions d’Organisation
Si c’est l’employeur étranger qui saisit la justice, il s’adressera à la juridiction dont dépend l’établissement au sein duquel l’expatrié travaille. Par sécurité, pour éviter la compétence d’un juge « lointain » et l’application de règles inconnues ou mal maîtrisées, il convient de préciser dans une clause que tous les litiges liés à l’exécution de l’avenant d’expatriation seront de la compétence exclusive du Conseil des Prud’hommes dont dépend l’employeur français.
Compétence d’un tribunal français ne signifie pas application automatique du droit français
Si une clause de l’avenant prévoit l’utilisation d’une législation étrangère en cas de litige, le juge français devra trancher en appliquant cette législation… si la mission est placée sous le droit allemand, le juge français appliquera le droit allemand. Pour éviter les difficultés pratiques d’une telle situation, il est indispensable de lier la législation applicable et la juridiction compétente : droit français et juge français.
9. – LA RÉMUNÉRATION
C’est la clause la plus complexe à rédiger, car elle fait appel à des notions inhabituelles qui résultent de pratiques internes à l’entreprise. En effet, une mobilité internationale connaît des éléments salariaux spécifiques : de manière générale, même si nous assistons à une baisse systématique des éléments monétaires, la plupart des entreprises accordent des primes d’expatriation et différents avantages pour encourager la mobilité et compenser les difficultés dues au changement de pays (sécurité, différence de mode de vie, climat, conditions de travail...). La clause devra être la plus complète possible et prendre en compte : ♦ le salaire de référence qui servira de base à tous les calculs et dans le cas d’une expatriation aux cotisations sociales françaises, en règle générale celui qui aurait été perçu si votre collaborateur était resté en France ;
45 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
14 et 15 du Code civil) qui lui donne la possibilité de saisir un tribunal français dans tous les cas, y compris d’un litige survenu à l’étranger, y compris lorsque l’employeur est étranger, y compris s’il n’est pas domicilié en France. Seule la nationalité compte.
Guide pratique et juridique de l’expatrié
♦ les primes et sursalaires liés à l’expatriation ; ♦ la répartition entre la part payée en France et celle versée à l’étranger ; ♦ le responsable du paiement de chacune de ces parts ; ♦ la (ou les) monnaie(s) de paiement ; ♦ le taux de change utilisé et une éventuelle garantie de change, ♦ la fréquence et les modalités de révision, par exemple en cas de modification sensible du coût de la vie ou de la fiscalité. Cette clause devra également mentionner si le montant garanti est : ♦ une rémunération brute (avant déduction des cotisations sociales et des impôts), ou ♦ une rémunération nette (les charges sociales et les impôts sont pris en compte dans le calcul du salaire).
10. – LES AVANTAGES EN NATURE
Pour inciter à partir, pour prendre en charge certaines contraintes nouvelles liées à l’expatriation, les entreprises accordent des avantages en nature. Il est impossible de donner une clause type en ce domaine : il n’y a aucune obligation légale, seules la politique d’entreprise et la négociation ont force de loi. Simplement, l’avenant doit préciser la liste des avantages et les modalités d’attribution de chacun (indemnité, mise à disposition gratuite, remboursement, montant d’une éventuelle participation du salarié...). ♦ le logement : indemnité de double résidence, prise en charge des frais d’hébergement temporaire pendant la période d’installation, plafond de loyer autorisé, meublé ou non, remboursement des loyers ou indemnité de logement, mise à disposition gratuite, prise en charge ou non des frais de téléphone, de gaz et d’électricité… ♦ une indemnité d’installation (dite « prime de rideau ») destinée à financer les travaux et aménagements à effectuer dans le logement, ♦ le véhicule : location, indemnité d’utilisation ou d’achat, prise en charge ou non des dépenses d’entretien, d’assurance, de carburant... ♦ les impôts : l’employeur peut prendre en charge tout ou partie de l’impôt sur le revenu payé à l’étranger. Les méthodes possibles sont nombreuses. L’avenant doit indiquer la procédure pratiquée : calcul du montant du différentiel et modalités du remboursement... ♦ la compensation des prestations familiales : lorsque l’expatriation fait perdre tout droit aux prestations familiales du régime français, il arrive que l’entreprise verse une
46 © Éditions d’Organisation
Cette liste n’est pas limitative. Les questions à régler sont nombreuses. À vous de poser celles qui sont adaptées au cas particulier.
