UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6) FACULTE DÉ MÉDECINE PITIÉ-SALPÊTRIÈRE
THÈSE
ANNÉE 2007-2008
N° 2008PA06S013
DOCTORAT EN MÉDECINE SPÉCIALITÉ : MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES PAR
Loïc EPELBOIN Né le 17 avril 1979 à Clamart ______________
PRESENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 6 MAI 2008
ATTEINTES CARDIAQUES DES HELMINTHIASES : À PROPOS DE DEUX CAS DE MYOCARDITE AIGUË AU COURS DE LA BILHARZIOSE INVASIVE
DIRECTEUR DE THÈSE : PRÉSIDENT DE THÈSE : MEMBRES DU JURY :
Monsieur le Professeur Éric CAUMES Monsieur le Professeur Martin DANIS Monsieur le Professeur Olivier BOUCHAUD Monsieur le Docteur Stéphane JAURÉGUIBERRY
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TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS……………………………………………………………………. p.4 PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS DE LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE……………. p.5 ABRÉVIATIONS……………………………………………………………………….. p.8 VALEURS NORMALES DES PARAMÈTRES BIOLOGIQUES………………….. p.9 INTRODUCTION………………………………………………………………………. p.10 CAS CLINIQUES……………………………………………………………………….. p.12 Cas Clinique n° 1 Cas Clinique n° 2 DISCUSSION …………………………………………………………………….. p.20 I. GÉNÉRALITÉS SUR LA BILHARZIOSE…………………………………….p.20 A. HISTORIQUE………………………………………………………….p.20 B. ÉPIDÉMIOLOGIE…………………………………………………….. p.21 1. Bilharziose endémique 2. Bilharziose invasive C. PARASITOLOGIE……………………………………………………..p.27 1. Transmission 2. Cycle évolutif D. PRÉSENTATION CLINIQUE……..………………………………….p.30 1. Manifestations immédiates 2. Bilharziose invasive a. Présentation habituelle b. Neurobilharziose aiguë 3. Quelques notions concernant la bilharziose chronique E. DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE……………………………….. p.35 F. TRAITEMENT………………………………………………………… p.37 II. DONNÉES CARDIOLOGIQUES……………………………………………..p.37 A. CŒUR ET BILHARZIOSE CHRONIQUE…………………………... p.37 1. HTAP et CPC 2. Myocardite bilharzienne chronique 3. Autres causes de myocardite au cours de la bilharziose chronique 4. Cœur éosinophilique chronique B. MYOCARDITE AIGUË………………………………………………. p.44 III. ATTEINTE CARDIAQUE DE LA BILHARZIOSE INVASIVE……………p.48 A. ANALYSE DES 2 CAS CLINIQUES…………………………………p.48 B. MYOCARDITE AIGUË DE LA BILHARZIOSE INVASIVE.……... p.51 C. HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES………………………...p.53 2
1. La théorie mécanique 2. La théorie immunologique a. Myocardite aiguë et éosinophiles b. Myocardite aiguë auto-immune c. Conséquences thérapeutiques D. CŒUR ET AUTRES HELMINTHIASES AIGUËS………….. ………p.66 1. Atteintes cardiaques au cours de la trichinellose invasive 2. Atteintes cardiaques au cours de la toxocarose 3. Atteintes cardiaques au cours de l’anguillulose maligne 4. Atteintes cardiaques au cours des filarioses 5. Autres helminthiases CONCLUSION………………………………………………………………………….. p.71 ANNEXES (Tableaux récapitulatifs) …………………………………………………….p.75 Annexe n°1 : Principaux caractères différentiels des espèces de schistosomes Annexe n°2 : Causes de myocardite aiguë Annexe n°3 : Causes d’élévation de la troponine Annexe n°4 : Atteintes cardiaques au cours des protozooses Annexe n°5 : Atteintes cardiaques au cours des helminthiases BIBLIOGRAPHIE….…………………………………………………………………... p.80 RÉSUMÉ ET MOTS-CLÉS…………….. ………………………………….……..
p.88
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REMERCIEMENTS A Monsieur le Professeur Eric Caumes, Directeur de cette thèse, fervent combattant des maladies tropicales, fléaux de l’humanité, qui a su me guider dans la rédaction de cette thèse, par ses conseils avisés et sa disponibilité.
A Monsieur le Professeur Martin Danis, l’un des derniers samouraïs de la parasitologie clinique, qui m’a fait l’honneur d’accepter de présider cette thèse.
A Monsieur le Professeur Olivier Bouchaud, fin connaisseur de l’Afrique et des Africains, qui m’a fait l’honneur de participer au jury de cette thèse.
A Monsieur le Docteur Stéphane Jauréguiberry, pour avoir orienté mon travail, et fait part de ces connaissances sur la bilharziose, qui m’a fait l’honneur de participer au jury de cette thèse. A M le Professeur Laurent Fourcade, Marseille, Mme le Docteur Tiphaine Gaillard, Toulon, M. le Professeur Louis V. Kirchhoff, Iowa City, USA, M. le Professeur Joseph E. Parrillo, Camden, New Jersey, USA, Mme Isabelle Borloz, de la Société de Pathologie exotique, pour leur aide et leurs réponses aussi promptes à mes sollicitations électroniques.
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ET AUSSI, ET SURTOUT…. À Sihem, ma princesse, pour son soutien, tant bien que mal, pendant cette période délicate. Ton tour viendra… après Mayotte. À mes parents, Sylvie et Alain, pour leur relecture attentive de mon travail. À Jb, son aide précieuse d’expert ès cardiologie, vive Golgi. À Renaud, qui m’a fait économiser de précieuses heures de travail. À Mao, mi hermano colombiano, et ses conseils informatiques, à Rachel. À Laurent Big L, pour son aide en Anglais. À mes petits frères, Mic et Nouk, que la fuerza sea con ellos. Aux amis de Médecine, dont les chemins se suivent depuis tant d’années. À mon binôme, Binbin ADLB, sans qui je ne serais pas ici aujourd’hui. À Didimo, à la musique gnawa-brésilienne, la vie hors de l’hôpital. À Abdel et à tous les Guyanais. À mes grands-mères, Madeleine et Mamé, et à feux mes grands-pères. À ma chaleureuse belle-famille de Bab Ezzouar, Alger. À mon filleul, Erwan, son frère Matéo, son père Jose el feo. À ceux du laboratoire de microbiologie de Saint Joseph. À mes tuteurs sud-américains, Messieurs les Professeurs Sergio Mollinedo, La Paz, Bolivie, et Amarilio Macedo, Porto Alegre, Brésil, um abraço. ….JE DÉDIS CE MODESTE TRAVAIL, QUI ME FAIT DOCTEUR.
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PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS Nom et Prénom ACAR Christophe AGID Yves AGUT Henri ALLILAIRE Jean-François AMOURA Zahir ASTAGNEAU Pascal AURENGO André AUTRAN Brigitte BAILLET François BARROU Benoît BASDEVANT Arnaud BAULAC Michel BAUMELOU Alain BELMIN Joël BENHAMOU Albert BENVENISTE Olivier BERGER Geneviève BERTRAND Jacques-Charles BITKER Marc Olivier BODAGHI Bahram BOISVIEUX Jean-François BOURGEOIS Pierre BRICAIRE François BRICE Alexis BRUCKERT Eric CABANIS Emmanuel CACOUB Patrice CALVEZ Vincent CAPRON Frédérique CATALA Martin CATONNE Yves CAUMES Eric CESSELIN François CHAMBAZ Jean CHARTIER-KASTLER Emmanuel CHASTRE Jean CHERIN Patrick CHIGOT Jean-Paul CHIRAS Jacques CLEMENT-LAUSCH Karine CLUZEL Philippe COHEN David COHEN Laurent CORIAT Pierre CORNU Philippe COURAUD François DANIS Martin DARBOIS Yves DAVI Frédéric DAUTZENBERG Bertrand DEBRE Patrice DELATTRE Jean-Yves DERAY Gilbert DERENNE Jean-Philippe DOMMERGUES Marc DORMONT Didier DUBOIS Bruno DURON Jean-Jacques DUYCKAERTS Charles EYMARD Bruno FAUTREL Bruno FERRE Pascal FONTAINE Bertrand FOSSATI Philippe FOURET Pierre GANDJBAKHCH Iradj GIBERT Claude GIRERD Xavier
Discipline universitaire CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE FEDERATION DE NEUROLOGIE BACTERIOLOGIE-VIROLOGIE-HYGIENE PSYCHIATRIE D’ADULTES MEDECINE INTERNE EPIDEMIOLOGIE/SANTE PUBLIQUE BIOPHYSIQUE et MEDECINE NUCLEAIRE IMMUNOLOGIE RADIOTHERAPIE UROLOGIE NUTRITION ANATOMIE / NEUROLOGIE NEPHROLOGIE MEDECINE INTERNE CHIRURGIE VASCULAIRE MEDECINE INTERNE BIOPHYSIQUE et MEDECINE NUCLEAIRE STOMATOLOGIE ET CHIRURGIE MAXILLO-FACIALE UROLOGIE OPHTALMOLOGIE BIOSTATISTIQUES et INFORMATIQUE MEDICALE RHUMATOLOGIE MALADIES INFECTIEUSES - MALADIES TROPICALES GENETIQUE ENDOCRINOLOGIE ET MALADIES METABOLIQUES RADIOLOGIE et IMAGERIE MEDICALE MEDECINE INTERNE VIROLOGIE ET BACTERIOLOGIE ANATOMIE ET CYTOLOGIE PATHOLOGIQUE CYTOLOGIE ET HISTOLOGIE CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE ET TRAUMATOLOGIQUE MALADIES INFECTIEUSES - MALADIES TROPICALES BIOCHIMIE et BIOLOGIE MOLECULAIRE BIOLOGIE CELLULAIRE UROLOGIE REANIMATION MEDICALE MEDECINE INTERNE CHIRURGIE GENERALE RADIOLOGIE et IMAGERIE MEDICALE III NUTRITION RADIOLOGIE ET IMAGERIE MEDICALE II PEDO-PSYCHIATRIE NEUROLOGIE ANESTHESIOLOGIE et REANIMATION CHIRURGICALE NEURO-CHIRURGIE BIOCHIMIE et BIOLOGIE MOLECULAIRE PARASITOLOGIE GYNECOLOGIE – OBSTETRIQUE HEMATOLOGIE BIOLOGIQUE PNEUMOLOGIE IMMUNOLOGIE NEUROLOGIE NEPHROLOGIE PNEUMOLOGIE GYNECOLOGIE - OBSTETRIQUE NEURO-RADIOLOGIE NEUROLOGIE CHIRURGIE DIGESTIVE ANATOMIE et CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES NEUROLOGIE RHUMATOLOGIE BIOCHIMIE et BIOLOGIE MOLECULAIRE FEDERATION DE NEUROLOGIE PSYCHIATRIE D’ADULTES ANATOMIE et CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES CHIRURGIE THORACIQUE et CARDIO-VASCULAIRE. REANIMATION MEDICALE THERAPEUTIQUE / ENDOCRINOLOGIE
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GONZALES Jacques GRENIER Philippe GRIMALDI André HAERTIG Alain HANNOUN Laurent HAUW Jean-Jacques HELFT Gérard HERSON Serge HEURTIER Agnès HOANG XUAN Khê ISNARD-BAGNIS Corinne JARLIER Vincent JOUVENT Roland KATLAMA née WATY Christine KHAYAT David KIEFFER Edouard KLATZMANN David KOMAJDA Michel KOSKAS Fabien LAMAS Georges LANGERON Olivier LAZENNEC Jean-Yves LEBLOND née MISSENARD Véronique LECHAT Philippe LE FEUVRE Claude LEFRANC Jean-Pierre LEHERICY Stéphane LEHOANG Phuc LEMOINE François LUBETZKI ép. ZALC Catherine LYON-CAEN Olivier MALLET Alain MARIANI Jean MAZERON Jean-Jacques MAZET Philippe MAZIER Dominique MEININGER Vincent MENEGAUX Fabrice MERLE-BERAL Hélène METZGER Jean-Philippe MONTALESCOT Gilles OPPERT Jean-Michel PAVIE Alain PERRIGOT Michel PETITCLERC Thierry PIERROT-DESEILLIGNY Charles PIETTE François PIETTE Jean-Charles POIROT Catherine POYNARD Thierry PUYBASSET Louis RATIU Vlad RICHARD François RIOU Bruno RIXE Olivier ROBAIN Gilberte ROUBY Jean-Jacques SAMSON Yves SIMILOWSKI Thomas SOUDANT Jacques SPANO Jean-Philippe THOMAS Daniel TOUITOU Yvan VAILLANT Jean-Christophe VAN EFFENTERRE Rémy VERNANT Jean-Paul VERNY Marc WILLER Jean-Vincent ZELTER Marc
BIOLOGIE du DEVELOPPEMENT et de la REPRODUCTION RADIOLOGIE et IMAGERIE MEDICALE II ENDOCRINOLOGIE ET MALADIES METABOLIQUES MEDECINE LEGALE / UROLOGIE CHIRURGIE GENERALE ANATOMIE et CYTOLOGIE PATHOLOGIQUES DEPARTEMENT DE CARDIOLOGIE THERAPEUTIQUE /MEDECINE INTERNE ENDOCRINOLOGIE ET MALADIES METABOLIQUES NEUROLOGIE NEPHROLOGIE BACTERIOLOGIE-HYGIENE PSYCHIATRIE D'ADULTES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES ONCOLOGIE MEDICALE CHIRURGIE VASCULAIRE IMMUNOLOGIE CARDIOLOGIE et MALADIES VASCULAIRES CHIRURGIE VASCULAIRE OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE ANESTHESIOLOGIE ANATOMIE / CHIRURGIE ORTHOPEDI QUE HEMATOLOGIE CLINIQUE PHARMACOLOGIE DEPARTEMENT DE CARDIOLOGIE CHIRURGIE GENERALE RADIOLOGIE et IMAGERIE MEDICALE OPHTALMOLOGIE IMMUNOLOGIE FEDERATION DE NEUROLOGIE FEDERATION DE NEUROLOGIE BIOSTATISTIQUES ET INFORMATIQUE MEDICALE BIOLOGIE CELLULAIRE/MEDECINE INTERNE RADIOTHERAPIE PEDO-PSYCHIATRIE PARASITOLOGIE NEUROLOGIE CHIRURGIE GENERALE HEMATOLOGIE BIOLOGIQUE DEPARTEMENT DE CARDIOLOGIE CARDIOLOGIE ET MALADIES VASCULAIRES NUTRITION CHIRURGIE THORACIQUE et CARDIO-VASCULAIRE. REEDUCATION FONCTIONNELLE BIOPHYSIQUE / NEPHROLOGIE NEUROLOGIE MEDECINE INTERNE MEDECINE INTERNE CYTOLOGIE ET HISTOLOGIE HEPATO-GASTRO-ENTEROLOGIE ANESTHESIOLOGIE REANIMATION CHIRURGICALE HEPATO - GASTRO - ENTEROLOGIE UROLOGIE ANESTHESIOLOGIE/URGENCES MEDICO-CHIRURGICALE ONCOLOGIE MEDICALE REEDUCATION FONCTIONNELLE ANESTHESIOLOGIE ET REANIMATION CHIRURGICALE NEUROLOGIE/URGENCES CEREBRO-VASCULAIRES PNEUMOLOGIE OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE ONCOLOGIE MEDICALE CARDIOLOGIE ET MALADIES VASCULAIRES NUTRITION / BIOCHIMIE CHIRURGIE GENERALE NEURO-CHIRURGIE HEMATOLOGIE CLINIQUE MEDECINE INTERNE PHYSIOLOGIE PHYSIOLOGIE / EXPLORATIONS FONCTIONNELLES
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ABRÉVIATIONS AC/FA
Arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire
ALAT (=SGOT)
Alanine Amino Transférase
ASAT (=SGPT)
Aspartate Amino Transférase
BAV
Bloc auriculo-ventriculaire
CHU
Centre Hospitalo-Universitaire
CK-MB
Fraction MB de la Créatine Kinase
CMH
Complexe Majeur d’Histocompatibilité
CMV
Cytomégalovirus
CPC
Cœur pulmonaire chronique
CPK
Créatine PhosphoKinase
EBV
Epstein-Barr Virus
ECG
Electrocardiogramme
ELISA
Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay
EPC
Endocardite pariétale chronique
EPF
Endocardite pariétale fibroblastique
FEM
Fibrose endomyocardique
FLAIR
FLuid Attenuation Inversion Recovery
HTA
Hypertension artérielle
HTAP
Hypertension artérielle pulmonaire
IRM
Imagerie par résonance magnétique
GGT
Gamma Glutamyl transferase
LDH
Lactate Déshydrogénase
HHV6
Human Herpes Virus 6
MBP
Major Basic Protein
MMS
Mini Mental Status
NFS
Numération Formule Sanguine
OMS
Organisation mondiale de la Santé
PAL
Phosphatase Alcaline
ECP
Eosinophilic cationic protein
SCA
Syndrome coronarien aigu
SHE
Syndrome hyperéosinophilique idiopathique
SIRS
Syndrome de réponse inflammatoire systémique
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VALEURS NORMALES DES PARAMÈTRES BIOLOGIQUES Unités
Valeurs normales
ASAT
U/l
20-32
ALAT
U/l
16-35
GGT
U/l
11-49
PAL
U/l
40-120
LDH
U/l
11-49
µmol/l
2-17
CPK
U/l
25-195
CK-MB
µg/l
<5
Troponine
µg/l
< 0,2
Eosinophiles
/mm3
0-500
Leucocytes totaux
/mm3
2000-7500
CRP
mg/l
<5
Bilirubine
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INTRODUCTION La schistosomose ou bilharziose est un problème de santé publique mondial de premier ordre. Elle représente la deuxième parasitose mondiale, après le paludisme, avec, selon l’OMS [1], environ 200 millions de personnes infectées, dont 120 millions sont symptomatiques et 20 millions présentent une forme grave invalidante. Les répercussions socio-économiques dans les pays en voie de développement sont majeures, en dépit de nombreux programmes de lutte contre son extension. La maladie est endémique sur tous les continents, dans plus de 76 pays, mais on estime que plus de 85% des cas sont concentrés en Afrique, souvent dans les pays où l’on retrouve une incidence élevée pour le VIH, la tuberculose et le paludisme [2]. La bilharziose humaine est une helminthiase de type zoonose, dont cinq espèces sont pathogènes pour l’homme, chacune ayant une répartition spécifique sur le globe : Schistosoma hæmatobium, S. mansoni, S. japonicum S. mekongi et S. intercalatum. La forme chronique des maladies liées à ces différentes espèces est bien connue depuis le milieu du XIXème siècle, depuis que Theodor Bilharz décrivit pour la première fois, en 1851 S. hæmatobium dans les veines mésentériques d’un Égyptien. La bilharziose chronique touche majoritairement les personnes vivant en zone d’endémie. En revanche, la forme aiguë de la maladie, récemment regroupée sous le terme de bilharziose invasive - ou acute schistosomiasis en anglais - est plus rare. Sa physiopathologie est mal connue et les premières descriptions hors du Japon n’apparaissent que dans les années 1980 [3]. A part en Asie où sévit S. japonicum, elle est rarement observée dans les populations subissant une exposition chronique au parasite, et est principalement décrite chez les voyageurs. Elle survient généralement plusieurs semaines après la contamination et s’accompagne souvent, quand elle est symptomatique, d’un cortège de signes cliniques dus à une réaction d’hypersensibilité liée à la migration du parasite, à type de fièvre, asthénie, myalgie, éruption urticarienne, symptomatologie respiratoire et digestive [4]. La guérison est généralement 10
spontanée en quelques jours, mais des atteintes sévères ont été décrites. La littérature récente s’est particulièrement intéressée aux atteintes neurologiques de la bilharziose invasive [5, 6], mais les atteintes cardiaques existent et sont très peu connues, contrairement à celles de la bilharziose chronique. Nous décrirons ici deux cas d’atteinte cardiaque au cours de bilharzioses invasives chez des voyageurs de retour d’Afrique hospitalisés respectivement en 2004 et 2006 dans le service de Maladies Infectieuses et Tropicales du Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière. Après avoir rappelé les données récentes de la littérature concernant la bilharziose, nous nous attarderons sur les atteintes cardiaques connues de la forme chronique de la maladie, bien décrites en Afrique dans les années 1980. Nous tenterons ensuite de comprendre les mécanismes physiopathologiques de l’atteinte cardiaque au cours de la bilharziose aiguë, en nous appuyant, d’une part, sur les données existant pour les atteintes cardiaques au cours de réaction d’hypersensibilité et, d’autre part, au cours d’autres helminthiases aigues.
