révention
en pratique médicale Comment évaluer les troubles musculosquelettiques (TMS) reliés au travail ? • •
L’histoire professionnelle est le meilleur outil pour dépister les TMS et les prévenir Ce questionnaire de dépistage peut vous aider à évaluer tout travailleur : ≈Que faites-vous comme travail? ≈Votre travail nécessite-t-il : Le maintien de postures inconfortables?
L’exécution d’efforts musculaires soutenus?
La répétition des mêmes mouvements? ≈Croyez vous que vos problèmes de santé sont reliés au travail? ≈Vos symptômes sont-ils différents au travail ou à la maison? Les troubles musculosquelettiques (TMS) représentent de 10 à 12 % des raisons de consultation médicale en première ligne. Ils constituent la cause principale d’incapacité dans la population québécoise et 55 % des TMS seraient reliés au travail. Les TMS sont considérés comme reliés au travail lorsque l’environnement de travail et les exigences de la tâche sont, parmi les différents facteurs possibles, ceux qui contribuent de façon prépondérante à la lésion.
Rôle du médecin face au travailleur Le rôle du médecin, face à un travailleur qui consulte pour un TMS, ne concerne pas uniquement les aspects diagnostiques et thérapeutiques mais aussi les aspects préventifs. L’histoire professionnelle est l’élément clé de la démarche clinique d’évaluation. Elle permet de recueillir des informations sur les divers facteurs de risque et d’en apprécier l’importance dans le développement d’un TMS. Elle permet également de savoir si d’autres travailleurs sont exposés aux
mêmes facteurs de risque de façon à situer l’importance d’un problème dans une entreprise. Les connaissances acquises sur les exigences du travail pendant l’évaluation clinique seront également utiles lors du retour au travail afin de prévenir une rechute ou une aggravation d’un TMS. Le médecin doit également être familier avec les différents aspects touchant l’indemnisation, la prise en charge et le suivi des travailleurs qui acheminent une réclamation à la Commission de la santé et sécurité du travail du Québec (CSST).
Démarche d’évaluation médicale et histoire professionnelle La démarche d’évaluation comprend trois étapes principales : 1. Évaluation de l’atteinte musculosquelettique a. Établir le diagnostic b. Documenter le mode d’apparition des symptômes c. Revoir les antécédents médicaux et traumatiques 2. Identification des facteurs de risque professionnels et non professionnels et documentation de l’importance de ces expositions 3. Formulation de l’opinion médicale concernant l’influence des facteurs de risque sur l’atteinte musculosquelettique
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Étapes de la démarche d’évaluation d’un TMS 1. Évaluation de l’atteinte musculosquelettique a. Établir le diagnostic Le diagnostic doit être le plus spécifique possible. Il devrait, à tout le moins, préciser les structures atteintes, le type de tissu, la localisation anatomique (ex : tendinite de la coiffe des rotateurs). Il est préférable d’éviter des termes peu précis (ex. tendinite du bras) ou se référant au mécanisme lésionnel (ex. lésions attribuables au travail répétitif). b. Documenter le mode d’apparition des symptômes La documentation des circonstances entourant le début des symptômes (subit ou progressif) et l’appréciation des divers facteurs qui déclenchent, accentuent ou soulagent la symptomatologie sont des éléments clés à considérer. Les TMS liés à une hypersollicitation s’installent habituellement de façon progressive. Il faut porter une attention particulière aux impacts fonctionnels pouvant découler d’un TMS aussi bien dans les activités professionnelles que dans celles de la vie courante. Ces informations permettent d’apprécier la sévérité d’une atteinte et d’établir des éléments de comparaison dans le suivi du patient. c. Revoir les antécédents médicaux et traumatiques La nature multifactorielle des TMS impose de considérer les antécédents traumatiques, les maladies systémiques et certains troubles inflammatoires ou métaboliques ayant pu contribuer à leur développement. Toutefois, la présence de conditions de santé particulières n’exclut pas une relation avec les activités de travail mais risque d’augmenter la vulnérabilité des structures musculosquelettiques lorsqu’elles sont soumises à des sollicitations.
