59
Dossier :
la transformation du bois en Morvan
Portrait > Pierre Mathé, ébéniste à Alligny-en-Morvan PHOTOS YVON LETRANGE
60
61
Association >
Artisans Bois Morvan On parle beaucoup du bois dans le Morvan, les actions pour le valoriser localement sont donc bienvenues et Vents du Morvan tire un coup de chapeau à cette association qui prend à cœur de dynamiser l’ensemble de la filière bois et surtout localement. L’association Artisans Bois Morvan a pour but de créer un réseau d’entreprises qui travaillent en complémentarité, qui transforment et commercialisent en circuit court. Pour que les bois du Morvan soient travaillés, valorisés et utilisés sur place. Il faut que la transformation du bois participe au développement local, crée des activités pérennes, à échelle humaine et respectueuses de l’environnement
62
En 2008, l’impulsion est venue d’une part du Parc du Morvan avec la chargée de mission Marion Garnier-Hocquet, d’autre part de Aprovalbois et d’une dizaine de futurs membres fondateurs. Les besoins : La première démarche a été d’organiser une tournée de séchage sur plusieurs sites. Cette action a démontré que le séchage était vraiment utile pour la suite de la transformation du bois. La première transformation consiste à débiter des arbres en planches brutes, la deuxième transformation utilise ces planches brutes pour fabriquer des menuiseries, meubles, parquets ou lambris par exemple. Pour éviter le retrait sur la largeur des planches, lors d’assemblages notamment, le bois doit être séché à l’humidité la plus proche de celle de son milieu d’utilisation. D’autres besoins se sont vite créés,comme le marquage CE, le label PEFC et la mesure des poussières sont des opérations longues et coûteuses pour les petites entreprises, le groupement en association permet de mieux négocier mieux les aides et tarifs par des actions collectives. Création de l’association : L’association voit le jour début 2009 avec une vingtaine d’adhérents issus de tous les milieux du bois, exploitants forestiers, scieurs, menuisiers, ébénistes, charpentiers, maisons bois, CAUE, architectes,... Tous ces métiers mis en communs permettent d’appréciables échanges d’idées et dynamisent la notion de bois dans le Morvan.
Certification des Forêts) a été accordé à certaines scieries comme Cotineau (depuis 2004) et Brizard. Les contrôles d’empoussièrement ont été réalisés également dans plusieurs entreprises de l’association. Des séchoirs et raboteuses moulurières 4 faces viennent d’être acquises par les scieries Brizard et Cotineau. Ces matériels financés en partie par des fonds Leader permettront de fournir des bois séchés ou travaillés à la demande du client. En contrepartie de cette aide, les adhérents de l’association bénéficient d’un tarif préférentiel pour les prestations. Organisation de trois formations sur les menuiseries extérieures (marquage CE, crédit d’impôt, éco-prêt, réglementation, techniques et exigences), les isolants fibre de bois Steico et les produits de finition respectueux de l’environnement Blanchon. Participation groupée à des manifestations comme la fête de l’automne à St Brisson. Visites d’entreprises ou de groupements similaires pour s’ouvrir et partager les bonnes idées. L’association a été reconnue par le trophée « Artisans MAG » de l’année. Les actions en cours : Une marque « Parc » est en cours pour les produits bois genre volets, tables et mobiliers de vente. Un logiciel de calcul de structures bois sera installé chez Cotineau avec les mêmes avantages pour les adhérents de l’association. Les objectifs : Faire connaître aux autres artisans et particuliers nos capacités et possibilités de transformations des bois locaux, nos facultés d’adaptations à leurs besoins. Relancer la bourse aux bois et travailler davantage ensemble, mise à jour de l’annuaire des artisans bois en Morvan, mise en place de la charte de prestations de services. Concernant le matériel, nous étudions l’achat d’une presse à briquettes pour recycler et valoriser les copeaux de bois. Les petites entreprises ont besoin de se regrouper pour avoir plus de force, mieux se défendre et mieux se faire connaître, « Artisans Bois Morvan » a réalisé des choses intéressantes dans le domaine, il faut persévérer et accentuer cette coopération fructueuse. Nous sommes ouverts à toute demande particulière qu’un adhérent ou futur adhérent pourrait soulever.
Le président est Daniel Brizard, le vice-président Pierre Mathé et le trésorier Christophe Perrin.
L’association peut encore accueillir de nouveaux adhérents : Cotisation de 80 Euros par an
Les principales actions réalisées : Le marquage CE accordé aux scieries de l’association certifie que les bois de structures ont été triés conformément aux normes européennes. Le label PEFC (Programme Européen de
S’adresser à « Artisans Bois Morvan » maison du parc à Saint-Brisson ou aux membres du bureau.
> Artisans Bois Morvan
LE PARC DU MORVAN APPORTE SON SOUTIEN À L’ARTISANAT BOIS Depuis 2001, Le Parc naturel régional du Morvan est fortement engagé dans un programme opérationnel visant le développement de la filière de transformation. La charte forestière du Morvan (2008 – 2010) identifie sur l’axe « Valoriser les productions » trois grands types d’actions : • La mobilisation des acteurs de la filière industrielle sur la gestion durable du massif forestier. • L’animation et l’accompagnement de la filière locale de transformation, c’est-à-dire la structuration du réseau des opérateurs locaux, la mise en œuvre d’actions collectives structurantes, le renforcement des liens avec la recherche-développement et les organismes de la filière bois, l’accompagnement des chefs d’entreprise. • Le développement et la valorisation des productions locales par le développement des marques (produits et savoir-faire du Parc Naturel Régional du Morvan, Eco Design Bois Bourgogne…), l’utilisation locale de bois local : écoconstruction, bâtiments agricoles…
SCIERIE COTINEAU : RABOTEUSE - MOULURIÈRE 4 FACES
Ainsi concrètement, des moyens humains en animation ont été mis à la disposition de l’association Artisans Bois du Morvan pour les accompagner dans leurs projets. Cet animateur à mitemps a également pour mission d’accompagner l’ensemble des professionnels de la première et deuxième transformation du bois pour monter des projets s’inscrivant dans le cadre du programme européen LEADER. Une enveloppe financière est disponible pour soutenir des projets innovants s’inscrivant dans une démarche collective et partenariale (investissements matériels, actions de promotion, de commercialisation, de formations…). Anne Catherine Loisier
63
Artisanat >
64
TEXTE JEAN-CHARLES COUGNY PHOTOS TONIO MAGLIO & J2C
> Bardeaux de châtaignier
Le retour du bardeau de châtaigner Depuis peu, le bardeau de châtaigner pour couvrir les bâtiments ou barder les pignons ouest(1) revient au goût du jour. Il faut dire qu’il possède de nombreux avantages… La couverture en bardeaux ne date pas d’hier. Certains auteurs(2) affirment que les Gaulois l’utilisaient déjà pour protéger leurs habitations. Au moyen-âge, si la campagne utilisait principalement le chaume pour couvrir les maisons, en ville les tours et de nombreux bâtiments, comme on en trouve mention dans quelques écrits de cette époque (3), étaient couverts de bardeaux. Ne nécessitant ni cuisson comme les tuiles en céramique, ni présence locale de roches de type ardoise ou lauze parfois difficiles à travailler, le bardeau pouvait être produit un peu partout en France à partir de différentes essences d’arbres : chêne, châtaigner, épicéa, mélèze, robinier… En Morvan, c’est le châtaigner qui était employé principalement. Bois bien implanté localement, généralement moins utilisé que le chêne en menuiserie ou que le hêtre et le charme en bois de chauffage, il a l’avantage de très bien se fendre. Léger, il ne nécessite pas une charpente énorme. De plus, il est très résistant au temps, sans traitement particulier. On admet qu’une toiture en châtaigner peut durer facilement 100 ans, contre 60 seulement pour l’ardoise, par exemple. D’un point de vue esthétique, la couverture en châtaigner prend en quelques années une agréable patine argentée qui lui donne un très bel aspect. Ainsi ce bois convient-il parfaitement à la confection de marquises, auvents ou autres chiens assis. Naturellement, le développement de l’industrie et des transports a depuis longtemps favorisé la tuile mécanique ou l’ardoise, aux dépens d’un matériau trop vite considéré comme dépassé. Les nourrices qui revenaient de la grande ville étaient trop fières de couvrir d’ardoises le toit ou le pignon de leur maison, pour bien montrer l’importance de l’argent rapporté et leur nouveau statut social. Or, aujourd’hui, l’augmentation du coût de l’énergie et du prix des matières premières placent désormais le bardeau de châtaigner à un rang beaucoup plus compétitif. Produit d’une ressource locale et renouvelable, il est beaucoup plus écologique que la plupart des maté-
riaux habituellement employés. Mais il possède encore d’autres qualités. Comme c’est un bois fendu dans son fil (et non scié, car ce serait alors une tuile de châtaigner) il se révèle particulièrement résistant à la grêle, à la neige et autres pluies fortes. Il se pose facilement comme l’ardoise sur tous types de charpentes, même légères. Il est un bon isolant thermique et phonique et favorise ainsi les économies d’énergie. Enfin il est conforme aux normes architecturales de la Direction départementale de l’Equipement et du CAUE. Seul problème pour ce retour en grâce du bardeau de châtaigner en Morvan : pas de fabricant dans la région! En France, il en existait un seul dans la Creuse. C’est d’ailleurs lui qui a fourni les bardeaux du clocher de l’église de Poil (Nièvre), à la fin des années 80, mais aussi ceux du Mont Saint-Michel ou du Puy du Fou en Vendée. Face à cette lacune, Yves Claudot, un homme qui a passé sa vie dans la filière bois, bourlinguant dans différentes régions de l’Hexagone, a décidé fin 2008 de se poser à Etang-sur-Arroux et d’y créer l’entreprise « Bardeaux de Bourgogne » dans la zone industrielle, avec l’association « Tremplin Hommes et Patrimoine » qui restaure la tour du Bost à Charmoy (71) . Eco-responsable (4) convaincu et soucieux de l’importance sociale de son entreprise, Yves a voulu utiliser la forme coopérative (SCOP) pour que chacun, ouvrier ou patron, participe à la fois au travail et aux décisions. Il a aussi embauché deux jeunes du pays avec un contrat aidé par la Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Soutenu par le Parc du Morvan, la Région Bourgogne, le Conseil général, il veut faire de son entreprise un modèle tant au niveau écologique que social tout en valorisant le patrimoine local. Il nous a expliqué la fabrication des bardeaux : Si possible dans un rayon de 20 kilomètres pour limiter au maximum le transport, Yves achète ses perches de châtaigner à des marchands de bois, des exploitants forestiers ou des agriculteurs. La bille doit faire entre 2,5 et 3,20 mètres de long pour un diamètre d’environ 20 centimètres. Elle doit être bien rectiligne, exempte de nœuds ou de pourritures. Hélas, il arrive qu’en les débitant, on découvre des défauts sur des bois apparemment sains. M.Claudot note alors sur un cahier le pourcentage de bois non utilisable pour estimer le rendement entre ce qu’il achète et ce qui devient réellement bardeau. 1. Appelés tarponnes 2. Vitruve dans « de architectura.. » 3. Comptes municipaux de Tours en 1358 : « …planche mince employée pour couvrir les toits… » 4. Terme préféré à « écologiste » à trop forte connotation politique de nos jours.