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CAS CLINIQUES Cas Clinique n° 1 Monsieur N., 16 ans, lycéen sans antécédent, d’origine franco-équatorienne, ayant séjourné un an en Équateur, a voyagé du 27 juillet au 24 août 2006 au Burkina Faso et au Mali. La chimioprophylaxie anti palustre par méfloquine a été bien observée et les vaccinations pour les hépatites A et B, la typhoïde et la fièvre jaune sont à jour. Il relate s’être baigné dans une cascade au Mali, dans le Pays Dogon, les 15 (J0) et 16 août 2006. Il ressent une asthénie intense accompagnée de nausées à partir du 18 août (J3) qui cèdent spontanément au retour en France le 24 août (J9). A partir du 8 septembre (J24), il ressent à nouveau une grande fatigue, et une fièvre à 39°C apparaît le 10 septembre (J26), associée à des myalgies et des douleurs dorsales et abdominales diffuses. Ces plaintes le conduisent à se rendre à la consultation des voyageurs le 11 septembre (J27). En dehors de la constatation d’une hyperthermie à 39,2°C, l’examen clinique est sans particularité. La NFS et l’ionogramme sanguin sont normaux, la CRP à 22 mg/l. La bandelette urinaire et la recherche de paludisme sont négatives. Malgré un traitement antipyrétique, la fièvre persiste, et le 13 septembre (J29) apparaît une toux productive. Le lendemain, son médecin généraliste diagnostique une bronchite aiguë devant une radiographie pulmonaire normale. Dans la nuit du 14 au 15 septembre (J31), surviennent une gêne respiratoire et une douleur thoracique à l’inspiration, suivies, le matin, d’une éruption prurigineuse à type de lésions papuleuses érythémateuses migratrices, contemporaines de la disparition de la fièvre. Le patient consulte à nouveau son médecin traitant qui lui prescrit un bilan sanguin qui retrouve le 16 septembre (J32) un taux d’éosinophiles à 558/mm3, une recherche de paludisme négative, une CRP à 26 mg/l et une hypertransaminasémie avec ASAT = 162 U/l et ALAT = 219 U/l. Un traitement par anti-histaminiques et amoxicilline est mis en place. Le 17 (J33), devant la
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persistance de la toux, de la dyspnée, une majoration de l’éruption cutanée et l’apparition d’un œdème de la lèvre supérieure et des paupières, il consulte aux urgences de la Pitié-Salpêtrière. L’examen clinique du patient apyrétique ne révèle qu’une sensibilité isolée de l’hypocondre droit. Le nouveau bilan biologique montre une NFS normale, malgré un taux d’éosinophiles à la limite supérieure de la normale (558/mm3) [cf. figure 1], une CRP à 9, une altération du bilan hépatique (ASAT 113 U/l, ALAT 222 U/l, GGT 160 U/l, PAL 276 U/l) et un frottis - goutte épaisse négatif. Le patient rentre à domicile, tout traitement arrêté, et est adressé en consultation de Maladies Infectieuses le lendemain pour suspicion d’hépatite virale. Le 17.09.06, la relecture de la lame de frottis goutte épaisse retrouve une parasitémie positive < 0,01% avec présence de trophozoïtes de Plasmodium falciparum. Le patient est alors hospitalisé. L’examen clinique d’entrée est inchangé et l’éruption d’allure urticarienne est toujours présente. Les examens paracliniques objectivent les constatations suivantes : NFS normale hormis une éosinophilie à 522/mm3 (11,5%) ; CRP 8 mg/l ; ionogramme sanguin et fonction rénale normale, bilan hépatique en amélioration (ASAT 148 U/l ; ALAT 182 U/l; GGT 148 U/l) LDH 532 U/l (1,4N) ; CPK 76 U/l ; troponine < 0,04 µg/l ; l‘immunodiagnostic bilharziose et l’examen parasitologique des urines sont négatifs. L’échographie hépatique est normale en dehors d’un ganglion de 9,5 mm du hile hépatique. La radiographie pulmonaire est normale. Le patient bénéficie d’un traitement par atovaquoneproguanil, et, devant une amélioration des symptômes, rentre à domicile. Le diagnostic confirmé est celui de paludisme. L’autre diagnostic suspecté est celui d’un syndrome de Löffler ou d’une bilharziose invasive. Le 22 septembre (J38), l’éruption, la toux et la dyspnée ont complètement disparu, mais apparaissent des céphalées frontales intenses, accompagnées de phosphènes, de nausées et de vomissements associés à une douleur thoracique rétrosternale, irradiant dans le dos, à type de serrement survenant de façon intermittente. Le 23 13
septembre (J39) le patient est réhospitalisé : la troponine est élevée à 1,50 µg/l et l’ECG montre des troubles de repolarisation aspécifiques dans le territoire antéro-latéral [cf. ECG n°1]. Par ailleurs, le reste du bilan montre un bilan hépatique (ASAT 53 U/l ; ALAT 71 U/l), CPK 209 U/l (N<195 U/l), et un taux d’éosinophiles à 510/mm3 (6%). Il est alors transféré en Unité de Soins Intensifs Cardiologiques pour suspicion de myocardite aiguë ou vascularite coronaire et cérébrale. L’échographie cardiaque transthoracique montre une minime hypokinésie du tiers apical et moyen antérieur, une fraction d’éjection du ventricule gauche et une tension artérielle pulmonaire normale. Un nouvel ECG retrouve un sous-décalage du segment ST en apico-latéral en en inférieur [cf. ECG n°2] ; la troponine s’élève jusqu’à 4,5 µg/l, puis diminue. L’IRM cérébrale réalisée le 25 septembre (J41) est normale et on constate une séroconversion pour les anticorps anti- S. mansoni. Devant la suspicion de myocardite ou de vascularite coronarienne compliquant une bilharziose invasive aiguë, un traitement par corticoïdes est initié en bolus, relayé par une corticothérapie orale (1 mg/kg/j soit 50 mg/j, avec diminution progressive), associée à un traitement β-bloquant (acébutolol) et un inhibiteur de l’angine de conversion de l’angiotensine (ramipril). Le 27 septembre (J43) le patient est retransféré en salle, devant l’amélioration clinico-biologique et la normalité de l’IRM cardiaque réalisée. La poursuite de l’amélioration clinique est telle qu’il rentre à domicile le 1er octobre. Le patient est revu régulièrement en consultation de Maladies Infectieuses et de cardiologie après sa sortie. Il décrit la persistance d’une dyspnée d’effort, mais l’examen clinique est normal, la troponine se négative à partir du 5 octobre (J51) et la sérologie bilharzienne reste stable. Le 14 octobre (J60), il est décidé de la poursuite de la diminution des corticoïdes à 15 mg/j et de l’arrêt du ramipril. La biologie montre une absence d’hyperéosinophilie, et les examens parasitologiques des urines sont négatifs. Début novembre, le patient arrête de lui-même la corticothérapie devant 14
une restitution ad integrum de son état antérieur. On constate alors une réascencion des éosinophiles jusqu’à 3000/mm3. Un traitement par praziquantel à la dose de 40 mg/kg soit 2400 mg est donc instauré à 3 mois de l’épisode aigu malgré la négativité de l’examen parasitologique des urines. Ce traitement permet une disparition progressive de l’éosinophilie. Dans les suites, le patient est revu à deux reprises en consultation, ne se plaignant que d’une asthénie résiduelle et d’une petite toux sèche chronique. Un an plus tard son état de santé est parfaitement satisfaisant.
Figure 1: Courbe chronologique des éosinophiles et de la troponine de M. N. 3500
4,5
Introduction des corticoïdes
3000
4
2000
2,5
Douleur thoracique
Arrêt des corticoïdes
1500
2
Troponine (µg/l)
3
1,5 1000 1 500 0,5
7
7 27
/1
2/ 0
/0
7 /0 /1
/2 23
31
1/ 07
6 /1
14
4/
1/ 0
6
6 /1 30
10 3/
0/ 0
/0
6
6 10 1/
/9 30
/9 29
/0
/0
6
6
Eosinophiles
/0
/0
6 28
/9
/0
6 /9 27
/9 26
25
/9
/0
/0
6
6
6
/0 /9 24
/9 24
24
/9
/0
/0
6
6
6
/0 /9 23
19
/9
/0
/0
6 /9 18
/9
/0
/0 16
/9
6
0 6
0
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Taux d'éosinophiles (/mm3)
3,5 2500
Troponine
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ECG n°1 23/9 18h30 (Troponine = 1,5 µg/l) Onde T négative en V1 et sous-décalage du ST en V2 Ischémie sous-épicardique + lésion sous-endocardique septales
ECG n°2 : 23/9 21h Sous-décalage du segment ST en V4, V5, V6 + DII Lésion sous-endocardique apico-latérale et inférieure
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Cas Clinique n° 2 Monsieur F., 21 ans, étudiant en commerce, Parisien, sans antécédent, a voyagé en groupe touristique au Mali, dans le pays Dogon, du 15 juillet au 19 août, et s’est baigné durant 30 minutes dans le lac Banani le 14 août (J0). Au cours du bain et dans les heures qui vont suivre, il a ressenti un prurit intense suivi d’une éruption maculo-papuleuse touchant l’abdomen et la face interne des bras, régressive en 24 heures. Plusieurs membres de son groupe ont présenté les mêmes symptômes au décours de cette baignade collective. Il consulte dans le service de Maladies Infectieuses et Tropicales de la Pitié-Salpêtrière à son retour le 25 août, et un traitement préventif par praziquantel est instauré devant la suspicion de bilharziose en incubation. Les examens biologiques (examen parasitologique des selles, frottis sanguin - goutte épaisse, NFS, notamment et sérologie bilharzienne) sont normaux. L’examen parasitologique des urines des compagnons de voyage retrouvera plus tard des œufs de Schistosoma hæmatobium. Progressivement, une asthénie s’installe, accompagnée d’une toux sèche, de céphalées, de myalgies, et d’une fièvre, oscillant entre 38 et 38,9°C. Monsieur F. note un épisode d’œdème palpébral isolé vers le 10 septembre (J27), spontanément résolutif en 24 heures. Il est alors hospitalisé dans le Service de Maladies Infectieuses et Tropicales le 17 septembre (J34). L’examen clinique, notamment cardio-pulmonaire et cutané, est normal. Un bilan biologique est réalisé, qui montre une hyperéosinophilie à 2024/mm3 (22%), une troponine à 13,9 µg/l [cf. Figure 2], des CK-MB à 6,6 µg/l, et une altération mixte du bilan hépatique (ASAT 114 U/l, ALAT 225 U/l, PAL 347 U/l, GGT 382 U/l et bilirubine totale/conjuguée à 25/5). On observe une séroconversion bilharzienne : immunofluorescence indirecte (antigène Schistosoma mansoni®) à 0/100, et hémagglutination (Cellognost schistosomiasis ®, Behring) à 32. L’électrocardiogramme montre des
troubles de repolarisation aspécifiques en latéral (sous17
décalage du segment ST en V4), et l’échocardiographie cardiaque transthoracique est normale avec une bonne fonction ventriculaire gauche, un ventricule gauche normal et un péricarde sec. Devant ces signes de souffrance myocardique, un nouveau traitement par praziquantel est institué. Le patient est gardé en hospitalisation 24 heures et finalement autorisé à sortir le 19 septembre (J36) devant la diminution de la troponine (5,1 µg/dl) et la normalisation de l’ECG. Aussitôt rentré chez lui, il présente des troubles du comportement, décrits par sa compagne, à type d’oublis (non-fermeture du réfrigérateur), de contact bizarre et de rires immotivés. Il est réhospitalisé dans le service le 20 septembre (J37). L’examen clinique cardiaque et neurologique est sans particularité, mais on note des hémorragies en flammèche sous-unguéales au niveau des doigts et des orteils, et le score MMS est à 27/30 (dyscalculie). Le scanner cérébral sans et avec injection est normal, mais l’IRM montre des hypersignaux diffus périventriculaires de la substance blanche en séquences Diffusion et FLAIR touchant les zones jonctionnelles hémisphériques droites et gauches (fosse postérieure, territoire jonctionnel médullaire. Cet aspect évoque
des
micro-infarctus
compatibles
avec
une
vascularite
cérébrale.
L’examen
parasitologique des selles et des urines est toujours négatif, et l’hyperéosinophilie persistante. L’ECG montre des troubles de repolarisation aspécifiques persistants et l’échographie cardiaque est toujours normale. Un scanner cardiaque revient normal (myocarde régulier, péricarde fin), malgré des images très artéfactées. Un bilan auto-immun, réalisé devant un allongement isolé du TCA, retrouve des anticorps anti-cardiolipine de type IgM (28 U MPL), le reste du bilan étant négatif par ailleurs. Devant la forte suspicion de vascularite cérébrale dans un contexte de bilharziose invasive, un traitement par corticoïdes est instauré à la dose d’1 mg/kg/j le 22 septembre (J39). On constate alors une rapide disparition des troubles du comportement et une chute du taux d’éosinophiles (291 /mm3 le 24/09), qui autorisent la sortie du patient sous corticothérapie le 30 septembre (J47). Un contrôle d’IRM le 3 octobre (J50) montre une 18
régression des lésions, l’absence de signes d’angéite et la persistance d’images séquellaires de micro-infarctus. La troponine du 6 octobre (J53) est toujours positive à 1,2 µg/l puis se négative définitivement, de même que, progressivement, le taux d’éosinophiles. On propose une décroissance progressive des corticoïdes et leur arrêt définitif mi-novembre, après réalisation d’un test au synacthène. Une IRM cardiaque, réalisée en décembre 2003, à 3 mois du début de la symptomatologie, montre des fonctions globale et segmentaire normales des deux ventricules, un retard discret de la perfusion myocardique eu niveau du septum, avec cependant une possible prise de contraste sous-endocardique limitée « pouvant correspondre avec une fibrose endocardique ». Le nouveau scanner cardiaque est normal. Par la suite, les consultations montrent un bon état de santé ; les examens biologiques confirment la normalisation de la troponine et la stabilité de la sérologie. Une nouvelle cure de praziquantel est administrée en janvier 2004 à distance de la phase invasive, afin de compléter le traitement, ce qui permet la normalisation de l’éosinophilie qui était remontée après l’arrêt des corticoïdes. Figure 2: Courbe chronologique des éosinophiles et de la troponine de M. F. 3000
16
Apparition des troubles neuro
14
Introduction des corticoïdes
2500
10
8
1500 ème
2 cure de praziquentel
1000
Arrêt des corticoïdes
6
Troponine (µg/l)
2000
4 500
1er cure de praziquentel
2
9/ 06
04 /1
2/
/0 24
10 6/
2/
4
4 /0
4 /5
/0 21
/2 25
1/ 04
1/ /1
9/
03
03
éosinophiles
14
/1 20
11
/1
0/
/0
0/
03
3
3 10 6/
/9 24
/9
/0
3 /0
3 22
/9 20
/9
/0
/0
3
3 /0 19
17
/9
/0 /9 16
/8
/0
3
0 3
0
25
Taux d'éosinophiles (/mm3)
12
troponine
19
1
DISCUSSION I. GÉNÉRALITÉS SUR LA BILHARZIOSE A. HISTORIQUE On datait initialement les premières allusions à la bilharziose vers -1500 ans avant notre ère sur les hiéroglyphes de l’époque pharaonique des papyrus d’Ebers*, lesquelles portaient des descriptions d’hématurie chez des hommes. L’analyse plus récente de momies remontant à l’époque prédynastique chinoise (3200 ans avant notre ère) a permis de retrouver des œufs et des antigènes de schistosomes [7]. En outre, des études archéologiques menées en Chine ont permis de retrouver des oeufs de S. japonicum dans le cadavre d’une femme exhumé en 1971 dans la province de Hunan en Chine, identifié comme contemporain de la dynastie Han Occidentaux** il y a environ 2100 ans. Par ailleurs on retrouve, dans de vieux traités de médecine chinois remontant à - 400 du calendrier grégorien, la description des symptômes cliniques ressemblant au syndrome de Katayama [8]. Alors qu’on retrouve plusieurs descriptions d’hématurie attribuées à la bilharziose (« pissements de sang » décrits par les médecins arabes chez des caravaniers revenant de Tombouctou, « l’hématurie d’Egypte » décrite par les chirurgiens de l’armée Napoléonienne), ce n’est qu’en 1851 que Theodor Bilharz découvre et décrit Schistosoma hæmatobium dans les veines mésentériques d'un égyptien [9]. Les autres espèces seront découvertes successivement au XXème siècle : S. mansoni en 1904, par Sir Patrick Manson et S. japonicum au Japon. S. intercalatum au Zaïre, en 1934, et enfin S. mekongi, en 1957, à Paris chez un patient originaire du Laos [10]. * Le papyrus d'Ebers, découvert et traduit par l’égyptologue allemand Georg Moritz Ebers, (1837-1898), date du début de la XVIIIème dynastie des Pharaons (1500 avant JC), mais dont on pense qu’il est la copie de documents plus anciens, remontant au début du troisième millénaire avant JC (2670-2160). C'est le plus ancien des traités scientifiques connus et il contient des notions d'anatomie, un exposé de cas pathologiques et les traitements correspondants, ainsi que sept cents recettes de médicaments. ** La dynastie Han régna sur la Chine de 206 avant. JC à 220 après JC. Fondée par Liu Bang, chef de guerre d'origine paysanne révolté contre la dynastie Qin, elle compta vingt-huit empereurs. Première dynastie impériale par sa durée, elle se divise en Han occidentaux (206 av. J.-C. - 9), et Han orientaux (25 - 220). (cf. Wikipédia)
20
B. ÉPIDÉMIOLOGIE Les bilharzioses sont des zoonoses liées à la pollution de l’eau par des urines et des selles humaines contaminées, et aux mollusques qui en sont les hôtes intermédiaires. C'est la deuxième endémie parasitaire mondiale après le paludisme, avec près de 650 millions d’individus exposés, 200 millions de personnes atteintes à travers 75 pays dans les régions tropicales et subtropicales, dont 120 millions symptomatiques, et 20 millions sous une forme grave. L’Afrique regroupe à elle seule plus de 85% des cas, et la presque totalité des formes sévères. Enfin, dans les zones d’endémie, les enfants âgés de 5 à 15 ans présentent le taux d’infection et la charge parasitaires les plus élevés [1, 2, 11].