2. Identifier les facteurs de risque et documenter l’importance de l’exposition. L’identification des activités sollicitantes, aussi bien récréatives que professionnelles, devrait être faite pour tout travailleur qui consulte pour un TMS. a. Activités hors travail Les activités sportives, récréatives ou domestiques peuvent être impliquées dans l’apparition d’un TMS. Il importe donc de documenter l’intensité de la pratique de ces activités et de s’informer si elles sont accompagnées d’une symptomatologie spécifique. b. Activités de travail Les facteurs de risque correspondent à des conditions associées aux exigences de la tâche et du milieu de travail. Ils peuvent être directement responsables de l’apparition d’un TMS ou agir comme éléments déclencheurs. Le risque de développer un TMS augmente en fonction du nombre et de l’intensité des facteurs de risque ainsi que de la durée de l’exposition. (Tableau 1)
Tableau 1 Principaux facteurs de risque professionnels associés aux TMS Facteurs biomécaniques • force / effort • posture • répétitivité • temps de récupération Facteurs physiques • vibrations • pressions locales • chocs / impacts Facteur thermique • froid
Facteurs organisationnels • répartition du temps de travail • modes d’exécution du travail • cadence de production • modes de rémunération Facteurs psychosociaux • perception de stress élevé ou de surcharge • rythme de travail rapide • exigences de production élevées • travail monotone • manque de soutien au travail • faible satisfaction au travail
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Étapes de la démarche d’évaluation d’un TMS 3. Formulation de l’opinion médicale concernant l’influence des facteurs de risque sur l’atteinte musculosquelettique La formulation d’une opinion médicale sur les facteurs étiologiques devrait faire partie de l’évaluation d’un travailleur qui consulte pour un TMS pouvant être relié au travail. Elle vise à cerner la contribution du travail dans le développement ou l’aggravation d’un TMS, et non à déterminer l’admissibilité à un système d’indemnisation. La formulation de l’opinion doit être basée sur l’histoire professionnelle, la documentation de la symptomatologie et l’identification des différents facteurs de risque. Étant donné la nature multifactorielle des TMS, la formulation d’une opinion sur l’association entre un TMS et le travail doit s’exprimer davantage en termes de probabilité plutôt que de certitude.
Histoire professionnelle Le titre d’emploi est habituellement peu représentatif du travail effectué et des risques auxquels le travailleur est exposé. Il importe donc de questionner davantage le travailleur sur ses tâches, les outils qu’il utilise et les postures qu’il adopte pour faire son travail. On peut lui demander, de mimer au besoin, les gestes qu’il fait. Même si l’évaluation des risques faite lors de la consultation clinique est de nature qualitative et subjective, elle permet, dans bien des cas, de recueillir suffisamment d’informations pour que le médecin puisse se faire une bonne représentation du niveau de sollicitation subi par les structures atteintes.
Approche thérapeutique et prise en charge L’approche thérapeutique d’un travailleur atteint d’un TMS vise la reprise des activités socioprofessionnelles le plus précocement possible et ce, dans les meilleures conditions. De façon générale, la pierre angulaire du traitement repose sur le contrôle de la douleur et la diminution des sollicitations tant au niveau professionnel que personnel. La récupération de la fonction doit se faire en trois étapes : • la restauration de la flexibilité • le renforcement progressif des structures • l’amélioration de l’endurance. Dans certains cas, l’apparition d’un syndrome douloureux viendra affecter la prise en charge. Une telle évolution peut empêcher une reprise précoce du travail et conduire à une stratégie individuelle d’évitement (fear avoidance). Ce type de comportement se caractérise par une stratégie d’anticipation face à toute situation physique et psychologique qui pourrait provoquer une douleur. La reconnaissance précoce de ce phénomène est essentielle dans la prise en charge d’un travailleur présentant un syndrome douloureux.
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Réintégration au travail et limitations fonctionnelles La réintégration peut nécessiter une évaluation des contraintes professionnelles afin de s’assurer que les exigences de la tâche correspondent aux capacités du travailleur. Dans certains cas, il peut être nécessaire de suggérer certaines modifications au poste de travail ou des modalités favorisant une réintégration progressive au travail.
direction d’une entreprise, doivent être claires et concises et ne pas faire référence au diagnostic ou à toute autre information médicale. Elles doivent tenir compte, selon le cas, des limites de charge à soulever, des amplitudes articulaires à ne pas dépasser, de la fréquence des mouvements ou de la durée maximale du maintien d’une posture.
Lorsque des limitations fonctionnelles sont émises, il importe qu’elles correspondent aux incapacités spécifiques du travailleur. Les recommandations transmises à la
Les recommandations générales et imprécises, du type « peut faire un travail léger » sont une source de confusion et doivent être évitées.
Ressources : Réseau publique des services de santé au travail Médecins responsables en santé au travail 1. CSSS d’Ahuntsic et Montréal-Nord ( anciennement CLSC Montréal-Nord) 75, rue de Port-Royal Est, bureau 430 Montréal, (Québec) H3L 3T1 Tél:514- 858-2471 FAX: 858-6568 2. CSSS Jeanne-Mance (anciennement CLSC des Faubourgs) 2260, rue Parthenais Montréal, (Québec) H2K 3T5 Tél: 514-527-4072 FAX: 527-9770
Approche préventive lors de l’évaluation d’un travailleur L’évaluation d’un travailleur consultant pour un TMS constitue une excellente occasion pour un médecin de s’interroger sur l’ampleur du problème dans une entreprise et de suggérer la mise en place de programmes de prévention. Ces programmes ont pour but la diminution du niveau de risque, la surveillance et le dépistage des travailleurs symptomatiques avant qu’ils ne développent une lésion sur le plan clinique.