65
Artisanat >
Sauf commande spéciale, M.Claudot débite alors ses perches à la tronçonneuse, en billes de 30 centimètres de long. Il examine le cœur de celles-ci pour voir si elles conviennent. Si ce n’est pas le cas, elles seront vendues en bois de chauffage. Les billes sélectionnées sont fendues à l’aide d’une petite fendeuse électrique, naturellement en respectant le fil du bois. Il y a deux techniques de fendage. L’une dite tangentielle qui a l’avantage de faire moins de déchets et l’autre sur quartiers, préférée pour les plus gros diamètres. Ensuite, les bardeaux sont délignés grâce à une petite scie électrique. C’est-à-dire qu’on les purge de l’aubier, autrement dit de la partie tendre du bois qui se forme chaque année sous l’écorce. On leur donne une largeur qui va de 7 à 12 centimètres. La partie enlevée ne sera pas jetée mais vendue en bottes, comme allume-feu pour les cheminées ou les poêles à bois.
66
C’est alors qu’intervient la finition manuelle sur le banc à planer, avec un outil qui se nomme justement la plane. Il s’agit de donner aux bardeaux leur forme définitive, pour qu’ils se marient bien les uns avec les autres et qu’ainsi ils protègent comme il faut les bâtiments où ils seront posés. Reste maintenant à les conditionner par lot. Pour l’instant la productivité journalière de deux personnes est de 1000 bardeaux, soit de quoi couvrir 9 m². Le prix de vente est d’environ 57€ HT. On compte 110 bardeaux de 30 centimètres de long au m² (140 pour des bardeaux de 20 cm) pour un poids de 15 kilos au m². L’épaisseur est de 1,5 centimètre, plus ou moins 0,2 cm, suivant l’utilisation. La pente des toits à couvrir doit être supérieure ou égale à 45°. La fixation se fait avec des pointes cuivre ou inox ou des vis inox. Enfin il faut convaincre les professionnels du bâtiment et les propriétaires de bâti d’utiliser ce noble matériau. C’est aussi la tâche d’Yves Claudot qui a déjà un beau site internet pour le promouvoir ( www.bardeauxdebourgogne.com) Il y a déjà eu quelques réalisations dans la région : un pignon sur une maison particulière à Glux-en-Glenne, un autre à St Léger-sous-Beuvray, des cabanes d’hôtes à St Didier-sur-Arroux. L’association qui restaure la tour du Bost à Charmoy (71) à côté de Montcenis, projette de refaire la toiture comme elle était autrefois, c’est-à-dire couverte de bardeaux de châtaigner. L’entreprise espère pouvoir les approvisionner, comme elle le fait déjà dans de nombreuses régions françaises. On peut aussi en admirer dans le quartier de la cathédrale d’Autun, telle la tour du musée Rollin.
Pourtant Yves Claudot refuse qu’on associe nécessairement le bardeau aux bâtiments hors du commun tels que les églises et les châteaux. Pour lui ce matériau simple convient très bien pour l’habitat particulier. Son prix tout à fait compétitif, son caractère écologique indéniable et son attachement certain à une tradition locale devraient lui offrir en Morvan un avenir radieux. Ah ! Avant de terminer la visite, j’entrevois une faille dans cette belle entreprise écologique et je demande « Et que faites-vous des copeaux ? » L’homme sourit sous son imposante moustache : il a un projet pour en faire des briques isolantes ! Rien ne se perd ici, surtout pas la tradition…
> Bardeaux de châtaignier LES MOTS POUR LE DIRE… Le terme bardeau désigne une planche mince, employée pour couvrir les toits. Son étymologie est assez controversée. Certains le feraient venir du néerlandais bert, bart qui signifie planche, plaque de bois. D’autres le rapprocheraient plutôt d’un mot d’origine romaine : bard, qui signifierait boue, dalle à paver. Un autre terme français employé pour désigner le bardeau est essente. On le retrouve en Morvan sous le mot essaume au nord du massif, essaule au sud. En occitan on dit escaunes ou escinda (escinta). En Provence c’est essandole (essendole), en Corse et Italie scandula et en Lorraine-Alsace schindel. Ces termes seraient tous des déclinaisons du grec skizo, identique au latin scindo qui veut dire fendre et aurait donné scindula ou scandula (Cité par Pline pour petite planche pour couvrir les toits).
Pour parler du bardeau, on emploie aussi le terme aisseau. Son dérivé aissante pourrait amener à penser qu’il a la même origine qu’essente. Or, il n’en n’est rien, aissant vient du latin ascia (ascea) qui veut dire hache, donc outil qui sert à fendre. Aisseau a à son tour donné tout une somme de dérivés suivant les régions : essis, aisselle, esseau, asselle, acheille, anseille, ancelle… Les mots ne manquent décidément pas pour qualifier le bardeau ! Bibliographie : « Toits de bois en Europe » de Thierry Houdart ; Centre national de ressources textuelles et lexicales.