1. Bilharziose endémique S. hæmatobium, agent de la bilharziose uro-génitale, est retrouvé dans 53 pays, principalement en Afrique et au Moyen-Orient, mais également dans l’Océan Indien et sur le sous-continent indien. S. mansoni, agent de la bilharziose intestinale, est rapporté en Afrique, au Moyen Orient et dans certaines régions d’Amérique latine (essentiellement au Brésil) et des Caraïbes [cf. Figure 3]. S. japonicum et S. mekongi sont responsables de la bilharziose artério-veineuse et sévissent en Asie du Sud-Est et en Extrême Orient. S. intercalatum, est à l'origine de la bilharziose rectale dans certains pays d'Afrique Centrale. Les grands flux de population, des campagnes, où la maladie est endémique, vers les villes, ainsi que les déplacements de population liés aux conflits armés, favorisent la dissémination de la maladie, en Afrique, en Amérique du Sud [12], comme en Asie [8]. Paradoxalement, le développement semble favoriser l’extension de l’épidémie : les travaux hydrauliques entrepris pour l’irrigation ou le développement de l’électricité ont provoqué l’apparition de nouveaux écosystèmes aquatiques favorables à la multiplication des hôtes 21
intermédiaires, à l’origine d’une augmentation de la transmission de la schistosomose. Ainsi, on a constaté l’apparition de nouveaux foyers de bilharziose urinaire en Afrique subsaharienne, suite à la construction de barrages [2, 13]. De même, en Egypte, alors que la classique infection par S. hæmatobium avait quasiment disparu (de 74% à 3.2% entre 1935 et 1979), grâce à l’usage massif du praziquantel, on a observé un accroissement majeur de la prévalence des infections à S. mansoni au cours de la deuxième moitié du XXème siècle (de 3,2% à 73% entre 1935 et 1979). Ce phénomène a été relié à la construction du barrage Aswan High Dam, qui aurait favorisé la prolifération de Biomphalaria, le mollusque vecteur de S. mansoni [14, 15]. Des programmes d’éradication de la bilharziose par le praziquantel, promus par l’OMS, ont été mis en place à partir des années 1980, après un demi - siècle de recherche d’une thérapie efficace [16]. Cependant, si plusieurs régions ont connu un succès certain dans cette lutte (le Maroc, Puerto Rico, l’Arabie Saoudite, la Tunisie et le Venezuela sont proches de l’éradication ; le Brésil, la Chine, l'Egypte et les Philippines ont réduit remarquablement la prévalence de la maladie), l’incidence n’a cessé d’augmenter en Afrique, malgré les efforts développés, et le retentissement socio-économique y est majeur.
2. Bilharziose invasive La bilharziose était jusqu’à récemment une pathologie concernant essentiellement les populations vivant dans des zones d’endémies, et la plupart des études étaient menées dans ces régions où les individus sont exposés en permanence et présentent un état de semi-immunité [11, 17]. Avec les migrations massives de ressortissants d’Afrique subsaharienne, dans les années 19701980, la pathologie devient de recherche courante dans les services spécialisés, parfois même dans des consultations de stérilité. En revanche, les cas de bilharziose invasive rapportés chez des migrants africains issus de zones d’endémie sont très rares. Une étude espagnole a étudié 22
rétrospectivement les motifs de consultations des migrants d’origine africaine consultant dans l’unité de Médecine tropicale et d’Immigration de Barcelone: le diagnostic de bilharziose a été porté chez 15% des consultants (200 sur 1321) et aucune bilharziose aiguë n’a été décrite [18]. Les patients traités pour une forme chronique de la bilharziose rapportent rarement une histoire antérieure de bilharziose aiguë [19, 20], sauf dans le cas d’une étude réalisée au Nigéria où auraient été relatés des signes de bilharziose aiguë par 44% des 89 patients suivis pour fibrose endomyocardique [21]. Il n’y a pas de description de la primo-infection bilharzienne chez l’enfant en zone d’endémie. Peut-être ces épisodes passent-ils inaperçus, à l’occasion d’éruption ou de fièvre non étiquetées de l’enfant. Avec la fin du XXème siècle et l’avènement de l’écotourisme et des voyages « d’aventure » en pays tropicaux, le nombre de cas importés de bilharziose aiguë par des voyageurs occidentaux augmente de façon notable dans les zones non endémiques, l’Europe tout particulièrement [22, 23]. La littérature médicale des 20 dernières années foisonne d’articles rapportant des petites épidémies ou des cas sporadiques de bilharziose invasive, essentiellement chez des touristes, des humanitaires ou des militaires au retour d’Afrique [24-27]. La plupart de ces épidémies sont survenues au décours d’un bain dans une eau contaminée par des cercaires bilharziens: Lac Malawi [25, 27, 28], cascade de Banani au Pays Dogon au Mali [5, 29-32], rivière Zambezi en Zambie, lac Victoria en Tanzanie [26], Rivière Pipi en Centrafrique, Rivière Volta au Burkina Faso [33], au Congo, au Niger, rivière Omo en Ethiopie [3, 34], delta de l’Okavango au Botswana [24]… Quelques cas ont également été décrits au retour d’Amérique du Sud (Amazonie), d’Irak, et d’Asie du Sud Est (fleuve Mékong) [34, 35]. Les taux d’attaque sont élevés chez les touristes, de 69 à 100% après un bain dans une eau contaminée, ce qui explique les petites épidémies dans des groupes de voyageurs [30, 31]. Certains sports aquatiques sont associés à un risque accru de contraction de la bilharziose : canoë-kayak, rafting, plongée, ski 23
nautique…[36, 37]. Il existe beaucoup de mythes concernant le risque de contracter la bilharziose et certaines situations sont dites à tort sûres [38]: eaux vives, nage autour d’îles désertes des Grands Lacs Africains, baignade avec combinaison, propreté apparente des eaux, conseils de guides locaux « assermentés »… La bilharziose invasive est fréquente en Asie avec S. japonicum : on y observe régulièrement des épidémies dans des zones d’endémie et chez des populations exposées chroniquement, souvent à l’occasion de catastrophes naturelles. Ce phénomène est une spécificité épidémiologique de S. japonicum par rapport à S. mansoni ou S. hæmatobium, dont les sujets infectés ne redéveloppent généralement jamais de formes invasives [8, 37]. La schistosomose aiguë est rapportée sporadiquement au Brésil où la bilharziose chronique à S. mansoni est une maladie endémique des classes sociales basses des zones rurales. Sa répartition géographique a été modifiée par les vagues migratoires vers les mégalopoles. Récemment, ont été décrites plusieurs épidémies, dont certaines à l’occasion d’inondations, dans le Nordeste brésilien, où a eu lieu une épidémie touchant 662 individus d’une région non endémique [39]. De plus, plusieurs épidémies de petite taille chez des individus des classes moyennes et hautes ont été décrites suite à des bains contaminants, à l’occasion de week-ends ou de vacances en zone rurale [12, 40]. En Afrique, par contre, la bilharziose aiguë S. hæmatobium et S. mansoni est une maladie nouvellement décrite chez des sujets non immunisés, et elle concerne principalement l’expatrié européen ou nord-américain. Cette nouvelle épidémiologie de la bilharziose du voyageur « vierge » a même permis d’identifier de nouveaux gîtes bilharziens, dans des zones où l’on croyait la maladie absente, et de susciter de nouvelles investigations. C’est le cas du Lac Malawi, où l’ouverture récente aux activités touristiques a révélé la présence de bilharziose dans la partie sud-est du lac, en contradiction avec les affirmations de la plupart des guides touristiques [27]. 24
Des publications hollandaises et espagnoles, rapportant la présence de S. intercalatum dans la région de Bandiagara et de Bankass au Mali ont été à l’origine du déplacement d’une équipe de chercheurs deux ans plus tard, dans le but de vérifier sa transmission dans la population [41]. Cette nouvelle façon d’aborder la pathologie tropicale, par le biais des touristes, s’inclut dans cette conception nouvelle du touriste comme « observatoire sentinelle » des maladies tropicales, et la médecine des voyages comme antenne épidémiologique, permettant d’identifier de nouvelles dynamiques de transmission d’espèces dans des aires géographiques précises [11, 17, 42]. Plusieurs études récentes ont mis l’accent sur la place prépondérante prise par la bilharziose invasive au sein des diagnostics à évoquer lors de fièvres au retour de zone tropicale. Dans une étude rétrospective menée dans le Service de Maladies Infectieuses et Tropicales de la PitiéSalpêtrière sur 622 patients consultant au retour de pays tropicaux, la bilharziose arrivait au 5ème rang des étiologies de fièvre (7,2% des consultations), après les maladies de peau, les troubles digestifs, les infections des voies aériennes supérieures et le paludisme [43]. La bilharziose a représenté 1,7% des 1640 fièvres prises en charge dans le département de médecine tropicale d’Anvers en Belgique entre 2000 et 2004 [44]. Le réseau européen de surveillance des maladies infectieuses importées (TropNetEurop) a rapporté 412 consultations pour schistosomose parmi les 51000 consultants sur la période de 1999 à 2001 et 333 cas de bilharzioses hospitalisés dans 11 hôpitaux européens sur 4 ans [22]. Près de 90% d’entre eux avait contracté la maladie en Afrique subsaharienne.
25
Figure 3 : RÉPARTITION MONDIALE DES CINQ PRINCIPALES ESPÈCES DE SCHISTOSOMES (D’après Blanchard TJ in Travel Medecine and Infectious Disease 2004[38])
Distribution globale de S. hæmatobium, S. japonicum et S. mekongi.
Distribution globale de S.mansoni et S. intercalatum.
26
C. PARASITOLOGIE 1. Transmission La bilharziose est due à un parasite du genre Schistosoma sp. (du Grec schistos = fendu et soma = corps) de l’embranchement des plathelminthes (vers plats), de la classe des trématodes. Les vers adultes, hématophages, mesurent 6 à 20 mm de long, ont des sexes séparés et vivent dans le système veineux mésentérique ou splanchnique de l’hôte. Le mâle, plus court et plus trapu que la femelle, loge celle-ci dans une fente dite canal gynécophore [45]. L'infestation de l'homme par les schistosomes s'effectue par contact avec de l'eau contaminée par des furcocercaires nageants infectants qui pénètrent activement à travers la peau. Les gîtes de transmission de la maladie sont constitués par les eaux stagnantes, les bords des rivières, les berges de lacs, les canaux d'irrigation... Les pêcheurs, les cultivateurs, les riziculteurs et les ouvriers qui entretiennent les canaux d'irrigation sont les personnes à risque. Les femmes, en raison de leur fréquentation quotidienne de lieux à risque pour les tâches ménagères, sont plus atteintes que les hommes. Enfin, les enfants sont bien plus touchés que les adultes [1], car ils se baignent et jouent plus souvent dans les marigots, notamment aux heures chaudes où l'émission cercarienne est la plus intense. 2. Cycle évolutif Le cycle est indirect et fait intervenir un hôte définitif qui est en général l'homme, et un hôte intermédiaire qui est un gastéropode d'eau douce. Les bulins, mollusques à coquille globuleuse, sont les principaux hôtes intermédiaires de S. hæmatobium et S. intercalatum en Afrique [cf. Annexe 1]. Biomphalaria glabrata est une planorbe d'eau douce, hôte intermédiaire de S. mansoni en Amérique. Oncomelania nasophora est l'hôte intermédiaire de S. japonicum en Asie [46].
27
L'élimination des œufs se fait par les urines pour S. hæmatobium ou par les selles pour les autres espèces. Leur éclosion libère dans l’eau un miracidium qui pénètre le mollusque dans lequel il se transforme en larves : les furcocercaires. Ces larves vont être libérées dans le milieu aquatique et vont infester l'homme par pénétration transcutanée active lors d'un contact avec de l'eau douce. Ce contact avec l'eau, même court (parfois à peine 5 minutes) est ainsi nécessaire pour l’infection. L’être humain n’est pas le seul hôte définitif des schistosomes, et divers mammifères peuvent servir de réservoirs, tels que chiens, chats, rongeurs, porcs, chèvres, buffles, et vaches [38]. Seule la tête des cercaires pénètre et donne un schistosomule qui gagne par voie sanguine et lymphatique le poumon, le cœur gauche, puis le foie. Cette étape correspond à la phase d’invasion de la maladie. Les vers deviennent adultes et s’accouplent dans le système porte, dans différentes localisations selon l’espèce. Les femelles migrent ensuite vers les veinules du système porte ou périvésicaux et pondent des œufs qui percent la paroi des capillaires sanguins et gagnent l'intestin ou la vessie pour être finalement rejetés avec les urines et les selles [10]. La durée totale du cycle chez le mollusque est d'un mois. La durée de vie des furcocercaires dans l'eau est de 24 à 72 heures. Les vers peuvent vivre en moyenne 5 ans dans l’organisme humain, mais ont parfois été retrouvés jusqu’à 30 ou 40 ans après l’infestation chez des patients issus de zones d’endémie [19]. Pour résumer, le cycle du parasite a 3 phases dans le corps humain, qui correspondent aux 3 phases cliniques. La première phase est la pénétration du cercaire dans l’hôte, qui correspond à la dermite cercarienne, la seconde phase est la migration dans les tissus et la maturation des schistosomules, qui correspond à la phase dite invasive, et enfin la troisième phase correspond à la production endovasculaire d’œufs, avec les lésions d’organes progressives liées à la formation des
granulomes
de
la
bilharziose
chronique. 28
Larves matures dans le foie
. Vers matures et accouplés
Les larves migrent vers le cœur gauche et dans la circulation Bilharziose chronique
Les vers migrent vers les vaisseaux mésentériques de l’intestin ou de la vessie où les femelles pondent les oeufs
Les larves migrent vers les poumons puis dans la circulation veineuse
Œufs retenus dans les tissus
Les cercaires deviennent schistosomules
Les cercaires pénètrent dans la peau
Œufs excrétés dans les selles ou les urines
Eau fraiche Les cercaires sont relargués dans l’eau fraiche
Les miracidiums se transforment en sporocystes puis en cercaires
Oeufs
Les miracidiums pénètrent dans le mollusque
Figure 4 : Cycle parasitaire de Schistosoma sp. D’après Ross, N Engl J Med, 2002[47].
29
D. PRÉSENTATION CLINIQUE 1. Manifestations immédiates C’est la dermatite cercarienne ou démangeaison du nageur (swimmer’s itch en anglais). Une éruption maculo-papuleuse se développe à partir du site de pénétration du cercaire. Chez les sujets non immuns, cette éruption très prurigineuse survient généralement au cours du bain contaminant ou dans les minutes ou les heures qui suivent, mais peut parfois apparaître plus d’une semaine après. Cette éruption est souvent fugace (moins de 24 heures), parfois inapparente ou oubliée, et est rapportée de façon très variable par les patients, selon les études (5 à 100 % des cas) [31, 33, 34, 39, 40, 48, 49]. En pratique, elle donc rarement vue par le clinicien. Cette dermatite peut être rencontrée avec des schistosomes parasites d‘autres espèces animales, dont l’infection va se limiter à cette première phase, l’être humain étant une impasse parasitaire. Ainsi, la dermatite du nageur est bien connue des baigneurs de certains lacs d’Europe, comme le lac Léman ou le lac d’Annecy, et due à la pénétration de furcocercaires de Trichobilharzia du canard colvert [50].
2. Bilharziose invasive a. Présentation habituelle Antérieurement appelée fièvre de Katayama en Asie, car elle avait été décrite pour la première fois au Japon avec S. japonicum, et fièvre des safaris en Afrique avec S. mansoni et S. hæmatobium), ou fièvre de primo-infection bilharzienne, elle est actuellement regroupée sous le terme de bilharziose invasive, ou schistosomose aiguë (acute schistosomiasis en anglais). Elle est commune aux différentes espèces de schistosomes mais d’intensité variable selon les espèces [4]. Elle correspond à une réaction d’hypersensibilité immédiate liée à la migration du schistosomule dans l’organisme. Elle est parfois inapparente, mais s’exprime dans 53 à 100% des cas selon les 30
études [12, 30, 31, 33, 40, 48, 49]. Quand elle survient, la période d’incubation est de 14 à 84 jours [47]. Le début de la maladie est en général brutal, et il existe tout un cortège de symptômes peu spécifiques de la série atopique: fièvre (54 à 100% des cas), asthénie, céphalées (31 à 93%), myalgies diffuses (43 à 74%), éruption urticarienne (13 à 47%). On peut rencontrer des troubles digestifs à type de vomissements, des douleurs abdominales diffuses, (0 à 93%) ou localisées à l’hypocondre droit, et parfois des diarrhées (14 à 81%). Une hépatomégalie (0 à 75%), et moins fréquemment une splénomégalie, sont décrites. Les signes respiratoires sont fréquemment rapportés avec une toux sèche (17 à 91%) et une dyspnée (70%), plus fréquents lors des infections à S. mansoni qu’à S. hæmatobium, avec des opacités alvéolo-interstitielles diffuses à la radio de thorax [28]. La symptomatologie est généralement peu sévère, mais certains patients développent parfois des tableaux plus marqués avec altération de l’état général et perte de poids, dyspnée importante, diarrhée profuse, douleurs abdominales diffuses et/ou éruption cutanée généralisée. Enfin, des tableaux mettant en jeu le pronostic vital ont été rapportés, avec des atteintes neurologiques et cardiaques sur lesquelles nous reviendrons. La durée des symptômes est généralement de 1 à 10 semaines, en général courte pour la fièvre et l’urticaire (1 à 2 semaines), et plus longue pour les signes respiratoires (6 semaines en moyenne) [4, 34]. Chez les personnes vivant en zone d’endémie, S. hæmatobium et S. mansoni provoquent rarement un syndrome de Katayama, du fait d’une immunité partielle. Des facteurs génétiques, dont certains liés aux gènes du CMH, ont été identifiés qui expliqueraient la variabilité d’expression et de gravité d’un sujet à l’autre [51]. On suggère qu’à l’instar du paludisme, il existe une immunité de réinfection longue à acquérir, qui conduirait à un état de semi-immunité, et qui diminuerait la sévérité des symptômes chez les adultes en zones d’endémie, notamment en Afrique. Pourtant, 31
l’acquisition d’une immunité effective est difficile à prouver, car la diminution du taux d’infection après l’adolescence, peut aussi être expliquée par un contact diminué avec l’eau [37]. En outre, il n’a pas été décrit de cas de schistosomose aiguë chez des individus originaires d’Afrique vivant en pays tempérés et retournant secondairement en zones d’endémie. On pourrait imaginer que, comme pour la malaria, la perte d’exposition chronique au parasite fasse perdre l’immunité acquise, ce qui provoquerait des nouvelles « primo-infections » lors d’une réexposition. Enfin, on ne retrouve pas plus de notion de bilharzioses invasives chez des enfants d’immigrés se rendant au pays pour la première fois. Un seul cas clinique rapporte une symptomatologie compatible avec une bilharziose invasive à l’introduction d’un traitement prophylactique par praziquantel, chez un enfant originaire du Congo ayant vécu 8 ans dans un camp de réfugiés en Tanzanie, et récemment immigré en Australie [52]. Le syndrome de Katayama du à S. japonicum, par contre, n’est pas limité à la primo-infection, et peut survenir chez des patients vivant en zone d’endémie avec des antécédents d’infections antérieures. Ainsi, a-t-on décrit en Chine des épidémies de bilharziose invasive suite à des inondations dans des communautés vivant en régions d’endémie [8].
b. Neurobilharziose aiguë Les atteintes neurologiques au cours de la bilharziose surviennent classiquement au cours de la bilharziose chronique. Ils sont liés à la réaction granulomateuse provoquée par la présence d’œufs dans le système nerveux central [53-55]. Les troubles neurologiques au cours de la bilharziose aiguë, bien que souvent sévères, sont plus rarement décrits, dans 3 à 4.3% des cas [53]. Les premières descriptions ont été faites par des médecins militaires lors de la seconde guerre mondiale, au cours d’une épidémie majeure (1500 cas) d’infection S. japonicum chez des soldats américains en opération aux Philippines [56, 57]. 32
On retrouve, de plus, des cas d’atteintes neurologiques au cours de la bilharziose aiguë chez des voyageurs au retour d’Afrique, et particulièrement depuis 2003 [5, 6, 27, 58-60]. Les atteintes décrites sont de deux ordres : § Des atteintes encéphalitiques diffuses, avec céphalées, troubles des fonctions supérieures (confusion, ralentissement psychomoteur), des crises comitiales tonico-cloniques partielles ou généralisées, et des troubles de conscience allant jusqu’au coma. § Des signes focaux cérébraux ou médullaires, pouvant se traduire par une hémianopsie latérale homonyme, une dysarthrie, une ataxie, une incontinence urinaire, un déficit moteur (mono-, hémi-, para-, tétraplégie ou parésie). Ces troubles ont été rapportés principalement pour S. japonicum, S. mansoni et S. hæmatobium. La localisation aberrante des œufs est une explication qui n’est pas satisfaisante pour expliquer ces troubles. En effet, ces manifestations surviennent au cours de la phase invasive, soit 2 à 6 semaines après la contamination, et les œufs n’ont pas encore été pondus. Plusieurs mécanismes explicatifs ont été proposés. Dans l’observation de Sarazin et coll. où l’on observe une atteinte cérébrale concomitante à une atteinte cardiaque, un mécanisme de thrombose artérielle à partir d’un thrombus intra-cardiaque provoqué par la fibrose endomyocardique a été suggéré[61]. Le mécanisme physiopathologique qui semble cependant le plus plausible pour expliquer la symptomatologie est une toxicité des éosinophiles induisant une vascularite et une thrombose des petits vaisseaux du SNC [6, 58, 59]. Nous aurons l’occasion de revenir plus longuement sur ces phénomènes.