Références : http://www.santepub-mtl.qc.ca/ mdprevention/index.html
révention
en pratique médicale Un bulletin de la Direction de santé publique de Montréal publié avec la collaboration de l’ Association des médecins omnipraticiens de Montréal dans le cadre du programme Prévention en pratique médicale, Volet Information.
3. CSSS de la Montagne (anciennement CLSC Côte-des-Neiges) 5700 chemin de la Côte-des-Neiges Montréal, (Québec) H3T 2A8 Tél: 514-731-1386 FAX: 739-8132 4. CSSS de l’Ouest-de-l’île ( anciennement CLSC Lac Saint-Louis) 180 avenue Cartier Pointe-Claire, (Québec) H9S 4S1 Tél: 514- 697-4111 FAX: 697 0647 5. CSSS de la Pointe-de-l’île ( anciennement CLSC Pointe-aux-Trembles / Montréal Est) 13,926 rue Notre-Dame Est Montréal, (Québec) H1A 1T5 Tél:514- 642-2121 FAX: 642-1684 Clinique en santé au travail Clinique interuniversitaire de santé au travail et de santé environnementale 3650 rue St-Urbain Montréal H2X 2P4 Tél : 514 934-1934 poste 32622
Ce numéro est une réalisation du secteur Services préventifs en milieux cliniques Auteurs : Dr Louis Patry, Dre Martine Baillargeon Responsable du secteur : Dr Jacques Durocher Édition : Élisabeth Pérès Infographie : Javier Valdés 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) H2L 1M3 Téléphone : (514) 528-2400 http://www.santepub-mtl.qc.ca courriel:
[email protected] ISSN (version imprimée) : 1481-3734 ISSN (version en ligne) : 1712-2937 Dépôt légal Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2006 Bibliothèque et Archives du Canada, 2006 Numéro de convention : 40005583
Association des Médecins Omnipraticiens de Montréal
Internet • Institut National de recherche et de sécurité (INRS France) http://www.inrs.fr/htm/les_troubles_musculosquelettiques_tms_membre.html • National Institut of Occupational and Safety Health (NIOSH) http://www.cdc.gov/niosh/topics/ergonomics/
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Prévention en pratique médicale, Septembre 2006
Troubles musculosquelettiques
révention en pratique médicale
L’histoire professionnelle d’un travailleur peut se faire en deux étapes, à l’aide : • d’un questionnaire de dépistage pour évaluer tout travailleur qui consulte pour un TMS; • d’un questionnaire détaillé lorsqu’il y a suspicion d’un TMS associé au travail. Ce questionnaire peut être complété, en grande partie, par le travailleur lui-même.
Questionnaire de dépistage • •
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Que faites-vous comme travail? Votre travail nécessite-t-il : - Le maintien de postures inconfortables? - L’exécution d’efforts musculaires soutenus? - La répétition des mêmes mouvements? Croyez vous que vos problèmes de santé sont reliés au travail? Vos symptômes sont-ils différents au travail ou à la maison?
Questionnaire détaillé 1. Emploi actuel ou le plus récent • Quel est votre emploi actuel? __________________________________________________________ • Dans quel type d’entreprise? ___________________________________________________________ • Depuis combien de temps faites-vous ce travail? _ _________________________________________ • Nombre de jours / semaine?____________________________________________________________ • Quels sont vos principaux outils de travail ? ______________________________________________ • Quelle est votre principale posture de travail ? ____________________________________________ • Devez-vous maintenir une posture : ____________________________________________________ ° avec la tête ou le dos incliné? _______________________________________________________ ° avec les bras ou les mains loin du corps? _ ____________________________________________ • Manipulez-vous des objets ou outils au-dessus de vos épaules ou loin du corps? ________________ • Effectuez-vous des mouvements répétés avec les bras ou les mains? ___________________________ ° en connaissez-vous la fréquence? _ __________________________________________________ • Manipulez-vous des charges? __________________________________________________________ ° en connaissez-vous le poids? _______________________________________________________ ° combien d’heures par jour? ________________________________________________________ • Indiquez, parmi les tâches que vous faites, celles que vous trouvez les plus difficiles :_ ___________ ___________________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________________ • Y a-t-il eu des changements récemment dans votre travail (poste, tâche, outils)? ________________ • Utilisez-vous des outils vibrants ou à percussion? _________________________________________ • Travaillez-vous en ambiance froide? _ ___________________________________________________ • Travaillez-vous sous contrainte de temps? ________________________________________________ • Avez-vous des quotas de production? _ __________________________________________________ 2. Emplois antérieurs (s’il y a lieu) • Énumérez vos emplois antérieurs en commençant par le plus récent :_ ________________________ ___________________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________________ ___________________________________________________________________________________
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