11. – LA PROTECTION SOCIALE
C’est l’un des principaux éléments d’une mobilité internationale, celui qui devra retenir votre attention. La rédaction de l’avenant sera guidée à la fois par les obligations légales à la charge de l’entreprise en la matière (voir pages 53 et suivantes) et par la préoccupation d’offrir au salarié un niveau de protection (maladie, invalidité, retraite, chômage) équivalent à celui dont il bénéficiait avant son départ. La clause devra comporter le maximum de détails sur le statut ♦ détaché du régime général de sécurité sociale ou régime volontaire des expatriés, ♦ régimes de base et assurances complémentaires choisis, ♦ retraite, ♦ assurances particulières (risque d’enlèvement, incapacité de travail résultant d’une maladie tropicale, etc.), ♦ protection des membres de la famille, ♦ noms et coordonnées des organismes choisis, ♦ répartition de la charge des cotisations entre le salarié et l’employeur, ♦ contrat d’assistance rapatriement, etc. L’avenant devra être très précis sur ces points.
47 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
indemnité compensatrice. Dans ce cas, l’avenant devra prévoir les modalités et conditions de ce versement... ♦ les frais de scolarité des enfants : nature des frais (droits de scolarité, livres, fournitures...), internat, demi-pension ou externat, dépenses exposées pour une scolarité en France ou à l’étranger, âge limite des enfants pour la prise en charge... ♦ les voyages : périodicité et nombre des voyages, la classe, les bénéficiaires, les trajets admis... ♦ le déménagement : limite de volume admise pour le mobilier, choix libre ou non du déménageur, prise en charge des frais exposés pendant la période d’installation, remboursement du garde-meuble pour le mobilier non déménagé, dépenses de double résidence...
Guide pratique et juridique de l’expatrié
12. – LES CONGÉS PAYÉS
Au cours de la mission, la réglementation française en matière de congés payés ne s’appliquera pas. La situation du salarié sera régie par les dispositions du droit du travail en vigueur dans le pays d’affectation. Compte tenu des disparités des législations étrangères, il est préférable de préciser la durée des congés payés et les modalités de leur prise. La pratique la plus courante consiste à garantir une durée de congés au moins équivalente à celle accordée par l’entreprise à son personnel employé en France, avec, selon le pays, la possibilité d’allonger la durée pour voyages de détente ou conditions climatiques... Le plus souvent, une référence au droit du travail du pays de mission est obligatoire si ses dispositions sont d’ordre public... Dans tous les cas, les jours fériés seront ceux prévus par la réglementation du pays. Bien sûr, les droits à congés acquis conformément à la législation locale ne pourront se cumuler avec les congés légaux français. Bien que cette solution ne soit pas à recommander, notamment pour des raisons pratiques, certaines entreprises suspendent le paiement de la rémunération d’expatrié et des avantages particuliers au cours des congés et versent une indemnité calculée sur le salaire brut de référence. Proposition de texte « Au cours de la durée de votre activité à ................, vous bénéficierez de .... jours de congés que vous pourrez prendre en tout lieu à votre convenance. La société prendra en charge les frais d’un voyage aller-retour pour vous et votre famille, plafonné au prix du billet en classe ....... entre ................ et la France, dans la limite d’un voyage par période de douze mois, avec un maximum de ...... kilos de bagages par personne. La période de congé sera fixée en accord avec la direction de ........ en fonction des nécessités du service. Vous aurez droit aux seuls jours fériés prévus par les lois et coutumes de ................. »
48 © Éditions d’Organisation
La grande question des responsables de mobilités internationales aura été (et est souvent toujours) : faut-il appliquer les 35 heures aux salariés envoyés à l’étranger ? Hélas, pour les amateurs de solutions cartésiennes, la loi a oublié les expatriés et les détachés ! Et le fait qu’ils soient impérativement soumis aux horaires de travail prévus par la législation du pays d’accueil ne simplifie pas les choses… Il n’y a donc pas de réponse unique à cette question. Tout dépend des contraintes de l’entreprise, de sa volonté, de l’accord RTT qui a été négocié, etc. Les plus en avance sur ce sujet ont commencé à construire des solutions « pratiques » qui ne conviendront pas obligatoirement à tous : paiement d’un forfait variable selon le nombre d’heures effectuées au-dessus du seuil de 35, prise des jours de congés lors du retour en France avec obligation de les épuiser dans un délai de douze mois, etc. Compte tenu du vide actuel, pour éviter tout problème ultérieur, il est vital de ne pas oublier les collaborateurs en mission à l’étranger lors de la négociation des accords… même si c’est pour les exclure du bénéfice des dispositions… et il est prudent de matérialiser la position de l’entreprise dans une clause « Durée de travail » de l’avenant : ♦ la réglementation sur la RTT est-elle applicable ? ♦ si oui, selon quelles modalités : forfait, prise des journées accumulées au moment du retour ?