67
Un exemple de couverture en bardeaux de châtaigner : l’église de Poil
68
> Bardeaux de châtaignier
Lorsqu’en 1977, Louis Cougny est élu maire de la commune de Poil, l’église Saint-Romain qui trône au milieu du bourg est en piteux état... Celle-ci appartient alors à la famille de l’ancien maire, les Bodin de Galembert, qui étaient à la tête de la commune depuis trois générations. Leurs ancêtres avaient acquis ce lieu de culte au moment de la Révolution pour la maintenir en état (sic !). Ne pouvant laisser le bâtiment se délabrer davantage, le maire demande alors un rendez-vous à son prédécesseur pour trouver une solution. Pas de réponse. Peu de temps après, Louis Cougny apprend que l’église a été donnée à l’évêché de Nevers. Lors d’une réception à la Préfecture, le maire de Poil rencontre l’évêque, Monseigneur Streiff et lui propose que la commune rachète l’église pour le franc symbolique. La réponse est positive : « Même cinquante centimes, si vous voulez ! » Hélas, il s’avère qu’une commune ne peut acheter ce qui serait une charge. Il faut donc trouver une autre solution. Finalement la commune achète la parcelle sur laquelle se trouve l’église et le tour est joué. Reste à la restaurer. Le vieux cimetière qui entourait le bâtiment est alors nivelé, remplacé par un très beau parvis où l’on plante en 1989, un arbre de la liberté pour fêter le bicentenaire de la Révolution, juste à côté de la Jeanne d’Arc qui dresse sa fière statue sur le monument aux morts. (Hélas, l’arbre ne survivra pas). Ensuite, il faut naturellement penser à la couverture du clocher, car il pleut dans l’église. La mairie fait alors appel à M. Bénézech, architecte des Bâtiments de France qui supervisera les travaux. Elle a surtout la chance de tomber sur un couvreur passionné, qui exerce dans la commune voisine de Millay : Alain Gold. Vingt ans après nous l’avons rencontré. VdM : Alors, comment est venue cette idée de couverture en bardeaux ? Alain Gold : J’ai été contacté par la municipalité de Poil pour refaire la toiture du clocher de l’église en ardoise d’Angers. J’ai présenté un devis. Or, en montant à l’intérieur du clocher avec l’architecte, M.Bénézech, nous avons trouvé sur les côtés des vieux bardeaux en châtaigner qui dataient probablement de la couverture précédente. En feuilletant les archives de la commune, nous avons effectivement trouvé qu’en 1877, la couverture en ardoise avait remplacé la précédente en châtaigner. L’idée qui nous est venue fut : « Pourquoi ne pas refaire une toiture avec ce type de matériau, très symbolique du territoire morvandiau ? » VdM : Vous avez donc proposé un nouveau devis ? AG : Oui, mais... 100 à 120 bardeaux au m² contre 40 ardoises, cela exige davantage de main d’œuvre. De plus, le bardeau coûtait un peu plus de 2 francs et l’ardoise 4 francs, comme il en fallait trois fois plus, le matériau reve-
Alain Gold
PORTRAIT D’UN PIONNIER DU MORVAN Alain Gold est un cht’i. Il est né à Boulogne-surmer, il y a 64 ans. Son grand-père était un Anglais venu combattre sur le sol français. A 15 ans, il monte à Paris pour devenir plombier-chauffagiste. Or, en faisant le remplacement d’un couvreur au sein de l’entreprise où il travaille, il tombe amoureux de ce métier de couvreur qu’il apprend avec un compagnon du devoir. Travailler sur les toits de la capitale le passionne, mais la vie à Paris le rebute. Comme il vient d’épouser la fille d’un menuisier de Millay, il doit choisir entre s’installer dans le Nord, son pays d’origine ou dans celui de sa femme. Le paysage du Morvan le séduit, la qualité de vie qu’on y trouve lui plait et il s’installe à son compte en 1975 à Millay où il travaille avec son beau-frère maçon. Très sportif, il pratique le vélo sur les belles routes morvandelles et le foot à l’US. Millay. Mais surtout, en plus des belles toitures qu’il réalise comme celle de l’église de Poil, il développe le chauffage à partir de plaquettes forestières. La chaufferie communale de Millay (Nièvre) est créée, grâce à la mairie qui y voit une manière de faire du développement local. Philippe Camus, éleveur de moutons, prend la tête du GIE (Groupement d’Intérêt Economique) et Alain Gold devient vite une référence en la matière, Millay possédant une des plus anciennes chaufferies de ce type. C’est d’ailleurs pour la promotion du bois déchiqueté qu’il obtient en 2006 le diplôme de pionnier du Morvan. Hélas, Alain n’a pas trouvé de successeur et son entreprise va bientôt disparaître. Alain continuera de donner des conseils à tous ceux qui, dans le coin, croient au bois pour la couverture ou le chauffage.
69
> Bardeaux de châtaignier
nait plus cher. Mon second devis était alors sensiblement plus élevé. Et le conseil municipal n’était pas d’accord pour accepter ce surcoût. VdM : Qu’est ce qui a donc emporté la décision de couvrir malgré cela en bardeaux ? AG : J’ai proposé de faire la couverture en châtaigner pour le prix de l’ardoise. VdM : C’était gonflé ? AG : Oui et non. Pour un passionné de couverture comme moi, le challenge en valait la peine. Et puis pour moi cette réalisation allait devenir comme une vitrine, la preuve visible du savoir-faire de mon entreprise. Et peut-être que cela me donnerait d’autres chantiers de ce type à entreprendre. VdM : Au point de vue technique, avez-vous eu besoin d’une formation ? AG : Non, globalement la technique est la même que pour l’ardoise. VdM : Tout s’est-il bien déroulé par la suite ?
70
AG : Parfaitement. Nous nous sommes rendus avec des membres du conseil municipal dans la Creuse, à Bénévent-l’Abbaye pour visiter l’entreprise Richard. Elle était la seule à l’époque à fabriquer des bardeaux et elle nous a fourni le matériau. Nous avons pu admirer l’église de cette ville recouverte de bardeaux fournis par cette entreprise, tout comme certains toits du Mont SaintMichel. Les travaux d’échafaudage commencèrent le 29 septembre 1989, la toiture fut terminée au printemps 1990. On fit une journée d’inauguration pour les gens de la commune, puis une autre avec le préfet : celui-ci monta en haut du clocher pour y remettre symboliquement le coq en place ; il était en compagnie d’un jeune sous-préfet, Christian Paul, aujourd’hui député de la Nièvre. VdM : Cette opération a dû être coûteuse pour le contribuable ? AG : Pas du tout. Louis Cougny a réussi à drainer un grand nombre de subventions qui couvrirent une partie des travaux. De plus, on eut l’idée d’une souscription amusante. Les gens du pays, en donnant 10 francs, pouvaient avoir leur nom et leur date de naissance gravés à sur la face interne des bardeaux. Ainsi au vingt-deuxième siècle, lorsqu’on refera à nouveau la toiture de l’église, on aura une pensée pour les gens du coin qui avaient soutenu financièrement la réfection, et dont certains étaient nés au dix-neuvième siècle. VdM : Pour conclure, comment voyez-vous l’avenir du bardeau de châtaigner ? AG : Ce matériau a tout pour réussir. Il est local, esthétique, écologique, économique et renoue avec la tradition. Malheureusement, il y a eu jusqu’à maintenant, face à ce bardeau de châtaigner, le poids des habitudes et la
crainte d’un matériau paradoxalement inconnu. Peu de gens franchissent le pas ou sont prêts à le faire. Après l’église de Poil, j’ai fait quelques chantiers comme le château de la Bussière à Semelay, des jouées de lucarne au Mousseau à Poil, d’autres dans le bourg de Millay. Moins que je l’imaginais. Le risque, à l’avenir, c’est peut-être aussi que subitement, au nom de l’écologie, ce matériau devienne très « mode », que les apôtres de la croissance verte s’en emparent, non par respect de la nature et de la tradition mais uniquement pour faire de l’argent, en industrialisant la production, en remplaçant la main de l’homme par des machines et son œil par des ordinateurs, en allant chercher des arbres très loin et pourquoi pas en délocalisant la production. En un mot en industrialisant la production. Un peu comme cela se passe aujourd’hui avec le chauffage à base de plaquettes où l’on est passé d’une production artisanale à une production industrielle, avec des machines énormes dont le coût énergétique est en contradiction totale avec l’objectif de départ qui était d’économiser... l’énergie justement ! VdM : Autrement dit, une entreprise comme « Bardeaux de Bourgogne » vous convient ? AG : Tout à fait. Tant que les arbres sont choisis par un professionnel du bois et coupés en bonne sève, qu’ils poussent à une altitude assez élevée - donc plus lentement - et ont une fibre plus serrée, en un mot, tant qu’on restera dans le domaine de l’artisanat, on fera du bon travail, et le bardeau de châtaigner couvrira pour longtemps les toits du Morvan.
Formation professionnelle > > aux métiers du bois
Il faut ajouter que cet établissement permet aussi aux adultes de se former par l’intermédiaire d’un CFPPA. Ainsi le centre offre plusieurs formations accessibles aux demandeurs d’emplois et aux professionnels :
Le lycée forestier de Velet à Étangsur-Arroux En empruntant la très belle route qui va d’Étang à SaintDidier-sur-Arroux, vous ne manquerez pas, au bout de deux kilomètres de passer devant un établissement avec une architecture en bois. Il s’agit du lycée forestier de Bourgogne de Velet. Cet établissement public local, créé en 1993, dépend du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche. Ce lycée reçoit chaque année 80 élèves de 15 à 20 ans qui viennent principalement de Saône-et-Loire (50%) et des autres départements bourguignons. Quelques élèves viennent des régions limitrophes. Ces élèves y entrent après la troisième et ont le choix entre deux types de seconde professionnelle : • spécialisation aux Travaux Forestiers • Travaux de Gestion des Espaces Naturels et Ruraux. Le parcours dure normalement trois ans pour atteindre un Bac Pro « Gestion et Conduite de Chantiers Forestiers ». La formation qui est donnée par une dizaine de professeurs (matières techniques et générales) comprend des journées de travaux pratiques et des semaines de chantier. Celles-ci s’effectuent chez des particuliers ou en collaboration avec l’Office National des Forêts. Naturellement cet enseignement est complété par des stages en entreprise de 6 semaines en seconde et 10 semaines les deux années suivantes, avec une convention signée entre les trois signataires : l’établissement, l’apprenant et le maître de stage. Le suivi en entreprise est assuré par les enseignants. La réussite au Bac Pro est bonne : de 80 à + de 90%. Par la suite un bon tiers des élèves continue par un Brevet de Technicien Supérieur. Hélas, jusqu’à aujourd’hui, il n’y avait pas en Bourgogne ce type de formation supérieure. Les élèves qui voulaient se perfectionner devaient se rendre dans les Vosges ou le Doubs. C’est pourquoi, le Velet envisage la création prochaine d’un Titre, de niveau III « Chef de produits forêt bois ».