3. Quelques notions concernant la bilharziose chronique La bilharziose chronique, sur laquelle nous ne nous attarderons pas, résulte de la réponse immunitaire de l’hôte aux œufs de schistosome dans les tissus, et à la réaction granulomateuse 33
provoquée par les antigènes qu’ils sécrètent [37]. L’intensité et la durée de l’infection déterminent la quantité d’antigène relarguée et la sévérité de la maladie chronique fibroobstructive. En effet, la réaction granulomateuse détruit les œufs mais provoque une fibrose importante dans les tissus de l’hôte [10]. S. hæmatobium, dont les œufs sont déposés dans la paroi vésicale, est à l’origine de la bilharziose urinaire chronique. Elle survient classiquement 10 à 12 semaines après l’infection. Les manifestations les plus fréquemment retrouvées à la phase précoce sont la dysurie et l’hématurie. A la phase tardive, on peut observer protéinurie, hématuries itératives, calcifications vésicales, obstruction urétérale, colique néphrétique, hydronéphrose, insuffisance rénale aiguë obstructive, surinfections bactériennes vésicales, stérilité (par lésions ou obstruction tubaires), et parfois, dégénérescence carcinomateuse [19, 38]. Dans le cas de S. mansoni, S. intercalatum et S. japonicum, la fibrose se développe aux dépends de l’intestin et du foie. La bilharziose rectale, qui résulte de la présence d’œufs dans la paroi intestinale, va alors se manifester par des diarrhées, des rectorragies, des sténoses digestives, et une polypose colique. L’embolisation d’œufs de S. mansoni et S. japonicum dans le foie va provoquer une inflammation pré-sinusoïdale et une fibrose péri-portale. A long terme, peuvent se développer une hépatomégalie jusqu’au stade de cirrhose avec hypertension portale, hypersplénisme et varices oesophagiennes [47]. On peut parfois observer une migration aberrante des vers dont la ponte va être à l’origine de granulomes ectopiques dans de nombreux organes avec des symptomatologies spécifiques - peau, poumon, cerveau, surrénales, muscles … Si elle concerne principalement les migrants originaires de zones d’endémie, elle peut également toucher des voyageurs, avec ou sans signes antérieurs de bilharziose invasive (57 vs 43%) et survenant de 4 mois à 3 ans après la contamination [34].
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E. DIAGNOSTIC MICROBIOLOGIQUE Des méthodes directes et indirectes permettent le diagnostic de bilharziose. Parmi les méthodes directes, le « gold standard » du diagnostic de la bilharziose est l’examen parasitologique des excreta, selles et /ou urines [47]. Les œufs sont faciles à détecter et à identifier en microscopie optique, de par leur taille et leur éperon typique latéral ou terminal. En cas de négativité, on peut utiliser des méthodes de concentration pour détecter les œufs en faible quantité. Il est également recommandé de demander des prélèvements répétés 3 jours de suite. Cette méthode ne permet pas de diagnostic précoce, puisque que les œufs ne seront pondus par les vers qu’après leur maturation, c'est-à-dire souvent 2 à 3 mois après la contamination. De plus, elle peut manquer de sensibilité en cas d’infestation modérée [37, 46]. L’examen parasitologique des urines permet essentiellement d’identifier les oeufs de S. hæmatobium. Il se fait sur des urines de 24h, recueillies si possible après un effort physique prémictionnel (marche à pied, montée d’un escalier, sautillement…), ce qui améliore la sensibilité de l’examen. Les urines sont centrifugées après avoir décanté pendant 24 heures. On utilise alors une technique de filtration sur membrane qui permet d’augmenter la sensibilité et la spécificité, et de faire une évaluation quantitative (nombre d’oeufs par litre d’urine). L’examen parasitologique des selles permet de retrouver les œufs des 5 espèces de schistosomes. Sur le terrain, on utilise généralement la méthode de Kato-Katz qui permet une estimation semiquantitative de la concentration en œufs. On peut également y associer la technique de libération des miracidiums, qui permet de différencier les œufs morts des oeufs vivants, et d’affirmer une guérison après traitement [46]. En cas de négativité de ces examens, des biopsies ciblées en fonction de la clinique, vésicales, rectales, hépatiques, ou d’un autre organe, peuvent être proposées pour examen parasitologique et
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anatomopathologique, L’examen anatomopathologique peut retrouver des oeufs plus ou moins calcifiés avec une réaction granulomateuse et de nombreux éosinophiles [20]. La sérologie présente un intérêt dans de nombreuses situations cliniques, notamment en cas de négativité des examens parasitologiques. Un de ses inconvénients est qu’elle reste positive longtemps après l’infection, même traitée. Actuellement, la technique de référence est l’association d’un test d’hémagglutination indirecte utilisant des antigènes de vers de S. mansoni (WA/IHA), et d’une détection des antigènes d’œufs de S. mansoni par ELISA (SEA/ELISA) ; elle est utilisée pour les 5 bilharzioses [62]. Cette association procure une sensibilité de 98,7% et 96% respectivement pour S. mansoni et S. hæmatobium avec une spécificité de 97,2%. L’hyperéosinophilie sanguine est un élément important du diagnostic. Elle apparaît à la phase d’invasion, souvent très élevée, avec des taux pouvant monter jusqu’à 40 à 70% des leucocytes totaux. À la période d’état, le taux se situe aux environs de 10 à 20 %.
Le diagnostic de la bilharziose chronique est donc évoqué sur plusieurs éléments d’orientation. Il associe une géographie médicale évocatrice, concernant un migrant en provenance d’une zone d’endémie bilharzienne et présentant une clinique évocatrice (hématurie, rectorragies…) et un bilan biologique montrant une hyperéosinophilie (inconstante) et la présence d’œufs dans les excréta. La sérologie peut être utile pour le diagnostic, mais ne permettra ni de différencier une schistosomose guérie ou active, ni de déterminer l’espèce. On peut alors s’aider, en fonction du tableau clinique, de l’histologie, avec des biopsies vésicales et rectales, et de l’imagerie. Le diagnostic de bilharziose invasive est moins aisé à faire. En effet, à l’apparition des symptômes, le bilan biologique est souvent normal avec une sérologie et des examens parasitologiques directs négatifs. La séropositivité, comme l’hyperéosinophilie, n’apparaissent qu’environ 6 semaines après le bain contaminant (25 à 100 jours) [30, 31], alors que les signes 36
cliniques débutent en général 3 semaines après l’infection (15 à 24 jours). L‘examen parasitologique direct est rarement positif à ce stade, et ne se positive que 196 jours en moyenne (124-330) après la contamination [31]. D’autres anomalies biologiques peuvent être retrouvées au cours de la bilharziose invasive telles qu’une hypertransaminasémie, en règle inférieure à 5N (40% des cas), une thrombopénie (10%), ou un syndrome inflammatoire modéré. On peut également retrouver une hypergammaglobulinémie polyclonale avec des faux-positifs pour différentes sérologies virales [38]. Ainsi, devant l’absence d’examen biologique spécifique, il faut savoir penser à une bilharziose invasive chez tout patient présentant une fièvre avec des signes cliniques et biologiques évocateurs, au retour d’une zone d’endémie.
F. TRAITEMENT Le traitement anti-parasitaire de référence de la bilharziose est le praziquantel (Biltricide®), qui est actif sur toutes les espèces de schistosomes, ainsi que sur d’autres helminthes (téniases et cysticercose à Tænia saginata, T. solium et diverses distomatoses hépato-biliaires et pulmonaires). C’est un dérivé de la pyrazino-isoquinoléine qui ne tue que les formes adultes du schistosome : il est donc sans effet sur les cercaires et les schistosomules. Son mécanisme d’action est inconnu. La posologie habituelle est de 40 mg/kg/j (sauf pour S. japonicum 60 mg/kg/j) en 1 à 2 prises le même jour (comprimés à 600 mg). En fonction de la localisation et de l’efficacité clinique, on peut être amené à renouveler plusieurs fois le traitement à quelques semaines d’intervalle. En cas de bilharziose chronique, les effets secondaires sont modérés, incluant nausées, vomissements, malaise et douleurs abdominales [37]. Un vaccin est actuellement à l’étude, dont les premiers résultats semblent encourageants. Il s’agit d’un vaccin recombinant basé sur le principes de microparticules biodégradables, dont
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l’utilisation serait particulièrement adaptée aux pays peu développés : il conférerait une immunité durable sans nécessité de rappels, et serait administrable par voie orale [63]. Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne le traitement de la bilharziose invasive et la prise en charge est sujette à controverse. Le praziquantel devrait être contre-indiqué à cette phase de la maladie [58, 59] car il est non seulement inefficace mais il aggrave les signes dans 40% des cas [31, 34, 52]. Il ne tue pas le parasite au stade de schistosomule, mais seulement les vers adultes, d’où son inefficacité, mais il existe, en plus, un risque de réaction paradoxale à l’introduction du traitement anti-parasitaire, comme ce fut le cas du patient n°1. Cette réaction paradoxale, qui se traduit par l’exacerbation des signes préexistants ou par l’apparition de nouveaux signes témoignant d’une atteinte occulte (neurologique ici), a déjà été décrite au cours d’autres helminthiases, comme la cysticercose, et serait due à une exacerbation de la symptomatologie anaphylactique liée au relargage d’antigènes parasitaires lors de la lyse du ver [64]. L’efficacité d’une corticothérapie à ce stade a été démontrée dans cette situation, par le biais de son effet antiinflammatoire. Dans le cas de la bilharziose invasive, les recommandations varient selon les auteurs, qui proposent soit un traitement combiné par praziquantel et corticoïdes [18, 49], soit une corticothérapie seule initiale, et traitement par praziquantel décalé ou carrément à distance [5, 40, 48, 58]. L’artémether semble également être un traitement préventif ou curatif d’avenir, seul ou en association avec le praziquantel. Il possède une activité in vivo chez l’animal sur les formes jeunes, et a prouvé son efficacité dans la prévention de l’infection à S. japonicum et S. mansoni [65, 66]. Cependant, son utilisation à grande échelle pourrait induire une résistance antipaludique tout à fait délétère, qui doit faire envisager son usage avec prudence [65]. D’autres produits sont également à l’épreuve tels que l’oxamniquine pour S. mansoni, et le
metrifonate pour S.
hæmatobium, non disponibles à l’heure actuelle [16]. 38
II. DONNÉES CARDIOLOGIQUES A. CŒUR ET BILHARZIOSE CHRONIQUE Au même titre que les atteintes du système nerveux central, les atteintes cardiaques myocardiques de la bilharziose chronique sont dues à la présence aberrante d’œufs de schistosomes au sein du myocarde. En 1939, dans les Annales de Médecine et de Pharmacie Coloniales, Lavier écrit [67]: « Les œufs peuvent infiltrer le myocarde et y provoquer une myocardite chronique avec dégénérescence fibrillaire et fibrose. […]La bilharziose détermine au même titre que la syphilis une myocardite chronique. Mais les lésions cardiaques sont le plus souvent indirectes et déterminées […] par les troubles de la circulation pulmonaire. » Dans les années 70-80, des médecins français exerçant en Afrique de l’Ouest ont amplement décrit cette pathologie. Plusieurs atteintes cardiaques sont actuellement reconnues au cours de la bilharziose chronique : -
Le cœur pulmonaire chronique lié à l’hypertension artérielle pulmonaire de la bilharziose.
-
La myocardite bilharzienne chronique et les autres causes de myocardite.
-
Les entités entrant dans le cadre du cœur hyperéosinophilique : l’endocardite pariétale fibroblastique de Loeffler et la fibrose endomyocardique de Davies.
1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et cœur pulmonaire chronique (CPC) L’HTAP est l’atteinte cardiaque la plus classique de la bilharziose chronique [68]. La bilharziose est une cause majeure d’HTAP dans les régions d’endémie, bien qu’elle semble bien plus fréquente au Brésil qu’en Afrique subsaharienne [69-72]. Cette HTAP est présente selon les études, cliniques, échocardiographiques ou hémodynamiques chez 2% à 40% des patients [68,
39
70, 73, 74]. Inversement, parmi 123 patients tout venants suivis pour HTAP dans 2 centres de référence à São Paulo, au Brésil, 30% présentaient une bilharziose chronique [71]. L’HTAP de la bilharziose résulte de la migration des œufs vers le poumon. Les œufs de S. hæmatobium et, dans une moindre mesure, ceux de S. intercalatum, y parviennent directement par la veine cave inférieure et le cœur droit à partir des plexus périvésicaux, tandis que ceux de S. mansoni l’atteignent par la voie indirecte des anastomoses porto-caves. Parvenus aux poumons, les œufs entraînent la production d’un granulome susceptible d’évoluer vers la fibrose. On observe également une altération des parois des artérioles avec un aspect d’endartérite inflammatoire ou fibreuse. Ces lésions vasculaires d’endartérite pulmonaire oblitérante vont réaliser une HTAP de type pré-capillaire qui va conduire à une insuffisance ventriculaire droite. Les remaniements vasculaires et parenchymateux sont également à l’origine de shunts droitegauche (entre artère et veine pulmonaire) et shunts gauche - droite (entre artère bronchique et artère pulmonaire), qui sont néanmoins peu incriminés dans la physiopathologie [75]. À coté de ce mécanisme majoritaire, un autre mécanisme d’HTAP est décrit. L’infection chronique par S. hæmatobium et S. mansoni conduit à une fibrose hépatique sévère, puis à la cirrhose. Dans les zones d’endémie, la bilharziose constitue l’une des principales causes de cirrhose (avec l’éthylisme chronique et les hépatites virales) et peut être à l’origine, après 4 à 7 ans d’évolution, d’une hypertension porto-pulmonaire. Cette HTAP est due à la fois aux shunts porto-systémiques classiques dans l’hypertension portale de la cirrhose, et aux embolisations d’œufs chez des patients présentant des infestations répétées et prolongées en zones d’endémie [76]. L’HTAP va parfois aboutir au stade de cœur pulmonaire chronique, caractérisé par un syndrome infundibulo-pulmonaire avec une dyspnée, des signes de surcharge droite et un claquement du B2 à l’auscultation [69, 77]. Cette atteinte, résultant d’une évolution occulte de la maladie méconnue 40
et non traitée, présente un pronostic défavorable, avec décès dans les 2 à 10 ans par insuffisance ventriculaire droite réfractaire [73, 78]. Enfin, il existe un risque de cœur pulmonaire aigu en cas d’embolisation massive des œufs, ainsi que des troubles du rythme, pouvant provoquer une mort subite[75].
2. Myocardite bilharzienne chronique Cette atteinte est beaucoup plus rare. Elle semble exister chez des sujets jeunes fortement parasités [79]. Dans une série autopsique de 30 patients atteints de bilharziose chronique parue en 1953, aucun œuf de bilharzie n’a été retrouvé dans le myocarde, ce qui est en faveur de son caractère peu fréquent [80]. Une équipe brésilienne a récemment décrit un granulome myocardique bilharzien retrouvé en post-mortem chez une jeune fille de 14 ans décédée d’un choc cardiogénique d’origine indéterminée [81]. Deux écoles s’opposent quant au mécanisme physiopathologique de l’atteinte myocardique de la bilharziose chronique. La première est en faveur d’un processus mécanique. Histologiquement, les lésions myocardiques se présentent comme des granulomes inflammatoires centrés par des œufs avec congestion vasculaire et œdème interstitiel ou avec altération myofibrillaire. Ces lésions peuvent évoluer vers la fibrose cicatricielle [82]. L’acheminement des œufs jusqu’au myocarde, par le territoire coronaire s’explique soit par la présence de shunts droite - gauche au niveau de lésions bilharziennes du poumon, soit par la persistance d’un foramen ovale perméable avec pressions auriculaires droites élevées. Le second processus proposé est immunologique. Dès 1978, il est envisagé qu’un mécanisme humoral, en réponse à la présence des œufs de schistosome, soit à l’origine d’une atteinte inflammatoire du myocarde [75]. 41
Comme nous le verrons un peu plus loin, et ce, jusqu’à une période très proche, le diagnostic de myocardite était difficile, tant les examens cliniques et paracliniques disponibles étaient peu spécifiques. Il reposait sur un faisceau d’argument à savoir : présence d’une insuffisance cardiaque congestive (chez un sujet jeune surtout) ou de signes ECG (BAV, inversions de l’onde T) associés à une absence d’HTAP et de toute autre cause décelable dans un contexte de bilharziose active [83-85].
3. Autres causes de myocardite au cours de la bilharziose chronique Enfin, selon E. Bertrand, [85] les manifestations cardiaques les plus fréquente au cours de la bilharziose invasive sont reliées à la maladie de manière indirecte : myocardite anémique (sur des anémies ferriprives par saignement digestifs et urinaires), myocardite iatrogène (thérapeutiques anti-parasitaires dont l’usage a été supprimé) et myocardiopathie hypertensive (HTA secondaire à une néphropathie bilharzienne chronique). Depuis la fin des années 70 et les recherches des cardiologues français en Côte d’Ivoire, on ne retrouve plus aucune publication concernant les atteintes cardiaques de la bilharziose en dehors de l’HTAP.