14. – LES CONSÉQUENCES DE LA FIN DE LA MISSION
Les cas de rupture de l’avenant d’expatriation peuvent être nombreux, parfois pour des motifs imprévisibles ou qui échappent complètement à la volonté des parties : catastrophe naturelle, guerre, défaillance du client, rapatriement sanitaire, etc. En dehors de l’arrivée du terme de la mission qui découle de l’article prévoyant la durée de l’expatriation (voir page 42), il est important de prévoir dans l’avenant les conditions qui régleront une fin anticipée de la mission, que ce soit sur l’initiative du salarié ou de l’employeur : ♦ le préavis : un préavis ne se présume pas, il doit être inscrit dans l’avenant. Tout est possible : le délai de préavis peut être allongé ou réduit pour permettre à la société de réagir facilement en cas de force majeure, voire supprimé si la fin de mission est due à
49 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
13. – LES 35 HEURES
Guide pratique et juridique de l’expatrié
une faute grave de l’expatrié. Il est également possible d’indiquer s’il sera effectué en France ou dans le pays d’affectation. ♦ les conditions financières : un dédommagement peut être alloué au salarié, les frais de retour mis à sa charge ou à celle de l’employeur. ♦ les conséquences : si la fin anticipée est de l’initiative du salarié, le contrat de travail d’origine qui le lie à l’entreprise française et qui est seulement suspendu sera également rompu. Il sera considéré comme démissionnaire. ♦ les cas autorisant pour le salarié et pour la société, la rupture anticipée de l’avenant sans conséquences sur le contrat de travail originel. ♦ les conditions de réintégration au sein de la société. Dans certains pays particulièrement difficiles, il est important de prévoir des cas autorisant le salarié à interrompre le séjour à l’étranger sans conséquences sur le contrat de travail français, c’est-à-dire sans qu’il soit considéré comme démissionnaire : par exemple, le non-renouvellement d’un titre de séjour, des raisons de santé consécutives aux particularités climatiques ou sanitaires du pays, l’instabilité du pays mettant la vie en danger… notamment si la sécurité des personnes n’est pas garantie (enlèvements, attentats, guerre civile, etc.). Proposition de texte « À l’arrivée du terme de la mission ou d’une période de prolongation, telle que prévue à l’article... en cas de non-renouvellement, l’entreprise prendra en charge votre rapatriement et votre réintégration conformément aux dispositions du présent article. La société peut interrompre à tout moment la présente mission pour tout motif après un préavis de ..... mois. En cas de force majeure, le préavis sera de ..... semaines. Si la rupture est due à une faute grave, le présent avenant pourra être rompu par la société sans préavis. Vous pouvez mettre fin à l’avenant pour tout motif à condition de respecter un préavis de ..... mois. Dans tous les cas, le délai de préavis court à compter de la présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la rupture. À la fin de la mission, que ce soit par arrivée du terme ou par anticipation, vous serez réintégré au sein de la société avec conservation de l’ancienneté acquise à l’étranger, à un poste et une rémunération brute équivalents à ceux que vous aviez avant le début de votre mission, sans qu’il puisse être tenu compte des surcoûts et avantages liés à l’expatriation. En l’absence de poste disponible en France, la société pourra vous proposer un poste similaire au sein de
50 © Éditions d’Organisation