• des formations longues : BPA « Travaux Forestiers », « Travaux sylvicoles », « Conduites de machines Forestières » et « Taille et soins des arbres » • des formations courtes : « Pilote de combiné d’abattage » et « Agent polyvalent de scierie » Le développement de la filière bois en Morvan nécessite impérativement qu’on puisse proposer localement ce type d’enseignement. Le succès actuel des énergies renouvelables et la volonté de la jeunesse de participer au développement durable et à la préservation de la nature, oriente chaque année de nombreux jeunes vers cette filière de formation. Néanmoins, ceux-ci ne doivent pas oublier que les métiers du bois sont physiquement durs tout en restant très techniques. Si vous êtes intéressés par le lycée et le CFPPA, les centres vous ouvrent leurs portes régulièrement. CONTACTS Lycée Forestier de Velet 71190 Étang-sur-Arroux 03 85 86 59 50 Courriels : lpa. velet@educagri. fr - cfppa. velet@educagri. fr Sites Internet : lpadevelet. free. fr - cfppadevelet. free. fr
71
Formation professionnelle >
Filière Bois : le pôle technologique et professionnel d’Autun
72
TEXTE & PHOTOS BERNARD LEBLANC
MÉTIERS D’ART TAPISSERIE AMEUBLEMENT
Partie intégrante du célèbre lycée Bonaparte de la capitale éduenne, place du Champ de Mars (dont les bâtiments datent de 300 ans), les installations du pôle professionnel, 18 rue Paul Cazin, s’étendent à présent sur 2000 mètres carrés de locaux et d’ateliers depuis 1987, dominant au sud la ville.
Ce secteur de l’enseignement professionnel se décline en un CAP Tapissier Ameublement en sièges ou en décor et en un BAC Pro Métier d’Art Tapissier. L’obtention du bac peut conduire, ici aussi, à une formation en BTS Systèmes Constructifs Bois et Habitat ou au Diplôme Métiers d’Art (voir paragraphe précédent). Ces années d’apprentissage sont ponctuées de stages en entreprises: 6 semaines en 1ère année et 8 semaines en 2ème et 3ème années, avant le BAC Pro.
LE PÔLE PROFESSIONNEL
L’ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE
Madame Ginoux-Cognacq, proviseur adjoint, est actuellement responsable de ce Pôle Technologique et Professionnel qui accueille 380 élèves, et 200 internes de l’ensemble du lycée.
La Seconde générale apporte un enseignement de détermination : Initiation aux Sciences de l’Ingénieur (ISI) ou Informatique et Systèmes de Production (ISP); la Première technologique initie au Génie mécanique, option Bois, et la Terminale technologique aboutit au BAC Sciences et Technologies Industrielles, Génie Mécanique. A partir de là, l’élève se dirigera éventuellement vers le BTS SCBH, le DMA, un IUT ou à toute formation ouverte aux bacheliers.
Engagés dans un enseignement étalé sur plusieurs années, filles et garçons se répartissent entre diverses formations : bois menuiserie, métiers d’art du bois, ébénisterie, métiers d’art de la tapisserie, ameublement ou décor, tertiaire administratif à option europro (secrétariat, comptabilité), maintenance industrielle à option europro (systèmes mécaniques automatisés), maintenance des véhicules (véhicules particuliers). Nous détaillerons spécialement ici les formations liées au bois, d’après l’organigramme de l’établissement fourni par la direction; cet organigramme présente une nouvelle structure qui sera mise en place à la rentrée 2010.
BOIS MENUISERIE Ce cursus conduit au CAP Menuisier Fabricant ou au BAC Pro Technicien Fabrication Bois ou Technicien Menuisier Agenceur; après la réussite du bac pro, il est conseillé aux élèves de continuer sur un BTS des Systèmes Constructifs Bois et Habitat (2 ans, en formation initiale ou par apprentissage) ou, pour ceux qui ont un esprit plus artistique, sur un Diplôme Métiers d’Art (1 an en classe préparatoire puis 2 ans pour l’obtention du Diplôme de Métiers d’Art option Tapisserie Décoration).
MÉTIERS D’ART BOIS EBÉNISTERIE L’obtention du CAP Ebéniste peut conduire au BAC Pro Métier d’Art Ebéniste, lequel peut être complété par un BTS (voir paragraphe ci-dessus) ou un Diplôme Métiers d’Art en 3 ans, option Tapisserie Décoration. A noter qu’après le CAP Ebéniste, l’élève peut se perfectionner en un an dans une section de Restauration de Meubles Anciens.
Les Systèmes Constructifs Bois et Habitat (SCBH) recouvrent un secteur d’activités étendu : menuiserie, escalier, maison à ossature bois, charpente traditionnelle ou industrielle, structure en lamellé collé, etc. Le Diplôme Métiers d’Art (Tapisserie Décoration) débouche sur l’artisanat d’art, les entreprises de l’ameublement, les entreprises industrielles, les agences de création, la conservation du patrimoine, les studios d’artistes créateurs.
UN ENSEIGNEMENT RECONNU Grâce à la qualité de la formation dispensée, l’établissement a reçu plusieurs distinctions en 2009 : 1er prix du Concours Général en ébénisterie, 1er prix SEMA Régional en ébénisterie ainsi qu’en tapisserie ameublement, 3ème prix SEMA National en ébénisterie. Ces résultats en font un établissement de formation demandé avec un recrutement des élèves sur toute la Bourgogne, dont le Morvan, les régions limitrophes et même la France entière, voire les DOM TOM. Benoît Parthiot, originaire du Moulin de Nataloup près de Montsauche-les-Settons, poursuit de brillantes études, 1er Prix Concours Général, 1er prix SEMA régional, 3ème prix SEMA national: entré dans le lycée en première année de CAP, il est à présent en 1ère année de BTS SCBH. D’autres élèves, après l’obtention de leurs diplômes, ont intégré de grandes écoles comme Centrale ou Boulle. Ces réussites sont de réels encouragements pour l’ensemble des personnels et des élèves.
> aux métiers du bois
LE LABEL EXCELLENCE MÉTIERS D’ART Ce Label, initié par Madame le Recteur de l’Académie de Dijon, est attribué pour trois ans par un jury académique afin de mettre en avant les qualités d’enseignement et de résultats de l’ensemble d’une filière Métiers d’Art. Les élèves de DMA travaillent en 2ème année sur un thème donné. 3 maquettes par étudiant sont présentées à un jury qui oriente l’étudiant à poursuivre la création en échelle 1 :1 d’un des projet. La réalisation du meuble peut alors commencer, valorisant la motivation, la créativité, l’innovation artistique et technique de l’élève. Le pôle professionnel du lycée Bonaparte d’Autun présente ainsi dans ses locaux un large éventail de réalisations, dont certaines ont été distinguées lors de concours. La Société DIM (lingerie, collants), installée à Autun est partenaire de l’établissement pour la restructuration et la décoration de son salon d’accueil : le résultat élaboré par les élèves est de qualité. On peut dire que l’implantation d’un tel Pôle Technologique et Professionnel à Autun est une chance pour le Morvan. Sachons ne pas la laisser passer ! ABRÉVIATIONS CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle BEP : Brevet d’Enseignement Professionnel BAC Pro : Baccalauréat Professionnel BTS : Brevet de Technicien Supérieur.
73
Économie >
Le bois-énergie en Morvan La forêt morvandelle est traditionnellement exploitée à des fins énergétiques, puisque le flottage des bois de chauffage à destination de la capitale y a été pratiqué jusqu’au 19e siècle. Aujourd’hui, la demande en boisénergie – plaquettes forestières en particulier – est croissante avec un contexte énergétique sensible permettant le développement de projets sur le territoire et en périphérie. Sa mobilisation est en plein essor du fait d’initiatives d’entrepreneurs de travaux forestiers, de gestionnaires forestiers et d’entreprises de la première transformation du bois.