4. Cœur éosinophilique chronique Un autre type de pathologie cardiaque se doit d’être évoqué : il s’agit des atteintes cardiaques causées par l’hyperéosinophilie prolongée de la bilharziose chronique et regroupées sous l’appellation d’endocardite pariétale chronique (EPC). Le lien de causalité n’a pourtant pas été définitivement établi entre l’EPC et la bilharziose chronique. L’EPC regroupe deux entités, l’endocardite pariétale fibroblastique de Loeffler (EPF), et la fibrose endomyocardique de Davies (FEM) -ou maladie de Davies [86-90]. Ces deux pathologies ont en commun une atteinte fibreuse 42
de l’endocarde, une infiltration myocardique à éosinophiles, et des thrombus muraux intraventriculaires. Les conséquences en sont un syndrome hémodynamique restrictif et une insuffisance valvulaire mitrale et/ou tricuspidienne [86, 87]. L’expression clinique varie selon la localisation de la fibrose avec des formes ventriculaires droites pures, gauches pures ou mixtes. Classiquement, on dit que l’EPF est une maladie de l’adulte des pays tempérés, liée à une hyperéosinophilie importante, pouvant s’inscrire dans le cadre d’une hémopathie à éosinophile, d’un contexte atopique, d’un syndrome de Churg et Strauss ou d’un syndrome hyperéosinophilique essentiel, alors que la FEM est une maladie de l’adolescent des pays tropicaux (Afrique, Inde, Brésil). La FEM est responsable de 15 à 20% des décès par insuffisance cardiaque dans ces régions.
L’hyperéosinophilie est souvent modérée, voire absente. Les
helminthiases sont incriminées dans l’étiologie de cette pathologie, notamment les filarioses et les schistosomoses [91]. On s’accorde à dire dorénavant que l’EPF et la FEM sont une seule et même entité à un stade évolutif différent du cœur éosinophilique, et que l’absence d’hyperéosinophilie dans la FEM serait expliquée par sa disparition au stade tardif des helminthiases. Dans les deux pathologies, on observe la survenue à court terme d’un choc cardiogénique ou d’une cardiomyopathie dilatée hypokinétique, causes de décès chez la majorité des patients [90]. La corticothérapie à forte dose permet parfois de ralentir l’évolution, mais une sanction chirurgicale est souvent nécessaire, par endocardectomie ou par transplantation cardiaque [92], évidemment plus délicate à mettre en place dans les pays en développement. La preuve n’a pas véritablement été faite du lien entre bilharziose et FEM. En 1938, une série autopsique sur 282 patients égyptiens infectés par la bilharziose retrouve 2,1% de cœur pulmonaire chronique, mais aucun cas de FEM [74]. Toujours en Egypte, dans une série autopsique réalisée en 1978 sur 225 cadavres infectés par S. hæmatobium ou S. mansoni, aucune allusion n’est faite à la FEM [78]. En revanche, une étude 43
clinique publiée, cette fois-ci en 1995, décrit une série de 10 000 patients suivis pour bilharziose à S. mansoni, parmi lesquels 15 présentaient une fibrose endomyocardique, exclusivement localisée au ventricule droit [91]. Aucun d’entre eux ne présentait d’hyperéosinophilie. Andy et coll., dans une étude prospective menée au Nigéria sur 89 patients souffrant de FEM, démontrent la diminution progressive de l’hyperéosinophilie, tout au long de l’évolution de la maladie, et extrapolent en concluant que l’hyperéosinophilie, et donc la FEM, sont induites par les helminthes éosinophilogènes locales, telles que filariose ou schistosomose [21]. Pourtant, une étude réalisée au Brésil dans le département du Minas Gerais, de forte endémie pour la bilharziose, ne retrouve aucun cas de FEM chez les 226 patients explorés dans ce sens [93].
B. MYOCARDITE AIGUË Les 2 cas cliniques présentés ici sont les premiers cas décrits de myocardite aiguë au cours de la bilharziose invasive. Contrairement à la bilharziose chronique, les descriptions d’atteinte cardiaque au cours de la phase invasive sont extrêmement rares. La myocardite est une atteinte inflammatoire aiguë, subaiguë ou chronique, diffuse ou localisée du myocarde. Il s’agit d’une nécrose myocytaire associée à un infiltrat inflammatoire sans lésion coronaire. Il n’existe pas de corrélation entre la définition anatomopathologique et la clinique, et le diagnostic positif est souvent difficile à établir, car la présentation clinique est polymorphe, allant de formes complètement asymptomatiques jusqu’à des tableaux d’insuffisance cardiaque globale mortelle [94]. Les causes des myocardites sont de deux ordres, infectieux et non infectieux. § Parmi les causes infectieuses, les virus sont les agents les plus souvent incriminés, notamment en Europe et en Amérique du Nord. En Amérique du Sud, Trypanosoma cruzi, protozoaire responsable de la maladie de Chagas, représente la principale cause de myocardite [95]. De 44
nombreux autres agents, viraux, bactériens, parasitaires et fongiques peuvent être à l’origine de tableaux de myocardite. §
Parmi les causes non infectieuses, on retrouve les causes toxiques (médicamenteuses ou non), allergiques, les rejets de greffe et enfin les atteintes du myocarde au cours de maladies de système [cf. Annexe n°2].
Les signes cliniques les plus fréquemment rencontrés au cours de la myocardite aiguë sont les douleurs thoraciques, les signes d’insuffisance cardiaque congestive, les palpitations, en rapport avec un trouble du rythme ventriculaire ou supra-ventriculaire, les lipothymies ou syncopes par bloc auriculo-ventriculaire. Elle se présente parfois d’emblée comme un tableau d’état de choc cardiogénique aigu. La fièvre est fréquente.
Néanmoins, la myocardite est très souvent
asymptomatique, et la plupart des données épidémiologiques proviennent de séries autopsiques. Enfin, plusieurs études montrent que la myocardite serait la principale cause de mort subite (~20% des cas) chez les adultes de moins de 40 ans, les jeunes athlètes et les recrues de l’US Air Force [96-99]. La myocardite aiguë, principalement d’origine virale, évolue généralement spontanément vers la guérison, mais peut également conduire dans 5 à 10% des cas à une cardiomyopathie dilatée chronique, par des mécanismes encore mal élucidés. L’électrocardiogramme n’est que peu utile dans le diagnostic des myocardites, car il n’existe aucun signe spécifique. Les signes ECG les plus fréquemment retrouvés sont des troubles de la repolarisation, diffus ou localisés, pouvant mimer un infarctus du myocarde ou une péricardite [100]. En outre, la plupart des troubles de conduction et des troubles du rythme on été décrits (tachycardie supraventriculaire, bloc auriculoventriculaire…). Jusqu’à récemment, la biopsie endomyocardique était l’examen de référence pour le diagnostic des myocardites. Cependant, outre le caractère invasif et le risque lié à ce geste, le faible nombre de diagnostics histologiques par biopsies dans de grandes cohortes de 45
patients suspects de myocardite, et la discordance fréquente entre les résultats histologiques et cliniques, rendent cette méthode diagnostique peu pratique au quotidien [101]. Les enzymes cardiaques sont fréquemment élevées dans la myocardite, notamment la fraction MB de la créatine-kinase (CK-MB). Le dosage de la troponine I est accessible en routine en France depuis quelques années. Le relargage sérique de cette protéine du cardiomyocyte est proportionnel à l'étendue de la souffrance myocardique, quelle qu'en soit son origine (ischémique, traumatique, inflammatoire). L’apparition de cet examen a été une vraie révolution dans la prise en charge des douleurs thoraciques et la troponine est dorénavant le dosage de référence pour le diagnostic des syndromes coronariens aigus (SCA), pour lesquels elle a montré une sensibilité supérieure aux autres enzymes cardiaques (ASAT, LDH, CK-MB). La troponine s’est avérée également plus sensible dans le diagnostic de myocardite, et elle est dorénavant systématiquement recommandée devant toute suspicion clinique [102]. Cependant, la troponine doit être utilisée avec circonspection, car elle est peu sensible pour le diagnostic de myocardite : sa sensibilité est de 34 à 53% selon les études, alors que sa spécificité est bonne allant de 89 à 94% [103], même s’il existe d’autres causes à son élévation et des faux positifs [cf. Annexe n°3]. Plusieurs études ont évalué l’intérêt de l’échographie cardiaque dans la myocardite aiguë, mais aucun signe spécifique n’a été décrit. La dysfonction ventriculaire gauche globale est le signe le plus fréquemment retrouvé (50 à 70 % des cas). On retrouve également dans plus de la moitié des cas des troubles de la cinétique segmentaire, souvent localisés au septum interventriculaire et à l’apex. Enfin, certaines études retrouvent de façon usuelle une dysfonction ventriculaire droite (20 à 30%), et un épanchement péricardique localisé ou circonférentiel. Le manque de spécificité de ces signes fait de l’échographie-Doppler cardiaque un mauvais examen diagnostique pour la myocardite aiguë, même si elle peut apporter des informations pronostiques intéressantes [104]. Plusieurs types d’examens morphologiques sont dorénavant disponibles pour le diagnostic de 46
myocardite aiguë. En effet, la situation la plus préoccupante en pratique courante est celle des patients se présentant pour une douleur thoracique, parfois atypique, associée à des troubles de repolarisation et à l’ECG et une élévation des enzymes cardiaques, notamment la troponine, comme dans le cas de Monsieur N. Une situation telle que celle présentée par Monsieur F. se rencontre aussi fréquemment : élévation isolée de la troponine sans signe cardiaque ni facteur de risque cardio-vasculaire, chez un patient pris en charge pour une pathologie non cardiaque. Chez ces patients il est parfois très difficile de faire la part des choses entre une myocardite aiguë et un infarctus du myocarde : jusqu’à récemment, en France, seule la coronarographie permettait d’exclure une étiologie coronaire. La scintigraphie myocardique aux anticorps antimyosine, parfois couplée à une scintigraphie au thallium a montré des résultats intéressants, mais son usage est encore loin d’être courant. L’imagerie par Résonance Magnétique (IRM) semble être l’un des examens les plus prometteurs actuellement [105]. Elle permet de mettre en évidence les territoires myocardiques sièges d’une nécrose et d’une inflammation par un hypersignal. Une étude récente à l’hôpital Bichat a comparé deux groupes de patients pris en charge pour douleur thoracique aiguë avec des signes ECG compatibles avec un infarctus, différenciant ceux présentant une anomalies à la coronarographie, et ceux à coronaires saines, donc avec un diagnostic probable de myocardite aiguë [106]. Elle a montré les bonnes performances de l'IRM cardiaque pour distinguer SCA et myocardite aiguë. Dans la myocardite qui résulte d'un processus inflammatoire, les lésions sont plutôt superficielles et sous-épicardiques, alors qu'elles se situent plus en profondeur, en sous-endocardique, dans l'infarctus. Cependant, il faut faire l'IRM au cours des cinq jours qui suivent l'apparition de la douleur, car les signes de myocardite peuvent être ultérieurement plus trompeurs. En effet, l’hypersignal est initialement focal, plus ou moins nodulaire, puis s’étend de façon diffuse à tout le myocarde après la première semaine. Une équipe allemande a ainsi montré en 2004 que le 47
succès des biopsies myocardiques est de l'ordre 90 %, lorsqu'elles sont faites dans une zone en hypersignal en IRM, alors que l'on obtient moins de 10 % de résultats positifs quand les biopsies sont effectuées dans une zone sans lésions IRM apparentes [107]. L’IRM est donc l’examen de référence dans la prise en charge diagnostique et pronostique des myocardites aiguës. Néanmoins, d’autres études récentes [108, 109] ont montré que le scanner cardiaque multicoupes synchronisé sur l'ECG avec injection de produit de contraste était également un bon outil dans cette indication. Ce dernier permet la visualisation des artères coronaires et l'étude de la prise de contraste myocardique. Dans l’étude menée par Dambrin et coll., une IRM et un scanner cardiaques ont été réalisés chez 11 patients pris en charge pour myocardite aiguë. Le scanner a ainsi montré, sur des clichés tardifs, une prise de contraste myocardique focale ou diffuse dont l’étendue et la localisation étaient corrélées de façon significative aux données de l’IRM chez tous les patients [108].
III. ATTEINTE CARDIAQUE DE LA BILHARZIOSE INVASIVE A. ANALYSE DES 2 CAS CLINIQUES Nous présentons ici deux cas cliniques atypiques. Il s’agit, sans doute possible, de deux cas de myocardite aiguë au cours de la phase invasive de bilharziose, probablement à S. hæmatobium. Bien que, chez aucun des deux patients, la preuve parasitologique directe n’ait pu être faite, la séroconversion a confirmé secondairement le diagnostic de bilharziose aiguë. Ce dernier est également basé sur des arguments épidémiologiques, cliniques et parasitologiques : l’infestation concomitante d’autres membres du groupe (œufs de S. hæmatobium retrouvés chez les compagnons de Monsieur F.) et le lieu - le lac Banani au pays Dogon - bien connu, à la fois des guides touristiques et des épidémiologistes.. Ceci permet de proposer avec certitude un diagnostic de schistosomose à S. hæmatobium. 48
Monsieur F., a décrit une éruption au sortir du bain, typique de dermatite cercarienne comme 17 de ses 18 compagnons de voyage [31]. Il a présenté ensuite un tableau de bilharziose invasive à partir de J18 après le bain contaminant, associant fièvre oscillante, asthénie, toux, algies diffuses, alors même que la sérologie bilharziose et l’éosinophilie étaient absentes. Le tableau cardiaque est survenu alors que le patient a été hospitalisé pour bilan de cette bilharziose invasive, mais qu’il ne présentait aucune symptomatologie cardiaque. La troponine, faite de façon systématique dans le bilan d’entrée a montré des chiffres très élevés (~14 µg/l). De façon concomitante le reste du bilan biologique a montré une hyperéosinophilie importante à 2000/mm3, absente sur les bilans précédents et un début de séroconversion bilharziose. Le bilan cardiologique n’a retrouvé que des signes aspécifiques, à savoir des troubles de repolarisation de type de lésion sousendocardique en latéral, et une échographie normale. Le scanner cardiaque réalisé quelques jours plus tard était également normal. Devant ce tableau, les cliniciens n’ont pu trancher entre un diagnostic de vascularite coronaire et une myocardite aiguë asymptomatique et un traitement par antiparasitaire a été instauré, peut-être à tort. À peine le patient était-il sorti, qu’il a présenté un tableau neuropsychique aigu et a été réhospitalisé. L’IRM cérébrale a alors montré des microinfarctus multiples touchant les zones de jonctions hémisphériques. L’association de la symptomatologie cardiaque (myocardite aiguë ou vascularite coronaire), cutanée (hémorragie en flammèche sous-unguéale) et cérébrale (anomalies jonctionnelles), et ce, à la suite de l’introduction d’un traitement antiparasitaire au cours d’une bilharziose invasive, ont fait évoquer le diagnostic de vascularite et un traitement par corticoïdes a été instauré. L’amélioration a été immédiate. Dans les suites, le patient s’est progressivement amélioré au plan neurologique. Il n »aura jamais été symptomatique au plan cardiaque, mais l’IRM cardiaque réalisée à 3 mois de l’épisode aigu a retrouvé des anomalies de perfusion myocardique possiblement en rapport avec des lésions séquellaires de myocardite ou une fibrose endomyocardique débutante. On a observé 49
une décroissance immédiate des éosinophiles à l’introduction de la corticothérapie,
qui
remonteront à l’arrêt de celle-ci. C’est le traitement antiparasitaire qui aura permis leur normalisation définitive, par guérison de la parasitose. En ce qui concerne Monsieur N., les signes de bilharziose invasive ont débuté à J 24 du bain contaminant dans la même région que le précédent patient. Le tableau présenté était également typique avec fièvre, toux, algies diffuses, éruption cutanée, témoignant de la réaction d’hypersensibilité explosive. En revanche, il a décrit d’emblée des douleurs thoraciques un peu atypiques, attribuées à la symptomatologie pulmonaire. Le bilan biologique réalisé à ce momentlà était peu contributif : enzymes cardiaques, éosinophilie et sérologie bilharziose. Une hyperéosinophilie modérée est apparue progressivement (~560/mm3 ; 12,7%), et les signes cliniques se sont amendés spontanément. C’est à J38, alors que la symptomatologie allergique était en train de rentrer dans l’ordre, qu’est survenue brutalement la douleur thoracique accompagnée de dyspnée. Le diagnostic de myocardite aiguë a été posé sur l’élévation modérée de la troponine (1,5 µg/l), les troubles de la repolarisation et une échocardiographie qui a objectivé une minime hypokinésie du tiers apical et moyen antérieur. Bien que peu élevée en chiffre absolue, l’hyperéosinophilie était cependant notable puisqu’elle se situait autour de 12%. L’IRM cardiaque réalisée à 48h du début des douleurs thoraciques est revenue strictement normale, notamment sans aucune anomalie du signal au niveau myocardique. Malgré la normalité de l’IRM, le patient a été pris en charge de façon maximale pour la myocardite aiguë, et surveillé quelques jours en Unité de Soins Intensifs de Cardiologie, avec traitement cardiologique maximal (IEC et ß-bloquants) et corticothérapie. On a assisté à une amélioration rapide du patient au plan cardiaque, avec disparition des symptômes en quelques heures après l’instauration du traitement. Comme pour le premier patient, on a observé une décroissance immédiate des éosinophiles à l’introduction des corticoïdes, dont l’arrêt a provoqué une réascencion à des taux très élevés. Ils 50
ont disparu ensuite progressivement grâce au traitement antiparasitaire à distance de l’épisode aigu.
B. MYOCARDITE AIGUË DE LA BILHARZIOSE INVASIVE Nous avons décrit ici deux cas de myocardite aiguë au cours d’épisodes de bilharzioses invasives. Un cortège de symptômes sont connus pour accompagner la phase invasive de la bilharziose, qui est une réaction d’hypersensibilité immédiate en réponse à la présence d’antigènes parasitaires, conséquences de la migration des schistosomules dans la circulation sanguine. La littérature médicale est extrêmement pauvre en ce qui concerne les atteintes cardiaques au cours de la bilharziose aiguë, alors qu’elle est bien plus fournie, bien qu’anciennement, en ce qui concerne ces troubles au cours de la bilharziose chronique. Nous essaierons ici d’expliquer la nature de ces troubles, en essayant d’une part d’établir un lien avec les atteintes mieux connues de la forme chronique de la maladie, et d’autre part en mettant en parallèle ces atteintes avec des tableaux similaires retrouvés au cours de réactions d’hypersensibilité et au cours de la phase invasive d’autres helminthiases. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, des médecins militaires ont réalisé des ECG systématiques chez plusieurs centaines de soldats lors de l’épidémie de bilharziose invasive à S. japonicum, aux Philippines, dont nous avons déjà parlé. Des anomalies variées ont été retrouvées, dont les plus fréquentes étaient des anomalies de l’onde T (99%) ou des anomalies du segment ST (52%) sur les 317 ECG réalisés. Les auteurs ont constaté le peu de corrélation avec la symptomatologie cardiaque des patients et leur évolution. Enfin, ils ont concédé que l’étiologie et la signification de ces anomalies leur sont inconnues mais pourraient être attribuées à des lésions du myocarde induites par les traitements par dérivés de l’antimoine [57].