En cas de licenciement, sauf pour faute grave ou lourde, vous serez réintégré au sein de la société jusqu’à expiration du préavis, avec une durée minimale d’un mois et affiliation aux différents régimes de protection sociale français. Dans tous les cas lorsque la rupture est de son fait, la société assumera les charges liées à la solution des problèmes créés par sa décision, notamment le coût du rapatriement et du relogement. Si la rupture est de votre fait, le contrat de travail du ................ conclu avec .... (société française à l’origine de la mission) ..... sera automatiquement rompu pour démission de votre fait. Toutefois, en cas de risque pesant sur votre vie et celle des personnes qui vous accompagnent, vous pouvez demander à ce qu’il soit mis un terme à votre avenant sans conséquences sur le contrat de travail et à être réintégré conformément aux dispositions de l’alinéa 5 du présent article. Dans tous les cas, la rupture du présent avenant entraînera rupture du contrat conclu avec .... (société étrangère d’accueil) ..... »
15. – LE RETOUR
Il peut être utile de préciser certaines conditions du retour à l’issue de la mission, qu’il s’agisse d’une fin anticipée ou non : ♦ procédure de reclassement au sein de la société, ♦ stage de formation pour une remise à jour des connaissances, ♦ éventuellement, formule d’out-placement, ♦ prise en charge des frais de déménagement et de voyage, ♦ indemnité de réinstallation, ♦ aide administrative (recherche de logement, inscription des enfants dans une école...). Nous pourrions faire de très nombreux autres commentaires puisque chaque expatriation est un cas particulier qui sécrète ses difficultés et qu’en la matière, la volonté des parties joue un rôle prépondérant.
51 © Éditions d’Organisation
3 - Le contrat de travail
l’une des sociétés du groupe, que ce soit en France ou à l’étranger. Si aucun poste n’est disponible, la société pourra vous licencier selon les règles du droit français après rapatriement en France à ses frais.
Guide pratique et juridique de l’expatrié
CHAPITRE III
DANS CERTAINS CAS, ...UNE GARANTIE DE RÉINTÉGRATION Indépendamment des dispositions de l’avenant d’expatriation traitant des conséquences de la fin de la mission et la réintégration au sein de l’entreprise, une personne envoyée à l’étranger par son employeur français habituel auprès d’une filiale étrangère bénéficie automatiquement d’une protection légale : l’obligation de rapatriement et de reclassement prévue par l’article L.122.14.8 du Code du Travail. TEXTE APPLICABLE : article L.122.14.8 du Code du Travail
Lorsqu’un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé, à la disposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère. Si la société mère entend néanmoins congédier ce salarié, (...) le temps passé par le salarié au service de la filiale est pris en compte pour le calcul du délai-congé et de l’indemnité de licenciement.
En résumé, le salarié bénéficie de la protection de l’article L.122.14.8 du Code du Travail chaque fois qu’il est envoyé par son employeur habituel auprès d’une société étrangère qui est placée sous son contrôle juridique, financier ou économique. Lorsqu’une personne peut se prévaloir de cette obligation légale et si la rupture est le fait de l’employeur étranger, la société française est obligée de la rapatrier en France à ses frais. C’est à elle de prendre l’initiative dès qu’elle a connaissance de la rupture du contrat... En principe, le salarié n’a rien à demander. Le cas échéant, l’entreprise doit rembourser les frais de séjour supportés entre la date de rupture de l’avenant et le rapatriement. L’employeur français doit rapatrier le salarié. Deux solutions s’offrent à lui : ♦ proposer un emploi compatible avec les fonctions occupées avant l’expatriation, ou ♦ licencier selon les procédures du droit du travail français pour motif sérieux et légitime ou pour cause économique (par exemple, s’il n’a pas de poste à proposer). Le temps passé à l’étranger sera pris en compte pour calculer le délai-congé et l’indemnité de licenciement. Le salarié aura droit aux allocations chômage s’il a bénéficié du régime sécurité sociale de détaché ou était affilié à l’assurance chômage des expatriés du GARP. Par contre, les personnes directement embauchées sous contrat local par une filiale étrangère d’une société française n’auront aucune protection légale et seront livrées à ellesmêmes.
52 © Éditions d’Organisation