74
Des chaufferies bois automatiques fonctionnent depuis 1983 dans le Morvan, la première étant celle de ChâteauChinon. Millay s’équipe en 1993 (cf article suivant) puis la maison du Parc en 1997. Depuis, Autun, les Ruchers du Morvan, l’Abbaye de la Pierre qui Vire, les communes de Glux en Glenne, Corancy, Lormes, Brassy, Quarré les Tombes, Planchez, Arleuf, le musée de Bibracte, la gendarmerie de Saulieu ont fait le pari du bois énergie. Les particuliers sont de plus en plus nombreux à s’équiper de chaudières à système d’alimentation automatique, sans omettre un retour très fort du bois bûche avec des systèmes d’hydro-accumulation et des poêles d’appoint. Si le bois connaît un véritable engouement, s’il offre une perspective de développement pour notre territoire, il est également, pour les habitants du Morvan, une source d’interrogations. Au niveau des nuisances atmosphériques on associe souvent les fumées de cheminée à de la pollution. C’est vrai que toute combustion entraîne une nuisance plus ou moins grande. Celle du bois est réduite, grâce à l’arrivée sur le marché d’appareils à combustion à haute température, limitant les émissions de gaz à effet de serre. Les chaudières bois automatiques ont des rendements de combustion d’environ 88% , donc très proches des chaudières au fioul ou au gaz. Par ailleurs, les nouvelles générations de poêles, inserts et chaudières à bois bûche ont le label « flamme verte ». La réglementation sera de plus en plus stricte sur ce point. Le bois-énergie répond à des besoins spécifiques de chauffage et production d’eau chaude sanitaire, mais l’idéal est d’évoluer vers des solutions mixtes. Il faut de façon spontanée coupler la réduction des besoins énergétiques (isolation, ventilation, optimisation de l’enveloppe du bâtiment) et l’utilisation d’autres sources d’énergie renouvelables comme le solaire thermique
PAR PHILIPPE RENON & DANIEL SAUGET GROUPE DE TRAVAIL ÉNERGIE ET MANAGEMENT ENVIRONNEMENTAL DU PNRM
pour la production d’eau chaude sanitaire et le solaire photovoltaïque pour l’électricité spécifique (hors chauffage électrique). L’utilisation rationnelle de la forêt pour satisfaire des besoins énergétiques de chaleur doit passer par un équilibre indispensable entre la production énergétique et la production des milieux forestiers. Le rythme de l’accroissement forestier doit être respecté, tant pour le bois-énergie que pour le bois d’œuvre. Pour avoir une évaluation du coût du bois-énergie, on se réfère au coût du kWh à l’entrée de la chaudière. Pour le bois plaquette, le coût du kWh est d’environ 2,5 centimes € TTC, pour le bois bûche, environ 3,5 centimes € TTC, pour l’électricité (tarif bleu pour les particuliers) 10,62 centimes € TTC, pour le fioul de 7 centimes € TTC et pour le propane 11 centimes € TTC. (Situation au premier mars 2010). Autre repère : 1 m3 de bois déchiqueté (plaquettes) fournit autant d’énergie que 100 litres de fioul. Prenez le prix du stère de bois, comparez le avec le prix de 100 litres de fioul, vous comprenez tout l’intérêt du bois, d’autant plus que 1 stère de bois fournit 1,2 à 1,5 m3 de plaquettes. Des comparatifs très rigoureux ont été faits, ils prouvent tous que le bois est un combustible économique viable et très concurrentiel aux énergies conventionnelles. Concernant l’offre en bois-énergie, 13 producteurs sont identifiés dans ou à proximité du Morvan pour le bois plaquette, qui se révèlent largement en mesure de satisfaire la demande actuelle. Pour la production de bois bûche, la filière et en pleine mutation avec des moyens logistiques de plus en plus performants pour répondre aux besoins locaux et extérieurs. INFORMATION POUR LES PARTICULIERS L’Espace Info Energie du Parc du Morvan apporte des conseils gratuits et indépendants pour les particuliers. Philippe Rodriguez – 03 86 78 79 12
[email protected] INFORMATION POUR LES COMMUNES ET ENTREPRISES Cellule Energie du Parc du Morvan : les chargés de mission accompagnent gratuitement et indépendamment les communes et entreprises tout au long du projet. Marion Garnier-Hocquet – 03 86 78 79 31
[email protected] Philippe Renon – 03 86 78 79 30
[email protected]
TEXTE ET PHOTOS SABINE NIVOT
Le chauffage au bois déchiqueté Cette méthode de chauffage est apparue assez tardivement en France. Suite aux crises pétrolières des années 1970, nous nous sommes rendus compte combien nous étions devenus dépendants des ressources d’énergies fossiles ou nucléaires épuisables à moyen terme (pétrole notamment) et coûteuses à maints points de vue. De plus l’impact environnemental négatif et les catastrophes écologiques liées directement à ces moyens de productions d’énergie etaient tels que certains ont fini par se questionner : pourquoi ne pas utiliser ce que nous avons à portée de main, de façon plus intelligente ? La France est un des pays européens le plus riche en forêts. Dans le Morvan, celles-ci couvrent en moyenne 40% de la surface des communes, voire 75 % pour certaines ! Rappelons que le Morvan a assuré du XVIe au début XXe le chauffage de la ville de Paris par la voie du flottage de bois. Certes, il n’est pas facile pour tout le monde de nos jours, et particulièrement en ville, de se chauffer comme antan. Il fallait donc améliorer cette méthode, de façon à proposer un chauffage automatisé au bois aussi simple d’emploi que le fuel, sans manutention physique et le plus autonome possible.
DÉCHIQUETAGE D’UNE HAIE ENTRE ARLEUF ET CHÂTEAU-CHINON
> le bois-énergie
LE CHAUFFAGE À PLAQUETTES PRÉSENTE PLUSIEURS AVANTAGES • A la différence du chauffage à bûches de bois, on peut utiliser toutes les essences d’arbres sans distinction : tremble, saule, verne, charme… et même les résineux qui ont un fort pouvoir calorifique ; (éviter le platane seul, car il contient beaucoup de silice, donc production de mâchefer). • Le second avantage et non le moindre, est qu’il permet d’utiliser également et de façon non restrictive ce qu’on appelle les sous-produits : - les déchets résultants de la transformation du bois issus des scieries et menuiseries (sciures, copeaux) ; - les palettes, caisses, cagettes ; - les branchages issus du défrichage, cimes des arbres... • Il est possible d’utiliser du bois contenant un fort taux d’humidité. En effet, l’approvisionnement en plaquettes découle généralement d’un processus commençant par l’abattage des arbres, puis se poursuit par le façonnage, le débardage, le déchiquetage et enfin le transfert par véhicule pour stocker celles-ci. Le déchiquetage peut intervenir à deux moments : soit on laisse sécher le bois sur le chantier avant de le déchiqueter, soit on déchiquète le bois frais, et on laisse
75
Économie >
ensuite les plaquettes sécher sous abri. La première solution est préférable, car le bois coupé en fin d’hiver et déchiqueté en septembre après un été passé dans un endroit aéré et ensoleillé a un taux d’humidité de 30 à 35%. Après déchiquetage et quelques mois sous abri, le taux d’humidité descend autour de 20%. Quant au bois vert déchiqueté, son taux d’humidité est d’environ 50%. Cette dernière diminue rapidement au stockage du fait des fermentations qui échauffent le tas. Après quelques mois sous abri, on obtient alors un taux d’humidité légèrement plus élevé, allant de 20 à 25%. Plus le bois est sec, moins on consomme, ce qui privilégie la première solution. Mais après avoir constaté la forte chute d’humidité lors du stockage, la deuxième solution est également envisageable.
76
• Économiquement, le prix de la matière première (plaquettes) est très intéressant : 20 à 27€ TTC le MAP. Le MAP (Mètre cube Apparent de Plaquettes) est la dénomination que l’on donne pour un volume de plaquettes. Concrètement, un stère de bois fournit 1,2 à 1,5 MAP (en fonction de l’essence et du type de bois).
AVANTAGES LIÉS À NOTRE ENVIRONNEMENT • Écologiquement, c’est une énérgie renouvelable et propre, que nous avons à portée de mains, et qu’il suffit d’apprendre à entretenir et renouveler. Il faut savoir également que l’utilisation de bois dans les chaufferies limite l’augmentation de l’effet de serre. En effet, la quantité de CO2 - dioxyde de carbone- émise par le bois en décomposition ou lors de sa combustion est équivalente à celle absorbée par les arbres en croissance. Nous avons donc une pollution neutre. • Enfin, d’après une étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), cette source d’énergie génère trois à quatre fois plus d’emplois que les autres (fioul, gaz, charbon).
LES POINTS FAIBLES Il est nécessaire d’avoir un espace assez vaste et proche de la chaufferie pour aménager un silo dans lequel seront emmagasinées les plaquettes, et prévoir un accès facile pour les engins de livraison. Le coût de l’installation de la chaudière est en moyenne trois fois plus élevée qu’une chaudière classique. Coût que l’on rentabilise bien évidement avec le temps.
TEXTE ET PHOTOS SABINE NIVOT
Millay, le village du bois énergie La Bourgogne a été une des régions pilotes en ce qui concene le chauffage avec plaquettes forestières. Et Millay un village précurseur en ce qui concenre l’installation d’une chaufferie à bois déchiqueté communale.
A QUI DOIT-ON LA RÉALISATION DE CETTE CHAUFFERIE ? A un artisan local, Alain Gold, (voir portrait dans l’article « Les bardeaux de châtaignier »), chauffagiste résidant dans la commune, et à une dizaine d’agriculteurs qui se sont associés pour créer une CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) de déchiquetage en 1989.
> le bois-énergie
Moindrots à Luzy en 1988. La création de la CUMA permet à la commune de Millay de s’équiper en 1993 d’une chaufferie collective pour assurer le chauffage de plusieurs bâtiments communaux : la MARPA (Maison d’Accueil Rurale pour Personnes Agées), la mairie, le presbytère, le bâtiment de la poste, la salle des fêtes et la bibliothèque. Consommation annuelle : environ 700m3. L’installation de cette chaufferie à bois déchiqueté est particulèrement intéressante pour les résidents de la MARPA, puiqu’elle permet à ceux-ci de se chauffer pour 1,95€ par jour au lieu d’un prix moyen de 3,90€.
VISITE DE LA CHAUFFERIE DE MILLAY. Nous nous sommes d’abord arrêtés au hangar de stockage, qui se situe un peu en contrebas du village, non loin du terrain de sport. 400m3 de plaquettes sont à l’abri sous cet hangar, le reste en rondins est dehors.