51
Après ces publications, il faudra attendre plus de 50 ans avant de retrouver de nouvelles données concernant les atteintes cardiaques au cours de la schistosomose aiguë. On ne retrouve que trois références dans la littérature récente. L’une d’entre elles correspond à l’un des patients décrits ici [5, 31]. Le second cas est cité dans l’article de Sarazin et coll. illustrant la découverte d’une fibrose endomyocardique associée à des troubles neurologiques chez une patiente de 25 ans au retour de Madagascar [61]. À l’exception d’une seule observation, il n’a été décrit de symptomatologie cardiaque dans aucune des nombreuses épidémies de schistosomose aiguë [23, 25, 28, 29, 32, 34, 44, 110] chez des voyageurs (essentiellement de retour d’Afrique), et les nombreuses revues de la littérature américaines ou européennes ne font aucune allusion à cette atteinte possible [4, 11, 36-38, 47]. À propos de la bilharziose et de ses troubles cardiaques, Kirchhoff, dans sa revue sur les maladies parasitaires du cœur, écrit : « l’infection par Schistosoma sp. peut être à l’origine d’une HTAP et d’un cœur pulmonaire sans infecter directement le myocarde » [95]. La seule revue à évoquer le risque d’atteinte cardiaque au cours de la bilharziose invasive est celle de Jauréguiberry, en langue française, dans laquelle il évoque « des complications myocardiques [qui] peuvent être mortelles », et cite la fibrose endomyocardique avec insuffisance cardiaque, ainsi que des cas de péricardites. A notre connaissance, seule l’étude de De Jésus et coll. décrit des atteintes cardiaques au cours d’une épidémie à S. mansoni dans l’état du Sergipe, dans le Nordeste brésilien [40]. Parmi les 31 patients ayant contracté le parasite au décours d’un bain dans le lac d’Abaís, près d’Aracaju, la capitale de l’état, 12 (38,7%) ont présenté une douleur thoracique et 6 (19%) ont eu une péricardite retrouvée à l’échographie. Il n’est pas dit dans l’article si les patients se plaignant de douleurs thoraciques ont pu bénéficier d’un dosage des enzymes cardiaques et/ou d’un ECG, et si le diagnostic de myocardite a été évoqué. En revanche, tous les patients présentaient une hyperéosinophilie entre 540 et 7380/mm3. 52
C. HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES Nos observations sont donc à prendre en considération dans la mesure où, si elles sont les secondes à décrire avec précision une atteinte cardiaque au cours de la bilharziose invasive, il s’agit certainement des premiers cas de myocardite aiguë dans ce contexte. Plusieurs hypothèses peuvent être évoquées pour expliquer l’origine de cette atteinte cardiaque aiguë. Elles se classent en deux grandes catégories : la théorie « mécanique » et la théorie « immunologique » [59].
1. La théorie mécanique La théorie dite mécanique semble la moins probable. Elle reposerait sur la présence de vers dans le cœur par migration aberrante, ou par la présence d’œufs à l’origine d’un granulome au sein du myocarde. Comme nous l’avons vu précédemment, ce mécanisme a été amplement décrit et prouvé sur des séries autopsiques pour décrire les différentes atteintes cardiaques de la bilharziose chronique. La présence d’œufs au sein de la circulation sanguine pulmonaire peut déterminer une HTAP à l’origine d’un cœur pulmonaire aigu ou chronique, et leur présence au sein de la circulation myocardique provoquer l’apparition d’un granulome myocardique à l’origine de la symptomatologie décrite. Cette hypothèse nous semble peu appropriée aux cas décrits ici. En effet, les patients se trouvent à quelques semaines (J30 en moyenne) du bain contaminant, en pleine phase invasive, qui correspond à la migration des schistosomules. Ces vers immatures sont en train de migrer dans la circulation sanguine, vers le système porte, ne se sont donc pas encore accouplés et par conséquent aucun œuf n’a encore été pondu. Cette hypothèse ne parait donc pas satisfaisante.
2. La théorie immunologique Plusieurs hypothèses immunologiques sont proposées. 53
Comme nous l’avons dit plus haut, la phase invasive de la bilharziose est liée à des phénomènes immunologiques complexes et mal compris, provoqués par la migration des schistosomules dans la circulation sanguine. Elle ferait intervenir plusieurs phénomènes distincts dont découlent les deux processus explicatifs que nous allons évoquer.
a. Myocardite aiguë et éosinophiles L’hypothèse la plus évidente est celle de la toxicité des éosinophiles. De longue date l’hyperéosinophilie est connue pour sa toxicité cardiaque [86], et l’interaction a été particulièrement bien étudiée dans deux cadres nosologiques : celui de la myocardite à éosinophiles des allergies médicamenteuses, et celle du syndrome hyperéosinophilique essentiel ou idiopathique (SHE) [111, 112]. De plus, nous avons vu précédemment les atteintes cardiaques décrites dans les hyperéosinophilies chroniques, et nous tenterons de faire le lien entre les symptômes décrits par nos patients et les endocardites pariétales chroniques :. La myocardite à éosinophiles regroupe plusieurs entités distinctes, notamment la myocardite d’hypersensibilité, dont la description ressemble fortement à celle de nos patients, et la myocardite aiguë nécrosante à éosinophiles [111]. La myocardite d’hypersensibilité a été décrite pour la première fois dans les années 40 sur une série autopsique de patients traités par sulfonamides [113]. Le mécanisme, qui avait alors été imputé est une réaction d’hypersensibilité, et non pas un effet toxique du médicament. Depuis, de nombreux médicaments ont été incriminés dans la genèse de cette pathologie (sulfamides, pénicilline, diurétiques…). Les patients peuvent présenter des signes d’anaphylaxie de quelques jours à quelques mois après l’instauration d’un médicament, tels que fièvre, signes respiratoires, urticaire, hyperéosinophilie, mais le diagnostic de myocardite est rarement fait, car les patients présentent une symptomatologie cardiaque peu parlante et aspécifique. Les anomalies ECG 54
généralement rencontrées sont des troubles du rythme divers, et des troubles de la repolarisation aspécifiques pouvant parfois mimer un syndrome coronaire aigu. On retrouve un taux non négligeable de décès par morts subites chez ces patients.
Deux séries post mortem de
myocardites d’hypersensibilité ont été publiées [114, 115]. Tous les patients autopsiés avaient des médicaments potentiellement incriminables. Ils présentaient en général en pre mortem une élévation modérée des enzymes cardiaques
et
une hyperéosinophilie. A l’examen
anatomopathologique, on retrouvait une infiltration inégale périvasculaire et interstitielle par des éosinophiles, avec, dans une moindre mesure, une infiltration lymphohystiocytaire. Une myocytolyse sans nécrose myocardique franche a été retrouvée, et certains patients présentaient une infiltration éosinophilique diffuse des autres organes. Au total, le diagnostic de myocardite d’hypersensibilité doit être envisagé chez des patients présentant des symptômes allergiques systémiques, et recevant un médicament potentiellement imputable, des signes cardiaques à type de douleur thoracique ou d’insuffisance cardiaque aiguë, présentant des anomalies ECG et échographiques aspécifiques avec une élévation inconstante des enzymes cardiaques. Le risque potentiel de mort subite doit faire conduire chez ces patients à l’arrêt immédiat des médicaments imputables, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et la mise en place d’une corticothérapie. La myocardite aiguë nécrosante à éosinophiles est une forme sévère de cardiopathie aiguë médiée par les éosinophiles. Les patients présentent de façon brutale une douleur thoracique, fièvre, éruption cutanée et signes d’insuffisance cardiaque. A l’ECG, on retrouve des troubles de repolarisation diffus, pouvant mimer un infarctus, et dans le sang, une hyperéosinophilie associée à une élévation des enzymes cardiaques, notamment la troponine. La radiographie thoracique peut montrer une cardiomégalie modérée parfois associée à une pneumopathie interstitielle diffuse [116]. L’échographie cardiaque peut monter, soit des signes de cardiomyopathie dilatée 55
avec hypokinésie ventriculaire, soit un épaississement des parois évocateurs de cardiomyopathie restrictive [90, 117]. En l’absence de traitement, le pronostic peut être rapidement fatal en quelques jours dans un tableau d’insuffisance cardiaque réfractaire. L’histologie de ces myocardites diffère de celle des myocardites d’hypersensibilité : on retrouve un infiltrat myocardique diffus et intense à éosinophiles et lymphocytes, auquel s’ajoute une nécrose myocytaire de degré variable. Certains auteurs pensent que cette entité serait une forme particulièrement sévère de la myocardite d’hypersensibilité [117, 118]. La myocardite aiguë nécrosante à éosinophiles est généralement de cause médicamenteuse, mais elle a également été décrite, parfois même révélatrice, au cours d’hémopathies à éosinophiles [119], de cancer, et de connectivite (Churg et Strauss)… Les tableaux de myocardite aiguë présentés par nos patients sont tout à fait compatibles avec la myocardite à éosinophiles d’hypersensibilité aux médicaments décrite ci-dessus. On se trouve dans des situations identiques de phénomènes anaphylactiques, dans un cas en réaction à un médicament, dans l’autre à la migration d’un corps étranger parasitaire dans l’organisme. Le cortège de signes associés est identique dans les deux cas et s’accompagne d’une hyperéosinophilie pas toujours très élevée. En outre, la mortalité associée aux myocardites à éosinophiles nous inspire d’entreprendre des explorations plus poussées et de surveiller de près les patients en cours de bilharziose invasive avec des arguments pour une myocardite. Ainsi, la myocardite aiguë découverte chez nos patients pourrait-elle être une myocardite à éosinophiles d’hypersensibilité, liée à la migration des schistosomules. Il serait alors intéressant de savoir s’il existe un lien entre les myocardites décrites ici et les atteintes myocardiques chroniques liées aux hyperésinophilies profondes et prolongées des helminthiases.
56
Nous avons décrit, plus haut, l’endocardite pariétale fibroblastique de Loeffler (EPF) et la fibrose endomyocardique de Davies (FEM). Ces atteintes cardiaques des hyperéosinophilies chroniques, notamment la fibrose endomyocardique, ont été classiquement décrites dans le syndrome hyperéosinophilique. Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique (SHE), ou syndrome de Chusid, est une maladie lymphoproliférative
d’étiologie
inconnue,
avec
hyperproduction
d’éosinophiles
et
hyperéosinophilie sanguine et médullaire, qui touche principalement l’homme jeune entre 20 et 50 ans. Selon Chusid, trois critères sont nécessaires pour le définir [112] : une hyperéosinophilie supérieure à 1500/mm3 et évoluant depuis plus de 6 mois les autres causes d’hyperéosinophilies doivent avoir été éliminées (maladie allergique, parasitaire ou d’hémopathie maligne) l’existence d’une atteinte viscérale Les patients présentant une hyperéosinophilie d’origine indéterminée cliniquement bénigne sont exclus de la définition. L’atteinte cardiaque est la principale cause de morbidité et de mortalité au cours du SHE, et elle survient dans 48 à 75% des cas [120]. D’autres organes sont également atteints, de façon moins fréquente : système nerveux central et périphérique, peau, tube digestif, rate, foie et poumon. L’atteinte cardiaque liée aux éosinophiles évolue classiquement en 3 stades. § Le premier est le stade nécrotique précoce. Il est caractérisé sur le plan histologique par une inflammation et infiltration endocardique et myocardique à éosinophiles et lymphocytes associée à une des lésions myofibrillaires et une nécrose et une apoptose myocytaire. On observe également des lésions de l’endocarde et de l’endothélium vasculaire [121]. Cette étape, qui survient tôt dans l’évolution de la maladie, en moyenne 5,5 semaines, correspond à une myocardite éosinophilique aiguë plus ou moins symptomatique selon les patients, et peut être associée à des réactions d’hypersensibilité. Des formes plus sévères, jusqu’à la 57
myocardite nécrotique à éosinophiles, parfois mortelle, ont été décrites. L’échographie et la coronarographie sont généralement normales et seule la biopsie endomyocardique permettait de faire le diagnostic à ce stade. La corticothérapie est recommandée pour limiter l’évolution vers la fibrose. § Le second stade est le stade thrombotique tardif, et survient en général après 10 mois d’évolution de l’hyperéosinophilie. Il est caractérisé par la formation de thrombus le long de l’endocarde endommagé de l’un ou des deux ventricules, plus rarement les oreillettes. §
La troisième et dernière étape est le stade fibrotique tardif, rencontré en moyenne 24,5 mois après le début de la maladie, c’est la fibrose endomyocardique de Davies [89]. Anatomiquement, on retrouve des altérations des valves mitrale et/ou tricuspide avec régurgitation, ainsi qu’une fibrose endomyocardiaque à l’origine d’une cardiomyopathie restrictive. Sur le plan anatomopathologique, il n’y a aucune différence entre la fibrose endomyocardique de Davies et l’endocardite pariétale fibroblastique de Loeffler attribuée aux helminthiases éosinophilogènes chroniques. Comme on l’a déjà vu, l’absence d’éosinophilie au cours de l’EPF est attribuée au fait que les patients sont vus à un stade tardif de l’évolution de l’helminthiase, et que l’hyperéosinophilie a disparu.
Dans la mesure où l’EPF et l’EFM ont été décrites dans les helminthiases chroniques, notamment bilharziose et filariose, attribuées à l’hyperéosinophilie chronique, on est tenté de faire le parallèle entre la myocardite aiguë du stade précoce du SHE, et la myocardite décrite dans nos cas cliniques, et qui serait le stade initial vers les cœurs éosinophiliques tardifs qu’ils auraient développé en l’absence de traitement. La patiente décrite dans l’article de Sarazin et coll. a présenté une fibrose endomyocardique précoce, alors qu’elle revenait d’un séjour de 3 mois à Madagascar, où elle a probablement contracté la bilharziose [59, 61]. Ce cas clinique nous conforte dans l’hypothèse d’une continuité entre des phénomènes cardiaques plus ou moins 58
symptomatiques au cours de la phase aiguë de la schistosomose et l’apparition secondaire de cardiopathies éosinophiliques. En ce qui concerne cette patiente, elle avait été vue à un stade plus tardif où la fibrose avait déjà commencé à se développer. La faible éosinophilie décrite chez Monsieur N. nous a semblé exclure le diagnostic de myocardite à éosinophiles. De plus dans les deux cas, l’hyperéosinophilie est récente, et de toute façon inférieure aux 5,5 semaines de la myocardite aiguë. Il ne semble pas pour autant que cette donnée aille à l’encontre de notre hypothèse, et certains auteurs avancent que le risque de développer une maladie cardiaque au cours du SHE n’est pas corrélé avec l’importance et la durée de l’hyperéosinophilie [122]. Enfin, au Japon, Morimoto et coll. ont montré que sur 8 patients
hospitalisés entre 1988 et 1995 pour myocardite à éosinophiles prouvée
histologiquement, 4 d’entre eux avaient un taux d’éosinophiles < 500/mm3 à l’apparition des signes cardiaques, et 3 d’entre eux un taux d’éosinophiles entre 500 et 1000/mm3 (55-1312) [123]. Parmi ces patients, pour qui l’origine de l’éosinophilie était d’origine allergique pour 4 d’entre eux, parasitaire pour un seul, et idiopathique pour les autres, tous sauf un ont développé une hyperéosinophilie supérieure à 500/mm3 et 6 une hyperéosinophilie de plus de 800/mm3 (495-9024). Chez ces patients au diagnostic de myocardite à éosinophiles prouvée, la question de l’absence d’hyperéosinophilie dans le sang périphérique est particulièrement troublante. L’explication la plus probable est que les éosinophiles sanguins migrent vers les tissus, et que la moelle n’est pas en mesure de répondre immédiatement par une augmentation de la production. Ce phénomène expliquerait alors l’éosinopénie transitoire paradoxale constatée. Ces cas montrent que, même en l’absence une hyperéosinophilie périphérique marquée au début de l’évolution de la maladie, les éosinophiles peuvent causer des lésions myocardiques.
59
Les polynucléaires éosinophiles sont les cellules-clés de la défense anti-parasitaire et de l'inflammation allergique. Ils participent également au remodelage tissulaire et à l’angiogénèse [90]. Ils représentent de 2 à 5% des leucocytes circulants (~0 à 500/mm3) et leur répartition est surtout tissulaire, la fraction sanguine ne représentant que 1% du nombre total. Ils ont un rôle modulateur dans les phénomènes d’hypersensibilité immédiate. Ils limitent les manifestations allergiques consécutives à la dégranulation des mastocytes et des basophiles en neutralisant les molécules médiatrices de l’anaphylaxie grâce au contenu de leurs granules [124]. En outre, ils ont un rôle lytique direct sur certains parasites dont les schistosomes et notamment les schistosomules [125]. On a également montré un lien significatif entre l’absence de réinfection par S. haematobium et S. mansoni et le taux d’éosinophiles [126, 127]. L’adhésion de l’éosinophile au parasite provoque sa dégranulation avec libération de molécules responsables de la lyse du parasite, telles que la MBP et la ECP. La protéine basique majeure - ou MBP (major basic protein) - joue à la fois un rôle de modulation sur les basophiles et les mastocytes, et une fonction cytotoxique sur le parasite. La protéine cationique de l’éosinophile - ou ECP (Eosinophilic Cationic Protein) - joue un rôle important en activant les facteurs de coagulation par activation du facteur XII et du plasminogène et neutralisation de l’action anticoagulante de l’héparine. À coté de ce rôle bénéfique, l’éosinophile peut également se révéler toxique pour l’hôte et être à l’origine, entre autre, de lésions cardiaques. Trois mécanismes différents sont incriminés dans la toxicité de l’éosinophile : la cytotoxicité directe, les dommages tissulaires liés à l’infiltration des organes et des phénomènes thromboemboliques causés par l’hypercoagulabilité qu’il induit [128]. Il semble néanmoins que le mécanisme le plus délabrant soit la toxicité corrélée au relargage des substances des granules. Par un phénomène non connu, les éosinophiles subissent un phénomène d’adhérence par le biais d’immunoglobulines de surface et de molécules 60
d’adhésion qui conduisent à leur activation et leur dégranulation au niveau de l’endocarde. La MBP et l’ECP sont alors libérées et vont avoir un effet cytotoxique localement. La MBP a un effet cytopathogène sur les cellules endothéliales et les cardiomyocytes, mais peut aussi initier un processus direct de fibrose interstitielle myocardique [129], tandis que l’ECP va induire des phénomènes de thrombose avec développement de thrombus pariétaux. L’ensemble de ces phénomènes est une explication possible aux lésions myocardiques à l’origine du tableau de nos patients. Ainsi, ces lésions vont-elles aboutir à la formation de thrombus muraux et d’une fibrose au niveau du l’endocarde et du myocarde, pour donner à long terme la cardiopathie restrictive de la fibrose endomyocardique. Cette pathogénie est encore mal connue. Tous les types d’hyperéosinophilies sont cependant susceptibles d’induire ce phénomène de toxicité. Une équipe japonaise a démontré qu’il existait des taux sanguins et tissulaires élevés d’ECP chez des patients aux diagnostics de myocardites à éosinophiles posés sur des biopsies endomyocardiques [130, 131]. Selon les auteurs, le taux sérique d’ECP pourrait être un bon indicateur pour le diagnostic et le suivi de ces myocardites. Le même type d’atteinte serait observé au niveau du système nerveux central, ce qui expliquerait ainsi les lésions de type vascularite cérébrale retrouvée parallèlement aux atteintes myocardiques chez Monsieur F. [59]. Enfin, il a été démontré le rôle crucial des éosinophiles dans la formation des granulomes autour des œufs de S. mansoni, et par conséquent sa participation aux réactions pathologiques induites par la bilharziose [125]. Le mécanisme que nous avons évoqué entre dans le cadre d’une théorie uniciste dite « d’Olsen », reliant myocardite à éosinophiles et EPC [132]. Dans le sens de cette hypothèse, une étude nigériane prospective de suivi de FEM a retrouvé que 4 patients sur les 89 avaient présenté une symptomatologie initiale compatible avec un tableau de myopéricardite aiguë, mais sans preuve formelle [21]. Cependant, d’autres équipes proposent une théorie dite dualiste qui fait de cette 61
myocardite et de l’EPC deux entités distinctes [133]. La myocardite serait la résultante d’une atteinte exclusive des myocytes par l’éosinophile, alors qu’au contraire, l’EPC serait due à une atteinte unique des cellules endothéliales. Plusieurs arguments vont dans le sens de cette hypothèse : § premièrement, dans l’EPC, l’atteinte myocardique est minime § deuxièmement la séquence des événements décrits plus hauts n’a jamais été démontrée sur des études histologiques §
enfin, une étude réalisée au Nigéria n’a pas montré de différence significative de taux d’éosinophiles dégranulés entre un groupe de patients suivis pour FEM et un groupe témoin [134].