A l’époque, cela fait déjà quelques années qu’Alain étudie la question. Il s’interroge sur le matériel et fait de nombeux déplacements afin d’en savoir davantage. Il va visiter des installations en Autriche et en Allemagne, compare les différents types de modèles.
Au départ, le bois déchiqueté était founri par le GIE (Groupement d’Interêt Economique) des Producteurs de Bois de Millay. Aujourd’hui, ils continuent le déchiquetage, mais une partie de la matière première est achetée à l’extérieur. La commune prend en charge la part destinée à la MARPA.
Il fait des essais dans sa propre maison, puis installe une première chaufferie de type primaire au château des
Une grande machine déchiquète des troncs à une moyenne de 30m3 par heure.
77
> l’industrie du bois
Alain insiste beaucoup sur la qualité de la granulométrie. Les copeaux ne doivent être ni trop grands, ni trop petits. Trop grands, cela risque de bloquer la vis sans fin, élement qui permet d’alimenter le brûleur, et trop petits ils tombent en poussière. L’idéal est 2cm de haut sur 2 cm de large avec une épaisseur de 5mm. Ce sont les employés de la commune qui viennent chercher le bois déchiqueté pour l’emmener au silo. Celui-ci a été rajouté à un atelier déjà existant au cœur même du village. La chaufferie se trouve en contrebas du silo. Dans le fond de celui-ci, un plateau muni de bras tourne, les bras ramenant les copeaux dans la vis sans fin. Avant d’entrer dans la chaudière, ceux-ci passent dans une écluse rotative munies de quatre compartiments. Cette écluse sert à couper éventuellement les morceaux trop gros, et par un système de vanne à clapets anti-retour, éviter que le feu remonte dans le silo. Puis c’est l’entrée du combustible dans la chaudière. Celle-ci comprend trois parties (chambres) :
78
• La chambre de combustion où la température atteint environ 800 degrés Celcius. Deux ventilateurs sont aditionnés à cette chambre de combustion ; un premier
ventilateur d’air primaire sert à activer la combustion du bois qui arrive et un ventilateur d’air secondaire réinjecte de l’air dans les gaz de combustion. • La chambre de tranquilisation dans laquelle se situe le circuit d’eau. • Les carnaux au nombre de 3, dans lequels refroidissent les fumées. La chaleur est ensuite évacuée par la cheminée à environ 200 degrés C. A la sortie de la chaudière, est situé un bac de décendrage qui est vidé manuellement en moyenne toutes les 3 semaines. (Un peu plus souvent en période de forte consommation). Nous avons constaté, la chaudière étant en action, qu’il y avait très peu de déchets. Si, après cette explication quelque peu technique, vous avez du mal à visualiser le fonctionnement… n’hésitez pas à appeler ou passer voir Alain. il se fera un plaisir de tout vous montrer et vous expliquer bien mieux que moi. Actuellement, Millay est la commune du PNRM qui comprend le plus grand nombre de ces installations en activité, la chaudière collective que nous venons de voir, plus huit autres individuelles. Ce qui lui vaut cette appellation de “village du bois énergie”.
Économie >
Nature entretien services Vents du Morvan est allé voir pour vous Richard Hannoyer. Son entreprise emploie actuellement une personne en CDI, un apprenti, une autre sous contrat professionnel, plus des saisonniers dans les périodes difficiles. Richard explique que le travail est physique et que certaines personnes ne s’en rendent pas compte, ce qui nécessite de bien le préciser dans les annonces de recherche d’emploi.
RICHARD HANNOYER SUR LA FENDEUSE HYDRAULIQUE
L’entreprise exécute tous types de travaux sylvicoles. « Nous avons environ 30% de clients particuliers. Le reste du temps, nous travaillons pour trois grosses sociétés de la région. » Les coupes en forêt sont faites suivant la demande du client, en éclaircies lorsque cela est possible. Mais les coupes à blanc facilitent la suite des travaux et l’accès aux machines ; cela dépend des travaux et du type de plantation à faire après la coupe. Les branches sont mises en andains pour que les plantations de chaque côté soient possibles.
79
Après la coupe, Richard propose entretien et reboisement des parcelles. « A la demande du client, nous replantons soit du sapin, soit d’autres essences comme le chêne. Le chêne d’Amérique est moins cher à l’achat et il pousse plus vite, par contre la qualité du bois d’œuvre est moins bonne. Au château de Montjeu par exemple, nous ne replantons que du chêne rouvre ». Vient ensuite l’entretien : débroussaillage entre les lignes plantées, élagage des jeunes sapins de 0 à 6 mètres et éclaircies. « Nous proposons également l’élagage grande hauteur pour les particuliers ou les municipalités ». Le Bois énergie (bois de chauffage) : « C’est une grosse partie de notre activité. Nous achetons en général le bois sur pied, que nous coupons en 2 mètres ou en 4 mètres. Le fait de couper en 4 mètres permet un gain de temps au niveau du bûcheronnage et du débardage. Evidement, après la coupe, nous proposons au propriétaire un plan d’entretien et de plantation. » Les bois coupés et sortis sont amenés sur le terrain de façonnage à l’entrée d’Anost. « Là grâce à l’investissement dans un combiné fendeur hydraulique, nous coupons et fendons le bois de chauffage à la longueur demandée par les clients. Nous livrons aux particuliers jusqu’à 100Km autour d’Anost, mais également à des grossistes de la région parisienne, d’Avignon ou de Perpignan par exemple. En ce moment, nous avons tendance à stocker alors que le gros des livraisons se situe de septembre à février ». FENDAGE MANUEL DES GROSSES BILLES
Économie >
Le mode de livraison oblige à corriger le foisonnement. Les clients ont quelquefois du mal à comprendre la vente de bois de chauffage autrement qu’au stère. Un stère, c’est un m3 de morceaux de bois coupés en longueurs d’un mètre. En vrac coupé à 50 cm, le bois occupe un volume plus important, il faut appliquer un coefficient de 1, 25. « C’est ainsi que nous facturons 62. 5 stères pour une benne de 80 m3 ». Si le bois est empilé et rangé en morceaux de 50 cm, c’est le contraire; il occupe moins de volume. Rangé de cette façon, un stère n’occupera que 0, 8 m3. « Des projets pour l’avenir ? D’abord nous projetons d’augmenter notre production. L’objectif serait d’atteindre une production de 3 à 4000 stères par an. Nous étudions également une solution pour livrer du bois débité et rangé sur des palettes, car nous avons ce genre de demande pour la région parisienne. Nous étudions aussit un débouché par la fabrication de plaquettes destinées aux chaufferies bois; ça passe par l’investissement dans un ou plusieurs broyeurs et un système d’alimentation, mais ça permettrait également de valoriser une partie des branches en forêt. »
80
La compagne de Richard nous explique qu’elle s’occupe de toute la partie comptabilité, gestion et secrétariat. Ce n’est pas une mince affaire, les relations avec les clients et les fournisseurs, les déclarations aux caisses. De plus, lorsqu’elle a un peu de temps et que le besoin est là, elle n’hésite pas à retrousser ses manches et aller donner un coup de main aux gars. CONTACT Richard Hannoyer 03 85 82 72 19
[email protected]
FENDAGE HYDRAULIQUE
TEXTE JEAN-CLAUDE ROUARD
Les entreprises de transformation industrielle du bois en morvan Le temps n’est plus où le bois du Morvan voguait sur les flots vers Paris . Mais il voyage encore, vers d’autres régions de France, vers les pays nordiques et germaniques, l’Italie et la Méditerranée, voire jusqu’en Chine. Les automobilistes connaissent ce moment de stress où sur une des nos routes sinueuses apparaît en face un camion grumier avec sa remorque en charge. Comme à l’époque du flottage, le Morvan est dans un système où la majeure partie de sa ressource locale en bois s’en va hors du Massif. En dehors de l’utilisation pour le chauffage, localement, et de divers usages artisanaux, qui sont présentés dans un autre article en liaison avec l’Association des Artisans du Bois en Morvan, les activités de transformation sur le territoire restent limitées. Des implantations existent en Morvan et sur son pourtour, des projets sont en cours de réalisation ou de lancement. Un débat sur leur nature et sur leur impact, notamment sur la ressource disponible, s’est engagé. Sans prétendre à l’exhaustivité, il nous est apparu utile de présenter à la fois l’état de la ressource estimée et des implantations existantes et en projet, mais aussi de nous interroger sur le devenir de l’activité bois dans le Morvan et par voie de conséquence de la forêt morvandelle. La ressource annuelle exploitable était évaluée en 2000 à 450000 m3 /an dont 150000 de feuillus (actuellement 55% des surfaces boisées, mais en faible évolution), la production de résineux devrait doubler en 2020 (600000 m3/an, dont 2/3 en douglas) et tripler en 2030 (dont ¾ de douglas), ce qui fait du Morvan la principale zone de production de résineux en Bourgogne, elle-même première région de production en France. Nous reviendrons sur la problématique de la ressource à terme, après avoir examiné les activités. Sur le territoire même, celles de première transformation (sciage et séchage) sont pratiquées par de petites entreprises (15% des activités bois en Morvan) et la seconde transformation y est essentiellement artisanale. Une entreprise industrielle d’importance est installée au cœur de l’ouest-Morvan, l’entreprise Malviche à Saint Martin du Puy. Sur 6 ha et employant une cinquantaine