Si les doutes persistent encore à l’heure actuelle dans le rôle joué par les éosinophiles et les helminthes, notamment la bilharziose dans la genèse de l’EPC, ils sont évidemment majeurs en ce qui concerne la myocardite aiguë.
b. Myocardite aiguë auto-immune Si la théorie de la toxicité des éosinophiles est alléchante, certains auteurs semblent penser que d’autres phénomènes sont prépondérants dans la physiopathologie des atteintes organiques au cours de la bilharziose invasive. Une étude immunologique menée au cours de deux épidémies brésiliennes de bilharziose aiguë à S. mansoni impliquant 24 patients a montré plusieurs résultats intéressants [12]. Lors de la première épidémie, les tests ont montré des taux d’IFNγ, d’IL4 et d’IL5 beaucoup plus élevés que chez des patients présentant une bilharziose chronique. Lors de la seconde épidémie, les tests ont montré une production accrue d’IFNγ et d’IL5, précocément après l’infection, en réponse aux antigènes d’œufs solubles (SEA : soluble egg antigen) et aux antigènes solubles de vers adultes 62
(SWAP : soluble adult worm antigen). Ce profil cytokinique est caractérisé par une réponse immunitaire mixte Th1 et Th2 (Th0). En outre, il a été démontré une coopération dans les mécanismes de défense contre les helminthes, entre éosinophiles, IgE et des cytokines activatrices, telles que IL4 et surtout IL5 [128]. On a aussi démontré le rôle essentiel des IgE dans la défense contre la bilharziose. Ils coopèrent avec les phagocytes mononucléés, les plaquettes et les éosinophiles pour tuer la larve de schistosome. Ils ont également un rôle essentiel dans la résistance à la réinfection, démontré expérimentalement chez le rat et dans des études sérologiques épidémiologiques [135]. D’ailleurs, les modèles de vaccins actuels exploitent cette fonction des IgE, dirigés contre des antigènes de surfaces de schistosomes. De Jesus et coll. ont montré que des phénomènes immunologiques indépendants de l’éosinophilie intervenaient dans la genèse de la symptomatologie [40]. En effet, au cours de leur étude sur les phénomènes immunologiques survenant chez les 31 patients, et pris en charge pour une bilharziose aiguë, ils ont montré la présence de complexes immuns circulants (55 à 93% des patients), la production importante de cytokines pro-inflammatoires IL1, IL6 et TNFα, IFNγ (87% des patients) et une réponse Th1 prédominante, par rapport à la réponse Th2, normalement observée dans les réactions de sensibilité immédiate pures [124]. De plus, les taux d’IgE retrouvés n’étaient pas plus élevés chez ces patients en pleine phase invasive que chez les patients présentant une bilharziose chronique. En outre, la réponse de type Th2 (IL4 et IL10), n’apparaîtrait qu’à distance de l’épisode aigu chez ces patients et les protégeraient d’une nouvelle schistosomose invasive à l’occasion d’une réinfestation. Ainsi, les symptômes observés lors de la bilharziose aiguë, et notamment les atteintes cardiaques, seraient-ils médiés par le dépôt de complexes immuns dans les tissus. Les cytokines proinflammatoires secrétées en abondance lors de cette phase participeraient aux lésions d’organes. Les auteurs appuient leur raisonnement sur la comparaison avec les atteintes retrouvées dans le 63
lupus érythémateux disséminé, notamment la vascularite pulmonaire et la péricardite, qui sont médiées par les complexes immuns. En effet, l’atteinte cardiaque est l’une des principales complications des maladies auto-immunes systémiques (lupus, pan-artérite noueuse, maladie de Churg et Strauss…). Toutes les structures anatomiques du cœur peuvent être atteintes et des mécanismes pathologiques multiples ont été décrits. Des autoanticorps non spécifiques d’organes sont impliqués dans la formation de complexes immuns et leur dépôt à l’origine de processus inflammatoires responsables d’endocardite (Libman-Sacks), myocardite et péricardite. Les anticorps anti-phospholipides ont également été associés à des événements thrombotiques coronaires et des vasculopathies intra-myocardiques. On décrit dans de nombreuses maladies systémiques de type vascularites des atteintes myocardites par atteintes des gros vaisseaux (coronaires) ou des petits vaisseaux myocardiques [136].
Cette hypothèse semble pouvoir s’appliquer aux deux cas présentés ici. En ce qui concerne Monsieur F., l’atteinte cérébrale et l’hémorragie sous-unguéale en flammèches semblent compatibles avec un diagnostic de vascularite induite par des complexes immuns. En outre, ont été retrouvés chez lui, révélés par un allongement isolé du TCA, des anticorps anti-cardiolipides, souvent présents, et parfois transitoirement, dans des contexte d’auto-immunité. On pourrait alors supposer que l’atteinte cardiaque serait due à des dépôts de complexes immuns au niveau du myocarde, comme le suggèrent De Jesus et son équipe [40], soit par un phénomène de vascularite coronaire, soit par une vascularite des petits vaisseaux (veinules artérioles, capillaires) à l’origine de la myocardite aiguë. Dans le cas de Monsieur N., les arguments pour un phénomène autoimmun avec vascularite sont moindres, en dehors d’un TCA modérément allongé associé à une diminution des facteurs XI et XII, sans anticoagulant circulant retrouvé. Comme dans le cas
64
précédent, l’atteinte myocardique serait rattachée à un phénomène de vascularite ou de dépôts de complexes immuns dans le tissu myocardique. Enfin, un article russe, dont malheureusement seul l’abstract est disponible en anglais, récuse le rôle néfaste des éosinophiles au cours de la phase invasive des helminthiases [137]. Sa démonstration repose sur l’étude des phénomènes immunologiques au cours de la phase invasive de la trichinellose, de la toxocarose et de la paragonimose. Ainsi, les substances sécrétées par les larves d’helminthes mimeraient-elles les protéines de l’hôte et sont-elles à l’origine d’une réponse immunitaire spécifique, et non spécifique, dirigée contre le soi. Cette réponse inflammatoire de type auto-immune serait à l’origine des lésions diverses observées au cours des helminthiases invasives. Des myocardites d’hypersensibilité expérimentales ont été obtenues chez des cochons d’Inde avec des antigènes de Trichina spiralis, stimulant la voie Th1 de l’immunité. Enfin l’analyse du sérum de 22 patients à la phase active de trichinoses, toxocaroses et opisthorchiases a montré des taux élevés d’IgG4 associés aux taux élevés d’éosinophiles et d’IgE chez les patients présentant des lésions viscérales et des taux normaux d’IgG4 chez les patients sans atteintes d’organes. Ils en concluent que les éosinophiles et les IgE, élevés chez ces derniers patients, joueraient un rôle protecteur contre ces phénomènes auto-immuns au cours des helminthiases invasives.
c. Conséquences thérapeutiques La physiopathologie de la bilharziose invasive semble donc en rapport avec des phénomènes immuno-allergiques, soit liés aux éosinophiles, soit liés à des mécanismes plus complexes. À toutes fins utiles, la conséquence thérapeutique est la même dans tous les cas. La suspicion clinique de myocardite au cours de la phase invasive de la bilharziose nécessite la mise en place urgente d’un traitement par corticoïdes, pour lutter contre les phénomènes décrits plus tôt. C’est 65
également le traitement de référence des myocardites à éosinophiles d’autre étiologie (SHE, Churg et Strauss, myocardites d’hypersensibilité) [92, 111, 112, 116]. La corticothérapie se justifierait par son effet inhibiteur sur l’activation des éosinophiles, donc sur la dégranulation et la cytotoxicité endothéliale. La corticothérapie s’est accompagnée d’une décroissance rapide des éosinophiles chez nos deux patients, peut-être avec également comme conséquence, la chute du taux sérique d’ECP, qui expliquerait la disparition des symptômes [130]. Enfin, le traitement parasitaire doit être formellement contre-indiqué devant un tel tableau, faisant prendre le risque, comme nous l’avons vu, non seulement d’un échec, mais surtout d’une réaction paradoxale.
D. CŒUR ET AUTRES HELMINTHIASES AIGUËS Dans les revues de la littérature sur les cardiopathies infectieuses, les parasitoses sont souvent citées comme causes possibles. Elles peuvent directement ou indirectement toucher des structures anatomiques variées du cœur, telles que le myocarde, le péricarde et la circulation pulmonaire [138-141]. Certaines protozooses sont bien connues pour leurs atteintes myocardiques, telles la maladie de Chagas en Amérique du Sud (Trypanosoma cruzi), la trypanosomose africaine (Trypanosoma brucei, rhodesiense ou gambiense), la toxoplasmose disséminée à T. gondii, notamment chez l’immunodéprimé, voire les abcès myocardiques de l’amibiase. Nous ne développerons pas les atteintes liées à ces protozoaires [cf. Annexe n° 4], qui sont des lésions de type mécanique, par développement des parasites au sein du myocarde avec inflammation réactionnelle à l’origine de la symptomatologie [95, 141]. Ce mécanisme n’est absolument pas comparable à celui décrit chez nos patients. En revanche, les helminthiases, bien que souvent citées comme causes classiques de myocardite aiguë dans les listes d’étiologie, sont peu décrites dans la littérature. La revue des connaissances sur ces atteintes permettra de conforter et d’élargir les hypothèses émises précédemment. Nous ne 66
citerons pas non plus les atteintes cardiaques au cours de la cysticercose (Taenia solium) et de l’hydatidose (Echinococcus granulosus), qui résultent exclusivement du développement de kystes au sein du myocarde [cf. Annexe n° 5].
1. Atteintes cardiaques au cours de la trichinellose invasive. C’est l’atteinte cardiaque au cours des helminthiases la mieux étudiée. La trichinose (ou trichinellose) est une helminthiase de type nématodose due le plus souvent à Trichinella spiralis (mais aussi T. britovi, T. nativa, T. pseudospiralis) [46]. C’est une maladie cosmopolite, quoique peu fréquente dans les pays industrialisés, due à la consommation de viandes animales parasitées diverses mal cuites (porc, cheval, sanglier, ours…). Son expression clinique est variable, souvent asymptomatique. La phase invasive, qui survient en général 10 à 20 jours après la contamination, est caractérisée par de la fièvre, des myalgies importantes, un œdème de la face (périorbitaire surtout), et, de façon inconstante une éruption urticarienne, une hémorragie sous-conjonctivale. On retrouve également une hyperéosinophilie et une élévation des enzymes musculaires. Le diagnostic est évoqué sur la sérologie qui se positive 2 à 3 semaines après la contamination [95]. La preuve formelle du diagnostic est apportée par la biopsie musculaire. Il existe de rares cas de formes graves avec atteinte pulmonaire, neurologique ou surtout cardiaque. Les manifestations cardiaques sont peu décrites bien que fréquentes, et leur incidence varie entre 21 et 75 % selon les études. Les trois tuniques peuvent être atteintes, avec une prédominance des myocardites, puis des péricardites, et de rares cas d’endocardites [142]. En 2005, une équipe croate a publié une étude rétrospective portant sur 154 cas de trichinellose hospitalisés au CHU de Zagreb sur une période de 5 ans, avec une analyse systématique des données cliniques et de l’ECG [143]. Quatre vingt-sept patients (56%), la plupart en phase invasive de trichinellose, ont présenté des anomalies ECG. Les principales anomalies retrouvées 67
étaient les troubles de la repolarisation aspécifiques (modifications du segment ST et de l’onde T), suivis des blocs de branches et de tachycardies sinusales. Dix-huit patients (12%) ont été identifiés comme myocardite, le diagnostic étant posé sur des critères cliniques (douleur thoracique, syncope), et/ou anomalies ECG et/ou élévation des CK-MB. Chez l’un des patients, le diagnostic a été posé en post-mortem, après qu’il ait développé un infarctus myocardique dans les suites de la myocardite. Les patients ont développé une myocardite dans les 8 à 28 jours suivant le début des symptômes, et avaient en général une hyperéosinophilie importante (4800 éosinophiles/mm3), significativement plus élevée que chez les patients sans anomalie ECG. A l’exception du patient décédé, l’évolution a été favorable sous corticothérapie et traitement antiparasitaire. Cette étude est particulièrement intéressante car elle montre la grande fréquence des atteintes cardiaques asymptomatiques à l’origine de troubles ECG aspécifiques, jusqu’alors rarement évaluées au cours de la phase invasive de la trichinose. Les auteurs insistent sur la nécessité du dépistage systématique de la myocardite chez ces patients, du fait du risque de décès par mort subite au cours des myocardites aiguës. Une autre étude rétrospective de grande envergure, incluant 560 patients atteints de trichinose hospitalisés sur une période de 29 ans, a retrouvé 10% d’atteinte myocardite [144]. En France, en 2007, trois cas cliniques étrangement comparables aux nôtres ont rapporté des cas de myocardites aiguës asymptomatiques au cours de trichinoses aiguës [142, 145, 146]. Dans deux cas, le diagnostic a été porté sur des anomalies ECG associées à une hyperéosinophilie et à une élévation de la troponine. Dans deux des cas, le diagnostic a été confirmé par une IRM cardiaque. Une biopsie endomyocardique a permis un examen anatomopathologique du cœur qui retrouve un infiltrat interstitiel inflammatoire composé de lymphocytes, d’éosinophiles et de neutrophiles. Le diagnostic de trichinellose a pu être porté sur les sérologies et/ou sur l’examen parasitologique de la viande incriminée. Tous les auteurs s’accordent à dire que l’atteinte myocardique résulte, d’une 68
part, d’une atteinte pariétale vasculaire associée à une inflammation et une nécrose des cellules musculaires dues à la migration des larves dans le myocarde et d’autre part d’un effet toxique des éosinophiles locaux et circulants à l’origine d’un effet prothrombotique délétère. Enfin, quelques cas rapportés dans la littérature semblent montrer une évolution vers une endocardite fibroblastique de Loeffler au cours de l’évolution tardive de ces myocardites à trichine accompagnées d’une hyperéosinophilie importante [145]. Au total, il semble que l’atteinte myocardique, souvent asymptomatique, soit extrêmement fréquente au cours de la phase invasive de la trichinose, et que, du fait de sa gravité potentielle (risque de décès par mort subite, évolution vers une fibrose endomyocardique) son dépistage systématique par ECG et dosage de la troponine soit recommandé. Le traitement repose sur l’albendazole associé à des corticoïdes.
2. Atteintes cardiaques au cours de la toxocarose. Des atteintes cardiaques ont été décrites au cours de la toxocarose, principale étiologie du syndrome de larva migrans viscéral. La toxocarose est une affection humaine cosmopolite liée à la présence tissulaire de larves de Toxocara canis ou T. cati, parasites du chat ou du chien, en impasse parasitaire chez l’homme. L’homme s’infeste en ingérant des oeufs soit directement au contact des animaux, soit par des aliments souillés par les chiens et les chats. Les manifestations cliniques correspondent à la présence et à la migration des larves : fièvre, signes pulmonaires, manifestations cutanées telles que de l’urticaire. Des manifestations oculaires, cardiaques, une hépatosplénomégalie peuvent survenir à distance de la contamination [46]. La myocardite a été décrite dans 10 à 15% des cas de LVM, et est souvent accompagnée d’une hyperéosinophilie importante [147].
Des modèles animaux d’hyperéosinophilie induite par une infection à
Toxoxara cants chez des rats ont montré l’apparition d’une dysfonction cardiaque et une 69
accumulation d’éosinophiles dans le myocarde [148]. Dans une étude espagnole rétrospective portant sur 54 enfants hospitalisés pour toxocarose, l’un d’entre eux a présenté une myocardite aiguë révélée par une insuffisance cardiaque aiguë et prouvée à la biopsie endomyocardique qui montre une infiltration éosinophile intense [149].
Dans les quelques cas décrits, l’examen
anatomopathologique ne retrouvait aucun granulome mais une dégénérescence myocardique extensive avec une infiltration éosinophilique massive. Selon les auteurs, l’atteinte myocardique au cours de la LVM résulterait du passage de la larve à travers le myocarde et/ou d’une réaction d’hypersensibilité aux parasites. Plusieurs cas d’endocardite pariétale de Loeffler ont été décrits dans le cadre de bilan d’insuffisances cardiaques et/ou douleurs angineuses, et orientés par une hyperéosinophilie importante attribuée à une toxocarose viscérale. [150].
3. Atteintes cardiaques au cours de l’anguillulose maligne L’anguillulose intestinale est une helminthiase cosmopolite due à Strongyloides stercoralis, qui infecte plus de 100 millions de personnes dans le monde. La maladie est la plupart du temps asymptomatique, mais peut devenir dramatique en cas d’immunodépression, notamment au cours des traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs, même si l’exposition au parasite a eu lieu des années auparavant [46]. On ne retrouve qu’un seul cas d’atteinte cardiaque au cours d’une anguillulose maligne très sévère chez une jeune Australienne lupique de 18 ans. Cette myocardite a été révélée par des anomalies ECG (ascension du segment ST), une élévation des enzymes cardiaques (CK-MB, troponine), une hyperéosinophilie importante inhabituelle dans ce contexte, avec échographique cardiaque et coronarographies normales [151]. On a également découvert ce nématode dans le cœur d’un patient qui était décédé d’une strongyloïdose disséminée, mais sans qu’un lien causal n’ait pu être établi avec le décès [152].
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4. Atteintes cardiaques des filarioses : Les filarioses, pourtant agents classiques des myocardites canines, n’ont jamais été incriminées directement dans des atteintes myocardiques. Il y a eu cependant des controverses pour la loase, avec une issue fatale attribuée à une fibrose endomyocardique compliquée de choc cardiogènique chez un jeune garçon [153]. En revanche, l’hyperéosinophilie prolongée des filarioses chroniques, à l’instar de la bilharziose chronique, est largement incriminée dans la genèse de fibroses endomyocardiques tropicales [21], mais aussi dans le cœur pulmonaire chronique lié au poumon éosinophile tropical des microfilaires [91, 139]. 5. Autres helminthiases De façon plus anecdotique, ont également été décrites des atteintes myocardiques au cours de distomatose hépatique en phase invasive, pouvant se compliquer de fibrose endomyocardique [141, 154, 155] et d’opisthorchiases super invasives en Russie [156]. Le mécanisme possiblement incriminé serait immuno-allergique. Enfin, un diagnostic rétrospectif de cardiomyopathie dilatée compliquant une myocardite à éosinophiles a été fait sur l’examen anatomopathologique post transplantation cardiaque [118]. L’hyperéosinophilie a été remarquée secondairement et attribuée à une oxyurose chronique chez cette jeune patiente polonaise de 23 ans.
71
CONCLUSION Les cas décrits au cours de ce travail sont particulièrement informatifs. Il s’agit des premiers cas décrits de myocardite aiguë compliquant la phase invasive d’une bilharziose chez de jeunes voyageurs au retour d’Afrique subsaharienne. La physiopathologie de ces myocardites est loin d’être évidente. Il parait difficile de trancher catégoriquement entre un mécanisme lié à la cytotoxicité des éosinophiles ou à des réactions auto-immunes et une toxicité des complexes immuns, liés à la réaction d’hypersensibilité constatée au cours de la migration des formes jeunes du parasite. Cependant, l’hypothèse de la toxicité des éosinophiles est plus alléchante car le tableau clinico-biologique de nos patients semble tout à fait superposable à celui décrit au cours des myocardites d’hypersensibilité médicamenteuse ou des myocardites à éosinophiles, lesquelles constituent la première étape des atteintes cardiaques lors des grandes hyperéosinophilies. En outre, cette théorie permettrait de faire le lien avec les fibroses endomyocardiques bien connues et décrites au cours des formes évoluées de SHE et des formes tardives de bilharzioses aiguës et chroniques, comme cela a été proposé par Oslen dans les atteintes cardiaques du SHE. La myocardite décrite chez nos patients ne serait que le début du continuum entre ces différentes atteintes décrites. Enfin ces cas, observés au cours d’une schistosomose invasive, semblent pouvoir être mis en parallèle avec les atteintes cardiaques décrites au cours d’autres helminthiases aiguës. L’analyse des myocardites décrites au cours de la phase invasive de la trichinellose et la toxocarose est en faveur de mécanismes similaires d’origine immuno-allergique. Au cours de ces maladies, des études électrocardiographiques systématiques ont permis de mettre en évidence la grande fréquence des myocardites asymptomatiques. Si, dans le premier cas décrit, le diagnostic a été fait à la suite d’une douleur thoracique, le diagnostic a été posé dans le second cas sur un dosage systématique de la troponine. L’ECG réalisé chez ces patients retrouvait des anomalies peu spécifiques qui 72
n’attiraient pas particulièrement l’attention.. C’est pourquoi chaque patient pris en charge pour une bilharziose aiguë devrait bénéficier d’un dosage de troponine et d’un ECG. Au moindre doute, on devrait proposer une imagerie cardiaque (IRM de préférence) à la recherche de signes de myocardite aiguë. Chez ces patients, des études épidémiologiques immunologiques complémentaires
seraient
intéressantes
afin
d’essayer
d’élucider
le
mécanisme
physiopathologique prépondérant dans ce phénomène. Même si, à notre connaissance, il n’a pas été décrit d’évolution fatale au cours de schistosomoses aigues, il existe un risque théorique non négligeable de complications brutales de la myocardite telles que des troubles du rythme aigus, infarctus du myocarde, myocardite aiguë nécrosante à éosinophiles, mort subite. Ceci est confirmé par la comparaison avec les complications rares, mais graves, des myocardites d’hypersensibilité médicamenteuse, ou de celles des myocardites aiguës au cours de la trichinose. Ainsi, comme il l’a été démontré au cours des atteintes neurologiques des bilharzioses invasives, ces patients devraient-ils être traités par corticoïdes seuls, le traitement par praziquantel n’étant délivré qu’à distance de l’épisode aigu. La bilharziose invasive est une maladie de plus en plus fréquemment observée dans les pays tempérés, chez les voyageurs au retour de pays tropicaux. De plus, dans les zones à risque, les mouvements de population de la campagne, zones d’endémie, vers la ville, les bouleversements écologiques liés à des catastrophes naturelles (inondations) ou artificielles (barrages) sont à l’origine, comme en Chine ou au Brésil, d’épidémies dans des populations jusqu’à présent épargnées. L’augmentation de la fréquence des voyages aventureux, de la « mondialisation », et les phénomènes naturels et humains décrits rendent le risque théorique de survenue de myocardites au cours de bilharziose aiguë de plus en plus élevé. La connaissance de ce risque potentiel doit être connue à la fois des praticiens de la médecine des voyages, qui ont à leur
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disposition des moyens exhaustifs, mais aussi des médecins qui travaillent dans des régions où des épidémies peuvent survenir, et dont les moyens diagnostiques sont plus limités..
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ANNEXE N° 1: PRINCIPAUX CARACTÈRES DISTINCTIFS DES SCHISTOSOMES HUMAINS Localisation Schistosomes des parasites
Voie Nombre d’élimination d’oeufs des oeufs pondus par jour
Forme des oeufs
Prélèvements pour diagnostic direct
Répartition
Hôte intermédiaire
S. hæmatobium
Plexus veineux urogénital
Vessie
20 à 200
Ovalaire à éperon terminal 150/60 µm
Urines, biopsies vésicales et rectales
Afrique, Moyen Orient
Bulinus (B. truncatus, tropicus, africanus)
S. mansoni
Veine mésentérique inférieure
Colon
100 à 300
Ovalaire à éperon latéral 140/60 µm
Selles, biopsies rectales
Afrique, Moyen Orient, Amérique du Sud, Antilles
Biomphalaria (B. glabrata)
S. intercalatum
Plexus veineux périrectal
Rectum
Inconnu
Ovalaire à éperon terminal 200/65mm
Selles, biopsies rectales
Afrique Centrale
Bulinus (B. forskalii crystallinus globosus)
S. japonicum
Veine mésentérique supérieure
Intestin grêle
500 à 3500
Ovalaire à éperon latéral peu visible 70/50µm
Selles
Chine, Corée, Oncomelania Formose, Japon, (O. Philippines nasophora)
S. mekongi
Veine mésentérique supérieure
Intestin grêle
Inconnu
Ovalaire à éperon latéral peu visible 60/40µm
Selles
Laos, Cambodge, Thaïlande
Tricula (T. aperta)
D’après ANOFEL 2006 [46]
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ANNEXE N° 2 : CAUSES DE MYOCARDITE AIGUË INFECTIEUSES Virales Entérovirus (Coxsackie B et A, poliomyélite, échovirus, VHA) Adénovirus, influenza, VRS (grippe) Paramyxovirus (oreillons, rougeole, VRS) Rhabdovirus (fièvre jaune, dengue) Herpes viridae (HHV6, EBV, CMV…) Parvovirus B19, VIH, VHB, VHC. Junin virus, oreillons, rougeole, rubéole, variole. Bactériennes Streptocoque (RAA), pneumocoque, staphylocoque, diphtérie, gonocoque, méningocoque, brucellose, légionellose, salmonellose, Serratia, maladie de Whipple, choléra, syphilis, tuberculose, rickettsioses, maladie de Lyme, M. pneumoniae, rickettsies, actinomyces, nocardia. Parasitaires Protozoaires : Toxoplasmose, trypanosomiases, paludisme. Helminthes : Trichinose, bilharziose, ascaris, hydatidose, paragonimose, cysticercose, toxocarose, filariose, distomatose, anguillulose, oxyurose. Fungiques Candida, cryptocoque, aspergillus, histoplasmose, blastomyces, coccidioides, mucormycoses, sporothrix.
IMMUNOLOGIQUES Allergènes Acétazolamide, amitriptyline, cefaclor, colchicine, furosemide, isoniazid, lidocaïne, méthyl-dopa, pénicilline, phénylbutazone, phénytoïne, réserpine, streptomycine, anatoxine tétanique, tétracycline, thiazidiques. Alloantigènes Rejet de greffe cardiaque. Autoantigènes Maladie de Chagas, Chlamydia pneumoniae, diabète de type I, myocardite à cellules géantes, lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Wegener, périartérite noueuse, maladie de Kawasaki, Churg et Strauss, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie de Whipple, myasthénie grave,, dermatopolymyosite, sarcoïdose, sclérodermie, syndrome de l’intestin irritable, thyrotoxicose. TOXIQUES Médicaments et drogues Amphétamines, antidépresseurs tricycliques, anthracyclines, catécholamines, cocaïne, cyclophosphamide, éthanol, 5FU, hémétine, interleukine 2, quinine, trastuzumab. Métaux lourds Cuivre, fer, plomb, mercure. Agents physiques Choc électrique, hyperthermie, radiations. Poisons Arsenic, azotés, piqûres de guêpe et d’abeilles, monoxyde de carbone, phosphorés, morsures de scorpion, de serpents, d’araignées.
Adapté de Ellis, Cardiology in Review 2007[100] et Feldman, N Engl J Med 2000 [101].
76
ANNEXE N° 3 : CAUSES D’ÉLÉVATION DE LA TROPONINE
DIAGNOSTIC
MÉCANISME
« Ischémie de demande » SIRS/Sepsis Hypotension Hypovolémie Tachycardie supraventriculaire et AC/FA Hypertrophie ventriculaire gauche
Dépression myocardique/déséquilibre offredemande Diminution de la pression de perfusion Diminution de la pression de perfusion Déséquilibre offre-demande Ischémie sous-endocardique
Ischémie myocardique Vasospasme coronarien Hémorragie intracrânienne/crise convulsive Ingestion d’agents sympathomimétiques
Ischémie prolongée avec vasospasme Déséquilibre du système nerveux autonome Effets adrénergiques directs
Lésion myocardique directe Contusion cardiaque Choc électrique externe pour cardioversion Lésions cardiaques infiltratives Chimiothérapie Myocardite Péricardite Transplantation cardiaque
Traumatique Traumatique Compression des myocytes Toxicité cardiaque Inflammatoire Inflammatoire Inflammatoire/immunologique
Contrainte myocardique Insuffisance cardiaque congestive (aiguë et/ou grave) Embolie pulmonaire HTAP ou emphysème Exercice laborieux Insuffisance rénale aiguë ou chronique
Étirement paroi ventriculaire Étirement ventricule droit Étirement ventricule droit Étirement ventriculaire Inconnu
Faux-positifs Anticorps hétérophiles Facteur rhumatoïde Thrombus fibrineux Microparticules Dysfonction de l’analyseur Adapté de Jeremias, Ann Intern Med. 2005[103].
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ANNEXE N° 4: ATTEINTES CARDIAQUES AU COURS DES PROTOZOOSES PARASITOSE Maladie de Chagas (Trypanosomiase américaine) Trypanosoma cruzi
Trypanosomiase africaine
ATTEINTES CARDIAQUES Phase aiguë : Myocardite ± péricardite aiguë Anomalies ECG non spécifiques Hyperparasitisme musculaire. Morbidité par choc cardiogénique sur myocardite fulminante ou trouble du rythme fatal. Phase chronique : Années ou décennies après l’infection. Dysfonction myocardique+++ Réaction inflammatoire due à la présence du parasite dans le myocarde. Divers troubles du rythme à l’origine de lipothymies, de syncopes et de mort subite. Fibrose et cardiomyopathie avec insuffisance cardiaque congestive.
Mexique, Amérique centrale, Amérique du Sud
Myocardite décrite à la phase initiale de la maladie. Possible décès par insuffisance cardiaque congestive ou trouble du rythme aigu.
Afrique (Soudan, Angola, Congo, Ouganda, Côte d’Ivoire, Tchad)
Entamoeba histolytica Toxoplasmose Toxoplasma gondii
Pénétration transcutanée des déjections de réduves au cours de leur repas sanguin. Transfusion sanguine Transplantation d’organe Périnatale. Ingestion de déjections de réduves.
Piqure de glossine (mouche Tsétsé)
T. rhodesiense, brucei, gambiense Amibiase
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE ET MODE DE TRANSMISSION
Péricardite amibienne (complication rare de l’abcès hépatique). (Aucun cas publié depuis plus de 15 ans). Tableaux insidieux avec douleur rétrosternale et insuffisance cardiaque jusqu’à la tamponnade et la perforation péricardique.
Cosmopolite. Pays en voie de développement ++
Chez l’immunodéprimé : VIH, greffe de moelle, syndrome myélodysplasique, leucémies… Myocardite avec infiltrat lymphocytaire et nécrose myocytaire accompagnant le parasite (tachyzoïte) Atteinte concomitante d’autres organes fréquente (SNC, poumon..) Toxoplasmose congénitale : Généralement asymptomatique avec seulement kystes et non tachyzoïtes dans le myocarde. Adulte immunocompétent : Asymptomatique, syndrome mononucléosique.. Possible survenue de myocardite, péricardite ou pancardite avec insuffisance cardiaque aiguë. Myocardite aiguë avec tachyzoïtes, inflammation focale et nécrose myocytaire. Tachyzoïtes parfois retrouvés dans l’épanchement ou les biopsies péricardiques. Épanchement péricardite chronique et péricardite constrictive toxoplasmiques décrits.
Cosmopolite
Féco-orale
Ingestion de viande infectée mal cuite. Féco-orale Transfusion sanguine Périnatale Transplantation
Adapté de Kirchhoff , Front Biosci. 2004 et de Franco-Paredes, Clin Cardiol. 2007[95, 138-141].
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ANNEXE N° 5: ATTEINTES CARDIAQUES AU COURS DES HELMINTHIASES PARASITOSE Cysticercose Taenia solium
Hydatidose Echinococcus granulosus Trichinellose ou trichinose Trichinella spiralis
Toxocarose (Syndrome de larva migrans visceral) Toxocara canis, cati Bilharziose Schistosoma mansoni, hæmatobium, intercalatum, japonicum et mekongi. Anguillulose Strongyloides stercoralis Distomatose
ATTEINTES CARDIAQUES Kystes retrouvés de façon accidentelle dans le cœur : péricarde, myocarde des ventricules droit ou gauche, du septum. La dégénérescence des kystes aboutit à un la formation d’un granulome et d’une fibrose. Conséquences : troubles du rythme et de la conduction.
Cosmopolite. Zones rurales à faible niveau d’hygiène. Rare dans les pays non consommateurs de porc.
Kyste hydatiques cardiaques (myocardique ou péricardique) isolé rarement décrits. Quelques case-reports et petites séries en Grèce et en Italie de patients avec hydatidose cardiaque.
Cosmopolite (zones rurales d’élevage++)
Myocardite aiguë causée par la migration de la larve à travers le myocarde et l’hyperéosinophilie résultante. Péricardite. Anomalies ECG aspécifiques : troubles de la repolarisation, troubles du rythme et de la conduction. Tableau clinique varié : asymptomatique jusqu’à insuffisance cardiaque aiguë, infarctus du myocarde, troubles du rythme. Infiltrat inflammatoire composé de lymphocytes et d’éosinophiles.
Cosmopolite. Rare en France. Pays de l’Est, Amérique du Nord
Myocardite aiguë asymptomatique à insuffisance cardiaque aiguë 10 à 15% des cas de LVM Infiltration éosinophile intense Endocardite pariétale de Loeffler lors d’hyperéosinophilies prolongées.
Cosmopolite
Phase chronique : Cœur pulmonaire chronique sur HTAP ou HTTP. Granulome myocardique bilharzien sur œufs. Endocardite pariétale chronique Phase invasive : myocardite aiguë.
Pénétration transcutanée dans une eau douce souillée.
1 cas de myocardite décrit au décours d’une anguillulose maligne avec défaillance multiviscérale et hyperéosinophilie. 1 cas de larve intramyocardique autopsique
Pays non industrialisés, Antilles.
Fibrose endocardique/cardiomyopatie/myocardite ont été décrites. Origine immuno-allergique au cours de la myocardite.
Cosmopolite (zones d’élevage)
Fasciola hepatica Hétérophyiose Heterophyes heterophyes Opisthorchiase Opisthorchis viverrini et O. felineus Filarioses Oxyurose Enterobius vermicularis
DISTRIBUTION ET TRANSMISSION
Distomatose intestinale, parfois responsable de myocardites
Douve du foie, parfois responsable de myocardite aiguë en cas d’infestation massive.
Ingestion de nourriture contaminée par les œufs de T. solium. (légumes, salade.)
Ingestion d’œufs à partir de chiens infectés.
Consommation de viande mal cuite : domestique : porc, cheval ou gibier : sanglier, ours…
Ingestion d’œufs à partir de chats et chiens infectés.
Afrique, Asie, Amérique du Sud
Pénétration transcutanée.
Consommation de cresson sauvage cru, contaminé par moutons ou vaches Maghreb, Extrême Orient et Pérou Ingestion des poissons d'eau douce crus parasités Europe de l’Est, Sibérie, Asie. Ingestion des poissons d'eau douce crus parasités
Chronique : fibrose endomyocardique à éosinophiles. Myocardites à éosinophiles. Cœur pulmonaire chronique du au poumon éosinophile tropical 1 cas décrit de fibrose endomyocardique attribué à l’hyperéosinophilie d’une oxyurose chronique.
Cosmopolite. Féco-orale interhumaine.
Adapté de Kirchhoff , Front Biosci. 2004 et de Franco-Paredes, Clin Cardiol. 2007.[95, 138-141]
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RÉSUMÉ La bilharziose est une parasitose d’importance majeure à l’échelle mondiale. Sa forme chronique concerne surtout les pays non industrialisés, principalement d’Afrique. La bilharziose invasive survient environ 6 semaines après un contact avec une eau contaminée. Sauf en Asie, elle se rencontre rarement chez les populations autochtones qui subissent une exposition chronique. Elle est surtout décrite chez les voyageurs « occidentaux » en Afrique, et est accompagnée d’une symptomatologie de type allergique, le plus souvent bénigne. Nous décrivons ici deux cas de myocardite aiguë au cours de bilharzioses invasives chez des touristes français au retour du Mali. Si l’un des cas a été révélé par une douleur thoracique et l’autre était asymptomatique, c’est le dosage de la troponine et l’ECG qui ont permis d’orienter le diagnostic. Ces patients ont alors bénéficié d’une prise en charge diagnostique spécifique et un traitement par corticothérapie. La physiopathologie de cette atteinte est probablement immuno-allergique, par le biais d’une toxicité des éosinophiles. L’hyperéosinophilie réactionnelle à la phase invasive de l’helminthiase serait à l’origine d’une myocardite d’hypersensibilité à éosinophiles, rattachable aux cardiopathies des hyperéosinophilies prolongées de la bilharziose chronique : endocardite pariétale fibroblastique de Loëffler et fibrose endomyocardique de Davies. À l’instar de la myocardite aiguë rencontrée au cours d’autres helminthiases comme la trichinellose, un dosage de la troponine et un ECG devraient être réalisés systématiquement en cas de schistosomose aiguë, pour prévenir des complications potentiellement graves d’une myocardite aiguë.
MOTS-CLÉS :
Schistosomose, Myocardite, Éosinophilie, Fibroélastose endocardique, Voyages -- Aspect médical.
Schistosomiasis is a parasitic disease of major importance on a worldwide scale. Its chronic form relates to especially the non-industrialized countries that are mainly in Africa. Acute schistosomiasis occurs approximately 6 weeks after contact with contaminated water. Except in Asia, it is seldom contracted by the local population who undergo a chronic exposure to the disease. It is especially found in travellers from non endemic areas in Africa, and is generally revealed by allergic and usually benign features. We report here two cases of acute myocarditis during acute schistosomiasis in French tourists returning from Mali, West Africa. In both cases, troponin elevation and ECG abnormalities led to the diagnosis. Then, specific myocardial imaging was performed and appropriated management was obtained with admission to the Cardiologic Intensive Care Unit, and corticosteroids treatment. The physiopathologic mechanisms of these severe manifestations probably have an immuno-allergic origin, due to eosinophils toxicity. Hypersensitivity phenomenon during invasive phase of helminthiasis could be the cause of eosinophil-mediated myocarditis and thus, reliable to the known chronic eosinophilic heart diseases induced by chronic schistosomiasis: Loeffler fibroblastic endocarditis and Davies endomyocardial fibrosis. According to the example of acute myocarditis experienced during hypersensitivity myocarditis or acute trichinellosis, troponin measurement and an ECG should be systematically performed in case of acute schistosomiasis. It should prevent potential serious complications such as acute heart failure, acute necrotizing myocarditis and sudden death.
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