> l’industrie du bois
de salariés, elle fabrique environ 1 million de palettes de manutention par an et 80000 traverses de chemin de fer, les unes et les autre très largement exportées. Par un accord au sein du Groupe Charlois, Malviche traite essentiellement des bois « secondaires » (environ 70000m3/ an de grumes) et l’entreprise familiale Charlois des bois « nobles » (feuillus), notamment pour la tonnellerie. Un investissement dans des machines automatisées améliorant la productivité et réduisant la pénibilité du travail, est en cours (voir l’article, du Morvandiau de Paris d’avril 2010, « des palettes sur tous les continents »). Dans la transformation des feuillus d’autres entreprises industrielles utilisent pour partie du bois du Morvan. Situées en périphérie du territoire, elles ne peuvent toutes être citées. Mais une initiative mérite attention : celle de « Bois Durables de Bourgogne » regroupant six d’entre elles, associées pour la mise en œuvre à Vandenesse lès Charolles en Saône et Loire, d’une technologie d’origine finlandaise, celle du bois chauffé (entre 190° et 210°). Le traitement thermique adapté permet d’assurer la résistance et la durabilité du bois, de lui donner des coloris variés et de pouvoir concurrencer, en qualité et en esthétique, les bois exotiques. La plupart des essences, feuillues et résineuses, peuvent être traitées et leurs usages sont multiples (charpente, ossature, bardage, terrasses…). L’entreprise Petitrenaud, à Dirol dans la Nièvre, qui se situe sur ces créneaux d’utilisation du bois massif de feuillus fournit la parquetterie Beau Soleil. Grâce à ces techniques et à une démarche de traçabilité, elle obtient, avec ses « parquets vieillis », des marchés de restauration et de rénovation du patrimoine (à son actif, la Galerie des Glaces à Versailles, le Collège de France, des églises…) . Toujours en périphérie du Morvan, cette recherche de la qualité et de la traçabilité est au cœur des démarches innovantes pour le bois de résineux dans d’autres groupes industriels. Le plus ancien site concerné, celui de Sougy sur Loire dans la Nièvre a connu des évolutions radicales depuis la première implantation liée à la pâte à papier. Désormais intégré au Groupe Monnet-Sève (800000m3/an de grumes transformées en France où il est leader du sciage de résineux (avec quatre autres implantations), Bois et Sciages de Sougy œuvre certes en matière de sciage du douglas, mais aussi de séchage, de rabotage et de
81
Économie >
fabrication de bois massif reconstitué. Très soucieux de démarche de qualité l’entreprise met en application des technologies de pointe et un savoir destinés à satisfaire les attentes de ses clients, en matière de caractéristiques physiques (traitement à l’huile de lin), de dimensionnement et d’expédition des produits. Sans entrer dans le détail des installations en ligne ou décrire le travail des « canters », ce qui frappe c’est la complémentarité entre les process automatisés et les contrôles visuels humains sur les produits (coup d’œil et coup de craie). Première entreprise à obtenir un label européen d’écocertification, elle a récemment investi dans des machines destinées à la fabrication de produits aboutés (mis bout à bout dans le sens de la longueur) et lamellés-collés (assemblage en épaisseur). Ces techniques lui permettent d’être compétitive, en particulier dans la livraison et l’aménagement de grandes surfaces de la distribution, en valorisant des bois de qualité moyenne (même avec des gros nœuds !). Le douglas du Morvan représente un peu plus de 50% des approvisionnements (400000m3 dans un rayon d’environ 150km). Employant plus de 150 salariés, l’usine, reliée au réseau ferré, est alimentée en énergie par ses déchets (plus précisément par ses « produits connexes »). 82
A la différence de Sougy, l’entreprise Forêt et Sciages d’Autun a choisi d’axer sa démarche qualité sur la spécificité des douglas du Morvan. L’implantation en 2008 à Autun de l’entreprise à capital partagé entre le Groupe Ducret et trois coopératives d’approvisionnement (CF Bourgogne Limousin, Unisylva et Coforêt) résulte à la fois de la volonté de Ducret (installé à Maillat dans l’Ain) de réduire les coûts et les nuisances du transport routier et de la démarche de réhabilitation par la ville d’Autun d’anciens bâtiments industriels. Le choix technologique d’automatiser les opérations de manutention, de sciage, de rabotage et de traitement (par bain d’huile en particulier) se porte sur le matériel français (ce qui est une exception) de Mécanismes et Engrenages Modernes (Dordogne). La livraison directe sur les chaînes d’amenage évite tout stockage sur place des 50000m3/an de bois ronds, qui fournissent 30000m3 de bois calibrés pour la construction, les unités de collage, le bardage et l’emballage. La valorisation des connexes est prévue en chaufferie pour le séchage et par la fabrication de panneaux. Cette implantation s’inscrit, en effet, dans le cadre d’un « Pôle d’Excellence Rurale » (PER) en cours depuis 2006 sur la valorisation des bioressources. Ce PER, qui permet d’abonder, par des crédits d’Etat, des financements des collectivités dans le cadre d’un partenariat public privé, comporte également la création d’une plateforme de préparation des bois et un projet de centrale électrique biomasse, l’ensemble des entreprises concernées étant regroupées dans l’Association Forêt Autun Sciages Energie, à laquelle participe aussi l’Agence de Promotion de la Région d’Autun-Bourgogne.
Egalement partie intégrante d’un PER lancé en 2006, celui de la Communauté de Communes de Saulieu, l’implantation, sur le site d’anciennes carrières à La Roche en Brénil, en Côte d’Or, de l’entreprise Fruytier sur 16 des 35ha de plateforme aménagée représente un investissement important. Le groupe belge, un des leaders européens du bois transformé, effectue des opérations de sciage, mais aussi de seconde transformation pour fournir des bois prêts à l’usage. Les installations de sciage à La Roche prévues pour traiter 500m3/jour de résineux ont commencé à fonctionner. Le représentant du groupe, lors d’une journée d’échanges consacrés à l’écopôle, a mis l’accent sur des investissements à venir (retardés par la crise actuelle) en matière de seconde transformation. Cette rencontre, le 28 mars 2010, à laquelle ont participé des représentants de l’Etat et des collectivités au niveau national et local, a permis d’appréhender dans sa globalité le projet d’écopôle. Il porte sur l’installation d’entreprises aux activités complémentaires, notamment pour l’utilisation de produits connexes des entreprises de transformation : Brenil- pellets, producteur de granulés et de plaquettes de bois, entreprise à capital hollandais avec un opérateur allemand, et la Centrale thermo électrique à biomasse en cogénération, seul projet retenu en Bourgogne pour un financement public par la commission de régulation de l’énergie et qui produira de l’elélectricité ainsi que de l’énergie pour le séchage du bois de l’entreprise Fruytier. Le PER a permis l’aménagement de la plateforme, son raccordement aux réseaux routier et ferroviaire et la fourniture de services. Grâce à un partenariat financier, jugé exemplaire, notamment dans sa gestion, par les responsables des PER, pour 6 millions d’euro investis (dont 0,6 emprunté par la Communauté de Communes, 2,7 de subvention des collectivités Région et Département, après récupération des sommes correspondant à la vente des terrains et 0,5 de subvention d’Etat) il devrait générer des investissements de l’ordre de 80 à 100 millions d’argent privé. D’ores et déjà, d’autres activités se créent sur le site avec DDM (Douglas du Morvan) société familiale de fraisage et de profilage de petit bois ronds, avec GBA du Groupe Lafarge, producteur de granulats à partir des carrières proches, avec une entreprise de production de plaquettes forestières et un projet d’entreprise de production d’éthanol. Au total, ce sont plus de 200 emplois directs et induits qui sont attendus.
> l’industrie du bois
Une démarche de même nature, en terme de constitution d’un pôle d’activité de transformation du bois est portée par la CCPC (Communauté de Communes du Pays Corbigeois) appuyée par l’Agence de Développement du département de la Nièvre, Fibre Active. Le projet consiste dans l’implantation d’une entreprise d’un autre groupe belge IBV (Industrie du Bois de Vielsam), également installé en Allemagne. Au siège, à Vielsam, en Ardenne belge, fonctionne un complexe industriel de première et seconde transformation (3000m3/jour de bois) utilisant les connexes pour son alimentation en énergie, qui exporte une part importante de sa production. La France étant fortement importatrice de ce type de produits (déficit commercial de l’ordre de 7 milliards d’euro par an), les responsables économiques et élus locaux de la frange ouest du Morvan ont décidé d’utiliser la ressource du territoire localement, sur un site dédié. Initialement prévu pour accueillir l’entreprise Fruytier, celui de la Forêt du Tronçay, sur la commune de Sardy lès Epiry (hors PNR mais dans la zone Morvan du Massif Central), a été acquis par la CCPC, en raison des possibilités d’aménagement : 110ha en bordure de la voie ferrée Corbigny-Cercy la Tour, désormais exploitée par la première PME française du rail privée, la CFR, modernisée pour le transport du fret en partenariat avec les groupes Lafarge et Eiffage producteurs de granulats. Riverain du Canal du Nivernais, même si sur l’autre rive existent déjà les carrières de Picampoix, le site nécessite un aménagement paysager, 30ha étant destinés au projet IBV. Prévu à terme pour traiter 500000m3 de résineux en sciage et séchage, il comporterait également , pour l’utilisation des connexes, une centrale de cogénération et deux unités de fabrication, l’une de farine de bois, l’autre de pellets (200000 tonnes/an de granulés). Actuellement, le projet en gestation depuis 2007, est suivi par un comité de pilotage comprenant les élus concernés et le sous-préfet. L’annonce de la décision finale d’installation par les dirigeants d’IBV et de création de l’entreprise IBS (Industrie Bois de Sardy) devrait intervenir prochainement, enclenchant le processus d’aménagement du site et des investissements de l’ordre de 150 millions d’euro entre 2010 et 2012. Pour Fibre Active l’ensemble des activités de première transformation, de valorisation des connexes et de seconde transformation (séchage, rabotage, rainurage.. .) devrait créer à terme plus de 350 emplois directs et induits, mais devrait aussi s’accompagner d’autres implantations de seconde et troisième transformation. Le créneau des éléments d’architecture et d’ossature bois est visé. Pour IBS, l’approvisionnement en résineux (douglas, pin sylvestre et épicéa) est programmé dans un rayon de 200 km. Le problème de la ressource est celui qui suscite le plus de débats, même si corrélativement il y a bien évidem-
ment celui du coût de la matière première, le système de fixation des cours par enchères introduisant un élément supplémentaire d’incertitude. Au vu des statistiques et des prévisions actuelles il apparaît que si tous les projets se réalisent selon les objectifs affichés une tension se créera à moyen terme pour diminuer, apparemment, après 2020. Mais tout dépend, certes de l’évolution de la crise économique, mais surtout de la part de la ressource qui continuera à quitter le territoire du Morvan et de celle qui viendra de l’extérieur. Le groupe IBV affiche une collecte hors Morvan importante. Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur les risques que fait courir tel ou tel investissement sur l’ensemble de la filière, ni a fortiori, de nous impliquer dans des querelles que certains ont annoncé déjà comme « fratricides ». Mais il nous parait être dans notre rôle associatif de faire part de quelques réflexions et suggestions. Sur la ressource, le PER de La Roche en Brénil faisait apparaître une récolte en Bourgogne de 55% à 60% de la production ainsi que les 80% de ressource transformée hors Région. Les implantations en cours auront à l’évidence pour conséquence de faire heureusement chuter ce dernier pourcentage. Mais actuellement dans toutes nos forêts, à la suite de la tempête de début 2009, gisent des arbres abattus, des chablis, comprenant des charpentes de valeur que les propriétaires, surtout les petits, encore nombreux, sont dans l’incapacité d’exploiter. La relative rareté de la ressource annoncée ne peut-elle pas faire évoluer les modes d’exploitation ? Plus que la raréfaction de la ressource concernant les boisements actuels, ce sont les défauts de replantation qui inquiètent à long terme. Les tempêtes et, de manière plus générale, les contraintes de nature environnementale impliquent que ces replantations s’opèrent différemment, notamment en peuplement mixte, et que la gestion sylvicole se modifie. Comment s’y prépare t-on ? Le premier paradoxe de la filière est que l’on annonce des tensions sur le niveau et le coût de la ressource, mais que les propriétaires plantent de moins en moins. Certes il y a l’impact du changement du système d’aide ; mais le sujet mérite une mobilisation de tous les acteurs concernés par ces problèmes économiques et environnementaux. Un deuxième domaine de réflexion concerne les utilisations du bois. La plupart des gros investissements en cours portent sur des gammes de produits de nature similaire. Même si les techniques différent les démarches se
83
> l’industrie du bois
ressemblent. Les entretiens avec les professionnels euxmêmes et les analyses sur la filière font ressortir qu’un domaine est mal couvert en France, et en Bourgogne en particulier, au niveau industriel (la situation est un peu différente dans l’artisanat), c’est celui de l’intégration du bois dans la construction des bâtiments individuels, mais surtout collectifs à usage d’habitat ou industriel ou commercial, à caractère durable. Aprovalbois, organisation de professionnels en Bourgogne, a consacré à ce sujet une partie de son récent colloque « innover pour ne pas subir », ainsi qu’un dossier en 2009 qui mettait l’accent sur l’incidence pour le bâtiment des nouvelles normes gouvernementales en faveur de la basse consommation (BBC), et leurs conséquences dans les relations entre la filière bois et les entrepreneurs du BTP ; l’idée qualifiée « d’unique en France » a été émise d’un GIE entre industriels par Xylopolis. Dans son bulletin de janvier/mars 2010, le Conseil Régional de Bourgogne a publié un dossier sur l’écoconstruction (écoquartier, logements…). La Galerie Européenne du Bois de Dompierre lès Ormes, financée par le Département de Saône et Loire, s’investit, entre autre, dans ce domaine, en relation avec le CNAM de Cluny et une école d’architectes de Grenoble. 84
Les entreprises, quant à elles, reconnaissent que le marché potentiel est considérable, compte tenu du retard de la France par rapport à d’autres pays en la matière ; mais, et c’est le deuxième paradoxe de la filière, elles investissent peu, tout du moins en Bourgogne sur ce créneau. C’est pourquoi le Comité d’Etudes et d’Aménagement du Morvan (CEAM) s’est tourné vers l’étranger (mission récente d’un responsable québécois) non seulement pour de nouvelles activités mais aussi pour des savoirfaire. Des difficultés techniques existent liées aux propriétés mécaniques du bois. Mais il apparaît de plus en plus évident que les solutions passent par la recherche en commun avec les autres professionnels concernés, notamment fabricants d’autres matériaux isolants, constructeurs de machines outils… Des progrès rapides pourraient être réalisés dans des secteurs peu complexes comme celui des bâtiments agricoles. Les écopôles bois, mais aussi les « clusters » d’entreprises ont vocation à être des lieux d’innovation pluridisciplinaire. L’idée a été évoquée à La Roche en Brénil et dans un entretien avec Fibre Active. La mise en œuvre des PER de deuxième génération devraient permettre ces avancées, avec un peu de prospective et beaucoup d’ingénierie ! Le troisième domaine de réflexion touche aux démarches qualité. Les entreprises y accordent une importance réelle, mais de manière segmentée. Un spécialiste des bois de résonance, musicien et luthier, disait récemment que dans les piles de bois, au bord des routes du Morvan, il y avait, au milieu des bois de valeur moyenne, des
bois de grande qualité « qui finiront en planches comme les autres ». Le troisième paradoxe de la filière est que, à part exception, le lien n’est pas fait par les entreprises avec les orientations de la Charte forestière du Parc Naturel Régional en la matière. Différentes approches peuvent certes être retenues, mais l’avenir de la filière bois et de la forêt en Morvan dépendent de ces échanges. L’idée, développée par divers acteurs dans des projets, d’une diagonale des pôles bois en France à la place de la fameuse « diagonale du vide » (des Ardennes aux Cévennes avec le Morvan au centre) suppose un minimum de vision commune sur la faisabilité du concept. Comment peut être lancée cette concertation entre tous les acteurs concernés ? Il y a là un vaste chantier pour le Parc Naturel Régional du Morvan, dans lequel s’insère l’approche valorisation des produits bois portée par le programme LEADER . A notre avis, très personnel, pour qu’un tel processus puisse pleinement réussir, il convient que le territoire adopte un approche culturelle et patrimoniale de mise en valeur de la matière bois, comme c’est le cas dans d’autres massifs français ou, en Europe, dans les pays nordiques et de l’Axe alpin jusqu’aux Carpates et aux Balkans ; dans les actions de coopération une place doit être faite aux savoir-faire de toute nature relatif au bois, en s’appuyant sur des structures dont c’est la vocation, comme la Galerie Européenne du Bois. L’implantation d’activités, indispensables certes, ne suffira pas, selon nous, à donner une « image bois » du Morvan. Actuellement les entreprises communiquent bien professionnellement sur leurs produits mais moins sur la valeur intrinsèque et emblématique du matériau bois. Leur implication dans des actions de valorisation de type culturel ou artistique ne pourrait que profiter à tous en terme d’image. Pour qu’une telle mutation puisse s’opérer, en bon Morvandiau, nous touchons du bois rond de la main gauche en remontant. Cet article ne traite pas d’activités des domaines spécifiques de l’industrie du meuble, du bois énergie et de la chimie du bois. Il a pu être réalisé essentiellement grâce à la collaboration de Stéphane Besançon (Ducret Autun), Pierre-Yves Lecca (APR Autun), Marianne Mesnil (PER La Roche en Brénil), Didier Petitrenaud (Dirol), Didier Verlynde (Fibre Active), Stéphane Vives (BS Sougy) et un article du Morvandiau de Paris sur Malviche. Merci à eux.